TD3 Cannabis
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Dysfonctionnements cognitifs – L2 –M. Gauché -TD3 TD 3 semestre 1 Document étudiant CANNABIS OBJECTIFS : 1. Rappeler des notions de psychologie cognitive 1ère année et les lier à la consommation de cannabis. 2. Apprivoiser la littérature scientifique Etude de l’article de Gandolphe (2011) Consignes : Lire le texte (30 minutes) et répondre aux questions suivantes : 1. Qu’est-ce que la mémoire autobiographique ? Quel autre nom peut-on lui donné ? 2. Quels sont les mesures effectuées dans cette recherche ? 3. Quels sont les résultats des chercheurs ? Que peut-on conclure concernant l’impact de la consommation de cannabis sur le fonctionnement cognitif ? Page 1 sur 10 L’Encéphale (2011) 37, 144—152 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP PSYCHOPATHOLOGIE Stratégies de surgénéralisation des souvenirs autobiographiques chez les consommateurs de cannabis et les polyconsommateurs de substances psychoactives Overgeneralization of autobiographical memory strategies in cannabis users and multiple psychoactive substance consumers M.-C. Gandolphe , J.-L. Nandrino ∗ Département de psychologie, EA 1059, équipe famille, santé & émotions (FASE), université Lille—Nord-de-France, UPRES URECA, BP 60149, 59653 Villeneuve d’Ascq cedex, France Reçu le 9 septembre 2009 ; accepté le 8 avril 2010 Disponible sur Internet le 14 août 2010 MOTS CLÉS Mémoire autobiographique ; Dépendance ; Cannabis ; Addiction ∗ Résumé Des perturbations cognitives sont observées chez les consommateurs de substances psychoactives, en particulier au niveau des processus attentionnels et des fonctions exécutives mais aussi de la mémoire. Le but de cette recherche est d’étudier chez ces patients l’organisation de leurs souvenirs autobiographiques. On cherche à vérifier s’ils utilisent un mode de récupération général de leurs souvenirs autobiographiques, et si ce phénomène s’amplifie en fonction de l’importance de la consommation. Cinquante et un consommateurs de cannabis ont participé à cette étude, dont un groupe de consommateurs occasionnels, un groupe d’individus présentant des conduites d’abus et un groupe d’individus dépendants. Ils ont été comparés à un groupe de 18 sujets dépendants polyconsommateurs et un groupe de 38 participants témoins. L’ensemble des participants a répondu au test de mémoire autobiographique de Williams et Scott (1988) [39], après une évaluation clinique concernant leur consommation, leur niveau de dépression, d’anxiété, d’alexithymie et la mémoire épisodique. Les résultats montrent une augmentation du nombre de souvenirs autobiographiques à la fois pour les souvenirs positifs et négatifs. Cette surgénéralisation s’amplifie à mesure que la consommation s’approche d’un comportement de dépendance, alors qu’aucun déficit majeur de la mémoire épisodique n’est observé. Les patients dépendants au cannabis surgénéralisent autant leurs souvenirs que les polyconsommateurs. © L’Encéphale, Paris, 2010. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J.-L. Nandrino). 0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2010. doi:10.1016/j.encep.2010.06.004 Mémoire autobiographique et consommation de cannabis KEYWORDS Autobiographical memory; Dependence; Cannabis; Addiction 145 Summary Objectives. — Psychoactive substance consumption induces cognitive impairments in terms of episodic memory and attentional and executive function deficits. This study aims to investigate whether the recall of autobiographical memories is disturbed in substance consumers, and in particular whether those patients tend to evoke memories at a general level rather than at a specific level when confronted by an emotional cue word. Furthermore, we aim to verify whether adopting a more general memory retrieving style is a dynamic phenomenon and if it depends on the type of substance consumed. Design and methods. — The participants of this research were 51 cannabis users, including 17 occasional cannabis users, 17 cannabis abusers and 17 individuals addicted to cannabis. They were compared to 18 multiple substance-dependent individuals and to 38 nondependent individuals. Participants were subjected to the Williams and Scott (1988) [39] autobiographical memory test. After an assessment of the mode of substance consumption, several clinical dimensions were measured, such as depression (BDI), anxiety (STAI Y A and B), alexithymia (TAS 20) and episodic memory (RLS-15). Results. — The results show that the percentage of general positive and negative memories recalled increases progressively as the consumption takes on the characteristics of addictive behavior, while we observe no deficit in episodic memory. The level of alexithymia evolved in parallel with the percentage of general memories. These results are not dependent on the type of substance used and can not be explained by the level of depression. Conclusions. — Overgeneralization is a phenomenon observable in psychoactive