MATARII SIGNIFICATIONS
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MATARII SIGNIFICATIONS
MATARII Ceci est un document d’informations adressé à toutes les écoles et établissements scolaires pour une meilleure approche et compréhension du thème. SIGNIFICATIONS Matarii (ou Matariki, Mataìki) est le nom des constellations dites Pléiades : A noho Ta’urua-nui i tui i te porou o te ra’i i te vahine, ia Te’urataui-e-pà, a fanau tana ari’i, o te hui tarava ia Mata-ri’i, o mere, e o ie-uru-mere-mere. Ta’urua-nui (Jupiter) qui frappe le zénith du ciel prit pour femme Te-’ura-taui-epa (rougeur échangée et quittée) dont il eut les princes, les constellations de Mata-ri’i (Petits Yeux Pléiades), Mere, (Tendresse des parents, Ceinture d’Orion) et Te-uru-meremere (La forêt de tendresses de parents, tout le reste d’Orion). (Teuira Henry : p 368-373)1 Il est admis aujourd’hui, après nombreuses recherches et témoignages, que les Pléiades* servaient de repère pour diviser l’année, aux temps anciens, déterminant ainsi deux principales saisons et périodes royales (tau ari’i) : «Voici les périodes royales observées par les tahitiens. Ce sont Matari’i-i-ni’a (Pléiades au-dessus) et Matari’i-i-raro (Pléiades en dessous). Lorsque les Pléiades brillent pour la première fois à l’horizon vers la constellation de la ceinture d’Orion [les trois grandes étoiles de la ceinture d’Orion forment une constellation à elles seules : c’est ce qui est exprimé dans le mot Mere (regrets des parents et enfants qui se quittent ) ; le mot Te-uru-o-mere (la forêt de Mere) exprime la constellation toute entière] dans le crépuscule du soir, dans le mois de Temâ (Eclaircissement), le 20 novembre, elles sont les signes avant-coureurs d’une saison d’abondance. Matari’i-i-ni’a est alors la saison, jusqu’à ce que les petites étoiles descendent au-dessous de l’horizon dans le crépuscule du soir, dans le mois de Auunuunu (Suspension), le 20 mai. C’est la fin de la saison d’abondance. Matari’i-i-raro est la saison qui commence dans le mois de Auunuunu en mai, quand ces petites étoiles disparaissent à l’horizon dans le crépuscule du soir jusqu’à ce qu’elles brillent à nouveau audessus de l’horizon dans le crépuscule du mois de Temâ en novembre. C’est la saison de pénurie » (Teuira Henry : p 3392) Ainsi, pour schématiser : la montée des Pléiades (la montée de Matarii) a lieu le 20 novembre, c’est synonyme d’une saison d’abondance (récoltes etc.) ou Tau àuhune. Cette période d’abondance dure 6 mois (division donc de l’année). Au mois de mai (toujours le 20), Matarii « descend » (les petites étoiles formant les Pléaides descendent au dessous-de l’horizon, elles ne sont plus visibles) cela signifie alors la fin de la saison d’abondance. Novembre le 20 Montée de Matarii Mai le 20 Descente de Matarii Fin de la saison d’abondance Saison d’abondance * Beaucoup d’associations culturelles reconnaissent le 20 novembre comme la date du début de l’année māòhi. 1 Récité en 1818 à Porapora par une très vieille femme appelée Rua-nui. La graphie originale ainsi que la traduction du passage sont respectées. 2 transmis en 1818 par le roi Pomare 1 Equipe langues 03/12/2012 Ministère de l’Education Le terme dans tous les archipels et dans le monde polynésien en général Iles de la Société/Iles Australes : Matari’i - Matarii3 Marquises : Mata’iki - Mata’i’i - Mataìki - Mataìi Tuamotu – Mangareva – Ile de Pâques - Iles Cook : Matariki Hawai’i : Makali’i - Makalii Samoa : Matali’i - Mata-ali’i - Matalii - Mata-alii Tonga - Wallis & Futuna –Tokelau –Tuvalu - Niue : Mataliki Etymologies En tahitien, deux sens étymologiques de MATARII sont principalement soutenus nécessitant un découpage différent du mot et même parfois sa réécriture. 1/Le premier sens relève du découpage suivant : MATA qui signifie « œil, yeux » et RII « petit, infiniment petit, infime» soit « petits yeux », traduction également avancée par Teuira Henry. 