européennes 2014
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PARLEMENT : LA DROITE BAT AU ROYAUME-UNI, LES SOCIAUX-DÉMOCRATES LES EUROPHOBES EN TÊTE LIRE PAGE 10 LIRE PAGE 11 Mardi 27 mai 2014 - 70e année - N˚21571 - 2 ¤ - France métropolitaine - www.lemonde.fr --- Le chaos du président Hollande Fondateur : Hubert Beuve-Méry Le triomphe du Front national dévaste le paysage politique français I nutile de chipoter, d’invoquer le taux d’abstention très élevé ou de minimiser l’importance de ce scrutin défouloir : le Front national est le grand vainqueur, en France, des élections européennes. Après son score sans précédent à la présidentielle de 2012 et la percée du FN aux municipales de mars, Marine Le Pen a atteint son troisième objectif. Avec plus du quart des suffrages exprimés le 25 mai, elle est à la tête du premier parti de France et devance nettement l’UMP comme premier parti de l’opposition. Plus que jamais, le parti d’extrême droite a donc su exploiter à son profit la triple crise qui mine le pays depuis des années. Crise économique et sociale, marquée par six années de croissance quasi nulle et d’envolée inexorable du chômage. Crise d’une Europe qui t Avec 25 % des voix, Marine Le Pen remporte pour la première fois un scrutin national t Réunion de crise à l’Elysée après la déroute historique du PS t Manuel Valls annonce des baisses d’impôts t Le revers cinglant de l’UMP précipite sa crise interne ÉDITORIAL UK price £ 1,80 a cessé d’offrir un giron protecteur etun horizon prometteurpour devenir le repoussoir de bien des inquiétudes nationales. C’est ce sentiment, certes minoritaire mais très vif, que le Front national exprime. Crise politique, enfin. A force de macérer, le malaise démocratique, le discrédit des partis politiques traditionnelset l’impuissancedesgouvernants à répondre aux craintes des Français ont fini par provoquer un séisme plus profond et plus grave que celui du 21 avril 2002. Alors, la qualification de JeanMarieLe Pen au second tourdela présidentielle avait été un coup de semonce. Aujourd’hui, le succès de sa fille est un coup de massue qui bouleverse tout le paysage politique. Avec moins de 14 % des suffrages, la déroute du Parti socialiste est sans précédent depuis près d’un demi-siècle dans une élection nationale. Elle n’est pas compensée par les autres listes de gauche : toutes les gauches réunies ont attiré les voix d’à peine plus d’un électeur sur trois. La claque est presque aussi cinglante pour la droite. Fragilisée par ses divisions autant que par les récentes affaires financières mettant en cause son président, l’UMP apparaîtaffaiblie,écarteléeetincapable d’incarner une opposition convaincante. Quant aux centristes, ilstirentleur épingledu jeu, maisrestent une force d’appoint aléatoire. Pour le pouvoir exécutif, l’heure est donc « grave, très grave », comme l’a martelé le premier ministre, Manuel Valls. En dépit de la protection des institutions, la sanction des européennes, deux mois après celle des municipales, oblige à poser la question : comment agir, gouverner – et plus encore réformer – quand le chef de l’Etat est aussi affaibli et sa base politique aussi étriquée ? C’est pourtant vital pour empêcher Mme Le Pen de poursuivre sa marche en avant. En Europe, où elle faisait déjà figure de maillon faible, la France va inévitablement apparaître comme le « mouton noir », en proie aux délétères – et détestables – pulsions du national-populisme. Cela réduira d’autant la capacité d’influence de François Hollande et ses marges de manœuvre. Calamiteux. p LIRE PAGES 2 À 13 Marine Le Pen, le 25 mai, au siège du Front national, à Nanterre. CYRIL BITTON/FRENCH POLITICS POUR LE MONDE TOUR D’EUROPE... Juncker revendique la présidence de la Commission Le Parti populaire européen est le premier parti à Strasbourg, devant les sociaux-démocrates de Martin Schulz. Libérauxdémocrates Verts Sociauxdémocrates Gauche radicale PAGES 9 À 13 43 55 70 Conservateurs 212 44 186 CRE (conservateurs) 36 Le nouveau Parlement européen 751 sièges Souverainistes Non-inscrits 38 (dont FN) Mamie, c’est toute l’année qu’elle enchaîne les services à la cuillère. 67 Autres Résultat provisoire LE REGARD DE PLANTU Mamie Nova, il n’y a que toi qui me fais ça. POUR VOTRE SANTÉ, ÉVITEZ DE GRIGNOTER ENTRE LES REPAS. www.mangerbouger.fr Algérie 180 DA, Allemagne 2,40 ¤, Andorre 2,20 ¤, Autriche 2,50 ¤, Belgique 2 ¤, Cameroun 1 800 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d’Ivoire 1 800 F CFA, Croatie 19,50 Kn, Danemark 30 KRD, Espagne 2,30 ¤, Finlande 3,80 ¤, Gabon 1 800 F CFA, Grande-Bretagne 1,80 £, Grèce 2,40 ¤, Guadeloupe-Martinique 2,20 ¤, Guyane 2,50 ¤, Hongrie 950 HUF, Irlande 2,40 ¤, Italie 2,40 ¤, Liban 6500 LBP, Luxembourg 2 ¤, Malte 2,50 ¤, Maroc 12 DH, Norvège 28 KRN, Pays-Bas 2,40 ¤, Portugal cont. 2,30 ¤, La Réunion 2,20 ¤, Sénégal 1 800 F CFA, Slovénie 2,50 ¤, Saint-Martin 2,50 ¤, Suède 35 KRS, Suisse 3,40 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,40 DT, Turquie 9 TL, USA 4,50 $, Afrique CFA autres 1 800 F CFA 2 0123 Mardi 27 mai 2014 Le séisme qui ébranle la vie politique française Pour la première fois dans l’histoire de la République, un parti d’extrême droite arrive largement en tête d’un scrutin nat U ne page de la vie politique française s’est définitivement tournée, dimanche 25 mai, à l’occasion des élections européennes. Pour la première fois en France, l’extrême droite est arrivée en tête d’un scrutin d’ampleur nationale. Douze ans après sa deuxième place à la présidentielle de 2002, voilà le FN en pole position, loin devant les autres formations politiques. Marine Le Pen a donc réussi un double pari : hisser le parti créé en 1972 par son père à son plus haut niveau historique, et, à travers cette victoire, provoquer un profond bouleversement de la scène politique nationale. Le triomphe du FN Depuis deux ans, le même scénario se répète : à chaque élection, le FN progresse nettement par rapport au précédent scrutin équivalent. A la présidentielle de 2012, Mme Le Pen avait ainsi obtenu 17,9 % des voix, soit 7,5 points de plus que son père cinq ans plus tôt. Aux législatives suivantes, le FN avait rassemblé 13,6 % des suffrages, soit une progression de 9,3 points par rapport à 2007. Aux municipales de mars, enfin, le parti d’extrême droite a enregistré une poussée inédite : onze mairies conquises – il n’en avait jamais détenu plus de quatre. Le scrutin de dimanche confirme cette tendance, maisen l’accentuant. Avec près de 25 % des voix, le FN quadruple son score par rapport aux élections européennes de 2009, arrivant en tête dans cinq des septcirconscriptionsmétropolitaines. Ce résultat est d’autant plus remarquable que le niveau de l’abstention (57 %) est élevé, ce qui tend à montrer que les électeurs du FN se sont fortement mobilisés. C’est dans le Nord-Ouest, où sa présidente était elle-même tête de liste, que sa percée est la plus spectaculaire : avec 33,6 % des voix, Marine Le Pen distance de près de 15 points la liste de l’UMP (18,75 %) et de plus de 20 points la liste commune au Parti socialiste et au Parti radical de gauche (11,78 %). Si les scores très élevés du FN dans l’Est (28,96 %) et le Sud-Est (28,18 %) ne sont guère surprenants au regard des scrutins de ces dernières années, les résultats qu’il obtient ailleurs sont beaucoup plus étonnants. Dans les régions traditionnellement rétives à l’extrême droite, les digues ont sauté. C’est le cas dans le SudOuest, où le FN, avec 24,71 % des voix, a quadruplé son score de 2009. C’est également le cas dans l’Ouest: encinq ans,le FN y a multiplié son score par six, passant de 3 % à 19,3 % des suffrages. C’est enfin le cas en Ile-de-France, où il arrive en deuxième position, avec 17,3 % des voix. Tel est l’un des enseignements majeurs du scrutin : désormais, aucune partie du territoire, y compris les régions les moins touchées par la crise et les plus réputées « europhiles », n’échappe à la flambée de l’extrême droite. Dans la stratégie de « banalisation » du FN voulue par Mme Le Pen, un tel élargissement de l’ancrage géographique du parti est un acquis de taille. La gauche en miettes Lesrésultatsdes électionsmunicipales le laissaient présager, les sondages des dernières semaines aussi, il n’empêche : le résultat obtenu dimanche par le PS est un choc. Jamais depuis 1979, date des premières élections européennes, son score n’a été aussi bas. Jusqu’alors,l’étiageétait celuide la liste conduite par Michel Rocard en 1994 : 14,5 % des voix. Cette fois, le PS ne fait en apparence que légèrement moins bien, avec 13,98 % des suffrages. Mais en réalité, la baisse est nettement plus préoccupante. Il y a vingt ans, nombre de sympa- thisants socialistes avaient voté pour la liste conduite par Bernard Tapie (12 %). Deux ans après l’élection de François Hollande, le PS se trouve en somme dans une situation pire que celle dans laquelle il était à la fin du second septennat de François Mitterrand, ce qui en dit long sur la rapidité de son usure au pouvoir. Les scores qu’il obtient dans certaines régions disent l’ampleur de la débâcle: 11,78 % dans le NordOuest, soit un recul de 6 points par rapport à 2009 ; ou encore 13,23 % dans l’Est, soit un recul de près de 4points en cinq ans, et ce, bien que la liste du PS y fût conduite par le charismatique Edouard Martin, l’ancien leader syndicaliste de Florange. Pour la gauche dans son ensemble,le scrutinest donc unecatastrophe. En 2009, le faible score du PS (16,5 %) avait pour corollaire l’excellent résultat enregistré alors par Europe Ecologie-Les Verts (16,3%), dûnotammentà la personnalité de celui qui en conduisit la campagne, Daniel Cohn-Bendit. Cette fois, EELV n’obtient que 8,91 % des voix. Avec un Front de gaucheà 6,34 % et une liste Nouvelle donne qui atteint 2,9 %, le total gauche s’avère donc famélique : moins de 33 %. Deux ans après son élection, cette donnée est particulièrement inquiétante pour François Hollande, déjà au plus bas dans les sondages de popularité. Une claque pour l’UMP Sile PS, et plus largementla gauche, sont un champ de ruines, l’UMP n’est guère plus flamboyante.Les résultatsdesélectionsmuni- cipales, en mars, lui avaient apporté une bouffée d’air frais trompeuse. En dépit de la tragi-comédie de saguerre des chefsentre Jean-François Copé et François Fillon, fin 2012, le parti était sorti finalement vainqueurde ce scrutin local,profitant du vote sanction contre la majorité pour repousser l’heure des grandes explications. Cette fois, elle n’a plus d’échappatoire. L’UMP finit 4 points derrière le FN, à 20,79 %. Elle est, aussi, près de 7 points derrière son score des européennes de 2009 (27,88 %). Une vraie défaite. Ce mauvais score a plusieurs causes. La crise de leadership, avec un Jean-François Copé décrédibilisé, pris dans la toile de l’affaire Bygmalion, qui le voit soupçonné d’avoir utilisé des fonds du parti au profit de ses amis, en est une. Le grand flou idéologique du parti, censé lors de sa création, en 2002, réunir la droite et le centre, en est une autre. Le centre, dimanche 25 mai, avait choisi l’échappée en solitaire : l’Alternative, qui réunit l’UDI et le MoDem,attelageparfois bancal, mais qui a au moins le mérite de parler d’une même voix sur l’Europe, obtient 9,7 % des suffrages, soit un peu plus que le MoDem en 2009 (8,5 %). Prise en tenaille entre le centre et le FN, l’UMP chemine sur une voie de plus en plus étroite, dans un exercice impossible de funambulisme. Les jours à venir seront, pourelle,immanquablementmarqués par des affrontements violents, entre choc des ego et choc des