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Université Lumière Lyon 2 Institut d'Etude Politiques de Lyon TOTA Barbara ème 4 année IEP - Section Politique et Communication « Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs, entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement » Séminaire Ville et Pouvoir Urbain Année universitaire 2006-2007 Sous la direction de Monsieur Renaud PAYRE Mémoire de fin d’études soutenu le 10 septembre 2007 Table des matières REMERCIEMENTS . . Introduction . . Première partie : Lyon sera internationale ou ne sera pas ! . . Introduction : . . Chapitre 1 : L’internationalisation des villes comme objet des politiques publiques . . 1- Le renouveau des villes ? . . 2- Internationalisation et développement . . Chapitre 2 : Les stratégies de rayonnement mises en œuvre entre 1989 et 2001 . . 1- La logique équipementière . . 2- Des politiques économiques de soutien à des secteurs ciblés pour faire rayonner la ville . . 3- La prospective comme outil d’ouverture sur la société « civile » . . 4- Les réseaux de ville . . 5- Donner à Lyon l’image d’une ville internationale . . Conclusion de la première partie : . . Deuxième partie : Un territoire à vendre . . Introduction : . . Chapitre 1 : La marque « Lyon » sur le marché des villes européennes : Only Lyon, une démarche marketing. . . 1- Concurrence entre les territoires . . 2- La démarche marketing : un raisonnement produit-cible pour vendre la ville. . . Chapitre 2 : L’identité du territoire comme outil de rayonnement . . 1- L’identité en construction . . 2- Les acteurs vecteurs d’identité du territoire . . Conclusion de la deuxième partie : . . Troisième partie: « La gouvernance lyonnaise » . . Introduction : . . Chapitre 1 : Les propriétés vertueuses de la gouvernance . . 1- Histoire d’Only Lyon : . . 2- La mise en scène de la gouvernance . . Chapitre 2 : La gouvernance au-delà des discours . . 1- Les conditions de la mobilisation des acteurs et de l’action collective. . . 2- La stratégie politique . . Conclusion de la troisième partie : . . Conclusion . . Bibliographie . . OUVRAGES/ARTICLES: . . Gouvernement urbain : . . Communication, marketing et identité du territoire : . . Ouvrages généraux : . . REVUES : . . 5 6 16 16 16 16 19 23 23 25 26 27 28 30 31 31 31 32 34 38 39 42 45 46 46 47 47 50 53 54 58 61 62 65 65 65 66 67 67 SOURCES : . . - 1ere main : . . ème -2 main : . . - Sites Internet : . . Annexes . . 67 67 68 69 70 REMERCIEMENTS REMERCIEMENTS Je tiens, en premier lieu, à remercier Renaud Payre, pour son suivi, son écoute et ses conseils qui m’ont permis d’avancer tout au long de ce travail. Je souhaite également vivement remercier toutes les personnes qui ont accepté de me recevoir, pour me parler d’Only Lyon, de leur travail et qui ont pris de leur temps pour répondre à mes questions. Ce fut à chaque fois des moments d’échanges précieux et indispensables pour mener à bien ce travail de recherche. Enfin, je remercie toutes celles et ceux qui tout au long de l‘élaboration de ce mémoire m’ont apporté leur aide et leur soutien, je pense en particulier à tous les membres du cabinet de Gérard Collomb au Grand Lyon. TOTA Barbara_2007 5 « Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs, entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement » Introduction Tu connais Barcelone ? Non, en fait je débarque là… Alors là, je peux te dire que tu vas t’éclater. Ha ouais ? Ha ouais tu vas voir ; mortel ! […] Tu vas voir, c’est une ville de fous furieux. Les gens commencent à aller au resto vers 22h, avant y’a pas un chat dans les restos, véridique ! Après c’est parti pour la fête, ha, c’est des fêtards les Barcelonais, ça il faut le savoir. 1 L’Auberge Espagnole 2 Derrière l’Auberge espagnole, Le fabuleux destin d’Amélie Poulain , Lost in 3 Translation , les films de Woody Allen ou les romans de Paul Auster nous pouvons mettre des noms de ville. L’Auberge espagnole est tout autant un film sur la richesse des rencontres interculturelles que sur Barcelone. Le film de Jean-Pierre Jeunet, Le fabuleux destin d’Amélie Poulain, est profondément ancré dans la ville de Paris, les noms de rues y jouent un rôle tout particulier. Il est possible de sentir l’odeur des rues de New-York, la lumière, les bruits et l’ambiance si particulière de la ville dans les polars de Paul Auster. Les cinéastes, peintres, écrivains ou poètes prennent la ville comme décor, acteur et parfois même comme objet de leur œuvre. Les villes sont porteuses d’imaginaire, elles véhiculent des représentations dont les artistes se saisissent. On peut se demander pourquoi les villes sont ainsi l’objet d’œuvres artistiques. Ce 4 phénomène n’est pas nouveau, en 1873, Zola écrivait « Le Ventre de Paris » . Est-ce parce que les artistes sont eux-mêmes profondément ancrés dans le mode de vie urbain ? Où estce parce que les villes, et plus généralement les lieux, sont porteurs de sens, d’émotions, de sensations et de représentations ? Tout le monde associe une ambiance, un mode de vie ou une activité à Rome, Madrid, Londres ou Berlin…les pâtes, le foot, le shopping, les sorties ou la vie nocturne. Il suffit de feuilleter un magazine de mode ou de décoration pour s’en rendre compte. Le look « parisienne » ou encore la décoration moderne « new-yorkaise » semblent aller de soi. Mais qu’est-ce qu’une décoration New-Yorkaise ? Est-ce que tous les intérieurs sont décorés de 1 KLAPISCH (C.), L’auberge espagnole, 19 juin 2002. Dialogue entre Xavier et le médecin français au débarquement à l’aéroport de Barcelone. 2 3 4 6 JEUNET (J-P.), Le fabuleux destin d’Amélie Poulain, 25 avril 2001. COPPOLA (S.), Lost in Translation, 7 janvier 2004. ZOLA (E.), Le ventre de Paris, Paris, Lettres modernes, 1969. TOTA Barbara_2007 Introduction la même manière à New-York ? Est-ce que les parisiennes sont toutes habillées de la même façon ? L’évocation des lieux renvoie à des ambiances, les villes sont donc porteuses de représentations et de sens. Aussi, nous pouvons nous demander quelle est l’identité de Lyon. Existe-t-il une seule identité lyonnaise, une identité uniforme, qui serait la même pour tous ? Est-ce que l’image de Lyon est la même pour les Lyonnais et les non-Lyonnais ? L’identité et les représentations de Lyon n’ont-elles pas changées avec les temps ? Le Lyon d’aujourd’hui est-il comparable, différent ou semblable au Lyon d’hier ou d’avant-hier ? Qu’est-ce qui fait l’identité d’une ville ? Autant de questions que se posent les communicants, les acteurs du rayonnement de la ville, les politiques, les historiens ou les sociologues. 5 A travers la démarche marketing « Only Lyon », douze partenaires œuvrant pour le développement de l’agglomération lyonnaise entendent donner à Lyon une visibilité internationale en mettant en avant les atouts de la ville, ses réussites et ce qui en fait sa spécificité. L’objectif est de positionner durablement Lyon dans la catégorie des grandes 6 métropoles européennes . Cette ambition soulève plusieurs interrogations ; en quoi la démarche Only Lyon assurerait à la ville son développement ? Quel est le rôle du politique, compris au sens de l’administration publique et des élus, dans cette dernière ? En effet, nous pouvons nous interroger sur les logiques qui ont motivées la mise en place et le lancement d’une signature commune entre les acteurs du développement du territoire lyonnais. Au sein de ces acteurs nous pouvons également nous demander quel est le rôle particulier du Grand Lyon, du politique par rapport aux autres. Cet extrait du dossier de presse du lancement d’Only Lyon nous donne quelques pistes de réflexion : « L’agglomération lyonnaise apparaît aujourd’hui, à l’échelle nationale comme le territoire le plus dynamique et le plus attractif sur le plan économique. Ce résultat repose sur des réussites fortes : 5 pôles de compétitivité dont 2 mondiaux, une position de leader de la création d’entreprise (12 100 en 2005, soit + 24% en 2 ans), un volume d’investissement ème dans l’immobilier d’entreprise qui se monte à plus de 600 millions en 2005, 2 pôle universitaire et de recherche en France, des leaders industriels mondiaux (Mérial n°1 des vaccins, Sanofi n°1 du diagnostic…). Mais cette réussite nationale ne suffit plus à l’heure où les territoires sont en compétition à l’échelle mondiale pour attirer les emplois, les richesses, les compétences, les entreprises. La compétition se joue bien sûr par la puissance des équipements, le poids démographique, la concentration des fonctions stratégiques. Mais elle se joue de plus en plus sur l’image. Sur la capacité à se distinguer, à séduire et à être repéré par les décideurs. Fort de ce constat 5 Aderly, Aéroport Lyon-Saint-Exupéry, Chambre de commerce et d’industrie de Lyon, Chambre des métiers et de l’Artisanat du Rhône, Cité Centre des congrès de Lyon, CGPME du Rhône, Communauté Urbaine de Lyon, département du Rhône, Office du Tourisme et des Congrès du Grand Lyon, Université de Lyon. 6 www.Lyon-Business.org TOTA Barbara_2007 7 « Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs, entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement » partagé, aujourd’hui l’ensemble des partenaires économiques de l’agglomération franchit 7 une nouvelle étape en se dotant d’un plan marketing commun que symbolise Only Lyon » . Pour les acteurs publics ou privés du territoire, son développement semble donc passer par sa capacité à attirer des investisseurs, entrepreneurs, universitaires, décideurs, ou encore visiteurs. Pour attirer, il faut non seulement avoir des atouts sur le marché mondial ou européen des territoires, mais il faut également le faire-savoir. Only Lyon serait donc le reflet de l’ambition lyonnaise de se hisser parmi les villes qui comptent en Europe. Au-delà de la signature, du slogan marketing, nous pouvons distinguer deux éléments majeurs à la démarche Only Lyon. D’une part, l’internationalisation des villes comme objet des politiques publiques, posée comme problème ou nécessité par les acteurs du développement du territoire qu’ils soient publics ou privés. Nous l’avons vu, il s’agit de rayonner pour être attractif, attirer les investisseurs, les activités qui créeront des richesses et des emplois. D’autre part, le « savoir-faire ensemble » comme méthode de gouvernement, comme manière d’assurer le développement de l’agglomération, de réguler l’action publique. A la question pourquoi doter la métropole d’une signature internationale Gérard Collomb, Maire de Lyon et Président de la Communauté Urbaine de Lyon répond : « pour gagner la bataille de la concurrence internationale, nous avons décidé de rassembler, de fédérer, de créer des synergies. La méthode grand-lyonnaise consiste à dépasser les clivages pour tisser 8 les liens qui seront utiles, demain, à notre territoire » . Ainsi nous comprenons que, pour le politique, le travail collectif est une composante majeure de la démarche Only Lyon et que cette dernière ne se réduit pas à une opération marketing. Notre objet d’étude, Only Lyon, se situe dans le champ des travaux portant sur l’internationalisation et la gouvernance des villes. L’internationalisation des villes, la compétition des territoires à l’échelle européenne et mondiale, la place des villes dans le cadre de la mondialisation de l’économie, l’augmentation des échanges, de la construction européenne et des transformations institutionnelles ont fait l’objet de nombreux travaux de recherche que nous pouvons regrouper en trois catégories. Il y a premièrement l’explication de l’internationalisation des villes sous l’angle des infrastructures. C’est une approche objectivante qui intéressait dans les années 1990, et peut être aujourd’hui encore, mais dans une moindre mesure, les élus locaux et les 9 entrepreneurs lyonnais . L’internationalisation d’une ville se mesurait à ses infrastructures, sa capacité d’accueil des congrès, le nombre de ses chambres d’hôtels, le trafic de son aéroport… La deuxième approche est une approche déterministe de l’internationalisation des villes. Les villes suivraient les évolutions de la société post-fordiste qui aurait fait des villes les territoires privilégiés de la compétition économique, reléguant les États au rang d’observateurs. Troisièmement, il y a l’approche sociologique qui étudie les relations entre acteurs, privés et publics, qui agissent pour l’internationalisation des villes. Ainsi, Fernand Braudel 7 8 9 8 Dossier de presse du lancement d’Only Lyon, 30 janvier 2007, voir annexe n°1. Grand Lyon magazine, n°19, avril 2007, voir annexe n°6. « Lyon ville internationale : une métropole à géométrie variable », rapport de P. Soldatos, 1989, Montréal. TOTA Barbara_2007 Introduction 10 donnait à voir la ville comme « autant d’équations sociales » . C’est dans ce courant sociologique qui étudie les comportements, les logiques des acteurs et les relations de pouvoir, au sein de la ville, que nous inscrirons nos travaux sur Only Lyon. Pour ce qui est du développement des villes, nous nous appuierons sur les travaux 11 de Le Galès se rapportant au développement économique local . Ces derniers nous permettent de mieux comprendre les enjeux de l’internationalisation des villes : « On peut classer les actions de développement économique local en cinq catégories : - Les actions de planification urbaine : mise à disposition d’infrastructures et amélioration de l’environnement physique. Cette catégorie regroupe la gestion, la préparation et la mise à disposition de terrains et de locaux sous des formes plus ou moins complexes. On peut ajouter les actions concernant l’amélioration physique d’une localité, le centre ville et les commerces, la réhabilitation des logements, gares… - Les actions d’assistance aux entreprises : soit sous la forme d’une assistance financière, soit de conseil et de mise à disposition de services particuliers. On entend par assistance financière les subventions, les exonérations fiscales, bonifications d’intérêt, garantie d’emprunt, prise de participation dans le capital. Les actions de conseil et d’offre de services, entendues de façon large comprennent les actions d’aide la création ou au développement d’entreprises et de coopératives, mise à disposition de conseil en organisation et d’aides à la recherche ou au transfert des recherches et technologies nouvelles vers les entreprises, actions spécifiques pour les entreprises d’un secteur économique particulier, création de services interentreprises (restauration, communication…). - Les actions de promotion et de communication : là encore, les possibilités sont multiples ; publicité directe pour une localité, actions de promotion plus spécifiquement orientées vers l’attraction d’entreprises, organisation de manifestations en tous genres, congrès, foires. Les plans pour développer le tourisme, les manifestations et équipements culturels de prestige participent de cet effort d’amélioration de l’image globale d’une localité vis-à-vis de l’intérieur et de l’extérieur. - Les actions liées à l’emploi et à la formation : cette catégorie regroupe l’ensemble des actions de formation sous toutes leurs formes, ainsi que les actions spécifiquement destinées à aider les catégories désavantagées sur le marché du travail (jeunes, handicapés..) et actions d’insertion. - Les actions d’organisation ou de catalyseur du développement économique local, de création institutionnelle ou actions de partenariats. Organisation de réseaux, la concertation et la mise en contact régulière de différents partenaires locaux, nationaux, internationaux, publics, semi-publics ou privés, la mise ne place de projets fédérateurs, c’est-à-dire tout le travail d’organisation qui permet de définir un plan de développement local susceptible d’être accepté par différents acteurs d’une localité et de présenter une certaine cohérence vis-àvis de l’extérieur. Des agences de développement qui regroupent différents acteurs locaux, les « task force » pour certains secteurs de l’économie, des actions associant secteur privé, secteur public et secteur associatif procèdent de cette démarche ». Cet extrait nous permet d’ouvrir deux pistes de recherche se rapportant à notre objet ; la communication comme outil de développement et d’internationalisation des territoires et les 10 11 BRAUDEL (F.), L’identité de la France, Paris, Flammarion , 1990. LE GALES (P.), Politique urbaine et développement local : une comparaison franco-britannique, Paris, L’Harmattan, 1993. TOTA Barbara_2007 9 « Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs, entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement » actions d’organisation ou de catalyseur du développement économique local, de création institutionnelle ou actions de partenariats. En effet, les actions de développement économique local liées à la communication, à la promotion et au partenariat décrites par Le Galès correspondent à la définition qui pourrait être faite de la démarche marketing Only Lyon, à la fois une démarche marketing et une 12 « task force » , c’est-à-dire une logique de partenariat entre acteurs publics et privés, en d’autres termes une ouverture de la prise de décision des politiques sur la société civile. L’approche communicationnelle du territoire représente un large éventail de travaux. 13 Ainsi, Serge Albuy , analyse l’apparition du marketing et de la communication politique en comparant les techniques et outils de la communication politique à ceux du marketing commercial. Il distingue également différents types de marketing : le marketing électoral dont le but est de remporter des élections, le marketing gestionnaire comme méthode de gouvernement, le marketing institutionnel visant à promouvoir les institutions et le marketing social relatif aux questions d’intérêt général, comme les campagnes contre le Sida ou le tabac. Il conclut son ouvrage en posant le fait que « le rôle de l’image en politique serait donc aussi déterminant que celui qui lui est attribué en matière commerciale ». Là, en effet, on pense que c’est « la marque qui aura la meilleure image (qui) aura une forte probabilité 14 d’être choisie » . L’idée pour les collectivités, institutions ou élus est donc, pour l’auteur, de 15 passer d’une « image diffuse et spontanée à une image voulue et construite » . 16 Daniel Sperling quant à lui, décrit une nouvelle façon de faire de la communication territoriale. Selon l’auteur cette dernière a évolué, on est passé dans une nouvelle aire de la communication institutionnelle : l’aire de la « communication-produit » ; une communication de projet destinée à un public ciblé, qui « procède d’une approche fondée sur le marketing direct avec un raisonnement produits et cibles très affiné ». 17 Dans Construire l’identité régionale, Hélène Cardy analyse les politiques de communication des régions et les stratégies qui sont élaborées dans le processus de production de l’identité régionale. Elle s’intéresse à la manière dont l’identité de la région est produite, mais aussi utilisée par les différents groupes sociaux. Dans la préface, Michael Palmer souligne le fait que : « Toute collectivité territoriale dans la France contemporaine s’efforce d’afficher sa « personnalité », d’affirmer son « identité ». L’objectif serait au moins double : -créer ou renforcer un sentiment d’appartenance pour les habitants du territoire concerné, 12 Terme employé par Jacques de Chilly, Directeur exécutif de l’Aderly. Entretien réalisé au Palais du Commerce à Lyon, le 10/07/07. 13 14 ALBUY (S.), Marketing et communication politique, Paris, L’Harmattan, 1994. VERNETTE (E.), Marketing fondamental, Paris, Eyrolles, 1991, p.18, cité dans ALBUY (S.), Marketing et communication politique, Paris, L’Harmattan, 1994. 15 16 17 10 ALBUY (S.), Marketing et communication politique, op. cit. SPERLING (D.), Le marketing des territoires et des collectivités locales : tendances et applications, Midia, 1995. CARDY (H.), Construire l'identité régionale : la communication en question, Paris-Montréal, L'Harmattan, 1997. TOTA Barbara_2007 Introduction -améliorer la force d’attraction, la « compétitivité » de celui-ci face à d’autres entités qui œuvrent, elles aussi à la promotion d’atouts propres à attirer le regard, l’intérêt d’autrui, sans oublier les capitaux extérieurs ». Effectivement, pour lui, l’analyse d’Hélène Cardy « rappelle combien la communication mobilise les lieux de mémoire à des fins identitaires, certes, mais politiques et économiques, également ». 18 Isabelle Pailliart étudie la communication en relation avec la notion de territoire. Selon l’auteur, la superposition des échelons territoriaux, entre la commune, l’intercommunalité, le département la région, l’État et l’Europe, voire même le niveau international, redéfinit les espaces de sociabilisation : « Il ne faut pourtant pas négliger le fait que la métropolisation entraine aussi un redécoupage des lieux de socialisation autour de quartiers, ou d’ensembles urbains. En d’autres termes, l’une des caractéristiques des mutations urbaines est peut-être la recréation de formes et d’espaces de relations qui emprunteraient aux modalités les plus traditionnelles de la sociabilité, comme la ruralité ou les communautés villageoises en fournissent les images. La métropolisation revêt ainsi un double aspect dans la création de rapports sociaux et d’expressions sociales inédites mais aussi dans la permanencerenouvelée - de liens communautaires plus anciens. La ville apparaît comme un lieu d’intégration de populations et de cultures diverses. Réside ici l’un des enjeux majeurs des prochaines années, dans la capacité des villes à assumer des fonctions dévolues à la nation, en parti dans son rôle symbolique d’intégration à la vie sociale et politique. La mise en valeur d’une identité territoriale dans les politiques municipales de communication répond en partie à cette obligation, se doter de référents qui ne soient plus seulement politiques mais culturels ». Nous nous intéresserons ici à la communication comme outil des politiques de rayonnement et d’internationalisation du territoire et non pas à la communication comme facteur d’exclusion ou de cohésion sociale. Dans ces différents ouvrages, bien que traitant la question de la communication territoriale sous des angles différents, il est possible de relever un point commun apparaissant en filigrane dans tous les travaux : la question de l’identité du territoire. Il ressort des nombreux écrits sur l’identité que ce thème peut être traité de deux manières différentes : l’identité comme ciment du lien social ou l’identité comme outil de développement du territoire. L’identité des territoires peut être envisagée sous l’angle de l’intégration et de l’exclusion, de l’unification et de la cohésion sociale, comme c’est le cas notamment 19 dans les travaux d’Ernest Renan sur la nation. C’est également ce qu’exprime Jacques 20 Chevallier : « Ce qui se joue dans l’identité, c’est en effet la construction du lien social, les processus d’intégration sociale, les rapports de domination et de pouvoir ; dès lors, non seulement il est vain de chercher à isoler dans l’identité ce qui relève spécifiquement du politique, mais encore la question de l’identité doit être considérée comme politique par essence ». 18 19 20 PAILLIART (I.), Les territoires de la communication, Grenoble, PUG, 1993. RENAN (E.), Qu’est-ce qu’une nation ?, Paris, Mille et une nuits , 1997. CHEVALLIER (J.), (dir.), L’identité politique, CURAPP, CRISPA, PUF, 1994. TOTA Barbara_2007 11 « Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs, entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement » D’autres auteurs traitent la question de l’identité des territoires en rapport avec la question des diversités culturelles et des minorités culturelles comme le montrent les travaux 21 de François Rangeon sur l’identité locale : « D’un coté, la chute du communisme a provoqué un réveil – parfois brutal – des identités locales et posé avec acuité une nouvelle question des droits des minorités. De l’autre, l’ouverture des frontières au sein de l’Union Européenne et le développement des politiques communautaires en faveur des régions ont favorisé la reconnaissance progressive des régions comme acteurs à part entière sur la scène européenne. Dans les deux cas, les aires d’identifications des individus se sont multipliées et l’Etat n’apparait plus comme le principal maitre d’œuvre de la construction identitaire. L’actualité témoigne ainsi de la diversification de stratégies identitaires des individus et des groupes ». Mais l’identité du territoire est également étudiée sous l’angle du développement local, comme outil de développement économique permettant d’attirer les touristes, intellectuels, entreprises, et ainsi les richesses et les emplois. C’est l’angle adopté dans les travaux 22 23 d’Hélène Cardy , mais également dans ceux de Daniel Sperling ou encore de Serge 24 Albuy . 