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Université Lumière Lyon 2
Institut d'Etude Politiques de Lyon
TOTA Barbara
ème
4
année IEP - Section Politique et Communication
« Métropole européenne, économiquement
dynamique et agréable à vivre
cherche investisseurs, entrepreneurs,
universitaires ou visiteurs pour assurer
son développement »
Séminaire Ville et Pouvoir Urbain
Année universitaire 2006-2007
Sous la direction de Monsieur Renaud PAYRE
Mémoire de fin d’études soutenu le 10 septembre 2007
Table des matières
REMERCIEMENTS . .
Introduction . .
Première partie : Lyon sera internationale ou ne sera pas ! . .
Introduction : . .
Chapitre 1 : L’internationalisation des villes comme objet des politiques publiques . .
1- Le renouveau des villes ? . .
2- Internationalisation et développement . .
Chapitre 2 : Les stratégies de rayonnement mises en œuvre entre 1989 et 2001 . .
1- La logique équipementière . .
2- Des politiques économiques de soutien à des secteurs ciblés pour faire rayonner
la ville . .
3- La prospective comme outil d’ouverture sur la société « civile » . .
4- Les réseaux de ville . .
5- Donner à Lyon l’image d’une ville internationale . .
Conclusion de la première partie : . .
Deuxième partie : Un territoire à vendre . .
Introduction : . .
Chapitre 1 : La marque « Lyon » sur le marché des villes européennes : Only Lyon, une
démarche marketing. . .
1- Concurrence entre les territoires . .
2- La démarche marketing : un raisonnement produit-cible pour vendre la ville. . .
Chapitre 2 : L’identité du territoire comme outil de rayonnement . .
1- L’identité en construction . .
2- Les acteurs vecteurs d’identité du territoire . .
Conclusion de la deuxième partie : . .
Troisième partie: « La gouvernance lyonnaise » . .
Introduction : . .
Chapitre 1 : Les propriétés vertueuses de la gouvernance . .
1- Histoire d’Only Lyon : . .
2- La mise en scène de la gouvernance . .
Chapitre 2 : La gouvernance au-delà des discours . .
1- Les conditions de la mobilisation des acteurs et de l’action collective. . .
2- La stratégie politique . .
Conclusion de la troisième partie : . .
Conclusion . .
Bibliographie . .
OUVRAGES/ARTICLES: . .
Gouvernement urbain : . .
Communication, marketing et identité du territoire : . .
Ouvrages généraux : . .
REVUES : . .
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SOURCES : . .
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main : . .
- Sites Internet : . .
Annexes . .
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REMERCIEMENTS
REMERCIEMENTS
Je tiens, en premier lieu, à remercier Renaud Payre, pour son suivi, son écoute et ses conseils qui
m’ont permis d’avancer tout au long de ce travail.
Je souhaite également vivement remercier toutes les personnes qui ont accepté de me recevoir,
pour me parler d’Only Lyon, de leur travail et qui ont pris de leur temps pour répondre à mes
questions. Ce fut à chaque fois des moments d’échanges précieux et indispensables pour mener à
bien ce travail de recherche.
Enfin, je remercie toutes celles et ceux qui tout au long de l‘élaboration de ce mémoire m’ont
apporté leur aide et leur soutien, je pense en particulier à tous les membres du cabinet de Gérard
Collomb au Grand Lyon.
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« Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs,
entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement »
Introduction
Tu connais Barcelone ?
Non, en fait je débarque là…
Alors là, je peux te dire que tu vas t’éclater.
Ha ouais ?
Ha ouais tu vas voir ; mortel !
[…]
Tu vas voir, c’est une ville de fous furieux. Les gens commencent à aller au resto vers
22h, avant y’a pas un chat dans les restos, véridique ! Après c’est parti pour la fête, ha, c’est
des fêtards les Barcelonais, ça il faut le savoir.
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L’Auberge Espagnole
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Derrière l’Auberge espagnole, Le fabuleux destin d’Amélie Poulain , Lost in
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Translation , les films de Woody Allen ou les romans de Paul Auster nous pouvons mettre
des noms de ville.
L’Auberge espagnole est tout autant un film sur la richesse des rencontres
interculturelles que sur Barcelone. Le film de Jean-Pierre Jeunet, Le fabuleux destin
d’Amélie Poulain, est profondément ancré dans la ville de Paris, les noms de rues y jouent
un rôle tout particulier. Il est possible de sentir l’odeur des rues de New-York, la lumière, les
bruits et l’ambiance si particulière de la ville dans les polars de Paul Auster.
Les cinéastes, peintres, écrivains ou poètes prennent la ville comme décor, acteur et
parfois même comme objet de leur œuvre. Les villes sont porteuses d’imaginaire, elles
véhiculent des représentations dont les artistes se saisissent.
On peut se demander pourquoi les villes sont ainsi l’objet d’œuvres artistiques. Ce
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phénomène n’est pas nouveau, en 1873, Zola écrivait « Le Ventre de Paris » . Est-ce parce
que les artistes sont eux-mêmes profondément ancrés dans le mode de vie urbain ? Où estce parce que les villes, et plus généralement les lieux, sont porteurs de sens, d’émotions,
de sensations et de représentations ?
Tout le monde associe une ambiance, un mode de vie ou une activité à Rome, Madrid,
Londres ou Berlin…les pâtes, le foot, le shopping, les sorties ou la vie nocturne. Il suffit
de feuilleter un magazine de mode ou de décoration pour s’en rendre compte. Le look
« parisienne » ou encore la décoration moderne « new-yorkaise » semblent aller de soi. Mais
qu’est-ce qu’une décoration New-Yorkaise ? Est-ce que tous les intérieurs sont décorés de
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KLAPISCH (C.), L’auberge espagnole, 19 juin 2002. Dialogue entre Xavier et le médecin français au débarquement à l’aéroport
de Barcelone.
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JEUNET (J-P.), Le fabuleux destin d’Amélie Poulain, 25 avril 2001.
COPPOLA (S.), Lost in Translation, 7 janvier 2004.
ZOLA (E.), Le ventre de Paris, Paris, Lettres modernes, 1969.
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Introduction
la même manière à New-York ? Est-ce que les parisiennes sont toutes habillées de la même
façon ?
L’évocation des lieux renvoie à des ambiances, les villes sont donc porteuses de
représentations et de sens.
Aussi, nous pouvons nous demander quelle est l’identité de Lyon. Existe-t-il une seule
identité lyonnaise, une identité uniforme, qui serait la même pour tous ? Est-ce que l’image
de Lyon est la même pour les Lyonnais et les non-Lyonnais ? L’identité et les représentations
de Lyon n’ont-elles pas changées avec les temps ? Le Lyon d’aujourd’hui est-il comparable,
différent ou semblable au Lyon d’hier ou d’avant-hier ? Qu’est-ce qui fait l’identité d’une
ville ?
Autant de questions que se posent les communicants, les acteurs du rayonnement de
la ville, les politiques, les historiens ou les sociologues.
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A travers la démarche marketing « Only Lyon », douze partenaires œuvrant pour
le développement de l’agglomération lyonnaise entendent donner à Lyon une visibilité
internationale en mettant en avant les atouts de la ville, ses réussites et ce qui en fait sa
spécificité. L’objectif est de positionner durablement Lyon dans la catégorie des grandes
6
métropoles européennes .
Cette ambition soulève plusieurs interrogations ; en quoi la démarche Only Lyon
assurerait à la ville son développement ? Quel est le rôle du politique, compris au sens de
l’administration publique et des élus, dans cette dernière ?
En effet, nous pouvons nous interroger sur les logiques qui ont motivées la mise en
place et le lancement d’une signature commune entre les acteurs du développement du
territoire lyonnais. Au sein de ces acteurs nous pouvons également nous demander quel
est le rôle particulier du Grand Lyon, du politique par rapport aux autres.
Cet extrait du dossier de presse du lancement d’Only Lyon nous donne quelques pistes
de réflexion :
« L’agglomération lyonnaise apparaît aujourd’hui, à l’échelle nationale comme le
territoire le plus dynamique et le plus attractif sur le plan économique. Ce résultat repose sur
des réussites fortes : 5 pôles de compétitivité dont 2 mondiaux, une position de leader de
la création d’entreprise (12 100 en 2005, soit + 24% en 2 ans), un volume d’investissement
ème
dans l’immobilier d’entreprise qui se monte à plus de 600 millions en 2005, 2
pôle
universitaire et de recherche en France, des leaders industriels mondiaux (Mérial n°1 des
vaccins, Sanofi n°1 du diagnostic…).
Mais cette réussite nationale ne suffit plus à l’heure où les territoires sont en compétition
à l’échelle mondiale pour attirer les emplois, les richesses, les compétences, les entreprises.
La compétition se joue bien sûr par la puissance des équipements, le poids démographique,
la concentration des fonctions stratégiques. Mais elle se joue de plus en plus sur l’image. Sur
la capacité à se distinguer, à séduire et à être repéré par les décideurs. Fort de ce constat
5
Aderly, Aéroport Lyon-Saint-Exupéry, Chambre de commerce et d’industrie de Lyon, Chambre des métiers et de l’Artisanat
du Rhône, Cité Centre des congrès de Lyon, CGPME du Rhône, Communauté Urbaine de Lyon, département du Rhône, Office du
Tourisme et des Congrès du Grand Lyon, Université de Lyon.
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www.Lyon-Business.org
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« Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs,
entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement »
partagé, aujourd’hui l’ensemble des partenaires économiques de l’agglomération franchit
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une nouvelle étape en se dotant d’un plan marketing commun que symbolise Only Lyon » .
Pour les acteurs publics ou privés du territoire, son développement semble donc passer
par sa capacité à attirer des investisseurs, entrepreneurs, universitaires, décideurs, ou
encore visiteurs. Pour attirer, il faut non seulement avoir des atouts sur le marché mondial
ou européen des territoires, mais il faut également le faire-savoir.
Only Lyon serait donc le reflet de l’ambition lyonnaise de se hisser parmi les villes qui
comptent en Europe. Au-delà de la signature, du slogan marketing, nous pouvons distinguer
deux éléments majeurs à la démarche Only Lyon.
D’une part, l’internationalisation des villes comme objet des politiques publiques, posée
comme problème ou nécessité par les acteurs du développement du territoire qu’ils soient
publics ou privés. Nous l’avons vu, il s’agit de rayonner pour être attractif, attirer les
investisseurs, les activités qui créeront des richesses et des emplois.
D’autre part, le « savoir-faire ensemble » comme méthode de gouvernement, comme
manière d’assurer le développement de l’agglomération, de réguler l’action publique. A la
question pourquoi doter la métropole d’une signature internationale Gérard Collomb, Maire
de Lyon et Président de la Communauté Urbaine de Lyon répond : « pour gagner la bataille
de la concurrence internationale, nous avons décidé de rassembler, de fédérer, de créer
des synergies. La méthode grand-lyonnaise consiste à dépasser les clivages pour tisser
8
les liens qui seront utiles, demain, à notre territoire » . Ainsi nous comprenons que, pour le
politique, le travail collectif est une composante majeure de la démarche Only Lyon et que
cette dernière ne se réduit pas à une opération marketing.
Notre objet d’étude, Only Lyon, se situe dans le champ des travaux portant sur
l’internationalisation et la gouvernance des villes.
L’internationalisation des villes, la compétition des territoires à l’échelle européenne
et mondiale, la place des villes dans le cadre de la mondialisation de l’économie,
l’augmentation des échanges, de la construction européenne et des transformations
institutionnelles ont fait l’objet de nombreux travaux de recherche que nous pouvons
regrouper en trois catégories.
Il y a premièrement l’explication de l’internationalisation des villes sous l’angle des
infrastructures. C’est une approche objectivante qui intéressait dans les années 1990,
et peut être aujourd’hui encore, mais dans une moindre mesure, les élus locaux et les
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entrepreneurs lyonnais . L’internationalisation d’une ville se mesurait à ses infrastructures,
sa capacité d’accueil des congrès, le nombre de ses chambres d’hôtels, le trafic de son
aéroport…
La deuxième approche est une approche déterministe de l’internationalisation des
villes. Les villes suivraient les évolutions de la société post-fordiste qui aurait fait des
villes les territoires privilégiés de la compétition économique, reléguant les États au rang
d’observateurs.
Troisièmement, il y a l’approche sociologique qui étudie les relations entre acteurs,
privés et publics, qui agissent pour l’internationalisation des villes. Ainsi, Fernand Braudel
7
8
9
8
Dossier de presse du lancement d’Only Lyon, 30 janvier 2007, voir annexe n°1.
Grand Lyon magazine, n°19, avril 2007, voir annexe n°6.
« Lyon ville internationale : une métropole à géométrie variable », rapport de P. Soldatos, 1989, Montréal.
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Introduction
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donnait à voir la ville comme « autant d’équations sociales » . C’est dans ce courant
sociologique qui étudie les comportements, les logiques des acteurs et les relations de
pouvoir, au sein de la ville, que nous inscrirons nos travaux sur Only Lyon.
Pour ce qui est du développement des villes, nous nous appuierons sur les travaux
11
de Le Galès se rapportant au développement économique local . Ces derniers nous
permettent de mieux comprendre les enjeux de l’internationalisation des villes :
« On peut classer les actions de développement économique local en cinq catégories :
- Les actions de planification urbaine : mise à disposition d’infrastructures et
amélioration de l’environnement physique. Cette catégorie regroupe la gestion, la
préparation et la mise à disposition de terrains et de locaux sous des formes plus ou moins
complexes. On peut ajouter les actions concernant l’amélioration physique d’une localité, le
centre ville et les commerces, la réhabilitation des logements, gares…
- Les actions d’assistance aux entreprises : soit sous la forme d’une assistance
financière, soit de conseil et de mise à disposition de services particuliers. On entend
par assistance financière les subventions, les exonérations fiscales, bonifications d’intérêt,
garantie d’emprunt, prise de participation dans le capital. Les actions de conseil
et d’offre de services, entendues de façon large comprennent les actions d’aide la
création ou au développement d’entreprises et de coopératives, mise à disposition de
conseil en organisation et d’aides à la recherche ou au transfert des recherches et
technologies nouvelles vers les entreprises, actions spécifiques pour les entreprises
d’un secteur économique particulier, création de services interentreprises (restauration,
communication…).
- Les actions de promotion et de communication : là encore, les possibilités sont
multiples ; publicité directe pour une localité, actions de promotion plus spécifiquement
orientées vers l’attraction d’entreprises, organisation de manifestations en tous genres,
congrès, foires. Les plans pour développer le tourisme, les manifestations et équipements
culturels de prestige participent de cet effort d’amélioration de l’image globale d’une localité
vis-à-vis de l’intérieur et de l’extérieur.
- Les actions liées à l’emploi et à la formation : cette catégorie regroupe l’ensemble
des actions de formation sous toutes leurs formes, ainsi que les actions spécifiquement
destinées à aider les catégories désavantagées sur le marché du travail (jeunes,
handicapés..) et actions d’insertion.
- Les actions d’organisation ou de catalyseur du développement économique local, de
création institutionnelle ou actions de partenariats. Organisation de réseaux, la concertation
et la mise en contact régulière de différents partenaires locaux, nationaux, internationaux,
publics, semi-publics ou privés, la mise ne place de projets fédérateurs, c’est-à-dire tout le
travail d’organisation qui permet de définir un plan de développement local susceptible d’être
accepté par différents acteurs d’une localité et de présenter une certaine cohérence vis-àvis de l’extérieur. Des agences de développement qui regroupent différents acteurs locaux,
les « task force » pour certains secteurs de l’économie, des actions associant secteur privé,
secteur public et secteur associatif procèdent de cette démarche ».
Cet extrait nous permet d’ouvrir deux pistes de recherche se rapportant à notre objet ; la
communication comme outil de développement et d’internationalisation des territoires et les
10
11
BRAUDEL (F.), L’identité de la France, Paris, Flammarion , 1990.
LE GALES (P.), Politique urbaine et développement local : une comparaison franco-britannique, Paris, L’Harmattan, 1993.
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« Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs,
entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement »
actions d’organisation ou de catalyseur du développement économique local, de création
institutionnelle ou actions de partenariats.
En effet, les actions de développement économique local liées à la communication, à la
promotion et au partenariat décrites par Le Galès correspondent à la définition qui pourrait
être faite de la démarche marketing Only Lyon, à la fois une démarche marketing et une
12
« task force » , c’est-à-dire une logique de partenariat entre acteurs publics et privés, en
d’autres termes une ouverture de la prise de décision des politiques sur la société civile.
L’approche communicationnelle du territoire représente un large éventail de travaux.
13
Ainsi, Serge Albuy , analyse l’apparition du marketing et de la communication politique
en comparant les techniques et outils de la communication politique à ceux du marketing
commercial. Il distingue également différents types de marketing : le marketing électoral
dont le but est de remporter des élections, le marketing gestionnaire comme méthode de
gouvernement, le marketing institutionnel visant à promouvoir les institutions et le marketing
social relatif aux questions d’intérêt général, comme les campagnes contre le Sida ou le
tabac. Il conclut son ouvrage en posant le fait que « le rôle de l’image en politique serait
donc aussi déterminant que celui qui lui est attribué en matière commerciale ». Là, en effet,
on pense que c’est « la marque qui aura la meilleure image (qui) aura une forte probabilité
14
d’être choisie » . L’idée pour les collectivités, institutions ou élus est donc, pour l’auteur, de
15
passer d’une « image diffuse et spontanée à une image voulue et construite » .
16
Daniel Sperling quant à lui, décrit une nouvelle façon de faire de la communication
territoriale. Selon l’auteur cette dernière a évolué, on est passé dans une nouvelle aire de la
communication institutionnelle : l’aire de la « communication-produit » ; une communication
de projet destinée à un public ciblé, qui « procède d’une approche fondée sur le marketing
direct avec un raisonnement produits et cibles très affiné ».
17
Dans Construire l’identité régionale, Hélène Cardy analyse les politiques de
communication des régions et les stratégies qui sont élaborées dans le processus de
production de l’identité régionale. Elle s’intéresse à la manière dont l’identité de la région
est produite, mais aussi utilisée par les différents groupes sociaux. Dans la préface, Michael
Palmer souligne le fait que :
« Toute collectivité territoriale dans la France contemporaine s’efforce d’afficher sa
« personnalité », d’affirmer son « identité ». L’objectif serait au moins double :
-créer ou renforcer un sentiment d’appartenance pour les habitants du territoire
concerné,
12
Terme employé par Jacques de Chilly, Directeur exécutif de l’Aderly. Entretien réalisé au Palais du Commerce à Lyon, le
10/07/07.
13
14
ALBUY (S.), Marketing et communication politique, Paris, L’Harmattan, 1994.
VERNETTE (E.), Marketing fondamental, Paris, Eyrolles, 1991, p.18, cité dans ALBUY (S.), Marketing et communication
politique, Paris, L’Harmattan, 1994.
15
16
17
10
ALBUY (S.), Marketing et communication politique, op. cit.
SPERLING (D.), Le marketing des territoires et des collectivités locales : tendances et applications, Midia, 1995.
CARDY (H.), Construire l'identité régionale : la communication en question, Paris-Montréal, L'Harmattan, 1997.
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Introduction
-améliorer la force d’attraction, la « compétitivité » de celui-ci face à d’autres entités
qui œuvrent, elles aussi à la promotion d’atouts propres à attirer le regard, l’intérêt d’autrui,
sans oublier les capitaux extérieurs ».
Effectivement, pour lui, l’analyse d’Hélène Cardy « rappelle combien la communication
mobilise les lieux de mémoire à des fins identitaires, certes, mais politiques et économiques,
également ».
18
Isabelle Pailliart étudie la communication en relation avec la notion de territoire. Selon
l’auteur, la superposition des échelons territoriaux, entre la commune, l’intercommunalité,
le département la région, l’État et l’Europe, voire même le niveau international, redéfinit les
espaces de sociabilisation :
« Il ne faut pourtant pas négliger le fait que la métropolisation entraine aussi un
redécoupage des lieux de socialisation autour de quartiers, ou d’ensembles urbains.
En d’autres termes, l’une des caractéristiques des mutations urbaines est peut-être la
recréation de formes et d’espaces de relations qui emprunteraient aux modalités les plus
traditionnelles de la sociabilité, comme la ruralité ou les communautés villageoises en
fournissent les images. La métropolisation revêt ainsi un double aspect dans la création
de rapports sociaux et d’expressions sociales inédites mais aussi dans la permanencerenouvelée - de liens communautaires plus anciens.
La ville apparaît comme un lieu d’intégration de populations et de cultures diverses.
Réside ici l’un des enjeux majeurs des prochaines années, dans la capacité des villes à
assumer des fonctions dévolues à la nation, en parti dans son rôle symbolique d’intégration
à la vie sociale et politique. La mise en valeur d’une identité territoriale dans les politiques
municipales de communication répond en partie à cette obligation, se doter de référents qui
ne soient plus seulement politiques mais culturels ».
Nous nous intéresserons ici à la communication comme outil des politiques de
rayonnement et d’internationalisation du territoire et non pas à la communication comme
facteur d’exclusion ou de cohésion sociale.
Dans ces différents ouvrages, bien que traitant la question de la communication
territoriale sous des angles différents, il est possible de relever un point commun
apparaissant en filigrane dans tous les travaux : la question de l’identité du territoire.
Il ressort des nombreux écrits sur l’identité que ce thème peut être traité de deux
manières différentes : l’identité comme ciment du lien social ou l’identité comme outil de
développement du territoire.
L’identité des territoires peut être envisagée sous l’angle de l’intégration et de
l’exclusion, de l’unification et de la cohésion sociale, comme c’est le cas notamment
19
dans les travaux d’Ernest Renan sur la nation. C’est également ce qu’exprime Jacques
20
Chevallier :
« Ce qui se joue dans l’identité, c’est en effet la construction du lien social, les processus
d’intégration sociale, les rapports de domination et de pouvoir ; dès lors, non seulement il
est vain de chercher à isoler dans l’identité ce qui relève spécifiquement du politique, mais
encore la question de l’identité doit être considérée comme politique par essence ».
18
19
20
PAILLIART (I.), Les territoires de la communication, Grenoble, PUG, 1993.
RENAN (E.), Qu’est-ce qu’une nation ?, Paris, Mille et une nuits , 1997.
CHEVALLIER (J.), (dir.), L’identité politique, CURAPP, CRISPA, PUF, 1994.
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« Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs,
entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement »
D’autres auteurs traitent la question de l’identité des territoires en rapport avec la
question des diversités culturelles et des minorités culturelles comme le montrent les travaux
21
de François Rangeon sur l’identité locale :
« D’un coté, la chute du communisme a provoqué un réveil – parfois brutal – des
identités locales et posé avec acuité une nouvelle question des droits des minorités. De
l’autre, l’ouverture des frontières au sein de l’Union Européenne et le développement
des politiques communautaires en faveur des régions ont favorisé la reconnaissance
progressive des régions comme acteurs à part entière sur la scène européenne.
Dans les deux cas, les aires d’identifications des individus se sont multipliées et l’Etat
n’apparait plus comme le principal maitre d’œuvre de la construction identitaire. L’actualité
témoigne ainsi de la diversification de stratégies identitaires des individus et des groupes ».
Mais l’identité du territoire est également étudiée sous l’angle du développement local,
comme outil de développement économique permettant d’attirer les touristes, intellectuels,
entreprises, et ainsi les richesses et les emplois. C’est l’angle adopté dans les travaux
22
23
d’Hélène Cardy , mais également dans ceux de Daniel Sperling ou encore de Serge
24
Albuy .
25
L’ouvrage collectif « Identités, cultures et territoires » , délivre une analyse des
processus de production de l’identité collective, de l’identité d’un territoire. En effet, « dans
la première partie de l’ouvrage, les auteurs envisagent la question de la dynamique
des identités, c’est-à-dire de leur processus d’élaboration, d’échange, de tension, ou de
26
recomposition, essentiellement dans les sociétés démocratiques nationales » .
Nous nous intéresserons ici à l’identité comme outil des politiques de rayonnement,
comme objet dont les acteurs du développement se saisissent pour faire rayonner le
territoire. Nous écarterons, non pas par manque d’intérêt mais par contrainte de temps, ne
pouvant traiter toutes les approches de l’identité du territoire, un sujet tellement vaste, les
aspects d’intégration et d’exclusion de l’identité.
Comme nous l’avons vu, notamment dans les propos de Gérard Collomb, Only Lyon
c’est également pour le politique une façon de mettre en avant la ville comme acteur collectif,
de valoriser le savoir-faire ensemble des acteurs de la ville, de mettre en lumière la capacité
du politique à fédérer, à créer une dynamique commune.
La question du gouvernement des villes, le rôle du politique dans la gestion de la ville,
dans la définition et la mise en œuvre des politiques, des projets pour le territoire a été
envisagée par deux courants principaux.
Ce mode de gouvernement s’éloignant très fortement de la conception wébérienne du
pouvoir, du moins sur la forme (rien n’est moins sur concernant le fond) est désigné par le
mot « gouvernance ». Le terme de gouvernance est, en effet, très largement employé tant
par les acteurs du territoire que par les sociologues. Lefèvre préfère parler de « modes de
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24
25
26
12
RANGEON (F.), « L’identité locale », dans CHEVALLIER (J.), (dir.), L’identité politique, CURAPP, CRISPA, PUF, 1994.
CARDY (H.), Construire l'identité régionale : la communication en question, Paris-Montréal, L'Harmattan, 1997.
SPERLING (D.), Le marketing des territoires et des collectivités locales : tendances et applications, Midia, 1995.
ALBUY (S.), Marketing et communication politique, Paris, L’Harmattan, 1994.
SAEZ (J-P.), (Dir.), Identités, cultures et territoires, Paris, Desclée de Brouwer, 1995.
SAEZ (J-P.), (Dir.), Identités, cultures et territoires, Op.Cit.
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Introduction
27
relation, de régulation et de production de l’action collective au niveau métropolitain » . Le
Galès quant à lui définit la gouvernance ainsi :
« Dans la sociologie de la gouvernance, cette dernière y est définie comme un
processus de coordination d’acteurs, de groupes sociaux, d’institutions pour atteindre
des buts discutés et définis collectivement. La gouvernance renvoie alors à l’ensemble
d’institutions, de réseaux, de directives, de réglementations, de normes, d’usages politiques
et sociaux, d’acteurs publics et privés qui contribuent à la stabilité d’une société et d’un
régime politique, à son orientation, à la capacité de diriger, à la capacité de fournir des
services et à assumer sa légitimité. L’intérêt de cette sociologie de la gouvernance consiste
à réfléchir sur les articulations entre les différents modes de régulation de la société, de
manière à mieux cerner la place respective ainsi que les transformations de régulation
28
politique et sociale » .
