L`enfant à haut potentiel

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L`enfant à haut potentiel
L’enfant à haut potentiel
L’enfant à haut potentiel
Doué, surdoué, précoce, prodige,
génie… autant de termes, autant
d'interprétations. Ces appellations
faussent la compréhension de cette
forme particulière d'intellect. Mais,
qui sont ces enfants à haut(s)
potentiel(s), comment vivent-ils
leur différence, quels sont les bons
comportements à adopter en tant
que parent et enseignant… Plein feu
sur un trouble qui fait débat.
© Eléonore H / Fotolia.com
Selon les chiffres de l'Éducation nationale1, 2,3 % des scolaires de 6 à 9 ans seraient des enfants
à haut (s) potentiel(s), soit plus de 200 000 en France. Cela représenterait un enfant par classe.
Ces jeunes individus peuvent montrer des motivations et des centres d'intérêts qualitativement
différents de ceux de leurs camarades. Leur soif d'apprendre se manifeste très tôt pour des
matières comme les sciences, la philosophie, la métaphysique, les mathématiques… sans pour
autant briller par des résultats spectaculaires, à l'école.
Ni surdoué, ni précoce, ni bizarre
Professeur en pédopsychiatrie, chef du Service Hospitalo-Universitaire de Psychiatrie de l'Enfant
et de l'Adolescent du CNAHP2 de Rennes, Sylvie Tordjman nous apprend que 90 %3 de ses jeunes
patients sont en échec scolaire. « D'où l'importance de l'appellation ». Selon la spécialiste, le
terme « surdoué » que l'on a longtemps préféré à « haut(s) potentiel(s) », conduit les jeunes à un
comportement excessif.
« Doué » renvoi au don et « sur- » à l'abondance. De plus, cette désignation induit une
problématique de dette : ils sont porteurs d'une mission par rapport à l'entourage, à la famille, à
la fratrie… ». Sylvie Tordjman a aussi constaté que bien souvent, on passait de « surdoué » à « LE
surdoué ». Ce glissement peut amener l'enfant à un état quasi dépressif comme si son identité se
fondait autour de sa dénomination et de ses caractéristiques. À ce propos quelles sont-elles ?
Caractéristiques potentielles
Le docteur Lilian Nicolas, psychiatre praticien de la maison des adolescents de Valence, rappelle
qu'il n'est pas question de catégoriser un enfant ou un adolescent en le stigmatisant par une liste
de symptômes. « Il est impensable de le résumer en intégralité ». Toutefois, il subsiste une base.
Tous les professionnels interrogés témoignent d'une précocité du développement du langage
verbal. « Ces patients sont très exigeants quant aux mots. Je dois être très précis sur le
vocabulaire employé, sans quoi je ne me fais pas comprendre, ou je me fais coincer » nous
apprend le praticien de la maison des adolescents.
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2009
Centre national d'Aide aux enfants et adolescents à Haut Potentiel.
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Source : Éducation nationale, 2009.
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Autre observation : l'apprentissage de la lecture. « Chez l'enfant à haut(s) potentiel(s), il se fait
de manière très précoce. On retrouve un investissement plus important que chez ses camarades.
De manière spontanée, ces petits vont éplucher la moindre écriture : panneaux publicitaires,
pancartes, étiquettes… » explique Sylvie Tordjman. Selon elle, cette volonté de tout décrypter
traduit un rapport affectif aux livres. Les parents du sujet lui lisaient des histoires et dès sa plus
tendre enfance, il l'aura intégré comme un moyen de communiquer avec eux.
De manière globale, ces bambins sont vifs, ils font l'objet de compétences précises. Ils sont
extrêmement réactifs. Ils sont généralement visuels, cognitifs et mènent plusieurs activités à la
fois. Lilian Nicolas met en garde : « les symptômes ne s'arrêtent pas à ça. Souvent nous voyons
des parents qui s'en servent comme argument en consultation ».
Un trouble valorisant ?
Si le docteur Nicolas insiste sur ce point, c'est que beaucoup d'adultes se réfugient derrière ce
trouble pour justifier les difficultés scolaires de leur fils ou de leur fille. Il s'agit là d'une façon de
gérer les échecs scolaires tout en se mettant en valeur. « Souvent, cette particularité est lourde à
endosser. Ces jeunes suscitent de l'exaspération, de la jalousie. Leur façon d'interagir est une
source d'irritation pour leur entourage. Dès le premier contact, ils rentrent dans une forme de
joute. Ils agissent ainsi parce qu'ils n'ont pas confiance en eux. Il faut le savoir » remarque Sylvie
Tordjman.