2/Le deuxième sens soutient quant à lui que MATA signifie « commencer, début, extrémité » (dans matahiapo « aîné », matahiti « année », matamehaì « le commencement », mātāmua « premier », haamata « commencer, débuter »…) et RII est la forme contractée de ARII « roi, chef ». MATARII pourrait donc être décliné de la manière suivante MATAARII (venant peut-être de la forme MATA TAU ARII) ou MATĀRII (avec un allongement sur la deuxième voyelle a) ou encore MATA-ARII et indiquerait le début de la période ou alors la période du roi. Cette hypothèse est également corroborée par le rituel selon lequel les prémices de la terre et de la mer doivent être offertes au arii. Si l’on se réfère aux autres langues polynésiennes locales, le marquisien nomme les Pléiades MATA-IKI4 ou MATAÌKI « petits yeux ». En paumotu tout comme en marquisien, on ne remarque pas à la réalisation orale un allongement systématique de la deuxième voyelle a comme c’est le cas en tahitien. Deux acceptions sont toutefois avancées en paumotu en ce qui concerne MATARIKI : « petits yeux » et « les yeux du arii ». Cette dernière acception viendrait d’un récit racontant que Matariki aurait mangé les yeux d’une tortue (animal sacré du roi) et enfant de Takero et se serait enfui dans le ciel poursuivi par le père de la tortue voulant venger la mort de cette dernière. Depuis, cette poursuite devint sans fin. Dans la généalogie des corps célestes relatée par Teuira Henry, les étoiles ainsi que les constellations sont décrites comme des « princes »5 (ari’i) et «… c’étaient tous des personnages royaux depuis la période des ténèbres, et chacun avait son étoile. Ils portaient les noms de ces étoiles et les noms ont été perpétués dans les marae de ce monde » (p.372). En maori, il y aurait deux traductions pour MATARIKI, nom maori pour désigner les Pléiades, soit MATA RIKI « petits yeux » soit MATA ARIKI « les yeux de(s) dieu(x) ». L’étude étymologique approfondie de MATARII (et équivalents) serait nécessaire en analysant davantage les termes et les coutumes afférentes aux Pléiades dans toutes les langues polynésiennes locales et plus largement dans les langues austronésiennes (langues – parmi lesquelles les langues polynésiennes locales – qui sont parlées depuis Madagascar et Taïwan à l’ouest, jusqu’à Hawaii, l’île de Pâques et la Nouvelle-Zélande à l’est et au sud). DESCRIPTION Matarii : cycle des rituels annuels Les Pléiades marquaient un cycle important dans la société traditionnelle polynésienne. En effet, dans les îles de la Société, au-delà de leur rôle dans les rites agraires, elles servaient également de repères temporels à un certain nombre de rites autour du culte de ‘Oro (dieu dont le culte était solidement institué dans l’île de Raiatea et qui s’est imposé comme divinité principale à Tahiti et dans la majeure partie des îles-Sous-le-Vent se superposant aux divinités locales, familiales ou claniques6), des ‘arioi et des morts. Selon 3 4 5 6 Graphie de l’Eglise Protestante Maòhi (cf : Turo a Raapoto). Writings of Thomas Lawson transcribed by Eric P. Kjellgren, transmis par Georges Teikiehuupoko. Traduction de T. Henry A. Babadzan, 1993 : 15 2 Equipe langues 03/12/2012 Ministère de l’Education Alain BABADZAN (Ethnologue), le cycle des rites annuels tout entier est à comprendre comme la remise en jeu périodique de la thématique du mythe de ‘Oro. Mais l’interprétation de ces cérémonies, déjà délicate en soi, n’est pas facilitée par la manière dont Teuira Henry dissocie dans sa présentation les rites agraires du nouvel an de ceux qu’elle juge propres à la singulière société culturelle des ‘Arioi. Une analyse comparative des sources permet pourtant de montrer que toutes ces fêtes prenaient place dans un cycle unique de cérémonies, où les ‘Arioi, représentants de ‘Oro sur terre, jouaient un rôle central. Ils étaient censés débarquer d’un autre monde et l’apparition de leurs pirogues, au début de la période de la récolte de l’arbre à pain, symbolisait le retour de l’abondance et l’arrivée des morts sur terre. L’événement correspondait idéalement à la période du lever crépusculaire des Pléiades à l’horizon, et inaugurait une période de réjouissances qui s’étalait pendant quelque six mois, en gros de novembre à mai. La disparition des Pléiades et à la fin de la période de fructification de l’arbre à pain signalaient le départ des ‘Arioi (et des morts), censés alors réintégrer leur domaine, le Po. Commençait ensuite un temps de disette pendant lequel les guerres, interdites jusque là, pouvaient reprendre. Les