25 L’ouvrage collectif « Identités, cultures et territoires » , délivre une analyse des processus de production de l’identité collective, de l’identité d’un territoire. En effet, « dans la première partie de l’ouvrage, les auteurs envisagent la question de la dynamique des identités, c’est-à-dire de leur processus d’élaboration, d’échange, de tension, ou de 26 recomposition, essentiellement dans les sociétés démocratiques nationales » . Nous nous intéresserons ici à l’identité comme outil des politiques de rayonnement, comme objet dont les acteurs du développement se saisissent pour faire rayonner le territoire. Nous écarterons, non pas par manque d’intérêt mais par contrainte de temps, ne pouvant traiter toutes les approches de l’identité du territoire, un sujet tellement vaste, les aspects d’intégration et d’exclusion de l’identité. Comme nous l’avons vu, notamment dans les propos de Gérard Collomb, Only Lyon c’est également pour le politique une façon de mettre en avant la ville comme acteur collectif, de valoriser le savoir-faire ensemble des acteurs de la ville, de mettre en lumière la capacité du politique à fédérer, à créer une dynamique commune. La question du gouvernement des villes, le rôle du politique dans la gestion de la ville, dans la définition et la mise en œuvre des politiques, des projets pour le territoire a été envisagée par deux courants principaux. Ce mode de gouvernement s’éloignant très fortement de la conception wébérienne du pouvoir, du moins sur la forme (rien n’est moins sur concernant le fond) est désigné par le mot « gouvernance ». Le terme de gouvernance est, en effet, très largement employé tant par les acteurs du territoire que par les sociologues. Lefèvre préfère parler de « modes de 21 22 23 24 25 26 12 RANGEON (F.), « L’identité locale », dans CHEVALLIER (J.), (dir.), L’identité politique, CURAPP, CRISPA, PUF, 1994. CARDY (H.), Construire l'identité régionale : la communication en question, Paris-Montréal, L'Harmattan, 1997. SPERLING (D.), Le marketing des territoires et des collectivités locales : tendances et applications, Midia, 1995. ALBUY (S.), Marketing et communication politique, Paris, L’Harmattan, 1994. SAEZ (J-P.), (Dir.), Identités, cultures et territoires, Paris, Desclée de Brouwer, 1995. SAEZ (J-P.), (Dir.), Identités, cultures et territoires, Op.Cit. TOTA Barbara_2007 Introduction 27 relation, de régulation et de production de l’action collective au niveau métropolitain » . Le Galès quant à lui définit la gouvernance ainsi : « Dans la sociologie de la gouvernance, cette dernière y est définie comme un processus de coordination d’acteurs, de groupes sociaux, d’institutions pour atteindre des buts discutés et définis collectivement. La gouvernance renvoie alors à l’ensemble d’institutions, de réseaux, de directives, de réglementations, de normes, d’usages politiques et sociaux, d’acteurs publics et privés qui contribuent à la stabilité d’une société et d’un régime politique, à son orientation, à la capacité de diriger, à la capacité de fournir des services et à assumer sa légitimité. L’intérêt de cette sociologie de la gouvernance consiste à réfléchir sur les articulations entre les différents modes de régulation de la société, de manière à mieux cerner la place respective ainsi que les transformations de régulation 28 politique et sociale » . La gouvernance est envisagée d’une façon relativement « dure » par Le Galès considérant que la gestion de la ville est une gestion collective, exercée par les acteurs privés et publics. Le Galès pose le fait que le politique n’a pas un rôle particulier dans gestion collégiale de la ville. Il est cependant à noter une certaine évolution des thèses avancées par Le Galès entre les années 1990 et 2000. En effet, en 2003 dans « Le retour des villes européennes », Le Galès tempère ses propos sur le rôle du politique dans le gouvernement des villes. 29 En réaction aux travaux de Le Galès, notamment dans un article paru en 1995 , Jouve 30 et Lefèvre remettent en cause son appréciation du rôle du politique : « Partant du constat que les scènes décisionnelles urbaines sont effectivement caractérisées par la fragmentation institutionnelle et une recomposition des Etats, notamment dans leur relation avec les collectivités locales, les travaux académiques déclinant le concept de gouvernance urbaine insistent sur le fait que, par le biais de partenariat entre institutions publiques et acteurs privés, de mobilisation collective, il est possible que certaines villes s’engagent dans la production de projet collectif, agrégeant les acteurs produisant la ville (ou du moins certains d’entre eux), dans la création 31 ou la réactivation d’identités locales fortes . Deuxième élément structurant le propos : l’agrégation des institutions, des acteurs relève bien du politique mais d’une forme particulière qui s’éloigne très nettement de la définition wébérienne. L’agrégation n’est plus affaire de domination mais d’échanges de ressources, de mobilisation sur la base d’un projet commun pour la ville, partagé par les élites économiques et politiques : « cette forme de renforcement de l’organisation sociale et politique dans certaines villes, dont on essaie de rendre compte à l’aide du concept de gouvernance, n’est plus le politique défini en termes de domination légale et rationnelle. Le politique dont il s’agit ici c’est avant tout la mobilisation de groupes sociaux, d’institutions, d’acteurs publics et privés qui bâtissent des coalitions, 27 LEFEVRE (C.), Métropole : la bonne gouvernance en questions, Revue Urbanisme, Hors-série n°29, novembre-décembre 2006. 28 LE GALES (P.), Le retour des villes européennes. Sociétés urbaines, mondialisation, gouvernement et gouvernance, Presses de la fondation nationale des sciences politiques, 2003. 29 30 LE GALES (P.), Du gouvernement des villes à la gouvernance urbaine, Revue française de science politique, Année, 1995. JOUVE (B.), LEVEFRE (C.), « De la gouvernance urbaine au gouvernement des villes ? Permanence ou recomposition des cadre de l’action publique en Europe », Revue française de science politique, n°6, 1999, p.835-854. 31 PINSON (G.), « Projets urbains, acteurs économiques et construction des territoires politiques : deux scenarii », Communication au colloque « European cities in transformation », Paris, European urban research association, 22-23 octobre 1999. TOTA Barbara_2007 13 « Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs, entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement » élaborent des projets collectifs afin, d’une part, de tenter de s’adapter aux transformations économiques et, d’autre part, de peser quelque peu (voire de se protéger) contre les effets 32 du marché » . C’est la conjugaison de ces deux propositions qui fait la « force » du concept de gouvernance urbaine : non seulement les villes bénéficieraient de la recomposition des Etats modernes pour émerger en tant qu’acteurs collectifs sur la scène internationale mais, de plus, les modalités concrètes d’exercice du politique seraient à l’opposé su modèle que M. Weber associait à l’État : la domination à travers l’usage exclusif de la force légitime sur un territoire donné comme moyen d’agrégation disparaitrait au profit d’une forme de politique reposant sur le projet collectif, le partage d’objectifs communs, d’une vision identique pour l’avenir de la ville, d’un véritable projet de société urbaine. Pour donner davantage de poids à leur démonstration, les tenants de la gouvernance urbaine se référent aux travaux 33 d’historiens de l’État comme C. Tilly en montrant que ce processus marque une revanche politique des « villes combattantes » contre les « États voraces » qui les avaient assujettis au cours de la période moderne. C’est à une discussion de ce concept de gouvernance urbaine que nous voudrions nous livrer dans cet article ». Il s’agit à présent de confronter les différents travaux académiques sur les questions du rayonnement des villes, de la compétitivité des territoires et de la gouvernance avec notre objet d’étude : Only Lyon. Nous allons tenter d’analyser à travers Only Lyon, un objet d’étude de science politique parmi la multitude d’autres possibles, la thématique de l’internationalisation à Lyon, entre 1989 et 2007. Pour le dire autrement, nous étudierons Only Lyon, une démarche marketing internationale, comme un instrument de gouvernement. A travers notre objet, nous mettrons en regard les questions de l’internationalisation de la ville comme problème et la question de la gouvernance. 34 Braudel commençait « L’identité de la France » de la manière suivante : « Je le dis une fois pour toutes : j’aime la France avec la même passion, exigeante et compliquée, que Jules Michelet. Sans distinguer entre ses vertus et ses défauts, entre ce que je préfère et ce que j’accepte moins facilement. Mais cette passion n’interviendra guère dans les pages de cet ouvrage. Je la tiendrai soigneusement à l’écart. Il se peut qu’elle ruse avec moi, qu’elle me surprenne, aussi bien la surveillerai-je de près. Et je signalerai, chemin faisant, mes faiblesses éventuelles. Car je tiens à parler de la France comme s’il s’agissait d’un autre pays, d’une autre patrie, d’une autre nation. » De la même manière, je souhaite mettre en garde mon lecteur et par la même occasion me préserver de ce sentiment qui peut à tout moment me faire détourner de mon objectif d’objectivité que l’on se doit de viser dans l’élaboration d’un travail scientifique. Aussi je l’avoue non sans fierté : j’aime Lyon. Les choses étant posées, je suis allée sur mon terrain enquêter, recueillir les paroles des acteurs d’Only Lyon, fouiller les archives du Grand Lyon, participer aux manifestations, rencontrer, discuter et échanger. 32 BAGNASCO (A.), LE GALES (P.), « Les villes européennes comme société et comme acteur », dans BAGNASCO (A.), LE GALES (P.) (dir.), Villes en Europe, Paris, La Découverte, 1997. 33 34 14 TILLY (C.), BLOCKMAN (W.) (dir.), Cities and the rise of the state in Europe, Bolder, Westview Press, 1994. BRAUDEL (F.), L’identité de la France, Vol. 1 « Espace et histoire », Paris, Flammarion , 1990. TOTA Barbara_2007 Introduction Toutefois, il me semble important de préciser que mon sujet a changé au fil de mon travail. Mon objet d’étude était au départ la délégation parisienne du Grand Lyon, un bureau de la Communauté Urbaine, dépendant de la Direction de la Communication, en plein ème cœur du 7 arrondissement de Paris, dont la mission est d’assurer le rayonnement d’agglomération et la diffusion de la culture lyonnaise auprès des Parisiens. D’entretiens en entretiens, je me suis rendue compte que mes interlocuteurs me parlaient plus volontiers d’Only Lyon que de la délégation parisienne du Grand Lyon et que cette délégation ne promettait pas d’apporter suffisamment d’éléments d’analyse en comparaison du potentiel que je pouvais déceler, ainsi que mon directeur de mémoire, dans la démarche Only Lyon pour un travail de recherche. Si toutefois le sujet est prometteur, le changement en fin de parcours ne m’a pas permis d’explorer totalement le terrain, du moins pas comme je l’aurais souhaité, contrainte par le temps du calendrier universitaire. Aussi, j’ai concentré mes recherches et mon enquête sur le rôle du Grand Lyon au sein de la démarche Only Lyon. Dans une première partie nous étudierons l’internationalisation de Lyon comme problème depuis Michel Noir et les solutions apportées par le politique à ce problème jusqu’en 2001, date de l’élection de Gérard Collomb à la Mairie de Lyon et à la présidence de la Communauté Urbaine de Lyon. Ce travail historique nous permettra de poser les bases, notamment en termes d’acteurs et de stratégies, sur lesquelles Gérard Collomb a mi en place sa politique de rayonnement et de développement du territoire. Ce travail nous permettra également de mieux situer notre objet dans le champ des politiques d’internationalisation de la ville. Dans un deuxième temps, nous aborderons la notion de compétitivité entre les territoires sur le marché européen des villes. Nous analyserons, à travers la démarche marketing Only Lyon, la stratégie de communication, comme outil de rayonnement et de développement de Lyon au sein de la compétition internationale des villes. Enfin, dans une troisième partie, nous aborderons la question de la gouvernance omniprésente dans le discours des partenaires d’Only Lyon. Nous nous intéresserons à la gouvernance telle qu’elle est utilisée par les acteurs du territoire, en nous concentrant sur l’utilisation du concept par le politique. Nous tenterons de comprendre les enjeux de l’action collective, et notamment du politique, à travers la mise en place d’une politique publique visant le rayonnement et le développement de la ville. TOTA Barbara_2007 15 « Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs, entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement » Première partie : Lyon sera internationale ou ne sera pas ! Introduction : Pourquoi les politiques - élus et administration - posent l’internationalisation de la ville comme un problème à résoudre ou comme un objectif à atteindre ? C’est à cette première question que nous tenterons de répondre dans un premier temps. Nous étudierons pour ce faire les conditions d’émergence de la thématique de l’internationalisation à Lyon, nous tenterons de savoir en quels termes la question de l’internationalisation s’est posée. Nous nous concentrerons sur une période allant de 1989 à 2001, période qui correspond à l’arrivée de Michel Noir et au départ de Raymond Barre avant l’élection de Gérard Collomb à la Mairie de Lyon et à la présidence du Grand Lyon. La question de l’internationalisation de la ville comme objet des politiques publiques amène une deuxième question ; comment les politiques ont répondu à cet objectif d’internationalisation et de rayonnement de Lyon entre 1989 et 2001 ? Ainsi, dans un deuxième temps nous étudierons les stratégies de rayonnement mises en place depuis 1989, dans l’objectif d’analyser les formes que les politiques d’internationalisation ont prises et le rôle des acteurs des stratégies de rayonnement, ce qui nous permettra de mieux situer notre objet. Chapitre 1 : L’internationalisation des villes comme objet des politiques publiques Nous reviendrons dans ce chapitre sur les conditions d’émergence des politiques d’internationalisation de la ville. En d’autres termes, nous nous demanderons pourquoi les politiques se sont saisis du rayonnement international de la ville, en quoi un déficit supposé ou affirmé d’internationalisation pose problème et inversement en quoi un rayonnement serait salvateur. 1- Le renouveau des villes ? 16 TOTA Barbara_2007 Première partie : Lyon sera internationale ou ne sera pas ! 35 Pour Le Galès , les villes ont contribué à la formation des États mais les États modernes en Europe se sont développés contre les villes. Le Galès s’appuie sur les travaux d’historiens comme Tilly, qui a mis en lumière les relations complexes entre les villes et les États. Si l’on en croit Weber, « sur le continent, l’Etat moderne à caractère bureaucratique et patrimonial a privé la plupart d’entre elles [les 36 villes] de toute activité politique et militaire sauf à des fins de police » . Les villes n’auraient donc pu d’après ces auteurs résister aux processus de formation des Etats nationaux, sauf en Italie où les villes avaient la forme de Cités-Etats. En France et en Angleterre d’après Le Galès, la ville capitale du pays s’est affirmée comme la ville dominante. Même si les villes marchandes, comme Lyon, sont puissantes, elles n’ont pu faire face au mouvement irrésistible du développement de l’Etat moderne. 37 Fernand Braudel dans L’Identité de la France , revient sur « le destin de Lyon » : « Lyon est indéniablement une capitale régionale, puissante, en bonne santé, et cela depuis son retour en force au XVIè siècle. Aujourd’hui son rayonnement, sa prépondérance vont jusqu’à un cercle de villes à une bonne distance d’elle-même : Roanne, Dijon, Chalonsur-Saône, Besançon, Genève (l’ennemie héréditaire), Grenoble, Saint-Etienne et Vienne hier et Valence aujourd’hui. Mais pour être au clair, il faudrait à ce sujet des études précises, du type celles d’André Piatier dont nous parlons au chapitre II, des enquêtes sur l’ampleur des liens commerciaux et financiers entre Lyon et ces villes- auxiliaires et rivales tout à la fois. Quant aux logiques nationales, je les voies (les exceptions confirmant la règle) plutôt hostiles, plutôt négatives. Ni l’économie française, ni la politique française n’ont su, ou voulu, ou pu soutenir, dans son rayonnement, le pole puissant de la vie lyonnaise. […]. Et puis sur le plan national, il n’y a sans doute pas de place pour deux postes de commandement à la fois, pour deux très grandes villes et qui seraient simultanément dominantes. Paris l’a emporté sur Lyon du simple fait qu’il a été, qu’il est resté la capitale, le lieu naturel et obligé des confluences, de l’argent que prélève l’Etat, lequel ne cesse de créer à Paris une largesse du numéraire. Cependant, Lyon économiquement, a assez longtemps dominé la capitale. La ville rhodanienne, en effet, a été lancée bien au-dessus d’elle-même par la prospérité de ses foires. Au XVIè siècle, Paris avec ses commerces de détail fait grise mine par rapport à au commerce de gros et aux opérations bancaires de Lyon. Mais, au-delà d’un XVII siècle où la France a vécu au ralenti, les grandes heures des foires s’effacent. Et quand, au XVIIè siècle, tout se réanime, les foires sont dès lors vieux jeu, l’économie qui s’emballe met Paris en avant ; la capitale dépouille peu à peu Lyon de son rôle financier. C’est chose faite avec la fin du siècle des Lumières. Le bien, mal ou justement acquis, reste à la rivale de Lyon. Au XIXè siècle, la rivalité continue s’aggrave. Aujourd’hui Lyon est vidé de ses capitaux par une capitale dont la voracité n’a plus de limites. L’amorce d’une réaction de la bourse lyonnaise, depuis sa création, en 1983, en province comme à Paris, du « second marché » et de la cotation à Lyon de quelques entreprises nouvelles, pourrait-elle, à terme, changer le rapport de force ? Il est trop tôt pour le dire. Les industriels lyonnais semblent encore réticents. C’est, à propos de l’étage financier, tout le problème de l’efficacité réelle de la décentralisation qui se trouve posé. 35 LE GALES (P.), Le retour des villes européennes. Sociétés urbaines, mondialisation, gouvernement et gouvernance, Presses de la fondation nationale des sciences politiques, 2003. 36 37 WEBER (M.), La ville, Paris, Aubier Montaigne , 1986. BRAUDEL (F.), L’identité de la France, Vol. 1 « Espace et histoire », Paris, Flammarion , 1990. TOTA Barbara_2007 17 « Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs, entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement » C’est à ce point-là, j’imagine, que l’on commence à mieux comprendre, presque à voir, le destin de Lyon. Le drame de la ville, c’est qu’elle ne trouve son ordre et les conditions de son épanouissement que sur le plan international ; elle dépend de « logiques » à très large rayon. Il lui faut la complicité du dehors. Les fées qui la favorisent sont étrangères ». Ainsi, selon Braudel, le problème de l’internationalisation de la ville de Lyon s’est posé en réaction à la surdomniation du poids de Paris dans le cadre national. Il a donc fallu à la ville dépasser et contourner cette domination pour trouver un souffle nouveau, pour assurer son développement. ème Pour Le Galès, l’industrialisation au 18 siècle s’accompagne d’une nouvelle vague d’urbanisation qui va venir renforcer le rôle des villes : «avec cette nouvelle vague 38 d’urbanisation, le fait urbain devient massif en Europe du Nord, et un peu moins au Sud » . Les villes changent d’échelle et les activités et les populations se concentrent dans les métropoles. C’est vers 1995 que l’institutionnalisation de l’Europe a donné aux villes l’occasion d’inscrire leurs actions dans le cadre européen. Selon Le Galès, cette dynamique rappelle celle de la formation des États-nation à partir de l’armature des villes. Aussi, selon lui, « L’État-nation est aujourd’hui moins déterminant dans la structuration et le pilotage de la société ». Ainsi, Le Galès a une analyse différente, qui peut d’ailleurs s’avérer complémentaire, de celle de Braudel sur le destin et l’internationalisation des villes. Pour le premier, Lyon a du s’internationaliser sous la contrainte pour se défaire de la domination de la capitale. Pour Le Galès, les villes européennes connaissent aujourd’hui un retour grâce aux transformations institutionnelles : la construction européenne et l’affaiblissement de l’État. Toutefois Le Galès précise que si l’État se transforme, il ne disparaît pas, mais se recompose. 39 C’est également la thèse avancée par Jouve et Lefevre . S’ils reconnaissent d’après leur étude terrain que la décentralisation, la construction européenne et « l’européanisation des politiques publiques locales » ont été comprises comme la remise en question d’un équilibre institutionnel existant qui a favorisé l’émergence de stratégies entrepreneuriales dans les villes, « à en croire les déclarations de bon nombre d’élus de grandes métropoles européennes, il reste que leur personnel politique entretien un rapport ambigu avec le national où se structure l’appareil d’Etat et les formations politiques partisanes ; pour 40 reprendre la formule de Michel Amiot , les élus métropolitains sont en Europe contre l’État, tout contre… » C’est, en effet, ce qui semble ressortir d’une lettre de Michel Noir, Président de la Communauté Urbaine du Grand Lyon adressée à l’ensemble des conseillers communautaires. Cette lettre, datée du 28 juin 1991 informe les élus de l’avancée du projet 41 d’ouverture de bureau de la Communauté urbaine à Paris : 38 LE GALES (P.), Le retour des villes européennes. Sociétés urbaines, mondialisation, gouvernement et gouvernance, Presses de la fondation nationale des sciences politiques, 2003. 39 JOUVE (B.), LEFEVRE (C.), « Le nouvel âge d’or des villes européennes ? », dans JOUVE (B.), LEFEVRE (C.) (dir.), Métropoles ingouvernables, Editions scientifiques et medicaes Elsevier SAS, 2002. 40 AMIOT (M.), Contre l'État, les sociologues : éléments pour une histoire de la sociologie urbaine en France, 1900-1980, Paris : Éd. de l'École des hautes études en sciences sociales, 1986 41 18 Lettre de Michel Noir, Président de la Communauté Urbaine de Lyon du 28/06/1991, voir annexe n°8. TOTA Barbara_2007 Première partie : Lyon sera internationale ou ne sera pas ! « Je souhaite vous informer sur l’état d’avancement d’un projet actuellement à l’étude, relatif à la création d’une antenne de la Communauté urbaine à Paris. Ce projet répond à plusieurs objectifs. De nombreux dossiers, vous le savez, se traitent encore à paris, dans les ministères ou au siège des grandes administrations ; qu’il s’agisse des grandes infrastructures de voirie ou de transports en commun ou de recherche d’autorisations ou de financements spécifiques (habitat, environnement) Paris reste souvent un point de passage obligé. Il est donc nécessaire de disposer dans la capitale de locaux permettant d’accueillir ponctuellement les collaborateurs qui suivent ces négociations. Il est donc également intéressant, en raison de la renommée internationale que nous souhaitons donner à notre agglomération, de disposer d’une représentation permanente à Paris susceptible d’accueillir les visiteurs de marque - délégations officielles, groupes industriels, etc…- qui séjournent dans la capitale. Une telle représentation peut se révéler, à l’usage, un outil de communication moderne et efficace ». Ainsi, on peut voir que le retour des villes, s’il semble être favorisé par la construction européenne, reste dans une certaine mesure déterminé par le niveau national. 2- Internationalisation et développement L’internationalisation de Lyon est souvent, dans le discours des politiques, lié au développement de la ville et plus particulièrement au développement économique local. En 1989, Michel Noir fait de l’internationalisation de la ville un axe principal de sa campagne contre Francisque Collomb, le maire sortant. 42 Selon Sylvie Biarez , la mise en place de la démarche prospective « Lyon 2010 » a été déterminante dans le processus d’émergence et d’imposition par le politique de la nécessité d’internationaliser Lyon : « Dans une deuxième phase qui commence avec le projet de ville « Lyon 2010 », les préoccupations économiques deviennent plus évidentes. Ce projet stratégique élargit la réflexion, associe de nombreux partenaires et privilégie les axes de développement aux dépens de prescriptions réglementaires. « Lyon 2010 » tente de mobiliser un territoire en faveur de nouvelles conceptions et de nouveaux comportements. Procédé de communication, il est un essai d’affirmation de l’agglomération et de sa volonté de devenir une métropole internationale, il tend donc à instaurer une image prometteuse. Ce projet est élaboré de manière à entraîner un consensus des élites. Préparé par les techniciens de l’agence d’urbanisme, de la communauté urbaine et par des élus, il aura l’assentiment de l’Etat et de nombreux responsables. Il donne lieu à l’audition de personnalités (socioprofessionnels, techniciens, experts, universitaires…), ce qui permet des ajustements et fortifie le consensus. L’ensemble de ces processus aboutit, à la veille des élections municipales de 1989, à faire de l’idée de Lyon ville internationale une quasi nécessité ». Dès son arrivée à la Communauté Urbaine, Michel Noir fait de l’internationalisation de 43 la ville une priorité. Dans un article du Figaro du 6 mars 1990, titré « Noir a le bon compte » on peut lire à propos du vote du premier budget du nouveau Président de la Communauté urbaine : 42 43 BIAREZ (S.), Territoires et espaces politiques, Grenoble, PUG, 2000. « Noir a le bon compte », Le Figaro, 06/03/1990. TOTA Barbara_2007 19 « Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs, entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement » « Du côté des investissements, quatre axes sont prioritaires. Les déplacements urbains sont dotés de 603 millions de francs, soit 132 millions supplémentaires dont une partie versée au Sytral, permet d’augmenter sa capacité d’emprunter. Le logement social reçoit, lui, 50 millions de francs. Le budget de la propreté s’élève à 156 millions, en augmentation de 85, et les équipements structurants sont dotés de 112 millions. Dans ce chapitre se trouvent les fonds affectés à l’achat de la manufacture des tabacs, ainsi qu’à l’Opéra de Lyon. Soit un total de 923 millions pour l’ensemble des dossiers prioritaires. A noter le budget communication, en hausse de 156%, il dépasse les 25 millions pour étoffer le rayonnement de Lyon. Tout comme la subvention à l’Aderly qui, elle, est multipliée par quatre ». Raymond Barre dans son plan de mandat 1996-2001 pour la Communauté urbaine de Lyon lie très fortement la question de l’internationalisation de l’agglomération lyonnaise au développement économique : « Face à ses concurrentes européennes et malgré la présence de grands groupes tels RVI ou Rhône-Poulenc Agro-Chimie, l’agglomération souffre encore du faible nombre de grandes sociétés de plus de 500 salariés telles FIAT à Turin, Montedison à Milan, Dupont de Nemours à Genève, BMW à Munich. Elle manque surtout de centres de commandements. Dans cette compétition entre les métropoles européennes, il convient de consolider le positionnement économique de l’agglomération en créant un environnement favorable au développement des activités et de l’emploi. Le déficit d’offre de sites d’accueil des entreprises sur certains créneaux du marché doit notamment être comblé ». Plus loin dans le même document, dans le paragraphe « Developper l’attractivité de l’agglomération », on peut lire : « Attirer des entreprises extérieures installées dans l’agglomération, c’est permettre la création d’emplois. C’est aussi un signe de reconnaissance de la compétitivité et de la vitalité économique de l’agglomération lyonnaise. Cela confirme la valeur de nos filières économiques et notre capacité à créer des richesses. Pour cela l’Aderly joue un rôle essentiel. Son action permet l’accueil d’entreprises françaises et étrangères, d’institutions nationales et internationales » Dans le discours politique, l’internationalisation