Le ghetto de Pézenas

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Le ghetto de Pézenas
Le ghetto de Pézenas
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-- Patrimoine - France - Languedoc-Roussillon --
Languedoc-Roussil
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Le ghetto de Pézenas
nadia
dimanche 16 octobre 2005
Résumé :
Un ghetto du XIII° siècle figure au circuit touristique de Pézénas, bien repéré par l'association "Les amis de Pézenas" qui a pris à coeur de
faire un travail d'histoire et de restauration qui profite à la ville et à ses visiteurs. C'est aussi l'histoire d'une rencontre...
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Le ghetto de Pézenas
Août 2005, Le ghetto de Pézenas [1]
Alors que nous étions en chemin pour la Catalogne, celui-ci nous conduisit à faire une halte à
Pézenas, charmante petite ville de l'Hérault, dont je savais qu'il y eût un ghetto.
Porte du ghetto de Pézenas.ph/Neh 2005(JPEG, 22.7 ko)
D'un seul pas, nous avons traversé le centre ville pittoresque et animé et sommes arrivés sur une
jolie place où le personnel de l'Office du Tourisme nous accueillit. Aussitôt, nous avons demandé où
se situait le ghetto sur le plan et nous fûmes renseignés tout aussitôt. Puis, la personne prit le temps
de nous donner quelques explications et nous dirigea vers une autre personne plus informée
puisque Françoise (c'est son prénom) avait travaillé sur le sujet dans le cadre de l'association "Les
amis de Pézenas" et avait même contribué à la restauration du cimetière juif en 2003. Surprise
agréable ! Non seulement une association s'était intéressée au ghetto, avait entrepris la restauration
d'un cimetière retrouvé au milieu d'un champ et y avait impliqué la municipalité et l'Office du
Tourisme. Françoise nous fournit volontiers tous les documents qui avaient été publiés sur la
découverte du cimetière et nous indiqua le chemin pour nous y rendre. Plus tard, elle me fit
aimablement parvenir les extraits d'un ouvrage "L'histoire de Pézenas" dont quelques extraits
ci-après.
Notre halte à Pézénas dura quelques heures de flânerie et de découverte réjouissante qui prit la
forme d'un jeu de piste.
Nous empruntons la rue piétonne Emile Zola très animée et parvenons à la maison de Jacques
Coeur qui arbore des blasons aux motifs animaliers, le grand Argentier du roi qui avait établi le
centre de ses opérations commerciales à Montpellier en 1432, avait créé une factorerie à Pézenas
réputée pour son activité de négoce. En 1436, "il fut envoyé par Jean Beloysel, maître des comptes
et maître de la Chambre aux deniers du roi et de la reine "à Montpellier et à Pézenas pour toucher
une délégation de mille moutons d'or faite au nom de la reine sur ses comptables du Languedoc". [2]
De là, nous apercevons ce qui fut une porte, celle du ghetto un tunnel sombre au-delà duquel nous
entrerons dans la rue de la Juiverie.
Porte biaise de la ConciergerieContiguë à la porte du ghetto de Pézenas. ph/Neh 2005 -(JPEG,
29.4 ko) Sur la droite, contiguëe à la porte du ghetto, la porte biaise de l'ancienne prison consulaire,
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"si curieuse (...) surmontée d'un linteau sculpté de rosaces et de bucranes et flanquée de deux
colonnes ovales dont une seule subsiste." Sur la gauche, une des portes d'accès de la vieille ville, la
Porte Faugères. J'ignore s'il existe un lien dans cette proximité avec le ghetto, la maison de Jacques
Coeur et la Conciergerie.
C'est vers 1298 que les Juifs se seraient établis à Pézenas, venus d'Espagne, du Portugal et d'Italie,
attirés probablement par la renommée des Foires de Pézenas. Leurs activités de changeurs de
monnaie et de prêteurs les rendaient utiles au bon fonctionnement des Foires, les forains venant de
toutes les régions munis de leurs propres monnaies.
Porte du ghetto de Pézenas.vue de la rue Juiverie. ph/Neh 2005 -(JPEG, 25.4 ko) Au commerce
"typique" de vieux habits et de bestiaux, ils ajoutèrent l'activité régionale de la vente des laines et des
draps, "ils polissaient aussi le verre, trafiquaient l'alcool, du vin, des parfums et de l'huile." Les draps
de Montpellier étaient réputés sous le nom de panni e Montepessulano .