combats étaient placés eux aussi sous le patronnage de ‘Oro, mais cette fois sous son aspect de dieu de la guerre et de la destruction. Singularité majeure de la religion tahitienne, la même divinité patronnait aussi bien la fertilité et la paix que les activités guerrières, alors que ces deux fonctions étaient assumées dans tout le reste de la Polynésie par deux divinités distinctes. (A.Babadzan 1993, Mythes tahitiens, p. 21-22). Calendrier rituel et agricole (A. Babadzan 1993 : 223). «L’étude des rites annuels à Tahiti et aux îles de la Société suppose au préalable de résoudre de manière satisfaisante le casse-tête constitué par les représentations locales du cycle des saisons et du calendrier des lunes…». «…il s’agissait d’une affaire de spécialistes, et de spécialistes religieux7. A Tahiti comme dans toute l’Océanie (et bien au-delà), le calendrier rituel et agricole était déterminé par l’observation des phases de la lune, du cycle solaire, et par l’apparition et la disparition de certaines constellations. Parmi ces constellations, les Pléiades jouaient un rôle primordial (…Le rôle des Pléiades dans les calendriers et les rites agraires est loin d’être propre à Tahiti. Il semble bien s’agir d’un universel .. : les Pléiades sont symbolisées de manière souvent très voisine, sous toutes les latitudes, dans les sociétés pratiquant l’agriculture ou l’élevage, indépendamment de leur mode de production et de leur niveau technique) . Leur «arrivée» était liée à la fois au début de la saison d’abondance, au retour des morts, et au début des grands rites annuels ; leur départ, au départ des morts, à la fin des festivités ‘arioi et au début de la période de disette. L’année tahitienne se trouvait ainsi divisée en deux saisons de six mois chacune approximativement. La période de visibilité des Pléiades, allant à quelques jours près (à la fin du XVIIIè siècle) du 20 novembre au 20 mai, correspond également à la saison humide et chaude, alors que l’autre moitié de l’année, sans pouvoir être qualifiée de «saison sèche», est nettement moins humide et plus froide. «Pénurie» et «abondance» se rapportent aux variations saisonnières du rendement de l’arbre à pain (’uru). Le cycle rituel agricole est centré aux îles de la Société et aux Marquises sur la fructification de l’arbre à pain, alors qu’en Nouvelle-Zélande il se règle sur celui de la patate douce. La période de production majeure de l’arbre à pain se situe «entre novembre et avril», mais une fructification moins importante peut avoir lieu en juillet-août (Barrau 1971 : 11). L’arbre donne trois récoltes par an à des dates variant largement en fonction des districts, de l’exposition et de l’altitude de la plantation (Oliver 1974 : 240-242). Il reste qu’une période de disette se fait généralement sentir à partir de mai-juin. Selon Davies, la première récolte d’arbre à pain est «vers octobre ; mais la saison d’abondance à Tahiti commence d’ordinaire vers la fin de décembre» (Davies 1851 : 130 s.v. manavahoi)… L’année (Matahiti) était divisé en douze ou treize mois lunaires (marama) de 29 ou 30 «nuits» (pô), chacune de ces « nuits » portant un nom particulier (parmi lesquels reviennent les noms des divinités Ro’o, Tane et Ta’aroa)…Le mois (ou «lune») commençait avec l’apparition du croissant de la nouvelle lune. Le procédé par lequel cette année de 12 ou 13 lunes était raccordée au cycle solaire est très mal connu, et le nom du (ou des) mois intercalaire(s) n’est pas précisé par les sources, bien que la pratique en soit attestée. Seul Ellis (1829 : II, 419) indique que certaines années ne comptaient que douze mois et que l’on omettait parfois le mois correspondant à mars ou à juillet. En outre, les Tahitiens étaient probablement confrontés à la difficulté supplémentaire d’avoir à coordonner leur calendrier avec le lever et le coucher vespéral des Pléiades, qui devaient correspondre respectivement aux mois de Te-mâ et de Au-unuunu. Il est (…) certain, tous les documents polynésiens le montrent, que l’apparition des Pléiades (…) était le signe marquant sinon, le début du calendrier, du moins celui de l’année agricole et rituelle (Tahiti : Matahiti ; Hawai’i : Makahiki)… Cycle rituel (A. Babadzan 1993 : 235). 