substance consumers, whatever the type of substances used, which sets in progressively as the dependence develops. Our results show that overgeneralization is not only due to an impairment of mnesic abilities, implying that this phenomenon could be underlined by several mechanisms. The role of overgeneralization as a functional avoidance established in attempt to protect individuals from emotion resurgence is discussed. Furthermore, the impact of deficits in executive functions on the recall of autobiographical memories in substance abusers has not been studied and would be an interesting path of research. © L’Encéphale, Paris, 2010. Introduction Chez les consommateurs de substances psychoactives, de nombreuses recherches ont mis en évidence des troubles cognitifs, et en particulier l’effet délétère de ces substances sur l’attention, la mémoire et les fonctions exécutives [23]. Pope et Yurgelun-Todd [29] ont montré une faible flexibilité mentale, une augmentation de la persévération, un déficit de l’apprentissage et des capacités à maintenir et suspendre l’attention chez les consommateurs de cannabis, dénotant une perturbation du fonctionnement des systèmes attentionnels et exécutifs. Une baisse des activités cérébrales dans les régions impliquées dans l’encodage de souvenirs [5], ainsi que dans les processus attentionnels [26,27], a été relevée chez les consommateurs de cannabis. De même, lors d’une tâche de Stroop modifiée, une hypoactivité cérébrale est observée chez les consommateurs de cannabis en comparaison avec des individus non consommateurs, alors qu’aucune différence de performance n’a été relevée à cette tâche. Ces résultats suggèrent une altération de l’activité cérébrale des régions normalement impliquées dans les fonctions exécutives qui serait compensée par la sollicitation de régions cérébrales annexes chez les consommateurs de cannabis [20]. Par ailleurs, on a également pu observer des troubles de la mémoire [4,19,20]. En particulier, Solowij et al. [35] ont montré que la consommation de cannabis engendre des déficits au niveau mnésique et atten- tionnel durant la période de consommation mais surtout que l’importance des déficits serait lié au nombre d’années de prise de produit [36]. Ces perturbations du système attentionnel, mnésique et des fonctions exécutives s’observent suite à une consommation récente de produits (moins de 24 heures après la première prise) [27], mais également à plus long terme [12,30]. Bolla et al. [6] ont d’ailleurs mis en évidence chez des individus abstinents depuis 28 jours, que plus la consommation de cannabis hebdomadaire est importante, plus les performances à des tâches mesurant les fonctions exécutives et la mémoire sont faibles. D’une façon générale, ces déficits cognitifs sont également remarquables chez des consommateurs d’autres substances, telles que les amphétamines, l’ecstasy (MDMA), la cocaïne et de façon moindre, l’héroïne [23]. Parmi les perturbations mnésiques, des troubles de la mémoire autobiographique sont observés chez les consommateurs de substances. Eiber et al. [11] ont montré une pauvreté des souvenirs autobiographiques chez les individus dépendants à l’héroïne. La mémoire autobiographique, qui correspond à la mémoire de l’histoire personnelle, permet le rappel des événements de la vie antérieure et joue un rôle majeur dans l’élaboration du sentiment d’identité [28]. La récupération des souvenirs autobiographiques est générée par deux processus différents amenant à une récupération directe 146 ou indirecte [8]. Lors de la récupération directe, le souvenir autobiographique est activé spontanément suite à un indice interne ou environnemental. Ce processus est rapide et sollicite peu de ressources exécutives centrales. Il permet d’induire la récupération de souvenirs plutôt spécifiques, c’est-à-dire situés précisément dans le temps et l’espace. De plus, lors de la récupération directe, l’information émotionnelle associée à l’événement passé est aussi réactivée [8]. Lors de la récupération indirecte, l’événement personnel du passé est reconstruit volontairement par l’individu. Ce mode de récupération fait appel à un processus top-down débutant par la récupération d’un souvenir général, progressivement spécifié [34]. Ce processus est donc attentionnel et plus lent que la récupération directe. Le fait d’interrompre la reconstruction du souvenir durant le processus de récupération indirecte alors que seule une information vague a été atteinte aboutit à un processus particulier que l’on désigne par surgénéralisation. Ce phénomène serait sous-tendu par trois mécanismes, exposés par Williams et al. [40] dans le modèle caR-FA-X. L’évitement fonctionnel La reconstruction d’un souvenir encodé dans le système de mémoire épisodique génère également la récupération de l’affect associé à l’événement passé. Lorsque le souvenir s’avère être fortement chargé affectivement, la surgénéralisation correspond alors à un processus d’évitement fonctionnel en