Suites et séries de fonctions

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Suites et séries de fonctions
Chapitre 10
Suites et séries de fonctions
10.1
Suites de fonctions
10.1.1
Convergence simple, convergence uniforme
Définition 10.1.1 Soit X un ensemble, E un espace métrique, (fn )n∈N une suite d’applications de X dans E. On dit que la suite converge simplement si pour tout x ∈ X, la
suite (fn (x))n∈N converge dans E. Dans ce cas, on pose f (x) = lim fn (x) et on dit que
f : X → E est limite simple de la suite (fn ).
Remarque 10.1.1 La traduction en métrique de f est limite simple de la suite (fn ) est
∀x ∈ X, ∀ε > 0, ∃N (ε, x),
n ≥ N (ε, x) ⇒ d(f (x), fn (x)) < ε
où l’entier N dépend à la fois de ε et de x ∈ X.
Exemple 10.1.1 Soit fn : [0, 1]→ R, x 7→ xn . La suite fn converge simplement vers
1 si x = 1
. Pour un ε < 1 donné, le meilleur N (ε, x)
f : [0, 1] → R définie par f (x) =
0 si x =
6 1
log ε
que l’on puisse prendre est 0 si x = 1 ou x = 0, et E(
) si 0 < x < 1. On constate
log x
que sup N (ε, x) = +∞. Il n’est donc pas question de prendre le même N pour tous les
x.
x∈[0,1]
Définition 10.1.2 Soit X un ensemble, E un espace métrique, (fn )n∈N une suite d’applications de X dans E. On dit que la suite converge uniformément s’il existe f : X → E
vérifiant les conditions équivalentes
– (i) ∀ε > 0, ∃N (ε), n ≥ N (ε) ⇒ ∀x ∈ X, d(f (x), fn (x)) < ε
– (ii) lim µn = 0 où l’on a posé µn = sup d(fn (x), f (x)) ∈ R ∪ {+∞}.
n→+∞
x∈X
Démonstration L’équivalence est claire puisque µn < ε ⇒ (∀x ∈ X, d(fn (x), f (x)) <
ε) et qu’inversement (∀x ∈ X, d(fn (x), f (x)) < ε) ⇒ µn ≤ ε.
182
Chapitre 10. Suites et séries de fonctions
Remarque 10.1.2 Il est clair que si la suite (fn ) converge uniformément vers f , elle
converge simplement vers f . On en déduit que la fonction f est unique.
10.1.2
Plan d’étude d’une suite de fonctions
Soit X un ensemble, E un espace métrique, (fn )n∈N une suite d’applications de X
dans E.
On commence par étudier la convergence simple de la suite de fonctions. Pour chaque
x ∈ X on étudie la suite (fn (x)) d’éléments de E. Dans le cas où cette suite est convergente
pour chaque x ∈ X, on définit f : X → E par f (x) = lim fn (x) ; l’application f est limite
simple de la suite (fn ).
On étudie ensuite la convergence uniforme de la suite (fn ) vers f . Pour montrer une
convergence uniforme, on peut soit chercher une suite (αn ) de limite 0 indépendante
de x telle que ∀x ∈ X, d(fn (x), f (x)) ≤ αn , soit étudier directement la suite (µn ) où
µn = sup d(fn (x), f (x)) ∈ R ∪ {+∞}. Pour montrer une non convergence uniforme,
x∈X
on peut soit utiliser un des théorèmes suivants qui garantissent qu’un certain nombre de
propriétés des fonctions fn sont conservées par limite uniforme, soit utiliser la proposition
suivante
Proposition 10.1.1 Soit X un ensemble, E un espace métrique, (fn )n∈N une suite
d’applications de X dans E. Alors la suite (fn ) converge uniformément vers f si et
seulement si pour toute suite (xn ) de X, on a lim d(f (xn ), fn (xn )) = 0.
Démonstration
La condition est évidemment nécessaire puisque 0
≤
d(f (xn ), fn (xn )) ≤ µn . Inversement, si la suite ne converge pas uniformément vers f , on
a, en niant la propriété (i)
∃ε > 0, ∀N ∈ N, ∃n ≥ N, ∃xn ∈ X,
d(f (xn ), fn (xn )) ≥ ε
Ceci définit xn pour une infinité de n. Pour les autres, on choisit un xn arbitraire. On a
pour une infinité de n, d(f (xn ), fn (xn )) ≥ ε et donc la suite d(f (xn ), fn (xn )) ne tend pas
vers 0.
Exemple 10.1.2 Soit fn : [0, 1] → R, x 7→ xn . La suite fn converge simplement
1
1 si x = 1
. Prenons xn = 1 − . On
vers f : [0, 1] → R définie par f (x) =
0 si x 6= 1
n
1
1
a fn (xn ) − f (xn ) = (1 − )n de limite
et non 0. Donc la suite ne converge pas
n
e
uniformément.
Remarque 10.1.3 Lorsque la convergence n’est pas uniforme sur X tout entier, on peut
rechercher des parties de X sur lesquelles cette convergence est uniforme.
π
Exemple 10.1.3 Soit fn : [0, ] → R définie par fn (t) = nα sinn t cos t. Il est clair que
2
π
π
∀t ∈ [0, ], lim fn (t) = 0 : si t ∈ [0, [ on a 0 ≤ sin t < 1 et si t = π/2, on a cos t = 0.
2
2
10.1. Suites de fonctions
183
La suite converge simplement vers la fonction nulle. On a µn = sup |f (t) − fn (t)| =
t∈[0, π2 ]
sup fn (t). Mais
fn0 (t)
α
n−1
= n sin
r
n
en posant tn = arcsin
n+1
t∈[0, π2 ]
2
t(n−(n+1) sin t) et on a donc le tableau de variation,
t
0
fn (t)
0
tn
%
µn
n
n+1
n/2
&
π
2
0
On a donc
µn = fn (tn ) = n
α
√
1
nα
∼√ √
e n
n+1
1
π
La suite converge uniformément si et seulement si α < . Par contre, soit a < et soit
2
2
r
N
> a. Alors dès que n ≥ N , la fonction fn est croissante sur
N tel que arcsin
N +1
[0, a] et donc sup fn (t) = fn (a) qui tend vers 0 quand n tend vers +∞. On en déduit que
t≤a
la suite fn converge uniformément vers la fonction nulle sur tout intervalle [0, a] (mais
π
pas sur leur réunion [0, [).
2
alpha = 1/2
alpha = 0
alpha = 1
Z π
2
A titre d’introduction à ce qui suit, calculons
fn (t) dt ; on a par un simple
0
Z π
Z
1
2
nα
changement de variables u = sin t,
fn (t) dt = nα
un du =
. On voit donc
n+1
0
0
184
Chapitre 10. Suites et séries de fonctions
Z π
2
π
], lim fn (t) = 0, la suite
fn (t) dt ne converge vers 0 que si
2 n→+∞
0
α < 1. Si α = 1, elle Zconverge vers Z1, et si α > 1, elle converge vers +∞. Autrement dit,
1
1
si α ≥ 1, on a lim
fn (t) dt 6=
lim fn (t) dt. On voit qu’une convergence simple
que bien que ∀t ∈ [0,
n→+∞
0
0 n→+∞
ne permet pas d’intervertir le symbole limite et le symbole d’intégrale.
10.1.3
Critère de Cauchy uniforme
Définition 10.1.3 Soit X un ensemble, E un espace métrique. On dit qu’une suite
(fn )n∈N d’applications de X dans E vérifie le critère de Cauchy uniforme si on a
∀ε > 0, ∃N ∈ N, p, q ≥ N ⇒ ∀x ∈ X, d(fp (x), fq (x)) < ε
Remarque 10.1.4 Il est clair que si la suite (fn ) vérifie le critère de Cauchy uniforme,
pour chaque x ∈ X, la suite (fn (x)) d’éléments de E est une suite de Cauchy.
Théorème 10.1.2 Soit X un ensemble, E un espace métrique complet. Alors une suite
(fn )n∈N d’applications de X dans E est uniformément convergente si et seulement si elle
vérifie le critère de Cauchy uniforme.
Démonstration Le sens direct se démontre de la manière habituelle et n’utilise pas
la complétude de E : si (fn ) converge uniformément vers f , soit ε > 0 et N ∈ N tel que
ε
n ≥ N ⇒ ∀x ∈ X, d(f (x), fn (x)) < . Alors, si p, q ≥ N , on a ∀x ∈ X, d(fp (x), fq (x)) ≤
2
ε ε
d(fp (x), f (x)) + d(f (x), fq (x)) < + = ε.
2 2
Pour la réciproque, supposons que E est complet et que la suite (fn ) vérifie le critère
de Cauchy uniforme. D’après la remarque précédente, pour chaque x ∈ X, la suite (fn (x))
d’éléments de E est une suite de Cauchy, donc elle converge. On pose f (x) = lim fn (x).
Montrons que la suite converge uniformément vers f . Soit ε > 0, et soit N ∈ N tel que
ε
p, q ≥ N ⇒ ∀x ∈ X, d(fp (x), fq (x)) < . Fixons p ≥ N et faisons tendre q vers +∞. On
2
obtient, en tenant compte de lim fq (x) = f (x) et de la continuité de la fonction distance,
ε
∀x ∈ X, d(fp (x), f (x)) ≤ < ε, ce qui montre la convergence uniforme vers f .
2
10.1.4
Fonctions bornées, norme de la convergence uniforme
Soit X un ensemble, E un espace vectoriel normé. On notera B(X, E) l’ensemble des
applications bornées de X dans E. Pour f ∈ B(X, E), on posera kf k∞ = sup kf (t)k ∈ R.
t∈X
Proposition 10.1.3 L’application f 7→ kf k∞ est une norme sur l’espace vectoriel
B(X, E). Soit (fn ) une suite de B(X, E). Alors la suite (fn ) converge uniformément
si et seulement si elle converge dans (B(X, E), k k∞ ), avec la même limite.
10.1. Suites de fonctions
185
Démonstration La vérification des propriétés des normes est élémentaire. Si la suite
(fn ) converge dans (B(X, E), k k∞ ), soit f sa limite. On a alors µn = sup kf (x)−fn (x)k =
x∈X
kf − fn k∞ . On en déduit que la suite converge uniformément vers f . Inversement, si la
suite converge uniformément vers f : X → E, il existe N ∈ N tel que n ≥ N ⇒ µn =
sup kf (x) − fn (x)k < 1. La fonction f − fN est donc bornée ; comme fN est bornée, la
x∈X
fonction f est également bornée. On a alors kf − fn k∞ = µn , ce qui montre que la suite
(fn ) converge vers f dans (B(X, E), k k∞ ).
