Appel à communications L`informel, le commerce international et les

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Appel à communications L`informel, le commerce international et les
Appel à communications
Conférence internationale
Organisation Mondiale des Douanes - Banque Mondiale
Bruxelles, 3 et 4 juin 2013
L’informel, le commerce international et les douanes
L’informel est avant tout un concept. Il n’y a pas plus d’individus « informels » que de marchandises
« informelles ». « Informel » ne dit que ce qu’ils ne sont pas (formel) et non ce qu’ils sont. Ce concept
appliqué aux sciences sociales est apparu au début des années 19701 pour désigner une partie des activités
qui échappait à la mesure économique et statistique. Son efficacité analytique est récemment remise en
question. Dès lors qu’il fait l’objet d’enquêtes de terrain, l’informel révèle des logiques fortement établies
et organisées, ce qui tend à le représenter comme une réorganisation de formes plutôt qu’un simple et
obscur désordre. L’informel a ainsi intéressé des courants intellectuels théoriquement différents : le
néolibéralisme a reconnu dans l’informel et sa fluidité la confirmation du marché libre non régulé ; tandis
que le courant opposé est plus keynésien – l’informel est un problème qui peut être résolu par plus
d’intervention étatique, les approches marxistes inspirent l’idée selon laquelle l’économie informelle
dissimule la domination et l’exploitation capitalistes.
Le commerce international des marchandises nous rappelle à une réalité spécifique. D’une part, le concept
d’informel est d’ores et déjà passé dans l’usage courant, chez les fonctionnaires des administrations
douanières et fiscales des pays dits en développement et émergents, les commerçants et les « experts
internationaux ». D’autre part, depuis une vingtaine d’années, les transports internationaux, notamment
aériens, et l’ouverture économique des pays asiatiques ont permis à une multitude d’entrepreneurs des pays
en développement et émergents d’accéder au commerce international de longue distance. Cette classe de
commerçants qui auparavant attendaient chez eux des démarcheurs de pays occidentaux ou qui pratiquaient
la petite contrebande transfrontalière sont devenus des «grands commerçants» importateurs. Ils forment et
s’appuient sur des réseaux locaux, régionaux, linguistiques dont une partie s’est étendue hors de leur pays
d’origine pour faire fonction d’intermédiaire en Asie, Amérique et Europe. Par ailleurs, au niveau
individuel, les activités formelles et informelles se chevauchent, ce qui affaiblit la pertinence des
taxonomies d’acteurs et plaide pour qu’on s’intéresse plutôt aux pratiques. Celles-ci demeurent peu
bureaucratisées ou standardisées, en contraste avec celles des entreprises multinationales historiquement
implantées dans les pays en développement depuis l’époque coloniale. Les pratiques de ces commerçants
au long cours offrent de facto peu de prise à l’Etat pour réguler ce type de commerce international.
Les fonctionnaires des douanes et des administrations fiscales des pays en développement et émergents se
plaignent des «informels», sans pour autant qu’une définition soit clairement partagée d’un pays à l’autre,
ni que les rapports entre les douanes et les « informels » soient l’objet de typologies claires. Parallèlement,
les administrations douanières sont en constante réforme, sous l’impulsion de l’expertise et des normes
internationales (accords, «best practices », réformes financées par les bailleurs). Depuis une dizaine
d’années, ces normes bureaucratiques sont d’autant plus négociées dès leur conception qu’elles doivent
concilier deux demandes fortes et en apparence opposées : l’une du secteur privé pour accélérer les
contrôles compte tenu de l’accroissement des volumes de marchandises échangées et l’autre du pouvoir
politique pour renforcer la sécurité des chaînes logistiques.
La conséquence principale est que les administrations douanières qui étaient focalisées sur les
marchandises au moment du passage de la frontière cherchent de plus en plus à surveiller l’ensemble de
leur parcours. Plus d’informations sont requises par les administrations, sur les marchandises et ceux qui
les transportent et se les échangent. Cette augmentation des flux d’informations induit une demande de
Keith Hart, 1973. « Informal Income Opportunities and Urban Employment in Ghana », The Journal of Modern
African Studies, Vol. 11, No. 1, pp. 61-89.