ce sens qu’il permet de réduire la survenue de l’émotion car la spécification du souvenir est stoppée avant sa résurgence [8]. La généralisation des souvenirs autobiographiques est renforcée à court terme en évitant l’affect négatif et peut être considérée comme une stratégie d’évitement cognitif [18]. L’effet de capture de la récupération liée à la rumination Chez les individus ayant une tendance à la rumination, et notamment les patients dépressifs, les informations relatives à la représentation de soi sont saillantes et vont être fortement activées lors de la présentation d’un mot cible émotionnel. Au lieu d’avoir un effet facilitateur dans la récupération, cette grande accessibilité des informations liées à soi risque au contraire d’empêcher la progression du processus de spécification du souvenir, par un effet de « capture », aboutissant à un phénomène de surgénéralisation [40]. Le déficit des fonctions exécutives La récupération indirecte est un processus lent qui requiert des ressources exécutives [8]. Un déficit des fonctions exécutives est lié à une plus grande distractibilité, menant à des perturbations dans la capacité à inhiber les informations non pertinentes durant le processus de spécification. La surgénéralisation découlerait donc également de la difficulté de l’individu à écarter certaines informations parasites, favorisant l’effet de « capture » énoncé ci-dessus [40]. M.-C. Gandolphe, J.-L. Nandrino Ainsi, le phénomène de surgénéralisation a été mis en évidence pour les souvenirs autobiographiques négatifs chez des patients présentant un trouble dépressif majeur [25,31,40], chez des patients souffrant de troubles anxieux aigus ou de stress post-traumatique [9,10]. Cependant, peu d’études ont évalué ce phénomène chez les patients présentant une problématique addictive, à l’exception de quelques travaux portant sur les trouble des conduites alimentaires [24,20] et une étude chez les patients alcooliques [1]. Au vu de ces premiers constats concernant la surgénéralisation chez les individus dépendants à une substance, et aux troubles de la mémoire autobiographique chez ces patients, cette étude s’intéresse aux perturbations de la mémoire autobiographique chez les consommateurs de substances. Le but de cette étude est donc d’évaluer la mémoire autobiographique chez des consommateurs de cannabis en comparaison à des polyconsommateurs dépendants aux opiacés afin de vérifier l’existence d’un biais de surgénéralisation et de tester si celui-ci varie en fonction de la substance consommée. Par ailleurs, nous cherchons à déterminer si le phénomène de surgénéralisation dépend de l’intensité de la consommation, c’est-à-dire s’il est davantage observable chez des individus dépendants, que chez des individus présentant un abus ou une consommation occasionnelle. Méthode Participants Soixante-neuf individus, consommateurs de substances psychoactives âgés de 16 à 35 ans, ont accepté de participer à l’étude, ainsi que 38 individus non consommateurs. Ils sont tous volontaires et ont signé une lettre de consentement. Parmi les usagers de substances, 51 consommateurs de cannabis et 18 polyconsommateurs de substances ont été répartis dans quatre groupes selon leur niveau de dépendance. Leur appartenance aux différents groupes a été établie selon les critères de dépendance de Goodman [16]. Un groupe (G2) est composé de 17 consommateurs occasionnels à réguliers de cannabis, dont 16 hommes et une femme, âgés en moyenne de 21,8 ans (± 2,7). Leur fréquence de consommation varie entre une à cinq fois par semaine et leur usage de cannabis n’est pas quotidienne. Le nombre moyen de prise de cannabis par mois est de 18,5 (± 14,3). Un autre groupe (G3) est constitué de 17 patients présentant une consommation abusive de cannabis, dont 16 hommes et une femme, âgés en moyenne de 22 ans (± 3). Leur fréquence de consommation est d’une vingtaine de fois par semaine minimum et leur nombre moyen de prise de cannabis par mois est de 154,5 (± 94,4). Dix-sept patients dépendants au produit, dont 15 hommes et 2 femmes, constituent un dernier groupe de consommateurs dépendants au cannabis (G4). Ils sont âgés en moyenne de 21,2 ans (± 3,1). Ils ont une consommation quotidienne, dont la fréquence par mois est de 362,9 (± 121,3), et remplissent l’ensemble des six critères de Goodman. Rencontrés dans le cadre d’une consultation cannabis, les patients étaient accompagnés par un psychologue qui excluait de l’étude les patients ayant des antécédents récents d’un autre trouble Mémoire autobiographique et consommation de cannabis addictif (dépendance à une autre substance, troubles alimentaires). Les participants ne présentaient aucun signe d’un trouble psychiatrique, ni de déficit intellectuel. Les 18 individus polyconsommateurs (G5) sont constitués de 15 hommes et de trois femmes, âgés en moyenne de 25,6 ans (± 4,5). Ils répondent aux six critères de dépendance de Goodman [16] et sont des consommateurs actifs, rencontrés au début de leur