et le rayonnement de la ville sont posés comme étant étroitement liés au développement économique de l’agglomération. S’internationaliser c’est s’ouvrir sur un marché plus grand, celui de la mondialisation de l’économie et de l’européanisation des politiques publiques locales. Mais pour tirer avantage de ce marché, il faut être visible pour attirer les investisseurs, visiteurs et activités qui créeront de la richesse et de l’emploi. Si pour les politiques le lien semble évident et presque naturel entre l’internationalisation et le développement économique local, nous allons tenter, en nous appuyant sur les travaux 44 de Le Galès , de comprendre dans quelles mesures les deux sont liés et surtout pourquoi les villes se sont saisies de la question du développement du territoire, ce qui ne va pas de soi. L’ouvrage de Le Galès pose la question de l’émergence et de la forme des politiques de développement économique local. Il définit le développement économique local de la manière suivante : « Le développement économique local, auquel il est souvent fait référence en tant que développement économique et de l’emploi local, concerne la création et le maintien 44 20 LE GALES (P.), Politique urbaine et développement local : une comparaison franco-britannique, Paris, L’Harmattan, 1993. TOTA Barbara_2007 Première partie : Lyon sera internationale ou ne sera pas ! d’activités économiques - la richesse, l’emploi et autres avantages - ainsi que l’obtention de ces avantages par les résidents locaux ». Le Galès analyse l’apparition des politiques locales de développement économique qu’il situe à partir des années 70, ces politiques publiques étant jusqu’alors largement prises en charge par l’État. C’est, selon lui, à partir de cette date que les collectivités locales et particulièrement les villes se sont préoccupées du développement économique et ont joué un rôle de plus en plus important dans ce domaine. Pour Le Galès, c’est à ce moment qu’a lieu une double crise : institutionnelle et économique. Institutionnelle parce que c’est à partir des années 70 que les relations central-local entrent dans une « zones de turbulence » et économique parce que face à la crise économique des doutes émergent quant aux capacités de l’État à la surmonter. En France, la décentralisation, marquant davantage l’aboutissement d’un processus qu’une rupture, a eu pour conséquence d’augmenter la concurrence en instaurant un espace de liberté entre les territoires pour attirer les investissements privé et publics. Ainsi, Raymond Barre dans son plan de mandat écrit : « une grande vigilance auprès des pouvoirs publics nationaux sera nécessaire face à la menace de construction d’une nouvelle plate-forme aéroportuaire à proximité de l’Île-de-France ». Ces inquiétudes confirment les travaux de Le Galès. En effet, par ces propos, Raymond Barre montre les enjeux de l’attractivité, de la captation des investissements, mais aussi la concurrence entre les territoires. Il est sous-entendu qu’une nouvelle plate-forme aéroportuaire en Île-de-France représentait une concurrence difficilement surmontable pour le territoire lyonnais. Si les institutions et les politiques gouvernementales ont joué un rôle dans la mise en place des politiques de développement local et dans les formes qu’elles ont prises, Le Galès pense qu’il ne faut pas surestimer ce rôle. En comparant la France et l’Angleterre, Le Galès s’est rendu compte que, quasi-simultanément, on peut observer une montée de l’interventionnisme économique local et ce malgré les différences institutionnelles fortes entre ces deux pays. Ainsi cette comparaison permet d’établir que les facteurs institutionnels ne sont pas déterminants pour expliquer la mise en place des politiques de développement économique local. Les politiques de développement économique local ont émergé dans les années 70-80 dans un contexte de crise économique. Pour Le Galès, le développement économique des villes est intrinsèquement lié au développement des économies capitalistes. 45 D. Harvey est un auteur qui a mené des travaux importants dans ce domaine. L’un des intérêts de son approche repose sur l’analyse de la circulation du capital. En effet, les villes sont souvent étudiées à partir des stocks (capital, main d’œuvre, services, équipements…). Or le système capitaliste est par nature dynamique, ce qui requiert une analyse des flux qui traversent la ville et en particulier la prise en compte de la circulation du capital, ce qui pose la question de l’organisation de l’espace pour favoriser ou non la mobilité du capital. Ainsi les villes dans leur organisation et leur espace subiraient les transformations de l’économie. L’économiste Pierre Veltz accorde également une importance au territoire dans l’économie : « le territoire entre désormais dans le jeu économique comme matrice d’organisation et d’interactions sociales, et non plus, d’abord, comme stock ou assemblage 45 HARVEY (D.), « from managerialism to entreprenneurialism : the transformation in urban governance », cité dans LE GALES (P.), Politique urbaine et développement local : une comparaison franco-britannique, Paris, L’Harmattan, 1993. TOTA Barbara_2007 21 « Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs, entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement » de ressources techniques ; ces changements sont au cœur des nouvelles configurations 46 spatiales et en particulier de la poussée des métropoles » . Avec la crise des années 70, on aurait découvert que le local pouvait contribuer au développement économique. Le Galès emploie l’expression reprenant un slogan bien connu : « sous la crise, le local » ! Pour réagir et obtenir des ressources financières, les villes européennes ont été amenées à développer des politiques « entrepreneuriales » s’appuyant sur tous les acteurs du territoire. Ainsi, Sylvie Biarez écrit à propos de Lyon : « Dans l’agglomération comme ailleurs, le retrait de l’État laisse plus de place à de nouveaux groupes professionnels, à des promoteurs capables de proposer des opérations, d’assembler des métiers et de présenter des projets clés en main. Il existe une tradition de dialogue entre les élus, les techniciens, la Chambre de commerce de Lyon, le Groupement Interprofessionnel Lyonnais (GIL) et les syndicats professionnels pour les questions économiques. Ce dialogue s’est concrétisé en 1974 par la création de l’Association pour le développement de la région lyonnaise (ADERLY) à l’initiative de la municipalité de Lyon, de la Chambre de commerce et du GIL. L’objectif est de promouvoir 47 l’image internationale de la région lyonnaise et d’attirer les entreprises étrangères » . Comme nous l’avons vu dans notre introduction, Le Galès identifie cinq types d’action de développement économique local : les actions de planification urbaine, les actions d’assistance aux entreprises, les actions de promotion et de communication, les actions liées à l’emploi et à la formation, les actions d’organisation ou de catalyseur. Les actions de promotion ou de communication sont multiples pour Le Galès : « […] les possibilités sont multiples, publicité directe pour une localité, actions de promotion plus spécifiquement orientées vers l’attraction des entreprises, organisation de manifestations en tous genres, congrès, foires. Les plans pour développer le tourisme, les manifestations et équipements culturels de prestige participent de cet effort d’amélioration de l’image globale d’une localité vis-à-vis 48 de l’intérieur et de l’extérieur » . Ainsi nous pouvons identifier le lien entre les politiques de rayonnement et d’internationalisation de Lyon et le développement économique local. Les travaux de Le Galès nous permettent d’identifier les conditions d’émergence des politiques de développement économique local dans les années 70 et par conséquent les politiques de rayonnement, qui sont fortement liées. La nécessité de l’internationalisation des villes s’est donc posée à un moment de transformations à la fois institutionnelles et économiques. Dans les années 70-80, l’évolution du rôle des Etats et de la ville capitale, la construction européenne, la décentralisation mais aussi la crise économique ont laissé plus de liberté aux villes et à ses acteurs d’agir sur leur propre territoire. Mais la liberté à son pendant : la compétition. L’internationalisation et le rayonnement représentent donc, pour le politique, des armes pour assurer le 46 47 48 VELTZ (P.), Mondialisation, villes et territoires, PUF, Paris, 2005. BIAREZ (S.), Territoires et espaces politiques, Grenoble, PUG, 2000. LE GALES (P.), Politique urbaine et développement local : une comparaison franco-britannique, Paris, L’Harmattan, 1993. 22 TOTA Barbara_2007 Première partie : Lyon sera internationale ou ne sera pas ! développement du territoire dans le cadre des évolutions du marché et des transformations institutionnelles à l’échelle internationale, européenne et nationale. Chapitre 2 : Les stratégies de rayonnement mises en œuvre entre 1989 et 2001 49 Dans un article sur « l’importance d’être connecté » , Renaud Payre commence son propos de la façon suivante : « Le 21 novembre 2005, Lyon accueille à nouveau la rencontre des Eurocités quatorze ans après avoir organisé une des toutes premières conférences du réseau. La manifestation prend place dans la majestueuse cité internationale de l’architecte Renzo Piano. Cette cité bâtie sur le bord du Rhône sur le site des anciens palais de la foire internationale - initiée par le maire Herriot en 1916 -, pourrait à tort, laisser croire à l’existence d’une tradition internationale. Tradition qui suffirait à assurer à la ville - à ses acteurs privés et publics - une place et une autorité parmi les principales villes d’Europe voire du monde. Mais la continuité du lieu est un leurre, la cité internationale ne voit le jour que dans les années 1990 dans une conjoncture au cours de laquelle la ville cherche à acquérir une visibilité internationale. Une visibilité voulue par les principaux acteurs politiques de la métropole - en accord avec un certain nombre d’entrepreneurs - élus en 1989 ». L’internationalisation de la ville relève d’une volonté politique, elle n’est pas le fruit d’un processus naturel ou d’un quelconque déterminisme. Après avoir analysé les conditions d’émergence des politiques d’internationalisation à Lyon avec l’appui de travaux scientifiques, nous allons dans ce chapitre étudier les stratégies d’internationalisation de Lyon entre 1989 et 2001. 1- La logique équipementière 50 Selon Jouve et Guéranger , les débuts de l’internationalisation de Lyon se situent à la fin des années 60 avec la politique des métropoles d’équilibre de la DATAR. Le grand projet pour Lyon est alors est la construction d’un centre d’affaires avec l’ambition de construire le plus grand centre commercial en centre ville d’Europe : la Part-Dieu. A l’époque, l’État pèse de tout son poids dans les politiques de développement des villes par ses ressources politiques techniques et financières. En quinze ans se concrétise le quartier de la PartDieu : le plus grand centre commercial de centre-ville d’Europe, la tour du Crédit Lyonnais, la Cité Administrative d’État et l’hôtel de la Communauté Urbaine de Lyon créée en 1966 par décision de l’État et imposée aux élus sans concertation, plus tard il y aura la gare TGV. Comme nous l’avons vu, les années 70-80 ont marqué un tournant dans la prise en charge des politiques de développement du territoire par collectivités locales. Cela se vérifie sur le terrain. A partir des années 90, on peut observer un net recul de l’influence directe de 49 50 PAYRE (R.), « De l’importance d’être connecté. Réseaux de villes et gouvernements urbains : Lyon et Eurocités (1990-2005 ». GUERANGER (D.), JOUVE (B.), « De l’urbanisme à la maïeutique : permanence et recomposition des politiques urbaines à Lyon », dans Bernard Jouve et Christian Lefèvre (dir.), Horizons métropolitains, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2004, pp. 209-239 TOTA Barbara_2007 23 « Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs, entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement » l’Etat dans les affaires locales et un plus grand interventionnisme ou « entrepreneurialisme » municipal. Avec l’arrivée de Michel Noir, les grands équipements se multiplient et la ville se transforme physiquement. Lors d’une séance de conseil communautaire en 1994 le Président de la communauté urbaine déclare : « Aujourd’hui la France est faible de la 51 faiblesse de ses infrastructures urbaines » . Il s’agit donc de doter la ville d’équipements de taille suffisante pour inclure Lyon sur la carte des décideurs mondiaux et européens. Au lendemain de son élection, Michel Noir invite son équipe à mettre en chantier la ville dans les plus brefs délais, à lancer les projets urbains qui permettront à Lyon se hisser au rang des grandes métropoles européennes. Raymond Barre l’avoue volontiers, s’il a fait émerger le projet de réaménagement de la partie sud de la Presqu’ile derrière les voutes de Perrache, il n’a fait que reprendre les projets initiés par Michel Noir. Le projet phare des mandats Noir et Barre reste celui de la Cité Internationale. Le projet de la Cité internationale a été lancé alors que Francisque Collomb était maire de Lyon. Le site aurait été choisi pour son histoire. En effet, c’est à l’emplacement actuel de la Cité internationale que se tenait la Foire de Lyon depuis 1922 avant d’être transférée à Eurexpo au début des années 80. L’objectif de cet aménagement urbain était de renforcer la 52 dimension internationale de Lyon . Pour développer le tourisme d’affaire, selon Raymond Barre, il faut renforcer la capacité d’accueil des congrès. S’est alors imposée la nécessité d’avoir à Lyon une salle pouvant accueillir 3 000 congressistes, permettant à la ville d’accueillir de grands congrès mondiaux. Deux propositions ont alors été présentées par Renzo piano, l’architecte de la Cité internationale : « L’une consiste à adjoindre à l’actuel Palais des Congrès une salle de grande capacité en infrastructure, d’un fonctionnement quasiment identique à celui du grand forum actuel, et qui, en quelque sorte, le compléterait. L’autre, qui consiste à envisager cette extension en créant une salle de grande capacité en superstructure, reliée à l’actuel Palais des Congrès par le prolongement de la rue intérieure, et un grand espace destiné aux expositions qui 53 accompagnent toujours ces manifestations » . Selon Henry Chabert la deuxième solution confirmerait la Cité internationale comme le 54 « grand centre international de la communication dont Lyon a besoin » . Cet équipement semble donc, pour les politiques, nécessaire à la ville de Lyon pour être compétitive sur le marché international des congrès. Il est intéressant de noter qu’il existait un réseau français de centres de congrès et d’expositions, le réseau Alior. C’est en 1997, que le palais des Congrès de la Cité internationale de Lyon entre dans ce réseau aux côtés du Carroussel du Louvre. Ainsi, les infrastructures, la capacité d’accueil d’une ville pour les congrès représentent un atout et donnent à la ville une certaine visibilité au-delà de ses frontières. Le développement de l’aéroport Saint-Exupéry s’appelant à l’époque Lyon-Satolas a été une préoccupation des politiques. Dans son plan de mandat, Raymond Barre affirme que l’aéroport de Satolas représente un enjeu essentiel pour l’avenir de la métropole lyonnaise. 51 52 53 54 24 « La ville : défense et illustration », Le Progrès, 14/06/94. Lyon Mag, n°72, juillet 1998, entretien réalisé avec Jacques Moulinier, Adjoint au Maire de Lyon. Lyon-Figaro, 15/02/1998. Lyon-Figaro, 15/02/1998. TOTA Barbara_2007 Première partie : Lyon sera internationale ou ne sera pas ! En effet, selon lui, l’avenir de la ville est conditionné par « la vitalité et le dynamisme de ce site, le renforcement de ses équipements, la multiplication des échanges internationaux ». Une des propositions de Raymond Barre pour son mandat en tant que Président du Grand Lyon est de conforter l’aéroport Lyon-Satolas dans « son rôle de seconde plate-forme aéroportuaire de France ». Les projets d’aménagements urbains comme celui du Conflent initié par Raymond Barre fait également partie de cette logique équipementière : offrir aux investisseurs des capacités d’investissements fonciers, dessiner un quartier d’avenir à la pointe des techniques d’urbanisme. 2- Des politiques économiques de soutien à des secteurs ciblés pour faire rayonner la ville A partir des années 70, la CCI joue un rôle moteur dans le développement économique 55 de l’agglomération lyonnaise . C’est à partir des années 90, avec la loi dite Joxe, que la 56 communauté urbaine se saisit pleinement de la compétence économique . Avec le Plan Technopolitain, lancé en 1998, le Grand Lyon resserre sa stratégie de développement en mettant en avant un petit nombre de secteurs phares : la santé, les sciences et technologies du vivant et les technologies de l’information et de la communication. Ce plan vise à mobiliser la recherche et les financiers pour démarrer ou redémarrer des projets économiques dans des secteurs ciblés et à promouvoir Lyon comme « la ville de l’intelligence ». Cette stratégie a pour but d’apporter à l’agglomération lyonnaise une certaine notoriété dans des domaines identifiés comme porteurs sur le plan international. 57 Dans un document intitulé « Lyon au XXIè siècle » écrit par Raymond Barre en 1997 nous pouvons comprendre la vision que l’élu se fait du rayonnement de la ville. Selon lui : « Les villes sont appelées à devenir des pôles croissants de développement économique et social. Or Lyon possède des atouts importants pour jouer, dans les années à venir, un rôle de premier plan sur l’échiquier international des centres urbains. […] Le Lyon du XXIe siècle, plongé dans un monde où les notions de compétition et d’innovation s’imposeront à tous les acteurs de la vie économique et sociale, devra également faire preuve de capacité d’adaptation et développer l’ « esprit d’entreprise » qui lui permettra d’être en phase avec son temps en s’appuyant sur les réseaux qui ont bâtis sa réputation : sa tradition industrielle et commerçante, son réseau performant d’enseignement supérieur et de recherche, son tissu de PME-PMI à forte capacité exportatrice, le nombre important d’entreprises de technologie avancée implantées en ses murs. Pour cela il est nécessaire que notre cité puisse développer la puissance de ses grandes filières industrielles, dont la notoriété est déjà affirmée, en la combinant 55 56 BIAREZ (S.), Territoires et espaces politiques, Grenoble, PUG, 2000. HEALY (A.), « ‘Une gouvernance patronale’ : de l’ouverture des modes de prise de décision publique locaux à la sélection des acteurs participant à l’action économique de la communauté urbaine de Lyon », dans De l’intérêt général à l’utilité sociale ? La reconfiguration de l'action publique entre État, associations et participation citoyenne, Xavier Engels, Matthieu Hély, Aurélie Peyrin et Hélène Trouvé (dir.),Paris, L’Harmattan, coll. : « Logiques sociales », 2006. 57 Le Progrès, 22/10/1997. TOTA Barbara_2007 25 « Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs, entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement » avec un renforcement continu de ses activités de services. Dans le même temps, Lyon ne devra cesser de soutenir le rapprochement des laboratoires et des entreprises, de favoriser l’accueil « d’entreprises de pointe » et d’espaces d’enseignement de haut niveau, dont le travail en synergie ne peut être que bénéfique ». Le développement économique fait partie intégrante des politiques de rayonnement de l’agglomération. Lyon, pour faire parler d’elle, doit être performante, elle doit devenir une référence dans certains domaines d’activité sur le marché mondial, elle doit attirer de grands noms de l’industrie. La performance économique est un des volets des politiques de rayonnement de l’agglomération. 3- La prospective comme outil d’ouverture sur la société « civile » L’internationalisation de la ville est également un moyen de mettre en synergie et de fédérer les acteurs de la ville. Ainsi, dans une logique de partenariat et d’ouverture sur la société dite « civile », Michel Noir a mis en place en 1990 le Conseil International de Lyon, un organe de réflexion ayant 58 pour objectif d’élever la ville de Lyon au niveau européen et international . Raymond Barre a repris la structure existante. Raymond Barre a également mis en place une démarche prospective : « Millénaire 3 » débouchant sur un projet de développement de l’agglomération. Selon ses termes : « Il convenait donc de mobiliser des moyens humains sur le thème d’un développement durable à long terme, du Grand Lyon, et d’y associer des représentants de la société civile. Les travaux menés pendant deux ans dans le cadre de la démarche « Millénaire 3 » ont engendré une forte mobilisation. Le résultat a été un projet d’agglomération qui fixe désormais des axes forts de développement pour le Grand Lyon. Ce projet s’intitule « une agglomération compétitive et rassemblée - 21 priorités pour le XXIème siècle », montre le double objectif poursuivi : d’une part, mettre en relief la compétition entre les agglomérations européennes - d’autant plus difficile en France, en raison de l’hypertrophie de la région parisienne ; d’autre part, souligner la nécessité de la cohésion sociale, indispensable pour éviter les graves problèmes comme la 59 violence urbaine, que connaissent certaines agglomérations » . A son lancement en 1997, ce qui s’appellera plus tard Millénaire 3, portait le nom de « comité des sages ». En effet, Raymond Barre souhaitait mobiliser les acteurs du territoire autour de la définition de l’avenir de la métropole lyonnaise comme une grande métropole européenne. Raymond Barre craignait face aux transformations de la mondialisation et de la construction européenne que Lyon recule plutôt que d’avancer. Il fallait donc pour éviter cela donner un véritable projet d’avenir pour Lyon à l’échelle européenne. Cette démarche prospective se voulait ouverte sur la société civile, dans l’objectif de rassembler et de fédérer 60 les Lyonnais autour d’une ambition commune . 58 59 60 26 « Une année Noir », Le Figaro, 12/03/90. Revue Urbanisme, janvier/février 2001. « Des sages pour l’avenir », Le Figaro, 02/12/1997. TOTA Barbara_2007 Première partie : Lyon sera internationale ou ne sera pas ! 4- Les réseaux de ville La logique de partenariat avec les villes, le jumelage, la coopération décentralisée et la participation aux réseaux de villes, fait partie de la stratégie d’internationalisation de Lyon. La recherche de la bonne échelle pour le développement et le rayonnement de l’agglomération lyonnaise a été un objet d’attention des politiques depuis 1989. 61 Pour Raymond Barre, « l’espace pertinent d’action » est la Région Urbaine Lyonnaise (RUL) regroupant 239 communes associant Lyon, Saint-Etienne, l’Isle d’Abeau, une partie nord de l’Isère et la Plaine de l’Ain. La RUL a été créée en 1974 par les élus de la communauté urbaine de Lyon, de l’Ain, de l’Isère et du Rhône. A ses débuts la RUL est présidée par le préfet de région. En 1998, le vice-président de la communauté urbaine en charge de l’urbanisme choisit dans le cadre de la décentralisation de transformer la RUL en association. Cette dernière n’est pas une collectivité locale et n’a pas de périmètre stable, il s’agit d’une instance de dialogue. Après 1992 une charte est élaborée fixant des objectifs et définit les politiques de développement devant favoriser le positionnement européen du territoire. En 1989, Michel Noir préside la RUL. Mais des tensions se font jour entre les différents acteurs à cause de la prédominance de la relation entre Michel Noir et le Préfet et à cause 62 du poids prépondérant de l’agglomération lyonnaise menaçant le Conseil Régional . Avec l’arrivée de Raymond Barre, le directeur de l’action économique et du développement de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Lyon devient le secrétaire général de la RUL. Pour Michel Noir, la question de la bonne échelle et du partenariat entre les villes était cruciale dans le contexte de compétition des territoires à l’échelle européenne. Ainsi Michel Noir répondait à un journaliste à propos d’un éventuel partenariat avec Grenoble et Annecy 63 de la manière suivante : « Journaliste : Vous avez conclu des accords de partenariat entre Lyon et SaintEtienne leur permettant de constituer ainsi, disons, une zone dynamique… qu’en est-il avec Grenoble et Annecy ? Michel Noir : En cette fin de siècle, il faut penser réseau et non plus espace fermé ou bastion concurrent. Le réseau des villes est le point fort de notre région. Entre Saint-Etienne et Lyon, l’entente est exceptionnelle, François Dubanchet, comme moi, ne souhaitant pas une croissance démesurée de son agglomération et le vide tout autour. Aussi commençons-nous à créer des zones d’activités à mi-chemin entre nos villes. La première s’est ouverte l’année dernière à Saint-Chamond. Avec Grenoble et Annecy, nous aurons à rechercher de la même manière cet « effet réseau ». Raymond Barre a cherché à rapprocher Lyon et Marseille pour créer un grand axe de développement. En novembre 1996, les élus municipaux et les unions patronales des deux villes signent une charte de coopération économique enterrant ainsi leur rivalité. L’objectif, explique Jean-Louis Touret, adjoint aux finances de Marseille est « d’avoir des 64 relations de réseau, et non de concurrence, entre nous » . En se réunissant, les acteurs 61 62 63 Revue Urbanisme, Op. cit. BIAREZ (S.), Territoires et espaces politique, Grenoble, PUG, 2000. Interview « Les quatre vérités de Michel Noir », article du 5/09/1992 dans le carton Mandat Michel Noir 1989-1995, l’Homme politique, volume 2/4, service documentation du Grand Lyon, décembre 2002. 