7 Observations confirmées également aux Marquises par Handy et selon les écrits de Lawson. 3 Equipe langues 03/12/2012 Ministère de l’Education «…Moerenhout distingue tout d’abord ‘‘quatre fêtes célébrées tous les trois mois, au renouvellement de chaque saison’’, chacune étant précédée par un pa’iatua (1837 : I, 514-515). Ellis confirme ce dernier point : selon lui, le pa’iatua était célébré tous les trois mois (1829 : II, 217). On notera que cette cérémonie ne comportait pas de sacrifices humains, qui n’étaient apparemment pas offerts lors des rites du cycle annuel, pendant lesquels d’ailleurs la guerre était interdite (Moerenhout 1837 : I, 503). Les fêtes des quatre saisons …avaient lieu ‘‘au commencement d’octobre’’, ‘‘vers décembre ou janvier’’, ‘‘«vers mars et avril’’, et ‘‘en juin, celle de l’hiver, la saison du deuil ou du départ des dieux’’ (Moerenhout…).» Les dates citées correspondent à la position du soleil aux équinoxes (21 mars et 22 septembre) et aux solstices (21 décembre et 21 juin), position que les polynésiens savaient parfaitement déterminer à l’aide de repères au sol (pierres dressées ou roches naturelles). « La cérémonie d’octobre n’est pas décrite. ‘‘Assez insignifiante aux îles de la Société, car on y était encore dans la disette’’, elle correspondait à la fin de la retraite des ‘Arioi (Moerenhout 1837 : I, 516) qui durait ‘‘jusqu’à l’équinoxe du printemps [le 21 septembre]. » Ouverture du cycle (A. Babadzan 1993 : 243-244). Selon Moerenhout elle a lieu au mois de teta’i (te-ta’ai selon les explications fournies par T. Henry), en novembredécembre, un mois avant l’offrande générale des prémices (parara’a matahiti), autour du solstice de décembre. Il est vraisemblable que ce premier rite soit lié à l’arrivée des pléiades (le 20 novembre). Il est possible aussi que ce soit à cette occasion que les ‘Arioi «sortent de leur retraite» après leur longue période de «deuil», puisque comme on l’a vu leur période d’activité rituelle correspond à la saison où le lever de cette constellation est observable au crépuscule. Le rite est une levée d’interdits sur la pêche de la bonite. Des trois cérémonies du cycle, c'est celle qui est la plus hautement dramatisée. Elle est la seule à comporter un tapu général sur toute activité humaine (et pas seulement sur la pêche : personne ne puvait [le premier jour] approcher du rivage, ni faire du feu, cuire des mets, ni manger avant le coucher du soleil. On ne pouvait ni construire des pirogues ou des maisons, ni fabriquer des étoffes, des nattes ou des filets ; en un mot tout travail était interdit, et c’était un jour de silence et de dévotion : Moerenhout 1837 : I, 157). Ce n’est qu’après l’offrande des prémices aux dieux puis au chef le lendemain que le troisième jour l’interdit est levé, apparemment sans aucune manifestation festive ‘arioi. Offrande des prémices de la pêche (A. Babadzan 1993 : 236-237). L’ouverture de la pêche à la bonite, au mois de Teta’i (novembre-décembre) est marquée par l’offrande de la totalité de la prise «aux dieux»…Le second jour, les poissons sont offerts à l’ari’i, et ce n’est que le troisième jour que l’interdit sur la pêche sera levé. Selon Morisson, « les premiers poissons pêchés vont toujours au marae où ils sont offerts par le prêtre avec des prières, puis aux prêtres, ensuite au chef et enfin au seigneur du lieu ou au propriétaire de la terre; il [le pêcheur] ne peut jouir des fruits de son travail avant que ceux-ci n’aient été tous servis». Le mois de Te-ta’i est lié à la fois à l’achèvement de la maturation de la première récolte d’arbre à pain, qui sera faite le mois suivant (Rehu, Varehu) où « l’abondance arrive » (te haere mai nei te ‘ahune), (Henry 1968 : 341), et à des offrandes végétales en provenance de l’intérieur (…). Offrande des prémices de l’agriculture (A. Babadzan 1993 : 237-240). Ce sont les prémices « de tous les fruits, de tous les comestibles et même ceux de l’industrie » qui sont offertes ‘‘aux dieux’’ (Moerenhout 1837 : I, 518), c’est à dire – pour Tahiti – à ‘Oro . Nommé parara’a (ou maoara’a) matahiti, ce rite a lieu « entre la fin décembre et le début janvier» (Henry 1968 : 185), et était «réglé sur la floraison des roseaux» (Ellis 1829 : II, 218). a- Pararaa