prise en charge ou les premiers jours de leur hospitalisation dans un centre de traitement des dépendances. L’ensemble de ces patients présentent une dépendance aux opiacés et consomment pour la plupart d’autres substances psychoactives en parallèle. Des analyses d’urines ont permis de vérifier leur consommation active. Les patients présentant des antécédents de troubles alimentaires, des signes d’un trouble psychiatrique ou d’un déficit intellectuel ont été écartés de l’étude. Enfin, un groupe de 38 individus non consommateurs de substances psychoactives, hormis une consommation occasionnelle d’alcool ou de tabac pour certains, constitue le groupe témoin (G1). Ce groupe est composé de 33 hommes et de cinq femmes dont l’âge moyen est de 22,8 ans (± 3,7). Aucun de ces participants n’a d’antécédents addictifs, ni ne présente de signe d’un trouble psychiatrique ou de déficit intellectuel. Les participants du groupe témoin ont été recrutés à l’université de Lille 3. Les participants des cinq groupes ont été appariés au niveau de l’âge et du sexe. Aucun des participants n’était sous neuroleptique ou sous antidépresseur au moment des évaluations. Patients et évaluations cliniques Évaluation de la consommation Le niveau de consommation et de dépendance des participants a été établi selon les critères de Goodman [16]. De plus, des analyses d’urine effectuées uniquement chez les individus polyconsommateurs ont précisé la nature et la quantité approximative des produits consommés. Évaluations cliniques Après avoir évalué la consommation des participants, plusieurs dimensions cliniques ont été mesurées. Le niveau de dépression a été évalué avec l’inventaire de dépression de Beck : BDI [3] ; traduction et validation française [14]), le niveau d’anxiété avec la State Trait Anxiety Inventory (STAI Y)-A (pour l’anxiété état) et la STAI Y-B (pour l’anxiété trait) [37] ; traduction et validation française [15]) et le niveau d’alexithymie avec la Toronto Alexithymia Scale à 20 items (TAS 20) [2] ; traduction et validation française [21,22]). La performance en mémoire épisodique des participants a été évaluée par un test de rappel libre à 15 items avec remémoration sélective (RLS-15) [33] pour contrôler la présence d’un déficit mnésique chez les participants. Ce test permet de vérifier les perturbations de la mémoire à court terme et du rappel différé. Il se présente sous la forme d’une liste de 15 mots que l’expérimentateur lit au participant. Ce dernier doit ensuite rappeler autant de mots de la liste que possible dans l’ordre dans lequel ils lui viennent à l’esprit. Cette procédure est répétée jusqu’à temps que le participant soit capable de rappeler la liste complète. Le nombre d’essais est compta- 147 bilisé, ainsi que le nombre moyen de mots rappelés par essai (celui-ci est calculé en additionnant le nombre de mots rappelés à chaque essai et en divisant ce score par le nombre d’essais). Une heure après ce premier exercice, les mots sont présentés à nouveau et le participant a un essai pour rappeler le maximum de mots possible. Le nombre de mots récupérés en rappel différé est alors comptabilisé. L’évaluation de la mémoire autobiographique a été effectuée par le test de mémoire autobiographique de Williams et Scott [39], validation et traduction française [29]). Ce test se présente sous la forme d’une liste de 20 mots cibles à valence positive ou négative qui se succèdent alternativement. L’expérimentateur lit les mots à haute voix et demande au participant d’associer à chacun des mots cibles, un souvenir spécifique du passé. Les participants répondent alors soit par un souvenir spécifique, comme demandé dans la consigne, soit par un souvenir général, ou bien ils peuvent ne pas donner de réponse si aucun souvenir ne leur vient à l’esprit. Aucun temps limite de réponse n’a été donné aux participants. Selon le modèle intégratif de Conway [7], les souvenirs spécifiques sont des souvenirs localisés dans le temps et l’espace. Par exemple, au mot cible « heureux », un souvenir spécifique possible serait « le jour de mes 18 ans ». À l’inverse, les souvenirs généraux sont des souvenirs vagues, répétitifs ou faisant référence à une classe d’événement. Par exemple, au mot cible « heureux », un souvenir général possible serait « lors les dernières vacances ». Nous avons calculé le pourcentage de réponses générales par la formule ci-dessous : Nombre de réponses générales Nombre de réponses générales + Nombre de réponses spécifique × 100 Le pourcentage de souvenirs généraux nous a permis de déduire celui des souvenirs spécifiques. Le nombre moyen des non-réponses de chaque participant a également été étudié. Procédure La recherche est présentée aux participants comme une étude sur la mémoire. Les participants sont informés du caractère anonyme et confidentiel de l’étude. Chaque patient est libre de refuser de participer. Chaque participant signe un consentement éclairé. L’étude commence par l’épreuve de rappel à court terme du RLS-15 et par les auto-évaluations : la TAS 20, le BDI et la STAI Y-A et B. Le test de mémoire autobiographique leur est ensuite soumis avant de terminer la passation par l’épreuve de rappel différé du RLS-15. Analyses statistiques Au vu de l’homogénéité des variances entre les cinq groupes et de l’effectif de nos cinq groupes, nous avons utilisé des tests statistiques paramétriques. 