La gouvernance est envisagée d’une façon relativement « dure » par Le Galès
considérant que la gestion de la ville est une gestion collective, exercée par les acteurs
privés et publics. Le Galès pose le fait que le politique n’a pas un rôle particulier dans gestion
collégiale de la ville. Il est cependant à noter une certaine évolution des thèses avancées
par Le Galès entre les années 1990 et 2000. En effet, en 2003 dans « Le retour des villes
européennes », Le Galès tempère ses propos sur le rôle du politique dans le gouvernement
des villes.
29
En réaction aux travaux de Le Galès, notamment dans un article paru en 1995 , Jouve
30
et Lefèvre remettent en cause son appréciation du rôle du politique :
« Partant du constat que les scènes décisionnelles urbaines sont effectivement
caractérisées par la fragmentation institutionnelle et une recomposition des Etats,
notamment dans leur relation avec les collectivités locales, les travaux académiques
déclinant le concept de gouvernance urbaine insistent sur le fait que, par le biais de
partenariat entre institutions publiques et acteurs privés, de mobilisation collective, il est
possible que certaines villes s’engagent dans la production de projet collectif, agrégeant
les acteurs produisant la ville (ou du moins certains d’entre eux), dans la création
31
ou la réactivation d’identités locales fortes . Deuxième élément structurant le propos :
l’agrégation des institutions, des acteurs relève bien du politique mais d’une forme
particulière qui s’éloigne très nettement de la définition wébérienne. L’agrégation n’est plus
affaire de domination mais d’échanges de ressources, de mobilisation sur la base d’un projet
commun pour la ville, partagé par les élites économiques et politiques : « cette forme de
renforcement de l’organisation sociale et politique dans certaines villes, dont on essaie de
rendre compte à l’aide du concept de gouvernance, n’est plus le politique défini en termes de
domination légale et rationnelle. Le politique dont il s’agit ici c’est avant tout la mobilisation
de groupes sociaux, d’institutions, d’acteurs publics et privés qui bâtissent des coalitions,
27
LEFEVRE (C.), Métropole : la bonne gouvernance en questions, Revue Urbanisme, Hors-série n°29, novembre-décembre
2006.
28
LE GALES (P.), Le retour des villes européennes. Sociétés urbaines, mondialisation, gouvernement et gouvernance, Presses
de la fondation nationale des sciences politiques, 2003.
29
30
LE GALES (P.), Du gouvernement des villes à la gouvernance urbaine, Revue française de science politique, Année, 1995.
JOUVE (B.), LEVEFRE (C.), « De la gouvernance urbaine au gouvernement des villes ? Permanence ou recomposition des
cadre de l’action publique en Europe », Revue française de science politique, n°6, 1999, p.835-854.
31
PINSON (G.), « Projets urbains, acteurs économiques et construction des territoires politiques : deux scenarii »,
Communication au colloque « European cities in transformation », Paris, European urban research association, 22-23 octobre 1999.
TOTA Barbara_2007
13
« Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs,
entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement »
élaborent des projets collectifs afin, d’une part, de tenter de s’adapter aux transformations
économiques et, d’autre part, de peser quelque peu (voire de se protéger) contre les effets
32
du marché » .
C’est la conjugaison de ces deux propositions qui fait la « force » du concept de
gouvernance urbaine : non seulement les villes bénéficieraient de la recomposition des Etats
modernes pour émerger en tant qu’acteurs collectifs sur la scène internationale mais, de
plus, les modalités concrètes d’exercice du politique seraient à l’opposé su modèle que M.
Weber associait à l’État : la domination à travers l’usage exclusif de la force légitime sur un
territoire donné comme moyen d’agrégation disparaitrait au profit d’une forme de politique
reposant sur le projet collectif, le partage d’objectifs communs, d’une vision identique pour
l’avenir de la ville, d’un véritable projet de société urbaine. Pour donner davantage de
poids à leur démonstration, les tenants de la gouvernance urbaine se référent aux travaux
33
d’historiens de l’État comme C. Tilly en montrant que ce processus marque une revanche
politique des « villes combattantes » contre les « États voraces » qui les avaient assujettis
au cours de la période moderne.
C’est à une discussion de ce concept de gouvernance urbaine que nous voudrions
nous livrer dans cet article ».
Il s’agit à présent de confronter les différents travaux académiques sur les questions du
rayonnement des villes, de la compétitivité des territoires et de la gouvernance avec notre
objet d’étude : Only Lyon.
Nous allons tenter d’analyser à travers Only Lyon, un objet d’étude de science politique
parmi la multitude d’autres possibles, la thématique de l’internationalisation à Lyon, entre
1989 et 2007. Pour le dire autrement, nous étudierons Only Lyon, une démarche marketing
internationale, comme un instrument de gouvernement.
A travers notre objet, nous mettrons en regard les questions de l’internationalisation de
la ville comme problème et la question de la gouvernance.
34
Braudel commençait « L’identité de la France » de la manière suivante :
« Je le dis une fois pour toutes : j’aime la France avec la même passion, exigeante et
compliquée, que Jules Michelet. Sans distinguer entre ses vertus et ses défauts, entre ce
que je préfère et ce que j’accepte moins facilement. Mais cette passion n’interviendra guère
dans les pages de cet ouvrage. Je la tiendrai soigneusement à l’écart. Il se peut qu’elle ruse
avec moi, qu’elle me surprenne, aussi bien la surveillerai-je de près. Et je signalerai, chemin
faisant, mes faiblesses éventuelles. Car je tiens à parler de la France comme s’il s’agissait
d’un autre pays, d’une autre patrie, d’une autre nation. »
De la même manière, je souhaite mettre en garde mon lecteur et par la même occasion
me préserver de ce sentiment qui peut à tout moment me faire détourner de mon objectif
d’objectivité que l’on se doit de viser dans l’élaboration d’un travail scientifique. Aussi je
l’avoue non sans fierté : j’aime Lyon.
Les choses étant posées, je suis allée sur mon terrain enquêter, recueillir les paroles
des acteurs d’Only Lyon, fouiller les archives du Grand Lyon, participer aux manifestations,
rencontrer, discuter et échanger.
32
BAGNASCO (A.), LE GALES (P.), « Les villes européennes comme société et comme acteur », dans BAGNASCO (A.), LE
GALES (P.) (dir.), Villes en Europe, Paris, La Découverte, 1997.
33
34
14
TILLY (C.), BLOCKMAN (W.) (dir.), Cities and the rise of the state in Europe, Bolder, Westview Press, 1994.
BRAUDEL (F.), L’identité de la France, Vol. 1 « Espace et histoire », Paris, Flammarion , 1990.
TOTA Barbara_2007
Introduction
Toutefois, il me semble important de préciser que mon sujet a changé au fil de mon
travail. Mon objet d’étude était au départ la délégation parisienne du Grand Lyon, un bureau
de la Communauté Urbaine, dépendant de la Direction de la Communication, en plein
ème
cœur du 7
arrondissement de Paris, dont la mission est d’assurer le rayonnement
d’agglomération et la diffusion de la culture lyonnaise auprès des Parisiens.
D’entretiens en entretiens, je me suis rendue compte que mes interlocuteurs me
parlaient plus volontiers d’Only Lyon que de la délégation parisienne du Grand Lyon et
que cette délégation ne promettait pas d’apporter suffisamment d’éléments d’analyse en
comparaison du potentiel que je pouvais déceler, ainsi que mon directeur de mémoire, dans
la démarche Only Lyon pour un travail de recherche.
Si toutefois le sujet est prometteur, le changement en fin de parcours ne m’a pas permis
d’explorer totalement le terrain, du moins pas comme je l’aurais souhaité, contrainte par le
temps du calendrier universitaire. Aussi, j’ai concentré mes recherches et mon enquête sur
le rôle du Grand Lyon au sein de la démarche Only Lyon.
Dans une première partie nous étudierons l’internationalisation de Lyon comme
problème depuis Michel Noir et les solutions apportées par le politique à ce problème
jusqu’en 2001, date de l’élection de Gérard Collomb à la Mairie de Lyon et à la présidence
de la Communauté Urbaine de Lyon. Ce travail historique nous permettra de poser les
bases, notamment en termes d’acteurs et de stratégies, sur lesquelles Gérard Collomb
a mi en place sa politique de rayonnement et de développement du territoire. Ce travail
nous permettra également de mieux situer notre objet dans le champ des politiques
d’internationalisation de la ville.
Dans un deuxième temps, nous aborderons la notion de compétitivité entre les
territoires sur le marché européen des villes. Nous analyserons, à travers la démarche
marketing Only Lyon, la stratégie de communication, comme outil de rayonnement et de
développement de Lyon au sein de la compétition internationale des villes.
Enfin, dans une troisième partie, nous aborderons la question de la gouvernance
omniprésente dans le discours des partenaires d’Only Lyon. Nous nous intéresserons à la
gouvernance telle qu’elle est utilisée par les acteurs du territoire, en nous concentrant sur
l’utilisation du concept par le politique. Nous tenterons de comprendre les enjeux de l’action
collective, et notamment du politique, à travers la mise en place d’une politique publique
visant le rayonnement et le développement de la ville.
TOTA Barbara_2007
15
« Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs,
entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement »
Première partie : Lyon sera
internationale ou ne sera pas !
Introduction :
Pourquoi les politiques - élus et administration - posent l’internationalisation de la ville
comme un problème à résoudre ou comme un objectif à atteindre ?
C’est à cette première question que nous tenterons de répondre dans un premier temps.
Nous étudierons pour ce faire les conditions d’émergence de la thématique de
l’internationalisation à Lyon, nous tenterons de savoir en quels termes la question de
l’internationalisation s’est posée. Nous nous concentrerons sur une période allant de 1989
à 2001, période qui correspond à l’arrivée de Michel Noir et au départ de Raymond Barre
avant l’élection de Gérard Collomb à la Mairie de Lyon et à la présidence du Grand Lyon.
La question de l’internationalisation de la ville comme objet des politiques publiques
amène une deuxième question ; comment les politiques ont répondu à cet objectif
d’internationalisation et de rayonnement de Lyon entre 1989 et 2001 ? Ainsi, dans un
deuxième temps nous étudierons les stratégies de rayonnement mises en place depuis
1989, dans l’objectif d’analyser les formes que les politiques d’internationalisation ont prises
et le rôle des acteurs des stratégies de rayonnement, ce qui nous permettra de mieux situer
notre objet.
Chapitre 1 : L’internationalisation des villes comme
objet des politiques publiques
Nous reviendrons dans ce chapitre sur les conditions d’émergence des politiques
d’internationalisation de la ville. En d’autres termes, nous nous demanderons pourquoi les
politiques se sont saisis du rayonnement international de la ville, en quoi un déficit supposé
ou affirmé d’internationalisation pose problème et inversement en quoi un rayonnement
serait salvateur.
1- Le renouveau des villes ?
16
TOTA Barbara_2007
Première partie : Lyon sera internationale ou ne sera pas !
35
Pour Le Galès , les villes ont contribué à la formation des États mais les États modernes
en Europe se sont développés contre les villes.
Le Galès s’appuie sur les travaux d’historiens comme Tilly, qui a mis en lumière les
relations complexes entre les villes et les États. Si l’on en croit Weber, « sur le continent,
l’Etat moderne à caractère bureaucratique et patrimonial a privé la plupart d’entre elles [les
36
villes] de toute activité politique et militaire sauf à des fins de police » . Les villes n’auraient
donc pu d’après ces auteurs résister aux processus de formation des Etats nationaux, sauf
en Italie où les villes avaient la forme de Cités-Etats. En France et en Angleterre d’après Le
Galès, la ville capitale du pays s’est affirmée comme la ville dominante.
Même si les villes marchandes, comme Lyon, sont puissantes, elles n’ont pu faire face
au mouvement irrésistible du développement de l’Etat moderne.
37
Fernand Braudel dans L’Identité de la France , revient sur « le destin de Lyon » :
« Lyon est indéniablement une capitale régionale, puissante, en bonne santé, et cela
depuis son retour en force au XVIè siècle. Aujourd’hui son rayonnement, sa prépondérance
vont jusqu’à un cercle de villes à une bonne distance d’elle-même : Roanne, Dijon, Chalonsur-Saône, Besançon, Genève (l’ennemie héréditaire), Grenoble, Saint-Etienne et Vienne
hier et Valence aujourd’hui. Mais pour être au clair, il faudrait à ce sujet des études précises,
du type celles d’André Piatier dont nous parlons au chapitre II, des enquêtes sur l’ampleur
des liens commerciaux et financiers entre Lyon et ces villes- auxiliaires et rivales tout à la
fois. Quant aux logiques nationales, je les voies (les exceptions confirmant la règle) plutôt
hostiles, plutôt négatives. Ni l’économie française, ni la politique française n’ont su, ou voulu,
ou pu soutenir, dans son rayonnement, le pole puissant de la vie lyonnaise. […]. Et puis
sur le plan national, il n’y a sans doute pas de place pour deux postes de commandement
à la fois, pour deux très grandes villes et qui seraient simultanément dominantes. Paris
l’a emporté sur Lyon du simple fait qu’il a été, qu’il est resté la capitale, le lieu naturel et
obligé des confluences, de l’argent que prélève l’Etat, lequel ne cesse de créer à Paris une
largesse du numéraire.
Cependant, Lyon économiquement, a assez longtemps dominé la capitale. La ville
rhodanienne, en effet, a été lancée bien au-dessus d’elle-même par la prospérité de ses
foires. Au XVIè siècle, Paris avec ses commerces de détail fait grise mine par rapport à au
commerce de gros et aux opérations bancaires de Lyon. Mais, au-delà d’un XVII siècle où
la France a vécu au ralenti, les grandes heures des foires s’effacent. Et quand, au XVIIè
siècle, tout se réanime, les foires sont dès lors vieux jeu, l’économie qui s’emballe met Paris
en avant ; la capitale dépouille peu à peu Lyon de son rôle financier. C’est chose faite avec
la fin du siècle des Lumières. Le bien, mal ou justement acquis, reste à la rivale de Lyon.
Au XIXè siècle, la rivalité continue s’aggrave. Aujourd’hui Lyon est vidé de ses capitaux
par une capitale dont la voracité n’a plus de limites. L’amorce d’une réaction de la bourse
lyonnaise, depuis sa création, en 1983, en province comme à Paris, du « second marché »
et de la cotation à Lyon de quelques entreprises nouvelles, pourrait-elle, à terme, changer
le rapport de force ? Il est trop tôt pour le dire. Les industriels lyonnais semblent encore
réticents. C’est, à propos de l’étage financier, tout le problème de l’efficacité réelle de la
décentralisation qui se trouve posé.
35
LE GALES (P.), Le retour des villes européennes. Sociétés urbaines, mondialisation, gouvernement et gouvernance, Presses de
la fondation nationale des sciences politiques, 2003.
36
37
WEBER (M.), La ville, Paris, Aubier Montaigne , 1986.
BRAUDEL (F.), L’identité de la France, Vol. 1 « Espace et histoire », Paris, Flammarion , 1990.
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17
« Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs,
entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement »
C’est à ce point-là, j’imagine, que l’on commence à mieux comprendre, presque à voir,
le destin de Lyon. Le drame de la ville, c’est qu’elle ne trouve son ordre et les conditions de
son épanouissement que sur le plan international ; elle dépend de « logiques » à très large
rayon. Il lui faut la complicité du dehors. Les fées qui la favorisent sont étrangères ».
Ainsi, selon Braudel, le problème de l’internationalisation de la ville de Lyon s’est posé
en réaction à la surdomniation du poids de Paris dans le cadre national. Il a donc fallu à la
ville dépasser et contourner cette domination pour trouver un souffle nouveau, pour assurer
son développement.
ème
Pour Le Galès, l’industrialisation au 18
siècle s’accompagne d’une nouvelle vague
d’urbanisation qui va venir renforcer le rôle des villes : «avec cette nouvelle vague
38
d’urbanisation, le fait urbain devient massif en Europe du Nord, et un peu moins au Sud » .
Les villes changent d’échelle et les activités et les populations se concentrent dans les
métropoles.
C’est vers 1995 que l’institutionnalisation de l’Europe a donné aux villes l’occasion
d’inscrire leurs actions dans le cadre européen. Selon Le Galès, cette dynamique rappelle
celle de la formation des États-nation à partir de l’armature des villes. Aussi, selon lui,
« L’État-nation est aujourd’hui moins déterminant dans la structuration et le pilotage de la
société ».
Ainsi, Le Galès a une analyse différente, qui peut d’ailleurs s’avérer complémentaire,
de celle de Braudel sur le destin et l’internationalisation des villes. Pour le premier, Lyon a du
s’internationaliser sous la contrainte pour se défaire de la domination de la capitale. Pour Le
Galès, les villes européennes connaissent aujourd’hui un retour grâce aux transformations
institutionnelles : la construction européenne et l’affaiblissement de l’État.
Toutefois Le Galès précise que si l’État se transforme, il ne disparaît pas, mais se
recompose.
39
C’est également la thèse avancée par Jouve et Lefevre . S’ils reconnaissent d’après
leur étude terrain que la décentralisation, la construction européenne et « l’européanisation
des politiques publiques locales » ont été comprises comme la remise en question d’un
équilibre institutionnel existant qui a favorisé l’émergence de stratégies entrepreneuriales
dans les villes, « à en croire les déclarations de bon nombre d’élus de grandes métropoles
européennes, il reste que leur personnel politique entretien un rapport ambigu avec le
national où se structure l’appareil d’Etat et les formations politiques partisanes ; pour
40
reprendre la formule de Michel Amiot , les élus métropolitains sont en Europe contre l’État,
tout contre… »
C’est, en effet, ce qui semble ressortir d’une lettre de Michel Noir, Président
de la Communauté Urbaine du Grand Lyon adressée à l’ensemble des conseillers
communautaires. Cette lettre, datée du 28 juin 1991 informe les élus de l’avancée du projet
41
d’ouverture de bureau de la Communauté urbaine à Paris :
38
LE GALES (P.), Le retour des villes européennes. Sociétés urbaines, mondialisation, gouvernement et gouvernance, Presses
de la fondation nationale des sciences politiques, 2003.
39
JOUVE (B.), LEFEVRE (C.), « Le nouvel âge d’or des villes européennes ? », dans JOUVE (B.), LEFEVRE (C.) (dir.),
Métropoles ingouvernables, Editions scientifiques et medicaes Elsevier SAS, 2002.
40
AMIOT (M.), Contre l'État, les sociologues : éléments pour une histoire de la sociologie urbaine en France, 1900-1980,
Paris : Éd. de l'École des hautes études en sciences sociales, 1986
41
18
Lettre de Michel Noir, Président de la Communauté Urbaine de Lyon du 28/06/1991, voir annexe n°8.
TOTA Barbara_2007
Première partie : Lyon sera internationale ou ne sera pas !
« Je souhaite vous informer sur l’état d’avancement d’un projet actuellement à l’étude,
relatif à la création d’une antenne de la Communauté urbaine à Paris. Ce projet répond à
plusieurs objectifs.
De nombreux dossiers, vous le savez, se traitent encore à paris, dans les ministères ou
au siège des grandes administrations ; qu’il s’agisse des grandes infrastructures de voirie ou
de transports en commun ou de recherche d’autorisations ou de financements spécifiques
(habitat, environnement) Paris reste souvent un point de passage obligé.
Il est donc nécessaire de disposer dans la capitale de locaux permettant d’accueillir
ponctuellement les collaborateurs qui suivent ces négociations.
Il est donc également intéressant, en raison de la renommée internationale que nous
souhaitons donner à notre agglomération, de disposer d’une représentation permanente
à Paris susceptible d’accueillir les visiteurs de marque - délégations officielles, groupes
industriels, etc…- qui séjournent dans la capitale. Une telle représentation peut se révéler,
à l’usage, un outil de communication moderne et efficace ».
Ainsi, on peut voir que le retour des villes, s’il semble être favorisé par la construction
européenne, reste dans une certaine mesure déterminé par le niveau national.
2- Internationalisation et développement
L’internationalisation de Lyon est souvent, dans le discours des politiques, lié au
développement de la ville et plus particulièrement au développement économique local. En
1989, Michel Noir fait de l’internationalisation de la ville un axe principal de sa campagne
contre Francisque Collomb, le maire sortant.
42
Selon Sylvie Biarez , la mise en place de la démarche prospective « Lyon 2010 » a été
déterminante dans le processus d’émergence et d’imposition par le politique de la nécessité
d’internationaliser Lyon :
« Dans une deuxième phase qui commence avec le projet de ville « Lyon 2010 »,
les préoccupations économiques deviennent plus évidentes. Ce projet stratégique élargit
la réflexion, associe de nombreux partenaires et privilégie les axes de développement
aux dépens de prescriptions réglementaires. « Lyon 2010 » tente de mobiliser un
territoire en faveur de nouvelles conceptions et de nouveaux comportements. Procédé de
communication, il est un essai d’affirmation de l’agglomération et de sa volonté de devenir
une métropole internationale, il tend donc à instaurer une image prometteuse. Ce projet
est élaboré de manière à entraîner un consensus des élites. Préparé par les techniciens
de l’agence d’urbanisme, de la communauté urbaine et par des élus, il aura l’assentiment
de l’Etat et de nombreux responsables. Il donne lieu à l’audition de personnalités (socioprofessionnels, techniciens, experts, universitaires…), ce qui permet des ajustements
et fortifie le consensus. L’ensemble de ces processus aboutit, à la veille des élections
municipales de 1989, à faire de l’idée de Lyon ville internationale une quasi nécessité ».
Dès son arrivée à la Communauté Urbaine, Michel Noir fait de l’internationalisation de
43
la ville une priorité. Dans un article du Figaro du 6 mars 1990, titré « Noir a le bon compte »
on peut lire à propos du vote du premier budget du nouveau Président de la Communauté
urbaine :
42
43
BIAREZ (S.), Territoires et espaces politiques, Grenoble, PUG, 2000.
« Noir a le bon compte », Le Figaro, 06/03/1990.
TOTA Barbara_2007
19
« Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs,
entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement »
« Du côté des investissements, quatre axes sont prioritaires. Les déplacements urbains
sont dotés de 603 millions de francs, soit 132 millions supplémentaires dont une partie
versée au Sytral, permet d’augmenter sa capacité d’emprunter. Le logement social reçoit,
lui, 50 millions de francs. Le budget de la propreté s’élève à 156 millions, en augmentation
de 85, et les équipements structurants sont dotés de 112 millions. Dans ce chapitre se
trouvent les fonds affectés à l’achat de la manufacture des tabacs, ainsi qu’à l’Opéra de
Lyon. Soit un total de 923 millions pour l’ensemble des dossiers prioritaires. A noter le budget
communication, en hausse de 156%, il dépasse les 25 millions pour étoffer le rayonnement
de Lyon. Tout comme la subvention à l’Aderly qui, elle, est multipliée par quatre ».
Raymond Barre dans son plan de mandat 1996-2001 pour la Communauté urbaine de
Lyon lie très fortement la question de l’internationalisation de l’agglomération lyonnaise au
développement économique :
« Face à ses concurrentes européennes et malgré la présence de grands groupes tels
RVI ou Rhône-Poulenc Agro-Chimie, l’agglomération souffre encore du faible nombre de
grandes sociétés de plus de 500 salariés telles FIAT à Turin, Montedison à Milan, Dupont de
Nemours à Genève, BMW à Munich. Elle manque surtout de centres de commandements.
Dans cette compétition entre les métropoles européennes, il convient de consolider
le positionnement économique de l’agglomération en créant un environnement favorable
au développement des activités et de l’emploi. Le déficit d’offre de sites d’accueil des
entreprises sur certains créneaux du marché doit notamment être comblé ».
Plus loin dans le même document, dans le paragraphe « Developper l’attractivité de
l’agglomération », on peut lire :
« Attirer des entreprises extérieures installées dans l’agglomération, c’est permettre
la création d’emplois. C’est aussi un signe de reconnaissance de la compétitivité et de la
vitalité économique de l’agglomération lyonnaise. Cela confirme la valeur de nos filières
économiques et notre capacité à créer des richesses.
Pour cela l’Aderly joue un rôle essentiel. Son action permet l’accueil d’entreprises
françaises et étrangères, d’institutions nationales et internationales »
Dans le discours politique, l’internationalisation et le rayonnement de la ville sont
posés comme étant étroitement liés au développement économique de l’agglomération.
S’internationaliser c’est s’ouvrir sur un marché plus grand, celui de la mondialisation de
l’économie et de l’européanisation des politiques publiques locales. Mais pour tirer avantage
de ce marché, il faut être visible pour attirer les investisseurs, visiteurs et activités qui
créeront de la richesse et de l’emploi.
Si pour les politiques le lien semble évident et presque naturel entre l’internationalisation
et le développement économique local, nous allons tenter, en nous appuyant sur les travaux
44
de Le Galès , de comprendre dans quelles mesures les deux sont liés et surtout pourquoi
les villes se sont saisies de la question du développement du territoire, ce qui ne va pas
de soi.
L’ouvrage de Le Galès pose la question de l’émergence et de la forme des politiques
de développement économique local.
Il définit le développement économique local de la manière suivante :
« Le développement économique local, auquel il est souvent fait référence en tant
que développement économique et de l’emploi local, concerne la création et le maintien
44
20
LE GALES (P.), Politique urbaine et développement local : une comparaison franco-britannique, Paris, L’Harmattan, 1993.
TOTA Barbara_2007
Première partie : Lyon sera internationale ou ne sera pas !
d’activités économiques - la richesse, l’emploi et autres avantages - ainsi que l’obtention de
ces avantages par les résidents locaux ».
Le Galès analyse l’apparition des politiques locales de développement économique
qu’il situe à partir des années 70, ces politiques publiques étant jusqu’alors largement prises
en charge par l’État. C’est, selon lui, à partir de cette date que les collectivités locales et
particulièrement les villes se sont préoccupées du développement économique et ont joué
un rôle de plus en plus important dans ce domaine. Pour Le Galès, c’est à ce moment qu’a
lieu une double crise : institutionnelle et économique. Institutionnelle parce que c’est à partir
des années 70 que les relations central-local entrent dans une « zones de turbulence »
et économique parce que face à la crise économique des doutes émergent quant aux
capacités de l’État à la surmonter.