Maison dans la rue Juiverieph/Neh 2005(JPEG, 21.9 ko)
"Leurs vaisseaux partaient d'Agde, de Lattes et allaient s'approvisionner en marchandises en Italie et
jusque dans les pays d'Orient. Ils trouvaient en Espagne, à Séville notamment, les étoffes de soie. Ils
en rapportaient aussi les produits des mines d'or, d'argent, de fer, d'antimoine qu'ils répandaient
dans tout l'Occident. Ils devenaient ainsi les courtiers, les agents uniques du négoce mondial."
On peut s'avancer à dire que là où une Foire s'installait, des Juifs s'établissaient. Quel fut le
mécanisme de ces établissements ... Etaient-ils attirés vers de nouveaux lieux d'activités ...
Etaient-ils appelés par les pouvoirs locaux pour tenir une fonction "honnie" par l'Eglise mais bien utile
néanmoins au fonctionnement d'une économie comme l'avaient si bien compris les Comtes de
Champagne ... A la fonction de changeur et de prêteur, ils manient plusieurs langues et sont
d'excellents intermédiaires dans le commerce par delà les frontières. Nous pouvons constater
chaque fois que le nombre de la population juive est proportionnel à la taille de la localité et de son
activité économique. A Pézenas, le quartier Juif représente deux longues rues, nous verrons qu'à
Elne, il représente un minuscule réduit où ne pouvaient loger que quelques familles (4/5 ...). Par
ailleurs, il faut imaginer que bien des familles juives erraient à la recherche d'un havre, au XIII° siècle
ils subissent déjà les premières expulsions du royaume de France, les émeutes et pillages antijuives
de la population ou des croisés, l'exiguïté et la surpopulation de certains ghettos.
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Plaque rue Juiverie, Ghetto de Pézenas.ph/Neh 2005(JPEG, 15.5 ko)
Les Juifs du Languedoc-Roussillon sont aussi la plaque tournante d'une activité intellectuelle
foisonnante, entre l'Orient et l'Occident, leurs compétences et leur savoir profitent à la société
Chrétienne et arabo-musulmane. Au XIII° siècle, avant leur expulsion des terres de France, Lunel,
Montpellier, Narbonne, Béziers, comptaient des écoles talmudiques de grand renom, des centres de
traduction et de diffusion du savoir scientifique vers l'Occident, le centre de Lunel contribua aux
traductions et à la Kabbale, Montpellier à la fondation de la première Faculté de Médecine.
"Par un accord entre eux et les consuls, ils s'obligeaient à payer chaque année à la ville (de
Pézenas) « cinquante sols pour les tailles de leurs biens, possédaient la faculté d'avoir une
boucherie particulière ». Une sentence des vigiers de Béziers, du 13 avril 1332, imposait aux Juifs
étrangers, traversant Pézenas ou venant y vendre, un droit de leude : « Juif et Juifve passant et
étant à cheval, quelque jour que ce soit, paieront treize deniers pour leude et si la Juifve est enceinte
vingt-six deniers » [3] Ils payaient de même façon la traversée de l'Hérault au Pont de Montagnac." [
4]
La porte de la Juiverie franchie, le quartier a conservé toute son intégrité, les rez-de-chaussée des
bâtisses n'offrent au visiteur "aucun étal, aucun marchand, point de vitrine, point de devanture. Une
petite écurie pour l'âne, devant le seuil une ou deux marches de pierre usée, pour accéder aux
étages un escalier étroit, telle est la demeure. La rue des Litanies qui , de la seconde issue du ghetto
grimpe jusqu'à la butte du Château, ne voit circuler aucn véhicule. Point de mouvement, c'est le
silence, le sommeil, le recul dans un passé très lointain.
Rue des Litanies, ghetto de Pézenas.Sous les remparts du Château. ph/Neh 2005(JPEG, 30.9 ko)
Les maisons aux façades ridées semblent, pour ne pas tomber, s'appuyer les unes aux autres. Elles
sont comme le symbole des Juifs eux-mêmes qui les habitaient jadis, seuls, loin du monde, bien unis
cependant dans leur communauté. On s'attend à les voir sortir, un petit rond [5] de drap jaune sur la
robe pour qu'on puisse les reconnaître.
Et c'est vrai, une fois la porte franchie, le calme et la sérénité qui y règnent tranchent avec
l'animation commerçante des autres rues ; les touristes semblent s'arrêter à la porte.