Un proviseur d'établissement scolaire du 16e arrondissement, destiné aux élèves «
intellectuellement précoces » observe que la grande majorité de ces écoliers pose beaucoup de
questions, « ce qui peut les rendre épuisants. Certains d'entre eux présentent un tel décalage au
niveau des processus mentaux et des centres d'intérêts, qu'ils seraient perçus comme « bizarres
» par les élèves dits « normaux ». Ils pourraient faire l'objet de remarques provocatrices, de
menaces ou encore de moqueries. ».
Sylvie Tordjman le confirme : « Des parents, des professeurs, des médecins même, peuvent se
sentir coincés et ne faire aucun cadeau à ces enfants. Le réflexe consistant à dire parfois «
puisqu'ils sont si intelligents, ils n'ont qu'à se débrouiller seuls ». On parle beaucoup de ces
mômes surdoués, précoces et talentueux, dans les médias. Du coup, on multiplie les amalgames
et crée des sortes de tendances. Dans mon centre hospitalier, plus de la moitié des familles que
l'on reçoit sont persuadées à tort, d'être parents d'un enfant à haut(s) potentiel(s). Comment en
est-on arrivé à ce stade-là ? Savent-ils que 30 % des sujets présentant ce trouble n'arrivent pas
jusqu'au bac ? »
Un ghetto de surdoués
La question de la scolarité de ces élèves divise même jusqu'à l'Éducation nationale. Faut-il leur
faire sauter des classes ? Faut-il les isoler dans des « ghettos » de surdoués ? Souvent ces enfants
gênent la classe, ne sont pas concentrés, s'intègrent difficilement. Pour ce directeur
d'établissement scolaire pour jeunes « surdoués », la question ne se pose pas. « Nos élèves sont
véritablement heureux de se retrouver entre eux. Ils se sentent moins rejetés et ont un
enseignement adapté à leur rythme. Ils n'éprouvent plus d'ennui en classe et ne souffrent plus
de leurs différences. »
Pour Lillian Nicolas et Sylvie Tordjman, cette façon de procéder fait débat. « Au lieu de créer des
ghettos de surdoués ou de leur faire sauter des classes, et donc de procéder à un saut affectif, il
est possible de procéder différemment. » Sylvie Tordjman insiste sur l'importance de rester dans
une dynamique de normalité. « Ce qui est important par rapport à la réussite scolaire, c'est la
valorisation de l'effort. Il est capital de maintenir ses enfants dans un état de challenge, de façon
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à ne pas gâcher les compétences, et faire en sorte que l'enfant ne se repose pas sur ses acquis. Il
est fondamental de transmettre le goût de l'effort. »
Des études menées auprès d'élèves ayant fait partie de classes de surdoués4, révèlent qu'une
forte majorité de ces derniers aurait préféré ne pas y aller. À l'inverse, beaucoup d'élèves à
haut(s) potentiel(s) qui ont suivi un parcours classique, tout en bénéficiant d'un
accompagnement personnalisé et d'un projet individuel, se montrent plus motivés que les autres
élèves. « Ce qui prouve bien que tous les élèves à haut(s) potentiel(s) ne sont pas en difficulté,
que l'on rassure les parents », conclut Sylvie Tordjman. Qu'on rappelle également à certains
d'entre eux que tous les enfants en difficulté ne sont pas nécessairement des surdoués.
En savoir +
Livres
x
Aider les enfants à haut potentiel en difficulté : repérer, comprendre, évaluer et prendre en
charge, sous la direction de Sylvie Tordjman, Presse universitaire de Rennes
x
L'enfant doué, l'intelligence réconciliée, Arielle Adda et Hélène Catroux, Éditions Odile Jacob
x
Le livre de l'enfant doué : le découvrir, le comprendre, l'accompagner sur la voie du plein
épanouissement, Arielle Adda, Éditions Solar
x
Les enfants surdoués : Ou la précocité embarrassante et Guide pratique de l'enfant surdoué —
Repérer et aider les enfants précoce, Jean-Charles Terrassier, ESF
x
Surdoués - Mythes et Réalités, Ellen Winner, Éditions Aubier
Sur Internet
x
Association pour l'épanouissement des enfants à haut potentiel — www.ae-hpi.com
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Les tribulations d'un petit Zèbre
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Source : Centre National d'Aide aux enfants et adolescents à Haut Potentiel (CNAHP) de Rennes, études
réalisées auprès de 530 enfants, en 2010.
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