lignes. Le pire serait qu’ils soient stériles. p Pierre Jaxel-Truer et Thomas Wieder «Jamais un président n’a été réduit à une base Pour le politologue Pascal Perrineau, le parti de Marine Le Pen a changé de PASCAL PERRINEAU est professeur à Sciences Po et auteur de LaFrance au Front. Essai sur l’avenir du FN (Fayard, 240 pages, 18euros). Le Front national en tête du scrutin européen en France, peut-on parler d’un séisme politique ? Y Oui, incontestablement. Au premier tour de l’élection présidentielle de 2002, Jean-Marie Le Pen arrivait en deuxième position avec 16,9% des suffrages et l’on parlait déjà de séisme et de raz-de-marée. Avec 25 % des suffrages, les listes du FN sont en première position. C’est du jamais-vu: jusqu’à maintenant le FN oscillait entre la troisième et la huitième place aux européennes et il rassemblait en moyenne 9,2 % des voix sur les six dernières élections européennes. On voit bien que le 25mai le FN a changé de dimension. Comment l’expliquez-vous ? Il y a des causes générales et des raisons plus spécifiquement françaises. La profondeur de la crise économique et sociale a entraîné une réaction extrêmement vive dans les couches sociales les plus touchées par celle-ci. Il faut ajouter un intense malaise vis-à-vis d’une classe politique considérée comme impuissante et éloignée des préoccupations des « gens d’en bas». Mais cette défiance politique est portée, en France, à son point d’orgue; l’actuelle majorité au pou- voir faisant l’objet d’un rejet inconnu dans son ampleur jusqu’alors. Enfin, la France est particulièrement mal à l’aise avec la globalisation et avec la dimension supranationale de l’Union européenne. Le nationalisme de fermeture dont le FN est porteur est en phase avec la montée de ce nationalisme inquiet. La récente évolution du FN qui l’a porté sur le terrain de la République, de l’Etat protecteur, de la laïcité et de la réhabilitation de l’Etat comme acteur essentiel au plan économique, a ouvert les perspectives idéologiques et électorales du parti. Quelles en sont les conséquences pour la France et pour la place de la France en Europe ? Cette poussée forte du FN qui l’installe aux avant-gardes de la vie politique française, va avoir un impact sur une opinion publique internationale qui doute déjà des capacités d’adaptation du pays à la nouvelle donne économique. Au plan européen, l’influence française dans les groupes qui font le présent et l’avenir de l’Union européenne (PPE, PSE et libéraux) va se trouver amputée du fait de l’arrivée d’une vingtaine de députés du FN. Lesquels ne se préoccupent pas de participer au compromis européen mais se posent le problème d’une pure et simple déconstruction qui ne concerne qu’une minorité des 751eurodéputés. Le FN est-il pour vous un parti d’extrême droite ou un parti populiste ? Certes, le FN comprend aujourd’hui nombre d’héritiers d’une extrême droite qui l’a porté sur les fonts baptismaux. Mais, depuis 2011, le parti s’est élargi, a fait évoluer son dispositif idéologique afin de s’émanciper de la matrice extrémiste et de se transformer en parti porteur à la fois d’un nationalisme dont il n’est pas le seul vecteur et d’un populisme qui touche nombre de familles politiques parfois très éloignées de lui. Le tripartisme est-il installé en Le FN a attiré 43% des ouvriers, 38% des employés et 37% des chômeurs. Contre 8% des ouvriers, 16% des employés et 14% des chômeurs pour le PS France ou faut-il relativiser le score de cette élection défouloir ? Election après élection, le système bipolaire français est en train d’évoluer vers un système tripolaire où s’affrontent trois grandes familles séparées dans leurs tropismes économiques, sociaux et culturels: la gauche, la droite classique et le national-populisme sans que l’on puisse voir, à brève 0123 3 européennes 2014 Mardi 27 mai 2014 «La France en éruption volcanique» Dimanche soir, les responsables politiques ne trouvaient pas de mots face à l’onde de choc tional Récit Les clés du scrutin Une abstention forte L’abstention atteint un niveau élevé avec 56,84 % des électeurs qui ne se sont pas déplacés, dimanche 25 mai, pour les élections européennes. En 2009, toutefois, l’abstention était légèrement plus élevée (59,37 %). Comptabilisé pour la première fois, le vote blanc a atteint 0,58 %, soit 110 000 bulletins. Le FN en tête Le Front national obtient 24,95 % des suffrages, devant l’UMP (20,79 %) et le PS (13,98 %). Les listes UDI-MoDem obtiennent 9,9 % des suffrages exprimés, EELV 8,91 %, le Front de gauche 6,34 %, Debout la République 3,82 %. La répartition des 74 députés Le Front national devrait remporter 24 sièges, l’UMP 20 et le PS 13 – dont un pour son allié PRG – sur les 74 sièges d’eurodéputés attribués à la France. L’UDI devrait en obtenir 7, Europe Ecologie-Les Verts 6 et le Front de gauche 3. Le dernier siège va à un élu divers gauche en outre-mer. Sur le plateau de France 2 lors de la soirée électorale dimanche 25 mai, plusieurs responsables politiques ont parlé de « choc ». BRUNO LÉVY POUR « LE MONDE » électorale aussi ténue» dimension avec le scrutin européen du 25mai échéance, comment la bipolarisation pourrait faire retour par une inclusion du FN dans une coalition de pouvoir. Qui de l’UMP ou du PS est le plus vulnérable ? Les deux partis de gouvernement sont atteints. Cela fait longtemps que le FN n’est plus seulement une question politique posée à la droite française mais aussi une question sociale majeure posée à la gauche. Dimanche 25mai, selon un sondage Ipsos-Steria, les listes du FN ont attiré 43% des ouvriers qui se sont déplacés aux urnes, 38% des employés et 37% des chômeurs. Les listes du PS ont attiré à elles 8% des ouvriers, 16 % des employés et 14% des chômeurs. François Hollande est-il directement menacé par cette nouvelle donne ? Jamais un président de la République n’a été réduit à une base électorale aussi ténue. Sa faiblesse politique est extrême, et la performance du FN est aussi celle de sa capacité à porter avec le plus de véhémence le rejet du chef de l’Etat. 69% des électeurs du FN ont voté avant tout pour manifester leur opposition au président et au gouvernement (contre 34 % dans l’ensemble de l’électorat). Au-delà du président, la majorité au pouvoir ne peut qu’appeler à un rassemblement autour de projets qui ne chercheront plus à cliver la société française que ce soit sur le terrain sociétal ou économique. D’autre part, le désarroi de nombre de couches populaires exige de dégager un projet fort où les efforts demandés seront mis en cohérence dans un projet de solidarité sociale à l’horizon 2020. L’ampleur de la crise économique, sociale et politique appelle un véritable « new deal» à la française. Reste à savoir qui peut le porter de manière forte et crédible dans le dispositif affaibli de la gauche au pouvoir. Pourquoi l’UMP n’est-elle pas parvenue à poursuivre sur sa lancée des municipales ? Dans les élections municipales, directement productrices de pouvoir au plan local, l’expérience gestionnaire et la culture de gouvernement du grand parti d’opposition ont emporté la conviction. Dans les européennes, les fonctions purement expressives et tribunitiennes du vote l’ont emporté. La situation est-elle si grave qu’elle appelle une recomposition politique ? Cette implantation du FN au cœur de l’électorat, même si elle connaîtra des reclassements, marque une rupture. La réplique de la présidentielle de 2002 est tout à fait possible avec cette fois-ci un FN désenclavé, situé au cœur du malaise national et capable d’attirer à lui des électeurs que le FN de 2002 était incapable de séduire. p Propos recueillis par Françoise Fressoz C omment l’appeler, ce monstre ? Comment nommer cet événementqui placel’extrême droite largement en tête, devant l’UMP et le PS ? Un Super-21 avril européen ? Une catastrophe nucléaire ? Un Blitzkrieg électoral ? Un tsunami politique? Rien de tout ça. Dimanche 25 mai au soir, alors que dans toutes les permanences électorales de France, on cherche les mots pour décrire cette raclée aussi inquiétantequ’historique,les politiques, sur les plateaux de télévision, se montrent étonnamment prudents. Comme si, malgré la catastrophe annoncée, ils n’avaient rien à dire. Pas de cris, pas de larmes Qu’il est loin ce 21 avril 2002, quand Lionel Jospin avait parlé de « coup de tonnerre » et que ses supporters – mais aussi des journalistes – s’étaient mis à pleurer. C’est pourtant pire : cette fois, le FN se trouve en tête d’une élection nationale. Le patron de l’UMP (20,79 %) JeanFrançois Copé, parle de « colère du peuple français contre la politique conduite dans notre pays ». Rue de Solférino, au siège du PS, précipité à son plus bas niveau historique (13,98 %), Jean-Christophe Cambadélis retient lui aussi ses mots, sans superlatif ni dramatisation : « Ce jour restera dans nos mémoires comme un jour sombre.» Il ignore que, quelques minutes plus tard, le premier ministre, costume et cravate d’enterrement, va parler de « moment très grave », de « choc », de « séisme». Un tournant dansla soirée. Avantlui, surles plateaux, Jean-Luc Mélenchon, l’un des grands perdants de la bagarre, était seul à parler de « crise de civilisation». « Le Front national en tête de ce scrutin est une information suffocante, juge l’eurodéputé du Front de gauche avant de quitter le plateau.Noussommes les spécialistes en Europe des catastrophes et des crises sociales qui tournent mal. Je suis très triste pour ma patrie. La France est entrée en éruption volcanique et ça commence toujours par des pluies acides. » de France, ce n’est pas la vérité ». L’élément de langage commence à ressembler à un déni de réalité. « Les soirées électorales à la télé, c’est démodé » Le seul endroit où l’on parle cru, c’est sur Internet. Dailymotion pour FranzOlivier Giesbert (FOG), Mediapart pour Edwy Plenel, les européennes 2014 resteront celles des soirées télé alternatives. « Regarder les soirées électorales à la télé, c’est démodé », explique dans un clip FOG, le patron du Point. Autour de sa table, Elisabeth Lévy, Jean-François Kahn et Philippe Tesson s’étripent comme au temps de « Droit de réponse», entre deux assiettes froides. Mediapart a réuni pour sa part un salon très CNRS et des invités – le Vert Julien Bayou, la socialiste Marie Noëlle Lienemann et Pierre Larrouturou, fondateur de Nouvelle Donne – auxquels Edwy Plenel fait la leçon de la division. Ici, on fait de François Hollande « le premierresponsabledelasituationprésente », et on juge que l’arrivée de Manuel Valls à Matignon a même «peut-être amplifié les choses». Tous les correspondants à l’étranger le disent : l’événement de ces élections européennes, c’est la première place acquise, en France, par un parti d’extrême droite. Edwy Plenel rappelle d’ailleurs que Marine Le Pen, ce n’est pas une « nouvelle extrême droite, elle est habile et neuve dans ses tactiques mais son socle, c’est le même laboratoire intellectuel qu’il y a un siècle ». Mais ce n’est pas l’avis de tout le monde. Mme Le Pen est-elle la fille de son père ? Moins dangereuse ? Plus effrayante au contraire ? Le débat, né il y a quatre ans, est balancé. L’une des premières à apparaître sur le plateau de TF1, Ségolène Royal évite soigneusement de parler d’extrême droite : « Un électeur sur quatre a voté pour un parti violemment anti-européen», dit-elle. Et sur France 2, où il a fini par migrer en fin de soirée, FOG lance un mea culpa : « Je fais partie des connards qui ont diabolisé Le Pen.» Le problème Hollande Pas de François Hollande, ce soir, à la télé. Il est resté à l’Elysée. Seul