148 Nous avons réalisé une analyse de variance (Anova) afin de mesurer l’effet principal du type de consommation sur les résultats aux tests préliminaires (RLS-15, STAI Y, TAS 20 et BDI). Puis, nous avons utilisé le test de Bonferroni pour les comparaisons deux à deux. Concernant le test de mémoire autobiographique, l’effet possible du niveau de dépression des patients sur leur rappel autobiographique [40] a été pris en considération en procédant à une analyse de covariance (Ancova) (en dépit de certaines limites induites par cette méthode de traitement). Après nous être assurés de l’homogénéité des pentes, des comparaisons par paires (test de Bonferroni) ont été réalisées. Résultats M.-C. Gandolphe, J.-L. Nandrino tant une addiction ont le même nombre moyen d’essais. Néanmoins, les polyconsommateurs ne manifestent pas non plus de différence de score avec les individus ayant une consommation abusive et occasionnelle de cannabis, alors que les patients dépendants au cannabis ont un nombre moyen d’essais supérieur aux consommateurs occasionnels. Pour le nombre de mots rappelés en différé, aucune différence significative n’est observée entre les groupes, sauf pour les polyconsommateurs. Ces derniers ont un nombre de mots rappelés en différé inférieurs aux individus témoins, aux consommateurs occasionnels. En revanche, il n’y a pas de différence significative remarquable entre les polyconsommateurs et les patients présentant un abus ou dépendants au cannabis. Résultats aux tests cliniques préliminaires Résultats au test de mémoire autobiographique Effet principal de la consommation sur les résultats aux tests cliniques préliminaires Les résultats de l’Anova montrent qu’il y a un effet principal du type de consommation sur le niveau d’anxiété état (F(4,102) = 11,2 ; p < 0,001), d’anxiété trait (F(4,102) = 19 ; p < 0,001), de dépression (F(4,102) = 36,7 ; p < 0,001) et d’alexithymie (F(4,102) = 7,2 ; < 0,001) (Tableau 1). Il existe également un effet principal du type de consommation sur les différents paramètres du test de mémoire épisodique : nombre moyen de mots rappelés (F(4,102) = 2,5 ; p < 0,05), nombre moyen d’essais (F(4,102) = 8,2 ; p < 0,001) et nombre de mots rappelés en différé (F(4,102) = 4,9 ; p < 0,01). Homogénéité des pentes Pour les souvenirs autobiographiques généraux, les pentes peuvent être considérées comme homogènes (F(4, 97) = 0,48 ; p = 0,75), de même pour les souvenirs généraux positifs (F(4, 97) = 2,25, p = 0,07) et pour les souvenirs généraux négatifs (F(4, 97) = 1,2 ; p = 0,32). L’homogénéité des pentes n’est pas rejetée. Comparaisons par paire des résultats aux évaluations cliniques préliminaires Concernant l’ensemble des tests cliniques préliminaires, les résultats montrent que les scores des individus témoins, des consommateurs occasionnels de cannabis et des individus ayant une consommation abusive de cannabis ne sont pas différents mais qu’ils se distinguent en revanche des patients dépendants au cannabis et des patients polyconsommateurs (pour les scores de dépression, d’anxiété état et d’alexithymie). Cependant aucune différence entre le groupe de patients présentant un abus et le groupe de patients dépendants au cannabis n’est observée pour les tests d’anxiété trait et d’alexithymie. De plus, au niveau des deux groupes de patients dépendants (au cannabis et polyconsommateurs), il n’y a aucune différence significative entre les deux groupes de patients dépendants pour les tests d’anxiété état et d’alexithymie. Cependant, pour les tests d’anxiété trait et de dépression, les polyconsommateurs ont des scores supérieurs aux patients dépendants au cannabis. Au niveau de la mémoire épisodique, l’ensemble des participants a globalement rappelé le même nombre moyen de mots en rappel immédiat aux différents essais, sauf les polyconsommateurs dont le score est inférieur aux consommateurs occasionnels. Le nombre moyen d’essais au test de rappel immédiat ne diffère pas pour les individus témoins, les consommateurs occasionnels et les patients présentant un abus. En revanche, il est plus important pour les individus dépendants au cannabis et pour les polyconsommateurs que pour les individus témoins. Ces deux groupes de patients présen- Effet principal de la consommation sur les résultats au test de mémoire autobiographique L’Ancova révèle un effet du type de consommation sur le pourcentage de souvenirs autobiographiques rappelés (F(4, 101) = 25,6 ; p < 0,001), quelle que soit leur valence émotionnelle (positifs : F(4, 101) = 19,3 ; p < 0,001 ; négatifs : F(4,101) = 13,7 ; p< 0,001). Les résultats