Remarque 10.1.5 On voit en particulier qu’une suite de fonctions bornées qui converge
uniformément a une limite qui est également une fonction bornée.
Remarque 10.1.6 Soit (fn ) une suite de B(X, E). Alors la suite (fn ) vérifie le critère
de Cauchy uniforme si et seulement si c’est une suite de Cauchy de (B(X, E), k k∞ )
(immédiat). On en déduit, d’après un théorème précédent, que si E est complet,
(B(X, E), k k∞ ) est lui aussi complet.
10.1.5
Opérations sur les fonctions
Bien entendu, les théorèmes de continuité des opérations algébriques s’appliquent
immédiatement aux suites simplement convergentes puisque si f (x) = lim fn (x) et
g(x) = lim gn (x), on a (αf + βg)(x) = lim(αfn + βgn )(x) et f (x)g(x) = lim fn (x)gn (x).
La convergence uniforme est stable par combinaisons linéaires comme le montre le
théorème suivant.
Théorème 10.1.4 Soit X un ensemble, E un espace vectoriel normé. Soit (fn ) et (gn )
deux suites d’applications de X dans E qui convergent uniformément. Soit α et β des
scalaires. Alors la suite (αfn + βgn )n∈N converge uniformément.
Démonstration
Soit f = lim fn et g = lim gn . Soit ε > 0, et N ∈ N tel que
n ≥ N ⇒ ∀x ∈ X, kf (x) − fn (x)k ≤
et
kg(x) − gn (x)k ≤
ε
2(1 + |α|)
ε
2(1 + |β|)
ε
Alors pour n ≥ N , on a ∀x ∈ X, k(αf + βg)(x) − (αfn + βgn )(x)k ≤ |α|
+
2(1 + |α|)
ε
|β|
< ε.
2(1 + |β|)
Par contre, la convergence uniforme n’est pas stable par produit comme le montre
l’exemple suivant :
1
. La suite (fn ) converge
n
uniformément vers la fonction nulle. Soit g : R → R définie par g(x) = x. Alors la
Exemple 10.1.4 Soit fn : R → R définie par fn (x) =
186
Chapitre 10. Suites et séries de fonctions
suite (fn g) converge simplement vers 0, mais pas uniformément puisque sup |fn (x)g(x)| =
x∈R
x
sup = +∞. A fortiori, la convergence uniforme d’une suite (fn ) et d’une suite (gn )
x∈R n
n’implique pas la convergence uniforme de la suite (fn gn ) (prendre gn = g). Cependant,
on a le résultat suivant
Théorème 10.1.5 Soit X un ensemble. Soit (fn ) et (gn ) deux suites d’applications
bornées de X dans K qui convergent uniformément. Alors la suite (fn gn ) converge
uniformément.
Démonstration
On écrit alors
Soit f = lim fn et g = lim gn . On sait déjà que f et g sont bornées.
f (x)g(x) − fn (x)gn (x) =
(fn (x) − f (x))(gn (x) − g(x))
+f (x)(gn (x) − g(x)) + g(x)(fn (x) − f (x))
ce qui nous donne
|f (x)g(x) − fn (x)gn (x)|
≤ |fn (x) − f (x)| |gn (x) − g(x)|
+|f (x)| |gn (x) − g(x)| + |g(x)| |fn (x) − f (x)|
puis kf g − fn gn k∞ ≤ kfn − f k∞ kgn − gk∞ + kf k∞ kf − fn k∞ + kgk∞ kg − gn k∞ . On obtient
donc lim kf g − fn gn k∞ = 0 et donc (fn gn ) converge uniformément vers f g.
10.1.6
Propriétés de la convergence uniforme
Exemple 10.1.5 Soit fn : [0, 1] → R, x 7→ xn . La suite fn converge simplement
1 si x = 1
. Chacune des fonctions fn est
vers f : [0, 1] → R définie par f (x) =
0 si x 6= 1
continue au point 1, alors que f ne l’est pas. De nouveau, on a 1 = lim
lim− xn 6=
n→+∞ x→1
n
lim− lim x = 0.
x→1
n→+∞
Théorème 10.1.6 (conservation de la continuité) Soit E et F deux espaces
métriques, (fn )n∈N une suite d’applications de E dans F qui converge simplement vers
f : E → F . Soit a ∈ E. On suppose que
(i) chacune des fn est continue au point a
(ii) il existe U voisinage de a telle que la suite (fn ) converge uniformément sur U
Alors f est continue au point a.
Démonstration Soit ε > 0 et soit N ∈ N tel que n ≥ N ⇒ ∀x ∈ U, d(f (x), fn (x)) <
ε
. Comme fN est continue au point a, il existe V voisinage de a tel que x ∈ V ⇒
3
10.1. Suites de fonctions
187
ε
. Alors, pour x ∈ U ∩ V , on a d(f (x), f (a)) ≤ d(f (x), fN (x)) +
3
ε ε ε
d(fN (x), fN (a)) + d(fN (a), f (a)) ≤ + + = ε. Donc f est continue au point a.
3 3 3
d(fN (x), fN (a)) <
Corollaire 10.1.7 Soit E et F deux espaces métriques, (fn )n∈N une suite d’applications
continues de E dans F qui converge uniformément vers f : E → F . Alors f est continue.
Remarque 10.1.7 Il suffit évidemment que tout point ait un voisinage sur lequel la
suite converge uniformément, ce que l’on appelle la convergence uniforme locale.
Théorème 10.1.8 (interversion des limites) Soit E un espace métrique, F un espace métrique complet, (fn )n∈N une suite de fonctions de E dans F . Soit a ∈ E, A ⊂ E
tel que a ∈ A et ∀n ∈ N, A ⊂ Def(fn ). On suppose que
– (i) la suite fn converge uniformément vers f sur A
– (ii) chacune des fn a une limite `n en a suivant A
Alors la suite (`n ) admet une limite ` et f admet ` pour limite en a suivant A, autrement
dit
lim
lim fn (x) = lim
lim fn (x)
n→+∞
x→a,x∈A
x→a,x∈A
n→+∞
Démonstration Pour montrer que la suite (`n ) admet une limite `, il suffit de montrer
que c’est une suite de Cauchy. Mais, la suite (fn ) vérifie le critère de Cauchy uniforme
sur A. Soit ε > 0 ; il existe N ∈ N tel que p, q ≥ N ⇒ ∀x ∈ A, d(fp (x), fq (x)) < ε.
Soit p, q ≥ N ; en faisant tendre x vers a en restant dans A, on obtient d(`p , `q ) ≤ ε ce
qui montre effectivement que la suite (`n ) est une suite de Cauchy de F , donc qu’elle
converge.
ε
Soit ε > 0 et soit N ∈ N tel que n ≥ N ⇒ ∀x ∈ A, d(f (x), fn (x)) < et soit N 0 ∈ N
3
ε
tel que n ≥ N 0 ⇒ d(`n , `) < . Soit n = max(N, N 0 ). Comme fn admet `n pour limite
3
ε
en a suivant A, il existe U voisinage de a dans E tel que x ∈ U ∩ A ⇒ d(fn (x), `n ) ≤ .
3
Alors, pour x ∈ U ∩ A, on a
d(f (x), `) ≤ d(f (x), fn (x)) + d(fn (x), `n ) + d(`n , `)
ε ε ε
<
+ + =ε
3 3 3
ce qui montre que
lim
x→a,x∈A
f (x) = `.
Remarque 10.1.8 Le résultat suivant s’applique en particulier dans le cas où a = +∞
et A = N, c’est-à-dire au cas d’une suite double (xn,p ) d’éléments de F : avec les
hypothèses
– (i) lim xn,p = yp uniformément par rapport à p
n→+∞
– (ii) lim xn,p = `n
p→+∞
188
Chapitre 10. Suites et séries de fonctions
Alors la suite (`n ) admet une limite ` et on a lim yp = `, autrement dit
p→+∞
lim
n→+∞
= lim
lim xn,p
p→+∞
p→+∞
lim xn,p
n→+∞
Exemple 10.1.6 Le résultat précédent utilise de manière essentielle la convergence
n
uniforme par rapport à p comme le montre l’exemple xn,p =
pour lequel on a
n+p
0 = lim
lim xn,p 6= lim
lim xn,p = 1
n→+∞
p→+∞
p→+∞
n→+∞
Théorème 10.1.9 (intégration) Soit (fn ) une suite de fonctions réglées de [a, b] dans
E (espace vectoriel normé complet) qui converge uniformément vers f : [a, b] → E. Alors
Z b
Z b
fn (t) dt) admet la limite
f (t) dt.
f est réglée et la suite (
a
a
ε
. Mais
2
ε
puisque fN est réglée, il existe ϕ : [a, b] → E en escalier telle que kfN − ϕk∞ < . On a
2
donc kf − ϕk∞ ≤ kf − fN k∞ + kfN − ϕk∞ < ε ce qui montre que f est encore réglée. On
a alors
Z
Z
Z
Soit ε > 0 ; il existe N ∈ N tel que n ≥ N ⇒ kf − fn k∞ <
Démonstration
b
k
b
f−
a
b
fn k ≤
a
Z
ce qui montre que la suite (
kf − fn k ≤ (b − a)kf − fn k∞
a
b
Z
fn (t) dt) admet la limite
a
b
f (t) dt.
a
Remarque 10.1.9 Comme le montre la démonstration précédente, le fait que l’intervalle
soit borné est essentiel. Le résultat précédent ne s’étend donc pas aux intégrales sur des
intervalles non bornés (voir pour cela le paragraphe sur les fonctions intégrables). Par
contre on a
Corollaire 10.1.10 Soit I un intervalle de R, (fn ) une suite de fonctions réglées de I
dans E (espace vectoriel normé complet)
vers f : I → E.
Z qui converge uniformément
Z
x
Alors f est réglée. Soit a ∈ I, Fn (x) =
x
fn (t) dt et F (x) =
a
f (t) dt. Alors la suite
a
(Fn ) converge uniformément vers F sur tout segment inclus dans I.