un communiqué fait savoir qu’une réunion de crise est prévue lundi avec plusieurs ministres. « François Hollande est un François Mitterrand au petit pied », lâche Bruno Le Maire sur TF1. Sur les « télés libres », on ne mâche pas non plus ses mots. « Crétin des Alpes », « Cresson du sexe masculin », lance le polémiste Philippe Tesson. « Je ne suis pas d’accord, Cresson était pas mal », répond Jean-François Kahn. C’est un député UDI, François Sauvadet, qui, sur Tweeter, vient siffler la fin de la récréation. « Démission de Hollande ? Tout ce qui excessif en devient insignifiant », écrit l’ancien ministre en citant Talleyrand. « Il y a quand même une bonne nouvelle, lâche Laurent Fabius sur le plateau de France 2 pour tenter d’égayer la soirée et de prendre de la hauteur, c’est l’élection probable à Kiev de quelqu’un qui va favoriser l’unité ukrainienne. » Mais Rachida Dati, qui fulmine contre tout le monde, leur oppose une abrupte fin de non-recevoir : « L’Ukraine, je crois pas que ce soit la préoccupation des Français ce soir. » Le nouveau maire de Kiev, l’exchampiondu monde de boxe Vitali Klitschko, un des chefs de file de la contestation pro-occidentale, a heureusement l’esprit plus large. « Vous êtes sûr que vous voulez vraiment aller vers l’Europe ? », lui demandel’envoyé spécial de France 2 après l’annonce de la victoire du FN aux européennes. « Oui, lui a-t-il répondu, parce qu’au moins, en France, vous pouvez prendre des déculottées ! » Sarkozy, le grand absent Il avait envoyé une tribune au Point, trois jours plus tôt. Mais ce soir, Nicolas Sarkozy est aux abonnés absents. Son ami Brice Hortefeux est devancé dans la région Centre par un illustre inconnu du FN. Rachida Dati explique, elle, que les primaires réclamées par Alain Juppé en 2016 ne sont pas le problème du jour, Nathalie Kosciusko-Morizet réclame une alliance avec le centre, le maire de Bordeaux et François Fillon mettent en cause la présidence de Jean-François Copé, un bureau national houleux de l’UMP est convoqué mardi, mais Nicolas Sarkozy est ailleurs. Il a suivi Carla Bruni à Tel-Aviv, où elle donnait un concert dimanche soir. Il est applaudi par la salle aux cris de « Nicolas ! Nicolas ! » quand il s’est avancé vers sa place, s’est prêté au jeu des selfies avec des spectateurs, mais a refusé de commenterla Berezinade son parti. p Ariane Chemin « Front national, premier parti de France » Manque d’imagina- tion? Politiqueset journalistespuisenttoujours dans le lexique tectoniquequandles urnescréentlasurprise. « Tremblement de terre », dit Jean-Marie Le Pen tandis qu’à gauche « séisme » tourne en boucle. Cette fois, pourtant, les sondages ne s’étaient pas trompés. Chacun avait eu le temps de se préparer. « C’est pas la peine de paraître surpris pour commenter des résultats que tout le monde connaissait d’avance! », s’agace l’ancienministre socialiste des affaires étrangères Hubert Védrine sur France 2. Superstition ou prudence, au siègeduFN, lesfrontistesont attendu 20 heures pour épingler au mur, derrière le pupitre de Marine Le Pen, leurs affiches victorieuses : « Front national, premier parti de France». C’est la triste vérité. Pourtant, ailleurs, on temporise, on minimise. « Il faut arrêter les illusions d’optique, dit Jean-François Copé.Il faut ajouterles scores de l’UDI puisque nous étions ensemble en 2009. Et s’il y avait eu un second tour… » Sur La Chaîne Parlementaire, le socialiste David Assouline explique que les 26 % du FN n’en « font pas le premier parti de France, car il faudrait d’autres élections avec plus de votants pour juger». Même discours pour l’ancienne ministre Elisabeth Guigou : « Il est faux de dire que le Front national est le premier parti de France, comme on l’entenddire ici ou là. Un parti, ça se mesure aux législatives, aux présidentielles et aux municipales.» Un des rares ministres à montrer son nez ce soir, Stéphane Le Foll, juge aussi que « dire que le Front national est le premier parti TIS S OT LU XU RY AU TO MATIQ U E. MOUVEMENT POWE R M AT I C 8 0 , O FFICIEL L EM EN T CER T IFIÉ CHRO N O M È T RE PA R L E COSC ( C O N T R Ô L E O F F I C I E L S U I S S E D E S C H RO N O M È T R E S ) , O F F R A N T JUSQ U’À 8 0 HEUR ES DE R ÉSERVE DE MA RC HE AVEC UN B O ÎT IER EN ACIER INOXYDA B L E 3 16 L . I N N OVAT E U RS PA R T R A D I T I O N . T I S S OT S H O P. C O M ** B O U T I Q U E S T I S S OT 76 , AV E N U E D E S C H A M P S - E LYS É E S – 7 5 0 0 8 PA R I S G A L E R I E D E S A RC A D E S, AV E N U E D E S C H A M P S - E LYS É E S – 7 5 0 0 8 PA R I S *J USQ U ’À 8 0 HEURES DE RÉSERV E DE M A RCHE ** M O N T RES SUIS S ES DE LÉGEN DE DEPUIS 18 5 3 4 0123 Mardi 27 mai 2014 FN Florian Philippot, le numéro deux du Front national. Le parti frontiste est arrivé en tête du scrutin avec 24,95 % des voix et obtient 24 sièges au Parlement européen. BRUNO LÉVY POUR « LE MONDE » PS Manuel Valls à sa sortie de RTL, lundi matin. Le premier ministre a assuré à l’antenne qu’il ne fallait pas changer de « feuille de route » et a demandé du « temps ». JEAN-CLAUDE COUTAUSSE-FRENCH POLITICS POUR « LE MONDE » Marine Le Pen franchit un nouveau palier La présidente du FN voit, dans la première place de son parti, le signe d’une recomposition politique M arine Le Pen a réussi son pari : elle a placé son parti, le Front national, en tête des élections européennes. Jusqu’alors, celles-ci n’avaient jamaisétéde bonscruspour ce parti, mis à part en 1984 où, avec 11 % des voix, le FN avait fait irruption sur le devant de la scène politique hexagonale. Depuis des mois, Mme Le Pen pronostiquait que le FN allait devenir le « premier parti de France ». Une façonde fixer un objectif à ses troupes et de mobiliser son électorat potentiel. La méthode a marché. Avec 24,95% des suffrages, elle s’offre le scalp de l’UMP (20,79%) et du PS,loinderrière(13,98%).LeFNarrive en tête dans cinq circonscriptions sur huit, avec des pointes dans ses zones de forces du NordOuest (33,61%), de l’Est (28,96 %) et du Sud-Est (28,18%). «Avec ce résultat, on va construire les victoires de demain. C’est un socle. Une nouvelle bipolarisation apparaît: le FN contre l’UMPS. C’est une recomposition de la vie politique, déclare Mme Le Pen au Monde. Le clivage est désormais entre les nationaux et les mondialistes. » Une phrase qu’elle répète depuis des années, comme un mantra. Pour la présidente du FN, « un barrage a sauté. La diabolisation, c’est fini. On va parler politique, des grands choix pour la France». «Quand on dépasse 20% des suffrages, on passe une étape. Surtout quand cela se fait contre l’ensemble des partis », avance aussi Florian Philippot, numéro deux du FN. Mme Le Pen veut pousser au maximum son avantage et mettre la pression sans discontinuer sur les partis de gouvernement. De l’exécutif, elle exige la dissolution et l’instauration de la proportionnelle. De l’UMP, elle n’attend qu’une chose, sa dislocation, pour devenir hégémonique dans l’opposition. «On assiste à un rejet global du système. C’est une espèce de révolution patriotique», estime-t-elle encore. Entoutcas,Mme LePenabordeles prochaines échéances en position de force. Les régionales, un scrutin plutôt favorable au FN, pourraient voir se parachever une recomposition de la droite avec une UMP qui, sous la pression, pourrait multiplier les accords avec le parti lepéniste. Et ne pas survivre à ses coups de boutoir. Mais le véritable objectif de Marine Le Pen, c’est 2017. Et l’arrivée au pouvoir. Les frontistes en sont persuadés: la conquête de l’Elysée est désormais « possible». «Avec 25 %, c’est un vote d’adhésion que l’on voit ce soir, affirme Marine Le Pen. Surtout avec nos positions très tranchées sur les sujets européens. Pour faire un tel score, l’on a dû prendre à droite mais aussi à gauche. » Selon IpsosSteria, la formation de Marine Le Pen a su convaincre non seulement les jeunes de moins de 35 ans – 30 % de ceux d’entre eux qui ont voté ont donné leur voix au FN – mais, surtout,l’électoratpopulaire. Dimanche, 38 % des employés et 43 % des ouvriers lui ont apporté leurs suffrages. La gauche, sur ce qui constitue historiquement son cœur de cible, est laminée : seulement 8 % des ouvriers et 16 % des employés ont voté PS. Cette victoire sans appel, c’est en grande partie à Marine Le Pen que le parti d’extrême droite la doit. En 2009, le FN réalisait à peine un peu «Pour faire un tel score, on a dû prendre à droite mais aussi à gauche » Marine Le Pen présidente du Front national plus de 6% des voix. Certains analystes le donnaient pour mort. Et Mme Le Pen semblait bien seule lorsqu’elle nous assurait que ces résultats marquaient «le retour du FN». Que s’est-il passé ? Comment expliquer qu’en cinq ans un parti moribond rassemble un quart des suffrages? « Le contexte a changé. On avait raison trop tôt, et les faits ont rejoint ce qu’on disait, dit Mme Le Pen.Surtout,noussommesdevenus un parti de gouvernement qui n’a pas les mêmes exigences que quand il était un parti de contestation.» Lastratégiedite«dedédiabolisation » a joué un rôle de premier ordre dans la montée électorale du FN. Car, même si le programme du parti n’a pratiquement pas bougé depuisl’accessiondeMarineLePen à la tête de celui-ci en 2011, l’accent mis sur les problématiques économiques et sociales, le verbe moins haut, également, de Mme Le Pen, ont rassuré une partie des électeurs. Elle-mêmea su changer,d’abord physiquement lorsqu’il s’est agi de naître médiatiquement,mais aussi sur le fond. Elle a beaucoup travaillé. «Elle a su prendre de la hauteur par rapport au début. Elle a gagné en sens politique. Elle s’est rendu compte que, pour arriver au pouvoir, il fallait certes séduire, mais surtout convaincre», raconte un proche. Un autre dirigeant ne lésine pas: «Elle vit son rôle comme un sacerdoce. Elle est très exigeante avec elle-même.» Maislepointessentielpourcomprendre les résultats de dimanche reste le discours économique du FN.Depuis 2011,Mme Le Pen ne cesse de marteler son message de lutte contre la mondialisation économique et ses injustices, incarnée selon elle par l’Union européenne. Elle a aussi fait de l’euro un épouvantail, responsable de tous les malheurs économiques de la France. Derrière ces évolutions, on ne peut ignorer le rôle que tient FlorianPhilippot.