matahiti « La fête des récoltes est aussi la célébration de l’arrivée des morts guidés par Ro’o-ma-Tana, gardien du pays des morts ‘Arioi, le Rohutu-noa-noa ». «Chaque année, dans tout l’archipel de la Société, était célébrée une fête nationale au moment de la récolte des premiers fruits de la terre. Cette fête s’appelait le parara’a matahiti (maturité de l’année). Cette saison se place en général entre la fin décembre et le début janvier. A cette occasion, les chefs et les populations des districts apportaient des offrandes de nourriture qu’ils déposaient sur le terrain de réunion en un tas immense appelé poropa et en faisaient des parts. Avec des discours appropriés prononcés par les orateurs officiels ils les présentaient aux dieux et aux gardiens du marae royal, à la famille royale et au clergé et se partageaient le reste entre eux. Pendant plusieurs jours des fêtes et réjouissances avaient lieu et à cette occasion les gens de toutes classes s’oignaient d’huile parfumée et s’ornaient de couronnes et de guirlandes de fleurs. Ils demandaient à Romatane, dieu du Paradis, de venir partager leur joie avec les esprits de leurs amis défunts. Certaines familles – particulièrement à Huahine – étendaient dans leurs maisons des tapa destinés à ces hôtes invisibles. Cette fête de la récolte continua, sous une forme moderne, longtemps après l’arrivée du Christianisme. Il 4 Equipe langues 03/12/2012 Ministère de l’Education a toujours été la coutume d’organiser une fête appelée fa’a’amu’a (nourrir) pour les invités venant d’une autre région ; des présents appelés ô (qui souhaite la bienvenue) sont échangés entre les hôtes et leurs invités.» (Henry 1968 : 185 – 186.). Ce retour annuel des morts, que l’on accueille dans chaque maisonnée, correspond vraisemblablement à la cérémonie annuelle décrite par Henry sous le nom de po-tupapa’u (Henry 1968 : 210). On appelait po tupapa’u les trois nuits suivant la pleine lune de chaque mois, toutes nommées du nom générique pour « plante, arbre » : ra’au (nuits de Ra’au-mua, Ra’au-roto, Ra’au muri ou Fa’aoti ra’au, respectivement 18è, 19è et 20è nuits du mois lunaire). C’étaient les nuits où « les morts revenaient afin que les vivants puissent les pleurer », les nuits où les tupapa’u se promènent (oriori), (Henry 1968 : 338 ; Stimson 1928). Clôture du cycle et fin de la saison d’abondance (A. Babadzan 1993 : 240-241 ; 249) Le départ des morts et la fin de la saison de l’abondance sont fêtés presque uniquement par des « banquets, des courses, des jeux et des combats » (Moerenhout 1837 :I, 522). Des cérémonies aux marae ont lieu, ainsi qu’un pa’iatua, mais l’essentiel n’est pas là : « c’était bien plutôt une fête nationale qu’une fête religieuse » (ibid. : 521) La tendance se confirme : depuis l’ouverture de la pêche, au début de la saison, jusqu’au départ des Pléiades et au départ des morts, de ‘Oro et des ‘Arioi, les interdits se font de moins en moins pesants. Dans cette dernière cérémonie, pour la première fois, toute dimension sacrificielle est absente. Les femmes, exclues des cérémonies du marae, participent aux réjouissances, acteurs ou spectatrices des représentations des ‘Arioi, qui, on le notera, se déroulent toujours hors du temple. Cette cérémonie qui clôt l’année rituelle et la période d’abondance (tau ‘ahune) se déroulait «en juin» ou «à la fin de mai ou au commencement de juin» (Moerenhout 1837 : I, 515, 516). Ouverte par des cérémonies au marae, la fête était essentiellement marquée par des jeux et des danses que Moerenhout rapproche «des jeux olympiques et des mystères d’Herta des anciens Germains » ; car ainsi que dans ces derniers, presque toutes les îles suspendaient leurs hostilités pour la célébrer […]. Ces jeux ne sont autres que les jeux rituels des ‘Arioi […]. L’association étroite des ‘Arioi à cette fête ne fait d’ailleurs pas mystère : les cérémonies se concluaient encore une fois par des rites sur les marae locaux destinés à faire accéder les morts au Rohutu-noa-noa, après quoi « les ‘Arioi suspendaient leurs fêtes et se retiraient chez eux pour pleurer l’absence des dieux ». Venus avec les morts à l’époque des premières cérémonies de l’année agraire, les ‘Arioi repartent donc avec eux à la