montrent également un effet du type de consommation sur le nombre de nonréponses (F (4, 101) = 4,7 ; p < 0,01) (Fig. 1). Comparaisons par paire des résultats au test de mémoire autobiographique Concernant les souvenirs autobiographiques quelle que soit leur valence émotionnelle, les résultats montrent que les individus témoins ont un pourcentage de souvenirs généraux rappelés plus faible que les autres groupes. Les consommateurs occasionnels de cannabis ne diffèrent pas à la fois des individus témoins et des individus présentant un abus, alors que ces deux groupes sont significativement différents. Malgré un pourcentage de souvenirs généraux plus élevé pour les patients présentant un abus que pour les individus témoins, ces derniers rappèlent significativement moins de souvenirs généraux que les patients dépendants au cannabis et les polyconsommateurs. Ces deux groupes de patients dépendants ne présentent aucune différence significative concernant leur pourcentage de souvenirs généraux autobiographiques rappelés (Fig. 1). Si l’on distingue les souvenirs autobiographiques négatifs et positifs, l’évolution du pourcentage de souvenirs généraux négatifs est la même que pour le pourcentage de souvenirs généraux toute valence émotionnelle confondue : le pourcentage de souvenirs négatifs rappelés est le même pour le groupe témoin et le groupe de consommateurs occasionnels et il augmente en fonction de l’importance de la consommation. G1 STAI Y A STAI Y B BDI TAS 20 Nombre moyen de mots rappelés en rappel immédiat Nombre moyens d’essais Nombre moyen de mots rappelés en rappel différé % souvenirs généraux % souvenirs généraux négatifs % souvenirs généraux positifs Nombre de non-réponse 33,3 34,8 2,3 45,1 10,5 G2 (± 7) (± 6,8) (± 2,2) (± 10,8) (± 0,9) 36,7 39,2 2,2 45,3 10,9 G3 (± 9,9) (± 6,1) (± 1,8) (± 8) (± 0,8) 36,2 39 4,2 47,2 10,8 G4 (± 11,3) (± 8) (± 2,4) (± 8,5) (± 1,1) 46,5 45,8 7,8 55,4 10,5 G5 (± 13,2) (± 10,5) (± 4,4) (± 8,5) (± 1,1) 49,6 54,9 12,3 56,9 9,9 (± 10,5) (± 11,3) (± 4,8) (± 10,6) (± 1,2) G1 vs G2 G1 vs G3 G1 vs G4 G1 vs G5 G2 vs G3 G2 vs G4 G2 vs G5 G3 vs G4 G3 vs G5 G4 vs G5 P=1 P= 0,80 P=1 P=1 P=1 P = 1 P = 0,89 P = 0,52 P = 1 P = 1 P < 0,001 P < 0,001 P < 0,001 P < 0,005 P = 1 P < 0,001 P < 0,001 P < 0,001 P < 0,001 P = 0,31 P=1 P=1 P= 0,79 P=1 P=1 P < 0,05 P = 0,25 P < 0,001 P < 0,05 P = 1 P < 0,01 P < 0,001 P < 0,001 P < 0,01 P < 0,05 P < 0,05 P = 0,23 P < 0,05 P = 0,15 P = 1 P < 0,01 P < 0,001 P < 0,001 P < 0,05 P = 0,13 P=1 P< 0,05 P< 0,001 P=1 P= 0,95 P=1 P < 0,001 P = 0,07 P = 0,05 P = 0,05 P=1 P = 1 P = 0,07 P=1 7,8 (± 1,9) 6,8 (± 3,2) P=1 P = 0,98 P < 0,001 P < 0,01 13,2 (± 1,7) 12,4 (± 1,9) P=1 P = 1 P = 0,33 33,8 (28—39) 44,2 (38—49) 62,4 (57—68) 66,1 (59—73) P= 0,6 P < 0,001 P < 0,001 P < 0,001 P= 0,13 P < 0,001 P < 0,001 P < 0,001 P < 0,001 P = 1 15,8 (12—19) 16,9 (12—21) 24,4 (20—28) 36 (32—40) 32,7 (27—38) P=1 P < 0,01 P < 0,001 P < 0,001 P < 0,001 P < 0,05 11,4 (9—14) 16,6 (13—20) 19,5 (16—23) 26,2 (23—29) 33,1 (29—36) P< 0,05 P < 0,001 P < 0,001 P < 0,001 P = 1 P < 0,01 P < 0,001 P = 0,14 P < 0,001 P= 0,15 P=1 P = 1 P=1 P < 0,001 P = 1 P < 0,001 P< 0,001 4,7 (± 1,5) 4,9 (± 2) 14,1 (± 1,2) 13,9 (± 1,3) 27,6 (23—32) 0,62 (−0,2—1) 0,52 (−5—2) 5,8 (± 2,1) 13,7 (± 1) 1,18 (0,3—2) 0,58 (—0,6—1) 4,44 (2—5) P < 0,001 P = 1 P < 0,001 P < 0,001 P= 0,10 P = 1 P < 0,001 P = 1 P=1 P < 0,05 Mémoire autobiographique et consommation de cannabis Tableau 1 Scores moyens et écart-type des différents groupes de participants et comparaisons par paires (test de Bonferroni) des résultats aux évaluations cliniques et au test de mémoire autobiographique. P=1 G1 : groupe témoin ; G2 : groupe des consommateurs occasionnels de cannabis ; G3 : groupe des individus présentant un abus de cannabis ; G4 : groupe des individus dépendants au cannabis ; G5 : groupe des individus dépendants à plusieurs substances. 149 150 M.-C. Gandolphe, J.-L. Nandrino Figure 1 Pourcentage de souvenirs généraux rappelés parmi les différents groupes de participants. G1 : groupe témoin ; G2 : groupe des consommateurs occasionnels de cannabis ; G3 : groupe des individus présentant un abus de cannabis ; G4 : groupe des individus dépendants au cannabis ; G5 : groupe des individus dépendants à plusieurs substances. Concernant les souvenirs autobiographiques positifs, les quatre groupes de consommateurs ont un pourcentage plus élevé que les individus témoins. Les individus présentant un abus ne diffèrent significativement ni des consommateurs occasionnels, ni des patients dépendants au cannabis, malgré un pourcentage significativement plus élevé de souvenirs généraux positifs rappelés pour les patients dépendants en comparaison aux consommateurs occasionnels. Les patients présentant une conduite addictive remémorent significativement plus de souvenirs généraux positifs que les autres groupes et il n’existe aucune différence significative entre les patients dépendants au cannabis et les polyconsommateurs. Enfin, seul les polyconsommateurs