En France, la décentralisation, marquant davantage l’aboutissement d’un processus
qu’une rupture, a eu pour conséquence d’augmenter la concurrence en instaurant un
espace de liberté entre les territoires pour attirer les investissements privé et publics.
Ainsi, Raymond Barre dans son plan de mandat écrit : « une grande vigilance auprès
des pouvoirs publics nationaux sera nécessaire face à la menace de construction d’une
nouvelle plate-forme aéroportuaire à proximité de l’Île-de-France ».
Ces inquiétudes confirment les travaux de Le Galès. En effet, par ces propos,
Raymond Barre montre les enjeux de l’attractivité, de la captation des investissements, mais
aussi la concurrence entre les territoires. Il est sous-entendu qu’une nouvelle plate-forme
aéroportuaire en Île-de-France représentait une concurrence difficilement surmontable pour
le territoire lyonnais.
Si les institutions et les politiques gouvernementales ont joué un rôle dans la mise
en place des politiques de développement local et dans les formes qu’elles ont prises, Le
Galès pense qu’il ne faut pas surestimer ce rôle. En comparant la France et l’Angleterre,
Le Galès s’est rendu compte que, quasi-simultanément, on peut observer une montée de
l’interventionnisme économique local et ce malgré les différences institutionnelles fortes
entre ces deux pays. Ainsi cette comparaison permet d’établir que les facteurs institutionnels
ne sont pas déterminants pour expliquer la mise en place des politiques de développement
économique local.
Les politiques de développement économique local ont émergé dans les années 70-80
dans un contexte de crise économique. Pour Le Galès, le développement économique des
villes est intrinsèquement lié au développement des économies capitalistes.
45
D. Harvey est un auteur qui a mené des travaux importants dans ce domaine. L’un des
intérêts de son approche repose sur l’analyse de la circulation du capital. En effet, les villes
sont souvent étudiées à partir des stocks (capital, main d’œuvre, services, équipements…).
Or le système capitaliste est par nature dynamique, ce qui requiert une analyse des flux qui
traversent la ville et en particulier la prise en compte de la circulation du capital, ce qui pose
la question de l’organisation de l’espace pour favoriser ou non la mobilité du capital. Ainsi
les villes dans leur organisation et leur espace subiraient les transformations de l’économie.
L’économiste Pierre Veltz accorde également une importance au territoire dans
l’économie : « le territoire entre désormais dans le jeu économique comme matrice
d’organisation et d’interactions sociales, et non plus, d’abord, comme stock ou assemblage
45
HARVEY (D.), « from managerialism to entreprenneurialism : the transformation in urban governance », cité dans LE GALES
(P.), Politique urbaine et développement local : une comparaison franco-britannique, Paris, L’Harmattan, 1993.
TOTA Barbara_2007
21
« Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs,
entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement »
de ressources techniques ; ces changements sont au cœur des nouvelles configurations
46
spatiales et en particulier de la poussée des métropoles » .
Avec la crise des années 70, on aurait découvert que le local pouvait contribuer
au développement économique. Le Galès emploie l’expression reprenant un slogan bien
connu : « sous la crise, le local » !
Pour réagir et obtenir des ressources financières, les villes européennes ont été
amenées à développer des politiques « entrepreneuriales » s’appuyant sur tous les acteurs
du territoire.
Ainsi, Sylvie Biarez écrit à propos de Lyon :
« Dans l’agglomération comme ailleurs, le retrait de l’État laisse plus de place
à de nouveaux groupes professionnels, à des promoteurs capables de proposer des
opérations, d’assembler des métiers et de présenter des projets clés en main. Il existe
une tradition de dialogue entre les élus, les techniciens, la Chambre de commerce de
Lyon, le Groupement Interprofessionnel Lyonnais (GIL) et les syndicats professionnels
pour les questions économiques. Ce dialogue s’est concrétisé en 1974 par la création de
l’Association pour le développement de la région lyonnaise (ADERLY) à l’initiative de la
municipalité de Lyon, de la Chambre de commerce et du GIL. L’objectif est de promouvoir
47
l’image internationale de la région lyonnaise et d’attirer les entreprises étrangères » .
Comme nous l’avons vu dans notre introduction, Le Galès identifie cinq types d’action
de développement économique local : les actions de planification urbaine, les actions
d’assistance aux entreprises, les actions de promotion et de communication, les actions
liées à l’emploi et à la formation, les actions d’organisation ou de catalyseur. Les actions de
promotion ou de communication sont multiples pour Le Galès :
« […] les possibilités sont multiples, publicité directe pour une localité, actions
de promotion plus spécifiquement orientées vers l’attraction des entreprises,
organisation de manifestations en tous genres, congrès, foires. Les plans pour
développer le tourisme, les manifestations et équipements culturels de prestige
participent de cet effort d’amélioration de l’image globale d’une localité vis-à-vis
48
de l’intérieur et de l’extérieur » .
Ainsi nous pouvons identifier le lien entre les politiques de rayonnement et
d’internationalisation de Lyon et le développement économique local.
Les travaux de Le Galès nous permettent d’identifier les conditions d’émergence des
politiques de développement économique local dans les années 70 et par conséquent les
politiques de rayonnement, qui sont fortement liées.
La nécessité de l’internationalisation des villes s’est donc posée à un moment de
transformations à la fois institutionnelles et économiques. Dans les années 70-80, l’évolution
du rôle des Etats et de la ville capitale, la construction européenne, la décentralisation mais
aussi la crise économique ont laissé plus de liberté aux villes et à ses acteurs d’agir sur
leur propre territoire. Mais la liberté à son pendant : la compétition. L’internationalisation
et le rayonnement représentent donc, pour le politique, des armes pour assurer le
46
47
48
VELTZ (P.), Mondialisation, villes et territoires, PUF, Paris, 2005.
BIAREZ (S.), Territoires et espaces politiques, Grenoble, PUG, 2000.
LE GALES (P.), Politique urbaine et développement local : une comparaison franco-britannique, Paris, L’Harmattan,
1993.
22
TOTA Barbara_2007
Première partie : Lyon sera internationale ou ne sera pas !
développement du territoire dans le cadre des évolutions du marché et des transformations
institutionnelles à l’échelle internationale, européenne et nationale.
Chapitre 2 : Les stratégies de rayonnement mises en
œuvre entre 1989 et 2001
49
Dans un article sur « l’importance d’être connecté » , Renaud Payre commence son propos
de la façon suivante :
« Le 21 novembre 2005, Lyon accueille à nouveau la rencontre des Eurocités quatorze
ans après avoir organisé une des toutes premières conférences du réseau. La manifestation
prend place dans la majestueuse cité internationale de l’architecte Renzo Piano. Cette cité
bâtie sur le bord du Rhône sur le site des anciens palais de la foire internationale - initiée
par le maire Herriot en 1916 -, pourrait à tort, laisser croire à l’existence d’une tradition
internationale. Tradition qui suffirait à assurer à la ville - à ses acteurs privés et publics - une
place et une autorité parmi les principales villes d’Europe voire du monde. Mais la continuité
du lieu est un leurre, la cité internationale ne voit le jour que dans les années 1990 dans
une conjoncture au cours de laquelle la ville cherche à acquérir une visibilité internationale.
Une visibilité voulue par les principaux acteurs politiques de la métropole - en accord avec
un certain nombre d’entrepreneurs - élus en 1989 ».
L’internationalisation de la ville relève d’une volonté politique, elle n’est pas le fruit d’un
processus naturel ou d’un quelconque déterminisme.
Après avoir analysé les conditions d’émergence des politiques d’internationalisation à
Lyon avec l’appui de travaux scientifiques, nous allons dans ce chapitre étudier les stratégies
d’internationalisation de Lyon entre 1989 et 2001.
1- La logique équipementière
50
Selon Jouve et Guéranger , les débuts de l’internationalisation de Lyon se situent à la fin
des années 60 avec la politique des métropoles d’équilibre de la DATAR. Le grand projet
pour Lyon est alors est la construction d’un centre d’affaires avec l’ambition de construire
le plus grand centre commercial en centre ville d’Europe : la Part-Dieu. A l’époque, l’État
pèse de tout son poids dans les politiques de développement des villes par ses ressources
politiques techniques et financières. En quinze ans se concrétise le quartier de la PartDieu : le plus grand centre commercial de centre-ville d’Europe, la tour du Crédit Lyonnais,
la Cité Administrative d’État et l’hôtel de la Communauté Urbaine de Lyon créée en 1966
par décision de l’État et imposée aux élus sans concertation, plus tard il y aura la gare TGV.
Comme nous l’avons vu, les années 70-80 ont marqué un tournant dans la prise en
charge des politiques de développement du territoire par collectivités locales. Cela se vérifie
sur le terrain. A partir des années 90, on peut observer un net recul de l’influence directe de
49
50
PAYRE (R.), « De l’importance d’être connecté. Réseaux de villes et gouvernements urbains : Lyon et Eurocités (1990-2005 ».
GUERANGER (D.), JOUVE (B.), « De l’urbanisme à la maïeutique : permanence et recomposition des politiques urbaines à
Lyon », dans Bernard Jouve et Christian Lefèvre (dir.), Horizons métropolitains, Presses polytechniques et universitaires romandes,
2004, pp. 209-239
TOTA Barbara_2007
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« Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs,
entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement »
l’Etat dans les affaires locales et un plus grand interventionnisme ou « entrepreneurialisme »
municipal.
Avec l’arrivée de Michel Noir, les grands équipements se multiplient et la ville se
transforme physiquement. Lors d’une séance de conseil communautaire en 1994 le
Président de la communauté urbaine déclare : « Aujourd’hui la France est faible de la
51
faiblesse de ses infrastructures urbaines » . Il s’agit donc de doter la ville d’équipements
de taille suffisante pour inclure Lyon sur la carte des décideurs mondiaux et européens.
Au lendemain de son élection, Michel Noir invite son équipe à mettre en chantier la ville
dans les plus brefs délais, à lancer les projets urbains qui permettront à Lyon se hisser au
rang des grandes métropoles européennes.
Raymond Barre l’avoue volontiers, s’il a fait émerger le projet de réaménagement de
la partie sud de la Presqu’ile derrière les voutes de Perrache, il n’a fait que reprendre les
projets initiés par Michel Noir.
Le projet phare des mandats Noir et Barre reste celui de la Cité Internationale. Le
projet de la Cité internationale a été lancé alors que Francisque Collomb était maire de
Lyon. Le site aurait été choisi pour son histoire. En effet, c’est à l’emplacement actuel de
la Cité internationale que se tenait la Foire de Lyon depuis 1922 avant d’être transférée à
Eurexpo au début des années 80. L’objectif de cet aménagement urbain était de renforcer la
52
dimension internationale de Lyon . Pour développer le tourisme d’affaire, selon Raymond
Barre, il faut renforcer la capacité d’accueil des congrès. S’est alors imposée la nécessité
d’avoir à Lyon une salle pouvant accueillir 3 000 congressistes, permettant à la ville
d’accueillir de grands congrès mondiaux. Deux propositions ont alors été présentées par
Renzo piano, l’architecte de la Cité internationale :
« L’une consiste à adjoindre à l’actuel Palais des Congrès une salle de grande capacité
en infrastructure, d’un fonctionnement quasiment identique à celui du grand forum actuel, et
qui, en quelque sorte, le compléterait. L’autre, qui consiste à envisager cette extension en
créant une salle de grande capacité en superstructure, reliée à l’actuel Palais des Congrès
par le prolongement de la rue intérieure, et un grand espace destiné aux expositions qui
53
accompagnent toujours ces manifestations » .
Selon Henry Chabert la deuxième solution confirmerait la Cité internationale comme le
54
« grand centre international de la communication dont Lyon a besoin » . Cet équipement
semble donc, pour les politiques, nécessaire à la ville de Lyon pour être compétitive sur le
marché international des congrès.
Il est intéressant de noter qu’il existait un réseau français de centres de congrès
et d’expositions, le réseau Alior. C’est en 1997, que le palais des Congrès de la Cité
internationale de Lyon entre dans ce réseau aux côtés du Carroussel du Louvre. Ainsi, les
infrastructures, la capacité d’accueil d’une ville pour les congrès représentent un atout et
donnent à la ville une certaine visibilité au-delà de ses frontières.
Le développement de l’aéroport Saint-Exupéry s’appelant à l’époque Lyon-Satolas a
été une préoccupation des politiques. Dans son plan de mandat, Raymond Barre affirme que
l’aéroport de Satolas représente un enjeu essentiel pour l’avenir de la métropole lyonnaise.
51
52
53
54
24
« La ville : défense et illustration », Le Progrès, 14/06/94.
Lyon Mag, n°72, juillet 1998, entretien réalisé avec Jacques Moulinier, Adjoint au Maire de Lyon.
Lyon-Figaro, 15/02/1998.
Lyon-Figaro, 15/02/1998.
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Première partie : Lyon sera internationale ou ne sera pas !
En effet, selon lui, l’avenir de la ville est conditionné par « la vitalité et le dynamisme de ce
site, le renforcement de ses équipements, la multiplication des échanges internationaux ».
Une des propositions de Raymond Barre pour son mandat en tant que Président du Grand
Lyon est de conforter l’aéroport Lyon-Satolas dans « son rôle de seconde plate-forme
aéroportuaire de France ».
Les projets d’aménagements urbains comme celui du Conflent initié par Raymond
Barre fait également partie de cette logique équipementière : offrir aux investisseurs
des capacités d’investissements fonciers, dessiner un quartier d’avenir à la pointe des
techniques d’urbanisme.
2- Des politiques économiques de soutien à des secteurs ciblés pour
faire rayonner la ville
A partir des années 70, la CCI joue un rôle moteur dans le développement économique
55
de l’agglomération lyonnaise . C’est à partir des années 90, avec la loi dite Joxe, que la
56
communauté urbaine se saisit pleinement de la compétence économique .
Avec le Plan Technopolitain, lancé en 1998, le Grand Lyon resserre sa stratégie
de développement en mettant en avant un petit nombre de secteurs phares : la santé,
les sciences et technologies du vivant et les technologies de l’information et de la
communication. Ce plan vise à mobiliser la recherche et les financiers pour démarrer
ou redémarrer des projets économiques dans des secteurs ciblés et à promouvoir Lyon
comme « la ville de l’intelligence ». Cette stratégie a pour but d’apporter à l’agglomération
lyonnaise une certaine notoriété dans des domaines identifiés comme porteurs sur le plan
international.
57
Dans un document intitulé « Lyon au XXIè siècle » écrit par Raymond Barre en 1997
nous pouvons comprendre la vision que l’élu se fait du rayonnement de la ville. Selon lui :
« Les villes sont appelées à devenir des pôles croissants de développement
économique et social. Or Lyon possède des atouts importants pour jouer, dans
les années à venir, un rôle de premier plan sur l’échiquier international des
centres urbains. […] Le Lyon du XXIe siècle, plongé dans un monde où les
notions de compétition et d’innovation s’imposeront à tous les acteurs de la vie
économique et sociale, devra également faire preuve de capacité d’adaptation et
développer l’ « esprit d’entreprise » qui lui permettra d’être en phase avec son
temps en s’appuyant sur les réseaux qui ont bâtis sa réputation : sa tradition
industrielle et commerçante, son réseau performant d’enseignement supérieur
et de recherche, son tissu de PME-PMI à forte capacité exportatrice, le nombre
important d’entreprises de technologie avancée implantées en ses murs. Pour
cela il est nécessaire que notre cité puisse développer la puissance de ses
grandes filières industrielles, dont la notoriété est déjà affirmée, en la combinant
55
56
BIAREZ (S.), Territoires et espaces politiques, Grenoble, PUG, 2000.
HEALY (A.), « ‘Une gouvernance patronale’ : de l’ouverture des modes de prise de décision publique locaux à la sélection des
acteurs participant à l’action économique de la communauté urbaine de Lyon », dans De l’intérêt général à l’utilité sociale ? La
reconfiguration de l'action publique entre État, associations et participation citoyenne, Xavier Engels, Matthieu Hély, Aurélie Peyrin et
Hélène Trouvé (dir.),Paris, L’Harmattan, coll. : « Logiques sociales », 2006.
57
Le Progrès, 22/10/1997.
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25
« Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs,
entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement »
avec un renforcement continu de ses activités de services. Dans le même
temps, Lyon ne devra cesser de soutenir le rapprochement des laboratoires et
des entreprises, de favoriser l’accueil « d’entreprises de pointe » et d’espaces
d’enseignement de haut niveau, dont le travail en synergie ne peut être que
bénéfique ».
Le développement économique fait partie intégrante des politiques de rayonnement de
l’agglomération. Lyon, pour faire parler d’elle, doit être performante, elle doit devenir une
référence dans certains domaines d’activité sur le marché mondial, elle doit attirer de
grands noms de l’industrie. La performance économique est un des volets des politiques
de rayonnement de l’agglomération.
3- La prospective comme outil d’ouverture sur la société « civile »
L’internationalisation de la ville est également un moyen de mettre en synergie et de fédérer
les acteurs de la ville.
Ainsi, dans une logique de partenariat et d’ouverture sur la société dite « civile », Michel
Noir a mis en place en 1990 le Conseil International de Lyon, un organe de réflexion ayant
58
pour objectif d’élever la ville de Lyon au niveau européen et international . Raymond Barre
a repris la structure existante.
Raymond Barre a également mis en place une démarche prospective : « Millénaire 3 »
débouchant sur un projet de développement de l’agglomération. Selon ses termes :
« Il convenait donc de mobiliser des moyens humains sur le thème d’un
développement durable à long terme, du Grand Lyon, et d’y associer des
représentants de la société civile. Les travaux menés pendant deux ans dans
le cadre de la démarche « Millénaire 3 » ont engendré une forte mobilisation.
Le résultat a été un projet d’agglomération qui fixe désormais des axes forts
de développement pour le Grand Lyon. Ce projet s’intitule « une agglomération
compétitive et rassemblée - 21 priorités pour le XXIème siècle », montre le
double objectif poursuivi : d’une part, mettre en relief la compétition entre les
agglomérations européennes - d’autant plus difficile en France, en raison de
l’hypertrophie de la région parisienne ; d’autre part, souligner la nécessité de
la cohésion sociale, indispensable pour éviter les graves problèmes comme la
59
violence urbaine, que connaissent certaines agglomérations » .
A son lancement en 1997, ce qui s’appellera plus tard Millénaire 3, portait le nom de
« comité des sages ». En effet, Raymond Barre souhaitait mobiliser les acteurs du territoire
autour de la définition de l’avenir de la métropole lyonnaise comme une grande métropole
européenne. Raymond Barre craignait face aux transformations de la mondialisation et de
la construction européenne que Lyon recule plutôt que d’avancer. Il fallait donc pour éviter
cela donner un véritable projet d’avenir pour Lyon à l’échelle européenne. Cette démarche
prospective se voulait ouverte sur la société civile, dans l’objectif de rassembler et de fédérer
60
les Lyonnais autour d’une ambition commune .
58
59
60
26
« Une année Noir », Le Figaro, 12/03/90.
Revue Urbanisme, janvier/février 2001.
« Des sages pour l’avenir », Le Figaro, 02/12/1997.
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Première partie : Lyon sera internationale ou ne sera pas !
4- Les réseaux de ville
La logique de partenariat avec les villes, le jumelage, la coopération décentralisée et la
participation aux réseaux de villes, fait partie de la stratégie d’internationalisation de Lyon.
La recherche de la bonne échelle pour le développement et le rayonnement de
l’agglomération lyonnaise a été un objet d’attention des politiques depuis 1989.
61
Pour Raymond Barre, « l’espace pertinent d’action » est la Région Urbaine Lyonnaise
(RUL) regroupant 239 communes associant Lyon, Saint-Etienne, l’Isle d’Abeau, une partie
nord de l’Isère et la Plaine de l’Ain.
La RUL a été créée en 1974 par les élus de la communauté urbaine de Lyon, de l’Ain,
de l’Isère et du Rhône. A ses débuts la RUL est présidée par le préfet de région. En 1998,
le vice-président de la communauté urbaine en charge de l’urbanisme choisit dans le cadre
de la décentralisation de transformer la RUL en association. Cette dernière n’est pas une
collectivité locale et n’a pas de périmètre stable, il s’agit d’une instance de dialogue. Après
1992 une charte est élaborée fixant des objectifs et définit les politiques de développement
devant favoriser le positionnement européen du territoire.
En 1989, Michel Noir préside la RUL. Mais des tensions se font jour entre les différents
acteurs à cause de la prédominance de la relation entre Michel Noir et le Préfet et à cause
62
du poids prépondérant de l’agglomération lyonnaise menaçant le Conseil Régional . Avec
l’arrivée de Raymond Barre, le directeur de l’action économique et du développement de la
Chambre de Commerce et d’Industrie de Lyon devient le secrétaire général de la RUL.
Pour Michel Noir, la question de la bonne échelle et du partenariat entre les villes était
cruciale dans le contexte de compétition des territoires à l’échelle européenne. Ainsi Michel
Noir répondait à un journaliste à propos d’un éventuel partenariat avec Grenoble et Annecy
63
de la manière suivante :
« Journaliste : Vous avez conclu des accords de partenariat entre Lyon et SaintEtienne leur permettant de constituer ainsi, disons, une zone dynamique…
qu’en est-il avec Grenoble et Annecy ? Michel Noir : En cette fin de siècle, il
faut penser réseau et non plus espace fermé ou bastion concurrent. Le réseau
des villes est le point fort de notre région. Entre Saint-Etienne et Lyon, l’entente
est exceptionnelle, François Dubanchet, comme moi, ne souhaitant pas une
croissance démesurée de son agglomération et le vide tout autour. Aussi
commençons-nous à créer des zones d’activités à mi-chemin entre nos villes.
La première s’est ouverte l’année dernière à Saint-Chamond. Avec Grenoble et
Annecy, nous aurons à rechercher de la même manière cet « effet réseau ».
Raymond Barre a cherché à rapprocher Lyon et Marseille pour créer un grand axe de
développement. En novembre 1996, les élus municipaux et les unions patronales des
deux villes signent une charte de coopération économique enterrant ainsi leur rivalité.
L’objectif, explique Jean-Louis Touret, adjoint aux finances de Marseille est « d’avoir des
64
relations de réseau, et non de concurrence, entre nous » . En se réunissant, les acteurs
61
62
63
Revue Urbanisme, Op. cit.
BIAREZ (S.), Territoires et espaces politique, Grenoble, PUG, 2000.
Interview « Les quatre vérités de Michel Noir », article du 5/09/1992 dans le carton Mandat Michel Noir 1989-1995, l’Homme
politique, volume 2/4, service documentation du Grand Lyon, décembre 2002.
64
Le Progrès, 09/11/1996.
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« Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs,
entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement »
du développement des deux villes espèrent faire le poids face à des métropoles comme
Barcelone, Gênes ou Milan. Dans Le Monde du 24 mai 1996, Jean-Claude Gaudin et
Raymond Barre signent ensemble un article intitulé « Lyon-Marseille un destin partagé »
dans lequel ils mettent en avant les bénéfices que peut apporter cette coopération, non
65
seulement pour les deux villes, mais également pour le destin de la France .
Lyon, Genève et Turin se sont également rapprochées en 1996 pour développer leur
attractivité culturelle. Les trois villes ont voulu se rassembler pour créer un pôle touristique
régional. L’idée même d’une candidature commune au titre de « ville européenne de la
culture » en 2002 a été envisagée.
Selon la même logique de partenariat et de mise en réseau, le 9 juillet 1998, Lyon
a signé avec Barcelone, Gênes et Marseille une charte d’alliance visant à structurer la
coopération entre les villes du bassin méditerranéen.
Lyon a, comme de nombreuses villes, une longue tradition de jumelages ; Birmingham
depuis 1951, Yokohama depuis 1959, Milan depuis 1966, Saint-Louis aux États-Unis depuis
1975, Francfort et Beer-Sheva depuis 1980, Leipzig depuis 1981ou encore Canton depuis
1988.
C’est sur la base de ces jumelages que Lyon s’est engagée dans la coopération
décentralisée, mais aussi dans le partenariat ou encore dans les réseaux de villes
européens et mondiaux.
Pour assoir sa visibilité internationale, Lyon reçoit et visite les villes du monde. La visite
du Président chinois, Jiang Zemin à Lyon en octobre 1999, de l’ambassadeur du Venezuela
en septembre de la même année, déplacement d’une délégation lyonnaise à Birmingham,
à Barcelone ou encore à Stuttgart, s’apparente à des opérations vente. Les élus ne partent
pas seuls à l’étranger, ils amènent avec eux des acteurs privés locaux et notamment des
entrepreneurs. Ces voyages permettent de mettre en lumière l’activité lyonnaise, les atouts
du territoire et éventuellement ouvrir l’économie locale à d’autres marchés.
Les réseaux de villes comme celui des Eurocités permettent à Lyon d’avoir une visibilité
sur le plan européen, d’acquérir une certaine notoriété auprès de ses pairs. Ainsi, en
septembre 2000, la newsletter n°15 du groupe de travail « stratégies de développement
66
des grandes villes européennes » fait un zoom sur Lyon, « une métropole compétitive
et rassemblée » ventant ainsi les réussites et les stratégies de développement de
l’agglomération lyonnaise.
5- Donner à Lyon l’image d’une ville internationale
Avant le début des années 1990, Lyon a vu s’implanter sur son territoire des institutions
internationales telles que le siège mondial d’Interpol, le centre national de recherche sur le
cancer ou encore la chaine Euronews, plus tard une des fiertés de Raymond Barre aura été
de faire venir à Lyon l’École Normale Supérieure Lettre et Science.
Pour renforcer le rayonnement et la notoriété de la ville, les élus depuis 1989 ont tenté
d’attirer de grands noms, des sièges sociaux, d’organiser de grands événements mondiaux
mais également de représenter Lyon dans les grands salons et congrès mondiaux.
65
« Lyon-Marseille : un destin partagé », Le Monde, 24/05/1996, voir annexe n°10.
66
Newsletter du groupe de travail « Stratégies de développement des grandes villes européennes », Eurocités / EDURC, n
°15 septembre 2000, voir annexe n°11.
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TOTA Barbara_2007
Première partie : Lyon sera internationale ou ne sera pas !