64 Le Progrès, 09/11/1996. TOTA Barbara_2007 27 « Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs, entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement » du développement des deux villes espèrent faire le poids face à des métropoles comme Barcelone, Gênes ou Milan. Dans Le Monde du 24 mai 1996, Jean-Claude Gaudin et Raymond Barre signent ensemble un article intitulé « Lyon-Marseille un destin partagé » dans lequel ils mettent en avant les bénéfices que peut apporter cette coopération, non 65 seulement pour les deux villes, mais également pour le destin de la France . Lyon, Genève et Turin se sont également rapprochées en 1996 pour développer leur attractivité culturelle. Les trois villes ont voulu se rassembler pour créer un pôle touristique régional. L’idée même d’une candidature commune au titre de « ville européenne de la culture » en 2002 a été envisagée. Selon la même logique de partenariat et de mise en réseau, le 9 juillet 1998, Lyon a signé avec Barcelone, Gênes et Marseille une charte d’alliance visant à structurer la coopération entre les villes du bassin méditerranéen. Lyon a, comme de nombreuses villes, une longue tradition de jumelages ; Birmingham depuis 1951, Yokohama depuis 1959, Milan depuis 1966, Saint-Louis aux États-Unis depuis 1975, Francfort et Beer-Sheva depuis 1980, Leipzig depuis 1981ou encore Canton depuis 1988. C’est sur la base de ces jumelages que Lyon s’est engagée dans la coopération décentralisée, mais aussi dans le partenariat ou encore dans les réseaux de villes européens et mondiaux. Pour assoir sa visibilité internationale, Lyon reçoit et visite les villes du monde. La visite du Président chinois, Jiang Zemin à Lyon en octobre 1999, de l’ambassadeur du Venezuela en septembre de la même année, déplacement d’une délégation lyonnaise à Birmingham, à Barcelone ou encore à Stuttgart, s’apparente à des opérations vente. Les élus ne partent pas seuls à l’étranger, ils amènent avec eux des acteurs privés locaux et notamment des entrepreneurs. Ces voyages permettent de mettre en lumière l’activité lyonnaise, les atouts du territoire et éventuellement ouvrir l’économie locale à d’autres marchés. Les réseaux de villes comme celui des Eurocités permettent à Lyon d’avoir une visibilité sur le plan européen, d’acquérir une certaine notoriété auprès de ses pairs. Ainsi, en septembre 2000, la newsletter n°15 du groupe de travail « stratégies de développement 66 des grandes villes européennes » fait un zoom sur Lyon, « une métropole compétitive et rassemblée » ventant ainsi les réussites et les stratégies de développement de l’agglomération lyonnaise. 5- Donner à Lyon l’image d’une ville internationale Avant le début des années 1990, Lyon a vu s’implanter sur son territoire des institutions internationales telles que le siège mondial d’Interpol, le centre national de recherche sur le cancer ou encore la chaine Euronews, plus tard une des fiertés de Raymond Barre aura été de faire venir à Lyon l’École Normale Supérieure Lettre et Science. Pour renforcer le rayonnement et la notoriété de la ville, les élus depuis 1989 ont tenté d’attirer de grands noms, des sièges sociaux, d’organiser de grands événements mondiaux mais également de représenter Lyon dans les grands salons et congrès mondiaux. 65 « Lyon-Marseille : un destin partagé », Le Monde, 24/05/1996, voir annexe n°10. 66 Newsletter du groupe de travail « Stratégies de développement des grandes villes européennes », Eurocités / EDURC, n °15 septembre 2000, voir annexe n°11. 28 TOTA Barbara_2007 Première partie : Lyon sera internationale ou ne sera pas ! Pour Raymond Barre la tenue du G7 à Lyon est un formidable coup de projecteur sur la ville. Grâce au G7, de nombreux articles et reportages dans les médias internationaux citent la ville de Lyon. Il s’agit d’une couverture médiatique exceptionnelle pour la ville. La photo des présidents des sept pays les plus puissants du monde devant la roseraie du parc de la Tête d’Or a fait le tour du monde. Mais au-delà du G7, Lyon a également accueilli la coupe du monde de football en 1998, le G8 du management la même année, le congrès annuel de l’association internationale du développement urbain en 1999, une conférence mondiale de l’ONU sur le commerce et les échanges (CNUCED) en 1997, des congrès mondiaux sur les sciences du vivant, etc. Cette liste n’est pas exhaustive mais ces quelques événements ont largement été mis en avant pour montrer à tous que Lyon avait une dimension internationale. Par ailleurs, l’organisation d’événements de grande ampleur est un moyen pour la ville de vendre son image au monde entier, de montrer au monde que Lyon a les atouts d’une grande métropole européenne, la carrure d’une ville internationale. L’organisation des Jeux Olympiques d’été de 2004 à Lyon est un projet qui a été porté par Raymond Barre pour hisser Lyon à la hauteur des plus grandes métropoles mondiales. Michel Noir ne voulait pas en entendre parler, estimant que ce projet couterait trop cher aux Lyonnais. Le dossier a été monté avec la région pour une candidature « Lyon-RhôneAlpes ». Au niveau national, Lyon était en concurrence face au « Grand Lille ». Pour Raymond Barre, l’organisation des jeux dans la région aurait permis de donner à Lyon le coup de pouce nécessaire à son rayonnement sur la scène internationale, de conforter l’activité de l’aéroport Lyon-Satolas et plus largement l’activité économique lyonnaise. Les chefs d’entreprise de la région, le GIL (Groupement Interprofessionnel Lyonnais), l’Aderly et la CCI ont apporté leur soutien à la candidature Lyon-Rhône-Alpes. Comme cela a été le cas pour Barcelone, une candidature aux JO représentait pour les acteurs privés et publics locaux une opportunité de mettre un coup d’accélérateur au développement de la ville. En effet, le développement de la ville catalane a connu un tournant dans les années 80, grâce notamment à l’annonce de la candidature aux JO d’été. Cette candidature a permis à la ville de définir un plan stratégique alliant projets urbains, infrastructures, requalifications des espaces publics, mais aussi communication visant à fédérer tous les Barcelonais autour de ce grand projet. La candidature de Barcelone reste une référence et un modèle pour les métropoles en mal de visibilité internationale. De même, l’inscription de Lyon au patrimoine mondial de l’UNESCO fait partie des stratégies de rayonnement de la ville. L’éventualité de faire figurer Lyon au patrimoine mondial de l’UNESCO aux côtés du Vatican, du temple d’Angkor ou de la muraille de Chine semblait être un rêve irréalisable. Tout comme la tenue du G7 à Lyon, l’obtention de ce label a largement été attribuée, à tort ou à raison, à la stature internationale de Raymond Barre. En matière de communication, Michel Noir a décidé en 1991 de changer le nom de la 67 Communauté urbaine de Lyon pour Le Grand Lyon. Un document interne au Grand Lyon explique les raisons de ce changement : « L’appellation COURLY, née en 1971 pour désigner la Communauté Urbaine de Lyon, a été abandonnées en 1991. Dépourvue de toute valeur juridique, elle n’est plus utilisée dans aucun document officiel. Elle présentait l’inconvénient majeur de ne rien signifier pour toute personne n’habitant pas l’agglomération, ce qui constituait un handicap important, en termes d’image et de notoriété. L’appellation GRAND LYON remplace désormais le sigle COURLY, à limage de beaucoup de métropoles en Europe ou aux Etats-Unis : Greater London, 67 « Le Grand Lyon, une grande idée », Document interne, Direction de la communication du Grand Lyon, voir annexe n°12. TOTA Barbara_2007 29 « Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs, entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement » Greater Manchester, Greater Philadelphia, Greater Cincinnati, … Sans vouloir démontrer une quelconque suprématie lyonnaise, la dénomination GRAND LYON permet aux habitants, entreprises et organismes de l’agglomération, de marquer ème clairement leur appartenance à la 2 agglomération française qui regroupe 1 200 000 habitants dans 55 communes solidaires ». Ainsi les événements, les sièges sociaux, les rencontres internationales, les grands noms, mais aussi le nom de la collectivité, telle une marque, sont des stratégies utilisées par les politiques pour faire rayonner la ville au niveau international. Conclusion de la première partie : Ainsi, comme nous l’avons vu l’internationalisation des villes s’est posée comme un problème ou un objectif à atteindre pour les politiques locaux à partir des années 70-80, une période de transformations économiques et institutionnelles à l’échelle mondiale et européenne. Les acteurs de la ville se sont alors saisis des stratégies de développement de leur territoire. Dans un contexte de compétition accrue entre les territoires, les acteurs locaux publics et privés ont mis en place des stratégies de développement. C’est alors que l’internationalisation de la ville s’est imposée comme une nécessité. Pour faire face au nouvel ordre économique et institutionnel, le rayonnement des villes est devenu un enjeu de développement des territoires dans un marché des villes où il faut être compétitif. A Lyon, c’est à partir des années 80 que l’internationalisation de la ville a émergé puis, progressivement s’est systématiquement imposée dans le discours des politiques. C’est Michel Noir qui, le premier, a clairement annoncé son objectif d’ouvrir la ville au monde, de faire de Lyon une ville internationale. Raymond Barre en a fait un des deux axes majeurs de son mandat. Entre 1989 et 2001 se sont mises en place des stratégies à la fois équipementières, visant à doter la ville des infrastructures lui permettant de s’imposer sur le marché européen et mondial des villes, des logiques de performance économique en ciblant des secteurs d’activité porteurs de rayonnement, des stratégies prospectives mettant en place des groupes de réflexion ouverts sur la société civile, des stratégies de réseaux et de partenariats entre les villes visant à assurer à la ville une visibilité internationale et des stratégies événementielles pour donner à Lyon l’image d’une ville à dimension internationale, pour faire, pendant un temps converger les regards du monde sur la ville. Ce retour sur l’internationalisation de Lyon depuis 1989 nous permet de situer notre objet parmi les politiques de rayonnement de la ville, de situer le Grand Lyon – élus et agents - parmi les acteurs de l’internationalisation de la ville. En effet, Only Lyon est une action parmi d’autres, un « micro-objet » en quelque sorte dans le champ des politiques d’internationalisation de la ville. Le Grand Lyon et les élus sont des acteurs qui agissent aux côtés des acteurs privés, des entrepreneurs, des institutions et organisations les représentant comme la CCI ou la CGPME, aux côtés d’infrastructures comme Eurexpo ou l’aéroport Saint-Exupéry, mais également de concert avec des organisations comme l’Aderly œuvrant pour le rayonnement et le développement économique de la région lyonnaise. 30 TOTA Barbara_2007 Deuxième partie : Un territoire à vendre Deuxième partie : Un territoire à vendre Introduction : Only Lyon est une signature commune lancée en janvier 2007 par douze acteurs du développement économique et du rayonnement de la ville : Grand Lyon, département du Rhône, CCI de Lyon, Aderly, Office du tourisme, Université de Lyon, Aéroport Lyon-SaintExupéry, Palais des Congrès, Eurexpo, Medef Lyon-Rhône, CGPME du Rhône, Chambre des métiers et de l’artisanat du Rhône. Cette démarche marketing « exprime les ambitions de l’agglomération à l’échelle européenne, sa volonté de séduire et d’être repérée par les 68 décideurs » . Dans l’idée de mieux vendre la ville et ses atouts, la nouvelle bannière sera utilisée par l’ensemble des partenaires dans le cadre de leurs relations à l’international, ayant ainsi pour objectif de renforcer la visibilité de la ville à l’étranger. Comme nous l’avons vu précédemment, les collectivités pour des raisons économiques mais aussi de transformation du contexte institutionnel européen, entre mondialisation et décentralisation, ont pris en charge les politiques de développement de leur territoire. Ainsi, l’internationalisation s’est imposée comme stratégie de développement des villes. Nous allons donc dans cette deuxième partie voir de quelle manière les stratégies de communication sont utilisées par les acteurs du développement du territoire et plus particulièrement par le politique pour renforcer le rayonnement et l’attractivité de la ville. Dans une première partie, nous ferons le lien entre les notions de compétitivité entre les territoires et la démarche marketing Only Lyon. Ensuite, dans un deuxième temps, nous analyserons le concept d’identité comme outil des politiques de développement du territoire. Chapitre 1 : La marque « Lyon » sur le marché des villes européennes : Only Lyon, une démarche marketing. Sur le site internet lyon-business.org, Only Lyon est présentée comme la nouvelle signature internationale de la métropole lyonnaise exprimant une nouvelle ambition : « s’installer durablement parmi les métropoles les plus actives et les plus attractives d’Europe ». Cela soulève une interrogation à laquelle nous tenterons de répondre : en quoi la démarche Only Lyon permettra à la ville de participer à la compétition européenne entre les villes et de se hisser parmi les métropoles européennes qui comptent ? Pour faire simple, nous nous demanderons en quoi une démarche marketing peut permettre à la ville d’être plus compétitive et plus attractive sur le marché des villes européennes ? Nous ne nous 68 Grand Lyon Magazine, n°19, avril 2007, voir annexe n°6. TOTA Barbara_2007 31 « Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs, entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement » intéresserons pas dans notre étude aux caractéristiques du marché des villes européen, mais à l’utilisation par le politique des stratégies de marketing et de communication, dans la mise en place des politiques de rayonnement et d’internationalisation de la ville. Dans une première partie, nous allons aborder la question de la compétition entre les territoires et dans une deuxième partie le rapport avec la stratégie marketing Only Lyon. 1- Concurrence entre les territoires « Nos grandes villes doivent penser leur avenir en terme de compétitivité. Elles doivent avoir le souci d’attirer et de retenir les hommes et les activités économiques créatrices de richesses ; elles doivent donc en permanence améliorer les conditions de développement économique » a déclaré le 7 juin 2001 Gérard Collomb à la session spéciale de l’assemblée générale de l’ONU dont l’objectif était de dresser le bilan du premier sommet mondial des villes qui s’était 69 tenu en 1996 à Istanbul . Cette idée de compétition entre les villes est récurrente dans le discours des acteurs publics et privés locaux. Dans ce cadre concurrentiel, Lyon doit avoir un rayonnement international pour assurer son développement. Jusqu’en 2007, Gérard Collomb et le Grand Lyon s’étaient fixés comme objectif l’entrée dans le top 15 des villes européennes. Cet objectif a été revu à la baisse compte tenu de la concurrence des nouveaux pays de l’Europe de l’Est. Selon le directeur exécutif de l’Aderly, depuis la chute du mur de Berlin la compétition des pays de l’Est est arrivée aux portes de l’Europe. Avec leur récente entrée dans l’Union Européenne, ces pays bénéficient aujourd’hui de financements européens. Pour donner un ordre de grandeur, le rapport du cout de main d’œuvre entre la France et l’Espagne dans les années 70 était de 1 à 2 ou de 1 à 3, avec les pays de l’Est c’est de 70 l’ordre de 1 à 25 . Jacques de Chilly, Directeur exécutif de l’Aderly, pense également que les territoires sont pris dans le contexte de la mondialisation, et pour lui, refuser la compétition, c’est accepter le non-développement. Il pense également, ce qui va dans le sens des propos 71 de Pierre Veltz , que ce sont désormais les métropoles qui attirent les activités, les compétences, les savoir-faire, ce sont elles qui offrent des services et une certaine qualité de vie en termes d’offre de divertissements et d’aménagements. Pour Jacques de Chilly, c’est désormais à l’échelle des métropoles que la compétition se joue et non plus, comme cela a pu l’être après la révolution industrielle, sur l’ensemble du territoire. Selon une étude d’Ernst &Young, les métropoles attirent 80% des investissements depuis cinq ans en France. L’attractivité des territoires n’est pas une problématique nouvelle, c’est le contexte qui évolue fixant de nouvelles règles de marché. Comme nous l’avons vu avec Le Galès, la mondialisation et la tertiarisation de l’économie, l’augmentation des échanges, la construction européenne et la décentralisation, font qu’aujourd’hui le développement de Lyon se joue à l’échelle européenne, voir mondiale. La compétition entre les territoires est presque palpable, elle se matérialise notamment à travers les classements et ils sont nombreux : les villes les plus agréables à vivre, les 69 Figaro Rhône-Alpes, samedi 7 juillet 2001. 70 71 32 Entretien réalisé avec Jacques de Chilly, Directeur exécutif de l’Aderly, Palais du commerce, Lyon, le 10/07/07. VELTZ (P.), Mondialisation, villes et territoires, PUF, Paris, 2005. TOTA Barbara_2007 Deuxième partie : Un territoire à vendre plus attractives ou encore les plus dynamiques. En octobre 2006, une enquête sur les choix ème concurrentiels de KPMG classe Lyon en 3 position mondiale des métropoles de plus de 1,5 millions d’habitants les plus attractives pour les entreprises derrière Singapour et 72 Montréal . D’après l’étude « Emerging Trends in Real Estate Europe » coéditée par le ème Urban Land Institute et Price Waterhouses Coopers, Lyon se positionne comme la 5 ville européenne où il fait bon investir, devant, entre autres, Barcelone et Milan. Être en tête de ces classements semble être un gage de compétitivité, une consécration, la reconnaissance des efforts de rayonnement et d’internationalisation de la ville. Un peu comme les césars ou les étoiles au Michelin, figurer dans le top 15 c’est s’assurer d’un développement économique prometteur. Ces classements font également office d’évaluation des politiques publiques et la position de la ville au sein de ces derniers devient un argument politique soit de valorisation de l’action par la majorité soit de critique par l’opposition. Dans les documents internes au Grand Lyon préparant le lancement de la démarche marketing Only Lyon, la notion de compétitivité y est omniprésente. Si d’après les études du cabinet Ernst & Young la position de leader de l’agglomération lyonnaise parmi les métropoles françaises n’est plus contestable, « son classement d’attractivité l’éloigne de 73 ses concurrents européens mieux perçus » . Quels sont les critères de cette compétition entre les villes européennes ? Selon cette même étude, les classements prennent en compte l’offre immobilière, la qualité de vie, les ressources humaines, les infrastructures et l’environnement des affaires, il semblerait donc que la démarche Only Lyon tende à renforcer l’attractivité de Lyon essentiellement sur le secteur économique. 74 Selon l’économiste Pierre Veltz , les villes représentent des ressources pour les entreprises pour l’implantation des activités économiques : « Le développement des services apparaît comme un élément central de différenciation dans la compétition. Les produits proposés sur les marchés sont de plus en plus des complexes de biens et service : automobile, crédit, aprèsvente ; conseil logiciel d’application, etc. Lorsque les contenus techniques et les niveaux de qualité de biens convergent aussi fortement qu’aujourd’hui, c’est le service qui fait la différence » Cette offre fait l’objet de politiques de développement agissant sur différents secteurs en fonctions de stratégies différentes, comme nous avons pu le voir lors de notre première partie quand nous avons étudié les politiques de rayonnement et de développement de l’agglomération lyonnaise depuis 1989 : pôles de compétitivité, renforcement du lien entre la recherche et les entreprises, projets d’aménagements urbains, augmentation de l’offre immobilière, politique événementielle… Concernant les critères de compétitivité mesurables (offre immobilière, main d’œuvre, projets urbains…), selon les acteurs du développement de la ville, il semblerait que Lyon soit bien armée par rapport à ses concurrentes. Si la ville peine à s’imposer aux côtés de Barcelone, Milan ou Francfort, ce ne serait pas à cause de la qualité de son tissu économique, ni à cause du manque d’infrastructures ou de projets urbains, mais selon les 72 73 74 http://www.lyon-aderly.com Synthèse - Marketing International Grand Lyon top 15, Ernst & Young 2006. VELTZ (P.), Mondialisation, villes et territoires, Paris, PUF, 1996. TOTA Barbara_2007 33 « Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs, entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement » acteurs privés et publics du développement du territoire ce serait parce que Lyon manque de visibilité internationale. Il ne suffit de faire, il faut également faire-savoir. C’est le cas de Jacques de Chilly, qui constate dans le cadre de ses déplacements à l’étranger que ses interlocuteurs ne connaissent de la France que Paris et la « French 75 Riviera » et arrive à la conclusion que « Lyon souffre à l’étranger d’un déficit d’image » . C’est également l’avis du Directeur de Cabinet de Gérard Collomb et conseiller technique en charge du développement économique au Grand Lyon, qui pense que, désormais, après avoir agit, il faut faire-savoir, il faut mettre en avant les réussites et les atouts de Lyon. Ce sont également les préconisations qui ressortent des études du cabinet Ernst & Young : « - Lyon est une ville de rang européen…mais peine à s’affirmer dans le top 15 des métropoles européennes Son attractivité et la reconnaissance de son poids économique sont insuffisants […] L’organisation de la promotion et du marketing doivent constamment être mis à niveau pour être en phase avec l’ambition 76 européenne » . Le terme marketing est lancé. La première proposition d’action du cabinet de conseil en charge de l’étude sur l’attractivité de Lyon est de mettre en place : « Une coordination resserrée (task force) pour le marketing international. Objectifs : démultiplier les efforts de promotion du territoire en rassemblant les principaux acteurs sous la même bannière de manière à construire un message 77 unique et des outils cohérents » . Ainsi, les acteurs publics et privés locaux sont convaincus que pour assurer le développement du territoire il ne suffit plus de faire, de mener des politiques économiques, des opérations d’urbanisme, de créer un environnement favorable à la création d’entreprises, de construire des équipements et offrir des services améliorant la qualité de vie, il faut également le faire-savoir. C’est de cette conviction, qu’à partir de 2006, émerge l’idée au Grand Lyon de mettre en place une démarche marketing pour vendre la ville à l’international. 2- La démarche marketing : un raisonnement produit-cible pour vendre la ville. 78 Le marketing selon Pierre Zémor , c’est positionner un produit par rapport à la concurrence et aux attentes, c’est en quelque sorte une question d’offre et de demande sur un marché, celui des villes européennes. Gérard Collomb emploi lui-même le terme de « produit » pour 79 parler de l’agglomération lyonnaise . 80 Selon Serge Albuy : 75 Entretien réalisé avec Jacques de Chilly, Directeur exécutif de l’Aderly, Palais du commerce, Lyon, le 10/07/07. 76 Synthèse - Marketing International Grand Lyon top 15, Ernst & Young 2006. 77 Synthèse - Marketing International Grand Lyon top 15, Ernst & Young 2006. 78 79 ZEMOR (P.), La communication publique, Paris, Presses universitaires de France, 1999. « Garden Party », soirée des ambassadeurs Only Lyon, le 04/07/2007, salle 3000, Cité Internationale. 80 34 ALBUY (S.), Marketing et communication politique, Paris, L’Harmattan, 1994. TOTA Barbara_2007 Deuxième partie : Un territoire à vendre « Une condition nécessaire au développement du marketing politique comme d’ailleurs son homologue commercial serait l’existence d’un contexte concurrentiel, assurant une diversification de l’offre, le marketing perdant toute justification lorsqu’il n’existe plus une concurrence des produits à promouvoir ». Vendre la ville grâce à des stratégies de communication n’est pas propre à Lyon. Beaucoup de travaux sur la communication des collectivités locales ont porté sur la région. Il est 81 toutefois possible d’en tirer certains enseignements. Ainsi, selon Hélène Cardy : « Il n’est pas une région qui n’ait bâti, au début de la communication institutionnelle, une de ses campagnes autour de termes tels que technopôle, « carrefour de l’Europe », accroissement du maillage urbain, établissement de réseaux de villes, amélioration de la qualité de vie, accentuation de l’effort de recherche, inscription dans le réseau des relations avec la Communauté des Quinze… Cette attitude a conduit au fait que l’on est passés de caricatures (qui commencent aux discours sur les compétences) en caricatures (finalement toutes les régions sont au centre de quelque chose). Le résultat est prévisible : au lieu de renforcer les collectivités concernées, ces messages se détruisent par leur similarité. […] Bien souvent, les discours portent sur des éléments « qui ne sont pas particuliers à (une ville ou une région), mais qui appartiennent à une 82 culture d’expansion, de compétitivité ». Only Lyon, c’est donc une démarche de communication stratégique visant à vendre un produit ; Lyon, à des cibles identifiées dans l’objectif d’être compétitif sur un marché concurrentiel. Only Lyon c’est un nouveau logo, une bannière nouvelle qui correspond à l’idée de mieux se nommer pour être mieux identifié, la démarche vise à positionner Lyon parmi ses concurrentes. Only Lyon peut se traduire par « seulement à Lyon » ou « seulement Lyon ». Cette nouvelle signature véhicule donc un message : c’est à Lyon et pas ailleurs. C’est que qu’explique François Payebien à la Direction marketing et stratégies 83 économiques du Grand Lyon . En effet, l’usage du logo et de la bannière doit être approprié et correspondre au sens qu’ils véhiculent. Nous ne devons pas, selon lui, mettre le logo Only Lyon partout, nous pouvons, par exemple, le mettre sur les camions de ramassage des ordures ménagères seulement si l’équipement en question est unique, à la pointe de ce qui se fait en matière de propreté, que nous sommes leader sur ce domaine, pour faire simple, si cet équipement existe à Lyon et pas ailleurs : « Only Lyon ». Mais François Payebien explique que la propreté n’est pas une spécificité lyonnaise, les ordures sont ramassées de la même manière à Manchester ou à Turin. Only Lyon doit désigner ce qui fait la spécificité lyonnaise par rapport aux autres villes européennes et ne doit pas être utilisé pour tout ce qui concerne la ville au risque de voir la bannière se vider de son sens. Only Lyon véhicule donc l’idée de différenciation du produit par rapport à ses concurrents, la marque tente de démarquer Lyon, de la rendre visible et attractive sur le marché des villes. Only Lyon est parfois accompagnée d’un slogan : « Lyon, la ville que le monde entier va nous envier ». L’objectif est donc de susciter le désir et l’envie de venir 81 82 CARDY (H.), Construire l’identité régionale, la communication en question, Paris, L’Harmattan, 1997. MONS (A.), La métaphore sociale, Paris PUF, 1992, dans CARDY (H.), Construire l’identité régionale, la communication en question, Paris, L’Harmattan, 1997. 