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formalisation de plus en plus poussée des pratiques de commerce. Or les enceintes internationales où ces
normes sont élaborées et l’expertise est développée sont accessibles uniquement à un certain type de
secteur privé, celui des multinationales, soit directement par des associations internationales d’importateurs
ou d’opérateurs logistiques, soit indirectement par des négociations et des discussions avec les
gouvernements.
Une première conséquence est que les normes produites vont vers plus de formalisation et les pratiques
bureaucratiques d’Etat sont conçues pour s’agencer avec les pratiques tout aussi bureaucratiques des
entreprises multinationales. Deuxième conséquence, dans les pays où « l’informel » s’est construit une
légitimité sociale et économique, les administrations douanières adoptent elles-mêmes des pratiques
informelles de taxation, sans qu’il y ait nécessairement corruption, pour négocier une fiscalisation, inciter
les « informels » à payer, afin d’éviter de consacrer des ressources importantes pour lutter la contrebande
ou maintenir une forme de paix sociale.
L’objectif de cette conférence est double. Premièrement, il s’agit de promouvoir la recherche appliquée sur
les rapports entre Etats, administrations douanières et importateurs locaux. A ce titre, les contributions des
praticiens sont encouragées, plus particulièrement dans un style narratif pour rendre compte de la mise en
œuvre de pratiques administratives spécifiques et dérogatoires, les difficultés et les changements apportés
dans les rapports aux importateurs individuels locaux. Deuxièmement, il s’agit d’approfondir l’analyse du
concept d’informel appliqué au commerce international dans une perspective multi/interdisciplinaire
(anthropologie sociale, droit, économie, histoire, science politique, sociologie).
Le professeur Keith Hart donnera une conférence d’ouverture.
Les orateurs sont invités à explorer quatre axes majeurs, cette liste n’est pas exhaustive :
- les commerçants locaux des PED travaillant à l’international, leurs trajectoires individuelles, leurs
pratiques et leurs rapports aux administrations en frontière, leur organisation en filières
transnationales et les rapports entre ces filières,
- les effets économiques et sociaux des mouvements de marchandises sujettes à des pratiques
informelles,
- les représentations, les pratiques officielles et non officielles des administrations en frontière en prise
avec ce qu’elles dénomment « informel »,
- le rôle des administrations et des organisations internationales/transnationales qui produisent des
normes de régulation du commerce international, au sein d’un cadre idéologique influencé par des
grandes entreprises soutenant l’auto-gouvernement et les formes communes de souveraineté
nationale qui demeurent en place.
Le comité de sélection est composé de Keith Hart (University of London, University of Pretoria and
University of Kwazulu-Natal, Durban), Thomas Cantens (Organisation mondiale des douanes et Centre
Norbert Elias EHESS), Robert Ireland (Organisation mondiale des douanes), Cristiana Panella (Musée
Royal de l’Afrique Centrale, Tervuren), Gael Raballand (Banque mondiale).
Les contributions peuvent être rédigées en français et en anglais, un service d’interprétation sera assuré
durant l’atelier.
La date limite de soumission des résumés (300 mots) est fixée au 30 janvier 2013. Pour répondre à cet
appel à contributions, veuillez contacter l’un des membres du comité de sélection : Thomas Cantens
([email protected]),
Keith
Hart
([email protected]),
Robert
Ireland
([email protected]), Cristiana Panella ([email protected]), Gael Raballand
([email protected]).
Les auteurs des résumés recevront une réponse le 15 février 2013. Les articles complets doivent parvenir au
comité de sélection au plus tard le 15 mai 2013. Le financement du séjour des auteurs sélectionnés est
assuré. Leur déplacement pourrait être également financé suivant les cas individuels et les possibilités de
financement des bailleurs. La publication d’un ouvrage collectif est envisagée.