«Il est incontestablement efficace et contribue à sa nouvelle image. Sa stratégie axée sur l’économie marche », souligne un dirigeantFN,qui pourtantn’est pas un proche de l’énarque. Le principal intéressé se borne à reconnaître qu’ils sont « très proches» et qu’ils partagent «la même vision». Il n’en demeure pas moins que ce score historique ne règle pas tous les problèmes pour Mme Le Pen. Quoi qu’en disent ses dirigeants, le FN manque encore de cadres locaux qui sont autant de relais, sur le terrain, pour diffuser les idées du parti. Même si le retard commence à être comblé grâce à l’élection de plusieurs centaines d’élus dans les conseils municipaux en mars. Et, si la victoire aux européennes est impressionnante –pourlapremièrefoisdansl’histoiredelaVe République,unpartid’extrême droite arrive en tête à une élection–,ellerisqued’êtrepeuopérante. Le FN n’est pas sûr de pouvoir constituer un groupe au Parlement, faute de partenaires élus. p Abel Mestre «Si vous ne gueulez que chez vous, ça ne sert à rien» Reportage Marseille Correspondance Dimanche soir, le dépouillement du bureau 1 333, à Marseille, n’a pas duré longtemps. A 20heures, le président et ses assesseurs – deux militants UMP et un élu Front national – se sont assis pour compter les 180 bulletins contenus dans l’urne. Le taux de partici- Planète Business Connectez-vous à un monde d’opportunités Comment réussir en Chine ? Retrouvez le face à face avec Éric KAYSER Entrepreneur artisan boulanger - Maison Kayser & Isabelle FERNANDEZ Directrice d’Ubifrance Chine Pour en savoir plus, rendez-vous sur planetebusiness.lemonde.fr En partenariat avec pation vient de s’arrêter à 12,90 %. L’un des pires scores de Marseille pour ce bureau du 13e arrondissement où, au premier tour de la présidentielle de 2012, près de 70 % des inscrits étaient venus voter, plaçant François Hollande très largement en tête. Deux ans plus tard, Vincent Peillon et le PS arrivent toujours premiers. Mais, dans ce scrutin européen, l’ancien ministre de l’éducation récolte 42 voix… sur 1 395 possibles. Guère plus que Jean-Marie Le Pen, tête de liste FN pour le Sud-Est, ou l’UMP Renaud Muselier, pourtant ancien premier adjoint de la ville (respectivement 34 et 33 voix). Un recul cinglant et généralisé. « Les européennes, ici, personne n’y comprend rien », s’excuse presque Abderahmane, 70 ans, dont « trente-six passés dans les hydrocarbures». Canne en main, lunettes noires, cet ouvrier retraité « à 900 euros par mois» est venu voter « pour l’amélioration du quartier». « Ces arrondissements sont les rebuts de Marseille, souffle-t-il, désabusé. On nous a abandonnés et les jeunes ne croient plus aux politiques.» Le 1 333 est installé dans une jolie école primaire, havre cerné par Les Lauriers et Les Cèdres, deux cités déglinguées des quartiers nord de Marseille. Quelques propriétaires de villas complètent l’électorat de cette zone précarisée. En ce dimanche, sur la rue qui mène au bureau de vote, un « chouf » fait le pied de grue tous les cinquante mètres. Quatre ou cinq guetteurs, symboles immobiles, signalent les points de vente de drogue et alertent le quartier à l’approche des « képis». En mars, pour les élections municipales, le scrutin était électrique. Au bout de deux tours tendus, le 7e secteur, regroupant les 13e et 14e arrondissements, s’est donné au frontiste Stéphane Ravier. Le 1333, lui, a résisté à la poussée FN: l’ex-président de l’OM Pape Diouf y a réussi un de ses meilleurs scores et le PS y est sorti en tête. Ce jour-là, Ali, 41 ans, 3 enfants, avait voté Front de gauche. Comme aujourd’hui. « Parce que je suis un ouvrier et que ce parti est le seul qui prend en compte notre situation. Moi, je travaille sept jours sur sept et je n’ai pas de quoi refaire mes dents », assure-t-il en montrant son sourire dévasté. En 2012, Ali a cru en Hollande. Maintenant, il s’en « mange les doigts ». «Cesarrondissements sontles rebuts de Marseille.Onnousa abandonnés, etles jeunesne croient plus auxpolitiques» Abderahmane, 70 ans L’Europe? Il la voit « tous les jours sur les chantiers ». « Je croise des gens qui ne parlent même pas français… On les fait venir ici alors que nos jeunes sont tous au chômage », lance-t-il, incrédule. Ce dimanche, le tic-tac de l’horloge murale meuble les longs moments sans électeur. Entre les trois bénévoles, l’ambiance reste cordiale. « Et cette fois, les socialistes n’ont envoyé personne », se réjouit, étonné, Dany Lamy, adjoint d’arrondissement FN à la sécurité. « On ne va pas se mentir, nous n’avons pas fait campagne, concède Stéphane Mari, le nouveau président du groupe PS au conseil municipal. Nous sommes encore KO debout et nos militants, pas plus que les élus, ne se sont investis.» Au 1 333, un père, une mère et leur fils s’emportent devant l’alignement interminable des bulletins des 23 listes. Sur la table qui déborde, ils ne trouvent pas celui du Front national. Jonathan, le fils, 28 ans, porte le tee-shirt d’un jeu vidéo – Sniper Elite V2 – dont le logo ressemble à s’y méprendre à un aigle de la Wehrmacht. Comme son père, retraité, il vote FN pour sanctionner « le système UMPS » et parce que « si vous ne gueulez que chez vous, ça ne sert à rien ». Comme Marine Le Pen, il pense que «sortir de l’euro relancera les exportations françaises ». En bac pro logistique, le jeune homme espère même que « la fin de la monnaie unique [l]’aidera à trouver un emploi ». « Les gens aiment l’Europe, mais ils n’aiment pas son fonctionnement », analyse Mathieu Dorschener, le président du bureau, en se préparant un énième café. « Combien ils sont à Bruxelles et combien ils gagnent? », questionne, en écho, Amar, mécanicien au chômage. Il a donné sa voix à Mélenchon et tenté de convaincre, en vain, son beau-frère et sa femme de l’accompagner: « Mais ils disent que voter ne leur rapporte plus rien. » « C’est la conséquence du clientélisme du PS local », assène l’élu FN Dany Lamy. p Gilles Rof 0123 européennes 2014 Mardi 27 mai 2014 UMP François Fillon, au siège de son microparti, à Paris, dimanche soir. Arrivé deuxième, avec 20,79 %, l’UMP enverra 20 représentants au Parlement européen. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCH-POLITICS POUR « LE MONDE » 5 PS Le premier secrétaire du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis. Le PS obtient son plus faible score aux européennes (13,98 %) et n’aura que 13 sièges à Strasbourg. M. AWAAD/IP3 POUR « LE MONDE » Le désespoir d’Edouard Martin: «Une déculottée sans nom!» Dans la circonscription Est, le FN arrive nettement en tête, avec 28,96%. Le PS est relégué en troisième position Metz Envoyée spéciale L esquelquescopainsdeFlorange (Moselle), réunis dans une sinistre petite salle de la banlieue de Metz, se poussent du coude depuis un moment. « Tu crois qu’onpeuttoutdemêmeallerféliciter Edouard ? », a demandé l’un. « Franchement, attends un peu… », asoufflél’autre.Personnen’a encore touchéà la bière et aux chips.Par la fenêtre, sur le parking, ils regardent tous Edouard Martin fumer nerveusement sa énième cigarette et aucun n’ose aller congratuler le syndicaliste d’Arcelor pour son élection au Parlement européen. Depuis 19 heures, les militants téléphonent au QG de la tête de liste socialisteles résultatsdansla circonscription de l’Est, et ils sont si désastreux pour la gauche qu’on leur fait parfois répéter deux fois pour être sûr. Edouard Martin, lui, a vite compris : « C’est une déculottée sans nom ! » Presque partout, dans les 18 départements de cette circonscriptionqui regroupe Alsace,Bourgogne, Champagne-Ardenne, Lorraine et Franche-Comté, le FN mené par Florian Philippot a écrasé ses adversaires avec 28,96 % des voix et quatre sièges au Parlement. L’UMP, conduite par Nadine Morano, sauve les meubles avec 22,72 % des suffrages et trois sièges, mais le PS, avec ses 13,23 % des voix n’aura qu’un seul élu. Même à Florange, où l’ouvrier a mené le combat pour la défense des sidérurgistes lorrains, Edouard Martin n’arrive qu’en troisième position (18,55 %) derrière le FN (31,21 %) et l’UMP (19,90 %). A Guénange, l’ancienne cité-dortoir des Le FN arrive en tête dans 70% des départements LE FRONT NATIONAL est l’incontestable vainqueur de ces élections européennes. Signe manifeste de cette spectaculaire percée, le nombre de départements où il arrive en tête : 71 sur 101. Le parti d’extrême droite réalise son meilleur score dans l’Aisne, avec 40,02% des suffrages. Viennent ensuite le Pas-de-Calais (38,87 %), l’Oise (38,22 %), la Somme (37,15 %), le Vaucluse (36,42 %), les PyrénéesOrientales (35,23 %) et le Var (34,96 %). Autant de zones traditionnelles où il réalise habituellement ses meilleurs résultats. Il franchit encore la barre des 30 % dans 18 autres départements: Eure, Haute-Saône, Meuse, Ardennes, Alpes-Maritimes, Haute-Marne, Gard, Nord, Bouches-du-Rhône, Aube, Vosges, Yonne, Moselle, Aude, Tarn-et-Garonne, Orne, Territoire de Belfort, Haut-Rhin. Seuls 23 départements lui accordent moins de 20 % des suffrages: Landes, Puy-de-Dôme, Corrèze, Deux-Sèvres, Cantal, Maine-et-Loire, Aveyron, Lot, Mayenne, Yvelines, Côtes-d’Armor, Pyrénées-Atlantiques, Val-de-Marne, Loire-Atlantique, Ille-et-Vilaine, Finistère, Guyane, Réunion, Hautsde-Seine, Paris, Guadeloupe, Mayotte, Martinique. 24 eurodéputés frontistes En recueillant 24,95 % des suffrages au niveau national, il multiplie pratiquement par quatre son score de 2009 (6,34 %). Il envoie 24 représentants au Parlement européen, soit huit plus que lors de la précédente législature. Compte tenu du niveau élevé d’abstention (56,84%), il ne retrouve pas, toutefois, le nombre de voix de Marine Le Pen au premier tour de la présidentielle: 4 701 051 voix contre 6 421 426, soit un peu plus de 1,7 million de voix d’écart. Le FN arrive en tête dans cinq des grandes circonscriptions: Nord-Ouest (33,61 %, contre 10,18% en 2009), Est (28,96 % contre 7,57 %), Sud-Est (28,18 %, contre 8,49 %), Sud-Ouest (24,71 % contre 5,94 %), Massif central-Centre (24,18 % contre 5,12%). Il est devancé par l’UMP dans l’Ouest (19,30% contre 3,06%) et en Ile-deFrance (17,31 % contre 4,40 %), et recueille 10,24% des suffrages en outre-mer, où il se classe en quatrième position alors qu’il n’avait pas présenté de liste en 2009. A l’occasion de ce scrutin européen, le parti d’extrême droite devient la première force électorale dans 16 régions administratives de métropole sur 22. Il dépasse la barre des 30 % en Picardie (38,39%), Nord-Pas-de-Calais (35,15%), Provence-Alpes-Côted’Azur (33,21%), Languedoc-Roussillon (31,47%), Champagne-Ardenne (31,32%), Haute-Normandie (31,24%), Lorraine (30,53 %). Le parti lepéniste obtient plus de 30 % dans 40villes de plus de 30 000 habitants. Dans cinq d’entre elles, il franchit même le seuil de 40 % des suffrages exprimés: Marignane (49,33 %), Liévin (43,30%), Wattrelos (42,71%), Fréjus (41,96 %), Vitrolles (40,38 %). C’est à Paris qu’il réalise son plus faible score dans une ville de plus de 30 000 habitants en métropole, avec 9,31 % des suffrages exprimés. Suivent Rennes (9,35%), Issyles-Moulineaux (9,67 %), Boulogne-Billancourt (9,83 %), Nantes (10,09%), Neuilly-sur-Seine (10,26%). p Patrick Roger hauts fourneaux où il a grandi et où les socialistes tiennent la mairie depuis trente-cinq ans, le FN l’emporte de 13voix sur la gauche. Plus de 40 % des ouvriers de l’Est ont votéFN.