Démonstration Le théorème précédent montre que f est réglée sur tout segment
inclus dans I, donc réglée. De plus, si J est un segment inclus dans I, on peut, quitte à
l’agrandir, supposer qu’il contient a. On a alors, pour x ∈ J,
Z x
kf (t) − fn (t)k dt
kF (x) − Fn (x)k ≤ a
≤
|x − a|kf − fn k∞ ≤ `(J)kf − fn k∞
10.1. Suites de fonctions
189
(en travaillant séparément dans les cas a ≤ x et a > x), ce qui montre la convergence
uniforme sur J de Fn vers F .
Par contre, la convergence uniforme d’une suite de fonctions dérivables n’implique pas
que la limite soit elle-même dérivable. C’est même de cette manière, par limite uniforme,
qu’ont été construits les premiers exemples de fonctions continues n’admettant de dérivée
en aucun point (voir le paragraphe sur les séries de fonctions). Par contre on a
Théorème 10.1.11 Soit I un intervalle de R, (fn ) une suite de fonctions de I dans E
(espace vectoriel normé complet) qui converge simplement vers f : I → E. On suppose
que
(i) chacune des fn est de classe C 1
(ii) la suite (fn0 ) converge uniformément sur I vers une fonction g.
Alors f est de classe C 1 et f 0 = g.
Démonstration
Soit a ∈ I. Puisque chaque fn est de classe C 1 , Z
on a ∀x ∈ I, fn (x) =
Z x
x
fn (a) +
fn0 (t) dt. D’après le théorème précédent la suite x 7→
fn0 (t) dt converge
a
a
Z x
uniformément sur tout segment inclus dans I vers
g(t) dt. On obtient donc, en faisant
Z x a
tendre n vers +∞, ∀x ∈ I, f (x) = f (a) +
g(t) dt. Comme g est continue (limite
a
uniforme de fonctions continues), f est de classe C 1 et f 0 = g.
Remarque 10.1.10 Comme le montre la démonstration précédente, il suffit, avec les
mêmes hypothèses, que la suite (fn ) converge en un point a pour qu’elle converge
simplement sur I, cette convergence étant d’ailleurs uniforme sur tout segment inclus
dans I. On retiendra que, pour montrer la dérivabilité d’une limite de suites de fonctions,
il faut s’attacher à la convergence uniforme de la suite des dérivées, et non à celle de la
suite elle-même.
10.1.7
Suites de fonctions intégrables sur un intervalle
Z
Remarque 10.1.11 Les théorèmes du type lim
Z
fn
=
lim fn démontrés
précédemment ont des hypothèses trop restrictives : ils nécessitent d’une part que
l’intervalle soit borné et d’autre part que la suite de fonctions converge uniformément
sur tout l’intervalle. La théorie de Lebesgue étend ces théorèmes à des situations plus
générales que nous n’étudierons pas en détail, mais d’où nous extrairons un certain
nombre de résultats utiles, qui ne seront pas démontrés en toute généralité, mais
seulement avec quelques hypothèses supplémentaires.
Nous admettrons le résultat fondamental suivant suivant dont la démonstration est
difficile
190
Chapitre 10. Suites et séries de fonctions
Lemme 10.1.12 Soit J un segment de R, (fn )n∈N une suite de fonctions continues par
morceaux de J dans R+ vérifiant
(i) il existe M ≥ 0 tel que ∀n ∈ N, ∀t ∈ J, fn (t) ≤ M
(ii) la suite (fn )n∈N converge simplement vers 0, soit ∀t ∈ J, lim fn (t) = 0
n→+∞
Z
Alors la suite ( fn )n∈N converge vers 0.
J
On en déduit le lemme suivant
Lemme 10.1.13 (Convergence bornée sur un segment) Soit J un segment de R,
(fn )n∈N une suite de fonctions continues par morceaux de J dans C qui converge simplement vers f continue par morceaux.
On suppose qu’il existe
Z
Z M ≥ 0 tel que ∀n ∈ N, ∀t ∈
J, |fn (t)| ≤ M . Alors la suite (
fn )n∈N admet la limite
J
f.
J
Démonstration On pose gn (t) = |f (t) − fn (t)|. Comme ∀n ∈ N, ∀t ∈ J, |fn (t)| ≤ M ,
en passant à la limite on a |f (t)| ≤ M , soit encore 0 ≤Zg(t) ≤ 2M . D’autre part, ∀t ∈ J,
lim gn (t) = 0. D’après le lemme précédent, on a lim
n→+∞
gn = 0. Or
J
Z
Z
Z
Z
Z
f − fn = (f − fn ) ≤
|f
−
f
|
=
gn
n
J
J
J
J
J
Z
Z
qui tend vers 0. Autrement dit la suite ( fn )n∈N admet la limite
f.
J
J
Théorème 10.1.14 (convergence dominée) Soit I un intervalle de R, (fn ) une suite
de fonctions de I dans C continues par morceaux qui converge simplement vers f : I → C
continue par morceaux. On suppose qu’il existe ϕ : I → R+ continue par morceaux et
intégrable sur I telle que ∀n ∈ N, |fn | ≤ ϕ Z(hypothèse de domination). Alors
Z les fonctions
fn et f sont intégrables sur I et la suite (
fn ) est convergente de limite
I
Z
Z
f = lim
I
f :
I
n→+∞
fn
I
Démonstration Comme |fn (t)| ≤ ϕ(t) et que ϕ est intégrable, les fonctions fn sont
intégrables sur I. De plus, en faisant tendre n vers +∞, on a aussi |f (t)| ≤ ϕ(t), donc f
est également intégrable sur I. Soit J un segment inclus dans I. On a
Z
Z
Z
Z
Z
Z Z
Z
f − fn ≤ f − f + f − fn + fn − fn J
I
J
I
I
J Z
J Z
ZI
Z
fn = f + f − fn + I\J
I\J
J
J
Z
Z
Z
Z
ϕ
≤
ϕ + f − fn +
I\J
J
J
I\J
10.1. Suites de fonctions
191
Z
Z
Comme ϕ est intégrable positive, on a ϕ = sup{ ϕ | J ⊂ I}. Soit donc ε > 0 ; il existe
I
J Z
Z
Z
Z
ε
ε
J segment inclus dans I tel que
ϕ− ≤
ϕ≤
ϕ, soit encore 0 ≤
ϕ≤ .
3
3
I
J
I
I\J
Fixons un tel segment J ; sur ce segment, la suite fn converge simplement vers f et
|fn (t)| ≤ ϕ(t)| ≤ M avec M = sup ϕ(t) (qui existe puisque ϕ est continue par morceaux,
t∈J
doncZbornée sur tout
assure
Z sur un
Z segment). Le lemme de convergence bornée
Z segment
ε
f = lim
fn ; donc il existe N ∈ N tel que n ≥ N ⇒ f − fn < . Alors,
que
n→+∞ J
3
J
J
J
pour n ≥ N , on a
Z
Z
f − fn ≤ 2 ε + ε = ε
3 3
I
I
Z
Z
ce qui montre bien que la suite ( fn ) est convergente de limite f
I
I
Remarque 10.1.12 Il est important de constater que l’hypothèse de domination par
une fonction intégrable ϕ indépendante de n sert non seulement à garantir l’intégrabilité
des fn et de Zf , mais est également un argument essentiel de la démonstration de
Z
f = lim
fn , et donc de la validité du résultat. Comme on l’a déjà vu avec
n→+∞ I
I
π
la suite de fonctions continues sur [0, ], t 7→ nα sinn−1 t cos t, une suite de fonctions
2
intégrables
Z peut trèsZbien converger simplement vers une fonction intégrable sans que
l’on ait f = lim
fn .
I
n→+∞
I
Théorème 10.1.15 (convergence monotone) Soit I un intervalle de R, (fn ) une
suite croissante de fonctions de I dans R continues par morceaux et intégrables
Z sur I,
qui converge simplement vers f : I → R continue par morceaux. Alors la suite (
fn ) est
I
majorée si et seulement si la fonction f est intégrable. Dans ces conditions on a
Z
Z
Z
f = sup fn = lim
fn
I
n∈N
n→+∞
I
I
Démonstration En remplaçant éventuellement fn par fn − f0 et f par f − f0 , on peut
supposer que les fonctions fn sont positives, et donc f également.
Supposons tout d’abord que la fonction f est intégrable. On a alors ∀t ∈ I, |fn (t)| =
fZn (t) ≤ f (t), et le théorème
de convergence dominée assure que la suite (croissante)
Z
(
fn )n∈N converge vers
f ; en particulier elle est majorée.
Z
Supposons en sens inverse que que la suite ( fn )n∈N est majorée par M . Soit J
I Z
Z
un segment inclus dans I ; on a donc 0 ≤
fn ≤
fn ≤ M , mais d’autre part, on
I
I
J
I
a ∀t ∈ J, |fn (t)| = fn (t) ≤ f (t) et f est intégrable sur le segment J puisqu’elle est
192
Chapitre 10. Suites et séries de fonctions
Z
Z
f = lim fn ≤ M par le théorème
J
Z
de convergence dominée. Pour tout segment J ⊂ I, on a
f ≤ M et f est positive, par
continue par morceaux sur ce segment. On a donc
J
J
définition même, elle est intégrable sur I, ce qui achève la démonstration de l’équivalence
10.2
Séries de fonctions
10.2.1
Différents modes de convergence
Remarque 10.2.1 Soit E un ensemble, F un espace vectoriel X
normé. Soit (un )n∈N une
suite d’applications de E dans F . On s’intéressera ici à la série
un (x) ; c’est à la fois,
n∈N
pour chaque x ∈ E, une série d’éléments de F et une suite de fonctions, la suite de ses
n
X
sommes partielles Sn =
up . On peut donc déjà distinguer trois modes possibles de
p=0
convergence de la série de fonctions.