83 Entretien réalisé avec François Payebien, Direction marketing et stratégies économiques, Grand Lyon, 13/04/2007. TOTA Barbara_2007 35 « Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs, entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement » à Lyon, preuve en est les petits cœurs dessinés. Il est d’ailleurs intéressant de noter le mode employé, le futur, qui semble nous dire ; ils ne le savent pas encore…mais quand ils découvriront Lyon, les non-lyonnais vont l’adorer ! L’enjeu est donc d’attirer car une fois sur place, les acteurs de la démarche font le pari que les visiteurs seront conquis. Comme nous l’avons dit, Only Lyon c’est également une bannière commune utilisée par douze acteurs du développement et du rayonnement de l’agglomération lyonnaise. Ainsi, par effet de répétition, mais aussi par processus d’unification du discours, la démarche a pour objectif de donner plus de visibilité au produit. Il est vrai que pour un chinois ou un espagnol la différence entre la CCI, l’Aderly, Eurexpo, le Palais des congrès ou entre les universités Lyon 1, Lyon 2 ou Lyon 3 sont peu intelligibles. Ainsi, l’objectif de cette bannière commune est d’unifier ces différences qui brouillent le message pour les interlocuteurs étrangers et de mieux leur permettre d’identifier Lyon sur le marché international des grandes villes. Une des premières utilisations de la marque Only Lyon a eu lieu sur le salon du MIPIM, le salon international de l’immobilier à Cannes. La démarche Only Lyon ne se réduit pas à un slogan et à un logo, Only Lyon c’est une véritable démarche stratégique très ciblée. Pour Hélène Cardy, les stratégies de communication des collectivités locales se sont largement inspirées des logiques marchandes : « Elles portent sur les cibles qui doivent être atteintes et les moyens qu’il 84 faut mettre en œuvre pour toucher efficacement un public précis » . C’est également l’avis de François Payebien à la DGDEI (Délégation générale au développement Economique et International), pour qui, il n’existe pas d’autres techniques de vente que celles du secteur marchand. 85 Daniel Sperling parle d’une nouvelle façon pour les collectivités locales de faire de la communication ; l’approche marketing : « la communication sectorielle ou communication produit » : « Elle procède d’une approche fondée sur le marketing direct avec un raisonnement produits et cibles très affiné. Les actions et les réalisations présentées le sont dans un cadre local bien défini et sont choisies pour leur spécificité ». Only Lyon est en effet une démarche marketing dans le sens où la stratégie de communication est définie par un raisonnement en termes de produits, de cibles et de moyens. Le produit nous l’avons vu c’est Lyon, la cible sont les investisseurs, les entrepreneurs et les décideurs étrangers qu’il s’agit d’attirer sur le territoire. Les moyens mis en place correspondent bien à la définition de la communication sectorielle que nous livre Daniel Sperling. En effet, les partenaires d’Only Lyon ont fait le choix de ne pas mobiliser un gros budget sur la communication dite traditionnelle, c’est-à-dire les achats d’espaces publicitaires et une campagne de communication à grands renforts d’euros. Pour avoir une visibilité en terme d’affichage sur la scène internationale il faudrait, selon le directeur de cabinet du Grand Lyon un budget colossal. A l’inverse les partenaires de la démarche Only Lyon ont fait le choix d’une communication très ciblée. Le directeur de l’Aderly fait un parallèle entre la pêche et l’attractivité des territoires. Selon lui, l’augmentation de la concurrence dans le contexte de la mondialisation et la hausse des échanges nous obligent à adopter une stratégie de niche. On ne peut plus lancer un gros filet dans la mer et ramasser tout ce qui 84 85 36 CARDY (H.), Construire l’identité régionale, la communication en question, Paris, L’Harmattan, 1997. SPERLING (D.), Le marketing des territoires et des collectivités locales, Midia, 1995. TOTA Barbara_2007 Deuxième partie : Un territoire à vendre se trouve sur notre chemin. Il faut aujourd’hui envoyer des plongeurs avec des bouteilles pour attirer les bons poissons. Les cibles identifiées sont les décideurs, les entrepreneurs et les acteurs mondiaux des domaines les plus attractifs à Lyon, des domaines dans lesquels Lyon est performante (immobilier d’entreprise, biotechnologies, numérique…). Ainsi, le Grand Lyon a identifié des 86 lieux-cibles où les décideurs, investisseurs ou leaders d’opinion se trouvent . Plusieurs stratégies ont été mises en place, ou pensées pour des actions à venir, notamment les « opérations capitales ». Il s’agit de créer des événements à Paris, Bruxelles et Londres dans des lieux fréquentés par les cibles, par exemple Gare de Lyon où les entrepreneurs et les personnes influentes transitent. Mais Only Lyon s’appuie avant tout un réseau d’ambassadeurs. En effet, les partenaires d’Only Lyon ont fait le pari de mettre peu de moyens dans le budget communication en comptant sur les Lyonnais eux-mêmes pour faire la promotion de la ville. Le budget d’Only Lyon c’est aujourd’hui 1 million d’euros. Plutôt que d’acheter des espaces publicitaires ou de financer une campagne d’affichage de grande ampleur, le choix a été fait de mettre en place un réseau d’ambassadeur, d’entrepreneurs, d’acteurs du développement économique et du rayonnement de la ville amenés à voyager dans le cadre de leurs fonctions, pour porter l’image de la ville à l’international. Une soirée a eu lieu le 5 juillet 2007 à la Cité Internationale durant laquelle étaient appelés à la tribune des chefs d’entreprises ou d’institutions culturelles, des personnes de l’élite du milieu économique lyonnais pour parler des réussites lyonnaises, des atouts de la ville à l’international, de ses potentiels de rayonnement et d’attractivité. D’après le Grand Lyon : « 1300 cadres dirigeants et chefs d'entreprises - françaises et internationales - PME et grand groupes - se sont réunis le 5 juillet au Centre des Congrès de Lyon, à l'initiative du Grand Lyon et de ses partenaires, regroupés sous la bannière Only Lyon. La soirée a remportée un vif succès! 620 chartes d'adhésion ont été signées par les professionnels pour s'engager aux côtés de tous les acteurs économiques de l'agglomération lyonnaise dans la démarche ONLY LYON ». A l’issue de la présentation de la démarche Only Lyon, les nouveaux ambassadeurs ont reçu un kit contenant une clé USB avec la présentation d’Only Lyon et un « argumentaire 87 des ambassadeurs » . Ce document fournit à l’ambassadeur les dix éléments à retenir pour porter l’image de Lyon à l’étranger : Les témoignages de l’élite économique, culturelle ou politique de la ville comme Frédéric Turner, Directeur général de Genzyme France, Jean-Louis Crosia, Président de Mérial SAS, Bruno Allenet, Président du Club des Entrepreneurs, Stéfano Chmielewski, PDG de Renault Trucks, Vincent carry des Nuits Sonores, Renzo Piano, l’architecte du Centre des Congrès ou encore Jacques de Chilly, le directeur exécutif de l’Aderly, ou encore Gérard Collomb, vantant les atouts de Lyon auprès des ambassadeurs fraichement investis de la mission de porter l’image de Lyon à l’international dispose, tels des VRP fournissaient tous les arguments pour bien vendre la ville. 88 En effet, pour être ambassadeur, il faut adopter la « Only Lyon attitude » : 86 87 88 Entretien réalisé avec François Payebien, Direction marketing et stratégies économiques, Grand Lyon, 13/04/2007. « Argumentaire des ambassadeurs », voir annexe n°5. www.Lyon-business.org TOTA Barbara_2007 37 « Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs, entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement » « Le projet Only Lyon attitude consiste à recruter des ambassadeurs Only Lyon et à les munir des arguments pertinents et réactualisés, et des outils qu’ils seraient à même d’utiliser dans des décisions ou réflexions de localisation ou de création d’événements » Cette stratégie s’apparente à la communication de projet décrite par Daniel 89 Sperling comme une communication interactive, impliquant les acteurs du territoire. La communication de projet selon Sperling se situe dans le domaine de l’initiative politique, elle nécessite un projet global de la part des élus. Or, la démarche Only Lyon est une stratégie mise en place par les acteurs du développement de l’agglomération pour faire de Lyon une ville internationale, une ville attractive pour la hisser dans le cercle des villes européennes qui comptent. A travers cette démarche marketing, c’est donc un projet global qui est porté par le politique : le développement du territoire. Ainsi, grâce à la signature Only Lyon et à un plan marketing ciblé, le Grand Lyon et l’ensemble des partenaires de la démarche visent à renforcer la visibilité internationale de l’agglomération lyonnaise mais aussi à donner à la ville une image de ville internationale, de ville attractive. Au-delà des stratégies de communication, qui visent à faire savoir, à donner de la visibilité, les acteurs du développement du territoire semblent penser que 90 l’internationalisation et l’attractivité de Lyon passe par un travail sur son identité . En filigrane nous pouvons déceler à travers la démarche Only Lyon, au-delà de l’argumentaire et du catalogue des atouts de Lyon sur le marché international des villes, la volonté de donner à la Lyon l’identité et l’image d’une ville dynamique, attractive et internationale qui feront d’elle une grande métropole européenne qui compte. Chapitre 2 : L’identité du territoire comme outil de rayonnement Dans ce deuxième chapitre nous allons analyser, à travers la démarche Only Lyon, le processus de construction de l’identité de Lyon en nous demandant de quelle façon la stratégie mise en œuvre vise à produire du sens au territoire, à véhiculer des représentations sur la ville et en quoi cela représente une préoccupation pour les acteurs du développement du territoire. En effet, comme l’indique Jean-Michel Daclin, il faut désormais donner une dimension « identitaire » au rayonnement et à l’attractivité de Lyon, il faut mener une réflexion sur l’ « identité lyonnaise », donner de la consistance à une stratégie de 91 communication basée sur le raisonnement produit/cible . Ainsi dans un premier temps, nous étudierons l’identité comme processus de construction sociale et dans un deuxième temps, nous analyserons le rôle des acteurs du territoire dans ce dernier. 89 90 SPERLING (D.), Le marketing des territoires et des collectivités locales, Midia, 1995. Entretien réalisé avec Jean-Michel Daclin, Adjoint au Maire chargé du rayonnement et Vice-président du Grand Lyon chargé du rayonnement, Mairie de Lyon, 17/04/2007. 91 Entretien réalisé avec Jean-Michel Daclin, Adjoint au Maire chargé du rayonnement et Vice-président du Grand Lyon chargé du rayonnement, Mairie de Lyon, 17/04/2007. 38 TOTA Barbara_2007 Deuxième partie : Un territoire à vendre 1- L’identité en construction Only Lyon est présentée comme le moyen de réaliser l’ambition d’internationalisation de la ville, comme le moyen pour Lyon d’entrer dans le cercle des grandes métropoles européennes. Au sein de ce marché, « La compétition se joue bien sûr par les puissances des équipements le poids démographique, la concentration des fonctions stratégiques. Mais 92 elle se joue de plus en plus sur l’image » . L’image aurait donc quelque chose à voir avec le développement du territoire dans le sens où elle permettrait de séduire, attirer les investisseurs, visiteurs ou décideurs étrangers, les inviter à porter un regard intéressé sur la ville. Mais si la communication, on l’a vu avec la démarche Only Lyon vise à attirer, à séduire, à vendre le produit « Lyon » sur le marché international ou européen des villes par le biais de stratégies marketing suivant un raisonnement produit-cible, comment définit-on l’identité d’un territoire ? Existe-t-il une identité lyonnaise ? Quels sont les éléments constitutifs de l’identité de Lyon ? Est-ce que le territoire a une identité en soi, qui se donnerait à voir de façon naturelle ? Le dictionnaire encyclopédique Larousse définit l’identité comme « un caractère permanent et fondamental de quelqu’un, d’un groupe qui fait son individualité, sa singularité, qui le différencie des autres et permet qu’il se reconnaisse comme tel ». Cette définition 93 selon Dupoirier et Schajer souligne le caractère indifféremment individuel et collectif de l’identité une distinction qu’il s’agit donc de dépasser, la coexistence explicite du même et de la différence et l’idée de permanence associée à l’identité qui renvoie à l’expression d’Odile Rudelle qui définit l’identité comme « une sorte de savoir-vivre en commun accumulé par 94 le passé dont le présent hérite » . Il faut toutefois noter que dans son propos Elisabeth Dupoirier remet en cause la légitimation par le passé comme condition nécessaire à la reconnaissance d’une identité. Bourdieu fait la différence entre les éléments objectifs et subjectifs de l’identité d’un territoire. L’ascendance, le territoire, la langue, la religion, l’activité économique seraient des propriétés dites objectives de l’identité d’un territoire, à l’inverse, le sentiment d’appartenance, les représentations que les individus se font de la réalité sont des propriétés 95 dites subjectives de l’identité du territoire. Hélène Cardy fait un parallèle entre la théorie de Bourdieu et la théorie de Ricœur sur l’identité de soi et l’identité du même, deux notions qui selon Ricoeur définissent l’identité des personnes. L’identité du même serait l’identité au sens objectif du terme ; « elle se révèle à la suite d’un travail d’identification opéré essentiellement grâce à la méthode comparative, visant à dégager les traits pertinents qui 96 définissent x à la fois comme un et unique » . L’identité de soi concerne la forme subjective de l’identité de la personne au sens où elle s’identifie à une image d’elle-même mettant en jeu des éléments à la fois conscients et inconscients. 92 Document interne au Grand Lyon. La démarche Only Lyon s’est inspirée des travaux réalisés dans le cadre de « Lyon 2020 », une gouvernance prospective, elle-même issue de Millénaire 3 mise en place par Raymond Barre, dont l’objectif est de réfléchir aux « emblèmes » qui font l’identité de Lyon (fleuve, gastronomie…). 93 DUPPOIRIER (E.), SCHAJER (D.), « L’identité régionale, problèmes théoriques, perspectives politiques », dans CHEVALLIER (J.) (dir.), L’identité politique, CURAPP, CRISPA, PUF, 1994. 94 95 96 RUDELLE (O.), « La tradition républicaine », Pouvoirs, la tradition politique n°42, PUF, 1987. CARDY (H.), Construire l’identité régionale, la communication en question, Paris, L’Harmattan, 1997. NOIRIEL (G.), « L’identité nationale dans l’historiographie française » dans CHEVALLIER (J.) (dir.), L’identité politique, CURAPP, CRISPA, PUF, 1994. TOTA Barbara_2007 39 « Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs, entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement » 97 Ainsi, pour Hélène Cardy : « Même si leur présentation, leur caractérisation présentent quelques différences formelles, ces deux dimensions de l’identité personnelle correspondent bien aux catégories définies par Pierre Bourdieu. L’identité du même reprend la dualité des éléments objectifs qui, d’un côté, suscitent l’adhésion autour d’éléments communs d’une population donnée, et de l’autre impliquent que le groupe ainsi formé se différencie par sa cohérence, des groupes voisins. L’identité de soi relève aussi de la subjectivité, terme auquel se rattache le sentiment d’appartenance ». Alain Mons, quant à lui, définit le territoire comme un lieu à l’intérieur duquel les images 98 s’organisent , ce sont les images qui deviennent le moteur de communication visant à donner une identité au territoire. Ceci permet d’insister sur le rôle des politiques de communication telles qu’Only Lyon transformant l’espace en territoire, c’est-à-dire « un espace susceptible de recevoir et d’envoyer des éléments signifiants ». Il semblerait donc que les stratégies de communication, entre autres politiques publiques, visent à produire des images, des représentations rattachées à un territoire, en d’autres termes à construire l’identité de ce territoire. Ainsi, Braudel disait que l’identité est 99 100 « une suite d’interrogations sans fin » et Baugnet que « parce que l’identité est un processus sans cesse remis en chantier de construction et de restructuration permanentes où s’entremêlent les fils de l’individuel et du collectif, elle est vouée à être instable, labile ». Nous serions donc dans l’erreur si nous envisagions l’identité d’un territoire, notamment celle de Lyon, comme un concept bien déterminé. Nous pensons qu’il est nécessaire de s’intéresser à la manière dont l’identité lyonnaise est construite et utilisée par les acteurs du développement du territoire et en particulier par le Grand Lyon à travers Only Lyon. En effet, si nous nous accordons à penser que l’identité de Lyon est une identité construite, nous pouvons nous demander quelle identité à travers Only Lyon les acteurs du développement du territoire tendent à produire et à véhiculer. Une analyse des discours tenu par les acteurs des institutions et instances partenaires de la démarche Only Lyon pourrait à ce stade nous éclairer sur le processus de construction de l’identité de l’agglomération 101 lyonnaise . Dans un entretien dans l’Echo parlementaire de juillet 2007, Guy Mathiolon, Président de la CCI de Lyon dit que : « […] Lyon est devenue une ville extrêmement attractive pour sa vie culturelle et nocturne. A l’origine la ville est réputée pour son tourisme d’affaires, mais nous voyons de plus en plus de visiteurs revenir en famille, notamment pour les grandes manifestations comme la Fête des Lumières, les deux biennales ou encore les nuits sonores. Sans parler de la réussite de l’Olympique Lyonnais… C’est pour cela que je suis très attaché à l’opération « Only Lyon » car à travers une opération comme celle-ci, le territoire devient plus séduisant et attire ainsi des investisseurs donc des emplois ». 97 98 99 100 101 CARDY (H.), Op. Cit. MONS (A.), La métaphore sociale, Paris, PUF, 1992. BRAUDEL (F.), L’identité de la France, Paris, Flammarion , 1990. BAUGNET (L.), Métamorphoses identitaires, Bruxelles, Presses interuniversitaires européennes, 2001. Il faut toutefois noter qu’une telle analyse de discours mériterait un travail plus approfondi, faisant l’objet d’une étude à part entière, nous en avons conscience et nous nous en excusons par avance auprès des lecteurs qui auraient souhaité que nous allions plus loin. 40 TOTA Barbara_2007 Deuxième partie : Un territoire à vendre Dans le dossier de presse du lancement de la démarche Only Lyon on parle de « nouvelle identité », de « nouveau modèle européen », ou encore de « l’expression 102 d’une nouvelle ambition ». Selon le directeur de l’Aderly , Lyon avait la réputation d’être repliée sur elle-même, les entrepreneurs ne montraient pas leur réussite, c’était la devise « pour vivre heureux, vivons cachés » qui prédominait. D’après lui, les choses changent et aujourd’hui les lyonnais montrent, affichent leur ambition, leur volonté de progresser et n’ont plus peur d’employer les termes de compétitivité et de performance. Gérard Collomb fait souvent le parallèle entre Lyon et Vichy. En effet, d’après lui, Lyon est devenue une ville qui bouge, une ville vivante, elle est passée d’une réputation de belle endormie à une ville où il se passe des choses. La comparaison qu’il fait souvent avec Vichy vise à mettre en exergue la différence entre les deux villes ; une ville où il ne se passerait rien et une ville effervescente. Ainsi, de notre enquête de terrain, nous pouvons relever de la part des acteurs du développement du territoire une volonté de rompre avec l’image d’une ville froide, endormie, repliée sur elle. A l’inverse, ils prônent le changement, nous avons le sentiment, en écoutant les discours, en lisant les plaquettes de présentation ou les dossiers de presse qu’une ère nouvelle commence, que Lyon s’éveille, prend un nouveau virage, celui de la modernité et du dynamisme. 103 C’est ce que Jean-Louis Marie appelle la symbolique du changement . Pour lui, « Étudier la symbolique du changement dans les villes moyennes revient donc à étudier les modalités et les conditions dans lesquelles les détenteurs du pouvoir municipal exercent un pouvoir symbolique ». Il va démontrer « comment le changement devient un thème majeur, comment il produit des images décisives dans les stratégies de pouvoir parce qu’il fait l’objet d’un travail permanent de la part des élus qui, en recourant à diverses formes symboliques cherchent à imposer dans la population des représentations, des visions du devenir de la société locale ». De la même manière Georges Balandier note que : « Le thème du changement devient lui-même une composante majeure servant ou contestant le pouvoir, dans des versions concurrentes ou opposées : celles d’une modernité sans rupture, d’une déconstruction révolutionnaire, d’une création continue d’un nouveau type de société. Aucun des acteurs politiques confrontés ne peut ignorer le fait que le changement est générateur d’images jouant un rôle décisif dans les stratégies de pouvoir. Cette accentuation, qui impose aux responsables en place et aux prétendants de paraître sous la figure du meilleur conducteur du changement, n’exclut pas le maintient d’images 104 permanentes » . Si Balandier met en rapport le thème du changement avec celui de la continuité, il pose le fait, tout comme Marie, que la symbolique du changement dans le discours des élus ou les candidats, que l’on peut étendre dans notre cas aux discours des dirigeants, de l’élite locale, est un enjeu de pouvoir. 105 Pour Bernard Lamizet , le concept d’identité est également lié à celui de pouvoir. Il faut pour construire une identité, véhiculer des représentations, avoir le pouvoir de l’exprimer. 102 103 Entretien réalisé avec Jacques de Chilly, Directeur exécutif de l’Aderly, Palais du commerce, Lyon, le 10/07/07. MARIE (J-L), « La symbolique du changement », dans MABILEAU (A.), SORBETS (C.), (dir.), Gouverner les villes moyennes, CNRS, Pedone, 1989. 104 105 BALANDIER (G.), Le pouvoir sur scène, Paris, Balland, 1980. LAMIZET (B.), Politique et Identité, Lyon, Presses universitaires de Lyon , 2002 TOTA Barbara_2007 41 « Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs, entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement » 106 De la même manière, Jacques Chevallier pense qu’il est vain de chercher à isoler dans l’identité ce qui relève spécifiquement du politique, mais encore que la question de l’identité doit être considérée comme politique par essence. Il ajoute que « loin d’être une donnée immuable, reposant sur un ensemble d’éléments « objectifs » et s’imposant aux individus, l’identité à tous les aspects d’une construction sociale : enjeu de lutte entre les différents acteurs sociaux qui s’affrontent pour sa définition, elle apparait comme le produit contingent et évolutif de leur confrontation ». Ainsi, nous pouvons observer sur notre terrain que les partenaires et les acteurs de la démarche Only Lyon font partie de l’élite soit politique, soit économique, soit culturelle de l’agglomération lyonnaise. Les douze partenaires sont des organisations qui jouissent d’un certain pouvoir à l’échelle locale, essentiellement un pouvoir de représentation comme le Medef, la CGPME ou la CCI mais aussi d’un pouvoir exécutif, ce qui est le cas du Grand Lyon. Tous ces acteurs peuvent exprimer une certaine identité de Lyon, celle qu’ils souhaitent donner à la ville. Il s’agit là de leurs représentations du territoire qu’ils délivrent. Le Lyon du président de la CGPME ou du Grand Lyon n’est certainement pas le même qu’un lyonnais habitant la Guillotière ou encore la Croix-Rousse, qu’un lyonnais professeur d’EPS dans un collège ou encore d’un agent de la propreté au Grand Lyon. La définition de l’identité de Lyon apparait comme un révélateur des rapports sociaux, des relations de pouvoir. Il serait par ailleurs intéressant de noter les rapports de pouvoir ou de domination qui peuvent exister à l’intérieur du groupe des douze partenaires définissant une certaine identité lyonnaise. Pour ce faire, il faudrait mener une véritable enquête d’immersion au sein de ce groupe restreint et relativement fermé. Cependant, de nos entretiens et des différents documents en notre possession, il apparait que le Grand Lyon, principal contributeur financier occupe une place prépondérante dans les prises de décisions concernant la stratégie de communication mise en place à travers la démarche 107 Only Lyon. Ainsi, Gérard Collomb aurait tranché pour le choix du logo . Il ressort de notre enquête, appuyée par les travaux scientifiques, que l’identité n’est pas une donnée immuable mais est le produit d’un processus de choix et d’expressions de représentations du réel par les acteurs sociaux. L’identité est donc un construit social qui révèle des enjeux sociaux. En effet, les représentations symboliques, les images du territoire sont choisies, exprimées, mises en scène et font l’objet de politiques et de stratégies par ceux qui détiennent le pouvoir, qu’il soit économique, culturelle ou politique. 2- Les acteurs vecteurs d’identité du territoire L’identité du territoire est donc étroitement liée aux acteurs de ce même territoire. A travers la démarche Only Lyon, nous allons voir comment s’articulent les notions d’individu et d’identité lyonnaise. Autrement dit, nous nous demanderons quelle est la place des acteurs dans la construction de l’identité du territoire et comment le politique s’appuie sur les relations sociales pour construire une identité lyonnaise dans l’objectif de faire de la ville une grande métropole européenne. Comme nous l’avons dit précédemment, la démarche Only Lyon s’appuie sur un réseau d’ambassadeurs. Ces derniers ont reçu un argumentaire et ont été « briefés » sur le produit 106 107 CHEVALLIER (J.) (dir.), L’identité politique, CURAPP, CRISPA, PUF, 1994. Entretien réalisé avec Christophe Cizeron, Directeur de Cabinet de Gérard Collomb et conseiller technique en charge du développement économique, Grand Lyon, 26 juin 2007.Cependant, il est à noter que d’après le directeur de l’Aderly, il n’y a eu aucun contentieux concernant le choix du logo. Par ailleurs il semblerait que la CCI regrette le choix de ce dernier ressemblant trop fortement au logo actuel de la communauté urbaine. 