«Lerésultatestcatastrophique», enrage Edouard Martin. « Je leur ai pourtant dit, tout au long de ma campagne: ne confondez pas les votes. Quoi qu’il arrive, Hollande restera président», s’agace-t-il, avant de constater : « Le FN s’est installé dans le paysage et ce n’estplus seulementuncri decolère. J’ai bien peur que les idées frontistes s’ancrent de manière radicale dans la tête de nos concitoyens.» Maisil combatencore: « Lesélecteurs doivent prendre leur part de responsabilité.Quandj’entendsFlorian Philippot dire qu’on peut faire comme la Grande-Bretagne et vivre sans l’euro, il faut que les gens comprennent que la croissance anglaise se paye sur le dos des ouvriers. Que ceuxquisontallésàlapêchenepleurent pas quand le libéral JeanClaude Juncker sera président de la Commission! » Victoire « amère » Non loin de lui, Antoine Terrak, un de ses ex-compagnons de route d’Arcelor, résume son désespoir : « Les ouvriers qui ont voté Front national ont voté contre euxmêmes…» Autour d’eux, on ne sait plus trop quoi dire pour expliquer la défaite cinglante. « La gauche ne fait plus rêver, reconnaît le responsable CFDT du groupe sidérurgiste, Patrick Auzanneau. On paye d’avoir promis des choses qu’on ne pouvaitpas tenir et ce sont nossympathisants qui se sont abstenus.» Jean-Pierre Masseret, le président(PS) du conseilrégionaldeLorraine, écoute stoïquement une Guadeloupe 1 Eure Vendée DeuxSèvres CharenteMaritime La Réunion Aube Loiret Vienne Lot-etGaronne Landes Gers PyrénéesAtlantiques HautesPyrénées Loire Savoie Isère Cantal Lot Tarn-etGaronne HauteSavoie Rhône Puy-de-Dôme Dordogne Gironde Territoire de Belfort Jura Ain Creuse HautRhin Doubs Saône-etLoire Allier Corrèze Mayotte Côted'Or Nièvre Cher HauteVienne Vosges HauteSaône Indre Charente HauteMarne Yonne Loir-etCher Indreet-Loire Bas-Rhin Meurtheet-Moselle 4 3 Moselle Meuse Marne 2 Sarthe Maineet-Loire LoireAtlantique Val-de-Marne Ardennes Oise Eure-etLoir Mayenne Martinique Guyane Aisne Orne Côtesd'Armor Morbihan 1-Val-d'Oise 2-Yvelines 3-Essonne 4-Seine-et-Marne Calvados Ille-etVilaine Paris Somme SeineMaritime Le Front national n’arrive pas en première position Finistère Seine-SaintDenis Nord Le Front national arrive en première position Manche Raphaëlle Bacqué Hautsde-Seine Pas-deCalais Le Front national arrive en première position avec plus de 30 % des suffrages exprimés De Paris, où elle suit les résultats dans sa région Lorraine, la ministre de la culture, Aurélie Filippetti, ne dit pas autre chose : « On n’a pas choisi Edouard Martin pour le jeter comme un Kleenex après les résultats. Il a un parcours remarquable et au moins, il y aura un ouvrier au Parlement européen!» En attendant, le nouvel eurodéputé a la victoire « amère ». Sur les écrans de télévision, il regarde distraitement les anciens et les nouveaux ministres de droite et de gauche expliquer leur « choc » devant la poussée du FN dans toute la France et celle des conservateurs dans toute l’Europe. Alors, l’ancien ouvrier,les yeux rougisde fatigue, demande doucement: « Il y a 27millionsde chômeursen Europe. Que veulent-ils, ceux qui sont là-haut ? La guerre? » p vieille militante qui « ne comprend plus ce que fait là-haut François Hollande ». Sur les tables, on a apporté du pain, du saucisson et du fromage pour réconforter les maigres troupes qui regardent, assommées, les résultats s’égrener sur les écrans de télévision. Quelques militants socialistes, qui avaient discrètement envisagé qu’Edouard Martin puisse laisser sa place d’eurodéputé à Catherine Trautmann, la deuxième de la liste laisséeautapismalgréquatremandats au Parlement européen, ont vite renoncé à leurs illusions : en Alsace, terre d’élection de l’ancienne maire de Strasbourg, le PS glane tout juste 10 % des suffrages. Mme Trautmann, au téléphone, n’a tenté aucune négociation. La direction nationale du PS non plus, laquelle avait choisi ce syndicaliste charismatiquecomme tête de liste. HauteLoire Ardèche Lozère Drôme Aveyron Gard Tarn Hérault HauteGaronne Vaucluse Bouchesdu-Rhône HautesAlpes Alpes-deHauteProvence AlpesMaritimes Var Aude Ariège HauteCorse PyrénéesOrientales Corsedu-Sud SOURCE : LE MONDE ; MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR 6 0123 Mardi 27 mai 2014 Front de gauche Jean-Luc Mélenchon sur le plateau de France 2, dimanche soir. La formation a obtenu 6,34 % des suffrages, un score comparable à celui qu’il enregistrait en 2009 (6,05 %). BRUNO LEVY POUR « LE MONDE » EELV Yannick Jadot et Emmanuelle Cosse dans les locaux de France Télévisions. Avec 8,91 % des voix, contre 16,28 % en 2009, le parti perd huit eurodéputés. BRUNO LEVY POUR « LE MONDE » François Hollande plus fragilisé que jamais Le chef de l’Etat, qui se rend à Bruxelles mardi pour un sommet européen, a présidé une réunion de crise lundi matin à l’Elysée J e regarde les choses en face », a répété François Hollande à ses conseillers,aveclesquelsil a passé la soiréedans son bureau, à l’Elysée. Le président, qui avait effectué dimanche 25 mai en voiture l’aller-retour à Tulle, comme à la belle époque où il était premier secrétaire du PS, celle où il sentait encore le pays, n’a pu que se rendre à l’évidence : « C’est un choc, un séisme », a dû concéder le premier ministre Manuel Valls, selon des éléments de langage calés un peu plus tôt, par téléphone, avec le chef de l'Etat. Sur l’échelle de Richter des gifles électorales subies par le hollandisme,cette deuxièmecatastrophe en moins de deux mois a tout de la réplique sismique. « C’est durable », soupire un conseiller ministériel atterré. Si la déroute aux municipales avait fait vaciller sur ses bases locales la formationmajoritaire atteinte dans ses fondations mêmes, le désastreeuropéen,sur le plan symbolique, se révèle plus dévastateur encore. L’on ne sait, au fond, ce qui est pire : d’atterrir en troisième position, plus de dix points derrière le Front national qui, fort de 24,95 % des voix, remporte pour la première fois un scrutin national en France. De pointer à six longueurs derrière l’UMP, qui recueille 20,79 % des voix. Ou de plonger, avec 13,98 % des suffrages, sous la ligne de flottaison des européennes de 1994 qui avait valu à Michel Rocard, premier secrétaire de l’époque, de couler corps et biens. Les socialistes sont donc parvenus à faire encore moins bien que leur score déplorable de 2009, quand ils avaient, quelques mois après leur sinistre congrès de Reims, obtenu 16,48 %. A l’époque, ils avaientpâti, outre de leursguerres intestines, de la percée des écologistes conduits par Dany CohnBendit, qui les avaient talonnés de peu avec 16,28 %. Ils ne pourront pas, cette fois, se camoufler derrièrecette explication,puisque le score des listes EELV est presque divisé par deux, à 8,91 %. Fin connaisseur de sa carte électorale, le chef de l’Etat pourra apprécier à leur juste valeur l’indigence des scores obtenus par cer- tainesfiguresduparti,comme Vincent Peillon, qui plafonne dans le Sud-Est. Ou dans des bastions socialistes historiques, comme le Nord-Ouest. Même l’emblématique syndicaliste Edouard Martin, dans l’Est, peine à s’extirper de cet étiage. Pas de changement de cap Où sont passés les électeurs de gauche? Avec un Front de gauche à 6,34 % et une liste Nouvelle Donne qui atteint les 2,9 %, le total de la gauche s’avère famélique, qui plafonne à 32,1 %. Deux ans après l’électionde FrançoisHollande, cette donnée est particulièrement inquiétante, qui ne devrait pas manquer de relancer le débat entre camarades sur le candidat idoine pour 2017, et son mode de désignation. Plus fragilisé que jamais sur la scènenationale, leprésidentseprésente aussi en position d’extrême faiblesse sur le théâtre européen, alors qu’il est attendu à Bruxelles, mardi 27 mai, pour y retrouver chefs d’Etat et de gouvernement de l’Unioneuropéenne.Poursepréparer aux prochaines étapes qui s’annoncent politiquement agitées, il a réuni à l’Elysée, lundi aux premières heures du jour, outre ManuelValls, Laurent Fabius, Stéphane Le Foll, Bernard Cazeneuve, Michel Sapin et Harlem Désir afin d’évoquer«ladimensioneuropéenne» de ce cataclysme électoral. Le message : « le phénomène observé en France n’est pas un cas Le Parti socialiste de nouveau confronté à ses divisions internes VENDREDI, ILS ESPÉRAIENT encore être la « surprise» du scrutin. Ils l’ont bel et bien été, mais pas au sens où ils l’entendaient. Deux mois après la « gifle » des municipales, les socialistes ont enregistré une nouvelle défaite historique, dimanche 25 mai, aux européennes. Avec seulement 13,98% des suffrages, les listes PS-PRG terminent troisième et font moins bien qu’aux élections catastrophiques de 1994 lorsque Michel Rocard n’avait atteint que 14,49 %. Grand perdant du vote, le PS se fait distancer de onze points par le Front national et n’envoie que treize eurodéputés à Strasbourg, contre quatorze en 2009, déjà un mauvais cru. « Un choc, un séisme», a commenté dimanche soir le premier ministre Manuel Valls. « Un jour sombre pour la démocratie, l’Euro- pe et la France», a ajouté le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis. Face à cette nouvelle déroute, les socialistes sont apparus désemparés au siège du PS, rue de Solférino. Même s’ils savaient que la bataille serait âpre, ils espéraient que les changements opérés depuis les élections municipales auraient un effet. Mais rien n’y a fait. « Une fois de plus, la gauche est restée à la maison», constate le sénateur de Paris David Assouline. Pour le député Christian Paul (Nièvre), « on n’est plus dans la déception, mais dans le désaveu ». « La crise avec notre électorat est très grave, peut-être même irréversible, se désole un membre de la direction. Notre pays ne sait plus où il en est ni où il va, et nous sommes incapables de répondre à ces questions.» Après ce « 21-avril » européen et faute d’électrochoc réel, les socialistes redoutent déjà d’autres défaites aux régionales et surtout à la présidentielle de 2017. Mais une fois encore, ils s’apprêtent à se diviser sur les questions de l’après et du comment. Dès dimanche soir, cette division a commencé à s’exprimer. « Changer de politique » D’un côté, 21 parlementaires de la majorité qui se disent «réformateurs» ont mis en garde contre la tentation de vouloir « raviver le débat sur la politique économique» menée par le gouvernement et par François Hollande. Cette aile droite du PS entend au contraire « accélérer » les réformes instituées par le pacte de responsabilité, et même aller plus loin et s’attaquer au système de retraites qualifié de « rigidité structurelle ». Face à elle, l’aile gauche socialiste a sommé au contraire le chef de l’Etat de tout changer. « Il faut un nouvel accord avec tous les partis de gauche, un nouveau programme économique et un nouveau premier ministre pour l’incarner», a estimé la sénatrice parisienne Marie-Noëlle Lienemann. Entre les deux, le marais socialiste à l’Assemblée nationale se prépare à connaître de forts remous. Les 41députés qui se sont abstenus fin avril lors du vote du plan d’économie de 50 milliards d’euros fourbissent leurs armes en perspective des prochains débats budgétaires. « On va exprimer notre souveraineté dans les semaines qui viennent, prévient M.Paul, un de leurs chefs de file. Un changement d’équipe n’a pas suffi, la responsabilité du président maintenant est donc de changer de politique.» Même les moins radicaux, comme le député Matthias Fekl (Lot-etGaronne), donnent de la voix: « Faire des économies, c’est bien, mais cela ne fait pas un projet de société. On ne peut pas passer les trois ans qui viennent en parlant uniquement du pacte de responsabilité», estime-t-il. Pour l’instant, l’état-major socialiste reste intransigeant. « L’inflexion sociale est engagée depuis les municipales. Nous avons simplement besoin de temps pour obtenir des résultats », évacue le député Christophe Borgel (Haute-Garonne). Dimanche soir, Jean-Christophe Cambadélis a souhaité que l’ensemble de la gauche, écologistes et communistes compris, « retrouve le chemin de l’unité». Une véritable gageure alors que le PS seul n’est toujours pas au clair avec lui-même. p Bastien Bonnefous isolé, le populisme progresse dans tous les Etats européens », indique-t-on à l’Elysée, où l’on affirme que « le rôle du chef de l'Etat est de faire prendre conscience à l’Europe et aux Européens qu’il faut changer les choses». L’exécutif, donc, décline toute responsabilité et s’est retranché, à l’image de M. Valls dimanche soir, derrière le « profond scepticisme», la « crise de confiance » et la « colère» à l’égard de l’Europe. Force est de constater que c’est tout autant son action qui se trouve ainsi sévèrement sanctionnée. Et que, malgré ses efforts, rien n’y a fait. Ni l’activisme du premier ministre, qui aura multiplié les meetingscesdeuxdernièressemaines. Ni la forte implication de ses ministres, censée mobiliser « le cœurdel’électoratPS»,danslacampagne européenne, contrairement àcequis’étaitpratiquépendantcelle des municipales. Ni même les mesures fiscales en faveur des plus modestes,annoncéesparlegouvernement ces derniers jours. Comme si tout effort de l’exécutif se