Définition 10.2.1 On dit que la série
X
un d’applications de E dans F converge
n∈N
(i) simplement sur E si pour chaque x ∈ E, la série
X
un (x) converge
n∈N
(ii) absolument sur E si pour chaque x ∈ E, la série
X
un (x) converge absolument
n∈N
(autrement dit la série
X
kun (x)k converge)
n∈N
(iii) uniformément sur E si la suite d’applications de E dans F , x 7→ Sn (x) =
n
X
up (x)
p=0
converge uniformément sur E
Remarque 10.2.2 Les résultats sur les séries à valeurs dans F montrent que si F est
complet, la convergence absolue implique la convergence simple. De même, les résultats
sur les suites de fonctions montrent que la convergence uniforme implique la convergence
simple. Bien entendu, le critère de Cauchy uniforme peut s’appliquer à des séries de
fonctions à valeurs dans un espace vectoriel normé complet, et on obtient
Théorème
10.2.1 Soit E un ensemble et F un espace vectoriel normé complet. Une
X
série
un d’applications de E dans F est uniformément convergente si et seulement si
n∈N
elle vérifie le critère de Cauchy uniforme
∀ε > 0, ∃N ∈ N, q ≥ p ≥ N ⇒ ∀x ∈ E, k
q
X
n=p
un (x)k < ε
10.2. Séries de fonctions
193
Démonstration
C’est tout simplement le critère de Cauchy pour les suites de fonctions
q
X
en remarquant que
un = Sq − Sp−1 .
n=p
Remarque 10.2.3 Nous allons introduire un quatrième mode de convergence plus fort
que les trois autres, la convergence normale :
X
Définition 10.2.2 Soit
un une série d’applications de E dans F . On dit qu’elle
n∈N
converge normalement si elle vérifie les conditions équivalentes
(i) chaque un est une application bornée et la série (à termes réels positifs)
X
kun k∞
n∈N
est convergente
(ii) il existe une série à termes réels positifs
X
αn qui converge et qui vérifie ∀x ∈
n∈N
E, kun (x)k ≤ αn .
Démonstration (i)⇒(ii) : prendre αn = kun k∞ .
X (ii)⇒(i) : il suffit de remarquer que 0 ≤ kun k∞ ≤ αn pour avoir la convergence de
kun k∞ .
n∈N
Remarque 10.2.4 Montrer une convergence normale, c’est donc majorer kun (x)k par
une série convergente indépendante de x. On constate que la convergence normale
n’est autre que la convergence absolue dans (B(E, F ), k.k∞ ).
Théorème 10.2.2 Si F est complet, la convergence normale implique à la fois la convergence absolue et la convergence uniforme.
Démonstration
Pour tout x ∈ E, on a 0 ≤ kun (x)k ≤ kun k∞ , et donc si la série
X
X
kun k∞ , la série
kun (x)k converge. Pour montrer la convergence uniforme, puisque
n∈N
n∈N
F est complet, il suffit de montrer que le critère de Cauchy uniforme est vérifié ; mais on
a, pour x ∈ E,
q
q
q
X
X
X
k
un (x)k ≤
kun (x)k ≤
kun k∞
n=p
n=p
n=p
X
Comme la série
kun k∞ converge, pour ε > 0, il existe N ∈ N tel que q > p ≥ N ⇒
q
X
kun k∞ < ε. Alors
n=p
q ≥ p ≥ N ⇒ ∀x ∈ E, k
q
X
n=p
un (x)k < ε
194
Chapitre 10. Suites et séries de fonctions
Exemple 10.2.1 Soit α > 0 et soit la série d’applications de R+ dans R,
X
n≥1
1
.
nα (1 + nx)
1
1
On a 0 ≤ α
≤ α série indépendante de x. Cette dernière série converge si
n (1 + nx)
n
X
1
α > 1 et donc, si α > 1, la série
converge normalement sur R+ . Si α ≤ 1,
α (1 + nx)
n
n≥1
la série diverge au point 0. Elle ne peut pas converger uniformément sur ]0, +∞[, sinon
elle vérifierait le critère de Cauchy uniforme et pour ε > 0, il existerait N ∈ N tel que
q
X
1
q ≥ p ≥ N ⇒ ∀x ∈]0, +∞[,
< ε ; mais alors, pour q et p fixés, en faisant
α
n (1 + nx)
n=p
q
X
X 1
1
≤ ε, donc la série
convergerait par le critère
α
n
nα
n=p
1
1
∼
> 0 montre
de Cauchy, ce qui est absurde. Par contre, l’équivalent α
n (1 + nx)
xnα+1
que si x > 0 la série converge (car α + 1 > 1). Donc la série converge simplement sur
]0, +∞[ (et même absolument puisque c’est une série à termes positifs). Si a > 0, on a,
1
1
1
pour x ∈ [a, +∞[, 0 ≤ α
< α
∼
> 0, ce qui montre que la
n (1 + nx)
n (1 + na)
anα+1
série converge normalement sur [a, +∞[.
tendre x vers 0 on obtiendrait
Remarque 10.2.5
XLe même argument utilisant le critère de Cauchy uniforme permet
de montrer que si
un est une série d’applications continues de E dans F (complet) qui
converge uniformément sur une partie A de E, alors elle converge encore uniformément
sur l’adhérence A de A ; la plupart du temps, les convergences uniformes se produisent
donc sur des ensembles fermés et toute affirmation d’une convergence uniforme sur une
partie non fermée doit immédiatement susciter une inquiétude légitime (même si parfois
elle peut être infondée, une ou plusieurs des un pouvant ne pas être continue).
10.2.2
Critères supplémentaires de convergence uniforme
A part le critère de Cauchy uniforme, il y a peu de méthodes générales permettant
de montrer des convergences uniformes qui ne sont pas des convergences normales. On
retiendra cependant les deux cas suivants qui sont importants.
Théorème 10.2.3 (convergence uniforme des séries alternées) Soit (un )n∈N une
suite d’applications de l’ensemble E dans R vérifiant les hypothèses suivantes
(i) pour chaque x ∈ E, la suite (un (x))n∈N est décroissante
(ii) la suite (un ) converge uniformément vers la fonction nulle.
X
Alors la série
(−1)n un converge uniformément sur E.
X
Démonstration Pour chaque x ∈ E, la série
(−1)n un (x) est convergente d’après
le théorème sur les séries alternées. De plus si l’on désigne par Sn sa somme partielle
d’indice n et par S sa somme, on sait (par le théorème sur les séries alternées) que
10.2. Séries de fonctions
195
|S(x) − Sn (x)| ≤ un+1 (x) ; la convergence uniforme de (un ) vers la fonction nulle implique
donc la convergence uniforme de (Sn ) vers S.
Théorème 10.2.4 (critère d’Abel uniforme) Soit (an ) une suite d’applications de
E dans R et (un ) une suite d’applications de E dans l’espace vectoriel normé complet F
telles que
n
X
(i) ∃M ≥ 0, ∀n ∈ N, ∀x ∈ E, k
up (x)k ≤ M
p=0
(ii) la suite (an ) converge uniformément vers 0 en décroissant.
X
Alors la série
an un converge uniformément
Démonstration
On a, en posant Sn (x) =
n
X
up (x)
p=0
q
X
an (x)un (x)
=
n=p
=
q
X
n=p
q
X
an (x)(Sn (x) − Sn−1 (x))
an (x)Sn (x) −
n=p
=
q
X
q
X
an (x)Sn−1 (x)
n=p
an (x)Sn (x) −
n=p
q−1
X
an+1 (x)Sn (x)
n=p−1
(changement d’indices n − 1 7→ n)
= aq (x)Sq (x) − ap (x)Sp−1 (x)
+
q−1
X
(an (x) − an+1 (x))Sn (x)
n=p
On a effectué ici une transformation d’Abel. Comme ∀n, ∀x ∈ E, kSn (x)k ≤ M on a
k
q
X
n=p
an (x)un (x)k ≤ M (|aq (x)| + |ap (x)| +
q−1
X
|an (x) − an+1 (x)|) = 2M ap (x)
n=p
en tenant compte de an (x) ≥ X
0 et an (x) − an+1 (x) ≥ 0. Comme la suite (an ) converge
uniformément vers 0, la série
an un vérifie le critère de Cauchy uniforme, donc elle
converge uniformément.
10.2.3
Propriétés de la convergence uniforme
Il suffit d’appliquer à la suite (Sn ) d’applications de E dans F les résultats sur les
suites de fonctions pour obtenir les théorèmes suivants
196
Chapitre 10. Suites et séries de fonctions
Théorème 10.2.5 (conservation
X de la continuité) Soit E un espace métrique, F
un espace vectoriel normé. Soit
un une série d’applications de E dans F qui converge
n∈N
simplement, de somme S : E → F , x 7→ S(x) =
+∞
X
un (x). Soit a ∈ E. On suppose que
n=0
(i) chacune des un est continue au point a
(ii) il existe U voisinage de a telle que la série
X
un converge uniformément sur U
Alors S est continue au point a.
Démonstration
Chacune des un étant continue en a, il en est de même de Sn .
Corollaire 10.2.6 Soit E un espace métrique, F un espace vectoriel normé. Soit
X
un
n∈N
une série d’applications continues de E dans F qui converge uniformément. Alors la
somme S de la série est continue.
Remarque 10.2.6 Il suffit évidemment que tout point ait un voisinage sur lequel la
série converge uniformément, ce que l’on appelle la convergence uniforme locale.
Théorème 10.2.7 (interversion des
Xlimites) Soit E un espace métrique, F un espace vectoriel normé complet. Soit
un une série de fonctions de E dans F . Soit
n∈N
a ∈ E, A ⊂ E tel X
que a ∈ A et ∀n ∈ N, A ⊂ Def(un ). On suppose que
– (i) la série
un converge uniformément sur A ; soit S sa somme
– (ii) chacune des un a une limite `n en a suivant A
+∞
X
X
Alors la série
`n converge et x 7→ S(x) admet
`n pour limite en a suivant A,
n=0
autrement dit
+∞ X
n=0
Démonstration
lim
x→a,x∈A
un (x) =
lim
x→a,x∈A
Il suffit de remarquer que Sn =
+∞
X
!
un (x)
n=0
n
X
p=0
up admet la limite
n
X
`p en a
p=0
suivant A et d’appliquer le théorème d’interversion des limites à la suite (Sn ).
Remarque 10.2.7 Le résultat suivant s’applique en particulier dans le cas où a = +∞
et A = N, c’est-à-dire au cas d’une suite double (xn,p ) d’éléments de E : avec les
hypothèses
X
– (i) la série
xn,p converge uniformément par rapport à p
n∈N
– (ii) lim xn,p = `n
p→+∞
10.2. Séries de fonctions
Alors la série
X
197
`n converge et
n∈N
+∞ X
n=0
+∞
X
lim xn,p
p→+∞
= lim
p→+∞
!
xn,p
n=0
Exemple 10.2.2 Le résultat précédent utilise de manière essentielle la convergence
n
n−1
uniforme par rapport à p comme le montre l’exemple xn,p =
−
=
n+p
n+p−1
p
pour lequel on a
(n + p)(n + p − 1)
!