42 TOTA Barbara_2007 Deuxième partie : Un territoire à vendre « Lyon ». Leur mission est de porter les couleurs de Lyon à travers le monde, à la manière de véritables ambassadeurs de la République, d’émissaires envoyés répandre la bonne image de Lyon, vanter ses atouts et ses spécificités au-delà des frontières de la ville. C’est sur ce lien entre territoire et acteurs qu’Henry Bakis a porté ses travaux. Il différencie le territoire de l’espace géographique. Selon lui, « le territoire diffère de l’espace géographique car il est marqué par la société qui l’habite. C’est l’intervention de cette société 108 qui lui donne tout son sens » . Bakis cite Knight, selon qui le territoire n’existe pas en soi, il est passif et ce sont les actions humaines qui lui donnent sens. Ainsi l’objectif d’Only Lyon est de faire des ambassadeurs des vecteurs d’image et de représentations. Ces images et ces représentations qu’ils véhiculent seront associées au territoire. Les victoires des joueurs de l’OL sont étroitement attachées au territoire, à la ville de Lyon, de la même manière, les avancées scientifiques des laboratoires Mérieux sont assimilées à Lyon. Ce sont donc bien les acteurs et leurs actions qui donnent du sens au territoire. Si l’OL perd, c’est la ville qui est en berne, à l’inverse quand les Lyonnais participent à la Fête des Lumières, c’est à travers le monde, l’image d’une ville vivante et festive qui est véhiculée. Les ambassadeurs, part leurs activités, leurs réussites, leurs performances économiques ou le chiffre d’affaire de leur entreprise, véhiculent du sens, du sens qui est donné au territoire sur lequel ils sont installés, auquel ils s’identifient et auquel nous les identifions. En effet, pour assimiler les représentations véhiculées par les acteurs au territoire il faut qu’il y ait une identification de ces derniers à la ville. Il faut qu’on les reconnaisse comme lyonnais à l’étranger, mais qu’eux aussi se revendiquent Lyonnais au-delà des frontières de la ville. Only Lyon, mais également la délégation parisienne du Grand Lyon à travers le recensement des « Lyonnais d’ailleurs » visent à créer un sentiment d’appartenance et de fierté au territoire. C’est, en effet, l’objectif de la délégation parisienne du Grand Lyon : « Faire en sorte que les quelques 20 000 Lyonnais de paris recensés dans les 20 arrondissements de la capitale - l’équivalent de la population du IIè arrondissement de Paris - renouent avec leur agglomération d’origine, puissent en suivre les évolutions et y puisent 109 des raisons d’en promouvoir l’image » . Ainsi depuis 2002, la délégation mène des actions à destination de ces Lyonnais exilés visant à les séduire et à susciter chez eux une certaine fierté d’être Lyonnais : « Le plus souvent possible, les expositions présentées à la délégation parisienne offrent une déclinaison parallèle d’une manifestation ayant lieu au même moment à Lyon, afin d’en accroitre l’impact local. C’est une sorte de « produit d’appel » dont les tests ont montré l’efficacité, soit qu’il conduise des Lyonnais de Paris à se rendre à Lyon pour découvrir l’intégralité des œuvres dont ils n’ont vu qu’une partie à Paris, soit qu’il amène nos visiteurs à promouvoir auprès de leur famille ou de leurs amis l’événement en question. […] Les Lyonnais de Paris sont aussi conviés deux fois par an à se rendre à Lyon à l’occasion d’une manifestation phare : 8 décembre, festival, grande exposition ou spectacle…L’objectif est alors de leur permettre non seulement d’être des relais de l’événementiel auquel ils auront assisté mais également les témoins des changements observés dans l’agglomération ». 108 109 BAKIS (H.), « La banalisation des territoires en réseaux », Netcom, avril 1990. Rapport d’activité de la délégation parisienne du Grand Lyon 2002-2006, voir annexe n°9. TOTA Barbara_2007 43 « Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs, entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement » L’objectif est donc clairement affiché de faire des Lyonnais installés à Paris des vecteurs de l’identité de Lyon. C’est en recréant le lien entre les Lyonnais exilés et la ville, que la Délégation parisienne du Grand Lyon vise à créer un sentiment d’appartenance mais surtout un sentiment de fierté d’être identifié comme Lyonnais par ses amis et ses relations. De la même manière, la stratégie mise en place à travers la démarche Only Lyon cherche à créer un sentiment d’appartenance et de fierté à être Lyonnais. Tout d’abord, auprès des ambassadeurs qui véhiculent l’identité du territoire voulue par les douze partenaires de la démarche Only Lyon. La Garden Party du 5 juillet 2007 visant à rassembler les ambassadeurs Only Lyon était particulièrement éclairante à ce sujet. Les ambassadeurs étaient traités comme des privilégiés, chouchoutés et faisaient l’objet de toute l’attention des organisateurs. Le sentiment de fierté des ambassadeurs, distinguables soit par un badge ou par le fait qu’ils tenaient entre leurs mains un kit de l’ambassadeur (clé usb et argumentaire de l’ambassadeur), était presque palpable. Après la présentation d’Only Lyon et des différentes interventions, lors du cocktail, il y avait un jeu de regard entre les participants à la manifestation, qui observaient ou même parfois interpellaient directement leur interlocuteur afin de savoir si ce dernier faisait parti du « club » des ambassadeurs. Le Grand Lyon et les partenaires de la démarche ont su créer une certaine exclusivité, une rareté du statut d’ambassadeur et un privilège de le devenir, créant de fait, la fierté des membres inscrits sur la liste des ambassadeurs Only Lyon qui sera ensuite rendue publique. L’objectif de la démarche Only Lyon est également de favoriser un sentiment d’appartenance de tous les Lyonnais au territoire. Ainsi Gérard Collomb dit en parlant d’Only Lyon : « Je souhaite que chaque Lyonnais puisse s’approprier petit à petit cette bannière Only Lyon afin d’exprimer fierté et sentiment d’appartenance à cette communauté de destin, 110 qu’est désormais et sera encore plus demain, notre agglomération » . Par ailleurs une campagne de communication et d’affichage sur la démarche Only Lyon a été réalisée sur le territoire lyonnais, à destination des habitants. René Rizzardo pose le problème de la nature des actions dans le processus d’identification des individus au territoire : « Une activité qui ne mobilise qu’une partie de la population peut-elle néanmoins être revendiquée par l’ensemble de la collectivité ? La question admet des réponses différentes selon la nature de ces activités. Le prestige d’une équipe de football, par exemple, s’étend à l’ensemble des habitants de la ville qui finance cette équipe, qu’ils aient ou non jamais tapé dans un ballon. En revanche, la mise au point de techniques médicales de pointe par une équipe locale renforce le prestige de la ville mais la compétence internationale reconnue des médecins ne bénéficient pas à tous les habitants, notamment à ceux qui sont par trop éloignés du champ du savoir. La valeur d’un attribut dépend de la relation entretenue avec cet attribut et de la faculté que les agents ont, ou n’ont pas, de se l’approprier de façon crédible. Si l’objectif est de donner aux habitants une vision positive et consensuelle d’euxmêmes, on peut douter qu’il soit réellement atteint ». Cette mise en garde pourrait parfaitement s’appliquer à la démarche Only Lyon. En effet, il est permis de douter de l’appropriation de la compétitivité du territoire, de ses atouts à l’international, de son rayonnement et de son développement économique, par l’ensemble des Lyonnais qui peuvent être davantage préoccupés par le ramassages des ordures 110 44 Grand Lyon Magazine, avril 2007, n° 19, voir annexe n°6. TOTA Barbara_2007 Deuxième partie : Un territoire à vendre ménagères, par la propreté des trottoirs ou encore par des problématique de déplacements au sein de l’agglomération. Toutefois, la démarche Only Lyon vise principalement l’élite du territoire, les acteurs de son rayonnement et de son développement économique et culturel. La démarche, à travers le réseau d’ambassadeurs, vise à créer pour reprendre le concept de Marcel Roncayolo 111 un « patriotisme citadin » , c’est-à-dire à la fois un sentiment d’appartenance et le souci d’entretenir une distinction entre sa ville et les autres villes : « Le patriotisme citadin est assurément une idéologie et souvent utilisée, sinon créée, par les classes ou les élites dirigeantes ». Only Lyon vise à constituer un réseau, une sorte de club, au sein duquel les acteurs se sentent privilégiés, investis d’une mission, bénéficiant de la confiance et de la reconnaissance des acteurs du développement du territoire, créant ainsi un sentiment de fierté et d’identification de ces ambassadeurs au territoire, ces derniers pouvant dès lors être considérés comme des vecteurs de l’image de Lyon à travers le monde. Conclusion de la deuxième partie : La démarche Only Lyon est donc une démarche marketing visant rendre compétitif le territoire sur le marché des villes européennes et internationales, en donnant à la ville de Lyon un positionnement et une visibilité sur ce marché. L’objectif est d’assurer le développement de la ville et son rayonnement, car en étant visible et en répondant aux attentes du marché, le territoire attirera les investisseurs et les décideurs nécessaires à son développement économique. La démarche marketing répond bien au contexte concurrentiel dans lequel souhaite s’engager les acteurs du développement de la ville, un contexte qui suppose de la concurrence et au sein duquel, le marketing est envisagé comme un outil de vente et d’attractivité. Mais les douze partenaires de la démarche Only Lyon et peut être plus encore le politique souhaitent donner de la consistance à cette stratégie de vente. Ainsi, l’identité est pensée comme un élément de rayonnement du territoire. Comme nous l’avons démontré, grâce à notre enquête de terrain et aux apports théoriques des différents travaux académiques sur le sujet, l’identité n’est pas une donnée naturelle, elle est à l’inverse un construit social. Only Lyon s’appui ainsi largement sur les acteurs du territoire pour produire l’identité de la ville. En effet, l’enjeu est de créer un sentiment d’appartenance et d’identification des ambassadeurs au territoire, mais aussi une fierté d’être identifié comme Lyonnais et de se revendiquer comme étant Lyonnais à l’extérieur. C’est cette identification et ce sentiment de fierté d’appartenance individuels qui font que les images et représentations dont sont porteurs les acteurs se transposent au territoire. Ainsi, l’étude des processus de production de l’identité révèle les rapports sociaux et les enjeux de pouvoirs. En effet, pour exprimer une identité, il faut détenir un certain pouvoir, nous l’avons vu ici, il s’agit des pouvoirs économiques, culturels et politiques. La force de la démarche Only Lyon réside certainement dans le fait que cette dernière rassemble les trois pouvoirs autour d’un projet et d’objectifs communs. 111 RONCAYOLO (M.), La Ville et ses territoires, Paris, Gallimard, 1990. TOTA Barbara_2007 45 « Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs, entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement » Troisième partie: « La gouvernance lyonnaise » Introduction : « Pour gagner la bataille de la concurrence internationale, nous avons décidé de rassembler, de fédérer, de créer des synergies. La méthode grand-lyonnaise consiste à dépasser les clivages pour tisser les liens qui seront utiles, demain, à notre territoire. L’enjeu pour le Grand Lyon est de conforter sa capacité à se distinguer, à se différencier afin de séduire les décideurs et attirer les entreprises, emplois, compétences et richesses. Pour porter cette ambition, le Grand Lyon et 12 des acteurs majeurs du développement de notre agglomération ont travaillé ensemble pour doter notre territoire d’une signature 112 internationale : ONLYLYON ». Telle est la manière dont Gérard Collomb décrit la démarche Only Lyon. Tout comme lui, les acteurs de la démarche font régulièrement appel aux notions de gouvernance et de « savoir-faire ensemble » pour vanter les mérites de la nouvelle signature internationale. Christian Lefèvre critique l’utilisation abusive du concept par les acteurs du développement du territoire : « Il y aurait une équation magique qui ferait qu’une « bonne gouvernance » constituerait 113 un atout pour rendre une métropole compétitive » . Depuis quelques années, le concept de gouvernance semble être entouré d’un halo vertueux. La gouvernance qualifiant les modes de régulation de l’action publique devient une solution miracle, un concept clé répondant de manière quasi-systématique et naturelle à toutes les questions que soulèvent d’action collective. Ainsi, Le Monde du 5 juillet 2007 114 titre son édito « Gouvernance » . Or, cet article n’explique pas ce qu’est la gouvernance, ni ce que le Président du directoire fraichement élu entend par là. Mais l’article laisse supposer qu’à travers la mise en place d’une « gouvernance », Pierre Jeantet va régler les problèmes du journal. La solution pour l’avenir du journal ne réside pas tant dans la personne que dans la méthode. Dans le cas de notre étude de terrain, le constat d’un recours récurrent à la rhétorique de la gouvernance dans le discours des acteurs du territoire, et plus particulièrement du politique, soulève de nombreuses questions. Nous ne nous servirons pas ici du concept de gouvernance comme grille d’analyse, mais à l’inverse, à travers Only Lyon, nous nous 112 Grand Lyon Magazine, avril 2007, n° 19, voir annexe n°6. 113 LEFEVRE (C.), « Métropole : la bonne gouvernance en question », Revue Urbanisme, Hors-Série n°29, novembre- décembre 2006. 114 46 Le Monde.fr, mis à jour le 05/07/07 à 15h01. TOTA Barbara_2007 Troisième partie: « La gouvernance lyonnaise » intéresserons à la gouvernance comme objet de politiques publiques. En effet, nous nous demanderons pourquoi la gouvernance est tant utilisée, pourquoi le savoir-faire ensemble apparait régulièrement dans les discours, à qui profite ce procédé rhétorique ? Est-ce que ce dernier est suivi dans les faits ? Comment se concrétise l’ouverture du politique sur la société civile ? Qui pilote ? Qui décide ? Qui contrôle ? Autant de questions auxquelles nous allons tenter de répondre à travers notre enquête. Il faut toutefois noter que le matériau à partir duquel nous travaillons est essentiellement issu de nos entretiens et de l’observation de manifestations. Pour saisir les enjeux cachés des relations sociales dans le cadre d’Only Lyon, notre enquête mériterait, de s’immerger et se s’intégrer dans ce dernier sur un plus long terme, ce que nous n’avons pu faire dans le cadre de ce premier travail de recherche. Cependant, l’intérêt de notre étude réside dans le fait qu’elle nous permet de vérifier sur notre terrain certaines hypothèses formulées dans le champ académique et d’ouvrir des pistes de recherche pour d’éventuels travaux futurs. Dans cette dernière partie nous nous appuierons donc sur les travaux réalisés par Le Galès, par Jouve et Lefèvre sur la gouvernance. Nous l’avons vu, dans un article publié dans la Revue française de science politique 115 en 1995, Le Galès oppose la notion de gouvernance à celle de gouvernement. Dans cet article, l’auteur se sert du concept de gouvernance pour acter les transformations des processus de régulation de l’action publique. Pour lui, la gouvernance renvoie à une organisation plus complexe du pouvoir que le gouvernement, qui est une conception institutionnelle de l’action publique, il envisage donc la ville comme un acteur collectif. Jouve et Lefèvre pensent le rôle particulier du politique au sein de la gouvernance dans les termes 116 de « projet collectif, domination et leadership » en se posant la question de savoir qui gouverne et qui a intérêt à rassembler, à créer du consensus. Dans une première partie nous analyserons l’utilisation du concept de gouvernance par les acteurs d’Only Lyon en centrant notre analyse sur l’utilisation par le politique, c’est-àdire le Grand Lyon et Gérard Collomb. Dans une deuxième partie nous tenterons d’analyser les enjeux sociaux, les rapports de domination et de leadership qui se jouent dans le cadre de la démarche Only Lyon Chapitre 1 : Les propriétés vertueuses de la gouvernance Dans ce chapitre, afin de mieux comprendre comment le concept de gouvernance est utilisé par le politique nous reviendrons dans un premier temps sur la genèse d’Only Lyon et dans un deuxième temps nous analyserons le recours à la méthode du « savoir-faire ensemble » dans les discours et la mise en scène de la gouvernance à travers la démarche marketing Only Lyon. 1- Histoire d’Only Lyon : 115 116 LE GALES (P.), Politique urbaine et développement local : une comparaison franco-britannique, Paris, L’Harmattan, 1993. JOUVE (B.), LEFEVRE (C.), « De la gouvernance urbaine au gouvernement des villes ? Permanence ou recomposition des cadres de l’action publique en Europe », Revue française de science politique, 1999. TOTA Barbara_2007 47 « Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs, entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement » La légende dit que l’idée d’une signature commune est née lors d’un déplacement d’une délégation composée d’entrepreneurs, des chambres consulaires et autres acteurs du rayonnement et du développement économique de la ville, emmenée par le Grand Lyon à Pékin, du 7 au 14 juin 2005. Mais à y regarder de plus près, l’idée d’une signature internationale a été pensée quelques années auparavant et s’appuie sur des structures de gouvernance économique mises en place bien avant le lancement de la nouvelle « marque lyonnaise », le 30 janvier 2007. Pour Christophe Cizeron, Directeur de cabinet de Gérard Collomb au Grand Lyon et Conseiller technique en charge du développement économique, Only Lyon est « le résultat de la mise en place, depuis six ans, d’une politique de développement économique basée, 117 en partie, sur la gouvernance » . Dans un document de travail visant à émettre des propositions d’actions dans le cadre du Schéma de Développement Economique de l’agglomération lyonnaise (SDE) datant de décembre 2000, il existe déjà une « fiche-action » préconisant d’amplifier les campagnes de communication ciblées à l’international : « Le marketing international passe par la valorisation de notre image dans les grandes métropoles, notamment en améliorant l’articulation entre tourisme et économie. La lisibilité internationale est un facteur clé de la compétitivité du territoire. Ces campagnes de communication doivent s’appuyer naturellement sur nos points forts habituels et en les adaptant aux attentes des cibles. Cette initiative suppose une élaboration fine de la stratégie définissant les publics cibles et les segments d’activités que l’on souhaite valoriser afin d’éviter la dispersion des impacts de communication ». Nous retrouvons ici, dans les grandes lignes, la stratégie marketing d’Only Lyon : le raisonnement produit-cible, le lien entre rayonnement, attractivité et développement économique et la nécessité de mettre en place une politique de communication ciblée pour faire de Lyon une grande métropole européenne. Par ailleurs, ce document de préconisations du SDE comporte une fiche-action visant à « mettre en réseau les acteurs » afin de « renforcer l’animation économique et l’ingénierie 118 territoriale » . Only Lyon découle donc du SDE de l’agglomération lyonnaise élaboré en 2000 : « Au niveau européen, la concurrence entre métropoles pour attirer et conserver les richesses, activités et savoirs s’intensifie. Des études de comparaisons internationales et l’analyse des forces et faiblesses de Lyon ont mis en évidence : une notoriété insuffisante, au regard du poids économique de Lyon ; une communication éparse portée par des entités différentes, qui a pour effet de brouiller sa visibilité. Partant de ces constats, le groupe de gouvernance « Grand Lyon l’Esprit d’Entreprise » du 26 juin 2006 a validé un plan marketing visant à mobiliser l’ensemble des acteurs 119 économiques lyonnais […] » . 117 Entretien réalisé avec Christophe Cizeron, Directeur de Cabinet de Gérard Collomb et conseiller technique en charge du développement économique, Grand Lyon, 26 juin 2007. 118 119 Fiche action du SDE, décembre 2000 : « mettre en réseau les acteurs », voir annexe n°7. Rapport d’activité 2006 des actions économiques du Grand Lyon, Délégation Générale au développement économique et à l’international, voir annexe n°4. 48 TOTA Barbara_2007 Troisième partie: « La gouvernance lyonnaise » C’est en 1997, sous Raymond Barre, qu’Henry Chabert, alors Vice-président de la communauté urbaine en charge de l’urbanisme et Président de l’Agence d’Urbanisme de l’agglomération lyonnaise, lance le Schéma de Développement Économique réunissant les instances patronales, les chambres consulaires ainsi que des chefs d’entreprises afin de « définir le cadre général de l’action économique de l’agglomération : ses priorités, ses 120 objectifs, les institutions qui la mette en œuvre… » . Dès 1997, les notions de partenariat, de mise en réseau, d’ouverture sur la société civile guident l’action économique du Grand Lyon. En 1997, Henry Chabert, Vice-Président du Grand Lyon chargé de l’urbanisme et Président de l’Agence de l’Urbanisme écrit : « La gestion de l’intérêt général peut s’effectuer de manière autoritaire et centralisatrice : la France a déjà beaucoup pâti de cette vision messianique ! Pour sortir de cette approche technocratique où les acteurs ne se sentent guère concernés, la Communauté urbaine de Lyon, sous l’autorité de son Président, Raymond Barre, a lancé des projets s’appuyant sur la concertation et la responsabilisation de la société civile. Le SDE s’inscrit dans cette perspective partenariale : il s’agit d’un véritable plan stratégique territorial qui a pour but de favoriser la création de richesses et d’emplois en renforçant les synergies entre les investissements de la collectivité et ceux des entrepreneurs. […] Le SDE s’appuie sur une méthode fondamentalement participative. Initié par la collectivité, mené conjointement avec les institutions représentatives du monde économique -CCIL, chambre des métiers, Gil-Medef Lyon-Rhône, CG PME-PMI - qui ont un rôle de facilitateur, le SDE existe avant tout pour les entreprises et par les entreprises. Renforçant la coopération entre les entreprises et la collectivité locale, il s’affirme ainsi comme une pratique innovante de « gouvernance territoriale », c’est-à-dire plus souple et plus sensible aux attentes des chefs d’entreprise ». Jusqu’en 2001, le SDE est piloté par l’Agence d’urbanisme de l’agglomération lyonnaise et la Communauté Urbaine avec l’appui du cabinet de conseil Algoé. C’est à l’arrivée de Gérard Collomb à la tête de la Mairie de Lyon et du Grand Lyon, que le SDE se transforme en « Grand Lyon l’Esprit d’Entreprise » (GLEE). Comme pour Only Lyon, les grandes orientations de la politique économique mise en place depuis 2001 par Gérard Collomb a été élaborée dès 2000 dans le cadre du SDE. Il est d’ailleurs intéressant de noter que le responsable du projet au sein du cabinet de conseil Algoé était Christophe Cizeron, celui qui a rejoint le cabinet de Gérard Collomb en 2002 au poste Conseiller technique en charge du développement économique et deviendra en 2004 Directeur de cabinet. Ainsi, à partir de 2003, GLEE conduit à la mise en place d’un « groupe de gouvernance » 121 réunissant, deux à trois fois par an , les présidents des cinq institutions fondatrices (Grand 122 Lyon, Gil-Médef Lyon-Rhône, CGPM, CCI et chambre des métiers ) et un directoire 123 réunissant les directeurs généraux toutes les six semaines . Les cinq Présidents réunis 120 HEALY (A.), « La métropolisation comme outil de légitimation : genèse d’une action économique portée par la communauté urbaine de Lyon », dans BACHELET (F.), MENERAULT (P.), PARIS (D.), (Dir.) , Action publique et projet métropolitain, Paris, L’Harmattan, 2006. 121 HEALY (A.), « La métropolisation comme outil de légitimation : genèse d’une action économique portée par la communauté urbaine de Lyon », dans BACHELET (F.), MENERAULT (P.), PARIS (D.), (Dir.) , Action publique et projet métropolitain, Paris, L’Harmattan, 2006. 122 123 Depuis 2005, le PUL a rejoint GLEE. HEALY (A.), Op. Cit. TOTA Barbara_2007 49 « Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs, entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement » au sein du Groupe de Gouvernance élaborent la stratégie, ce qui consiste à « définir 124 la stratégie, valider les grandes orientations, décider des nouvelles actions » . Le Directoire quant à lui a pour mission de porter la stratégie c’est-à-dire : « vérifier et garantir l’avancement des projets en cours, valider les décisions, proposer de novelles 125 pistes d’actions » . Six axes prioritaires ont été définis : « entreprendre et développer », « régénérer et innover », « choisir pour se spécialiser », « le marketing territorial », 126 « l’aménagement du territoire » et « le développement durable » . Pour chacun de ces axes, un pilote a été désigné chargé « d’assurer la coordination et garantir la cohérence des actions sur chacun des axes ». Par ailleurs, un pilote et un comité de pilotage ont été mis en place pour chacune des 22 actions définies dans le cadre du SDE, devenu GLEE en 2003, afin de déployer et de « coordonner l’action, de mobiliser les acteurs et d’évaluer 127 les résultats » . Ainsi, le SDE, puis GLEE, ont été le cadre depuis 1997 d’une transformation de la régulation de l’action publique avec la mise en place d’une gouvernance économique. L’objectif de ces instances est d’instaurer un lieu permanent de discussion entre la communauté urbaine, les entrepreneurs et les institutions du territoire œuvrant pour le développement économique, dans une logique de partenariat. Selon Aisling Healy : « La notion de gouvernance, telle qu’elle est définie scientifiquement, entend rendre compte, dans un contexte de globalisation, de l’émergence de politiques urbaines directement liée à une capacité à générer des relations entre acteurs publics et privés, capacité discriminante permettant d’expliquer pourquoi certains territoires se développent 128 mieux que d’autres (Le Galès, 2003) » . Pour Platon, ces liens entre acteurs privés et publics sont également capitaux pour s’occuper de la chose publique : « Il est impossible d’administrer correctement les affaires 129 de la Cité sans amis, sans partisans fidèles » . 