révélait, immanquablement, vain. Que peut faire le président ? Il vient de préciser son inflexion sociale-libérale avec le « pacte de responsabilité », de changer son premier ministre et son gouvernement, de remanier le Parti socialiste et son équipe à l’Elysée. Il ne lui reste plus grand-chose. « Il faut de nouvelles baisses d’impôts, notamment de l’impôt sur le revenu », a préconisé M. Valls, lundi matin sur RTL. De changement de cap, il n’y aura pas. « Je ne veux pas changer cette feuille de route», a campé M.Valls, qui précise qu’« il faut que le quinquennat aille à son terme ». Comme si la chose n’allait désormais plus de soi. p David Revault d’Allonnes et Thomas Wieder L’échec des écologistes relance les débats sur leur ligne politique A FORCE DE SE RÉPÉTER qu’ils ont fait un « bon score» aux européennes, dimanche 25mai, peut-être que les écologistes finiront par le croire. Ils ont eu beau applaudir leurs résultats sur les plateaux télé, leur enthousiasme a été rattrapé par la réalité des chiffres et un score de 8,91 %. EELV s’en sort certes mieux que le Front de gauche mais ne termine qu’en cinquième position, derrière le FN, l’UMP, le PS et les centristes. Bien loin des 16,28 % des voix de 2009 et des quatorze députés qui avaient alors décroché leur ticket pour le Parlement européen. Sans Daniel Cohn-Bendit comme chef de file, ils ne sont plus que six pour cette nouvelle mandature: Pascal Durand en Ile-de-France, José Bové dans le Sud-Ouest, Yannick Jadot dans l’Ouest, Karima Delli dans le Nord-Ouest et Michèle Rivasi dans le Sud-Est. En seconde position, en Ile-de-France, Eva Joly est réélue de justesse. En revanche, Sandrine Bélier ne parvient pas à sauver son siège dans l’Est. «Si on fait entre 8 % et 9%, ce sera notre meilleur score après 2009», tentait d’expliquer M.Jadot avant l’annonce des résul- tats. L’ex-patronne des Verts, Cécile Duflot, a, elle, fait part d’un sentiment « très partagéd’un 21avril européen». « On fait un bon score dans une situation déprimante», juge-t-elle. Eva Joly, elle, a évoqué, à un moment où elle n’était pas sûre d’être réélue, un résultat «excellent, surtout dans l’effondrement de la gauche». Un nouvel échec pour le Front de gauche Grosse déception pour le Front de gauche qui, avec 6,34 % des voix, ne progresse quasiment pas par rapport à 2009. Ils ne seront plus que trois députés européens (contre quatre auparavant) : Jean-Luc Mélenchon dans le Sud-Ouest, Marie-Christine Vergiat dans le Sud-Est et Patrick Le Hyaric en Ile-de-Fran- ce. Dans le Nord-Ouest, Jacky Hénin, lui, ne parvient pas à sauver son siège. Cinq ans après sa création, la coalition de la gauche radicale paie ses divisions internes héritées des municipales. Dans une brève allocution, M. Mélenchon a reconnu « quelques erreurs » mais assuré que le Front de gauche resterait « uni ». Conscients qu’ils ne referaient pas le coup de 2009, les écologistes misaient tout de même sur un score à deux chiffres. Jean-Vincent Placé était d’ailleurs nettement moins positif que la plupart de ses camarades. «C’est une défaite électorale, a jugé le président du groupe écologiste au Sénat. Nous souhaitions faire plus de 10 % et on n’y est pas. » Un avis partagé par Christophe Rossignol, conseiller régional: « Evidemment que ce n’est pas un bon score : on est même en dessous des résultats des municipales. La dynamique qu’on a créée il y a deux mois, on l’a totalement perdue.» Dans la soirée, certains n’hésitaient pas à critiquer la stratégie de campagne. « On aurait dû être plus positifs, soupire la sénatrice du Val-de-Marne Esther Benbassa. On n’a pas été très lisibles. En parlant du traité transatlatique, on a nui à la clarté du message.» Très active sur la procréation médicalement assistée, la sénatrice n’oublie pas un petit tacle pour José Bové à qui elle s’est récemment opposée. « La base est pour, Bové est contre, il faudrait accorder nos violons…», souligne-t-elle. « Stratégie mortifère » Pour son collègue Ronan Dantec, les écologistes ont aussi été concurrencés par la présence de Nouvelle Donne, le tout nouveau parti de Pierre Larrouturou, qui obtient 2,9 % des voix. « Ce sont les mêmes réseaux, juge le sénateur de la Loire-Atlantique. Si on agrège leur score et le nôtre, il y a un espace de même niveau que le PS. » Une chose est sûre : EELV n’a pas réussi à séduire les déçus de François Hollande, comme ils avaient su rallier des électeurs socialistes en 2009. « Quand le PS est faible, les gens votent pour nous mais avec notre stratégie mortifère, on n’a pas su être une alternative», critique Christophe Rossignol. Comme lui, les partisans du maintien au gouvernement ne manqueront pas de rouvrir les hostilités. « On savait les électeurs écologistes massivement pour la participation au gouvernement. La sortie n’a créé aucun élan électoral», a également déploré sur Twitter François de Rugy, coprésident du groupe écologiste à l’Assemblée nationale. Cécile Duflot, elle, reste ferme sur ses positions. « Ça a été compris», assure l’ex-ministre. p Raphaëlle Besse Desmoulières PARIS ST-BARTHÉLÉMY CANNES RALPHLAUREN.COM/RICKY 8 0123 Mardi 27 mai 2014 UMP Jean-François Copé a appelé à « remettre en perspective » les résultats, invitant les observateurs à « additionner » le score de l’UMP « à celui de l’UDI ». JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCH-POLITICS POUR « LE MONDE » UDI-MoDem Marielle de Sarnez, eurodéputée MoDem, sur le plateau de France 2. En recueillant 9,90 % des voix, le centre améliore ses résultats de façon significative par rapport à 2009. BRUNO LEVY POUR « LE MONDE » L’UMP défaite, le sort de Copé devrait se décider mardi En obtenant 20,8% des suffrages, l’UMP perd son statut de premier parti d’opposition au profit du FN L ’UMP retombe dans un climat de tension extrême. Le parti, qui espérait remporter les élections européennes dimanche 25 mai en devançant le Front national, a manqué son pari. Il n’a pas réussi à tirer profit du rejet de l’exécutif pour s’imposer, comme cela avait été le cas aux municipales de mars. En obtenant seulement 20,8 % des suffrages – loin de ses 27,88 % de 2009 –, il se retrouve distancé parl’extrêmedroitede plusde quatre points. L’échec est cruel, puisque l’UMP perd son statut de premier parti d’opposition au profit du FN. Les candidats frontistes devancentceuxde droite dans toutes les régions, excepté dans l’Ouest et en Ile-de-France. Peu adepte des remises en question personnelles, Jean-François Copé a tenté par tous les moyens de relativisersapropreresponsabilité dans la défaite de son parti. Appelant à « remettre en perspective » les résultats, le président de l’UMP a voulu d’abord y voir une « exaspération très forte contre la politique » conduite par François Hollande. Cherchant à tout prix à faire diversion, il a tenté de masquer l’échec de son camp en demandant aux observateurs d’« additionner» le score de l’UMP « avec celui de l’UDI ». Mais les autres dirigeants du parti n’ont pas épargné M. Copé, mis en cause dans l’affaire Bygmalion, qui le voit soupçonné d’avoir utilisé des fonds du parti au profit de ses amis. Le plus virulent reste François Fillon, qui n’a toujours Copé assure ne rien savoir « du tout » sur Bygmalion « Je demande que François Hollande prenne toutes les initiatives pour changer de politique », a déclaré le président de l’UMP Jean-François Copé, lundi 26 mai sur BFM TV et RMC. Interrogé sur les turbulences internes à l’UMP et sur l’affaire Bygmalion, M. Copé a assuré ne savoir « rien du tout », n’avoir « jamais vu » de factures et n’avoir « pris aucune décision ». pas digéré de s’être fait « voler » la victoire lors de l’élection pour la présidence du parti, fin 2012. Mâchoires serrées, l’ex-premier ministre a réclamé la tête de son meilleur ennemi, en estimant que l’UMP a « maintenant besoin d’un changement profond ». « Cela n’est pas la première fois que je tire le signal d’alarme », a insisté M. Fillon depuis le siège parisien de son micro-parti, Force républicaine. « L’UMP est atteinte dans sa crédibilité et doit s’interroger sur les raisons de son échec. Son honneur est mis en cause », a-t-il souligné, sévère. D’autres responsables du parti ont appelé à un changement de direction. « L’UMP va avoir besoin d’une profonde reconstruction », a affirmé Laurent Wauquiez, regrettant que « le climat des affaires » ait « pesé sur la mobilisation » de l’électorat de droite, en allusion à l’affaire Bygmalion. Alain Juppé et Bruno Le Maire ont également mis la pression sur M.Copé, en réclamant une refonte de l’UMP et une « transparence » absolue sur les pratiques et la gestion du parti. M.Copé sait qu’il est au pied du mur. Mais il défendra sa position jusqu’au bout. Acculé, il se voit contraint de faire des concessions àses rivaux.Cesderniersayantprévu de lancer une charge collective Les rivaux de M. Copé ont prévu de lancer une charge collective contre lui, mardi matin, lors d’un bureau politique contre lui mardi matin, lors d’un bureau politique qui s’annonce extrêmement tendu. D’abord, il est prêt à livrer la tête de son directeur de cabinet, Jérôme Lavrilleux, honni par les fillonistes depuis la guerre fratricide de l’automne 2012 et particulièrement visé dans l’affaire Bygmalion. D’après plusieurs sources, ce dernier doit profiter de son élec- tion au Parlement européen, dimanche, pour interrompre son travail auprès du numéro un du parti. « Copé a trouvé une bonne occasion de couper la branche pourrie», observe un filloniste. Pour sauver son poste, M. Copé a ensuite annoncé dimanche soir qu’il allait « proposer plusieurs initiatives» lors du bureau politique. Selon nos informations, il va suggérer que l’ancien médiateur du crédit, René Ricol, effectue un audit sur le fonctionnement du parti pour « améliorer la gouvernance en matière de procédures». Sur l’affaire Bygmalion, le maire de Meaux (Seine-et-Marne) a prévu de porter plainte contre X. Déterminé à se faire passer pour une victime de ses collaborateurs, il souhaite aussi être entendu par les juges pour communiquer les informations dont il dispose dans ce dossier. Ces initiatives « visent à desserrer l’étau autour de lui », selon un copéiste. Il n’est pas sûr que cela suffise à calmer l’ardeur de ses opposants, déterminés à le déloger de la tête Avec 10% des voix, les centristes veulent peser sur l’UMP LE CENTRE a atteint son objectif. En flirtant avec les 10 % des suffrages lors des élections européennes dimanche 25 mai, l’Alternative – nom de l’alliance entre l’UDI et le MoDem– améliore de façon significative ses résultats par rapport à 2009. Il y a cinq ans, le MoDem, qui concourait seul, avait réalisé 8,5 % des suffrages. Les centristes vont envoyer 7 députés au Parlement européen. « Nous sommes le quatrième parti de France», s’est ainsi félicité Yves Jégo, le président par intérim de l’UDI, dimanche soir. « Pari réussi pour le centre ! La décomposition de l’UMP est en marche et le PS, parti de gouvernement, fait un score très mauvais. L’UDI-MoDem est une force centrale en émergence, claire et sans arrière-pensée», a abondé Marielle de Sarnez, tête de liste en Ile-de-France et n˚ 2 du MoDem. « L’objectif d’un score à deux chiffres est atteint ce soir, moins de dix-huit mois après la création de l’UDI, alors même que nous faisions face à l’europhobie ambiante. C’est un début, pas une fin», note pour sa part Jean-Christophe Lagarde, député de SeineSaint-Denis. Les deux partis du centre et du centre droit se sont alliés à l’automne 2013 dans la perspective des élections européennes. Ils étaient persuadés de pouvoir défendre un