Pour Raymond Barre la tenue du G7 à Lyon est un formidable coup de projecteur sur la
ville. Grâce au G7, de nombreux articles et reportages dans les médias internationaux citent
la ville de Lyon. Il s’agit d’une couverture médiatique exceptionnelle pour la ville. La photo
des présidents des sept pays les plus puissants du monde devant la roseraie du parc de la
Tête d’Or a fait le tour du monde. Mais au-delà du G7, Lyon a également accueilli la coupe
du monde de football en 1998, le G8 du management la même année, le congrès annuel de
l’association internationale du développement urbain en 1999, une conférence mondiale de
l’ONU sur le commerce et les échanges (CNUCED) en 1997, des congrès mondiaux sur les
sciences du vivant, etc. Cette liste n’est pas exhaustive mais ces quelques événements ont
largement été mis en avant pour montrer à tous que Lyon avait une dimension internationale.
Par ailleurs, l’organisation d’événements de grande ampleur est un moyen pour la ville de
vendre son image au monde entier, de montrer au monde que Lyon a les atouts d’une
grande métropole européenne, la carrure d’une ville internationale.
L’organisation des Jeux Olympiques d’été de 2004 à Lyon est un projet qui a été porté
par Raymond Barre pour hisser Lyon à la hauteur des plus grandes métropoles mondiales.
Michel Noir ne voulait pas en entendre parler, estimant que ce projet couterait trop cher
aux Lyonnais. Le dossier a été monté avec la région pour une candidature « Lyon-RhôneAlpes ». Au niveau national, Lyon était en concurrence face au « Grand Lille ». Pour
Raymond Barre, l’organisation des jeux dans la région aurait permis de donner à Lyon le
coup de pouce nécessaire à son rayonnement sur la scène internationale, de conforter
l’activité de l’aéroport Lyon-Satolas et plus largement l’activité économique lyonnaise. Les
chefs d’entreprise de la région, le GIL (Groupement Interprofessionnel Lyonnais), l’Aderly
et la CCI ont apporté leur soutien à la candidature Lyon-Rhône-Alpes.
Comme cela a été le cas pour Barcelone, une candidature aux JO représentait pour
les acteurs privés et publics locaux une opportunité de mettre un coup d’accélérateur au
développement de la ville. En effet, le développement de la ville catalane a connu un
tournant dans les années 80, grâce notamment à l’annonce de la candidature aux JO d’été.
Cette candidature a permis à la ville de définir un plan stratégique alliant projets urbains,
infrastructures, requalifications des espaces publics, mais aussi communication visant à
fédérer tous les Barcelonais autour de ce grand projet. La candidature de Barcelone reste
une référence et un modèle pour les métropoles en mal de visibilité internationale.
De même, l’inscription de Lyon au patrimoine mondial de l’UNESCO fait partie des
stratégies de rayonnement de la ville. L’éventualité de faire figurer Lyon au patrimoine
mondial de l’UNESCO aux côtés du Vatican, du temple d’Angkor ou de la muraille de Chine
semblait être un rêve irréalisable. Tout comme la tenue du G7 à Lyon, l’obtention de ce label
a largement été attribuée, à tort ou à raison, à la stature internationale de Raymond Barre.
En matière de communication, Michel Noir a décidé en 1991 de changer le nom de la
67
Communauté urbaine de Lyon pour Le Grand Lyon. Un document interne au Grand Lyon
explique les raisons de ce changement :
« L’appellation COURLY, née en 1971 pour désigner la Communauté Urbaine
de Lyon, a été abandonnées en 1991. Dépourvue de toute valeur juridique, elle
n’est plus utilisée dans aucun document officiel. Elle présentait l’inconvénient
majeur de ne rien signifier pour toute personne n’habitant pas l’agglomération,
ce qui constituait un handicap important, en termes d’image et de notoriété.
L’appellation GRAND LYON remplace désormais le sigle COURLY, à limage
de beaucoup de métropoles en Europe ou aux Etats-Unis : Greater London,
67
« Le Grand Lyon, une grande idée », Document interne, Direction de la communication du Grand Lyon, voir annexe n°12.
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« Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs,
entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement »
Greater Manchester, Greater Philadelphia, Greater Cincinnati, … Sans vouloir
démontrer une quelconque suprématie lyonnaise, la dénomination GRAND LYON
permet aux habitants, entreprises et organismes de l’agglomération, de marquer
ème
clairement leur appartenance à la 2
agglomération française qui regroupe
1 200 000 habitants dans 55 communes solidaires ».
Ainsi les événements, les sièges sociaux, les rencontres internationales, les grands noms,
mais aussi le nom de la collectivité, telle une marque, sont des stratégies utilisées par les
politiques pour faire rayonner la ville au niveau international.
Conclusion de la première partie :
Ainsi, comme nous l’avons vu l’internationalisation des villes s’est posée comme un
problème ou un objectif à atteindre pour les politiques locaux à partir des années 70-80,
une période de transformations économiques et institutionnelles à l’échelle mondiale et
européenne. Les acteurs de la ville se sont alors saisis des stratégies de développement
de leur territoire. Dans un contexte de compétition accrue entre les territoires, les acteurs
locaux publics et privés ont mis en place des stratégies de développement. C’est alors
que l’internationalisation de la ville s’est imposée comme une nécessité. Pour faire face au
nouvel ordre économique et institutionnel, le rayonnement des villes est devenu un enjeu
de développement des territoires dans un marché des villes où il faut être compétitif.
A Lyon, c’est à partir des années 80 que l’internationalisation de la ville a émergé
puis, progressivement s’est systématiquement imposée dans le discours des politiques.
C’est Michel Noir qui, le premier, a clairement annoncé son objectif d’ouvrir la ville au
monde, de faire de Lyon une ville internationale. Raymond Barre en a fait un des deux axes
majeurs de son mandat. Entre 1989 et 2001 se sont mises en place des stratégies à la
fois équipementières, visant à doter la ville des infrastructures lui permettant de s’imposer
sur le marché européen et mondial des villes, des logiques de performance économique en
ciblant des secteurs d’activité porteurs de rayonnement, des stratégies prospectives mettant
en place des groupes de réflexion ouverts sur la société civile, des stratégies de réseaux
et de partenariats entre les villes visant à assurer à la ville une visibilité internationale
et des stratégies événementielles pour donner à Lyon l’image d’une ville à dimension
internationale, pour faire, pendant un temps converger les regards du monde sur la ville.
Ce retour sur l’internationalisation de Lyon depuis 1989 nous permet de situer notre
objet parmi les politiques de rayonnement de la ville, de situer le Grand Lyon – élus et agents
- parmi les acteurs de l’internationalisation de la ville.
En effet, Only Lyon est une action parmi d’autres, un « micro-objet » en quelque
sorte dans le champ des politiques d’internationalisation de la ville. Le Grand Lyon et
les élus sont des acteurs qui agissent aux côtés des acteurs privés, des entrepreneurs,
des institutions et organisations les représentant comme la CCI ou la CGPME, aux côtés
d’infrastructures comme Eurexpo ou l’aéroport Saint-Exupéry, mais également de concert
avec des organisations comme l’Aderly œuvrant pour le rayonnement et le développement
économique de la région lyonnaise.
30
TOTA Barbara_2007
Deuxième partie : Un territoire à vendre
Deuxième partie : Un territoire à vendre
Introduction :
Only Lyon est une signature commune lancée en janvier 2007 par douze acteurs du
développement économique et du rayonnement de la ville : Grand Lyon, département du
Rhône, CCI de Lyon, Aderly, Office du tourisme, Université de Lyon, Aéroport Lyon-SaintExupéry, Palais des Congrès, Eurexpo, Medef Lyon-Rhône, CGPME du Rhône, Chambre
des métiers et de l’artisanat du Rhône. Cette démarche marketing « exprime les ambitions
de l’agglomération à l’échelle européenne, sa volonté de séduire et d’être repérée par les
68
décideurs » . Dans l’idée de mieux vendre la ville et ses atouts, la nouvelle bannière sera
utilisée par l’ensemble des partenaires dans le cadre de leurs relations à l’international,
ayant ainsi pour objectif de renforcer la visibilité de la ville à l’étranger.
Comme nous l’avons vu précédemment, les collectivités pour des raisons économiques
mais aussi de transformation du contexte institutionnel européen, entre mondialisation et
décentralisation, ont pris en charge les politiques de développement de leur territoire.
Ainsi, l’internationalisation s’est imposée comme stratégie de développement des villes.
Nous allons donc dans cette deuxième partie voir de quelle manière les stratégies de
communication sont utilisées par les acteurs du développement du territoire et plus
particulièrement par le politique pour renforcer le rayonnement et l’attractivité de la ville.
Dans une première partie, nous ferons le lien entre les notions de compétitivité entre
les territoires et la démarche marketing Only Lyon. Ensuite, dans un deuxième temps, nous
analyserons le concept d’identité comme outil des politiques de développement du territoire.
Chapitre 1 : La marque « Lyon » sur le marché des
villes européennes : Only Lyon, une démarche
marketing.
Sur le site internet lyon-business.org, Only Lyon est présentée comme la nouvelle signature
internationale de la métropole lyonnaise exprimant une nouvelle ambition : « s’installer
durablement parmi les métropoles les plus actives et les plus attractives d’Europe ». Cela
soulève une interrogation à laquelle nous tenterons de répondre : en quoi la démarche
Only Lyon permettra à la ville de participer à la compétition européenne entre les villes
et de se hisser parmi les métropoles européennes qui comptent ? Pour faire simple,
nous nous demanderons en quoi une démarche marketing peut permettre à la ville d’être
plus compétitive et plus attractive sur le marché des villes européennes ? Nous ne nous
68
Grand Lyon Magazine, n°19, avril 2007, voir annexe n°6.
TOTA Barbara_2007
31
« Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs,
entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement »
intéresserons pas dans notre étude aux caractéristiques du marché des villes européen,
mais à l’utilisation par le politique des stratégies de marketing et de communication, dans
la mise en place des politiques de rayonnement et d’internationalisation de la ville.
Dans une première partie, nous allons aborder la question de la compétition entre les
territoires et dans une deuxième partie le rapport avec la stratégie marketing Only Lyon.
1- Concurrence entre les territoires
« Nos grandes villes doivent penser leur avenir en terme de compétitivité.
Elles doivent avoir le souci d’attirer et de retenir les hommes et les activités
économiques créatrices de richesses ; elles doivent donc en permanence
améliorer les conditions de développement économique »
a déclaré le 7 juin 2001 Gérard Collomb à la session spéciale de l’assemblée générale de
l’ONU dont l’objectif était de dresser le bilan du premier sommet mondial des villes qui s’était
69
tenu en 1996 à Istanbul .
Cette idée de compétition entre les villes est récurrente dans le discours des acteurs
publics et privés locaux. Dans ce cadre concurrentiel, Lyon doit avoir un rayonnement
international pour assurer son développement. Jusqu’en 2007, Gérard Collomb et le Grand
Lyon s’étaient fixés comme objectif l’entrée dans le top 15 des villes européennes. Cet
objectif a été revu à la baisse compte tenu de la concurrence des nouveaux pays de
l’Europe de l’Est. Selon le directeur exécutif de l’Aderly, depuis la chute du mur de Berlin la
compétition des pays de l’Est est arrivée aux portes de l’Europe. Avec leur récente entrée
dans l’Union Européenne, ces pays bénéficient aujourd’hui de financements européens.
Pour donner un ordre de grandeur, le rapport du cout de main d’œuvre entre la France et
l’Espagne dans les années 70 était de 1 à 2 ou de 1 à 3, avec les pays de l’Est c’est de
70
l’ordre de 1 à 25 .
Jacques de Chilly, Directeur exécutif de l’Aderly, pense également que les territoires
sont pris dans le contexte de la mondialisation, et pour lui, refuser la compétition, c’est
accepter le non-développement. Il pense également, ce qui va dans le sens des propos
71
de Pierre Veltz , que ce sont désormais les métropoles qui attirent les activités, les
compétences, les savoir-faire, ce sont elles qui offrent des services et une certaine qualité de
vie en termes d’offre de divertissements et d’aménagements. Pour Jacques de Chilly, c’est
désormais à l’échelle des métropoles que la compétition se joue et non plus, comme cela a
pu l’être après la révolution industrielle, sur l’ensemble du territoire. Selon une étude d’Ernst
&Young, les métropoles attirent 80% des investissements depuis cinq ans en France.
L’attractivité des territoires n’est pas une problématique nouvelle, c’est le contexte
qui évolue fixant de nouvelles règles de marché. Comme nous l’avons vu avec Le
Galès, la mondialisation et la tertiarisation de l’économie, l’augmentation des échanges,
la construction européenne et la décentralisation, font qu’aujourd’hui le développement de
Lyon se joue à l’échelle européenne, voir mondiale.
La compétition entre les territoires est presque palpable, elle se matérialise notamment
à travers les classements et ils sont nombreux : les villes les plus agréables à vivre, les
69
Figaro Rhône-Alpes, samedi 7 juillet 2001.
70
71
32
Entretien réalisé avec Jacques de Chilly, Directeur exécutif de l’Aderly, Palais du commerce, Lyon, le 10/07/07.
VELTZ (P.), Mondialisation, villes et territoires, PUF, Paris, 2005.
TOTA Barbara_2007
Deuxième partie : Un territoire à vendre
plus attractives ou encore les plus dynamiques. En octobre 2006, une enquête sur les choix
ème
concurrentiels de KPMG classe Lyon en 3
position mondiale des métropoles de plus
de 1,5 millions d’habitants les plus attractives pour les entreprises derrière Singapour et
72
Montréal . D’après l’étude « Emerging Trends in Real Estate Europe » coéditée par le
ème
Urban Land Institute et Price Waterhouses Coopers, Lyon se positionne comme la 5
ville européenne où il fait bon investir, devant, entre autres, Barcelone et Milan.
Être en tête de ces classements semble être un gage de compétitivité, une
consécration, la reconnaissance des efforts de rayonnement et d’internationalisation de la
ville. Un peu comme les césars ou les étoiles au Michelin, figurer dans le top 15 c’est
s’assurer d’un développement économique prometteur. Ces classements font également
office d’évaluation des politiques publiques et la position de la ville au sein de ces derniers
devient un argument politique soit de valorisation de l’action par la majorité soit de critique
par l’opposition.
Dans les documents internes au Grand Lyon préparant le lancement de la démarche
marketing Only Lyon, la notion de compétitivité y est omniprésente. Si d’après les études
du cabinet Ernst & Young la position de leader de l’agglomération lyonnaise parmi les
métropoles françaises n’est plus contestable, « son classement d’attractivité l’éloigne de
73
ses concurrents européens mieux perçus » .
Quels sont les critères de cette compétition entre les villes européennes ? Selon cette
même étude, les classements prennent en compte l’offre immobilière, la qualité de vie, les
ressources humaines, les infrastructures et l’environnement des affaires, il semblerait donc
que la démarche Only Lyon tende à renforcer l’attractivité de Lyon essentiellement sur le
secteur économique.
74
Selon l’économiste Pierre Veltz , les villes représentent des ressources pour les
entreprises pour l’implantation des activités économiques :
« Le développement des services apparaît comme un élément central de
différenciation dans la compétition. Les produits proposés sur les marchés sont
de plus en plus des complexes de biens et service : automobile, crédit, aprèsvente ; conseil logiciel d’application, etc. Lorsque les contenus techniques et les
niveaux de qualité de biens convergent aussi fortement qu’aujourd’hui, c’est le
service qui fait la différence »
Cette offre fait l’objet de politiques de développement agissant sur différents secteurs en
fonctions de stratégies différentes, comme nous avons pu le voir lors de notre première
partie quand nous avons étudié les politiques de rayonnement et de développement de
l’agglomération lyonnaise depuis 1989 : pôles de compétitivité, renforcement du lien entre
la recherche et les entreprises, projets d’aménagements urbains, augmentation de l’offre
immobilière, politique événementielle…
Concernant les critères de compétitivité mesurables (offre immobilière, main d’œuvre,
projets urbains…), selon les acteurs du développement de la ville, il semblerait que Lyon
soit bien armée par rapport à ses concurrentes. Si la ville peine à s’imposer aux côtés
de Barcelone, Milan ou Francfort, ce ne serait pas à cause de la qualité de son tissu
économique, ni à cause du manque d’infrastructures ou de projets urbains, mais selon les
72
73
74
http://www.lyon-aderly.com
Synthèse - Marketing International Grand Lyon top 15, Ernst & Young 2006.
VELTZ (P.), Mondialisation, villes et territoires, Paris, PUF, 1996.
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« Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs,
entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement »
acteurs privés et publics du développement du territoire ce serait parce que Lyon manque
de visibilité internationale. Il ne suffit de faire, il faut également faire-savoir.
C’est le cas de Jacques de Chilly, qui constate dans le cadre de ses déplacements
à l’étranger que ses interlocuteurs ne connaissent de la France que Paris et la « French
75
Riviera » et arrive à la conclusion que « Lyon souffre à l’étranger d’un déficit d’image » .
C’est également l’avis du Directeur de Cabinet de Gérard Collomb et conseiller technique
en charge du développement économique au Grand Lyon, qui pense que, désormais, après
avoir agit, il faut faire-savoir, il faut mettre en avant les réussites et les atouts de Lyon. Ce
sont également les préconisations qui ressortent des études du cabinet Ernst & Young :
« - Lyon est une ville de rang européen…mais peine à s’affirmer dans le top 15
des métropoles européennes Son attractivité et la reconnaissance de son poids
économique sont insuffisants […] L’organisation de la promotion et du marketing
doivent constamment être mis à niveau pour être en phase avec l’ambition
76
européenne » .
Le terme marketing est lancé. La première proposition d’action du cabinet de conseil en
charge de l’étude sur l’attractivité de Lyon est de mettre en place :
« Une coordination resserrée (task force) pour le marketing international.
Objectifs : démultiplier les efforts de promotion du territoire en rassemblant les
principaux acteurs sous la même bannière de manière à construire un message
77
unique et des outils cohérents » .
Ainsi, les acteurs publics et privés locaux sont convaincus que pour assurer le
développement du territoire il ne suffit plus de faire, de mener des politiques économiques,
des opérations d’urbanisme, de créer un environnement favorable à la création
d’entreprises, de construire des équipements et offrir des services améliorant la qualité de
vie, il faut également le faire-savoir. C’est de cette conviction, qu’à partir de 2006, émerge
l’idée au Grand Lyon de mettre en place une démarche marketing pour vendre la ville à
l’international.
2- La démarche marketing : un raisonnement produit-cible pour
vendre la ville.
78
Le marketing selon Pierre Zémor , c’est positionner un produit par rapport à la concurrence
et aux attentes, c’est en quelque sorte une question d’offre et de demande sur un marché,
celui des villes européennes. Gérard Collomb emploi lui-même le terme de « produit » pour
79
parler de l’agglomération lyonnaise .
80
Selon Serge Albuy :
75
Entretien réalisé avec Jacques de Chilly, Directeur exécutif de l’Aderly, Palais du commerce, Lyon, le 10/07/07.
76
Synthèse - Marketing International Grand Lyon top 15, Ernst & Young 2006.
77
Synthèse - Marketing International Grand Lyon top 15, Ernst & Young 2006.
78
79
ZEMOR (P.), La communication publique, Paris, Presses universitaires de France, 1999.
« Garden Party », soirée des ambassadeurs Only Lyon, le 04/07/2007, salle 3000, Cité Internationale.
80
34
ALBUY (S.), Marketing et communication politique, Paris, L’Harmattan, 1994.
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Deuxième partie : Un territoire à vendre
« Une condition nécessaire au développement du marketing politique comme d’ailleurs son homologue commercial serait l’existence d’un contexte
concurrentiel, assurant une diversification de l’offre, le marketing perdant toute
justification lorsqu’il n’existe plus une concurrence des produits à promouvoir ».
Vendre la ville grâce à des stratégies de communication n’est pas propre à Lyon. Beaucoup
de travaux sur la communication des collectivités locales ont porté sur la région. Il est
81
toutefois possible d’en tirer certains enseignements. Ainsi, selon Hélène Cardy :
« Il n’est pas une région qui n’ait bâti, au début de la communication
institutionnelle, une de ses campagnes autour de termes tels que technopôle,
« carrefour de l’Europe », accroissement du maillage urbain, établissement de
réseaux de villes, amélioration de la qualité de vie, accentuation de l’effort de
recherche, inscription dans le réseau des relations avec la Communauté des
Quinze… Cette attitude a conduit au fait que l’on est passés de caricatures (qui
commencent aux discours sur les compétences) en caricatures (finalement
toutes les régions sont au centre de quelque chose). Le résultat est prévisible :
au lieu de renforcer les collectivités concernées, ces messages se détruisent par
leur similarité. […] Bien souvent, les discours portent sur des éléments « qui ne
sont pas particuliers à (une ville ou une région), mais qui appartiennent à une
82
culture d’expansion, de compétitivité ».
Only Lyon, c’est donc une démarche de communication stratégique visant à vendre un
produit ; Lyon, à des cibles identifiées dans l’objectif d’être compétitif sur un marché
concurrentiel.
Only Lyon c’est un nouveau logo, une bannière nouvelle qui correspond à l’idée de
mieux se nommer pour être mieux identifié, la démarche vise à positionner Lyon parmi ses
concurrentes. Only Lyon peut se traduire par « seulement à Lyon » ou « seulement Lyon ».
Cette nouvelle signature véhicule donc un message : c’est à Lyon et pas ailleurs.
C’est que qu’explique François Payebien à la Direction marketing et stratégies
83
économiques du Grand Lyon . En effet, l’usage du logo et de la bannière doit être approprié
et correspondre au sens qu’ils véhiculent. Nous ne devons pas, selon lui, mettre le logo
Only Lyon partout, nous pouvons, par exemple, le mettre sur les camions de ramassage des
ordures ménagères seulement si l’équipement en question est unique, à la pointe de ce qui
se fait en matière de propreté, que nous sommes leader sur ce domaine, pour faire simple,
si cet équipement existe à Lyon et pas ailleurs : « Only Lyon ». Mais François Payebien
explique que la propreté n’est pas une spécificité lyonnaise, les ordures sont ramassées de
la même manière à Manchester ou à Turin. Only Lyon doit désigner ce qui fait la spécificité
lyonnaise par rapport aux autres villes européennes et ne doit pas être utilisé pour tout ce
qui concerne la ville au risque de voir la bannière se vider de son sens.
Only Lyon véhicule donc l’idée de différenciation du produit par rapport à ses
concurrents, la marque tente de démarquer Lyon, de la rendre visible et attractive sur le
marché des villes. Only Lyon est parfois accompagnée d’un slogan : « Lyon, la ville que le
monde entier va nous envier ». L’objectif est donc de susciter le désir et l’envie de venir
81
82
CARDY (H.), Construire l’identité régionale, la communication en question, Paris, L’Harmattan, 1997.
MONS (A.), La métaphore sociale, Paris PUF, 1992, dans CARDY (H.), Construire l’identité régionale, la communication
en question, Paris, L’Harmattan, 1997.
83
Entretien réalisé avec François Payebien, Direction marketing et stratégies économiques, Grand Lyon, 13/04/2007.
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35
« Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs,
entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement »
à Lyon, preuve en est les petits cœurs dessinés. Il est d’ailleurs intéressant de noter le
mode employé, le futur, qui semble nous dire ; ils ne le savent pas encore…mais quand ils
découvriront Lyon, les non-lyonnais vont l’adorer ! L’enjeu est donc d’attirer car une fois sur
place, les acteurs de la démarche font le pari que les visiteurs seront conquis.
Comme nous l’avons dit, Only Lyon c’est également une bannière commune utilisée par
douze acteurs du développement et du rayonnement de l’agglomération lyonnaise. Ainsi,
par effet de répétition, mais aussi par processus d’unification du discours, la démarche a
pour objectif de donner plus de visibilité au produit. Il est vrai que pour un chinois ou un
espagnol la différence entre la CCI, l’Aderly, Eurexpo, le Palais des congrès ou entre les
universités Lyon 1, Lyon 2 ou Lyon 3 sont peu intelligibles. Ainsi, l’objectif de cette bannière
commune est d’unifier ces différences qui brouillent le message pour les interlocuteurs
étrangers et de mieux leur permettre d’identifier Lyon sur le marché international des
grandes villes. Une des premières utilisations de la marque Only Lyon a eu lieu sur le salon
du MIPIM, le salon international de l’immobilier à Cannes.
La démarche Only Lyon ne se réduit pas à un slogan et à un logo, Only Lyon
c’est une véritable démarche stratégique très ciblée. Pour Hélène Cardy, les stratégies
de communication des collectivités locales se sont largement inspirées des logiques
marchandes : « Elles portent sur les cibles qui doivent être atteintes et les moyens qu’il
84
faut mettre en œuvre pour toucher efficacement un public précis » . C’est également l’avis
de François Payebien à la DGDEI (Délégation générale au développement Economique et
International), pour qui, il n’existe pas d’autres techniques de vente que celles du secteur
marchand.
85
Daniel Sperling parle d’une nouvelle façon pour les collectivités locales de faire de la
communication ; l’approche marketing : « la communication sectorielle ou communication
produit » :
« Elle procède d’une approche fondée sur le marketing direct avec un raisonnement
produits et cibles très affiné. Les actions et les réalisations présentées le sont dans un cadre
local bien défini et sont choisies pour leur spécificité ».
Only Lyon est en effet une démarche marketing dans le sens où la stratégie de
communication est définie par un raisonnement en termes de produits, de cibles et de
moyens.
Le produit nous l’avons vu c’est Lyon, la cible sont les investisseurs, les entrepreneurs
et les décideurs étrangers qu’il s’agit d’attirer sur le territoire. Les moyens mis en place
correspondent bien à la définition de la communication sectorielle que nous livre Daniel
Sperling.
En effet, les partenaires d’Only Lyon ont fait le choix de ne pas mobiliser un gros budget
sur la communication dite traditionnelle, c’est-à-dire les achats d’espaces publicitaires et
une campagne de communication à grands renforts d’euros. Pour avoir une visibilité en
terme d’affichage sur la scène internationale il faudrait, selon le directeur de cabinet du
Grand Lyon un budget colossal. A l’inverse les partenaires de la démarche Only Lyon ont
fait le choix d’une communication très ciblée. Le directeur de l’Aderly fait un parallèle entre
la pêche et l’attractivité des territoires. Selon lui, l’augmentation de la concurrence dans
le contexte de la mondialisation et la hausse des échanges nous obligent à adopter une
stratégie de niche. On ne peut plus lancer un gros filet dans la mer et ramasser tout ce qui
84
85
36
CARDY (H.), Construire l’identité régionale, la communication en question, Paris, L’Harmattan, 1997.
SPERLING (D.), Le marketing des territoires et des collectivités locales, Midia, 1995.
TOTA Barbara_2007
Deuxième partie : Un territoire à vendre
se trouve sur notre chemin. Il faut aujourd’hui envoyer des plongeurs avec des bouteilles
pour attirer les bons poissons.