fin de la saison de l’abondance, marquée, fin mai, par la disparition des Pléiades au crépuscule. Aux Marquises (Thomas Lawson 1867 et Handy 1923 ) Mataìki et Ehua apparaissent souvent ensemble dans les études. Dordillon et Lawson indiquent qu’ils sont tous deux des noms de constellations. Outre cette précision, dans l’ouvrage d’Handy, il est fait référence à la généalogie des lunes ou mois lunaires dont Atea ou Vatea (divinité) est le père d’où sont issus les mois lunaires Ehua (décembre) et Makaiki ou Mataiki (mai). Une lune ou mois lunaire me’ama ou mahina est composé de 29 ou 30 nuits po . Dix lunes font un puni ou tau et treize lunes d’après Lawson sont appelées Ua ou Mataiki. Handy mentionne également que Ehua, mataiki sont des termes appliqués au cycle des saisons soit le cycle annuel ou l’équivalent de l’année. Selon les natifs, ces termes ne sont pas employés comme des mesures de temps mais plutôt pour indiquer les grandes récoltes de fruit à pain dont Ehua et mataiki ou me’i nui sont les principales d’où mei nui (grande quantité de fruits à pain). Selon Lawson, il y a quatre saisons du fruit de l’arbre à pain par an appelées distinctement Ua, Komui, Mataiki et Kavea. La saison Ua (ou Ehua d’après Handy) est fêtée en mars-avril et est appelée comme telle car c’est la plus longue des saisons. A l’extrémité de chaque branche, il y a un groupe de deux ou trois fruits à pain d’où le nom attribué à la saison Ua ou double (rua en tahitien). Le Komui est une courte saison où les fruits sont mûrs en juin. La saison Mataiki en septembre produit plus de fruits que la saison Komui mais pas autant que la saison Ua. Le Kavea en décembre est une courte saison comme le Komui. Les saisons de l’arbre à pain sont très influencées par le temps. Les temps pluvieux provoquent la maturité précoce et l’abondance de fruits. Les temps secs provoquent la maturité tardive et la sécheresse fait tomber les fruits à pain de l’arbre avant maturité. Dans les endroits bien ensoleillés les fruits arrivent à maturité plus tôt que dans les endroits ombrageux et frais. Par conséquent, dans certaines vallées les fruits peuvent être ramassés toute l’année mais généralement on trouve des fruits mûrs six mois dans l’année. Pendant les saisons Ua, chaque famille généralement cueille et préserve 4000 « mano » et parfois 8000 fruits. A la saison Mataiki, quelques centaines au-delà de 4000 fruits. Les arbres sacrés et réservés aux dieux car aucune personne ne pouvant cueillir leurs fruits, tiennent plus longtemps dans la maturité de leurs fruits que les arbres qui appartiennent à tout un chacun dont les fruits sont cueillis au fur et à mesure qu'ils mûrissent. Handy cite également les écrits du père Siméon selon lesquels Ehua et Mataiki étaient également employés en référence aux saisons chaudes ou fraîches ainsi qu’à l’état de la mer. Mataiki à la saison fraîche quand la mer est calme sur les côtes nord et rude au sud et ehua à la saison chaude quand la mer est rude sur les côtes nord et calme au sud. 5 Equipe langues 03/12/2012 Ministère de l’Education Aux Marquises, une fête appelée vaihopu célébrait la fin de la période d’abondance et qui avait lieu au mois de mai. Le village construisait un grand four et y mettait des fruits à pain. Ces fruits à pain se conservaient longtemps dans le four. Les gens en consommaient quand ils en avaient envie. Le fruit à pain était également conservé par la fermentation ma dans un silo de fermentation du fruit à pain ùa ma pour le temps de pénurie. Aux Tuamotu La période la plus importante pour les Paùmotu est ponctuée par te hukiga o Matariki8 . Tous ne sont pas unanimes sur les acceptions paùmotu de Matariki raro et Matariki ruga (nià en tahitien). A l'aube, les tahuga guettaient l’apparition de Matariki qui se lève juste avant le soleil. Matariki ne disparaît pas vraiment à ce moment là mais ne sera plus visible à l’œil nu à cause de la lueur du soleil, mais continue de monter suivi du soleil. C'étaient des tahuga formés pour interpréter les signes9. Ils faisaient régulièrement ces observations jusqu'à ce qu'ils décèlent des signes de bons ou de mauvais présages. En effet, ce qui était important pour les Paùmotu, ce n'était pas tant l'abondance, mais