2- La mise en scène de la gouvernance Dans un document interne au Grand Lyon présentant GLEE, la gouvernance y est définie comme une « démarche collective permettant d’instaurer des mécanismes de dialogue et d’action entre des acteurs publics et privés, pour plus de performance économique du territoire ». Ainsi, l’on retrouve des éléments de la définition scientifique de la gouvernance réappropriée par le politique. En effet, la gouvernance, ou plutôt la capacité du politique à 124 125 126 127 128 Document interne au Grand Lyon Document interne au Grand Lyon « Le SDE, un projet économique pour l’agglomération lyonnaise », janvier 2002. Document interne au Grand Lyon. HEALY (A.), « ‘Une gouvernance patronale’ : de l’ouverture des modes de prise de décision publique locaux à la sélection des acteurs participant à l’action économique de la communauté urbaine de Lyon », dans De l’intérêt général à l’utilité sociale ? La reconfiguration de l'action publique entre État, associations et participation citoyenne, Xavier Engels, Matthieu Hély, Aurélie Peyrin et Hélène Trouvé (dir.),Paris, L’Harmattan, coll. : « Logiques sociales », 2006. 129 50 Platon, Lettres, Paris, Garnier-Flammarion, 1987. TOTA Barbara_2007 Troisième partie: « La gouvernance lyonnaise » mettre en réseau les acteurs du développement du territoire et sa capacité à s’ouvrir sur le monde de l’entreprise, est un gage de « performance ». Le développement du territoire passe donc pour le politique par sa capacité à fédérer, à travailler ensemble. C’est ainsi que Gérard Collomb explique, en partie, les réussites du territoire : « […] Ce dynamisme se traduit ainsi par une forte croissance de sa démographie, de la création d’entreprises, du tourisme (dont celui d’affaires), mais aussi par le rayonnement de ses institutions culturelles et sportives, et de ses grands événements, à l’instar de la fête des lumières, des Nuits sonores ou encore des Biennales de la danse et d’art contemporain. Le secret de cette réussite réside pour beaucoup dans la capacité de la métropole lyonnaise à animer une gouvernance économique féconde au travers de « Grand Lyon l’Esprit d’Entreprise » et à tisser des coopérations fortes avec les acteurs de la société civile, les territoires voisins ou à l’international dans le cadre de différents 130 réseaux de villes, dont celui des Eurocités présidé par Lyon » . Les partenaires de la démarche vont même plus loin en affirmant que cette gouvernance est unique en France, qu’il s’agit d’une spécificité lyonnaise : « Ensemble, ils [les acteurs économiques lyonnais] se sont mobilisés afin de faire passer leur ville à la vitesse supérieure et d’améliorer sa visibilité et son attractivité. Ils démontrent une nouvelle fois que la culture du « faire-ensemble » est fortement ancrée à Lyon. Un faire-ensemble qui s’illustre au travers de Grand 131 Lyon l’Esprit d’Entreprise démarche de gouvernance unique en France […] ». On retrouve parfois l’expression de « modèle lyonnais », d’ « une culture du savoir faire ensemble » ou encore de « gouvernance à la lyonnaise ». 132 Selon Jacques de Chilly , une des spécificités lyonnaise est de fédérer les initiatives et les énergies, une spécificité sous-estimée ou méconnue de la majorité des Lyonnais, alors qu’il s’agit d’une richesse du territoire que n’ont pas toutes les villes françaises et européennes. D’après lui, les acteurs lyonnais savent se réunir, travailler ensemble au développement au-delà des conflits partisans mais aussi public-privé, ce qui signifie qu’il s’agirait d’une faculté spécifiquement lyonnaise. Il est intéressant de voir à travers Only Lyon comment cette capacité du politique à rassembler, créer des synergies entre les acteurs du territoire et à s’ouvrir sur la société civile en dépassant les conflits d’intérêts personnels ou de groupe, est mise en scène. La soirée organisée dans le cadre d’Only Lyon visant à mobiliser les futurs ambassadeurs de la ville est à ce sujet révélatrice d’une volonté d’affichage de cette capacité du politique à rassembler. Cette soirée a été organisée par le Grand Lyon avec le soutien logistique des partenaires. L’ensemble des interventions des « élites économiques » lyonnaises ont souligné l’efficacité des politiques de développement économique mises en place par Gérard Collomb. Les discours étaient tous emprunts d’une grande unité avec un mélange presque irréel d’admiration et de reconnaissance envers le Président du Grand Lyon. Ce fut, ce soir là, une formidable démonstration de cette capacité du politique, à laquelle il est fait constamment référence dans les discours, à créer du consensus, à 130 « Lyon porte de l’Europe. La métropole de demain », l’Echo parlementaire, juillet 2007. 131 www.Lyon-Business.org 132 Entretien réalisé avec Jacques de Chilly, Directeur exécutif de l’Aderly, Palais du commerce, Lyon, le 10/07/07. TOTA Barbara_2007 51 « Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs, entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement » rassembler au-delà des clivages. En effet, il est d’autant remarquable d’assister à un tel élan d’adhésion à la politique menée par la Communauté Urbaine de la part des entrepreneurs et des acteurs économiques du territoire, sachant que Gérard Collomb est un élu socialiste. Cette remarque un peu brutale mériterait cependant d’être affinée par une étude plus approfondie des parcours et des sensibilités de chacun, mais nous pouvons toutefois souligner le fait que le président de la CGPME soutienne publiquement l’action d’une municipalité et d’une présidence de la communauté urbaine socialiste. Sur cette photo nous pouvons voir unis et souriants les représentants de l’élite économique, politique et culturelle lyonnaise, entre autres : Roraima Andriani-Directrice du Cabinet du secrétaire général d’Interpol, Bernard Bazot-Directeur régional Air France, Thierry Bernard-Directeur des opérations commerciales monde de BioMérieux, Lionel Collet-Président de l’Université Lyon I, Gérard Collomb-Sénateur Maire de Lyon, JeanLouis Crosia-Président Merial Europe, Serge Dorny-Directeur général de l’Opéra de Lyon, Frédéric Fiore-PDG de Garderisettes, Alexandre Fraichard-PDG de Genoway, Yves Grardel-Directeur Général de l’hôtel Radisson, Marie-Christine Lombard-PDG de TNT Express, Guy Mathiolon-Président de la Chambre de Commerce et d’industrie de Lyon, Michael Peters-Directeur Général d’Euronews, Armelle Petiau-Levy-PDG de INGNI, Thierry Raspail-Créateur/directeur artistique de la biennale d’art contemporain, François TURCASPrésident CGPME Rhône-Alpes. Dans les documents présentant Only Lyon la parole est laissée aux différents partenaires. Ainsi, Gérard Collomb s’exprime dans un même document aux côtés du Directeur de l’Aderly et du Président de la CCI, dans un autre document le Président du club des entrepreneurs et le PDG de Renault Trucks vantent les atouts de Lyon, lors du lancement de la signature internationale le président du Medef Lyon-Rhône était assis à la même tribune que Gérard Collomb. Autant de signes qui visent à afficher une unité entre les acteurs du développement et du rayonnement du territoire. Only Lyon, représente donc 133 « une vitrine du modèle de gouvernance à la lyonnaise » qui permet de mettre en scène les relations entre le Grand Lyon, son Président et les acteurs du développement et du rayonnement du territoire. Sur son blog, Gérard collomb a posté le 31 janvier 2007, au lendemain du lancement d’Only Lyon un billet dans lequel il dit : 133 Entretien réalisé avec Christophe Cizeron, Directeur de Cabinet de Gérard Collomb et conseiller technique en charge du développement économique, Grand Lyon, 26 juin 2007. 52 TOTA Barbara_2007 Troisième partie: « La gouvernance lyonnaise » « C’est une des singularités de cette ville que de savoir rassembler pour trouver plus d’énergie ensemble, et pour opérer les synergies les plus fortes. C’est la spirale vertueuse du développement ainsi alimentée par toutes les forces vives du territoire. C’est ce que soulignaient les participants à une manifestation organisée pour le lancement de cette signature, tous fiers de cette capacité à travailler ensemble et à concrétiser ensemble, pour la première fois, une action de communication commune et efficace. Le slogan choisi pour ma campagne de 2001 était « libérons les énergies ! ». Voici un bel exemple de ce que ces énergies 134 libérées peuvent produire » . La démarche Only Lyon s’appuie donc sur une structure institutionnalisée de gouvernance préexistante : Grand Lyon Esprit d’Entreprise, qui elle-même découle directement du Schéma de Développement Economique lancé en 1997. Ainsi, il existe des relations de longue date entre les acteurs d’Only Lyon. Nous pouvons donc supposer qu’il est possible d’observer des tensions entre certains partenaires ou à l’inverse des rapprochements au moment même où l’idée d’une signature internationale commune a émergé. L’analyse des relations entre les acteurs d’Only Lyon ne peut se faire indépendamment d’une analyse des relations sociales à l’œuvre dans le cadre de GLEE. La gouvernance est mise en scène à travers Only Lyon, le concept est ainsi instrumentalisé pour s’intégrer dans un argumentaire visant à convaincre de la performance du territoire et de l’efficacité des actions menées pour son développement. Autrement dit, c’est l’idée de montrer à tous, lyonnais et étrangers, citoyens et investisseurs potentiels, que puisque les acteurs du développement du territoire travaillent ensemble, ils ne peuvent pas faire de mauvaises choses. Ce qui vise à créer un environnement « rassurant » pour les affaires. Sans faire preuve d’une grande méfiance ou d’un cynisme exacerbé, nous pouvons, pour les besoins de notre enquête, nous demander ce qui peut se dissimuler derrière cette unité entre les acteurs du développement et du rayonnement de Lyon. En nous demandant ce qui rend la mobilisation des acteurs et l’action collective possibles, nous irons au-delà des discours d’unité pour dévoiler les enjeux non mis en scène. Chapitre 2 : La gouvernance au-delà des discours Selon Sylvie Biarez, « l’observation d’une politique est l’occasion de mettre à jour les 135 négociations, de souligner les stratégies et les acteurs porteurs de projets » . C’est ce que nous nous attacherons à faire dans ce dernier chapitre en nous demandant ce qui rend possible la mobilisation des acteurs dans la démarche Only Lyon. Dans l’objectif de dévoiler les enjeux non affichés dans les discours sur la gouvernance, nous observerons dans un premier temps les stratégies des acteurs à l’œuvre dans le cadre d’Only Lyon. Dans un deuxième temps, nous questionnerons plus particulièrement la stratégiedu politique à travers notre objet. 134 135 Voir annexe n°2. BIAREZ (S.), Territoires et espaces politique, Grenoble, PUG, 2000. TOTA Barbara_2007 53 « Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs, entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement » Ce chapitre aura davantage vocation à ouvrir des pistes de recherche, et n’aura pas la prétention de présenter une analyse aboutie des rapports sociaux complexes et des stratégies d’acteurs existants. 1- Les conditions de la mobilisation des acteurs et de l’action collective. L’ensemble des partenaires au cours de notre enquête de terrain, a voulu véhiculer l’image d’une collaboration heureuse dans l’objectif de poursuivre un intérêt commun : le développement du territoire. S’ils ne nient pas qu’il puisse parfois exister des tensions ou des désaccords entre les différents présidents ou directeurs participant à la démarche Only Lyon, ils insistent sur le fait que cela se produit uniquement sur des sujets mineurs et ne dure jamais longtemps. Les prises de décisions, la définition des stratégies à poursuivre, des actions à mener dans le cadre de la démarche marketing semblent se faire de manière informelle. Il n’y a pas de système de vote et les accords se trouvent par le biais de négociations quasiment interpersonnelles. Un groupe de pilotage, composé de neuf directeurs des institutions de la démarche Only Lyon se réunit tous les 15 jours : « Durant ces réunions, les participants font des choix sur les actions à mener, sur les prestataires…les discussions sont parfois vives mais ils arrivent toujours à trouver un accord sans un système de vote formalisé. Ils 136 s’appellent après, en rediscute, négocient et tombent d’accord » . Notre objet d’étude soulève une question essentielle : la notion d’acteur collectif. Estce que l’ensemble des acteurs du développement de la ville, comme semblent vouloir nous le montrer les partenaires de la démarche Only Lyon, marchent d’un seul pas ? Dans Le retour des villes européennes, Le Galès 137 nous met en garde : « La ville n’est pas dotée d’une volonté unitaire d’action, et les conflits sont au cœur de la dynamique sociale et politique. Le terme de « ville acteur » peut conduire à privilégier la rationalité instrumentale et une vision désocialisée, dépolitisée du monde en terme de consensus, de décision, gommant les conflits et les inégalités. La prise en compte de cette diversité suppose cependant de ne pas tomber dans l’émerveillement du tout collectif, ce qui revient à s’émerveiller de la diversité d’une multitude d’acteurs, de leurs interactions, de leurs discours contradictoires en faisant fi des contraintes, des institutions, des rapports de pouvoir, des conflits, des ressources des acteurs, des rapports de domination ». En effet, au-delà des discours d’unité et de collaboration, il faut rester vigilants et sans cesse questionner l’image d’acteur collectif que les partenaires d’Only Lyon veulent véhiculer. Nos interrogations sur la mobilisation des acteurs fait écho aux travaux de Crozier et 138 Friedberg sur l’action collective : « A quelles conditions et au prix de quelles contraintes l’action collective, c’est-à-dire l’action organisée, des hommes est-elle possible ? C’est la question centrale de ce livre. Car si l’action collective constitue un problème si décisif pour nos sociétés, c’est d’abord et avant 136 137 Entretien réalisé avec Jacques de Chilly, Directeur exécutif de l’Aderly, Palais du commerce, Lyon, le 10/07/07. LE GALES (P.), Le retour des villes européennes. Sociétés urbaines, mondialisation, gouvernement et gouvernance, Presses de la fondation nationale des sciences politiques, 2003. 138 54 CROZIER (M.), FRIEDBERG (E.), L’acteur et le système. Les contraintes de l’action collective, Seuil, 1977. TOTA Barbara_2007 Troisième partie: « La gouvernance lyonnaise » tout parce que ce n’est pas un phénomène naturel. C’est un construit social dont l’existence pose problème et dont il reste à expliquer les conditions d’émergence et de maintien ». Pour les auteurs, la question de l’action collective est « complémentaire » à celle d’organisation : ce sont les deux faces d’un même problème : celui de la structuration des champs à l’intérieur desquels l’action, toute action se développe ». C’est l’idée selon laquelle il ne peut exister d’action collective sans organisation dans le cadre de laquelle elle puisse avoir lieu, et même être pensée et qu’au-delà, la structure de l’organisation a une influence ou révèle les enjeux de pouvoir. Ainsi, Only Lyon est étroitement liée à la structure de gouvernance institutionnalisée GLEE et si elle fonctionne aujourd’hui de manière informelle, on peut se demander dans quelles mesures son mode de fonctionnement et son organisation, aussi informelle soit elle, est imprégnée ou influencée par la structure de GLEE. Comme nous l’avons vu, les acteurs se retrouvent dans les différents groupes de travail et l’idée d’une signature internationale est née dans le cadre du SDE qui a donné par la suite naissance à GLEE. Ces instances de gouvernance sont étroitement liées et l’on peut supposer que ce qu’il se passe ou s’est passé entre les acteurs dans une structure de gouvernance a des influences sur ce qui a lieu dans l’autre structure. Si Jacques de Chilly souligne que le Grand Lyon a un poids prépondérant dans les discussions, c’est selon lui en raison de son poids financier, le Grand Lyon étant le principal contributeur de la démarche marketing Only Lyon. Cependant, nous pouvons supposer qu’il ne s’agit pas seulement de cela. En effet, Only Lyon, comme nous l’avons vu, émane d’une structure de gouvernance économique institutionnalisée, GLEE, pilotée par le Grand Lyon - la DGDEI (Délégation Générale au Développement Economique et International) et le cabinet de Gérard Collomb. Il est donc probable que le rôle d’organisateur et de coordinateur du Grand Lyon, formalisé dans le cadre de GLEE, se retrouve dans cette nouvelle structure informelle, au sein de laquelle nous retrouvons les mêmes participants. En effet, il semblerait que les participants reproduisent, dans le cadre d’une structure de travail légèrement différente les mêmes rapports que dans le cadre de la structure institutionnalisée. Par ailleurs, les travaux de Crozier et Friedberg montrent que le pouvoir est le fondement même de l’action organisée : « Toute analyse sérieuse de l’action collective doit donc mettre le pouvoir au centre de ses réflexions. Car l’action collective n’est finalement rien d’autre que de la politique quotidienne. Le pouvoir est sa matière première ». Le pouvoir dont parlent ici les auteurs est un pouvoir relationnel, et non pas un attribut des acteurs. Il ne peut se manifester que par sa mise en œuvre dans une relation mettant en jeu plusieurs acteurs, leurs ressources et leurs intérêts particuliers. Cette relation est à la fois une relation instrumentale au sein de laquelle les acteurs visent à atteindre un but, mobilisant ainsi leurs ressources, une relation où chaque action constitue un enjeu spécifique où se greffe une relation de pouvoir particulière et une relation réciproque, car il y a négociation et échange, ce qui ne l’empêche pas, par ailleurs, d’être déséquilibrée. Analyser les relations de pouvoir suppose donc de se poser la question des ressources des acteurs mais également de leurs intérêts, des objectifs poursuivis. Les acteurs sont stratégiques, ils font un calcul coût/avantage entre ce que peut leur rapporter leur participation à Only Lyon et ce que cela leur coûte. Si le rapport est positif, il y a de grandes chances que les acteurs se mobilisent. A l’inverse, la mobilisation sera plus incertaine. Crozier et Friedberg posent la question de leur mobilisation en ces termes : TOTA Barbara_2007 55 « Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs, entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement » « Encore faut-il que les membres de l’organisation acceptent de les engager [leurs ressources] dans des relations de pouvoir particulières. Or dans la mesure même où l’organisation ne constitue pour ses membres qu’un champ d’investissement stratégique parmi d’autres, il n’y a à l’engagement de ceux-ci aucune automaticité, comme nous l’avons déjà souligné. Ils n’accepteront de mobiliser leurs ressources et d’affronter les risques inhérents à toute relation de pouvoir, qu’à condition de trouver dans l’organisation des enjeux suffisamment pertinents au regard de leurs atouts et de leurs objectifs, et suffisamment importants pour justifier une mobilisation de leur part ». Dans le cadre d’Only Lyon, les acteurs poursuivent un même objectif affiché: renforcer le rayonnement et l’attractivité de l’agglomération lyonnaise. Jacques de Chilly quant à lui dévoile un autre aspect de la démarche : « Only Lyon marche parce que tous les partenaires veulent réussir dans leur secteur. L’Office du tourisme veut plus de visiteurs, le palais des Congrès plus de congrès et de congressistes, l’aéroport plus de voyageurs…même dans le domaine de la culture, le commissaire de la Biennale d’art contemporain veut plus d’artistes, de têtes d’affiche et de 139 fréquentation […] » . En d’autres termes, la poursuite de l’objectif commun, qui est de renforcer le rayonnement du territoire, concoure à l’intérêt de chacun et c’est ce qui rend possible la 140 mobilisation des acteurs . C’est ce qu’exprime sans ambigüité le Président du pôle de compétitivité Lyonbiopôle : « D’une manière générale, Lyonbiopôle reste très à l’écoute des initiatives locales ou régionales pouvant faire émerger des projets, des collaborations entre acteurs privés, publics et académiques sur des domaines répondant à nos champs d’action. Notre souhait 141 est de faire avancer la recherche ; toutes les opportunités sont donc à saisir » . Les intérêts particuliers recherchés peuvent être de différentes natures. Il peut s’agir d’améliorer son bilan d’activité, comme le souligne Jacques de Chilly, de faire avancer des projets propres à son organisation, ou comme dans le cas de la CGPME et du Médef LyonRhône, l’enjeu est de légitimer son pouvoir de représentativité. En effet, selon Aisling Healy, il existe une certaine rivalité entre la CGPME et le Médef Lyon-Rhône qui émerge sur la scène locale dans les années 1990 : « Medef Rhône et CGPME se prévalent respectivement du soutien de 8 000 et 2 500 entreprises locales adhérentes. Ces deux syndicats rappellent fréquemment que chaque adhésion est volontaire et affirment que l’expérience de chefs d’entreprise de leurs membres assure une proximité entre les problématiques qu’ils défendent et celles rencontrées par les 142 chefs d’entreprises au quotidien » . La nature des membres en présence dans la démarche Only Lyon a également son importance en ce qui concerne la capacité de mobilisation des acteurs. Comme le soulignent 139 140 Entretien réalisé avec Jacques de Chilly, Directeur exécutif de l’Aderly, Palais du commerce, Lyon, le 10/07/07. Nous verrons, dans notre deuxième partie de ce chapitre, plus particulièrement quel peut être l’intérêt du politique dans cette démarche. 141 142 Grand Lyon Magazine, n°19, avril 2007, voir annexe n°6. HEALY (A.), « ‘Une gouvernance patronale’ : de l’ouverture des modes de prise de décision publique locaux à la sélection des acteurs participant à l’action économique de la communauté urbaine de Lyon », dans De l’intérêt général à l’utilité sociale ? La reconfiguration de l'action publique entre État, associations et participation citoyenne, Xavier Engels, Matthieu Hély, Aurélie Peyrin et Hélène Trouvé (dir.),Paris, L’Harmattan, coll. : « Logiques sociales », 2006. 56 TOTA Barbara_2007 Troisième partie: « La gouvernance lyonnaise » Crozier et Friedberg, toute action collective suppose un échange et pour qu’il y ait échange, il faut que chacun puisse apporter quelque chose à l’autre, avoir quelque chose à négocier : un réseau, une légitimité représentative, des moyens financiers ou logistiques, ou encore une expertise. Only Lyon, c’est l’occasion pour chacun de bénéficier des réseaux des autres, de profiter de l’image de Lyon pour développer son activité, d’être présent aux côtés de l’élite lyonnaise et de faire ainsi partie de ce club des entreprises ou des institutions qui comptent à Lyon et d’être reconnu comme tel, de participer aux voyages organisés par le Grand Lyon à l’étranger, ce qui permet aux entreprises de s’ouvrir sur d’autres marchés, etc. Comme cela a pu être observé lors de la Garden Party à l’Amphithéâtre de la Cité internationale le 5 juillet 2007, Only Lyon est un espace mondain où il fait bon d’être vu. La sélection des partenaires a donc son importance et met en jeu des processus d’exclusion ou d’intégration qui vont à l’encontre des discours consensuels sur la gouvernance qui se veut être une méthode de gouvernement d’ouverture sur la société civile. Il semblerait que l’ouverture dans le cadre d’Only Lyon soit limitée à l’élite locale. En ce qui concerne les ambassadeurs de la marque Only Lyon, qui ne participent pas à la production des politiques de rayonnement et d’attractivité, le processus de sélection est beaucoup plus flou. 143 Selon Jacques de Chilly , sur le choix des ambassadeurs porteurs de l’image de Lyon, les partenaires d’Only Lyon se sont posé la question de savoir s’ils optaient pour une grande opération relativement ouverte ou s’ils choisissaient d’opérer une sélection plus précise, plus minutieuse des ambassadeurs. Ainsi, avec la soirée organisée à la Cité 144 Internationale visant à récolter le plus de signatures possibles des personnes présentes , les partenaires d’Only Lyon ont fait le pari que les ambassadeurs les moins concernés par la démarche, c’est-à-dire ceux ne voyageant pas à l’étranger régulièrement ou n’ayant pas un grand réseau, se détacheraient d’eux-mêmes de leur titre d’ambassadeur. Le processus de sélection des ambassadeurs reste à ce jour peu défini, les partenaires d’Only Lyon attendent de voir comment les choses évoluent, mais ils envisagent également la possibilité de faire sortir du circuit en douceur les ambassadeurs n’envoyant pas au moins une information pertinente dans l’année (un projet à monter, un événement à organiser ou auquel participer, la circulation des contacts qui peuvent s’avérer utiles…). Nous voyons ici combien l’ouverture sur la société civile peut être délicate. Certes, les partenaires d’Only Lyon ont fait le choix de s’appuyer sur les entrepreneurs pour faire rayonner la ville au-delà de ses frontières, mais cela n’est sans poser de problèmes, en termes de contrôle de l’image, de la communication, du message véhiculé, mais aussi de diplomatie, pour ne froisser personne. Ces questions qui se posent pour les ambassadeurs, se posent aussi pour le choix des partenaires. S’ils sont choisis en fonction de leurs ressources, comme nous l’avons vu, l’ouverture de la prise de décision n’est pas sans risques pour le politique. En s’ouvrant ainsi, il se met en danger, les partenaires peuvent se désolidariser du groupe, devenir critiques, il peut y avoir des désaccords qui aboutissent à des ruptures brutales, des susceptibilités froissées. Dans notre prochaine sous-partie nous analyserons plus précisément l’intérêt du politique à s’aventurer dans une méthode de gouvernement ouverte sur la société civile. 