Les cibles identifiées sont les décideurs, les entrepreneurs et les acteurs mondiaux
des domaines les plus attractifs à Lyon, des domaines dans lesquels Lyon est performante
(immobilier d’entreprise, biotechnologies, numérique…). Ainsi, le Grand Lyon a identifié des
86
lieux-cibles où les décideurs, investisseurs ou leaders d’opinion se trouvent .
Plusieurs stratégies ont été mises en place, ou pensées pour des actions à venir,
notamment les « opérations capitales ». Il s’agit de créer des événements à Paris, Bruxelles
et Londres dans des lieux fréquentés par les cibles, par exemple Gare de Lyon où les
entrepreneurs et les personnes influentes transitent.
Mais Only Lyon s’appuie avant tout un réseau d’ambassadeurs. En effet, les partenaires
d’Only Lyon ont fait le pari de mettre peu de moyens dans le budget communication en
comptant sur les Lyonnais eux-mêmes pour faire la promotion de la ville. Le budget d’Only
Lyon c’est aujourd’hui 1 million d’euros. Plutôt que d’acheter des espaces publicitaires ou
de financer une campagne d’affichage de grande ampleur, le choix a été fait de mettre en
place un réseau d’ambassadeur, d’entrepreneurs, d’acteurs du développement économique
et du rayonnement de la ville amenés à voyager dans le cadre de leurs fonctions, pour
porter l’image de la ville à l’international. Une soirée a eu lieu le 5 juillet 2007 à la
Cité Internationale durant laquelle étaient appelés à la tribune des chefs d’entreprises
ou d’institutions culturelles, des personnes de l’élite du milieu économique lyonnais pour
parler des réussites lyonnaises, des atouts de la ville à l’international, de ses potentiels de
rayonnement et d’attractivité. D’après le Grand Lyon :
« 1300 cadres dirigeants et chefs d'entreprises - françaises et internationales - PME
et grand groupes - se sont réunis le 5 juillet au Centre des Congrès de Lyon, à l'initiative
du Grand Lyon et de ses partenaires, regroupés sous la bannière Only Lyon. La soirée a
remportée un vif succès! 620 chartes d'adhésion ont été signées par les professionnels pour
s'engager aux côtés de tous les acteurs économiques de l'agglomération lyonnaise dans
la démarche ONLY LYON ».
A l’issue de la présentation de la démarche Only Lyon, les nouveaux ambassadeurs ont
reçu un kit contenant une clé USB avec la présentation d’Only Lyon et un « argumentaire
87
des ambassadeurs » . Ce document fournit à l’ambassadeur les dix éléments à retenir pour
porter l’image de Lyon à l’étranger :
Les témoignages de l’élite économique, culturelle ou politique de la ville comme
Frédéric Turner, Directeur général de Genzyme France, Jean-Louis Crosia, Président de
Mérial SAS, Bruno Allenet, Président du Club des Entrepreneurs, Stéfano Chmielewski,
PDG de Renault Trucks, Vincent carry des Nuits Sonores, Renzo Piano, l’architecte du
Centre des Congrès ou encore Jacques de Chilly, le directeur exécutif de l’Aderly, ou encore
Gérard Collomb, vantant les atouts de Lyon auprès des ambassadeurs fraichement investis
de la mission de porter l’image de Lyon à l’international dispose, tels des VRP fournissaient
tous les arguments pour bien vendre la ville.
88
En effet, pour être ambassadeur, il faut adopter la « Only Lyon attitude » :
86
87
88
Entretien réalisé avec François Payebien, Direction marketing et stratégies économiques, Grand Lyon, 13/04/2007.
« Argumentaire des ambassadeurs », voir annexe n°5.
www.Lyon-business.org
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37
« Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs,
entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement »
« Le projet Only Lyon attitude consiste à recruter des ambassadeurs Only Lyon et à les
munir des arguments pertinents et réactualisés, et des outils qu’ils seraient à même d’utiliser
dans des décisions ou réflexions de localisation ou de création d’événements »
Cette stratégie s’apparente à la communication de projet décrite par Daniel
89
Sperling comme une communication interactive, impliquant les acteurs du territoire. La
communication de projet selon Sperling se situe dans le domaine de l’initiative politique, elle
nécessite un projet global de la part des élus.
Or, la démarche Only Lyon est une stratégie mise en place par les acteurs du
développement de l’agglomération pour faire de Lyon une ville internationale, une ville
attractive pour la hisser dans le cercle des villes européennes qui comptent. A travers
cette démarche marketing, c’est donc un projet global qui est porté par le politique : le
développement du territoire.
Ainsi, grâce à la signature Only Lyon et à un plan marketing ciblé, le Grand Lyon et
l’ensemble des partenaires de la démarche visent à renforcer la visibilité internationale de
l’agglomération lyonnaise mais aussi à donner à la ville une image de ville internationale,
de ville attractive.
Au-delà des stratégies de communication, qui visent à faire savoir, à donner
de la visibilité, les acteurs du développement du territoire semblent penser que
90
l’internationalisation et l’attractivité de Lyon passe par un travail sur son identité . En
filigrane nous pouvons déceler à travers la démarche Only Lyon, au-delà de l’argumentaire
et du catalogue des atouts de Lyon sur le marché international des villes, la volonté de
donner à la Lyon l’identité et l’image d’une ville dynamique, attractive et internationale qui
feront d’elle une grande métropole européenne qui compte.
Chapitre 2 : L’identité du territoire comme outil de
rayonnement
Dans ce deuxième chapitre nous allons analyser, à travers la démarche Only Lyon, le
processus de construction de l’identité de Lyon en nous demandant de quelle façon la
stratégie mise en œuvre vise à produire du sens au territoire, à véhiculer des représentations
sur la ville et en quoi cela représente une préoccupation pour les acteurs du développement
du territoire. En effet, comme l’indique Jean-Michel Daclin, il faut désormais donner
une dimension « identitaire » au rayonnement et à l’attractivité de Lyon, il faut mener
une réflexion sur l’ « identité lyonnaise », donner de la consistance à une stratégie de
91
communication basée sur le raisonnement produit/cible .
Ainsi dans un premier temps, nous étudierons l’identité comme processus de
construction sociale et dans un deuxième temps, nous analyserons le rôle des acteurs du
territoire dans ce dernier.
89
90
SPERLING (D.), Le marketing des territoires et des collectivités locales, Midia, 1995.
Entretien réalisé avec Jean-Michel Daclin, Adjoint au Maire chargé du rayonnement et Vice-président du Grand Lyon chargé
du rayonnement, Mairie de Lyon, 17/04/2007.
91
Entretien réalisé avec Jean-Michel Daclin, Adjoint au Maire chargé du rayonnement et Vice-président du Grand Lyon chargé du
rayonnement, Mairie de Lyon, 17/04/2007.
38
TOTA Barbara_2007
Deuxième partie : Un territoire à vendre
1- L’identité en construction
Only Lyon est présentée comme le moyen de réaliser l’ambition d’internationalisation
de la ville, comme le moyen pour Lyon d’entrer dans le cercle des grandes métropoles
européennes. Au sein de ce marché, « La compétition se joue bien sûr par les puissances
des équipements le poids démographique, la concentration des fonctions stratégiques. Mais
92
elle se joue de plus en plus sur l’image » . L’image aurait donc quelque chose à voir
avec le développement du territoire dans le sens où elle permettrait de séduire, attirer les
investisseurs, visiteurs ou décideurs étrangers, les inviter à porter un regard intéressé sur la
ville. Mais si la communication, on l’a vu avec la démarche Only Lyon vise à attirer, à séduire,
à vendre le produit « Lyon » sur le marché international ou européen des villes par le biais
de stratégies marketing suivant un raisonnement produit-cible, comment définit-on l’identité
d’un territoire ? Existe-t-il une identité lyonnaise ? Quels sont les éléments constitutifs de
l’identité de Lyon ? Est-ce que le territoire a une identité en soi, qui se donnerait à voir de
façon naturelle ?
Le dictionnaire encyclopédique Larousse définit l’identité comme « un caractère
permanent et fondamental de quelqu’un, d’un groupe qui fait son individualité, sa singularité,
qui le différencie des autres et permet qu’il se reconnaisse comme tel ». Cette définition
93
selon Dupoirier et Schajer souligne le caractère indifféremment individuel et collectif de
l’identité une distinction qu’il s’agit donc de dépasser, la coexistence explicite du même et de
la différence et l’idée de permanence associée à l’identité qui renvoie à l’expression d’Odile
Rudelle qui définit l’identité comme « une sorte de savoir-vivre en commun accumulé par
94
le passé dont le présent hérite » . Il faut toutefois noter que dans son propos Elisabeth
Dupoirier remet en cause la légitimation par le passé comme condition nécessaire à la
reconnaissance d’une identité.
Bourdieu fait la différence entre les éléments objectifs et subjectifs de l’identité
d’un territoire. L’ascendance, le territoire, la langue, la religion, l’activité économique
seraient des propriétés dites objectives de l’identité d’un territoire, à l’inverse, le sentiment
d’appartenance, les représentations que les individus se font de la réalité sont des propriétés
95
dites subjectives de l’identité du territoire. Hélène Cardy fait un parallèle entre la théorie
de Bourdieu et la théorie de Ricœur sur l’identité de soi et l’identité du même, deux notions
qui selon Ricoeur définissent l’identité des personnes. L’identité du même serait l’identité
au sens objectif du terme ; « elle se révèle à la suite d’un travail d’identification opéré
essentiellement grâce à la méthode comparative, visant à dégager les traits pertinents qui
96
définissent x à la fois comme un et unique » . L’identité de soi concerne la forme subjective
de l’identité de la personne au sens où elle s’identifie à une image d’elle-même mettant en
jeu des éléments à la fois conscients et inconscients.
92
Document interne au Grand Lyon. La démarche Only Lyon s’est inspirée des travaux réalisés dans le cadre de « Lyon 2020 »,
une gouvernance prospective, elle-même issue de Millénaire 3 mise en place par Raymond Barre, dont l’objectif est de réfléchir aux
« emblèmes » qui font l’identité de Lyon (fleuve, gastronomie…).
93
DUPPOIRIER (E.), SCHAJER (D.), « L’identité régionale, problèmes théoriques, perspectives politiques », dans
CHEVALLIER (J.) (dir.), L’identité politique, CURAPP, CRISPA, PUF, 1994.
94
95
96
RUDELLE (O.), « La tradition républicaine », Pouvoirs, la tradition politique n°42, PUF, 1987.
CARDY (H.), Construire l’identité régionale, la communication en question, Paris, L’Harmattan, 1997.
NOIRIEL (G.), « L’identité nationale dans l’historiographie française » dans CHEVALLIER (J.) (dir.), L’identité politique,
CURAPP, CRISPA, PUF, 1994.
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39
« Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs,
entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement »
97
Ainsi, pour Hélène Cardy :
« Même si leur présentation, leur caractérisation présentent quelques différences
formelles, ces deux dimensions de l’identité personnelle correspondent bien aux catégories
définies par Pierre Bourdieu. L’identité du même reprend la dualité des éléments objectifs
qui, d’un côté, suscitent l’adhésion autour d’éléments communs d’une population donnée, et
de l’autre impliquent que le groupe ainsi formé se différencie par sa cohérence, des groupes
voisins. L’identité de soi relève aussi de la subjectivité, terme auquel se rattache le sentiment
d’appartenance ».
Alain Mons, quant à lui, définit le territoire comme un lieu à l’intérieur duquel les images
98
s’organisent , ce sont les images qui deviennent le moteur de communication visant à
donner une identité au territoire.
Ceci permet d’insister sur le rôle des politiques de communication telles qu’Only Lyon
transformant l’espace en territoire, c’est-à-dire « un espace susceptible de recevoir et
d’envoyer des éléments signifiants ».
Il semblerait donc que les stratégies de communication, entre autres politiques
publiques, visent à produire des images, des représentations rattachées à un territoire, en
d’autres termes à construire l’identité de ce territoire. Ainsi, Braudel disait que l’identité est
99
100
« une suite d’interrogations sans fin » et Baugnet que « parce que l’identité est un
processus sans cesse remis en chantier de construction et de restructuration permanentes
où s’entremêlent les fils de l’individuel et du collectif, elle est vouée à être instable, labile ».
Nous serions donc dans l’erreur si nous envisagions l’identité d’un territoire, notamment
celle de Lyon, comme un concept bien déterminé. Nous pensons qu’il est nécessaire de
s’intéresser à la manière dont l’identité lyonnaise est construite et utilisée par les acteurs du
développement du territoire et en particulier par le Grand Lyon à travers Only Lyon.
En effet, si nous nous accordons à penser que l’identité de Lyon est une identité
construite, nous pouvons nous demander quelle identité à travers Only Lyon les acteurs du
développement du territoire tendent à produire et à véhiculer. Une analyse des discours tenu
par les acteurs des institutions et instances partenaires de la démarche Only Lyon pourrait
à ce stade nous éclairer sur le processus de construction de l’identité de l’agglomération
101
lyonnaise . Dans un entretien dans l’Echo parlementaire de juillet 2007, Guy Mathiolon,
Président de la CCI de Lyon dit que :
« […] Lyon est devenue une ville extrêmement attractive pour sa vie culturelle et
nocturne. A l’origine la ville est réputée pour son tourisme d’affaires, mais nous voyons de
plus en plus de visiteurs revenir en famille, notamment pour les grandes manifestations
comme la Fête des Lumières, les deux biennales ou encore les nuits sonores. Sans parler de
la réussite de l’Olympique Lyonnais… C’est pour cela que je suis très attaché à l’opération
« Only Lyon » car à travers une opération comme celle-ci, le territoire devient plus séduisant
et attire ainsi des investisseurs donc des emplois ».
97
98
99
100
101
CARDY (H.), Op. Cit.
MONS (A.), La métaphore sociale, Paris, PUF, 1992.
BRAUDEL (F.), L’identité de la France, Paris, Flammarion , 1990.
BAUGNET (L.), Métamorphoses identitaires, Bruxelles, Presses interuniversitaires européennes, 2001.
Il faut toutefois noter qu’une telle analyse de discours mériterait un travail plus approfondi, faisant l’objet d’une étude à
part entière, nous en avons conscience et nous nous en excusons par avance auprès des lecteurs qui auraient souhaité que nous
allions plus loin.
40
TOTA Barbara_2007
Deuxième partie : Un territoire à vendre
Dans le dossier de presse du lancement de la démarche Only Lyon on parle de
« nouvelle identité », de « nouveau modèle européen », ou encore de « l’expression
102
d’une nouvelle ambition ». Selon le directeur de l’Aderly , Lyon avait la réputation d’être
repliée sur elle-même, les entrepreneurs ne montraient pas leur réussite, c’était la devise
« pour vivre heureux, vivons cachés » qui prédominait. D’après lui, les choses changent
et aujourd’hui les lyonnais montrent, affichent leur ambition, leur volonté de progresser et
n’ont plus peur d’employer les termes de compétitivité et de performance. Gérard Collomb
fait souvent le parallèle entre Lyon et Vichy. En effet, d’après lui, Lyon est devenue une ville
qui bouge, une ville vivante, elle est passée d’une réputation de belle endormie à une ville
où il se passe des choses. La comparaison qu’il fait souvent avec Vichy vise à mettre en
exergue la différence entre les deux villes ; une ville où il ne se passerait rien et une ville
effervescente.
Ainsi, de notre enquête de terrain, nous pouvons relever de la part des acteurs du
développement du territoire une volonté de rompre avec l’image d’une ville froide, endormie,
repliée sur elle. A l’inverse, ils prônent le changement, nous avons le sentiment, en écoutant
les discours, en lisant les plaquettes de présentation ou les dossiers de presse qu’une ère
nouvelle commence, que Lyon s’éveille, prend un nouveau virage, celui de la modernité et
du dynamisme.
103
C’est ce que Jean-Louis Marie appelle la symbolique du changement . Pour lui,
« Étudier la symbolique du changement dans les villes moyennes revient donc à étudier les
modalités et les conditions dans lesquelles les détenteurs du pouvoir municipal exercent un
pouvoir symbolique ». Il va démontrer « comment le changement devient un thème majeur,
comment il produit des images décisives dans les stratégies de pouvoir parce qu’il fait l’objet
d’un travail permanent de la part des élus qui, en recourant à diverses formes symboliques
cherchent à imposer dans la population des représentations, des visions du devenir de la
société locale ». De la même manière Georges Balandier note que :
« Le thème du changement devient lui-même une composante majeure servant ou
contestant le pouvoir, dans des versions concurrentes ou opposées : celles d’une modernité
sans rupture, d’une déconstruction révolutionnaire, d’une création continue d’un nouveau
type de société. Aucun des acteurs politiques confrontés ne peut ignorer le fait que le
changement est générateur d’images jouant un rôle décisif dans les stratégies de pouvoir.
Cette accentuation, qui impose aux responsables en place et aux prétendants de paraître
sous la figure du meilleur conducteur du changement, n’exclut pas le maintient d’images
104
permanentes » .
Si Balandier met en rapport le thème du changement avec celui de la continuité, il pose
le fait, tout comme Marie, que la symbolique du changement dans le discours des élus ou
les candidats, que l’on peut étendre dans notre cas aux discours des dirigeants, de l’élite
locale, est un enjeu de pouvoir.
105
Pour Bernard Lamizet , le concept d’identité est également lié à celui de pouvoir. Il faut
pour construire une identité, véhiculer des représentations, avoir le pouvoir de l’exprimer.
102
103
Entretien réalisé avec Jacques de Chilly, Directeur exécutif de l’Aderly, Palais du commerce, Lyon, le 10/07/07.
MARIE (J-L), « La symbolique du changement », dans MABILEAU (A.), SORBETS (C.), (dir.), Gouverner les villes
moyennes, CNRS, Pedone, 1989.
104
105
BALANDIER (G.), Le pouvoir sur scène, Paris, Balland, 1980.
LAMIZET (B.), Politique et Identité, Lyon, Presses universitaires de Lyon , 2002
TOTA Barbara_2007
41
« Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs,
entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement »
106
De la même manière, Jacques Chevallier pense qu’il est vain de chercher à isoler dans
l’identité ce qui relève spécifiquement du politique, mais encore que la question de l’identité
doit être considérée comme politique par essence. Il ajoute que « loin d’être une donnée
immuable, reposant sur un ensemble d’éléments « objectifs » et s’imposant aux individus,
l’identité à tous les aspects d’une construction sociale : enjeu de lutte entre les différents
acteurs sociaux qui s’affrontent pour sa définition, elle apparait comme le produit contingent
et évolutif de leur confrontation ». Ainsi, nous pouvons observer sur notre terrain que les
partenaires et les acteurs de la démarche Only Lyon font partie de l’élite soit politique,
soit économique, soit culturelle de l’agglomération lyonnaise. Les douze partenaires sont
des organisations qui jouissent d’un certain pouvoir à l’échelle locale, essentiellement un
pouvoir de représentation comme le Medef, la CGPME ou la CCI mais aussi d’un pouvoir
exécutif, ce qui est le cas du Grand Lyon. Tous ces acteurs peuvent exprimer une certaine
identité de Lyon, celle qu’ils souhaitent donner à la ville. Il s’agit là de leurs représentations
du territoire qu’ils délivrent. Le Lyon du président de la CGPME ou du Grand Lyon n’est
certainement pas le même qu’un lyonnais habitant la Guillotière ou encore la Croix-Rousse,
qu’un lyonnais professeur d’EPS dans un collège ou encore d’un agent de la propreté au
Grand Lyon. La définition de l’identité de Lyon apparait comme un révélateur des rapports
sociaux, des relations de pouvoir. Il serait par ailleurs intéressant de noter les rapports de
pouvoir ou de domination qui peuvent exister à l’intérieur du groupe des douze partenaires
définissant une certaine identité lyonnaise. Pour ce faire, il faudrait mener une véritable
enquête d’immersion au sein de ce groupe restreint et relativement fermé. Cependant, de
nos entretiens et des différents documents en notre possession, il apparait que le Grand
Lyon, principal contributeur financier occupe une place prépondérante dans les prises de
décisions concernant la stratégie de communication mise en place à travers la démarche
107
Only Lyon. Ainsi, Gérard Collomb aurait tranché pour le choix du logo .
Il ressort de notre enquête, appuyée par les travaux scientifiques, que l’identité n’est
pas une donnée immuable mais est le produit d’un processus de choix et d’expressions de
représentations du réel par les acteurs sociaux. L’identité est donc un construit social qui
révèle des enjeux sociaux. En effet, les représentations symboliques, les images du territoire
sont choisies, exprimées, mises en scène et font l’objet de politiques et de stratégies par
ceux qui détiennent le pouvoir, qu’il soit économique, culturelle ou politique.
2- Les acteurs vecteurs d’identité du territoire
L’identité du territoire est donc étroitement liée aux acteurs de ce même territoire. A travers la
démarche Only Lyon, nous allons voir comment s’articulent les notions d’individu et d’identité
lyonnaise. Autrement dit, nous nous demanderons quelle est la place des acteurs dans
la construction de l’identité du territoire et comment le politique s’appuie sur les relations
sociales pour construire une identité lyonnaise dans l’objectif de faire de la ville une grande
métropole européenne.
Comme nous l’avons dit précédemment, la démarche Only Lyon s’appuie sur un réseau
d’ambassadeurs. Ces derniers ont reçu un argumentaire et ont été « briefés » sur le produit
106
107
CHEVALLIER (J.) (dir.), L’identité politique, CURAPP, CRISPA, PUF, 1994.
Entretien réalisé avec Christophe Cizeron, Directeur de Cabinet de Gérard Collomb et conseiller technique en charge du
développement économique, Grand Lyon, 26 juin 2007.Cependant, il est à noter que d’après le directeur de l’Aderly, il n’y a eu aucun
contentieux concernant le choix du logo. Par ailleurs il semblerait que la CCI regrette le choix de ce dernier ressemblant trop fortement
au logo actuel de la communauté urbaine.
42
TOTA Barbara_2007
Deuxième partie : Un territoire à vendre
« Lyon ». Leur mission est de porter les couleurs de Lyon à travers le monde, à la manière de
véritables ambassadeurs de la République, d’émissaires envoyés répandre la bonne image
de Lyon, vanter ses atouts et ses spécificités au-delà des frontières de la ville.
C’est sur ce lien entre territoire et acteurs qu’Henry Bakis a porté ses travaux. Il
différencie le territoire de l’espace géographique. Selon lui, « le territoire diffère de l’espace
géographique car il est marqué par la société qui l’habite. C’est l’intervention de cette société
108
qui lui donne tout son sens » . Bakis cite Knight, selon qui le territoire n’existe pas en soi,
il est passif et ce sont les actions humaines qui lui donnent sens.
Ainsi l’objectif d’Only Lyon est de faire des ambassadeurs des vecteurs d’image et de
représentations. Ces images et ces représentations qu’ils véhiculent seront associées au
territoire. Les victoires des joueurs de l’OL sont étroitement attachées au territoire, à la ville
de Lyon, de la même manière, les avancées scientifiques des laboratoires Mérieux sont
assimilées à Lyon. Ce sont donc bien les acteurs et leurs actions qui donnent du sens au
territoire. Si l’OL perd, c’est la ville qui est en berne, à l’inverse quand les Lyonnais participent
à la Fête des Lumières, c’est à travers le monde, l’image d’une ville vivante et festive qui
est véhiculée.
Les ambassadeurs, part leurs activités, leurs réussites, leurs performances
économiques ou le chiffre d’affaire de leur entreprise, véhiculent du sens, du sens qui est
donné au territoire sur lequel ils sont installés, auquel ils s’identifient et auquel nous les
identifions.
En effet, pour assimiler les représentations véhiculées par les acteurs au territoire il faut
qu’il y ait une identification de ces derniers à la ville. Il faut qu’on les reconnaisse comme
lyonnais à l’étranger, mais qu’eux aussi se revendiquent Lyonnais au-delà des frontières
de la ville. Only Lyon, mais également la délégation parisienne du Grand Lyon à travers le
recensement des « Lyonnais d’ailleurs » visent à créer un sentiment d’appartenance et de
fierté au territoire.
C’est, en effet, l’objectif de la délégation parisienne du Grand Lyon :
« Faire en sorte que les quelques 20 000 Lyonnais de paris recensés dans les 20
arrondissements de la capitale - l’équivalent de la population du IIè arrondissement de Paris
- renouent avec leur agglomération d’origine, puissent en suivre les évolutions et y puisent
109
des raisons d’en promouvoir l’image » .
Ainsi depuis 2002, la délégation mène des actions à destination de ces Lyonnais exilés
visant à les séduire et à susciter chez eux une certaine fierté d’être Lyonnais :
« Le plus souvent possible, les expositions présentées à la délégation parisienne offrent
une déclinaison parallèle d’une manifestation ayant lieu au même moment à Lyon, afin d’en
accroitre l’impact local. C’est une sorte de « produit d’appel » dont les tests ont montré
l’efficacité, soit qu’il conduise des Lyonnais de Paris à se rendre à Lyon pour découvrir
l’intégralité des œuvres dont ils n’ont vu qu’une partie à Paris, soit qu’il amène nos visiteurs
à promouvoir auprès de leur famille ou de leurs amis l’événement en question. […] Les
Lyonnais de Paris sont aussi conviés deux fois par an à se rendre à Lyon à l’occasion d’une
manifestation phare : 8 décembre, festival, grande exposition ou spectacle…L’objectif est
alors de leur permettre non seulement d’être des relais de l’événementiel auquel ils auront
assisté mais également les témoins des changements observés dans l’agglomération ».
108
109
BAKIS (H.), « La banalisation des territoires en réseaux », Netcom, avril 1990.
Rapport d’activité de la délégation parisienne du Grand Lyon 2002-2006, voir annexe n°9.
TOTA Barbara_2007
43
« Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs,
entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement »
L’objectif est donc clairement affiché de faire des Lyonnais installés à Paris des vecteurs
de l’identité de Lyon. C’est en recréant le lien entre les Lyonnais exilés et la ville, que la
Délégation parisienne du Grand Lyon vise à créer un sentiment d’appartenance mais surtout
un sentiment de fierté d’être identifié comme Lyonnais par ses amis et ses relations.
De la même manière, la stratégie mise en place à travers la démarche Only Lyon
cherche à créer un sentiment d’appartenance et de fierté à être Lyonnais.