c'est de savoir comment ils allaient passer l’année et Matariki était alors l’indicateur précieux de saison dure ou douce pour la population. En prévision de la pénurie, ils pratiquaient également la conservation de fruit de pandanus māa fara dont ils râpaient le fruit et formaient une pâte homogène tima et recueillait également l’amande du fruit. Cette préparation ainsi que les amandes du fruit du pandanus leur procuraient des protéines pendant la période de disette. Ils séchaient et fumaient aussi le poisson et le mollusque en prévision de la mauvaise saison (tempêtes et houle du nord notamment) 10. On dit également que MATARIKI (Pléiades) est un dieu (l'un des nombreux dieux du panthéon paumotu), il est perçu également comme le roi des FETIKA ou HETU (étoile), KAVEIGA (guide, cap)... Comme beaucoup d'étoiles, il sert de repère (cap) pour la navigation. EXPRESSIONS ET PROVERBES En Paumotu : Ka rave kia Matariki ei kaveiga no tātou11 -> Prenons Matariki comme repère pour nous orienter. E tomo tatou ki roto ki te rua o Matariki no te hano i te henua12…-> Prenons le cap de Matariki pour naviguer d’île en île. En Marquisien13 : Ia tu Mataiki, menino te tai -> Lorsque les Pléiades sont au zénith la mer est calme. En Maori14 : Matariki ahunga nui -> Matariki source d’abondance. Ngā kai o Matariki nāna i ao ake i runga -> Matariki fait déferler la nourriture. C’est la période nouvelle, où tout est renouvelé. It is the start for all things new. Lorsque Matariki apparaît le temps de la préservation de la nourriture est terminé. La pénurie est finie. Les Maori observent alors une cérémonie d’offrandes de fruits de la terre aux dieux Whiro et Uenuku afin d’assurer l’abondance de la prochaine saison. Matariki hunga nui -> Matariki a beaucoup d’admirateurs. Matariki kanohi iti -> Matariki aux yeux infiniment petits. Tēna ngā kanohi kua tīkona e Matariki -> Matariki te (main)tiendra (les yeux) éveillé. 8 C’est le rituel spécifique dédié à Matariki : « Te hukiga o Matariki » = le perçage de Matariki. On l’appelle également « Te hitiga o Matariki = le lever de Matariki). Le tahuga devait en effet percer Matariki avec sa lance pour qu’il libère les provisions qu’il porte afin que le peuple ne meure pas de faim pendant toute la nouvelle année qui commence à Paroro mua, début de l’année paùmotu vers mi-mai (source : J. Kape). Une autre version spécifie quant à elle que te huki ia matariki ou te huki ia Takero correspondent à un rituel ordonné par le tahuga invoquant Matariki ou Takero pour faire venir une tortue pour le ariki (source famille Maragai). 9 Ce serait également le fait des tohunga maori qui passaient de longues heures de la nuit à contempler les étoiles et auraient été considérés comme de véritables prophètes météorologues fiables. Voyageurs et pêcheurs les consultaient, et leurs pouvoirs leur ont permis aussi de prédire l'aspect général de la venue des saisons et leur productivité (selon Elsdon Best, réédition en 1955, in Ciel polynésien). 10 N’oublions pas que l’essentiel de la nourriture du Paùmotu vient de la mer. 11 J. Kape 12 Famille Maragai 13 Handy 1923. 14 Te Taura Whiri i te Reo Maori, http://www.tetaurawhiri.govt.nz. 6 Equipe langues 03/12/2012 Ministère de l’Education SOURCES Sources principales Les travaux d’Alain Babadzan qui reprennent des extraits de l’ouvrage de Teuira Henry et de J.A.Moerenhout principalement sur le présent thème nous ont permis d’alimenter ce document. Cependant les contenus concernent particulièrement les îles de la Société et nous manquons de sources pour les autres archipels. Nous espérons que la diffusion de ce document dans les écoles et établissements scolaires de Polynésie française ainsi que l’étude approfondie du thème permettront la remontée et la transmission des sources concernant les Marquises, les Australes et les Tuamotu-Gambier. BABADZAN, Alain, 1993. Les dépouilles des dieux. Paris, Editions de la Maison des Sciences de l’Homme. - 1993. Mythes tahitiens réunis par Teuira Henry, textes choisis et préfacés par Alain Babadzan. Paris, L’aube des peuples, Gallimard. ELLIS, William, 1972. A la recherché de la Polynésie d’autrefois. Paris, musée de l’Homme, Société des océanistes, publication n° 25, 2 