+∞ +∞
X
X
0=
lim xn,p 6= lim
xn,p = 1
n=1
p→+∞
p→+∞
n=1
X
Théorème 10.2.8 (intégration) Soit
un une suite de fonctions réglées de [a, b]
dans E (espace vectoriel normé complet) qui converge uniformément sur [a, b], de somme
XZ b
S : [a, b] → E. Alors S est réglée et la série
un (t) dt converge, de somme
n∈N a
!
Z b
Z b X
+∞
+∞ Z b
X
S(t) dt, autrement dit
un (t) dt =
un (t) dt (interversion du signe
a
a
n=0
n=0
a
somme et du signe intégrale).
Démonstration
Il suffit d’appliquer le théorème correspondant sur les suites de
Z b
n Z b
X
fonctions en remarquant que Sn est réglée et que
Sn (t) dt =
up (t) dt
a
p=0
a
Remarque 10.2.8 Comme pour les suites de fonctions, le fait que l’intervalle soit borné
est essentiel. Le résultat précédent ne s’étend donc pas aux intégrales impropres sur des
intervalles non bornés. Par contre on a
X
Corollaire 10.2.9 Soit I un intervalle de R,
un une suite de fonctions réglées de
I dans E (espace vectoriel normé complet) qui converge
somme
Z x uniformément sur I,Z de
x
S : I → E. Alors S est réglée. Soit a ∈ I, Un (x) =
un (t) dt et U (x) =
S(t) dt.
a
a
X
Alors la série
Un converge uniformément sur tout segment inclus dans I et elle admet
n∈N
U pour somme.
La convergence uniforme d’une série de fonctions dérivables n’implique pas que la
somme soit elle-même dérivable. C’est même de cette manière, par limite uniforme, qu’ont
été construits les premiers exemples de fonctions continues n’admettant de dérivée en
aucun point (voir ci-dessous). Par contre on a
198
Chapitre 10. Suites et séries de fonctions
X
Théorème 10.2.10 Soit I un intervalle de R,
un une suite d’applications de I dans
E qui converge simplement sur I, de somme S : I → E. On suppose que
(i) chacune des un est de classe C 1
X
(ii) la série
u0n converge uniformément sur I
Alors S est de classe C 1 et ∀x ∈ I, S 0 (x) =
+∞
X
u0n (x).
n=0
Démonstration Il suffit de remarquer que les Sn sont de classe C 1 et que Sn0 (x) =
n
X
u0p (x). Il ne reste plus qu’à appliquer le théorème correspondant sur les suites de
p=0
fonctions.
Remarque 10.2.9 Comme
X pour les suites de fonctions, il suffit, avec les mêmes hypothèses, que la suite
un converge en un point a pour qu’elle converge simplement
sur I, cette convergence étant d’ailleurs uniforme sur tout segment inclus dans I. On
retiendra donc, que pour montrer la dérivabilité d’une somme de série de fonctions, il
faut s’attacher à la convergence uniforme de la série des dérivées, et non à celle de la
série elle-même.
Exemple 10.2.3 Etude de la fonction ζ de Riemann : on pose, pour x > 1, ζ(x) =
+∞
X
1
1
1
. Pour a > 1 et x ∈ [a, +∞[, on a x ≤ a qui est une série convergente
x
n
n
n
n=1
indépendante de a. Donc la série converge normalement sur [a, +∞[ et la fonction
ζ est continue sur [a, +∞[ quel que soit a > 1 ; elle est donc continue sur ]1, +∞[.
1
(−1)p (log n)p
La fonction x → x est de classe C ∞ et sa dérivée p-ième est
. Si
n
nx
X (−1)p (log n)p
a > 1, la série de fonctions
converge normalement sur [a, +∞[ (car
nx
n≥1
p
(−1)p (log n)p ≤ (log n) qui est une série de Bertrand convergente, indépendante de
nx
na
x) et donc ζ est de classe C p sur [a, +∞[ avec ζ (p) (x) =
quelconque avec a > 1, ζ est de classe C ∞
+∞
X
(−1)p (log n)p
. Comme a est
nx
sur ]1, +∞[ et on a la formule ci-dessus.
n=1
Exemple 10.2.4 Nous allons donner un exemple de fonction continue sur un intervalle,
+∞
X
qui n’est dérivable en aucun point. Posons pour cela f (x) =
an cos(bn πx) avec
n=0
0 < a < 1 et b entier multiple de 4. La majoration |an cos(bn πx)| ≤ an montre que
la série converge normalement sur R et que sa somme est donc une fonction continue sur
10.2. Séries de fonctions
R. On a
h=
199
+∞
X
f (x + h) − f (x)
cos(bn π(x + h)) − cos(bn πx)
=
an
. Prenons en particulier
h
h
n=0
1
où p est un entier. On a alors,
bp
f (x + h) − f (x)
h
=
+∞
X
an
cos(bn πx + bn hπ) − cos(bn πx)
h
an
cos(bn πx + bn hπ) − cos(bn πx)
h
n=0
=
p
X
n=0
car bn h = bn−p est un entier pair pour n > p. On peut donc écrire
Sp−1 − 2bp ap cos(bp πx) avec
f (x + h) − f (x)
=
h
p−1
X cos(bn πx + bn hπ) − cos(bn πx) n
|Sp−1 | = a
h
n=0
p−1
X sin(bn πx + bn hπ ) sin( bn hπ ) 2
2
= 2
an
h
n=0
n
p−1
sin( b hπ ) X
2
≤ 2
an h
n=0
<
π
p−1
X
bn an
n=0
en utilisant | sin x| < x pour x > 0. Supposons a et b choisis de telle sorte que ba−1 > 2π ;
bp ap
1
bp ap − 1
on a alors |Sp−1 | < π
<π
et donc Sp−1 = εp bp ap avec |εp | < . On a alors
ba − 1
ba − 1
2
f (x + h) − f (x)
p p
p
= a b (εp − 2 cos(b πx)). En suivant la même méthode on peutécrire
h
h
√
f (x + 2 ) − f (x)
π
1
= ap bp (ηp − 2 2 cos(bp πx + )) avec |ηp | < . Mais les deux nombres
h
4
2
2
π
π
bp πx et bp πx + différant de , l’un des deux cosinus au moins est en valeur absolue
4
4
f (x + h) − f (x) π
≥ ap bp (2 sin π − 1 ),
supérieur à sin (exercice facile), et donc on a soit 8
h
8 2
f (x + h ) − f (x) √
π
1
2
soit ≥ ap bp (2 2 sin − ). Comme lim bp ap = +∞, on a donc
h
p→+∞
8
2
2
f (x + h) − f (x) = +∞, donc f n’est pas dérivable au point x.
limsup h
h→0
200
Chapitre 10. Suites et séries de fonctions
10.2.4
Séries de fonctions intégrables sur un intervalle
Remarque
Comme pour les suites de fonctions, les théorèmes du type
Z10.2.10
XZ
X
un =
un démontrés précédemment ont des hypothèses trop restrictives : ils
nécessitent d’une part que l’intervalle soit borné et d’autre part que la série de fonctions
converge uniformément sur tout l’intervalle. La théorie de Lebesgue étend également
ces théorèmes à des situations plus générales d’où nous extrairons un certain nombre de
résultats utiles.
X
Théorème 10.2.11 (convergence monotone) Soit I un intervalle de R,
un une
série de fonctions de I dans R positives, continues par morceaux et intégrables
X sur I ;
on suppose que la série converge simplement sur I et que sa somme S =
un est
XZ
continue par morceaux. Alors la série
un converge si et seulement si la fonction S
I
n∈N
est intégrable. Dans ces conditions on a
Z
Z X
+∞
+∞ Z
X
S=
un =
un
I
I n=0
n=0
I
Démonstration
Il suffit d’appliquer le théorème de convergence monotone pour les
n
X
suites de fonctions à la suite Sn =
up . C’est une suite croissante de fonctions positives,
p=0
intégrables et continues par morceaux qui converge simplement vers S. Donc la suite des
Z
n Z
X
up converge si et seulement si S est intégrable et dans ce cas
intégrales
Sn =
I
Z
p=0
I
Z
S = lim
I
Sn ; donc la série
I
XZ
n∈N
un converge si et seulement si la fonction S est
I
intégrable et dans ces conditions on a
Z
Z X
+∞
+∞ Z
X
un =
un
S=
I
I n=0
n=0
I
X
Théorème 10.2.12 (intégration terme à terme) Soit I un intervalle de R,
un
une série de fonctions de I dans C continues par morceaux et intégrables
sur I ; on
X
suppose que la série converge simplement sur I et que sa somme S =
un est continue
XZ
par morceaux. Si la série
|un | est convergente, alors S est intégrable sur I, la série
I
n∈N
XZ
un converge et on a à la fois
n∈N
I
Z
S=
I
Z X
+∞
I n=0
un =
+∞ Z
X
n=0
I
Z
|S| ≤
un et
I
+∞ Z
X
n=0
I
|un |
10.2. Séries de fonctions
201
+
Soit Sn : I → R , t 7→
Démonstration
n
X
+
uk (t), Mn : I → R , t 7→
k=0
n
X
|uk (t)| et hn :
k=0
1
(x+y−|x−y|) montre
2
que hn est continue par morceaux. Puisque chacune des fonctions |uk | est intégrable sur
I, il en est de même de Mn et donc de hn qui est dominée par Mn ; on a aussi
I → R+ , t 7→ min(|S(t)|, Mn (t)). La formule classique min(x, y) =
Z
Z
hn ≤
I
Mn =
I
n Z
X
k=0
|uk | ≤
I
+∞ Z
X
|uk |
I
k=0
Comme Mn+1 (t) ≥ Mn (t), la suite (hn )n∈N est croissante. Fixons t ∈ I et ε > 0 ;
il existe N ∈ N tel que n ≥ N ⇒ |S(t) − Sn (t)| < ε ; on a alors, pour n ≥ N ,
|S(t)|−ε ≤ |Sn (t)| ≤ Mn (t) et donc |S(t)|−ε ≤ hn (t) = min(|S(t)|, Mn (t)) ≤ |S(t)|, ce qui
montre que la suite (hn )n∈N converge simplement vers |S|, qui est continue par morceaux.