Tout d’abord, auprès des ambassadeurs qui véhiculent l’identité du territoire voulue par
les douze partenaires de la démarche Only Lyon. La Garden Party du 5 juillet 2007 visant
à rassembler les ambassadeurs Only Lyon était particulièrement éclairante à ce sujet. Les
ambassadeurs étaient traités comme des privilégiés, chouchoutés et faisaient l’objet de
toute l’attention des organisateurs. Le sentiment de fierté des ambassadeurs, distinguables
soit par un badge ou par le fait qu’ils tenaient entre leurs mains un kit de l’ambassadeur (clé
usb et argumentaire de l’ambassadeur), était presque palpable. Après la présentation d’Only
Lyon et des différentes interventions, lors du cocktail, il y avait un jeu de regard entre les
participants à la manifestation, qui observaient ou même parfois interpellaient directement
leur interlocuteur afin de savoir si ce dernier faisait parti du « club » des ambassadeurs.
Le Grand Lyon et les partenaires de la démarche ont su créer une certaine exclusivité, une
rareté du statut d’ambassadeur et un privilège de le devenir, créant de fait, la fierté des
membres inscrits sur la liste des ambassadeurs Only Lyon qui sera ensuite rendue publique.
L’objectif de la démarche Only Lyon est également de favoriser un sentiment
d’appartenance de tous les Lyonnais au territoire. Ainsi Gérard Collomb dit en parlant d’Only
Lyon :
« Je souhaite que chaque Lyonnais puisse s’approprier petit à petit cette bannière Only
Lyon afin d’exprimer fierté et sentiment d’appartenance à cette communauté de destin,
110
qu’est désormais et sera encore plus demain, notre agglomération » .
Par ailleurs une campagne de communication et d’affichage sur la démarche Only Lyon
a été réalisée sur le territoire lyonnais, à destination des habitants.
René Rizzardo pose le problème de la nature des actions dans le processus
d’identification des individus au territoire :
« Une activité qui ne mobilise qu’une partie de la population peut-elle néanmoins être
revendiquée par l’ensemble de la collectivité ? La question admet des réponses différentes
selon la nature de ces activités. Le prestige d’une équipe de football, par exemple, s’étend à
l’ensemble des habitants de la ville qui finance cette équipe, qu’ils aient ou non jamais tapé
dans un ballon. En revanche, la mise au point de techniques médicales de pointe par une
équipe locale renforce le prestige de la ville mais la compétence internationale reconnue
des médecins ne bénéficient pas à tous les habitants, notamment à ceux qui sont par trop
éloignés du champ du savoir. La valeur d’un attribut dépend de la relation entretenue avec
cet attribut et de la faculté que les agents ont, ou n’ont pas, de se l’approprier de façon
crédible. Si l’objectif est de donner aux habitants une vision positive et consensuelle d’euxmêmes, on peut douter qu’il soit réellement atteint ».
Cette mise en garde pourrait parfaitement s’appliquer à la démarche Only Lyon. En
effet, il est permis de douter de l’appropriation de la compétitivité du territoire, de ses atouts
à l’international, de son rayonnement et de son développement économique, par l’ensemble
des Lyonnais qui peuvent être davantage préoccupés par le ramassages des ordures
110
44
Grand Lyon Magazine, avril 2007, n° 19, voir annexe n°6.
TOTA Barbara_2007
Deuxième partie : Un territoire à vendre
ménagères, par la propreté des trottoirs ou encore par des problématique de déplacements
au sein de l’agglomération.
Toutefois, la démarche Only Lyon vise principalement l’élite du territoire, les acteurs de
son rayonnement et de son développement économique et culturel. La démarche, à travers
le réseau d’ambassadeurs, vise à créer pour reprendre le concept de Marcel Roncayolo
111
un « patriotisme citadin » , c’est-à-dire à la fois un sentiment d’appartenance et le souci
d’entretenir une distinction entre sa ville et les autres villes : « Le patriotisme citadin est
assurément une idéologie et souvent utilisée, sinon créée, par les classes ou les élites
dirigeantes ». Only Lyon vise à constituer un réseau, une sorte de club, au sein duquel les
acteurs se sentent privilégiés, investis d’une mission, bénéficiant de la confiance et de la
reconnaissance des acteurs du développement du territoire, créant ainsi un sentiment de
fierté et d’identification de ces ambassadeurs au territoire, ces derniers pouvant dès lors
être considérés comme des vecteurs de l’image de Lyon à travers le monde.
Conclusion de la deuxième partie :
La démarche Only Lyon est donc une démarche marketing visant rendre compétitif le
territoire sur le marché des villes européennes et internationales, en donnant à la ville
de Lyon un positionnement et une visibilité sur ce marché. L’objectif est d’assurer le
développement de la ville et son rayonnement, car en étant visible et en répondant aux
attentes du marché, le territoire attirera les investisseurs et les décideurs nécessaires à son
développement économique. La démarche marketing répond bien au contexte concurrentiel
dans lequel souhaite s’engager les acteurs du développement de la ville, un contexte qui
suppose de la concurrence et au sein duquel, le marketing est envisagé comme un outil
de vente et d’attractivité.
Mais les douze partenaires de la démarche Only Lyon et peut être plus encore le
politique souhaitent donner de la consistance à cette stratégie de vente. Ainsi, l’identité
est pensée comme un élément de rayonnement du territoire. Comme nous l’avons
démontré, grâce à notre enquête de terrain et aux apports théoriques des différents travaux
académiques sur le sujet, l’identité n’est pas une donnée naturelle, elle est à l’inverse
un construit social. Only Lyon s’appui ainsi largement sur les acteurs du territoire pour
produire l’identité de la ville. En effet, l’enjeu est de créer un sentiment d’appartenance
et d’identification des ambassadeurs au territoire, mais aussi une fierté d’être identifié
comme Lyonnais et de se revendiquer comme étant Lyonnais à l’extérieur. C’est cette
identification et ce sentiment de fierté d’appartenance individuels qui font que les images et
représentations dont sont porteurs les acteurs se transposent au territoire.
Ainsi, l’étude des processus de production de l’identité révèle les rapports sociaux et
les enjeux de pouvoirs. En effet, pour exprimer une identité, il faut détenir un certain pouvoir,
nous l’avons vu ici, il s’agit des pouvoirs économiques, culturels et politiques. La force de la
démarche Only Lyon réside certainement dans le fait que cette dernière rassemble les trois
pouvoirs autour d’un projet et d’objectifs communs.
111
RONCAYOLO (M.), La Ville et ses territoires, Paris, Gallimard, 1990.
TOTA Barbara_2007
45
« Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs,
entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement »
Troisième partie: « La gouvernance
lyonnaise »
Introduction :
« Pour gagner la bataille de la concurrence internationale, nous avons décidé de rassembler,
de fédérer, de créer des synergies. La méthode grand-lyonnaise consiste à dépasser
les clivages pour tisser les liens qui seront utiles, demain, à notre territoire. L’enjeu
pour le Grand Lyon est de conforter sa capacité à se distinguer, à se différencier afin
de séduire les décideurs et attirer les entreprises, emplois, compétences et richesses.
Pour porter cette ambition, le Grand Lyon et 12 des acteurs majeurs du développement
de notre agglomération ont travaillé ensemble pour doter notre territoire d’une signature
112
internationale : ONLYLYON ».
Telle est la manière dont Gérard Collomb décrit la démarche Only Lyon. Tout comme
lui, les acteurs de la démarche font régulièrement appel aux notions de gouvernance et de
« savoir-faire ensemble » pour vanter les mérites de la nouvelle signature internationale.
Christian Lefèvre critique l’utilisation abusive du concept par les acteurs du développement
du territoire :
« Il y aurait une équation magique qui ferait qu’une « bonne gouvernance » constituerait
113
un atout pour rendre une métropole compétitive » .
Depuis quelques années, le concept de gouvernance semble être entouré d’un halo
vertueux. La gouvernance qualifiant les modes de régulation de l’action publique devient
une solution miracle, un concept clé répondant de manière quasi-systématique et naturelle
à toutes les questions que soulèvent d’action collective. Ainsi, Le Monde du 5 juillet 2007
114
titre son édito « Gouvernance » . Or, cet article n’explique pas ce qu’est la gouvernance, ni
ce que le Président du directoire fraichement élu entend par là. Mais l’article laisse supposer
qu’à travers la mise en place d’une « gouvernance », Pierre Jeantet va régler les problèmes
du journal. La solution pour l’avenir du journal ne réside pas tant dans la personne que dans
la méthode.
Dans le cas de notre étude de terrain, le constat d’un recours récurrent à la rhétorique
de la gouvernance dans le discours des acteurs du territoire, et plus particulièrement du
politique, soulève de nombreuses questions. Nous ne nous servirons pas ici du concept
de gouvernance comme grille d’analyse, mais à l’inverse, à travers Only Lyon, nous nous
112
Grand Lyon Magazine, avril 2007, n° 19, voir annexe n°6.
113
LEFEVRE (C.), « Métropole : la bonne gouvernance en question », Revue Urbanisme, Hors-Série n°29, novembre-
décembre 2006.
114
46
Le Monde.fr, mis à jour le 05/07/07 à 15h01.
TOTA Barbara_2007
Troisième partie: « La gouvernance lyonnaise »
intéresserons à la gouvernance comme objet de politiques publiques. En effet, nous nous
demanderons pourquoi la gouvernance est tant utilisée, pourquoi le savoir-faire ensemble
apparait régulièrement dans les discours, à qui profite ce procédé rhétorique ? Est-ce que
ce dernier est suivi dans les faits ? Comment se concrétise l’ouverture du politique sur la
société civile ? Qui pilote ? Qui décide ? Qui contrôle ? Autant de questions auxquelles nous
allons tenter de répondre à travers notre enquête.
Il faut toutefois noter que le matériau à partir duquel nous travaillons est essentiellement
issu de nos entretiens et de l’observation de manifestations. Pour saisir les enjeux cachés
des relations sociales dans le cadre d’Only Lyon, notre enquête mériterait, de s’immerger
et se s’intégrer dans ce dernier sur un plus long terme, ce que nous n’avons pu faire dans
le cadre de ce premier travail de recherche. Cependant, l’intérêt de notre étude réside dans
le fait qu’elle nous permet de vérifier sur notre terrain certaines hypothèses formulées dans
le champ académique et d’ouvrir des pistes de recherche pour d’éventuels travaux futurs.
Dans cette dernière partie nous nous appuierons donc sur les travaux réalisés par Le
Galès, par Jouve et Lefèvre sur la gouvernance.
Nous l’avons vu, dans un article publié dans la Revue française de science politique
115
en 1995, Le Galès oppose la notion de gouvernance à celle de gouvernement. Dans
cet article, l’auteur se sert du concept de gouvernance pour acter les transformations
des processus de régulation de l’action publique. Pour lui, la gouvernance renvoie à
une organisation plus complexe du pouvoir que le gouvernement, qui est une conception
institutionnelle de l’action publique, il envisage donc la ville comme un acteur collectif. Jouve
et Lefèvre pensent le rôle particulier du politique au sein de la gouvernance dans les termes
116
de « projet collectif, domination et leadership » en se posant la question de savoir qui
gouverne et qui a intérêt à rassembler, à créer du consensus.
Dans une première partie nous analyserons l’utilisation du concept de gouvernance par
les acteurs d’Only Lyon en centrant notre analyse sur l’utilisation par le politique, c’est-àdire le Grand Lyon et Gérard Collomb. Dans une deuxième partie nous tenterons d’analyser
les enjeux sociaux, les rapports de domination et de leadership qui se jouent dans le cadre
de la démarche Only Lyon
Chapitre 1 : Les propriétés vertueuses de la
gouvernance
Dans ce chapitre, afin de mieux comprendre comment le concept de gouvernance est utilisé
par le politique nous reviendrons dans un premier temps sur la genèse d’Only Lyon et dans
un deuxième temps nous analyserons le recours à la méthode du « savoir-faire ensemble »
dans les discours et la mise en scène de la gouvernance à travers la démarche marketing
Only Lyon.
1- Histoire d’Only Lyon :
115
116
LE GALES (P.), Politique urbaine et développement local : une comparaison franco-britannique, Paris, L’Harmattan, 1993.
JOUVE (B.), LEFEVRE (C.), « De la gouvernance urbaine au gouvernement des villes ? Permanence ou recomposition
des cadres de l’action publique en Europe », Revue française de science politique, 1999.
TOTA Barbara_2007
47
« Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs,
entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement »
La légende dit que l’idée d’une signature commune est née lors d’un déplacement d’une
délégation composée d’entrepreneurs, des chambres consulaires et autres acteurs du
rayonnement et du développement économique de la ville, emmenée par le Grand Lyon à
Pékin, du 7 au 14 juin 2005.
Mais à y regarder de plus près, l’idée d’une signature internationale a été pensée
quelques années auparavant et s’appuie sur des structures de gouvernance économique
mises en place bien avant le lancement de la nouvelle « marque lyonnaise », le 30 janvier
2007. Pour Christophe Cizeron, Directeur de cabinet de Gérard Collomb au Grand Lyon et
Conseiller technique en charge du développement économique, Only Lyon est « le résultat
de la mise en place, depuis six ans, d’une politique de développement économique basée,
117
en partie, sur la gouvernance » .
Dans un document de travail visant à émettre des propositions d’actions dans le cadre
du Schéma de Développement Economique de l’agglomération lyonnaise (SDE) datant de
décembre 2000, il existe déjà une « fiche-action » préconisant d’amplifier les campagnes
de communication ciblées à l’international :
« Le marketing international passe par la valorisation de notre image dans les grandes
métropoles, notamment en améliorant l’articulation entre tourisme et économie. La lisibilité
internationale est un facteur clé de la compétitivité du territoire. Ces campagnes de
communication doivent s’appuyer naturellement sur nos points forts habituels et en les
adaptant aux attentes des cibles. Cette initiative suppose une élaboration fine de la stratégie
définissant les publics cibles et les segments d’activités que l’on souhaite valoriser afin
d’éviter la dispersion des impacts de communication ».
Nous retrouvons ici, dans les grandes lignes, la stratégie marketing d’Only Lyon :
le raisonnement produit-cible, le lien entre rayonnement, attractivité et développement
économique et la nécessité de mettre en place une politique de communication ciblée pour
faire de Lyon une grande métropole européenne.
Par ailleurs, ce document de préconisations du SDE comporte une fiche-action visant
à « mettre en réseau les acteurs » afin de « renforcer l’animation économique et l’ingénierie
118
territoriale » .
Only Lyon découle donc du SDE de l’agglomération lyonnaise élaboré en 2000 :
« Au niveau européen, la concurrence entre métropoles pour attirer et conserver les
richesses, activités et savoirs s’intensifie. Des études de comparaisons internationales et
l’analyse des forces et faiblesses de Lyon ont mis en évidence :
une notoriété insuffisante, au regard du poids économique de Lyon ;
une communication éparse portée par des entités différentes, qui a pour effet de
brouiller sa visibilité.
Partant de ces constats, le groupe de gouvernance « Grand Lyon l’Esprit d’Entreprise »
du 26 juin 2006 a validé un plan marketing visant à mobiliser l’ensemble des acteurs
119
économiques lyonnais […] » .
117
Entretien réalisé avec Christophe Cizeron, Directeur de Cabinet de Gérard Collomb et conseiller technique en charge du
développement économique, Grand Lyon, 26 juin 2007.
118
119
Fiche action du SDE, décembre 2000 : « mettre en réseau les acteurs », voir annexe n°7.
Rapport d’activité 2006 des actions économiques du Grand Lyon, Délégation Générale au développement économique
et à l’international, voir annexe n°4.
48
TOTA Barbara_2007
Troisième partie: « La gouvernance lyonnaise »
C’est en 1997, sous Raymond Barre, qu’Henry Chabert, alors Vice-président de la
communauté urbaine en charge de l’urbanisme et Président de l’Agence d’Urbanisme de
l’agglomération lyonnaise, lance le Schéma de Développement Économique réunissant les
instances patronales, les chambres consulaires ainsi que des chefs d’entreprises afin de
« définir le cadre général de l’action économique de l’agglomération : ses priorités, ses
120
objectifs, les institutions qui la mette en œuvre… » . Dès 1997, les notions de partenariat,
de mise en réseau, d’ouverture sur la société civile guident l’action économique du Grand
Lyon. En 1997, Henry Chabert, Vice-Président du Grand Lyon chargé de l’urbanisme et
Président de l’Agence de l’Urbanisme écrit :
« La gestion de l’intérêt général peut s’effectuer de manière autoritaire et centralisatrice :
la France a déjà beaucoup pâti de cette vision messianique ! Pour sortir de cette approche
technocratique où les acteurs ne se sentent guère concernés, la Communauté urbaine de
Lyon, sous l’autorité de son Président, Raymond Barre, a lancé des projets s’appuyant sur
la concertation et la responsabilisation de la société civile.
Le SDE s’inscrit dans cette perspective partenariale : il s’agit d’un véritable plan
stratégique territorial qui a pour but de favoriser la création de richesses et d’emplois
en renforçant les synergies entre les investissements de la collectivité et ceux des
entrepreneurs.
[…] Le SDE s’appuie sur une méthode fondamentalement participative. Initié par la
collectivité, mené conjointement avec les institutions représentatives du monde économique
-CCIL, chambre des métiers, Gil-Medef Lyon-Rhône, CG PME-PMI - qui ont un rôle de
facilitateur, le SDE existe avant tout pour les entreprises et par les entreprises. Renforçant
la coopération entre les entreprises et la collectivité locale, il s’affirme ainsi comme une
pratique innovante de « gouvernance territoriale », c’est-à-dire plus souple et plus sensible
aux attentes des chefs d’entreprise ».
Jusqu’en 2001, le SDE est piloté par l’Agence d’urbanisme de l’agglomération lyonnaise
et la Communauté Urbaine avec l’appui du cabinet de conseil Algoé. C’est à l’arrivée de
Gérard Collomb à la tête de la Mairie de Lyon et du Grand Lyon, que le SDE se transforme
en « Grand Lyon l’Esprit d’Entreprise » (GLEE). Comme pour Only Lyon, les grandes
orientations de la politique économique mise en place depuis 2001 par Gérard Collomb a
été élaborée dès 2000 dans le cadre du SDE. Il est d’ailleurs intéressant de noter que le
responsable du projet au sein du cabinet de conseil Algoé était Christophe Cizeron, celui
qui a rejoint le cabinet de Gérard Collomb en 2002 au poste Conseiller technique en charge
du développement économique et deviendra en 2004 Directeur de cabinet.
Ainsi, à partir de 2003, GLEE conduit à la mise en place d’un « groupe de gouvernance »
121
réunissant, deux à trois fois par an , les présidents des cinq institutions fondatrices (Grand
122
Lyon, Gil-Médef Lyon-Rhône, CGPM, CCI et chambre des métiers ) et un directoire
123
réunissant les directeurs généraux toutes les six semaines . Les cinq Présidents réunis
120
HEALY (A.), « La métropolisation comme outil de légitimation : genèse d’une action économique portée par la communauté
urbaine de Lyon », dans BACHELET (F.), MENERAULT (P.), PARIS (D.), (Dir.) , Action publique et projet métropolitain, Paris,
L’Harmattan, 2006.
121
HEALY (A.), « La métropolisation comme outil de légitimation : genèse d’une action économique portée par la communauté
urbaine de Lyon », dans BACHELET (F.), MENERAULT (P.), PARIS (D.), (Dir.) , Action publique et projet métropolitain, Paris,
L’Harmattan, 2006.
122
123
Depuis 2005, le PUL a rejoint GLEE.
HEALY (A.), Op. Cit.
TOTA Barbara_2007
49
« Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs,
entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement »
au sein du Groupe de Gouvernance élaborent la stratégie, ce qui consiste à « définir
124
la stratégie, valider les grandes orientations, décider des nouvelles actions » . Le
Directoire quant à lui a pour mission de porter la stratégie c’est-à-dire : « vérifier et
garantir l’avancement des projets en cours, valider les décisions, proposer de novelles
125
pistes d’actions » . Six axes prioritaires ont été définis : « entreprendre et développer »,
« régénérer et innover », « choisir pour se spécialiser », « le marketing territorial »,
126
« l’aménagement du territoire » et « le développement durable » . Pour chacun de ces
axes, un pilote a été désigné chargé « d’assurer la coordination et garantir la cohérence
des actions sur chacun des axes ». Par ailleurs, un pilote et un comité de pilotage ont été
mis en place pour chacune des 22 actions définies dans le cadre du SDE, devenu GLEE
en 2003, afin de déployer et de « coordonner l’action, de mobiliser les acteurs et d’évaluer
127
les résultats » .
Ainsi, le SDE, puis GLEE, ont été le cadre depuis 1997 d’une transformation de la
régulation de l’action publique avec la mise en place d’une gouvernance économique.
L’objectif de ces instances est d’instaurer un lieu permanent de discussion entre la
communauté urbaine, les entrepreneurs et les institutions du territoire œuvrant pour le
développement économique, dans une logique de partenariat.
Selon Aisling Healy :
« La notion de gouvernance, telle qu’elle est définie scientifiquement, entend rendre
compte, dans un contexte de globalisation, de l’émergence de politiques urbaines
directement liée à une capacité à générer des relations entre acteurs publics et privés,
capacité discriminante permettant d’expliquer pourquoi certains territoires se développent
128
mieux que d’autres (Le Galès, 2003) » .
Pour Platon, ces liens entre acteurs privés et publics sont également capitaux pour
s’occuper de la chose publique : « Il est impossible d’administrer correctement les affaires
129
de la Cité sans amis, sans partisans fidèles » .
2- La mise en scène de la gouvernance
Dans un document interne au Grand Lyon présentant GLEE, la gouvernance y est définie
comme une « démarche collective permettant d’instaurer des mécanismes de dialogue
et d’action entre des acteurs publics et privés, pour plus de performance économique du
territoire ».
Ainsi, l’on retrouve des éléments de la définition scientifique de la gouvernance
réappropriée par le politique. En effet, la gouvernance, ou plutôt la capacité du politique à
124
125
126
127
128
Document interne au Grand Lyon
Document interne au Grand Lyon
« Le SDE, un projet économique pour l’agglomération lyonnaise », janvier 2002.
Document interne au Grand Lyon.
HEALY (A.), « ‘Une gouvernance patronale’ : de l’ouverture des modes de prise de décision publique locaux à la sélection
des acteurs participant à l’action économique de la communauté urbaine de Lyon », dans De l’intérêt général à l’utilité sociale ? La
reconfiguration de l'action publique entre État, associations et participation citoyenne, Xavier Engels, Matthieu Hély, Aurélie Peyrin et
Hélène Trouvé (dir.),Paris, L’Harmattan, coll. : « Logiques sociales », 2006.
129
50
Platon, Lettres, Paris, Garnier-Flammarion, 1987.
TOTA Barbara_2007
Troisième partie: « La gouvernance lyonnaise »
mettre en réseau les acteurs du développement du territoire et sa capacité à s’ouvrir sur
le monde de l’entreprise, est un gage de « performance ». Le développement du territoire
passe donc pour le politique par sa capacité à fédérer, à travailler ensemble.
C’est ainsi que Gérard Collomb explique, en partie, les réussites du territoire :
« […] Ce dynamisme se traduit ainsi par une forte croissance de sa démographie,
de la création d’entreprises, du tourisme (dont celui d’affaires), mais aussi par
le rayonnement de ses institutions culturelles et sportives, et de ses grands
événements, à l’instar de la fête des lumières, des Nuits sonores ou encore
des Biennales de la danse et d’art contemporain. Le secret de cette réussite
réside pour beaucoup dans la capacité de la métropole lyonnaise à animer
une gouvernance économique féconde au travers de « Grand Lyon l’Esprit
d’Entreprise » et à tisser des coopérations fortes avec les acteurs de la société
civile, les territoires voisins ou à l’international dans le cadre de différents
130
réseaux de villes, dont celui des Eurocités présidé par Lyon » .
Les partenaires de la démarche vont même plus loin en affirmant que cette gouvernance
est unique en France, qu’il s’agit d’une spécificité lyonnaise :
« Ensemble, ils [les acteurs économiques lyonnais] se sont mobilisés afin de
faire passer leur ville à la vitesse supérieure et d’améliorer sa visibilité et son
attractivité. Ils démontrent une nouvelle fois que la culture du « faire-ensemble »
est fortement ancrée à Lyon. Un faire-ensemble qui s’illustre au travers de Grand
131
Lyon l’Esprit d’Entreprise démarche de gouvernance unique en France […] ».
On retrouve parfois l’expression de « modèle lyonnais », d’ « une culture du savoir faire
ensemble » ou encore de « gouvernance à la lyonnaise ».
132
Selon Jacques de Chilly , une des spécificités lyonnaise est de fédérer les initiatives
et les énergies, une spécificité sous-estimée ou méconnue de la majorité des Lyonnais,
alors qu’il s’agit d’une richesse du territoire que n’ont pas toutes les villes françaises et
européennes. D’après lui, les acteurs lyonnais savent se réunir, travailler ensemble au
développement au-delà des conflits partisans mais aussi public-privé, ce qui signifie qu’il
s’agirait d’une faculté spécifiquement lyonnaise.
Il est intéressant de voir à travers Only Lyon comment cette capacité du politique à
rassembler, créer des synergies entre les acteurs du territoire et à s’ouvrir sur la société
civile en dépassant les conflits d’intérêts personnels ou de groupe, est mise en scène.
La soirée organisée dans le cadre d’Only Lyon visant à mobiliser les futurs
ambassadeurs de la ville est à ce sujet révélatrice d’une volonté d’affichage de cette
capacité du politique à rassembler. Cette soirée a été organisée par le Grand Lyon avec le
soutien logistique des partenaires. L’ensemble des interventions des « élites économiques »
lyonnaises ont souligné l’efficacité des politiques de développement économique mises en
place par Gérard Collomb. Les discours étaient tous emprunts d’une grande unité avec un
mélange presque irréel d’admiration et de reconnaissance envers le Président du Grand
Lyon. Ce fut, ce soir là, une formidable démonstration de cette capacité du politique, à
laquelle il est fait constamment référence dans les discours, à créer du consensus, à
130
« Lyon porte de l’Europe. La métropole de demain », l’Echo parlementaire, juillet 2007.
131
www.Lyon-Business.org
132
Entretien réalisé avec Jacques de Chilly, Directeur exécutif de l’Aderly, Palais du commerce, Lyon, le 10/07/07.
TOTA Barbara_2007
51
« Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs,
entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement »
rassembler au-delà des clivages. En effet, il est d’autant remarquable d’assister à un tel élan
d’adhésion à la politique menée par la Communauté Urbaine de la part des entrepreneurs
et des acteurs économiques du territoire, sachant que Gérard Collomb est un élu socialiste.