vol. HANDY, E. S. Craighill, 1923. The native culture in the Marquesas. Honolulu, Bernice P. Bishop Museum Bulletin n° 9. HENRY, Teuira, 1928. Ancient Tahiti. Honlulu, B.P. Bishop Museum Bulletin n°48. - 1968. Tahiti aux temps anciens. Paris, musée de l’Homme, publication n°1 de la Société des océanistes (traduction de l’édition de 1928). KJELLGREN Eric P., 1867. Writings of Thomas Lawson. MOERENHOUT, Jacques-Antoine, 1837. Voyage aux îles du grand océan. Paris, Maisonneuve (rééd.). MORRISON, James, 1966. Journal de James Morrison, second maître à bord de la « Bounty ». Paris, musée de l’Homme, publication n° 16 de la Société des océanistes. OLIVER, Douglas L., 1974. Ancient Tahiti Society. Honolulu, University Press of Hawaii. STIMSON, J.F.; MARSHALL, D.S. (eds), 1964. Dictionary of Some Tuamotuan Dialects of the Polynesian Language. The Hague, Martinus Nijhoff. http://ciel.polynesien.free.fr/sources.htm http://www.tetaurawhiri.govt.nz Voir aussi la pièce de théâtre de Valérie Gobrait « Matarii ». Sources éventuelles (liste non exhaustive) Académie marquisienne – Tuhuna Èo Ènana Académie tahitienne – Fare Vana’a Association Haururu Association Ôparo Association Proscience Association Te Oko Te Henua Enana Association Te Reo Maareva Association Te Reo o te Tuamotu Associations des astronomes de Polynésie française. Centre de Recherche et de Documentation Pédagogique - CRDP Cercle d’Investigation d’Ethnoastronomie Locale - CIEL Te Fare Upa Rau - Conservatoire Artistique Heiva Nui Institut de la Communication Audiovisuelle Ministère de l’Environnement Ministère de la Jeunesse et de la Culture Service de la Culture et du Patrimoine Te Fare Tauhiti Nui – Maison de la Culture Te Fare Iamanaha – Musée de Tahiti et des îles. DOMAINES DE RECHERCHES ET D’EXPLOITATION DU THEME Astronomie : ciel astral, étoiles, constellations… - nomenclature astronomique polynésien (étoiles, lunes…) - représentations savantes et sociales du ciel polynésien, des étoiles… 7 Equipe langues 03/12/2012 Ministère de l’Education - ethnoastronomie - navigation et ciel La gestion de l’espace et du temps : - Découpage du temps : calendrier lunaire, journalier, saisons, calendrier agraire… - Aménagement de l’espace agricole et maritime, le rahui… - L’homme dans son environnement : rapport à la mer, à la terre, au ciel - Gestion de la pénurie dans les îles - La navigation - Le système numérique… La connaissance et savoirs traditionnels sur le milieu naturel : - les espèces animales et végétales et leurs cycles ; - le cycle agricole ; - la météorologie ; - les vents et courants marins … La tradition orale : - genres littéraires : mythologie, récits, légendes, contes, comptines, poésie… - légendes de Pipiri mā, du ùru (arbre à pain), de Matariki… - chants et danses pei, pataùtaù… - art oratoire : òrero, joutes oratoires, rauti tamaì… Les sports et jeux traditionnels : - jeux éducatifs et mnémotechnique d’accompagnement : jeux de ficelle fai - jeux d’équilibre : jeu d’échasse rore… - jeux de coordination : perē rāau, taìri pohue.. - jeux de réflexion : perē faanuu… - sport de combat et d’adresse : taputo, tir à l’arc teà /fana, pātia fā, ômore (lance)… La technologie et art plastique : - fabrication de modèles réduits tītīrāina, àumoa, totoie, pereoo miro, fana (teà), ùo (cerf-volant) - art du tressage : raraa, rauoro, firi nape… - fabrication de matériel de pêche, d’agriculture et de navigation : ùpeà, toì, hue, tata, hinaì (nasses), matau, kao, ôfaì taora, hoe… - fabrication d’ornements de prestige : coiffe de guerre fau, ceintures maro, hātua, tātua, plastron de guerre taumi, éventail tāhiri… - fabrication d’instruments de musique : vivo, ìhara, pahu, titapu… - architecture, charpenterie marine : fare potee, vaa… - fabrication d'ustensiles et d'objets utilitaires: umete, turua, nohoraa, penu, i'e.. - fabrication de tapa. - Motifs de tatouage - Gravure, pyrogravure et sculpture dans les différents styles polynésiens connus (marquises, australes, société) et sur différents supports (bois, bambous, nacre, corail, pierre..) http://tnt.pa-tahiti-tourplan.com/fetes-festivals-de-tahiti-et-ses-iles/les-festivites-de-matari%E2%80%99i-ini%E2%80%99a/?lang=fr 8 Equipe langues 03/12/2012 Ministère de l’Education