Article Musee Hier A Aujourdhui
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Article Musee Hier A Aujourdhui
LE MUSEE REATTU, D’HIER A AUJOURD’HUI. Trois décennies de grandes expositions. (Les années 50 – 60 -70) Le premier article concerne les années 50. A l’expansion démographique d’après guerre, correspond une période de foisonnement culturel pour la ville d’Arles. Le Musée Réattu accueille déjà artistes et arlésiens amateurs d’art. Très abîmés par la guerre, l’édifice et les futures salles d’exposition vont être restaurés, d’abord par Jacques Latour, conservateur en chef du musée jusqu’en 1956, puis par Jean Maurice Rouquette, qui, pendant 40 ans,va se consacrer totalement à l’histoire et au renouveau des musées de la ville. En 1951, J. Latour organise une exposition Van Gogh montrant 83 toiles et 18 dessins. Puis le conservateur va se tourner vers l’art contemporain, dès 1953, avec une exposition, certes modeste, qui réunit Jean Luçat, Ossip Zadkine et Valentine Prax, sa femme. Un catalogue existe uniquement pour Lurçat. Celui-ci vient de relancer la création de la tapisserie d’Aubusson avec une technique nouvelle qui consiste à dessiner des cartons utiles aux tisserands, en numérotant chaque ton de laine. Ses œuvres présentent une faune zodiacale avec des grands coqs au milieu d’une flore exubérante parsemée d’étoiles. « Dans ce jardin d’Eden enfin reconquis, il y a le roi de la création, l’homme enfin retrouvé ». (1) et (2) Zadkine, peintre et sculpteur alors peu connu en France, est l’un des premiers donateurs du Réattu, avec son odalisque en bois polychrome datée de 1932, qu’il offre au musée en 1956. Jacques Latour, toujours "écrasé" par la richesse picturale de Van Gogh, veut à nouveau lui rendre hommage (3). C’est dans cet esprit que la ville d’Arles organise à l’occasion des fêtes du Bimillénaire, sous la municipalité Charles Privat, une exposition sur le thème « La Provence et les peintres ». Des œuvres du XIVème au XXème siècle rappelleront que « la lumière envoûtante du Midi a amené tant de peintres à poser leur chevalet sur ces terres provençales » (4) et Jacques Latour de conclure « nous pourrons voir cote à cote les Alyscamps de Gauguin et les Alyscamps de Van Gogh et méditer humblement sur le destin des génies ». (5) Jean Maurice Rouquette, qui prend la direction des Musées de la ville, organise de grandes expositions l’été, alors que les festivals faisaient rayonner Arles. L’été 1957 : en présence de Jean Cocteau est inaugurée, le 6 juillet, l’exposition de 110 oeuvres de Picasso dont 38 dessins inédits choisis et prêtés par l’artiste. Un des organisateurs, Douglas Cooper, grand collectionneur d’œuvres cubistes, historien d’art, écrit dans la préface du catalogue (6) : « …Picasso a dû éprouver un certain plaisir de pouvoir permettre au nouveau conservateur du Musée Réattu, J. M. Rouquette de débuter par un coup de maître ». D. Cooper, Picasso, Cocteau, tous les trois ont été photographiés devant l’Hôtel Nord Pinus (photo page 1010 dans l’ouvrage « Arles, territoires, histoires et cultures », sous la direction de Jean Maurice Rouquette, 2008). Parmi les dessins de cette exposition, plusieurs représentations du taureau rappellent le goût de l’artiste pour les corridas ; des portraits de Jacqueline (7 au catalogue) préfigurent son arlésienne qui sera exposée à Arles en 1991. La décennie 50 se termine avec la rétrospective provençale de Nicolas de Staël en 1958. C’est Madame de Staël qui a permis cette exposition peu après le suicide du peintre en 1955. 63 peintures, des dessins des papiers collés, des livres illustrés dont celui de son ami, le poète René Char, constituent cette exposition dont Douglas Cooper écrivait : « on n’aurait pas pu choisir un cadre plus approprié car c’est ici que la dernière transformation, sûrement la plus significative de la peinture de Nicolas de Staël a été accomplie » (7). L’affiche du Musée Réattu, « le paysage au phare », montre que le point de départ de sa toile est une expérience visuelle que le peintre traduit en masses colorées avec ses gris si particuliers et les tesselles qui occupent le bas du tableau, dégageant le ciel. De Staël reste à la limite de la figuration et de l’abstraction ; d’ailleurs il refusait de se laisser enfermer dans ce débat : je ne cherche rien que la peinture « visible » pour tout le monde (8). La décennie suivante sera marquée à nouveau par de belles expositions et une voie nouvelle débutera pour le musée avec la section d’Art Photographique. France Courtet-Rousset 1er juin 2014 Notes (1) (2) (3) (4) (5) (6) « Tapisseries et peintures » par J Latour Claude Roy, Lurçat, Genère Van Gogh en Arles Jacques Latour, revue du Bimillénaire 1954 Jean Leymarie, Conservateur du musée de Grenoble, in catalogue de l’exposition Article déjà cité p.2 Catalogue de l’exposition Picasso 6 juillet- 2 septembre 1957 « dessins, gouaches, aquarelles », Arles Musée Réattu (7) C’est René Char qui incite N. de Staël à s’installer en 1953 en Provence. Il rend visite au grand collectionneur D. Cooper (8) Nicolas de Staël : une illumination sans précédent, Marie du Bouchet, Gallimard 2003 Photos (1) Tapisserie de Jean Lurçat, collection privée (2) Ossip Zadkine, odalisque, bois polychrome (3) Nicolas de Staël, affiche du Musée Réattu