présentent un nombre plus important de non-réponses que les autres participants. Discussion Les résultats obtenus au test de Williams et Scott montrent que les individus présentant un abus de cannabis et les individus dépendants à une substance privilégient davantage un mode de rappel général que les individus témoins. Par ailleurs, ce phénomène de surgénéralisation est d’autant plus remarquable lorsque les individus sont dépendants que lorsqu’ils présentent un abus et ce quelle que soit la valence émotionnelle des souvenirs rappelés (Fig. 1). De plus, la surgénéralisation est observable aussi bien chez les consommateurs de cannabis que chez les polyconsommateurs et ne peut être expliquée par le niveau de dépression des patients. Nous pouvons également faire l’hypothèse que le phénomène de surgénéralisation commence à émerger dès lors que les individus consomment occasionnellement, malgré une absence de différence significative entre le pourcentage de souvenirs généraux des individus témoins et des consommateurs occasionnels. En effet, si l’on considère indépendamment le pourcentage de souvenirs généraux positifs et négatifs, nous pouvons constater que le groupe de consommateurs occasionnels ne diffère pas du groupe témoin et du groupe de patients présentant un abus au niveau du pourcentage de souvenirs généraux négatifs, en revanche leur pourcentage de souvenirs généraux positifs est significativement plus important que celui du groupe témoin. Par ailleurs, dans notre étude, le score d’alexithymie montre que les patients dépendants sont plus alexithymiques que les individus témoins ou ceux dont la consommation est occasionnelle et ce quelle que soit la substance consommée. Ces résultats viennent confirmer la prévalence de l’alexithymie chez les individus dépendants à une substance psychoactive, largement démontrée dans la littérature [13]. Aucune différence significative à la TAS 20 n’est également ressortie entre les individus présentant un abus et ceux dépendants au cannabis. Ces résultats viennent confirmer les résultats obtenus par Troisi et al. [38] montrant que plus les individus consomment du cannabis, plus ils sont alexithymiques. Les résultats, qui montrent que plus les individus présentent une consommation importante plus ils tendent à généraliser leurs souvenirs autobiographiques, pourraient laisser penser que ce phénomène est lié à des perturbations mnésiques induites par la consommation de substances. Ce résultat est concordant avec l’observation selon laquelle les usagers de cannabis avec une consommation hebdomadaire importante présentent des troubles mnésiques et des perturbations des fonctions exécutives plus importantes [6]. Cependant, au vu des résultats au test de mémoire épisodique, il semblerait que malgré quelques perturbations observées chez les polyconsommateurs, l’existence de déficits de la mémoire épisodique chez les consommateurs de cannabis n’ait pu être observée et ce quelle que soit l’importance de la consommation. En effet, concernant le test de rappel libre, les individus dépendants à plusieurs substances psychoactives rappellent moins de mots en rappel immédiat que les consommateurs occasionnels. Néanmoins, les résultats ne mettent en évidence aucune différence du nombre moyen de mots rappelés en rappel immédiat entre les individus dépendants et les individus témoins. De plus, le nombre d’essais nécessaire au rappel de la liste complète de mots est plus important pour les deux groupes de patients dépendants que pour les individus témoins. Les patients dépendants au cannabis ont également besoin de davantage d’essais que les consommateurs occasionnels. Par ailleurs, les deux groupes de patients dépendants ne diffèrent pas des consommateurs abusifs dont le nombre d’essai ne diffère pas des individus témoins et des consommateurs occasionnels. Ces résultats montrent une lenteur de l’apprentissage chez les patients dépendants et a fortiori chez les participants dépendants au cannabis. Si l’on considère le rappel différé, l’ensemble des groupes a une performance identique, sauf pour les polyconsommateurs dont le nombre de mots rappelés en différé est inférieur aux individus témoins et aux consommateurs occasionnels. Il apparaît donc qu’en dépit d’un apprentissage moins aisé, les patients dépendants au cannabis ne font pas Mémoire autobiographique et consommation de cannabis preuve de déficit de la mémoire à long terme. Seuls les polyconsommateurs ont des difficultés à la fois dans le rappel à court terme et à long terme. Néanmoins, il est important de préciser que malgré des performances inférieures aux autres groupes au test de rappel libre, les patients dépendants à plusieurs substances ont un nombre moyen de mots rappelés supérieur à 11, valeur seuil en dessous de laquelle les scores sont considérés comme pathologiques [33]. Cependant, il a été reconnu que certains facteurs sociodémographiques tels que le niveau d’études ont un impact sur le score au test de