Marie-Jeanne Philippe, présidente de l`université de Metz (1998
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Marie-Jeanne Philippe, présidente de l`université de Metz (1998
Marie-Jeanne Philippe, présidente de l’université de Metz (1998-2002) Le conflit de l'université de Metz est un conflit long : il dure toute la première partie de l’année 2001. Son originalité est la participation des étudiants à la contestation contre la présidente. La présidente Marie-Jeanne Philippe, élue en novembre 1998, très attaquée en interne mais très largement soutenue à l’extérieur, refuse de démissionner ; elle demeure présidente jusqu'en octobre 2002. Ses opposants se sont inclinés : ont-ils compris que les soutiens extérieurs dont bénéficient la présidente sont décisifs pour le devenir de l’université ? Le contrat d’établissement signé dans la deuxième partie de 2001 est qualifié de "bon" ; en 2002, l’université obtient un département d’IUT à Forbach, alors que la politique nationale est de ne pas créer de département dans les villes qui n’en possèdent pas déjà un. Le soutien politique à un haut niveau existait effectivement : en octobre 2002, un an avant la fin de son mandat, elle est nommée recteur d'académie ; ce n'est pas une mauvaise sortie ! Conflit de l’université de Metz (2001). Fin janvier 2001, les 3 vice-présidents de l’université de Metz (Lorraine) et les directeurs des 7 composantes de l'université demandent la démission de la présidente. Ils lui reprochent les dysfonctionnements de l'établissement, l'impréparation des conseils, l'ambiance malsaine voire délétère qui règne dans l'université, l'absence d'idée nette sur la vocation de l'université, les tergiversations en ce qui concerne le contrat de Plan, les relations détériorées avec les collectivités territoriales, des maladresses qui confinent à l'incompétence. 5 des 9 membres du bureau (équipe de direction) démissionnent également ; l'intersyndicale et l'UNEF-ID rejoignent les opposants. La présidente estime ne pas avoir manqué à ses devoirs et avoir défendu au mieux les intérêts de l'établissement (dotations de postes obtenues). Elle défend sa conception des ambitions de l'université : prestige et qualité du premier au troisième cycle, professionnalisation, renforcement de la recherche, moyens affectés aux filières de qualité. Elle accepte le reproche d'avoir la tendance à être dirigiste, mais c'est pour arriver à faire bouger les choses. Le Recteur d'académie, le Préfet, le Conseiller d'établissement, le Directeur-adjoint de l'Enseignement Supérieur (et donc le Ministère), la CPU, la ville de Metz, le Conseil général de Moselle, le Conseil régional de Lorraine soutiennent la présidente. Des médiations sont organisées en vain : les opposants refusent d'y participer. Bernard Belloc, 1er vice-président de la CPU (Marie-Jeanne Philippe est alors membre du bureau de la CPU), pose la question de fond, celle du décalage des calendriers d'élection (décalage obligatoire car le président est élu pour cinq ans et les conseils pour 4 ans) : "il y a un déséquilibre des pouvoirs au détriment du président, dû notamment au décalage des différents mandats. Le président est élu pour cinq ans, contrairement aux directeurs de composantes dont le mandat est renouvelable. Nous sommes dans un régime présidentiel parlementaire". La CPU rappelle que "le débat démocratique implique en tout état de cause le respect des instances élues, de leur mandat et de leurs compétences respectives, tels que définis dans la loi, s'agissant en particulier du mandat de 5 ans des présidents". Le fonctionnement des institutions se délite progressivement. En février 2001, un Conseil d'Administration ne peut se réunir faute de quorum (le conseil suivant peut se réunir sans que le quorum soit nécessaire, mais ne décide rien). Il en va de même du Conseil scientifique. Dès lors, le budget ne peut être voté : c'est le recteur d'académie qui le met en place début mars après avoir examiné les budgets des trois dernières années ; cette procédure pénalise l'université car il s'agit bien évidemment d'un budget minimal, révisé à la baisse par rapport aux propositions de la présidence. De même, la préparation du contrat d'établissement est perturbée. Les étudiants se mettent en grève, revendiquent 200 postes de personnels administratifs, 250 postes d'enseignants et 1000 chambres en cité universitaire; ils occupent la présidence et demandent la démission de la présidente. Au terme d'une semaine de grève, une délégation est reçue par la directrice des enseignements supérieurs ; celle-ci attribue des moyens, mais ne se prononce pas sur la démission demandée de la présidente. Le rectorat indique qu'un expert désigné par le ministère va faire l'état des lieux en matière de conditions de restauration et de logement à Metz et dans l'ensemble des sites. Le recteur invite les protagonistes au respect mutuel : il convoque un directeur d'UFR qui, en assemblée générale, a appelé les étudiants "à reconduire la grève ou à remettre sur le trottoir la présidente". La semaine suivante (mi-mars), 1.400 étudiants et enseignants viennent manifester à Paris: une délégation est reçue par la DES, puis par le directeur du cabinet du ministre (la dotation contractuelle, hors recherche, passe de 45 à 65 millions de francs). Le vice-président démissionnaire du Conseil d'administration craint que la situation ne dégénère ; des incidents et des dégradations de locaux et de matériels se produisent en effet à plusieurs reprises. Un compromis semble pouvoir être trouvé fin mars 2001. Refusant de recourir à l'article 47 de la loi de 1984 qui l'autorise à prendre, à titre exceptionnel, toutes dispositions imposées par les circonstances (exiger la démission de la présidente), le recteur approuve le principe des démissions simultanées de tous les membres des conseils et de la présidente ; il les attend pour la fin avril ; il nommera alors un administrateur provisoire pour organiser de nouvelles élections. Mais, le 15 mai, le Recteur n'a pas reçu les 204 démissions attendues (seulement 100 démissions conditionnées à la démission de la présidente lui sont parvenues). Le VP du CA n'a pas personnellement démissionné : "démissionner serait reconnaître ce que la loi ne dit pas, c'est-à-dire que le seul pouvoir est celui du président et que les conseils ne sont que des chambres d'enregistrement". Une situation de cohabitation s'installe : une convention réunissant les trois conseils a débattu du schéma de services collectifs, des acquis du mouvement de mars, de l'affectation des postes obtenus, des nouveaux départements d'IUT, des opérations inscrites au contrat de plan. Faute de quorum, le CA réuni auparavant n'a pu voté des DBM ; tant pis, le recteur les arrête. La vie continue. La présidente reste en exercice jusqu'en octobre 2002. L’organigramme à cette date comprend une trentaine de responsables dont des chargés de mission non membres du bureau du président ; ce bureau a été restructuré au cours de la période, sans que des opposants ne soient démis ou ne s’en démettent.