Cette remarque un peu brutale mériterait cependant d’être affinée par une étude plus
approfondie des parcours et des sensibilités de chacun, mais nous pouvons toutefois
souligner le fait que le président de la CGPME soutienne publiquement l’action d’une
municipalité et d’une présidence de la communauté urbaine socialiste.
Sur cette photo nous pouvons voir unis et souriants les représentants de l’élite
économique, politique et culturelle lyonnaise, entre autres : Roraima Andriani-Directrice
du Cabinet du secrétaire général d’Interpol, Bernard Bazot-Directeur régional Air France,
Thierry Bernard-Directeur des opérations commerciales monde de BioMérieux, Lionel
Collet-Président de l’Université Lyon I, Gérard Collomb-Sénateur Maire de Lyon, JeanLouis Crosia-Président Merial Europe, Serge Dorny-Directeur général de l’Opéra de
Lyon, Frédéric Fiore-PDG de Garderisettes, Alexandre Fraichard-PDG de Genoway, Yves
Grardel-Directeur Général de l’hôtel Radisson, Marie-Christine Lombard-PDG de TNT
Express, Guy Mathiolon-Président de la Chambre de Commerce et d’industrie de Lyon,
Michael Peters-Directeur Général d’Euronews, Armelle Petiau-Levy-PDG de INGNI, Thierry
Raspail-Créateur/directeur artistique de la biennale d’art contemporain, François TURCASPrésident CGPME Rhône-Alpes.
Dans les documents présentant Only Lyon la parole est laissée aux différents
partenaires. Ainsi, Gérard Collomb s’exprime dans un même document aux côtés du
Directeur de l’Aderly et du Président de la CCI, dans un autre document le Président du
club des entrepreneurs et le PDG de Renault Trucks vantent les atouts de Lyon, lors du
lancement de la signature internationale le président du Medef Lyon-Rhône était assis à la
même tribune que Gérard Collomb. Autant de signes qui visent à afficher une unité entre
les acteurs du développement et du rayonnement du territoire. Only Lyon, représente donc
133
« une vitrine du modèle de gouvernance à la lyonnaise » qui permet de mettre en scène
les relations entre le Grand Lyon, son Président et les acteurs du développement et du
rayonnement du territoire.
Sur son blog, Gérard collomb a posté le 31 janvier 2007, au lendemain du lancement
d’Only Lyon un billet dans lequel il dit :
133
Entretien réalisé avec Christophe Cizeron, Directeur de Cabinet de Gérard Collomb et conseiller technique en charge du
développement économique, Grand Lyon, 26 juin 2007.
52
TOTA Barbara_2007
Troisième partie: « La gouvernance lyonnaise »
« C’est une des singularités de cette ville que de savoir rassembler pour trouver
plus d’énergie ensemble, et pour opérer les synergies les plus fortes. C’est la
spirale vertueuse du développement ainsi alimentée par toutes les forces vives
du territoire. C’est ce que soulignaient les participants à une manifestation
organisée pour le lancement de cette signature, tous fiers de cette capacité à
travailler ensemble et à concrétiser ensemble, pour la première fois, une action
de communication commune et efficace. Le slogan choisi pour ma campagne de
2001 était « libérons les énergies ! ». Voici un bel exemple de ce que ces énergies
134
libérées peuvent produire » .
La démarche Only Lyon s’appuie donc sur une structure institutionnalisée de gouvernance
préexistante : Grand Lyon Esprit d’Entreprise, qui elle-même découle directement du
Schéma de Développement Economique lancé en 1997. Ainsi, il existe des relations de
longue date entre les acteurs d’Only Lyon. Nous pouvons donc supposer qu’il est possible
d’observer des tensions entre certains partenaires ou à l’inverse des rapprochements au
moment même où l’idée d’une signature internationale commune a émergé. L’analyse des
relations entre les acteurs d’Only Lyon ne peut se faire indépendamment d’une analyse des
relations sociales à l’œuvre dans le cadre de GLEE.
La gouvernance est mise en scène à travers Only Lyon, le concept est ainsi
instrumentalisé pour s’intégrer dans un argumentaire visant à convaincre de la performance
du territoire et de l’efficacité des actions menées pour son développement. Autrement dit,
c’est l’idée de montrer à tous, lyonnais et étrangers, citoyens et investisseurs potentiels,
que puisque les acteurs du développement du territoire travaillent ensemble, ils ne peuvent
pas faire de mauvaises choses. Ce qui vise à créer un environnement « rassurant » pour
les affaires.
Sans faire preuve d’une grande méfiance ou d’un cynisme exacerbé, nous pouvons,
pour les besoins de notre enquête, nous demander ce qui peut se dissimuler derrière cette
unité entre les acteurs du développement et du rayonnement de Lyon. En nous demandant
ce qui rend la mobilisation des acteurs et l’action collective possibles, nous irons au-delà
des discours d’unité pour dévoiler les enjeux non mis en scène.
Chapitre 2 : La gouvernance au-delà des discours
Selon Sylvie Biarez, « l’observation d’une politique est l’occasion de mettre à jour les
135
négociations, de souligner les stratégies et les acteurs porteurs de projets » . C’est ce
que nous nous attacherons à faire dans ce dernier chapitre en nous demandant ce qui rend
possible la mobilisation des acteurs dans la démarche Only Lyon.
Dans l’objectif de dévoiler les enjeux non affichés dans les discours sur la gouvernance,
nous observerons dans un premier temps les stratégies des acteurs à l’œuvre dans le
cadre d’Only Lyon. Dans un deuxième temps, nous questionnerons plus particulièrement la
stratégiedu politique à travers notre objet.
134
135
Voir annexe n°2.
BIAREZ (S.), Territoires et espaces politique, Grenoble, PUG, 2000.
TOTA Barbara_2007
53
« Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs,
entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement »
Ce chapitre aura davantage vocation à ouvrir des pistes de recherche, et n’aura pas
la prétention de présenter une analyse aboutie des rapports sociaux complexes et des
stratégies d’acteurs existants.
1- Les conditions de la mobilisation des acteurs et de l’action
collective.
L’ensemble des partenaires au cours de notre enquête de terrain, a voulu véhiculer
l’image d’une collaboration heureuse dans l’objectif de poursuivre un intérêt commun : le
développement du territoire. S’ils ne nient pas qu’il puisse parfois exister des tensions ou
des désaccords entre les différents présidents ou directeurs participant à la démarche Only
Lyon, ils insistent sur le fait que cela se produit uniquement sur des sujets mineurs et ne
dure jamais longtemps.
Les prises de décisions, la définition des stratégies à poursuivre, des actions à mener
dans le cadre de la démarche marketing semblent se faire de manière informelle. Il n’y a
pas de système de vote et les accords se trouvent par le biais de négociations quasiment
interpersonnelles. Un groupe de pilotage, composé de neuf directeurs des institutions de
la démarche Only Lyon se réunit tous les 15 jours : « Durant ces réunions, les participants
font des choix sur les actions à mener, sur les prestataires…les discussions sont parfois
vives mais ils arrivent toujours à trouver un accord sans un système de vote formalisé. Ils
136
s’appellent après, en rediscute, négocient et tombent d’accord » .
Notre objet d’étude soulève une question essentielle : la notion d’acteur collectif. Estce que l’ensemble des acteurs du développement de la ville, comme semblent vouloir nous
le montrer les partenaires de la démarche Only Lyon, marchent d’un seul pas ?
Dans Le retour des villes européennes, Le Galès
137
nous met en garde :
« La ville n’est pas dotée d’une volonté unitaire d’action, et les conflits sont au cœur
de la dynamique sociale et politique. Le terme de « ville acteur » peut conduire à privilégier
la rationalité instrumentale et une vision désocialisée, dépolitisée du monde en terme de
consensus, de décision, gommant les conflits et les inégalités. La prise en compte de cette
diversité suppose cependant de ne pas tomber dans l’émerveillement du tout collectif, ce
qui revient à s’émerveiller de la diversité d’une multitude d’acteurs, de leurs interactions, de
leurs discours contradictoires en faisant fi des contraintes, des institutions, des rapports de
pouvoir, des conflits, des ressources des acteurs, des rapports de domination ».
En effet, au-delà des discours d’unité et de collaboration, il faut rester vigilants et
sans cesse questionner l’image d’acteur collectif que les partenaires d’Only Lyon veulent
véhiculer.
Nos interrogations sur la mobilisation des acteurs fait écho aux travaux de Crozier et
138
Friedberg sur l’action collective :
« A quelles conditions et au prix de quelles contraintes l’action collective, c’est-à-dire
l’action organisée, des hommes est-elle possible ? C’est la question centrale de ce livre. Car
si l’action collective constitue un problème si décisif pour nos sociétés, c’est d’abord et avant
136
137
Entretien réalisé avec Jacques de Chilly, Directeur exécutif de l’Aderly, Palais du commerce, Lyon, le 10/07/07.
LE GALES (P.), Le retour des villes européennes. Sociétés urbaines, mondialisation, gouvernement et gouvernance,
Presses de la fondation nationale des sciences politiques, 2003.
138
54
CROZIER (M.), FRIEDBERG (E.), L’acteur et le système. Les contraintes de l’action collective, Seuil, 1977.
TOTA Barbara_2007
Troisième partie: « La gouvernance lyonnaise »
tout parce que ce n’est pas un phénomène naturel. C’est un construit social dont l’existence
pose problème et dont il reste à expliquer les conditions d’émergence et de maintien ».
Pour les auteurs, la question de l’action collective est « complémentaire » à celle
d’organisation : ce sont les deux faces d’un même problème : celui de la structuration
des champs à l’intérieur desquels l’action, toute action se développe ». C’est l’idée selon
laquelle il ne peut exister d’action collective sans organisation dans le cadre de laquelle elle
puisse avoir lieu, et même être pensée et qu’au-delà, la structure de l’organisation a une
influence ou révèle les enjeux de pouvoir. Ainsi, Only Lyon est étroitement liée à la structure
de gouvernance institutionnalisée GLEE et si elle fonctionne aujourd’hui de manière
informelle, on peut se demander dans quelles mesures son mode de fonctionnement et
son organisation, aussi informelle soit elle, est imprégnée ou influencée par la structure de
GLEE. Comme nous l’avons vu, les acteurs se retrouvent dans les différents groupes de
travail et l’idée d’une signature internationale est née dans le cadre du SDE qui a donné
par la suite naissance à GLEE. Ces instances de gouvernance sont étroitement liées et l’on
peut supposer que ce qu’il se passe ou s’est passé entre les acteurs dans une structure de
gouvernance a des influences sur ce qui a lieu dans l’autre structure.
Si Jacques de Chilly souligne que le Grand Lyon a un poids prépondérant dans les
discussions, c’est selon lui en raison de son poids financier, le Grand Lyon étant le principal
contributeur de la démarche marketing Only Lyon.
Cependant, nous pouvons supposer qu’il ne s’agit pas seulement de cela. En effet,
Only Lyon, comme nous l’avons vu, émane d’une structure de gouvernance économique
institutionnalisée, GLEE, pilotée par le Grand Lyon - la DGDEI (Délégation Générale
au Développement Economique et International) et le cabinet de Gérard Collomb. Il est
donc probable que le rôle d’organisateur et de coordinateur du Grand Lyon, formalisé
dans le cadre de GLEE, se retrouve dans cette nouvelle structure informelle, au sein de
laquelle nous retrouvons les mêmes participants. En effet, il semblerait que les participants
reproduisent, dans le cadre d’une structure de travail légèrement différente les mêmes
rapports que dans le cadre de la structure institutionnalisée.
Par ailleurs, les travaux de Crozier et Friedberg montrent que le pouvoir est le
fondement même de l’action organisée :
« Toute analyse sérieuse de l’action collective doit donc mettre le pouvoir au centre
de ses réflexions. Car l’action collective n’est finalement rien d’autre que de la politique
quotidienne. Le pouvoir est sa matière première ».
Le pouvoir dont parlent ici les auteurs est un pouvoir relationnel, et non pas un attribut
des acteurs. Il ne peut se manifester que par sa mise en œuvre dans une relation mettant
en jeu plusieurs acteurs, leurs ressources et leurs intérêts particuliers. Cette relation est
à la fois une relation instrumentale au sein de laquelle les acteurs visent à atteindre un
but, mobilisant ainsi leurs ressources, une relation où chaque action constitue un enjeu
spécifique où se greffe une relation de pouvoir particulière et une relation réciproque, car il
y a négociation et échange, ce qui ne l’empêche pas, par ailleurs, d’être déséquilibrée.
Analyser les relations de pouvoir suppose donc de se poser la question des ressources
des acteurs mais également de leurs intérêts, des objectifs poursuivis. Les acteurs
sont stratégiques, ils font un calcul coût/avantage entre ce que peut leur rapporter leur
participation à Only Lyon et ce que cela leur coûte. Si le rapport est positif, il y a de grandes
chances que les acteurs se mobilisent. A l’inverse, la mobilisation sera plus incertaine.
Crozier et Friedberg posent la question de leur mobilisation en ces termes :
TOTA Barbara_2007
55
« Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs,
entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement »
« Encore faut-il que les membres de l’organisation acceptent de les engager [leurs
ressources] dans des relations de pouvoir particulières. Or dans la mesure même où
l’organisation ne constitue pour ses membres qu’un champ d’investissement stratégique
parmi d’autres, il n’y a à l’engagement de ceux-ci aucune automaticité, comme nous l’avons
déjà souligné. Ils n’accepteront de mobiliser leurs ressources et d’affronter les risques
inhérents à toute relation de pouvoir, qu’à condition de trouver dans l’organisation des enjeux
suffisamment pertinents au regard de leurs atouts et de leurs objectifs, et suffisamment
importants pour justifier une mobilisation de leur part ».
Dans le cadre d’Only Lyon, les acteurs poursuivent un même objectif affiché: renforcer
le rayonnement et l’attractivité de l’agglomération lyonnaise. Jacques de Chilly quant à lui
dévoile un autre aspect de la démarche :
« Only Lyon marche parce que tous les partenaires veulent réussir dans leur secteur.
L’Office du tourisme veut plus de visiteurs, le palais des Congrès plus de congrès et de
congressistes, l’aéroport plus de voyageurs…même dans le domaine de la culture, le
commissaire de la Biennale d’art contemporain veut plus d’artistes, de têtes d’affiche et de
139
fréquentation […] » .
En d’autres termes, la poursuite de l’objectif commun, qui est de renforcer le
rayonnement du territoire, concoure à l’intérêt de chacun et c’est ce qui rend possible la
140
mobilisation des acteurs . C’est ce qu’exprime sans ambigüité le Président du pôle de
compétitivité Lyonbiopôle :
« D’une manière générale, Lyonbiopôle reste très à l’écoute des initiatives locales
ou régionales pouvant faire émerger des projets, des collaborations entre acteurs privés,
publics et académiques sur des domaines répondant à nos champs d’action. Notre souhait
141
est de faire avancer la recherche ; toutes les opportunités sont donc à saisir » .
Les intérêts particuliers recherchés peuvent être de différentes natures. Il peut s’agir
d’améliorer son bilan d’activité, comme le souligne Jacques de Chilly, de faire avancer des
projets propres à son organisation, ou comme dans le cas de la CGPME et du Médef LyonRhône, l’enjeu est de légitimer son pouvoir de représentativité. En effet, selon Aisling Healy,
il existe une certaine rivalité entre la CGPME et le Médef Lyon-Rhône qui émerge sur la
scène locale dans les années 1990 :
« Medef Rhône et CGPME se prévalent respectivement du soutien de 8 000 et 2 500
entreprises locales adhérentes. Ces deux syndicats rappellent fréquemment que chaque
adhésion est volontaire et affirment que l’expérience de chefs d’entreprise de leurs membres
assure une proximité entre les problématiques qu’ils défendent et celles rencontrées par les
142
chefs d’entreprises au quotidien » .
La nature des membres en présence dans la démarche Only Lyon a également son
importance en ce qui concerne la capacité de mobilisation des acteurs. Comme le soulignent
139
140
Entretien réalisé avec Jacques de Chilly, Directeur exécutif de l’Aderly, Palais du commerce, Lyon, le 10/07/07.
Nous verrons, dans notre deuxième partie de ce chapitre, plus particulièrement quel peut être l’intérêt du politique dans
cette démarche.
141
142
Grand Lyon Magazine, n°19, avril 2007, voir annexe n°6.
HEALY (A.), « ‘Une gouvernance patronale’ : de l’ouverture des modes de prise de décision publique locaux à la sélection
des acteurs participant à l’action économique de la communauté urbaine de Lyon », dans De l’intérêt général à l’utilité sociale ? La
reconfiguration de l'action publique entre État, associations et participation citoyenne, Xavier Engels, Matthieu Hély, Aurélie Peyrin et
Hélène Trouvé (dir.),Paris, L’Harmattan, coll. : « Logiques sociales », 2006.
56
TOTA Barbara_2007
Troisième partie: « La gouvernance lyonnaise »
Crozier et Friedberg, toute action collective suppose un échange et pour qu’il y ait échange,
il faut que chacun puisse apporter quelque chose à l’autre, avoir quelque chose à négocier :
un réseau, une légitimité représentative, des moyens financiers ou logistiques, ou encore
une expertise. Only Lyon, c’est l’occasion pour chacun de bénéficier des réseaux des autres,
de profiter de l’image de Lyon pour développer son activité, d’être présent aux côtés de l’élite
lyonnaise et de faire ainsi partie de ce club des entreprises ou des institutions qui comptent
à Lyon et d’être reconnu comme tel, de participer aux voyages organisés par le Grand Lyon
à l’étranger, ce qui permet aux entreprises de s’ouvrir sur d’autres marchés, etc.
Comme cela a pu être observé lors de la Garden Party à l’Amphithéâtre de la Cité
internationale le 5 juillet 2007, Only Lyon est un espace mondain où il fait bon d’être vu.
La sélection des partenaires a donc son importance et met en jeu des processus
d’exclusion ou d’intégration qui vont à l’encontre des discours consensuels sur la
gouvernance qui se veut être une méthode de gouvernement d’ouverture sur la société
civile. Il semblerait que l’ouverture dans le cadre d’Only Lyon soit limitée à l’élite locale.
En ce qui concerne les ambassadeurs de la marque Only Lyon, qui ne participent pas
à la production des politiques de rayonnement et d’attractivité, le processus de sélection
est beaucoup plus flou.
143
Selon Jacques de Chilly , sur le choix des ambassadeurs porteurs de l’image de
Lyon, les partenaires d’Only Lyon se sont posé la question de savoir s’ils optaient pour
une grande opération relativement ouverte ou s’ils choisissaient d’opérer une sélection
plus précise, plus minutieuse des ambassadeurs. Ainsi, avec la soirée organisée à la Cité
144
Internationale visant à récolter le plus de signatures possibles des personnes présentes ,
les partenaires d’Only Lyon ont fait le pari que les ambassadeurs les moins concernés par
la démarche, c’est-à-dire ceux ne voyageant pas à l’étranger régulièrement ou n’ayant pas
un grand réseau, se détacheraient d’eux-mêmes de leur titre d’ambassadeur. Le processus
de sélection des ambassadeurs reste à ce jour peu défini, les partenaires d’Only Lyon
attendent de voir comment les choses évoluent, mais ils envisagent également la possibilité
de faire sortir du circuit en douceur les ambassadeurs n’envoyant pas au moins une
information pertinente dans l’année (un projet à monter, un événement à organiser ou auquel
participer, la circulation des contacts qui peuvent s’avérer utiles…). Nous voyons ici combien
l’ouverture sur la société civile peut être délicate. Certes, les partenaires d’Only Lyon ont
fait le choix de s’appuyer sur les entrepreneurs pour faire rayonner la ville au-delà de ses
frontières, mais cela n’est sans poser de problèmes, en termes de contrôle de l’image, de la
communication, du message véhiculé, mais aussi de diplomatie, pour ne froisser personne.
Ces questions qui se posent pour les ambassadeurs, se posent aussi pour le choix
des partenaires. S’ils sont choisis en fonction de leurs ressources, comme nous l’avons vu,
l’ouverture de la prise de décision n’est pas sans risques pour le politique. En s’ouvrant ainsi,
il se met en danger, les partenaires peuvent se désolidariser du groupe, devenir critiques,
il peut y avoir des désaccords qui aboutissent à des ruptures brutales, des susceptibilités
froissées.
Dans notre prochaine sous-partie nous analyserons plus précisément l’intérêt du
politique à s’aventurer dans une méthode de gouvernement ouverte sur la société civile.
143
144
Entretien réalisé avec Jacques de Chilly, Directeur exécutif de l’Aderly, Palais du commerce, Lyon, le 10/07/07.
Les entrées se faisaient uniquement sur carton d’invitation, 500 personnes étaient attendues. Dans ce genre de
manifestation, il y a toujours des personnes présentes n’ayant pas été invitées.
TOTA Barbara_2007
57
« Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs,
entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement »
2- La stratégie politique
Nous l’avons vu, la gouvernance est largement mise en scène par le politique. Cela lui
permet de légitimer son action, de convaincre de son efficacité et d’afficher ses relations
avec les acteurs privés du développement et du rayonnement du territoire. Nous pouvons
toutefois aller plus loin dans notre réflexion en l’affinant. Que le politique mette en scène la
gouvernance est une chose, mais est-ce seulement pour légitimer son action économique,
pour convaincre de son efficacité ?
Tout d’abord, il est nécessaire de définir plus précisément ce que nous entendons ici par
le politique. Nous nous attacherons, dans notre démonstration à analyser le rôle du politique
entendu comme Gérard Collomb, c’est-à-dire l’élu, le professionnel de la politique au sens
145
wébérien , et ses collaborateurs. Nous excluons donc l’ensemble de l’exécutif comprenant
les élus de la collectivité ; les vice-présidents du Grand Lyon mais aussi adjoints de Gérard
Collomb à la mairie de Lyon et les agents du Grand Lyon, qu’ils soient fonctionnaires ou
contractuels travaillant dans les services. Notre décision d’exclure du politique les agents
des services de la communauté s’explique uniquement par le fait que ces derniers doivent
mettre en œuvre la politique définie par l’exécutif, or c’est cet angle que nous avons choisis
pour notre enquête : comprendre ce qui motive le politique à mettre en place des instances
de gouvernance. Le choix d’exclure l’ensemble des élus de la collectivité nous semble
justifié au regard de la configuration de l’exercice du pouvoir local. En effet, Gérard Collomb
depuis son arrivée en 2001, tout comme Michel Noir en son temps, ont centralisé les
dispositifs institutionnels sur leur personne laissant peu de place à leurs collègues, élus ou
non. Bernard Jouve et Christian Lefèvre décrivent bien ce phénomène :
« L’émergence d’un méso-niveau de gouvernement de type métropolitain participe
d’une stratégie à la fois de différenciation du personnel politique local et d’affirmation par
rapport aux partis politiques dont les élites métropolitaines sont issues. Dans certains cas,
cette différenciation va jusqu’à la tentative d’autonomisation. Ces stratégies se nourrissent
du fait que les entrepreneurs porteurs de dynamiques institutionnelles et politiques à
l’échelle des métropoles ne disposent pas des deux ressources politiques indispensables au
déroulement d’une carrière politique d’envergure : la détention d’un fief local et/ou le contrôle
d’un appareil partisan. L’espace métropolitain, les nouveaux référentiels qu’ils véhiculent
en termes de rationalisation administrative, de modernisation de la vie politique locale,
les projets ambitieux qu’ils veulent mettre en œuvre constituent autant de d’opportunités
construites pour faire face au déficit de légitimité traditionnelle dont ils pâtissent.
On note en effet que dans les différents cas où des dynamiques institutionnelles sont
engagées au niveau local, elles sont portées par une nouvelle génération d’élus arrivée
aux affaires, à la fin des années quatre-vingt. Il s’agit globalement de « quadras » de la vie
politique locale qui, aussi bien au niveau du fonctionnement des appareils politiques dont ils
sont issus que des relations entre les collectivités locales et l’Etat, tendent de changer les
règles de l’échange. Dans tous les cas de figure, on note une tendance à la centralisation
des dispositifs institutionnels sur leur personne.
C’est par exemple à Lyon le cas de M. Noir – membre du RPR – qui en 1989 prend
la mairie et relègue au second rang la Démocratie chrétienne – incarnée par le Centre
des démocrates sociaux – qui dirigeait la ville depuis quarante ans et alors même que
le RPR est moins bien implanté localement. L’élection de M. Noir à la mairie de Lyon
et à la communauté urbaine représente une immense surprise pour la classe politique
locale, tous partis confondus, dont le registre d’interaction est celui de la recherche du
145
58
WEBER (M.), Le savant et le politique, Paris, Union générale d'éditions, 1995.
TOTA Barbara_2007
Troisième partie: « La gouvernance lyonnaise »
compromis entre formation politique et collectivités locales et avant tout du pragmatisme.
[…] les circonstances de son élection, le degré de dépendance qu’il instaure entre son
exécutif et lui créent les conditions de son autonomisation à la fois par rapport au RPR à
qui il a réussi à faire gagner la capitale des Gaules et par rapport aux autres collectivités
locales du fait du poids budgétaire, de l’expertise technique de la commune de Lyon dans
les institutions d’agglomération comme la Communauté urbaine. Si le système décisionnel
est formellement éclaté entre un multitude de lieux de pouvoirs, il est de fait très fortement
146
intégré par le sommet de l’exécutif lyonnais et une petite équipe de fidèles […] » .
Cette tendance à la centralisation des dispositifs institutionnels est également
observable dans le cas de l’exercice des mandats de Gérard Collomb. En effet, la rupture
avec la tradition centriste, le poids démographique de Lyon au sein de l’agglomération,
l’autonomisation par rapport au parti, la concentration du pouvoir de l’agglomération par le
sommet de l’exécutif lyonnais et une petite équipe de fidèles sont des éléments que l’on
retrouve dans l’exercice du pouvoir depuis l’élection de Gérard Collomb. Le président du
Grand Lyon s’amuse d’ailleurs souvent à répéter qu’il est le « patron » et c’est également
ainsi que ses collaborateurs l’appellent. Cet emprunt au champ économique n’est pas
dénué de sens. Dans une entreprise, c’est le patron qui décide. De la même manière,
dans l’agglomération lyonnaise, il y aurait un patron, un homme qui décide. La presse a,
à plusieurs reprises, fait état de cette centralisation de la prise de décision sur la seule
147
personne de Gérard Collomb, notamment lors de l’affaire « Lyon Capitale » . L’opposition
politique se sert du fait que Gérard Collomb déciderai seul, pour critiquer l’action de
l’exécutif, même si cette critique s’attarde plus sur la méthode que sur le fond. Ainsi, sur
son blog, Dominique Perben, candidat UMP à la mairie de Lyon pour 2008, dans un billet
intitulé « Tout est une question de méthode », posté le 11 juillet 2007, regrette le manque
d’écoute de Gérard Collomb sur le projet du Grand Stade, tout comme dans un autre billet
sur le devenir de l’Hôtel Dieu :
« L'avenir de l'Hôtel-Dieu : et les Lyonnais dans tout ça?