Impasse fleurie, ghetto de Pézenas.Est-ce ici que fut située la synagogue ou le Miqwé ... ph/Neh
2005(JPEG, 31.5 ko)
Des fenêtres fleuries là où la rue Juiverie et la rue des Litanies forment un coude, arrêtent le regard
songeur ; ce cul-de-sac légèrement pentu semblerait marquer l'emplacement de la Synagogue où un
chroniqueur signala avoir vu en 1792 un miqwé , [6] "dans la tour carrée du sieur Messes, une
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grande cuve, d'une terre composée, servant autrefois à leur purification" non identifiée avec certitude
à ce jour.
La rue des Litanies grimpe jusqu'au deuxième accès du ghetto, sous les murs du Château. Rien
n'indique l'origine du nom de la rue, se peut-il qu'il soit lié aux Juifs qui psalmodiaient jadis entre
leurs murs du ghetto de Pézenas ...
Du haut de la rue des LitaniesGhetto juif de Pézenas. ph/Neh 2005(JPEG, 20 ko)
D'aucuns se perdent en conjectures, les quartiers juifs étaient-ils fermés le soir, de la volonté même
des Juifs ou de celle qui leur était imposée ...
Rue du Château, ghetto de Pézenas.la rue des Litanies débouche sur la rue du Château. Ph/ Neh
2005(JPEG, 23.6 ko)
L'organisation d'une vie juive conformément aux règles favorisaient un regroupement naturel autour
d'un même quartier, lui même tourné vers un lieu de prières, un miqwé , des commodités
d'approvisionnement, et un voisinage qui présentait les mêmes exigences d'observance religieuse ;
gage d'une moralité assurée, de la solidarité et d'une sécurité du groupe. La tradition juive prônant la
discrétion et la pudeur dans la vie sociale et familiale, les femmes avaient naturellement leurs
activités tournées vers la tenue du ménage, l'éducation des enfants, des oeuvres communautaires
de charité et d'entre-aide. Cependant que dans la France du Nord, Rachi avait admis dès le XI°
siècle qu'une femme allât chercher du travail à la ville, montât à cheval, ou servît une maîtresse
chrétienne. Peut-être le ghetto fut-il fermé le soir par les Juifs eux-mêmes, par souci de sécurité, se
protégeant des soudards et de la soldatesque, des vélléités soudaines de pillage, de pogrom ou de
conversion forcée, de la part de la population ou du seigneur local. Mais aussi sûrement, le fut-il
aussi de la volonté des pouvoirs locaux, notamment après le Concile de Latran (1215) qui interdit
aux Juifs de frayer avec les Chrétiens, et leur imposa la Rouelle.
Rue des Litanies, ghetto de Pézenas.ph/Neh 2005(JPEG, 15.1 ko) Il est probable qu'une mesure
préventive devint obligation d'enfermement, en général la configuration des ghettos s'y prêtaient trop
bien pour être anodine.
La plaque apposée à l'entrée du ghetto indique que la Communauté juive disparut probablement en
1394, lors de l'une des dernières expulsions du royaume de France.
Nous avions encore un rendez-vous avec Israël Bédarride avant de quitter Pézenas, ou la mémoire
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Juive exhumée à Pézenas. Reportez-vous à l'article qui lui est consacré.
[1] Source : "L'ami de Pézenas" Sept 2003, n°30. Bibliographie :- Notices nécrologiques par MM J.Félix, E. Lisbonne et
H.Delpech. Extraites des Archives israélites, de la Revue judiciaire des Cours impériales et du Messager du Midi. Montpellier.
Imprimerie typographique de Gras. MDCCCLXX. (Collection particulière.
Danièle et Carol Iancu, Les Juifs du Midi, une histoire millénaire. Editions A. Barthélemy. Avignon 1993.
André Ducel. Les électeurs censitaires dans la circonscription de Pézenas sous la monarchie de Juillet. In Actes du
XLVIII° Congrès de la Fédération historique du Languedoc méditerranéen et du Roussillon. Pézenas, les 10 et 11 mai 1975.
Montpellier 1976.
Revue hebdomadaire. Journal consacré aux matières littéraires, morales, politiques, commerciales et industrielles. Avril
1833-mai 1834. Imprimerie de Gabriel Bonnet (Collection particulière).
Registre de délibérations 1842-1852. Archives municipales de Pézenas.
[2] Vallet de Viriville. Sources : Histoire de Pézenas, Une ville d'Etats, p22.
[3] Archives Municipales Layète 2, Liasse 5, Charte 5.
[4] Archives du Château de Marennes.
[5] La Rouelle que les Juifs devaient coudre sur leur vêtement, et dont ils acquittaient une taxe.
[6] Bain rituel de purification des femmes après leurs périodes de menstruation.
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