projet profondément pro-européen, face à un FN en pleine dynamique, un PS et une UMP divisés en interne sur cette question. Avec 10 % des voix, ils estiment pouvoir compter à nouveau dans le paysage politique. « Depuis ce soir, nous sommes cotés en bourse », sourit ainsi un dirigeant. Et 0123 les appels du pied de l’UMP, dès dimanche semblent leur donner raison. Ainsi, Alain Juppé maire de Bordeaux et fondateur de l’UMP en 2002, a appelé à « recréer les bases d’un accord entre droite et centre ». « Leadership » Une approche qui ne laisse pas insensible au centre, même si beaucoup préfèrent temporiser. « On va en parler entre nous. Il faut d’abord que l’UMP mette de l’ordre entre ses dirigeants », estime M. Jégo. « L’UMP doit analyser les raisons de son échec. D’abord, l’incohérence sur la question européenne. Ensuite, quand une partie de l’UMP, comme Laurent Wauquiez, court après le FN, l’on voit que les Français préfèrent l’original à la copie», tacle encore le député de Seine-et-Marne. Certains à l’UMP, pour minimiser leur déconvenue, tentent d’additionner les scores de leur parti avec ceux des centristes. Une manœuvre qui agace Jean-Christophe Lagarde : « Confondre l’UMP et l’UDI n’est ni souhaitable ni acceptable.» « Nous souhaitons une coalition entre le centre et la droite républicaine, mais nous refuserons la confusion qui nous a déjà conduits à la défaite. Dans cette coalition, l’UDI-MoDem doit se fixer pour ambition de prendre le leadership de l’opposition», avance-t-il. La question des rapports futurs entre UMP et centre est évidemment celle de la présidentielle de 2017. L’Alternative aura-t-elle un candidat indépendant ou participera-t-elle à une grande primaire ? « Cela fait longtemps déjà que je plaide pour une primaire large, qui aille au-delà de l’UMP, une vraie compétition pour choisir le leader de l’opposition pour 2017. Et j’entends les appels d’Alain Juppé qui vont en ce sens », souligne Yves Jégo. Et de conclure: « Il n’y a pas de raison que le champion des champions qui sortirait de cette primaire ne soit pas un membre de l’UDI. » Marielle de Sarnez, elle, veut continuer dans la voie de l’indépendance du centre. « Le système politique n’est pas satisfaisant, il faut reconstruire tout un système et nous pouvons être un pivot de cette reconstruction, juge la viceprésidente du MoDem. Avec la crise du PS, des électeurs de gauche peuvent être tentés par le centre. C’est pour cela qu’il faut rester sur une ligne “centrale”.» p Abel Mestre (avec Hélène Bekmezian) du parti. « Copé ne peut pas rester en place, juge un filloniste. Soit il n’était pas au courant des malversations financières et, dans ce cas, il est incompétent. Soit il savait et doit payer.» « Il y a une telle cristallisation négative autour de JeanFrançois qu’il doit partir », tranche un ex-ministre, fataliste. En dehors du cas Copé, plusieurs ténors remettent en cause la stratégie d’alliances du parti gaulliste, en regrettant qu’il n’ait pas présenté des listes communes avec les centristes, comme en 2009. « Si l’UMP avait fait une liste commune avec l’UDI, on serait devant le Front national », a ainsi observé Roger Karoutchi. Pour Alain Juppé et Nathalie KosciuskoMorizet, la droite et le centre sont condamnés à se rassembler pour contrer l’émergence de l’extrême droite. « Recréons les bases d’un accord entre droite et centre », a plaidé le maire de Bordeaux. Ces différentes prises de position mettent en lumière les rivalités à droite, dans la perspective de l’élection présidentielle de 2017. Le constat est accablant pour le parti d’opposition,qui souffred’un déficit de leadership, peine à présenter un projet d’alternance crédible, et se retrouve « balkanisé» avec plusieurs écuries présidentielles en son sein. « On est confronté à un risque d’explosion ou d’implosion de l’UMP », résume Eric Woerth. Dans ce contexte, les sarkozystes appellent au retour de leur champion, qu’ils présentent en homme providentiel. « Je souhaite le retour de Nicolas Sarkozy au premier plan », a déclaré Brice Hortefeux dimanche soir, affirmant que l’ex-présidentétait « le seul responsable politique en France à pouvoir faire reculer le FN ». Sa tribune sur l’Europe, publiée trois jours avant le scrutin, n’a pourtant pas réussi à faire gagner l’UMP. Cela n’a pas échappé à ses rivaux. Un prétendant à la primaire veut y voir le signe que l’ex-président n’est pas le sauveur de la droite : « Si Nicolas Sarkozy était la solution, sa tribune aurait eu plus d’effet. » p Alexandre Lemarié VOIX DE FEMMES Une série de rencontres, avec une lecture par une grande comédienne suivie d’un entretien avec l’auteur mené par Jean Birnbaum, responsable du « Monde des livres » Rendez-vous le lundi 2 juin à 20 heures à l’Odéon-Théâtre de l’Europe avec Chantal Thomas et Natalie Dessay autour de L’Echange des princesses Diffusion sur France Culture le dimanche 8 juin à 21 heures dans « Théâtre & Cie » www.theâtre-odeon.eu 0123 européennes 2014 Mardi 27 mai 2014 Royaume-Uni Le Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP) de Nigel Farage est arrivé en tête avec plus de 27 % des voix. « Les gens ont enfin compris », s’est félicité le dirigeant antieuropéen. CARL COURT/AFP 9 Danemark Morten Messerschmidt arrive au Parlement danois, à Copenhague, le 25 mai. Sa formation, Le Parti populaire, est arrivé en tête du scrutin avec 26,6 % des suffrages. THOMAS LEKFELDT/AFP Vague europhobe sur le Vieux Continent UKIP au Royaume-Uni, Front national en France et Parti populaire au Danemark arrivent en tête dans leur pays Score des partis d’extrême droite et des partis europhobes en % des suffrages exprimés SUÈDE 2 Plus de 25 % De 15 % à 25 % De 7 % à 15% Moins de 7% FINLANDE 2 Démocrates suédois ESTONIE DANEMARK 4 * score en % obtenu en additionant les résultats de deux partis IRLANDE en nombre de sièges ROY.-UNI PAYS-BAS 3 UKIP xx 23 PVV Parti d’extrême droite ou parti europhobe arrivé en tête BELGIQUE LUX. Front national 24 POLOGNE* 8 ALLEMAGNE* 8 FRANCE* Parti d’extrême droite susceptible de former un groupe parlementaire avec le FN LETTONIE LITUANIE 2 Parti populaire danois R. TCHÈQUE AUTRICHE SLOVAQUIE* 4 HONGRIE Parti de la liberté (FPÖ) 3 SLOVÉNIE CROATIE ITALIE* 25 PORTUGAL ESPAGNE BULGARIE* dont 7 pour la Ligue du Nord Ligue du Nord SOURCE : PARLEMENT EUROPÉEN ; MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR P aris-Londres-Copenhague. Tel est le trio gagnant de la droiteextrêmeaprèsles élections européennes du 25 mai. Le Front national, le UKIP et le Parti populaire danois (Dansk Folkeparti ; DF) arrivent en tête dans chacun de leur pays, provoquant un véritable séisme. Marine Le Pen dynamite le paysage politique français,tout comme Nigel Farage, le chef du UKIP, qui écrase les conservateurs et devance les travaillistes. Au Danemark, DF a cinq points d’avance sur les sociauxdémocrates au pouvoir. Ils sont l’image la plus visible de cette vague europhobe qui part à l’assaut du Parlement européen pour le détruire de l’intérieur. Quand ils ne sont pas premiers, les partis europhobes obtiennent des scores importants en Autriche,en Hongrie,en Suèdeet enGrèce. En Italie, Beppe Grillo (21 %) est ROUMANIE 500 km MALTE largement distancé par la liste du présidentdu conseilde centre gauche,MatteoRenzi(41%), quia trempé sa légitimité démocratique dansce scrutin.Maisl’ancien comique devrait envoyer une petite vingtaine de députés au Parlement européen. Les partis europhobes représenteront plus de 140 députés, soit près d’un cinquième du Parlement L’extrême droite a cependant connuquelques déceptionsélectorales qui empêchent la vague brune de se transformer en tsunami. Aux Pays-Bas, l’allié privilégié de MarineLe Pen, le Parti pour la liber- GRÈCE* 3 CHYPRE té de Geert Wilders, est en recul par rapportà 2009. De même à Helsinki, les Vrais Finlandais ne se classent qu’en troisième position, alorsque certainssondages lesplaçaient en tête. Enfin, à Bratislava, le Parti national slovaque n’a pas réussi à faire élire le moindre eurodéputé, ce qui posera un problème à Marine Le Pen pour constituer son groupe d’extrême droite. Cespartiseurophobesreprésenteront plus de 140 députés, près d’un cinquième du Parlement. Mais ils auront bien du mal à s’entendre à Strasbourg et à Bruxelles. Ils représentent des tribus qui se méfient les unes des autres. A l’exception de Beppe Grillo, qui est inclassable, ils se rattachent tous à des traditions d’extrême droite, même s’ils veulent parfois les faire oublier. Les partis populistes scandinaves essaient de gommer leur origi- Succès contrastés pour les partis indépendantistes Dans les trois régions européennes travaillées par des tentations indépendantistes, les électeurs ont profité du scrutin européen pour s’exprimer. Dans la Flandre belge, où le scrutin était couplé aux régionales et aux législatives, l’Alliance néo-flamande (NVA), le parti séparatiste de Bart De Wever, triomphe. Il est en tête dans la quasi-totalité des cantons flamands. Il aurait séduit de 30 % à 33 % des élec- teurs, ce qui marque une nouvelle forte progression. En Catalogne, où le gouvernement local veut organiser un référendum d’autodétermination le 9 novembre, le parti indépendantiste de gauche Esquerra republicana de Catalunya (ERC) est arrivé en tête. Avec 23,67 % des voix, il a même devancé la coalition nationaliste CiU du président du gouvernement régional Artur Mas (21,86 %). Plus radical, ERC ne manquera pas de compliquer le processus très délicat enclenché par M. Mas, dans la mesure où le gouvernement central espagnol ne veut pas entendre parler d’un référendum. En Ecosse, enfin, où un référendum sur l’indépendance aura lieu le 18 septembre, le Parti national écossais a obtenu 28,9 % des voix, en dessous de ses attentes et des 37 % que lui prédisaient les sondages. ne d’extrême droite et récusent – à l’exception de la Suède, qui hésite encore – une alliance avec le Front national. Ils ont depuis longtemps opéré leur recentrage politique qui les pousse à collaborer avec des gouvernements dirigés par des partis traditionnels, comme en Finlande ou au Danemark, dans la législature précédente. Le Parti populaire danois n’excluait pas, dimanche, de collaborer avec le gouvernement socialdémocrate de Helle Thorning-Schmidt. Ils se sentent plus proches du UKIP de Nigel Farage que de Marine Le Pen. La présidente du Front national a tenté, elle aussi, de normaliser son parti pour le rendre plus présentable. Elle a convaincu un plus grand nombre d’électeurs. Mais la réputation sulfureuse du parti de Jean-Marie Le Pen et ses propos antisémites continuent d’effrayer Nigel Farage et les Scandinaves. La dernière tribu est jugée infréquentable par les membres du groupe de M. Farage comme par Mme Le Pen. Elle regroupe des partis néonazis, comme le Jobbik hongrois ou Aube dorée en Grèce, qui enverront respectivement trois et deux députés au Parlement européen. Un thème, en revanche, les rassemble : la détestation de l’immigration. Leur cible première est la présence d’étrangers extra-européens. Geert Wilders a été jusqu’à promettre à ses partisans de « s’occuper » des « Marocains » présents aux Pays-Bas. La Ligue du Nord italienne, le FPÖ autrichien, le Parti populaire danois, les Vrais Finlandais, le Front national, sans même parler du Jobbik et d’Aube dorée se renvoient comme un écho cette obsession partagée. Seul le Mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo semble pour l’heure épargné, même si son chef de file a semblé être tenté de suivre cette pente. « Combien d’immigrés pouvons-nous accueillir si un Italien