143 144 Entretien réalisé avec Jacques de Chilly, Directeur exécutif de l’Aderly, Palais du commerce, Lyon, le 10/07/07. Les entrées se faisaient uniquement sur carton d’invitation, 500 personnes étaient attendues. Dans ce genre de manifestation, il y a toujours des personnes présentes n’ayant pas été invitées. TOTA Barbara_2007 57 « Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs, entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement » 2- La stratégie politique Nous l’avons vu, la gouvernance est largement mise en scène par le politique. Cela lui permet de légitimer son action, de convaincre de son efficacité et d’afficher ses relations avec les acteurs privés du développement et du rayonnement du territoire. Nous pouvons toutefois aller plus loin dans notre réflexion en l’affinant. Que le politique mette en scène la gouvernance est une chose, mais est-ce seulement pour légitimer son action économique, pour convaincre de son efficacité ? Tout d’abord, il est nécessaire de définir plus précisément ce que nous entendons ici par le politique. Nous nous attacherons, dans notre démonstration à analyser le rôle du politique entendu comme Gérard Collomb, c’est-à-dire l’élu, le professionnel de la politique au sens 145 wébérien , et ses collaborateurs. Nous excluons donc l’ensemble de l’exécutif comprenant les élus de la collectivité ; les vice-présidents du Grand Lyon mais aussi adjoints de Gérard Collomb à la mairie de Lyon et les agents du Grand Lyon, qu’ils soient fonctionnaires ou contractuels travaillant dans les services. Notre décision d’exclure du politique les agents des services de la communauté s’explique uniquement par le fait que ces derniers doivent mettre en œuvre la politique définie par l’exécutif, or c’est cet angle que nous avons choisis pour notre enquête : comprendre ce qui motive le politique à mettre en place des instances de gouvernance. Le choix d’exclure l’ensemble des élus de la collectivité nous semble justifié au regard de la configuration de l’exercice du pouvoir local. En effet, Gérard Collomb depuis son arrivée en 2001, tout comme Michel Noir en son temps, ont centralisé les dispositifs institutionnels sur leur personne laissant peu de place à leurs collègues, élus ou non. Bernard Jouve et Christian Lefèvre décrivent bien ce phénomène : « L’émergence d’un méso-niveau de gouvernement de type métropolitain participe d’une stratégie à la fois de différenciation du personnel politique local et d’affirmation par rapport aux partis politiques dont les élites métropolitaines sont issues. Dans certains cas, cette différenciation va jusqu’à la tentative d’autonomisation. Ces stratégies se nourrissent du fait que les entrepreneurs porteurs de dynamiques institutionnelles et politiques à l’échelle des métropoles ne disposent pas des deux ressources politiques indispensables au déroulement d’une carrière politique d’envergure : la détention d’un fief local et/ou le contrôle d’un appareil partisan. L’espace métropolitain, les nouveaux référentiels qu’ils véhiculent en termes de rationalisation administrative, de modernisation de la vie politique locale, les projets ambitieux qu’ils veulent mettre en œuvre constituent autant de d’opportunités construites pour faire face au déficit de légitimité traditionnelle dont ils pâtissent. On note en effet que dans les différents cas où des dynamiques institutionnelles sont engagées au niveau local, elles sont portées par une nouvelle génération d’élus arrivée aux affaires, à la fin des années quatre-vingt. Il s’agit globalement de « quadras » de la vie politique locale qui, aussi bien au niveau du fonctionnement des appareils politiques dont ils sont issus que des relations entre les collectivités locales et l’Etat, tendent de changer les règles de l’échange. Dans tous les cas de figure, on note une tendance à la centralisation des dispositifs institutionnels sur leur personne. C’est par exemple à Lyon le cas de M. Noir – membre du RPR – qui en 1989 prend la mairie et relègue au second rang la Démocratie chrétienne – incarnée par le Centre des démocrates sociaux – qui dirigeait la ville depuis quarante ans et alors même que le RPR est moins bien implanté localement. L’élection de M. Noir à la mairie de Lyon et à la communauté urbaine représente une immense surprise pour la classe politique locale, tous partis confondus, dont le registre d’interaction est celui de la recherche du 145 58 WEBER (M.), Le savant et le politique, Paris, Union générale d'éditions, 1995. TOTA Barbara_2007 Troisième partie: « La gouvernance lyonnaise » compromis entre formation politique et collectivités locales et avant tout du pragmatisme. […] les circonstances de son élection, le degré de dépendance qu’il instaure entre son exécutif et lui créent les conditions de son autonomisation à la fois par rapport au RPR à qui il a réussi à faire gagner la capitale des Gaules et par rapport aux autres collectivités locales du fait du poids budgétaire, de l’expertise technique de la commune de Lyon dans les institutions d’agglomération comme la Communauté urbaine. Si le système décisionnel est formellement éclaté entre un multitude de lieux de pouvoirs, il est de fait très fortement 146 intégré par le sommet de l’exécutif lyonnais et une petite équipe de fidèles […] » . Cette tendance à la centralisation des dispositifs institutionnels est également observable dans le cas de l’exercice des mandats de Gérard Collomb. En effet, la rupture avec la tradition centriste, le poids démographique de Lyon au sein de l’agglomération, l’autonomisation par rapport au parti, la concentration du pouvoir de l’agglomération par le sommet de l’exécutif lyonnais et une petite équipe de fidèles sont des éléments que l’on retrouve dans l’exercice du pouvoir depuis l’élection de Gérard Collomb. Le président du Grand Lyon s’amuse d’ailleurs souvent à répéter qu’il est le « patron » et c’est également ainsi que ses collaborateurs l’appellent. Cet emprunt au champ économique n’est pas dénué de sens. Dans une entreprise, c’est le patron qui décide. De la même manière, dans l’agglomération lyonnaise, il y aurait un patron, un homme qui décide. La presse a, à plusieurs reprises, fait état de cette centralisation de la prise de décision sur la seule 147 personne de Gérard Collomb, notamment lors de l’affaire « Lyon Capitale » . L’opposition politique se sert du fait que Gérard Collomb déciderai seul, pour critiquer l’action de l’exécutif, même si cette critique s’attarde plus sur la méthode que sur le fond. Ainsi, sur son blog, Dominique Perben, candidat UMP à la mairie de Lyon pour 2008, dans un billet intitulé « Tout est une question de méthode », posté le 11 juillet 2007, regrette le manque d’écoute de Gérard Collomb sur le projet du Grand Stade, tout comme dans un autre billet sur le devenir de l’Hôtel Dieu : « L'avenir de l'Hôtel-Dieu : et les Lyonnais dans tout ça? Le départ annoncé en 2009 des services hospitaliers de l'Hôtel-Dieu impose que la Mairie anticipe! Or au jour d'aujourd'hui, les Lyonnais ne savent toujours pas quels sont les projets du Maire de Lyon pour le devenir de ce bâtiment situé en plein cœur de notre ville. Coutumier du fait, notamment sur les dossiers "Antiquaille", "Debrousse", "Quartier Grolée", le Maire prépare peut être un projet selon sa méthode: absence d'écoute des Lyonnais, pas 148 de concertation, pas de vision globale ni d'envergure » . La centralisation du pouvoir exécutif n’est pas contradictoire avec la volonté de Gérard Collomb de mener, depuis 2001, une politique de gouvernance économique. Nous l’avons vu, Gérard Collomb se veut pragmatique et rationnel, ouvert sur le monde de l’entreprise, à l’écoute des patrons. A travers GLEE et Only Lyon, il a voulu instaurer un dialogue, des 146 JOUVE (B.), LEVEFRE (C.), « De la gouvernance urbaine au gouvernement des villes ? Permanence ou recomposition des cadre de l’action publique en Europe », Revue française de science politique, n°6, 1999, p.835-854. 147 En décembre 2005, Gérard Collomb serait intervenu auprès d’institutions culturelles lyonnaises pour qu’elles cessent d’acheter des espaces publicitaires dans Lyon Capitale, journal le brocardant sur plusieurs dossiers le mettant en cause, menaçant ainsi l’existence du titre. Dans un article intitulé « Les caprices de Collomb fatiguent la gauche lyonnaise », paru dans Libération, le lundi 23 janvier 2006, le PS local aurait pris publiquement ses distances par rapport au Maire de Lyon lors d’une soirée organisée en soutien au journal. Le journaliste retranscrit les propos d’un représentant de la fédération départementale du PS : « Chez nous, a-til dit dans un grand silence, il y a ce que nous appelons la solidarité de parti. Nous y sommes très attachés. Mais lorsque la liberté d’expression se retrouve mise en cause, cette solidarité n’est plus de mise ». Voir annexes n°13 et 14. 148 http://www.perben.com/ , billet posté le 13/03/2007. TOTA Barbara_2007 59 « Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs, entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement » échanges, mettre en place des projets, aller au-delà des clivages pour cultiver un « savoirfaire ensemble » et des « intérêts partagés ». Gérard Collomb souhaite, en effet, faire passer à travers la gouvernance économique une image d’entrepreneur, il ne souhaite pas apparaitre comme un homme idéologique, mais comme un élu pragmatique. Cette stratégie 149 de positionnement politique doit être mise en regard avec une analyse de la configuration sociale lyonnaise. En effet, Lyon a la réputation d’être une ville centriste et les élus lyonnais, tels Herriot et Pradel, des hommes pragmatiques. Or, Gérard Collomb est un élu de gauche qui a choisi de mettre l’économie au cœur de sa politique. C’est un domaine où l’on n’attend généralement pas les élus du Parti Socialiste. On aurait tendance à les croire plus attentifs à la culture ou au social, mais pas proches des milieux économiques. Or, Gérard Collomb depuis 2001, s’il a mené un politique volontariste en matière de logement social, il s’est peu exprimé sur les thématiques sociales et culturelles. Lorsqu’il parle de culture c’est d’ailleurs le plus souvent sous l’angle du rayonnement et du développement du territoire. Ainsi, la mise en place et la mise en scène de la gouvernance économique permet à Gérard Collomb de faire de lui un élu rationnel, pragmatique, entrepreneur, un élu de gauche capable de dépasser les clivages idéologiques, quitte à s’éloigner de la ligne du parti. Cette hypothèse de façonnage de l’image de Gérard Collomb à travers la mise en place d’une gouvernance économique, doit être affinée par une étude sociologique locale. Car, en effet, il nous semble peu probable, mais cela reste une hypothèse, que la proximité de Gérard Collomb avec les milieux économiques se traduira numériquement par des voix dans les urnes. En d’autres termes, il faudrait savoir si les entrepreneurs constituent un électorat dominant à Lyon capable de faire basculer une élection. Il serait intéressant de savoir comment voteront les entrepreneurs à Lyon, en 2008, aux municipales, connaitre la sensibilité politique des milieux économiques lyonnais, si tant est qu’il y en est une dominante, ce qui reste à découvrir. Est-ce que la proximité de Gérard Collomb avec les milieux économiques locaux dans le cadre d’instances de gouvernance comme GLEE ou Only Lyon fera basculer les entrepreneurs de droite à gauche aux élections locales ? On peut même se poser la question de la définition, de ce que l’on entend par « gauche » et « droite » à Lyon. Notre hypothèse est que la stratégie d’ouverture et de rapprochement de Gérard Collomb avec les milieux économiques, son investissement sur les thématiques économiques, sa politique de rayonnement, d’attractivité et de développement du territoire, lui permet de véhiculer, auprès de tous les Lyonnais, une image d’élu pragmatique et de se défaire de son étiquette d’élu socialiste. Cette supposition qui reste à l’état d’hypothèse nous permet d’éclairer l’intérêt de la prise de risque que peut constituer une ouverture du politique sur la société civile, dans le cas précis de Lyon, de Gérard Collomb et de la gouvernance économique. Il s’agit d’ailleurs de minimiser les risques politiques encourus dans la mise en place de structures de gouvernance institutionnalisées telles que GLEE ou Only Lyon. La gouvernance étant menée par le Grand Lyon, les partenaires choisis, les décisions étant, au final, tranchées 150 par le politique , le Grand Lyon étant également le principal contributeur financier, Gérard Collomb à travers la mise en œuvre de sa politique d’ouverture prend en définitive très peu de risques de dérapages, de conflits ouverts ou encore de fuites dans la presse. La gouvernance est ici institutionnalisée, c’est-à-dire organisée dans le cadre institutionnel, elle reste majoritairement sous le contrôle du politique, ce qui n’est pas le cas de groupes informels qui échappent à l’omniprésence du Grand Lyon : lieux de réunion, organisation, documents de communication…C’est ce manque de contrôle de la part du politique qui 149 150 60 NEGRIER (E.), La question métropolitaine, Grenoble, PUG, 2005. Les discussions sur le choix de la bannière Only Lyon ont pris fin avec la décision de Gérard Collomb. TOTA Barbara_2007 Troisième partie: « La gouvernance lyonnaise » aurait conduit un groupe informel d’entrepreneurs, entendu au sens large, c'est-à-dire à la tête d’une organisation, formé en 2001 à l’initiative de Gérard Collomb, à sa dissolution en 151 2003 . Conclusion de la troisième partie : Nous sommes finalement allés au-delà de la question du rôle du politique dans la gouvernance, en nous demandant pourquoi le politique pratique et met en scène ce qu’il nomme la gouvernance, ce qu’il entend par là et comment cela se concrétise. Le retour sur l’histoire d’Only Lyon nous permet de relativiser le caractère novateur de la démarche mis en avant dans les discours des acteurs publics et privés. En effet, Only Lyon est issu d’un processus d’institutionnalisation de l’ouverture du politique sur la société civile en ce qui concerne les questions économiques. Nous avons, par ailleurs, pu constater une mise en scène de la gouvernance, des relations que le politique entretien avec les acteurs économiques locaux à travers la démarche Only Lyon. Cette mise en scène permet, d’une part, au politique de légitimer son action publique auprès des Lyonnais, mais aussi, auprès des acteurs privés locaux et internationaux. En effet, la gouvernance ainsi mise en scène, étant dotée d’un caractère de performance, permet de légitimer les politiques mises en place. Mais au-delà des discours d’unité, de l’affichage d’intérêts partagés, notre étude a révélé des enjeux sous-jacents. En effet, avec l’aide des théories de Crozier et Friedberg, nous avons questionné l’action collective et la notion d’acteur collectif en mettant à jour les stratégies des acteurs, les relations de pouvoir ou la poursuite d’intérêts particuliers. Notre enquête a également mis en exergue les limites de l’ouverture tant mise en avant dans les discours sur Only Lyon. Une ouverture se limitant à l’élite lyonnaise, aux acteurs conférant un rayonnement prestigieux et efficace au territoire. Enfin, à travers Only Lyon nous avons pu analyser les stratégies politiques à l‘œuvre en faisant l’hypothèse que la mise en place d’une gouvernance économique et sa mise en scène servent le positionnement politique de Gérard Collomb dans une perspective électorale. 151 Entretien réalisé avec Aisling Healy, Doctorante, ENTPE, le 16/07/2007, à l’ENS-LSH de Lyon. TOTA Barbara_2007 61 « Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs, entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement » Conclusion A travers la démarche Only Lyon nous avons donc voulu analyser les politiques d’internationalisation et de rayonnement comme instruments de gouvernement, comme mode de régulation et de production de l’action publique, révélant les stratégies des acteurs au sein de l’action collective. Nous avons sans cesse confronté notre enquête de terrain avec les enseignements scientifiques se rapportant à notre objet d’étude. Dans un premier temps nous sommes revenus sur l’internationalisation comme objet des politiques publiques. Nous avons cherché avec, entre autres, l’appui des travaux de Le Galès, à comprendre les conditions et les formes d’émergence des politiques d’internationalisation et de rayonnement à Lyon, à partir de 1989, date d’arrivée de Michel Noir, considérée comme un tournant dans la gestion de la ville. En effet, c’est à cette époque que les politiques de développement local ont émergé en Europe. La crise économique, la mondialisation, la décentralisation, le processus de construction européenne, ont favorisé un « retour des villes européennes ». Les villes avaient alors la conscience d’avoir une carte à jouer dans ce contexte en pleine évolution, dans l’incertitude des transformations. Les élus locaux se sont saisis de la question du développement local en mettant en place des politiques publiques visant à attirer les entrepreneurs, les investisseurs, les travailleurs, les visiteurs et les universitaires, leur assurant richesses et emplois. L’émergence des politiques de développement local, s’est accompagnée d’une compétition entre les villes. C’est alors que ces « élus-entrepreneurs » se sont saisis des politiques de rayonnement et d’internationalisation pour attirer, séduire entrepreneurs et visiteurs étrangers. L’internationalisation et le rayonnement représentent donc, pour les acteurs du développement du territoire, des armes pour survivre dans le cadre des évolutions du marché et des transformations institutionnelles à l’échelle internationale, européenne et nationale. L’étude des politiques d’internationalisation de Lyon entre 1989 et 2001 nous a permis de situer notre objet et d’identifier les acteurs agissant pour le développement de l’agglomération lyonnaise. Nous avons pu voir qu’Only Lyon était un micro-objet d’étude se rapportant au vaste sujet du développement du territoire. Ce retour en arrière de quelques années, a montré l’éventail des stratégies de rayonnement et d’internationalisation mises en place par le politique avant l’arrivée de Gérard Collomb à la tête de la ville. On retrouve des stratégies motivées par des logiques équipementières visant à doter la ville des infrastructures permettant d’accueillir des congrès, de grands événements, des visiteurs, de développer le tourisme d’affaire et l’installation d’activités économiques. Nous avons également pu observer des stratégies de développement économiques ciblées sur un petit nombre de secteurs clés pouvant permettre au territoire de se prévaloir d’un statut de pionnier et d’excellence sur quelques secteurs d’activités comme les biotechnologies. Notre étude a, par ailleurs, révélé une ouverture du politique sur la société civile à travers la mise en place de structure de réflexion sur l’avenir et le développement du territoire. Les réseaux de villes, les jumelages, les partenariats locaux ou internationaux, la coopération décentralisée ou encore le déplacement de délégations lyonnaises à l’étranger constituent un volet majeur des politiques d’internationalisation de la ville. Ces stratégies visent à trouver la bonne échelle et les partenariats permettant au territoire d’être compétitif sur le marché 62 TOTA Barbara_2007 Conclusion des villes, mais aussi d’assurer à la ville une visibilité et une reconnaissance au niveau international. Enfin, nous avons observé des stratégies plus « communicationnelles » visant à donner à la ville l’image d’une grande métropole internationale. C’est le cas des politiques événementielles qui permettent à la ville de faire parler d’elle dans le monde entier en attirant de grands événements comme le G7, la coupe du monde football ou les Jeux Olympiques. Cette politique événementielle constitue par la même occasion une démonstration de la capacité du territoire à accueillir et organiser de grands événements à dimension mondiale. Attirer des grands noms, des sièges sociaux mondiaux, changer le nom de la collectivité sont également des stratégies visant à donner à la ville une plus grande visibilité sur la scène internationale des villes. Ces stratégies mises en place entre 1989 et 2001 pour assurer l’internationalisation de Lyon et son rayonnement correspondent bien aux actions 152 de développement économique local observées par Le Gales . Only Lyon se situe donc au croisement des logiques communicationnelles et d’ouverture sur la société civile. En effet, Only Lyon est tout d’abord une démarche marketing visant à renforcer la visibilité internationale de la ville. Une des forces d’Only Lyon est d’être une signature internationale commune portée par les acteurs du développement du territoire. Ainsi, grâce à l’unification du discours et du message, l’effet de répétition, Only Lyon renforce la visibilité internationale de la ville. Cette visibilité parait essentielle pour les acteurs privés ou publics du territoire dans le contexte de compétition entre les villes que nous avons décrit. Ainsi, la démarche marketing s’inspire des méthodes commerciales pour vendre la ville. Des cibles ont été identifiées, des stratégies définies, des actions mises en œuvre. Only Lyon permet de positionner la ville par rapport à ses concurrentes sur le marché des villes, tel un yaourt qui aurait plus de fruits, moins de sucre ou plus de goût que ses concurrents sur les étalages. Lyon a ses atouts et ils sont mis en avant à travers la démarche Only Lyon en fonction des cibles à séduire. Ces cibles sont des cibles économiques : investisseurs, entrepreneurs, décideurs des milieux économiques, et universitaires. Les atouts sont donc des infrastructures, des services, un savoir-faire, en d’autres termes la mise à disposition d’un environnement permettant aux entreprises de prospérer. Only Lyon est une stratégie de communication dite « participative » qui s’appuie sur les acteurs du territoire comme vecteurs d’images et de représentations. Les « ambassadeurs » ont pour mission de faire rayonner la ville au-delà de ses frontières. Cela nécessite un certain « briefing » sur le produit et l’argumentaire de vente. Les douze partenaires de la démarche Only Lyon et peut être plus encore le politique souhaitent donner de la consistance à cette stratégie de vente, en la dotant d’une dimension identitaire. L’identité est alors pensée comme un outil de rayonnement du territoire. Notre étude à montré que l’identité n’est pas une donnée immuable, mais est le produit d’une construction sociale qui révèle des enjeux de pouvoirs. En effet, l’identité est construite par le choix de représentations symboliques que l’on accorde au réel. Il faut donc, pour définir et véhiculer une identité, avoir le pouvoir de choisir et de communiquer sur ces choix. Ainsi, la démarche Only Lyon met en exergue le pouvoir de l’élite lyonnaise à donner une identité à Lyon à travers cet outil de communication. Par ailleurs, Only Lyon, nous l’avons vu s’appuie sur les acteurs du territoire pour renforcer sa visibilité internationale. Ces acteurs sont donc des vecteurs de communication, mais sont également porteurs de l’identité du territoire, de part leurs actions et les représentations qu’ils véhiculent. Ainsi, le choix des ambassadeurs semble capital dans le processus de construction de l’identité lyonnaise voulue par les acteurs du développement du territoire. Enfin, Only Lyon, renferme certains paradoxes en 152 LE GALES (P.), Politique urbaine et développement local : une comparaison franco-britannique, Paris, L’Harmattan, 1993. TOTA Barbara_2007 63 « Métropole européenne, économiquement dynamique et agréable à vivre cherche investisseurs, entrepreneurs, universitaires ou visiteurs pour assurer son développement » termes de stratégies de communication, entre ouverture au grand public, appropriation par les Lyonnais de l’ambition internationale de la ville et élitisme, la ligne reste donc à définir. Only Lyon nous a permis de questionner l’action collective, de comprendre ce qui rend le rassemblement des acteurs du développement du territoire sous une bannière commune possible. A ce stade de notre analyse les travaux de Crozier et Friedberg nous ont permis de révéler les stratégies des acteurs visant des intérêts particuliers. En effet, au-delà des discours d’unité, nous avons mis à jour des relations plus complexes entre les acteurs de la démarche Only Lyon, montrant que chacun y apporte quelque chose et que surtout chacun a quelque chose à en retirer, et c’est ce qui rend possible l’action collective. Les travaux de Crozier et Friedberg ont également montré l’importance que revêt l’organisation dans les relations sociales et les relations de force. Ainsi, un retour sur l’histoire d’Only Lyon, a montré que la démarche est issue d’une structure de gouvernance économique institutionnalisée, GLEE. L’intérêt de cette découverte réside dans le fait que l’étude des relations entre les acteurs d’Only Lyon ne peut se faire indépendamment de l’étude des relations entre les acteurs de GLEE. Enfin, nous avons cherché à comprendre l’intérêt du politique à mettre en place cette politique de développement et de rayonnement de l’agglomération. A travers la gouvernance économique, sa mise en scène, la démonstration des relations entre Gérard Collomb et le milieu économique, le volontarisme politique dont Gérard Collomb fait preuve depuis le début de son mandat sur les questions économiques, de développement du territoire, de rayonnement et d’internationalisation, nous avons posé l’hypothèse qu’il s’agit là, pour le Maire de Lyon et Président du Grand Lyon, d’une stratégie de positionnement politique à visée électorale. Nous pouvons également nous demander quel est le rôle, l’influence que peuvent avoir ses collaborateurs de cabinet dans la mise en place de sa politique, en interrogeant en particulier le profil, la trajectoire et l’influence de son Directeur de cabinet du Grand Lyon et Conseiller technique, en charge du développement économique. En d’autres termes, ce premier travail de recherche à révélé une piste de recherche pouvant s’avérer intéressante à plusieurs titres, celle des relations Gérard Collomb entretien avec les milieux économiques lyonnais. 64 TOTA Barbara_2007 Bibliographie Bibliographie OUVRAGES/ARTICLES: Gouvernement urbain : AMIOT (M.), Contre l'État, les sociologues : éléments pour une histoire de la sociologie urbaine en France, 1900-1980, Paris, Éd. de l'École des hautes études en sciences sociales, 1986 BAGNASCO (A.), LE GALES (P.), « Les villes européennes comme société et comme acteur », dans BAGNASCO (A.), LE GALES (P.) 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N°20 : Soirée Only Lyon « Garden party », Cité Internationale, le 5/07/2007. Ces annexes sont à consulter sur place au Centre de Documentation Contemporaine de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon TOTA Barbara_2007 71