Le départ annoncé en 2009 des services hospitaliers de l'Hôtel-Dieu impose que la
Mairie anticipe! Or au jour d'aujourd'hui, les Lyonnais ne savent toujours pas quels sont les
projets du Maire de Lyon pour le devenir de ce bâtiment situé en plein cœur de notre ville.
Coutumier du fait, notamment sur les dossiers "Antiquaille", "Debrousse", "Quartier Grolée",
le Maire prépare peut être un projet selon sa méthode: absence d'écoute des Lyonnais, pas
148
de concertation, pas de vision globale ni d'envergure » .
La centralisation du pouvoir exécutif n’est pas contradictoire avec la volonté de Gérard
Collomb de mener, depuis 2001, une politique de gouvernance économique. Nous l’avons
vu, Gérard Collomb se veut pragmatique et rationnel, ouvert sur le monde de l’entreprise,
à l’écoute des patrons. A travers GLEE et Only Lyon, il a voulu instaurer un dialogue, des
146
JOUVE (B.), LEVEFRE (C.), « De la gouvernance urbaine au gouvernement des villes ? Permanence ou recomposition
des cadre de l’action publique en Europe », Revue française de science politique, n°6, 1999, p.835-854.
147
En décembre 2005, Gérard Collomb serait intervenu auprès d’institutions culturelles lyonnaises pour qu’elles cessent
d’acheter des espaces publicitaires dans Lyon Capitale, journal le brocardant sur plusieurs dossiers le mettant en cause, menaçant
ainsi l’existence du titre. Dans un article intitulé « Les caprices de Collomb fatiguent la gauche lyonnaise », paru dans Libération, le
lundi 23 janvier 2006, le PS local aurait pris publiquement ses distances par rapport au Maire de Lyon lors d’une soirée organisée en
soutien au journal. Le journaliste retranscrit les propos d’un représentant de la fédération départementale du PS : « Chez nous, a-til dit dans un grand silence, il y a ce que nous appelons la solidarité de parti. Nous y sommes très attachés. Mais lorsque la liberté
d’expression se retrouve mise en cause, cette solidarité n’est plus de mise ». Voir annexes n°13 et 14.
148
http://www.perben.com/ , billet posté le 13/03/2007.
TOTA Barbara_2007
59
« Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs,
entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement »
échanges, mettre en place des projets, aller au-delà des clivages pour cultiver un « savoirfaire ensemble » et des « intérêts partagés ». Gérard Collomb souhaite, en effet, faire
passer à travers la gouvernance économique une image d’entrepreneur, il ne souhaite pas
apparaitre comme un homme idéologique, mais comme un élu pragmatique. Cette stratégie
149
de positionnement politique doit être mise en regard avec une analyse de la configuration
sociale lyonnaise. En effet, Lyon a la réputation d’être une ville centriste et les élus lyonnais,
tels Herriot et Pradel, des hommes pragmatiques. Or, Gérard Collomb est un élu de gauche
qui a choisi de mettre l’économie au cœur de sa politique. C’est un domaine où l’on n’attend
généralement pas les élus du Parti Socialiste. On aurait tendance à les croire plus attentifs
à la culture ou au social, mais pas proches des milieux économiques. Or, Gérard Collomb
depuis 2001, s’il a mené un politique volontariste en matière de logement social, il s’est peu
exprimé sur les thématiques sociales et culturelles. Lorsqu’il parle de culture c’est d’ailleurs
le plus souvent sous l’angle du rayonnement et du développement du territoire.
Ainsi, la mise en place et la mise en scène de la gouvernance économique permet
à Gérard Collomb de faire de lui un élu rationnel, pragmatique, entrepreneur, un élu de
gauche capable de dépasser les clivages idéologiques, quitte à s’éloigner de la ligne du
parti. Cette hypothèse de façonnage de l’image de Gérard Collomb à travers la mise en
place d’une gouvernance économique, doit être affinée par une étude sociologique locale.
Car, en effet, il nous semble peu probable, mais cela reste une hypothèse, que la proximité
de Gérard Collomb avec les milieux économiques se traduira numériquement par des voix
dans les urnes. En d’autres termes, il faudrait savoir si les entrepreneurs constituent un
électorat dominant à Lyon capable de faire basculer une élection. Il serait intéressant de
savoir comment voteront les entrepreneurs à Lyon, en 2008, aux municipales, connaitre
la sensibilité politique des milieux économiques lyonnais, si tant est qu’il y en est une
dominante, ce qui reste à découvrir. Est-ce que la proximité de Gérard Collomb avec les
milieux économiques locaux dans le cadre d’instances de gouvernance comme GLEE ou
Only Lyon fera basculer les entrepreneurs de droite à gauche aux élections locales ? On
peut même se poser la question de la définition, de ce que l’on entend par « gauche » et
« droite » à Lyon. Notre hypothèse est que la stratégie d’ouverture et de rapprochement
de Gérard Collomb avec les milieux économiques, son investissement sur les thématiques
économiques, sa politique de rayonnement, d’attractivité et de développement du territoire,
lui permet de véhiculer, auprès de tous les Lyonnais, une image d’élu pragmatique et de se
défaire de son étiquette d’élu socialiste.
Cette supposition qui reste à l’état d’hypothèse nous permet d’éclairer l’intérêt de la
prise de risque que peut constituer une ouverture du politique sur la société civile, dans
le cas précis de Lyon, de Gérard Collomb et de la gouvernance économique. Il s’agit
d’ailleurs de minimiser les risques politiques encourus dans la mise en place de structures
de gouvernance institutionnalisées telles que GLEE ou Only Lyon. La gouvernance étant
menée par le Grand Lyon, les partenaires choisis, les décisions étant, au final, tranchées
150
par le politique , le Grand Lyon étant également le principal contributeur financier, Gérard
Collomb à travers la mise en œuvre de sa politique d’ouverture prend en définitive très
peu de risques de dérapages, de conflits ouverts ou encore de fuites dans la presse. La
gouvernance est ici institutionnalisée, c’est-à-dire organisée dans le cadre institutionnel,
elle reste majoritairement sous le contrôle du politique, ce qui n’est pas le cas de groupes
informels qui échappent à l’omniprésence du Grand Lyon : lieux de réunion, organisation,
documents de communication…C’est ce manque de contrôle de la part du politique qui
149
150
60
NEGRIER (E.), La question métropolitaine, Grenoble, PUG, 2005.
Les discussions sur le choix de la bannière Only Lyon ont pris fin avec la décision de Gérard Collomb.
TOTA Barbara_2007
Troisième partie: « La gouvernance lyonnaise »
aurait conduit un groupe informel d’entrepreneurs, entendu au sens large, c'est-à-dire à la
tête d’une organisation, formé en 2001 à l’initiative de Gérard Collomb, à sa dissolution en
151
2003 .
Conclusion de la troisième partie :
Nous sommes finalement allés au-delà de la question du rôle du politique dans la
gouvernance, en nous demandant pourquoi le politique pratique et met en scène ce qu’il
nomme la gouvernance, ce qu’il entend par là et comment cela se concrétise.
Le retour sur l’histoire d’Only Lyon nous permet de relativiser le caractère novateur de
la démarche mis en avant dans les discours des acteurs publics et privés. En effet, Only
Lyon est issu d’un processus d’institutionnalisation de l’ouverture du politique sur la société
civile en ce qui concerne les questions économiques.
Nous avons, par ailleurs, pu constater une mise en scène de la gouvernance, des
relations que le politique entretien avec les acteurs économiques locaux à travers la
démarche Only Lyon. Cette mise en scène permet, d’une part, au politique de légitimer
son action publique auprès des Lyonnais, mais aussi, auprès des acteurs privés locaux et
internationaux. En effet, la gouvernance ainsi mise en scène, étant dotée d’un caractère de
performance, permet de légitimer les politiques mises en place.
Mais au-delà des discours d’unité, de l’affichage d’intérêts partagés, notre étude a
révélé des enjeux sous-jacents. En effet, avec l’aide des théories de Crozier et Friedberg,
nous avons questionné l’action collective et la notion d’acteur collectif en mettant à jour les
stratégies des acteurs, les relations de pouvoir ou la poursuite d’intérêts particuliers. Notre
enquête a également mis en exergue les limites de l’ouverture tant mise en avant dans les
discours sur Only Lyon. Une ouverture se limitant à l’élite lyonnaise, aux acteurs conférant
un rayonnement prestigieux et efficace au territoire.
Enfin, à travers Only Lyon nous avons pu analyser les stratégies politiques à l‘œuvre
en faisant l’hypothèse que la mise en place d’une gouvernance économique et sa mise
en scène servent le positionnement politique de Gérard Collomb dans une perspective
électorale.
151
Entretien réalisé avec Aisling Healy, Doctorante, ENTPE, le 16/07/2007, à l’ENS-LSH de Lyon.
TOTA Barbara_2007
61
« Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs,
entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement »
Conclusion
A travers la démarche Only Lyon nous avons donc voulu analyser les politiques
d’internationalisation et de rayonnement comme instruments de gouvernement, comme
mode de régulation et de production de l’action publique, révélant les stratégies des acteurs
au sein de l’action collective. Nous avons sans cesse confronté notre enquête de terrain
avec les enseignements scientifiques se rapportant à notre objet d’étude.
Dans un premier temps nous sommes revenus sur l’internationalisation comme objet
des politiques publiques. Nous avons cherché avec, entre autres, l’appui des travaux
de Le Galès, à comprendre les conditions et les formes d’émergence des politiques
d’internationalisation et de rayonnement à Lyon, à partir de 1989, date d’arrivée de Michel
Noir, considérée comme un tournant dans la gestion de la ville.
En effet, c’est à cette époque que les politiques de développement local ont émergé
en Europe. La crise économique, la mondialisation, la décentralisation, le processus de
construction européenne, ont favorisé un « retour des villes européennes ». Les villes
avaient alors la conscience d’avoir une carte à jouer dans ce contexte en pleine évolution,
dans l’incertitude des transformations. Les élus locaux se sont saisis de la question du
développement local en mettant en place des politiques publiques visant à attirer les
entrepreneurs, les investisseurs, les travailleurs, les visiteurs et les universitaires, leur
assurant richesses et emplois. L’émergence des politiques de développement local, s’est
accompagnée d’une compétition entre les villes. C’est alors que ces « élus-entrepreneurs »
se sont saisis des politiques de rayonnement et d’internationalisation pour attirer, séduire
entrepreneurs et visiteurs étrangers. L’internationalisation et le rayonnement représentent
donc, pour les acteurs du développement du territoire, des armes pour survivre dans le cadre
des évolutions du marché et des transformations institutionnelles à l’échelle internationale,
européenne et nationale.
L’étude des politiques d’internationalisation de Lyon entre 1989 et 2001 nous a
permis de situer notre objet et d’identifier les acteurs agissant pour le développement de
l’agglomération lyonnaise. Nous avons pu voir qu’Only Lyon était un micro-objet d’étude
se rapportant au vaste sujet du développement du territoire. Ce retour en arrière de
quelques années, a montré l’éventail des stratégies de rayonnement et d’internationalisation
mises en place par le politique avant l’arrivée de Gérard Collomb à la tête de la ville.
On retrouve des stratégies motivées par des logiques équipementières visant à doter la
ville des infrastructures permettant d’accueillir des congrès, de grands événements, des
visiteurs, de développer le tourisme d’affaire et l’installation d’activités économiques. Nous
avons également pu observer des stratégies de développement économiques ciblées sur
un petit nombre de secteurs clés pouvant permettre au territoire de se prévaloir d’un statut
de pionnier et d’excellence sur quelques secteurs d’activités comme les biotechnologies.
Notre étude a, par ailleurs, révélé une ouverture du politique sur la société civile à travers
la mise en place de structure de réflexion sur l’avenir et le développement du territoire. Les
réseaux de villes, les jumelages, les partenariats locaux ou internationaux, la coopération
décentralisée ou encore le déplacement de délégations lyonnaises à l’étranger constituent
un volet majeur des politiques d’internationalisation de la ville. Ces stratégies visent à trouver
la bonne échelle et les partenariats permettant au territoire d’être compétitif sur le marché
62
TOTA Barbara_2007
Conclusion
des villes, mais aussi d’assurer à la ville une visibilité et une reconnaissance au niveau
international. Enfin, nous avons observé des stratégies plus « communicationnelles » visant
à donner à la ville l’image d’une grande métropole internationale. C’est le cas des politiques
événementielles qui permettent à la ville de faire parler d’elle dans le monde entier en attirant
de grands événements comme le G7, la coupe du monde football ou les Jeux Olympiques.
Cette politique événementielle constitue par la même occasion une démonstration de la
capacité du territoire à accueillir et organiser de grands événements à dimension mondiale.
Attirer des grands noms, des sièges sociaux mondiaux, changer le nom de la collectivité
sont également des stratégies visant à donner à la ville une plus grande visibilité sur la
scène internationale des villes. Ces stratégies mises en place entre 1989 et 2001 pour
assurer l’internationalisation de Lyon et son rayonnement correspondent bien aux actions
152
de développement économique local observées par Le Gales .
Only Lyon se situe donc au croisement des logiques communicationnelles et
d’ouverture sur la société civile.
En effet, Only Lyon est tout d’abord une démarche marketing visant à renforcer la
visibilité internationale de la ville. Une des forces d’Only Lyon est d’être une signature
internationale commune portée par les acteurs du développement du territoire. Ainsi, grâce
à l’unification du discours et du message, l’effet de répétition, Only Lyon renforce la visibilité
internationale de la ville. Cette visibilité parait essentielle pour les acteurs privés ou publics
du territoire dans le contexte de compétition entre les villes que nous avons décrit. Ainsi,
la démarche marketing s’inspire des méthodes commerciales pour vendre la ville. Des
cibles ont été identifiées, des stratégies définies, des actions mises en œuvre. Only Lyon
permet de positionner la ville par rapport à ses concurrentes sur le marché des villes, tel
un yaourt qui aurait plus de fruits, moins de sucre ou plus de goût que ses concurrents sur
les étalages. Lyon a ses atouts et ils sont mis en avant à travers la démarche Only Lyon
en fonction des cibles à séduire. Ces cibles sont des cibles économiques : investisseurs,
entrepreneurs, décideurs des milieux économiques, et universitaires. Les atouts sont donc
des infrastructures, des services, un savoir-faire, en d’autres termes la mise à disposition
d’un environnement permettant aux entreprises de prospérer.
Only Lyon est une stratégie de communication dite « participative » qui s’appuie sur les
acteurs du territoire comme vecteurs d’images et de représentations. Les « ambassadeurs »
ont pour mission de faire rayonner la ville au-delà de ses frontières. Cela nécessite un certain
« briefing » sur le produit et l’argumentaire de vente.
Les douze partenaires de la démarche Only Lyon et peut être plus encore le politique
souhaitent donner de la consistance à cette stratégie de vente, en la dotant d’une dimension
identitaire. L’identité est alors pensée comme un outil de rayonnement du territoire. Notre
étude à montré que l’identité n’est pas une donnée immuable, mais est le produit d’une
construction sociale qui révèle des enjeux de pouvoirs. En effet, l’identité est construite par
le choix de représentations symboliques que l’on accorde au réel. Il faut donc, pour définir et
véhiculer une identité, avoir le pouvoir de choisir et de communiquer sur ces choix. Ainsi, la
démarche Only Lyon met en exergue le pouvoir de l’élite lyonnaise à donner une identité à
Lyon à travers cet outil de communication. Par ailleurs, Only Lyon, nous l’avons vu s’appuie
sur les acteurs du territoire pour renforcer sa visibilité internationale. Ces acteurs sont donc
des vecteurs de communication, mais sont également porteurs de l’identité du territoire, de
part leurs actions et les représentations qu’ils véhiculent. Ainsi, le choix des ambassadeurs
semble capital dans le processus de construction de l’identité lyonnaise voulue par les
acteurs du développement du territoire. Enfin, Only Lyon, renferme certains paradoxes en
152
LE GALES (P.), Politique urbaine et développement local : une comparaison franco-britannique, Paris, L’Harmattan, 1993.
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« Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs,
entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement »
termes de stratégies de communication, entre ouverture au grand public, appropriation par
les Lyonnais de l’ambition internationale de la ville et élitisme, la ligne reste donc à définir.
Only Lyon nous a permis de questionner l’action collective, de comprendre ce qui rend
le rassemblement des acteurs du développement du territoire sous une bannière commune
possible. A ce stade de notre analyse les travaux de Crozier et Friedberg nous ont permis
de révéler les stratégies des acteurs visant des intérêts particuliers. En effet, au-delà des
discours d’unité, nous avons mis à jour des relations plus complexes entre les acteurs de la
démarche Only Lyon, montrant que chacun y apporte quelque chose et que surtout chacun
a quelque chose à en retirer, et c’est ce qui rend possible l’action collective.
Les travaux de Crozier et Friedberg ont également montré l’importance que revêt
l’organisation dans les relations sociales et les relations de force. Ainsi, un retour sur
l’histoire d’Only Lyon, a montré que la démarche est issue d’une structure de gouvernance
économique institutionnalisée, GLEE. L’intérêt de cette découverte réside dans le fait que
l’étude des relations entre les acteurs d’Only Lyon ne peut se faire indépendamment de
l’étude des relations entre les acteurs de GLEE.
Enfin, nous avons cherché à comprendre l’intérêt du politique à mettre en place cette
politique de développement et de rayonnement de l’agglomération. A travers la gouvernance
économique, sa mise en scène, la démonstration des relations entre Gérard Collomb et
le milieu économique, le volontarisme politique dont Gérard Collomb fait preuve depuis le
début de son mandat sur les questions économiques, de développement du territoire, de
rayonnement et d’internationalisation, nous avons posé l’hypothèse qu’il s’agit là, pour le
Maire de Lyon et Président du Grand Lyon, d’une stratégie de positionnement politique
à visée électorale. Nous pouvons également nous demander quel est le rôle, l’influence
que peuvent avoir ses collaborateurs de cabinet dans la mise en place de sa politique, en
interrogeant en particulier le profil, la trajectoire et l’influence de son Directeur de cabinet du
Grand Lyon et Conseiller technique, en charge du développement économique. En d’autres
termes, ce premier travail de recherche à révélé une piste de recherche pouvant s’avérer
intéressante à plusieurs titres, celle des relations Gérard Collomb entretien avec les milieux
économiques lyonnais.
64
TOTA Barbara_2007
Bibliographie
Bibliographie
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66
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Bibliographie
NOIRIEL (G.), « L’identité nationale dans l’historiographie française » dans
CHEVALLIER (J.) (dir.), L’identité politique, CURAPP, CRISPA, PUF, 1994.
PAILLIART (I.), Les territoires de la communication, Grenoble, PUG, 1993.
RANGEON (F.), « L’identité locale », dans CHEVALLIER (J.), (dir.), L’identité politique,
CURAPP, CRISPA, PUF, 1994.
RENAN (E.), Qu’est-ce qu’une nation ?, Paris, Mille et une nuits, 1997.
RUDELLE (O.), « La tradition républicaine », Pouvoirs, la tradition politique n°42,
PUF, 1987.
SAEZ (J-P.), (Dir.), Identités, cultures et territoires, Paris, Desclée de Brouwer, 1995.
SPERLING (D.), Le marketing des territoires et des collectivités locales : tendances et
applications, Midia, 1995.
VERNETTE (E.), Marketing fondamental, Paris, Eyrolles, 1991, p.18, cité dans ALBUY
(S.), Marketing et communication politique, Paris, L’Harmattan, 1994.
ZEMOR (P.), La communication publique, Paris, Presses universitaires de France,
1999.
Ouvrages généraux :
ARENDT (H.), Qu’est-ce que la politique ?, Seuil, 1995.
PLATON, Lettres, Paris, Garnier-Flammarion, 1987.
CROZIER (M.), FRIEDBERG (E.), L’acteur et le système. Les contraintes de l’action
collective, Seuil, 1977.
WEBER (M.), Le savant et le politique, Paris, Union générale d'éditions, 1995.
REVUES :
Revue Urbanisme, Hors série n°28, mars-avril 2006.
Revue Urbanisme, Hors série n°29, novembre-décembre 2006.
« Lyon porte de l’Europe. La métropole de demain », l’Echo parlementaire, juillet 2007.
Revue Urbanisme, janvier-février 2001.
Revue urbanisme, n°346, janvier-février 2006.
SOURCES :
- 1ere main :
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« Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs,
entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement »
- Entretiens :
- Entretien réalisé avec Jacques de Chilly, Directeur exécutif de l’Aderly, Palais du
commerce, Lyon, le 10/07/07.
- Entretien réalisé avec François Payebien, Direction marketing et stratégies
économiques, Grand Lyon, 13/04/2007.
- Entretien réalisé avec Jean-Michel Daclin, Adjoint au Maire chargé du rayonnement et
Vice-président du Grand Lyon chargé du rayonnement, Mairie de Lyon, 17/04/2007.
- Entretien réalisé avec Christophe Cizeron, Directeur de Cabinet de Gérard Collomb et
conseiller technique en charge du développement économique, Grand Lyon, 26 juin
2007.
- Entretien réalisé avec Aisling Healy, Doctorante, ENTPE, le 16/07/2007, à l’ENS-LSH
de Lyon.
- Entretien réalisé avec Nadine Gelas, Vice-Présidente du Grand Lyon, chargée
du développement et du rayonnement des activités de création, Grand Lyon, le
21/03/2007.
- Observation :
« Garden Party », soirée des ambassadeurs Only Lyon, le 04/07/2007, salle 3000, Cité
Internationale.
Journée passée à la Délégation Parisienne du Grand Lyon avec Joël Madile, le
20/02/2007.
ème
-2
main :
- Archives du Grand Lyon.
- Documents produits par le Grand Lyon :
- Dossier de presse du lancement d’Only Lyon, 30 janvier 2007.
- Grand Lyon magazine, n°19, avril 2007.
- Lettre de Michel Noir, Président de la Communauté Urbaine de Lyon du 28/06/1991.
- « Le Grand Lyon, une grande idée », Document interne, Direction de la
communication du Grand Lyon.
- “ La stratégie marketing de rayonnement international du Grand Lyon”, Synthèse Marketing International Grand Lyon top 15, Ernst & Young 2006.
- « Une démarche marketing pour renforcer la visibilité économique du Grand Lyon à
l’international », novembre 2006.
- Rapport d’activité 2006 des actions économiques du Grand Lyon, Délégation
Générale au développement économique et à l’international.
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Bibliographie
- « Le SDE, un projet économique pour l’agglomération lyonnaise », janvier 2002.
- Dossier de presse du lancement d’Only Lyon, 30 janvier 2007
- Lettre de Michel Noir, Président de la Communauté Urbaine de Lyon du 28 juin 1991.
- Rapport d’activité de la Délégation parisienne du Grand Lyon 2002-2006., 5 juillet
2007.
- Argumentaire des ambassadeurs Only Lyon.
- Sites Internet :
http://www.lyon-aderly.com
www.Lyon-Business.org
www.grandlyon.com
www.lemonde.fr
www.gerardcollomb.com
www.onlylyon.org
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« Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs,
entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement »
Annexes
ONLY LYON :
N°1 : « Only Lyon : une nouvelle signature pour une ambition nouvelle », Dossier de
presse du lancement d’Only Lyon, 30 janvier 2007.
N°2 : « Only Lyon », billet posté par Gérard Collomb sur son blog (
www.gerardcollomb.com ), le 31/01/2007.
N°3 : « C’est à Lyon…et ce n’est pas par hasard », Document de communication de
l’Aderly.
N°4 : Rapport d’activité 2006 des actions économiques du Grand Lyon, DGDEI.
N°5 : Argumentaire des ambassadeurs, 5/07/2007.
N°6 : Grand Lyon Magazine, Dossier Only Lyon, n°19 avril 2007.
N°7 : Fiche action du SDE, décembre 2000 : mettre en réseau les acteurs.
DELEGATION PARISIENNE DU GRAND LYON :
N°8 : Lettre de Michel Noir, Président de la Communauté Urbaine de Lyon, 28 juin 1991.
N°9 : Rapport d’activité de la délégation parisienne du Grand Lyon, 2002/2006.
L’INTERNATIONALISATION A LYON ENTRE 1989 ET 2001 :
N°10 : « Lyon-Marseille : un destin partagé », Le Monde, 24/05/1996.
N°11 : Newsletter du groupe de travail « Stratégies de développement des grandes
villes européennes », Eurocités / EDURC, n°15 septembre 2000.
N°12 : « Le Grand Lyon, une grande idée », Direction de la communication du Grand
Lyon.
«L’AFFAIRE LYON CAPITALE» :
N°13 : « Les caprices de Collomb fatiguent la gauche lyonnaise », Libération,
23/01/2006.
N°14 : « Les nuages s’accumulent au-dessus de Collomb », Le Figaro, 19/01/2006.
LE GRAND LYON :
N°15 : Organigramme du Grand Lyon
PRISES DE NOTES DES ENTRETIENS :
N°16 : Entretien réalisé avec Jacques de Chilly, Directeur exécutif de l’Aderly, Palais
du commerce, Lyon, le 10/07/07.
N°17 : Entretien réalisé avec François Payebien, Direction marketing et stratégies
économiques, Grand Lyon, 13/04/2007.
N°18 : Entretien réalisé avec Jean-Michel Daclin, Adjoint au Maire chargé du
rayonnement et Vice-président du Grand Lyon chargé du rayonnement, Mairie de Lyon,
17/04/2007.
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Annexes
N°19 : Entretien réalisé avec Christophe Cizeron, Directeur de Cabinet de Gérard
Collomb et conseiller technique en charge du développement économique, Grand Lyon, 26
juin 2007.
N°20 : Soirée Only Lyon « Garden party », Cité Internationale, le 5/07/2007.
Ces annexes sont à consulter sur place au Centre de Documentation
Contemporaine de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon
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