Divorce sans juge : « Les avocats ont l`expérience, les compétences
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Divorce sans juge : « Les avocats ont l`expérience, les compétences
Ac tu a l it é 280m8 DIVORCE / SÉPARATION DE CORPS Divorce sans juge : « Les avocats ont l’expérience, les compétences et la déontologie pour maintenir l’équilibre entre les parties » 280m8 Entretien avec Élodie Mulon, avocat au barreau de Paris, associé, Mulon Associés, membre du Conseil national des barreaux, ancien membre du conseil de l’Ordre Élodie Mulon La loi de modernisation de la justice du XXIe siècle est parue au Journal officiel le week-end dernier (L. n° 20161547, 18 nov. 2016 : JO, 19 nov. 2016). Elle consacre l’entrée en vigueur, au 1 er janvier 2017, du divorce par consentement mutuel déjudiciarisé. Retour sur les implications pratiques de cette réforme avec Élodie Mulon, avocate au barreau de Paris et spécialiste du droit de la famille. Gazette du Palais : Qu’est-ce que la loi pour la justice du XXIe siècle va changer concrètement pour les avocats qui pratiquent le droit de la famille ? Élodie Mulon : Les avocats seront dorénavant deux dans le cadre d’un divorce par consentement mutuel. Du point de vue formel, l’acte d’avocat remplacera la requête et la convention portant effet du divorce, en comprenant les mêmes éléments. Il y aura donc d’un côté les divorces constatés par les avocats et de l’autre les divorces prononcés par le juge. Pour le consentement mutuel, cela sera uniquement quand un enfant mineur aura demandé à être entendu. Gaz. Pal. : Dans leur saisine du Conseil constitutionnel, les députés dénonçaient la contractualisation du divorce que le projet de loi mettait en place. Que pensez-vous de cette critique ? É. Mulon : Cela contractualise en effet le divorce et la dissolution du lien matrimonial. On peut se poser la question de savoir si cela ne s’oppose pas à l’ordre public de la famille. Même si les avocats sont là pour vérifier que les effets du divorce n’y contreviennent pas, c’est en principe au juge d’être le garant de l’ordre public. La question se pose notamment sur l’indisponibilité de l’état des personnes concernant les enfants, même si, dans les faits, les parents faisaient déjà ce qu’ils voulaient. Le texte crée par ailleurs une inégalité entre les enfants nés hors mariage pour lesquels les parents devront passer devant le juge, et ceux des couples mariés qui seront soumis au domaine contractuel. Gaz. Pal. : Prévoir que les enfants pourront demander à être entendus par un juge est-il réaliste ? É. Mulon : Non, c’est une hypothèse d’école. C’est absurde et c’est dangereux. Les enfants ne demandent jamais à être entendus dans le cadre d’un divorce par consentement mutuel. Seulement quand ils constituent un enjeu. Cela risque en plus de provoquer un détournement de la loi des parents qui auraient l’idée d’instrumentaliser les enfants afin de passer devant le juge. Gaz. Pal. : Les opposants à cette réforme mettaient également en avant le fait que, du fait de l’absence de juge, la partie la plus faible ne serait plus protégée. Qu’en pensez-vous ? É. Mulon : Nous avons beaucoup de cas où nous arrivons à convaincre notre client de ne pas accepter n’importe quoi au motif que cela sera sanctionné par le juge. C’est un argument qui permet d’équilibrer les demandes. La présence de deux avocats devrait limiter le risque que ce ne soit plus le cas. Puisque l’autonomie des justiciables est recherchée, la responsabilité des avocats consiste à veiller à ce que l’équilibre entre les parties soit maintenue. Ils ont l’expérience, les compétences et la déontologie pour le faire. Gaz. Pal. : L’acte d’avocat constatant le divorce sera déposé au rang des minutes d’un notaire. Comment accueillez-vous le rôle du notaire dans ce dispositif ? É. Mulon : Je trouve que le rôle accordé au notaire est infantilisant pour les avocats. Au départ, il devait simplement enregistrer l’acte, mais aujourd’hui, il se voit confier tout le contrôle formel de l’acte et de l’ensemble des éléments listés au nouvel article 229-3 G A Z E T T E D U PA L A I S - m a r d i 2 2 n ov e m b r e 2 0 1 6 - N O 4 1 7 A ct u al i t é du Code civil (noms, prénoms, adresses, mentions de l’accord des époux, état liquidatif du régime matrimonial, mention que l’enfant a été averti de son droit à être entendu, etc.), ce dont les avocats auraient très bien pu se charger. Que ces mentions soient correctes est de la responsabilité de l’avocat et un acte d’avocat sert justement à cela ! De plus, il faudra que nous soyons vigilants à ce que le notaire ne revienne pas sur la liquidation, notamment quand il y a des biens soumis à liquidation foncière. Accorder la force exécutoire à l’acte d’avocat règlerait le problème ! 8 G A Z E T T E D U PA L A I S - m a r d i 2 2 n ov e m b r e 2 0 1 6 - N O 4 1 Gaz. Pal. : La profession est-elle prête à appliquer ce texte ? É. Mulon : Elle le sera au 1er janvier 2017. Mais nous attendons toujours les décrets, et nous sommes également dans l’expectative de ce qu’il adviendra des requêtes déposées avant le 31 décembre et pas encore audiencées à cette date. Propos recueillis par Laurence Garnerie 280m8