On peut donc appliquer le théorème de convergence monotone à la suite (hn )n∈N et en
Z
Z
+∞ Z
X
déduire que |S| est intégrable avec |S| = lim hn ≤
|uk |. On en conclut que S
I
I
k=0
I
Z Z
+∞ Z
X
est intégrable et que S ≤ |S| ≤
|uk |.
I
I
k=0
I
On applique ce que l’on vient de démontrer à la série
X
up et l’on obtient
p≥n+1
Z
Z
Z
n Z
n
+∞
+∞ Z
X
X
X
X
uk = (S −
uk ) = uk ≤
|uk |
S−
I
I
I
I
I
k=0
k=0
k=n+1
k=n+1
qui tend vers 0 quand n tend vers +∞ (reste d’une série convergente). On a donc
Z
+∞ Z
X
S=
uk .
I
k=0
I
Remarque
10.2.11 Il est important de constater que l’hypothèse de convergence de la
XZ
série
|un | sert non seulement à garantir l’intégrabilité de S et la convergence (absoI
n
XZ
lue) de la série
un , mais est également un argument essentiel de la démonstration
I
n
Z X
+∞
+∞ Z
X
X
un , et donc de la validité du résultat. La série
un peut très bien
I n=0
n=0 I
Z
X
converger avec une somme intégrable, la série
un convergeant (même absolument)
I
Z X
+∞
+∞ Z
X
un =
un
sans que l’on ait
de
un =
I n=0
n=0
I
202
Chapitre 10. Suites et séries de fonctions
10.3
Intégrales dépendant d’un paramètre
10.3.1
Position du problème
Soit E un espace métrique, a, b ∈ R, E 0 un espace vectoriel normé complet et
f : E × [a, b] → E 0 , (x, t) 7→ f (x, t). On suppose que ∀x ∈ E, l’application t 7→ f (x, t)
est réglée de [a, b] dans E 0 . On peut donc définir une application F : E → E 0 par
Z b
F (x) =
f (x, t) dt. Nous allons nous intéresser ici aux propriétés de la fonction F
a
(continuité, dérivabilité, intégration) en fonction de celles de f .
10.3.2
Continuité
Théorème 10.3.1 (Continuité par convergence dominée) Soit E un
métrique, I un intervalle de R, f : E × I → C, (x, t) 7→ f (x, t). On suppose
espace
(i) pour chaque x ∈ E, l’application t 7→ f (x, t) est continue par morceaux sur I
(ii) pour chaque t ∈ I, l’application x 7→ f (x, t) est continue sur E
(iii) il existe une fonction ϕ : I → R+ , intégrable, telle que ∀(x, t) ∈ E×I, |f (x, t)| ≤ ϕ(t)
(hypothèse de domination).
Alors, pour tout Zx ∈ E, la fonction t 7→ f (x, t) est intégrable sur I et l’application
F : E → C, x 7→ f (x, t) dt est continue sur E.
I
Démonstration L’intégrabilité de t 7→ f (x, t) est claire avec la majoration |f (x, t)| ≤
ϕ(t). Soit alors x ∈ E et (xn ) une suite de E de limite x. Posons gn (t) = f (xn , t) et
g(t) = f (x, t). La suite (gn ) est une suite de fonctions continues par morceaux sur I qui
converge vers g continue par morceaux
Z et on aZ |gn | ≤ ϕ avec ϕ intégrable ; le théorème de
convergence dominée assure que lim
F est bien continue.
gn =
I
g soit encore lim F (xn ) = F (x). Donc
I
n→+∞
Remarque 10.3.1 Pour montrer que F est continue, il suffit de montrer que sa restriction à tout compact K contenu dans E est continue, donc qu’à tout compact K contenu
dans E, on peut associer une fonction ϕK intégrable telle que ∀(x, t) ∈ K × I, |f (x, t)| ≤
ϕK (t).
Corollaire 10.3.2 Soit U un ouvert de Rn , a, b ∈ R et f : U × [a, b] → C continue,
Z b
(x, t) 7→ f (x, t). Alors l’application F : U → C définie par F (x) =
f (x, t) dt est
continue.
a
Démonstration Soit x0 ∈ U et r > 0 tel que la boule fermée B 0 (x0 , r) soit contenue
dans U . La fonction f est continue sur le compact B 0 (x0 , r) × [a, b], donc elle y est
bornée : soit M ≥ 0 tel que ∀(x, t) ∈ B 0 (x0 , r) × [a, b], |f (x, t)| ≤ M . Comme la fonction
constante t 7→ M est intégrable sur [a, b] et bien entendue indépendante de x, le théorème
10.3. Intégrales dépendant d’un paramètre
203
de continuité par convergence dominée montre que F est continue sur B 0 (x0 , r) et en
particulier qu’elle est continue au point x0 .
Z
Exemple 10.3.1 Soit 0 < a < b < +∞ et soit Γa,b (x) =
b
tx−1 e−t dt. On a ici,
a
f (x, t) = tx−1 e−t = exp(−t − (x − 1) log t) qui est une fonction continue de R × [a, b] dans
R (composée de fonctions continues). On en déduit que Γa,b est continue sur R.
10.3.3
Dérivabilité
Nous supposerons ici que E = I intervalle de R. Soit t0 ∈ [a, b] ; lorsque l’application
∂f
x 7→ f (x, t0 ) est dérivable en un point x0 ∈ I, sa dérivée au point x0 sera notée
(x0 , t0 ).
∂x
Théorème 10.3.3 (Dérivabilité par convergence dominée) Soit J un intervalle
de R, I un intervalle de R, f : J × I → C, (x, t) → f (x, t) continue, admettant une
∂f
dérivée partielle par rapport à x, (x, t) 7→
(x, t), continue sur J × I. On suppose que
∂x
pour tout x ∈ E, la fonction t 7→ f (x, t) est intégrable sur I et qu’il existe une fonction
∂f
ϕ : I → R+ , intégrable, telle que ∀(x, t) ∈ J × I, | (x, t)| ≤ ϕ(t) (hypothèse de
∂x
Z
domination). Alors, l’application F : J → C, x 7→ f (x, t) dt est de classe C 1 sur J et
I
∀x ∈ J, F 0 (x) =
Z
I
∂f
(x, t) dt
∂x
∂f
Démonstration
L’intégrabilité de t 7→
(x, t) est claire avec la majoration
∂x
∂f
| (x, t)| ≤ ϕ(t). Soit alors x ∈ J et xn une suite de J \ {x} de limite x. Posons
∂x
∂f
f (x, t) − f (xn , t)
et g(t) =
(x, t). La suite (gn ) est une suite de fonctions
gn (t) =
x − xn
∂x
continues sur I qui converge vers g continue.
L’inégalité
des accroissements finis assure
∂f
que |f (x, t) − f (xn , t)| ≤ |x − xn | sup (y, t) ≤ |x − xn |ϕ(t), d’où
y∈]x,xn [ ∂x
f (x, t) − f (xn , t) ≤ ϕ(t)
|gn (t)| = x − xn
Z
Z
avec ϕ intégrable. Le théorème de convergence dominée assure alors que lim gn = g,
I
I
Z
F (xn ) − F (x)
∂f
soit encore que lim
=
(x, t) dt. Comme la suite (xn ) est quelconque,
n→+∞
xn − x
I ∂x
on a
Z
F (t) − F (x)
∂f
lim
=
(x, t) dt
t→x
t−x
I ∂x
204
Chapitre 10. Suites et séries de fonctions
Z
∂f
(x, t) dt. La continuité de F 0 relève du théorème
I ∂x
précédent relatif à la continuité d’une intégrale dépendant d’un paramètre, la fonction
étant dominée indépendamment du paramètre.
0
donc F est dérivable et F (x) =
Corollaire 10.3.4 Soit J un intervalle de R, I un intervalle de R, f : J × I → C,
(x, t) 7→ f (x, t) continue, admettant des dérivées partielles par rapport à x, (x, t) 7→
∂if
(x, t), continues sur J × I, i = 1, . . . , k. On suppose que pour tout x ∈ E, la
∂xi
fonction t 7→ f (x, t) est intégrable sur I et qu’il existe des fonctions ϕ1 , . . . , ϕk : I → R+ ,
∂if
intégrables, telles que ∀(x, t) ∈ J × I, | i (x, t)| ≤ ϕi (t) (hypothèses de domination).
Z ∂x
Alors, l’application F : J → C, x 7→ f (x, t) dt est de classe C k sur J et
I
∀i ∈ [1, k], ∀x ∈ J, F (i) (x) =
Z
I
Démonstration
∂if
(x, t) dt
∂xi
Récurrence évidente à partir du théorème précédent
Théorème 10.3.5 Soit I un intervalle de R, a, b ∈ R et f : I × [a, b] → C, (x, t) 7→
f (x, t). On suppose que
(i) Pour chaque x ∈ I, l’application t 7→ f (x, t) est continue par morceaux sur [a, b]
∂f
(ii) Pour chaque (x, t) ∈ I ×[a, b], f admet une dérivée partielle par rapport à x,
(x, t)
∂x
∂f
et que l’application (x, t) 7→
(x, t) est continue.