mémoire [33] et l’on peut supposer que cette différence de performance puisse y être liée. En effet, la majorité des polyconsommateurs de notre échantillon ont un niveau d’études inférieur ou égal au baccalauréat, contrairement aux participants du groupe témoin. Or les individus ayant entrepris des études supérieures sont ceux dont les performances au test de rappel libre sont les plus élevées, comparés aux individus dont le niveau d’étude est inférieur [33]. Ce constat suggère que la surgénéralisation des souvenirs autobiographiques observée chez les consommateurs de cannabis et les polyconsommateurs ne puisse être expliquée par les effets délétères de la substance sur les performances mnésiques, ni uniquement par le niveau de dépression des participants (contrôlé par l’analyse de covariance). Les scores de dépression des participants n’évoluent pas de la même manière que les résultats au test de mémoire autobiographique. En effet, le pourcentage de souvenirs autobiographiques est plus élevé pour les deux groupes de patients dépendants en comparaison aux autres groupes, alors que le score de dépression est plus important pour le groupe de patients dépendants à plusieurs substances que pour le groupe d’individus dépendants au cannabis. Le phénomène de surgénéralisation observé dans ces populations de sujets consommateurs ou dépendants à des substances pourrait être sous-tendu par plusieurs mécanismes. Selon le modèle caR-FA-X [40], l’adoption d’un mode de récupération général des souvenirs dépend de la difficulté à gérer les émotions induites par la récupération d’un souvenir douloureux, de la présence de mécanisme de rumination (principalement observé chez les patients dépressifs), et de la capacité à inhiber les informations non pertinentes lors de la récupération de souvenirs (troubles des fonctions exécutives). Il est établi que la récupération de souvenirs autobiographiques requiert l’utilisation des fonctions exécutives dont l’altération engendre une difficulté à accéder aux souvenirs spécifique liée à des « erreurs de capture » et par conséquent, l’émergence d’un phénomène de surgénéralisation [9,40]. Ainsi, la perturbation durable des fonctions exécutives observée chez les consommateurs de substances pourrait être un facteur explicatif de la prévalence de souvenirs généraux rappelés chez ces patients. Au vu des diverses études révélant un trouble des fonctions exécutives chez les consommateurs de cannabis [6,12,29], il sera important d’approfondir cette piste de recherche. Cependant, les perturbations de la mémoire autobiographiques peuvent aussi être pensées comme une stratégie d’évitement fonctionnel [40]. La reconstruction d’un souvenir encodé dans le système de mémoire épisodique génère également la récupération de l’affect associé à l’événement passé. Lorsque le souvenir s’avère être fortement chargé 151 affectivement, la surgénéralisation correspond alors à un processus d’évitement fonctionnel en ce sens qu’il permet de réduire la survenue de l’émotion car la spécification du souvenir est stoppée avant sa résurgence [8]. La généralisation des souvenirs autobiographiques est renforcée à court terme en évitant l’émergence d’affects négatifs [18]. Cette hypothèse de la surgénéralisation en tant que stratégie fonctionnelle d’évitement est renforcée par l’observation de ce phénomène essentiellement chez des individus présentant des troubles de la régulation émotionnelle [9,17,40]. Le fait que la surgénéralisation soit observable à la fois pour les souvenirs positifs et négatifs peut sembler contradictoire avec l’idée d’une stratégie de régulation émotionnelle. Cependant, comme le suggèrent Williams et al. [40], la surgénéralisation des souvenirs positifs peut correspondre à une garantie de l’efficience de cette stratégie de régulation émotionnelle. En effet, un moyen de ne jamais se retrouver confronté à des souvenirs négatifs est de récupérer l’ensemble de ses souvenirs à un niveau général. De plus, si la surgénéralisation peut être un moyen de réduire l’émergence d’émotions négatives, il est possible que cette stratégie ait évolué vers un pattern de réponse habituel qui s’étend à l’ensemble des souvenirs quelle que soir leur valence [32]. À long terme, les individus tendraient à récupérer des souvenirs généraux de façon plus ou moins automatique, indépendamment de la valence émotionnelle associée à l’événement passé. Références [1] D’Argembeau A, Van Der Linden M, Verbanck P, et al. Autobiographical memory in nonamnesic alcohol-dependent patients. Psychol Med 2006;36(12):1707—15. [2] Bagby R, Parker J, Taylor G. The 20-item toronto alexithymia scale: I item selection and cross-validation of the factor structure. J Psychosom Res 1994;38(1):23—32. [3] Beck AT, Ward CH, Mendelson M, et al. An inventory for measuring depression. Arch Gen Psychiatry 1961;4:561—71. [4] Block RI, Ghoneim MM. Effects of chronic marijuana use on human cognition. 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