∂x
Z b
Z b
∂f
1
0
Alors F : I ⇒ C, x 7→
f (x, t) dt est de classe C et ∀x0 ∈ I, F (x0 ) =
(x0 , t) dt.
a
a ∂x
Démonstration Il suffit, comme dans le théorème correspondant de continuité pour
une intégrale dépendant d’un paramètre sur un segment, de prendre x0 ∈ I, un segment
∂f
K, voisinage de x0 dans I, et d’utiliser le fait que la fonction (x, t) 7→
(x, t) est
∂x
continue, donc bornée par un certain M sur le compact K × [a, b]. La fonction constante
M ainsi introduite est intégrable sur le segment [a, b] et fournit ainsi une fonction
∂f
dominante de la fonction (x, t) 7→
(x, t) sur K × [a, b]. Par le théorème de dérivation
∂x
par convergence dominée, F est dérivable sur K et en particulier elle est dérivable au
Z b
∂f
point x0 avec F 0 (x0 ) =
(x0 , t) dt.
a ∂x
Z
Exemple 10.3.2 Soit 0 < a < b < +∞ et soit Γa,b (x) =
a
b
tx−1 e−t dt. On a ici,
f (x, t) = tx−1 e−t = exp(−t + (x − 1) log t) qui admet une dérivée par rapport à x,
10.3. Intégrales dépendant d’un paramètre
205
∂f
(x, t) = log t tx−1 e−t qui est une fonction continue de R × [a, b] dans R (composée
∂x
de fonctions continues). On en déduit que Γa,b est de classe C 1 sur R et que Γ0a,b (x) =
Z b
tx−1 log t e−t dt. Une récurrence évidente montrera alors que Γa,b est de classe C ∞ et
a
Z b
(n)
tx−1 (log t)n e−t dt.
que Γa,b (x) =
a
10.3.4
Théorème de Fubini sur un produit de segments
Théorème 10.3.6 (Fubini sur un produit de segments) Soit f : [a, b] × [c, d] → C
continue. Alors
Z b Z d
Z d Z b
f (x, y) dy dx =
f (x, y) dx dy
a
c
c
a
Démonstration
On va démontrer que ∀t ∈ [a, b], F (t) = G(t) où
Z t Z d
Z d Z t
F (t) =
f (x, y) dy
dx et G(t) =
f (x, y) dx
dy. Pour t = b,
a
c
c
a
on aura alors le résultat voulu. Comme F (a) = G(a) = 0, il suffit de démontrer
Z t
que F et G sont dérivables et que F 0 = G0 . Mais on a F (t) =
ϕ(x) dx
a
Z d
avec ϕ(x) =
f (x, y) dy. Le théorème de continuité des intégrales dépendant
c
d’un paramètre sur un segment (conséquence du théorème de continuité par
convergence dominée) assure que ϕ est continue, donc que F est dérivable et que
Z d
0
F (t) = ϕ(t) =
f (t, y) dy.
c
Z d
Z t
On a aussi G(t) =
ψ(t, y) dy avec ψ(t, y) =
f (x, y) dx. Comme x 7→ f (x, y) est
c
a
∂ψ
(t, y) = f (t, y). Mais f étant continue sur le
continue, t 7→ ψ(t, y) est de classe C et
∂t
compact [a, b] × [c, d], elle y est bornée et on a donc
∂ψ
∀(t, y) ∈ [a, b] × [c, d], (t, y) ≤ kf k∞
∂t
1
qui est une fonction (constante) de la variable y, intégrable sur [c, d] et indépendante
de t. Le théorème de dérivation par convergence dominée assure que l’application G :
Z d
Z d
∂ψ
(t, y) dy, soit encore G0 (t) =
t 7→
ψ(t, y) dy est dérivable et que G0 (t) =
∂t
c
c
Z d
f (t, y) dy = ϕ(t) = F 0 (t), ce qui achève la démonstration.
c
10.3.5
Intégrales sur un pavé ou un rectangle
Définition 10.3.1 On appelle pavé de R2 (resp. rectangle de R2 ) toute partie de R2 de
la forme [a, b] × [c, d] (resp I × I 0 où I et I 0 sont des intervalles de R).
206
Chapitre 10. Suites et séries de fonctions
En appliquant le théorème de Fubini pour une fonction continue sur un produit de
segments, on est amené à donner la définition suivante :
Définition 10.3.2 Soit P = [a, b] × [c, d] un pavé de R2 et f : P → C une fonction
continue. On appelle
Z Z intégrale
Z Z de la fonction f sur le pavé P le nombre complexe noté
indifféremment
f ou
P
ZZ
f (x, y) dx dy défini par
P
Z b Z
ZZ
f=
P
f (x, y) dx dy =
P
d
f (x, y) dy
a
Z
d
Z
b
dx =
c
c
f (x, y) dx dy
a
On peut alors répéter les définitions et résultats qui nous ont permis de définir les
fonctions intégrables sur un intervalle à partir de l’intégrale sur un segment, pour définir
des fonctions intégrables sur un rectangle à partir de la notion de intégrale sur un pavé. On
donnera donc les définitions et propriétés suivantes sans commentaire ou démonstration.
– Soit R un rectangle et f : R → R continue positive. On dit Zque
Z f est intégrable
sur R s’il existe M ≥ 0 tel que pour tout pavé P ⊂ R on ait
f ≤ M . On pose
P
ZZ
alors
f = sup f ; on montre que si (Pn )n∈N est une suite croissante de pavés
P ⊂R
R
ZZ
ZZ
contenus dans R dont la réunion est R, alors
f = lim
f.
n→+∞
R
Pn
– Soit R un rectangle et f : R → C continue. On dit que f est intégrable sur R
si la fonction continue positive |f | est intégrable sur R ; on montre alors que si
(Pn )n∈N
Zest
suite croissante de pavés contenus dans R dont la réunion est R, la
Z une
suite
f
converge et que sa limite est indépendante du choix de la suite
ZZ
ZZ
(Pn )n∈N ; on pose donc
f = lim
f.
Pn
n∈N
R
n→+∞
Pn
– L’ensemble des fonctions continues de R dans C intégrables sur R est Zun
Z sousespace vectoriel de l’espace des fonctions continues et l’application f 7→
f est
R
linéaire.
– Si un rectangle R est la réunion de deux rectangles R1 et R2 ne se rencontrant que
suivant un de leurs côtés, alors f est intégrable
ZZ
Z sur
Z R siZ et
Z seulement si elle est
intégrable sur R1 et R2 et dans ce cas,
f=
R
f+
R1
f.
R2
On utilisera plusieurs fois le lemme suivant
Lemme 10.3.7 Soit R et R0 deux rectangles tels que R ⊂ R0 et soit f : R0 → C continue
et intégrable sur R0 . Alors f est intégrable sur R et
Z Z
ZZ
ZZ ZZ
|f | −
|f |
f−
f ≤
R0
R
R0
R
ZZ
Démonstration Tout pavé P inclus dans R est inclus dans R0 et donc sup
|f | ≤
P ⊂R
P
ZZ
ZZ
sup
|f | =
|f | < +∞ ce qui garantit l’intégrabilité de f sur R. De plus (avec
P ⊂R0
P
R0
10.3. Intégrales dépendant d’un paramètre
207
quelques conventions d’écritures évidentes pour l’intégrale sur la différence de deux
rectangles)
Z Z
Z Z Z Z
f
−
f = 0
R
R0 \R
R
ZZ
f ≤
ZZ
|f | ≤
ZZ
|f | −
R0 \R
R0
|f |
R
Lemme 10.3.8 Soit R = I×I 0 un rectangle, f : R → C une fonction continue, intégrable
sur R. Soit (Jn )n∈N et (Kn )n∈N des suites croissantes de segments dont les réunions sont
respectivement I et I 0 . Alors
ZZ
ZZ
ZZ
f = lim
f
f = lim
n→+∞
R
n→+∞
I×Kn
Jn ×I 0
Démonstration Premier cas : f est à valeurs réelles positives. On a alors
ZZ
ZZ
ZZ
f≤
f≤
f
Jn ×Kn
et comme
I×I 0
I×Kn
ZZ
ZZ
f = lim
n→+∞
I×I 0
Jn ×K
Z Zn
dont la réunion est I × I 0 ), on a
f (les Jn × Kn forment une suite croissante de pavés
ZZ
f . On démontre l’autre formule
f = lim
I×I 0
n→+∞
I×Kn
de manière similaire.
Deuxième cas : f est à valeurs complexes. On remarque que, d’après le lemme
précédent
ZZ
Z Z
ZZ
ZZ
|f | −
|f |
f−
f ≤
0
0
I×I
I×Kn
I×I
I×Kn
ZZ
qui tend vers 0 d’après le premier cas. Donc
ZZ
f = lim
I×I 0
n→+∞
f . On démontre
I×Kn
l’autre formule de manière similaire.
10.3.6
Théorème de Fubini sur un produit d’intervalles
Lemme 10.3.9 Soit I 0 un intervalle de R, f : [a, b] × I 0 → C continue. On fait les
hypothèses suivantes :
(i) pour tout x ∈ [a, b], y Z7→ f (x, y) est intégrable sur I 0
(ii) l’application g : x 7→
f (x, y) dy est continue par morceaux sur [a, b]
I0
(iii) f est intégrable sur le rectangle [a, b] × I 0
ZZ
Z b
Z b Z
Alors
f=
g=
f (x, y) dy dx.
[a,b]×I 0
a
a
I0
208
Chapitre 10. Suites et séries de fonctions
Démonstration Soit Kn une suite croissante de segments dont la réunion est I 0 . On
sait que
ZZ
ZZ
Z b Z
Z b
f = lim
f = lim
f (x, y) dy dx = lim
gn (x) dx
[a,b]×I 0
n→+∞
n→+∞
[a,b]×Kn
a
n→+∞
Kn
a
Z
en posant gn (x) =
f (x, y) dy ; le théorème de continuité des intégrales dépendant
Kn
d’un paramètre sur un segment nous garantit que gn est continue ; de plus, comme la
fonction y 7→ f (x, y) est intégrable sur I 0 , la suite (gn )n∈N converge simplement vers g et
on peut écrire
Z
Z
|gn+1 (x) − gn (x)| = f (x, y) dy −
f (x, y) dy K
K
Z n+1
nZ
= f (x, y) dy ≤
|f (x, y)| dy
Kn+1 \Kn
Kn+1 \Kn
Z
Z
=
|f (x, y)| dy −
|f (x, y)| dy
Kn+1
Z b Z
|f (x, y)| dy dx. En intégrant l’inégalité ci-dessus de a à b, on
Posons un =
a
Kn
obtient
Z b
Z b Z
|gn+1 (x) − gn (x)| dx ≤
a
Mais
a
N
X
Kn
Z b Z
|f (x, y)| dy −
Kn+1
|f (x, y)| dy
a
= un+1 − un
Kn
ZZ
(un+1 −un ) = uN +1 −u0 qui admet la limite
|f |. Donc la série
X
(un+1 −
[a,b]×I 0
n=0
un ) converge, et par conséquent, il en est de même de la série
XZ
b
|gn+1 (x) − gn (x)| dx.
a
Le théorème d’intégration termes à termes pour les séries de fonctions assure que
Z bX
Z b
+∞ Z b
+∞
X
(gn+1 − gn ) =
(gn+1 − gn ) =
(g − g0 )
n=0
a
Mais
a n=0
N
−1 Z b
X
n=0
a
a
Z
(gn+1 − gn ) =
b
Z
gN −
a
b
g0
a
Z b
Z b Z b
Z b
Autrement dit on a lim
gN −
g0 =
(g − g0 ), soit encore lim
gN =
N →+∞
N →+∞ a
a
a
a
Z b
ZZ
Z b
g, c’est à dire
f=
f , ce que nous cherchions à démontrer.
a
[a,b]×I 0
a
Nous sommes maintenant en mesure de démontrer un premier théorème reliant
l’intégrale sur un rectangle et les intégrales partielles sur les intervalles projections de ce
rectangle sur les deux axes.
10.3. Intégrales dépendant d’un paramètre
209
Théorème 10.3.10 Soit R = I × I 0 un rectangle, f : R → C continue. On suppose que
(i) f est intégrable sur R
(ii) pour tout x ∈ I, y 7→ fZ(x, y) est intégrable sur IZ0
(iii) les applications x 7→
|f (x, y)| dy et g : x 7→
I0
morceaux sur I
f (x, y) dy sont continues par
I0
ZZ
Alors g est intégrable sur I et
Z Z
Z
f=
g=
I×I 0
I
f (x, y) dy dx.
I0
I
Démonstration Soit J un segment inclus dans I. D’après le lemme précédent dont
les hypothèses sont évidemment vérifiées,
Z
Z Z
Z Z
ZZ
ZZ
|g| = f (x, y) dy dx ≤
|f (x, y)| dy dx =
|f | ≤
|f |
J
I
I0
I0
J
J×I 0
I×I 0
ce qui garantit que g est intégrable sur I.
Soit maintenant (Jn )n∈N une suite croissante de segments dont la réunion est I. Alors,
en combinant les deux lemmes précédents, on a
ZZ
ZZ
Z
Z
f = lim
f = lim
g= g
I×I 0
n→+∞
n→+∞
Jn ×I 0
Jn
I
ce que nous voulions démontrer.
Nous allons en déduire un théorème nous permettant d’intervertir les signes
d’intégration sur des intervalles.
Théorème 10.3.11 Soit I et I 0 deux intervalles de R, f : I × I 0 → C continue. On
suppose que
(i) pour tout x ∈ I, y 7→ f (x, y) est intégrable sur I 0
Z
(ii) pour tout y ∈ I 0 , x 7→ f (x, y) est intégrable sur I et l’application y 7→ f (x, y) dx
I
est continue par morceauxZ
(iii) l’application x 7→
f (x, y) dy est continue par morceaux sur I et
I0
Z
x 7→
|f (x, y)| dy est continue par morceaux et intégrable sur I
I0
Z
Alors l’application y 7→ f (x, y) dx est intégrable sur I 0 et on a
I
Z Z
I
Z Z
f (x, y) dy dx =
f (x, y) dx dy
I0
I0
I
Démonstration Soit P = J × K un pavé contenu dans I × I 0 . On a alors
ZZ
Z Z
Z Z
Z Z
|f | =
|f (x, y)| dy dx ≤
|f (x, y)| dy dx ≤
|f (x, y)| dy dx
J×K
J
K
J
I0
I
I0
ce qui montre que |f | est intégrable sur le rectangle I × I 0 . Il en est donc de même pour
f.
210
Chapitre 10. Suites et séries de fonctions
Z
Le théorème précédent assure que l’application x 7→
f (x, y) dy est intégrable sur
I0
I et que
Z Z
ZZ
f=
I×I 0
f (x, y) dy dx
I0
I
On applique à nouveau le théorème précédent en intervertissant
le rôle de I et I 0 ,
Z
donc des variables x et y. On obtient que l’application y 7→ f (x, y) dx est intégrable
I
Z Z
ZZ
sur I et que
f (x, y) dx dy =
f ce qui nous donne l’égalité recherchée.
I0
I×I 0
I
Remarque 10.3.2 Moyennant la vérification que toutes les fonctions intégrées sont
continues par morceaux, on pourra retenir ce théorème sous la forme
Z Z

Z Z
Z Z

|f (x, y)| dy dx < +∞ 
I
I0
Z
⇒
f (x, y) dy dx =
f (x, y) dx dy

I
I0
I0
I
∀y ∈ E,
|f (x, y)| dx < +∞ 
I
10.3.7
La fonction Γ
Z
Définition 10.3.3 Pour x ∈]0, +∞[, on pose Γ(x) =
+∞
tx−1 e−t dt.
0
1
) donc la fonction est intégrable sur [1, +∞[.
t2
x−1 −t
x−1
En 0, on a t e ∼ t
> 0 donc la fonction est intégrable sur ]0, 1] si et seulement si
x > 0. La fonction Γ est donc définie pour x > 0.
Démonstration
En +∞, tx−1 e−t = o(
Proposition 10.3.12 La fonction Γ est de classe C ∞ sur ]0, +∞[ et
(k)
Z
∀k ∈ N, ∀x ∈]0, +∞[, Γ (x) =
+∞
(log t)k e−t tx−1 dt
0
Démonstration Soit 0 < a < 1 < b < +∞ et posons f (x, t) = tx−1 e−t pour
(x, t) ∈ [a, b]×]0, +∞[. Soit J = [a, b] et I =]0, +∞[ ; la fonction f : J × I → C,
(x, t) 7→ f (x, t) est continue et admet des dérivées partielles par rapport à x, (x, t) 7→
∂if
(x, t) = (log t)i e−t tx−1 , continues sur J × I, i = 1, . . . , k. Soit ϕi :]0, +∞[→ R+ définie
∂xi
par
| log t|i e−t ta−1 si t ∈]0, 1]
ϕi (t) =
(log t)i e−t tb−1 si t ≥ 1
Alors ϕi est continue par morceaux, intégrable sur ]0, +∞[ et on a
∀(x, t) ∈ [a, b]×]0, +∞[, |
∂if
(x, t)| ≤ ϕi (t)
∂xi
10.3. Intégrales dépendant d’un paramètre
211
D’après
le théorème de dérivation des intégrales dépendant
d’un paramètre, Γ(x) =
Z +∞
Z
i
∂
f
f (x, t) dt est de classe C k sur [a, b] et Γ(i) (x) =
(x, t) dt. Comme a et b
i
∂x
0
]0,+∞[
sont quelconques, le résultat reste valide sur la réunion des intervalles [a, b], donc Γ est
de classe C k sur ]0, +∞[ et
Z +∞
(k)
∀k ∈ N, ∀x ∈]0, +∞[, Γ (x) =
(log t)k e−t tx−1 dt
0
Proposition 10.3.13 Pour tout x ∈]0, +∞[, Γ(x + 1) = xΓ(x). En particulier ∀n ∈
N, Γ(n + 1) = n!.
Démonstration
Soit 0 < a < b < +∞. On a par une intégration par parties
Z b
Z b
b
e−t tx dt = −e−t tx a + x
e−t tx−1 dt
a
a
Il suffit alors de faire tendre a vers 0 et b vers +∞ ; le crochet admet la limite 0
et on obtient Γ(x + 1) = xΓ(x). Comme Γ(1) = 1, une récurrence immédiate donne
Γ(n + 1) = n!.
1
Proposition 10.3.14 Γ( ) = 2
2
Démonstration
Z
+∞
2
e−t dt =
√
π.
0
Soit 0 < a < b < +∞. Le changement de variable t = u2 donne
Z √b
Z b
2
−t −1/2
e t
dt = 2 √ e−u du
a
a
Z +∞
1
2
Il suffit alors de faire tendre a vers 0 et b vers +∞, pour avoir Γ( ) = 2
e−t dt. La
2
0
√
π
valeur
de cette dernière intégrale sera admise (démontrée en exercice).
2
10.3.8
Méthodes directes
En ce qui concerne la continuité et la dérivabilité de F , on peut aussi tenter de majorer
Z b
directement les expressions F (x) − F (x0 ) =
(f (x, t) − f (x0 , t)) dt et F (x) − F (x0 ) −
a
Z b
Z b
∂f
∂f
(x − x0 )
(x0 , t) dt =
f (x, t) − f (x0 , t) − (x − x0 ) (x0 , t) dt en utilisant en
∂x
∂x
a
a
particulier l’inégalité des accroissements finis et l’inégalité de Taylor Lagrange à l’ordre
2 qui nous donneront, moyennant des hypothèses raisonnables,
kf (x, t) − f (x0 , t)k ≤ |x − x0 | sup k
y∈[x0 ,x]
∂f
(y, t)k
∂x
212
Chapitre 10. Suites et séries de fonctions
et
∂f
(x0 , t)k
∂x
|x − x0 |2
∂2f
≤
sup k 2 (y, t)k
2
y∈[x0 ,x] ∂x
kf (x, t) − f (x0 , t) − (x − x0 )
Des méthodes directes similaires peuvent être utilisées pour l’intégration.
Z
+∞
sin t −tx
e
dt. Il est clair que la fonction est intégrable
t
0
x0
pour x > 0. Montrons que F est dérivable sur ]0, +∞[. On a, pour x0 > 0 et x >
2
Exemple 10.3.3 Soit F (x) =
e−tx − e−tx0 + (x − x0 )te−tx0 =
(x − x0 )2 2 −tξ
t e , ξ ∈ [x0 , x]
2
en appliquant la formule de Taylor Lagrange à l’application y 7→ e−ty sur [x0 , x] (ou
(x − x0 )2 2 − tx0
[x, x0 ]), soit encore |e−tx − e−tx0 + (x − x0 )te−tx0 | ≤
t e 2 . On en déduit que
2Z
Z +∞
tx0
(x − x0 )2 +∞
|F (x) − F (x0 ) + (x − x0 )
sin te−tx0 dt| ≤
| sin t|te− 2 dt, toutes les
2
0
0
intégrales ayant manifestement unZsens. En divisant par |x − x0 |, on en déduit que F est
+∞
1
dérivable en x0 et que F 0 (x0 ) = −
sin te−tx0 dt = −
(facile). On obtient donc
1
+
x20
0
F (x) = K − arctg x, pour x > 0. Nous laissons en exercice au lecteur le soin de montrer
π
que lim F (x) = 0, ce qui montrera que K = . Bien entendu, on aurait pu aussi utiliser
x→∞
2
le théorème de convergence dominée pour démontrer la dérivabilité de F sur ]0, +∞[ (ou
plutôt sur [a, +∞[ pour tout a > 0).