sur huit n’a pas les moyens de manger ? », avait-il lancé aux sénateurs de son parti qui voulaient supprimer le délit « d’immigration clandestine» créé par un ancien ministre de la Ligue du Nord. Mais pour tous les autres partis europhobes, l’hostilité à l’islam est devenue le visage le plus visible de leur xénophobie. La nouveauté de la campagne qui s’est achevée dimanche, c’est l’hostilité affichée envers l’immigrationintra-européenneenprovenance de nouveaux Etats membres,commelesBulgaresetlesRoumains.LeUKIPs’enest faitunespécialité. « Vingt-six millions de personnes en Europe cherchent du travail. Et quels emplois veulent-ils prendre? », interrogeaient ses affi- ches de campagne. Mais il n’est pas le seul à remettre en cause, d’une manière ou d’une autre, la liberté de circulation dans le grand marché européen, l’un des principaux acquisdelaconstructioneuropéenne. Avec d’autres,le Parti populaire danois a insisté, dans sa campagne, sur les avantages sociaux accordés aux citoyens de l’UE. La vague europhobe enregistrée dimanche 25mai n’épouse pas les contours de l’Europe de la crise En période de vaches maigres, la tentation du repli sur soi et du rejet de l’étranger est bien présente. Pourtant, la vague europhobe enregistrée le 25 mai n’épouse pas les contours de l’Europe de la crise. Elle frappe aussi bien des pays à l’économie compétitive et dynamique, comme le Danemark et l’Autriche, ou en pleine récupéra- tion, comme le Royaume-Uni, que des Etats frappés de langueur et en mal de réformes, comme la France, ou éprouvés par la récession, comme la Grèce. Inversement, des pays malmenés par les politiques budgétaires restrictives sont indemnes de tout populisme. C’est le cas de l’Irlande, sortie il y a peu du plan d’aide, ou du Portugal. C’est aussi vrai de l’Espagne.Là aussi,les partis traditionnellement dominants sont en recul : le conservateur Parti populaire et le Parti socialiste ont attiré moins d’un électeur sur deux quand, il y a cinq ans, ils en avaient réuni huit sur dix. Mais la nouveauté n’est pas venue d’un réflexe anti-européen ou antiimmigrés. Elle est venue des nationalismes régionaux, exaspérés par la questiondu statut de la Catalogne, de la gauche de la gauche et de la mouvance issue du mouvement des « indignés ». La recomposition politique n’est pas, fatalement, partout le fait de l’extrême droite. p Cécile Chambraud et Alain Salles www.topper.fr VOTRE BIEN-ÊTRE COMMENCE ICI Destockage avant changement de collection * danS la limite des stocks disponible. Les principaux bataillons populistes ESPACE GRAND LITIER SUR 500M2 (PARIS 15e) 66 rue de la Convention, 01 40 59 02 10, ouvert 7j/7 M° Boucicaut, P. gratuit ESPACE TOPPER TEMPUR (PARIS 12e) 60 cours de Vincennes, 01 43 41 80 93, M° Nation 10 0123 Mardi 27 mai 2014 Luxembourg Jean-Claude Juncker, tête de liste pour le Parti populaire européen, revendique « une certaine légitimité » pour le poste de président de la Commission européenne. JOHN THYS/AFP Pays-Bas Avec 12,9 % des voix, le Parti pour la liberté de Geert Wilders (PVV) est en-decà des pronostics. HOLLANDSE HOOGTE/CORBIS Le populisme affaiblit le Parlement face aux gouvernements Pour la présidence de la Commission, les groupes pro-européens pourraient avoir du mal à imposer leurs candidats aux chefs des exécutifs Bruxelles Bureau européen U n Parlement européen plus fragmenté et sous pression d’une forte minorité eurosceptique. Les principales familles politiques européennes, celles autour desquelles se bâtissent les majorités, sortent affaiblies des élections du 25 mai. D’après des estimations encore provisoires, le Parti populaire européen, principal groupe de droite, arrive en tête avec 212 élus, mais il perd plus de soixante sièges par rapport au scrutin de 2009. Le Parti socialiste européen, principalgroupede gauche,ne parvient pas à bénéficier de ce recul et fait un peu moins bien qu’il y a cinq ans, avec 186 sièges, contre 196. Le groupe des libéraux-démocrates pointe en troisième position,avec70élus,pour 83dansl’hémicycle sortant. Quant aux écologistes, ils parviennent à ce stade à maintenir leur quatrième place (55élus). A elles quatre, les forces proeuropéennes représentent désormais 523 élus, contre 609 dans le Parlement sortant. Elles vont devoir faire de la place aux forma- tions plus critiques à l’égard du projet européen, voire carrément europhobes. A gauche, la gauche radicale, emmenée par le Grec Alexis Tsipras obtient 43 élus, contre 35 dans le Parlement sortant. Mais c’est surtout la droite eurosceptique qui sort renforcée, en dépit des divisionsqui la traversent. A ce stade des décomptes, le groupe de souverainistes où siègent les conservateurs britanniques obtient 44 élus, contre 36 aux anti-européens de l’EFD, créé autour des élus du UKIP de Nigel Farage. Après sa victoire en France, le Front national n’est pas assuré de pouvoir former un groupe parlementaire d’extrême droite, mais il va tout faire pour y parvenir. La pêche au ralliement devrait être des plus animées dans les prochains jours. Outre une quarantaine de non-inscrits, dont les élus du Front national avant la constitution d’un éventuel groupe, près de 70 élus étiquetés « divers » sont susceptibles de venir renforcer l’une ou l’autre famille de l’hémicycle. Certains, comme la vingtaine d’élus eurosceptiques de Beppe Grillo, en Italie, seront très courtisés. « La composition et la taille des groupes ne seront pas forcément connues avant une semaine », prévient Hannes Swoboda, le président sortant du groupe socialiste. Il n’empêche, les principales familles politiques européennes vont désormais tenter de peser sur le choix du président de la Commission européenne. PPE, PSE et libéraux ont confirmé qu’ils comptaient discuter en ce sens dès lundi 26 mai. Ensemble, ils disposent sur le papier d’une majorité La pêche au ralliement devrait être des plus animées dans les prochains jours de 468 sièges, soit largement la majorité absolue requise (376 voix) pour élire le successeur de José Manuel Barroso. Cependant leur stratégie reste confuse, car les trois chefs de file en lice, Jean-Claude Juncker pour le PPE, Martin Schulz pour les socialistes et Guy Verhofstadtentendentchacun jouer un rôle central dans la course aux postes. Le premier s’est dit prêt à « accepter le mandat de président dela Commission».«J’aiune certaine légitimité pour pouvoir prétendre que le PPE fasse de sa tête de liste son candidat » pour ce poste, a affirmé Jean-Claude Juncker, vétéran de la construction européenne, lors d’une rapide intervention au Parlement. « Légitimité » que Martin Schulz s’est bien gardé de reconnaître: le candidat socialiste a lui aussi promis de chercher une majorité sur son projet et pose ses conditions– lutte contre le chômage des jeunes et l’évasion fiscale – avant toute alliance. Dimanche, il a mis en garde contretoute conclusion précipitée sur la base d’estimations provisoires dont il « doute ». Mais le social-démocrate allemand ne devrait pas être en mesurede constituer une majoritéalternative à gauche. Guy Verhofstadt, de son côté, devrait être en position de pivot entre la droite et la gauche dans la perspective d’une « grande coalition » PPE/socialistes/libéraux. Pour lui, comme pour l’ensemble des forcespro-européennes,le successeur de José Manuel Barroso doit être choisi parmi les chefs de file qui ont piloté la campagne au Bataille en coulisse pour un groupe d’extrême droite Bruxelles Bureau européen Elle n’a jamais été aussi forte en France mais n’est pas sûre de pouvoir constituer un groupe au Parlement européen. Avec 24 élus sur les 25 nécessaires, Marine LePen dispose désormais de troupes qui lui permettent, presque à elle seule, de fonder une fraction d’extrême droite. Mais elle n’est pas tout à fait certaine de rassembler des alliés dans sept pays différents, comme l’exigent les règles du Parlement européen. Parmi ses alliés potentiels, le Parti national slovaque n’est plus en mesure de siéger dans l’hémicycle. Par ailleurs, les démocrates suédois font bel et bien leur entrée dans le Parlement européen, avec 7 % des voix, mais ils hésitent à rejoindre l’alliance que tente de forger Marine Le Pen. Quant au Vlaams Belang, en Belgique, il est passé tout près de l’élimination, mais disposerait finalement d’un siège, selon les estimations provisoires. Les autres alliés du Front national ont confirmé plus facilement leur présence dans l’hémicycle, même si leur succès est loin de l’ampleur de la victoire du FN en France. Le FPÖ autrichien, en progrès derrière les conservateurs et sociaux-démocrates associés au gouvernement, et le Parti pour la liberté de Geert Wilders, en deçà des pronostics des sondages néerlandais, sont au rendez-vous, tout comme les élus de la Ligue du Nord italienne. Eviter l’éclatement Les prochains jours devraient être déterminants pour les projets européens de Marine LePen. La chef du Front national est à la lutte avec deux Britanniques soucieux de préserver leurs propres groupes: Nigel Farage, le chef du parti anti-européen UKIP, mais aussi, plus indirectement, le premier ministre DavidCameron. Arrivé en tête au Royaume-Uni, le premier a fort à faire pour éviter l’éclatement de sa formation (EFD, Europe de la liberté et de la démocratie). Il devrait être délaissé par la Ligue du Nord, courtisée par le Front national. Mais il va chercher à attirer une partie des élus eurosceptiques de Beppe Grillo, arrivé en deuxième position en Italie. Le patron du UKIP cherche depuis des mois à se différencier du Front national, dont il a mis en cause en début de campagne « l’antisémitisme». Mais de nombreux experts ne voient pas comment il pourrait maintenir son groupe si le FN parvenait à former le sien. Et réciproquement. La concurrence entre les forces eurosceptiques est d’autant plus vive que David Cameron entend de son côté éviter la marginalisation des élus tories, associés aux eurosceptiques polonais et tchèques au sein de la formation CRE (Conservateurs et réformistes européens). Celle-ci pourrait bénéficier du renfort des élus anti-euro de l’AFD et du soutien de l’Alliance néoflamande de la NVA, en Belgique. Au détriment de Nigel Farage, elle devrait aussi attirer les Vrais Finlandais et le Parti du peuple danois, arrivé en tête. Ces deux formations ont décliné les avances de Mme Le Pen. Celleci pourrait en revanche jeter son dévolu sur une des surprises du scrutin: le Congrès de la nouvelle droite, formation europhobe qui a obtenu plus de 7 % en Pologne. Pour former son groupe, la chef du FN exclut en revanche de s’associer à l’extrême droite grecque d’Aube dorée ainsi qu’au Jobbik hongrois. Ouverte discrètement depuis des semaines, la pêche aux ralliements devrait se prolonger après les élections. En principe, les groupes doivent être formés avant le 24juin s’ils veulent obtenir des postes d’influence. p Ph. R. niveau européen. Un point de vue que contestent déjà les eurosceptiques. Les performancesdes uns et des autres laissent cependant les coudées franches aux chefs d’Etat et de gouvernement. Ces derniers doivent se retrouver mardi dans la soirée, à Bruxelles, afin de mandater Herman Van Rompuy, le président du Conseil européen, pour entamer les tractations avec les eurodéputés. A moins d’une surprise, aucune décision ne devrait êtreprise mardicar le Conseileuropéen aborde la discussion en rang dispersé lui aussi. Si certainschefsd’Etat etde gouvernement pourraient, à l’instar de François Hollande, se contenter de Jean-Claude Juncker, ou de Martin Schulz, d’autres, comme le Britannique David Cameron, ne sont favorables ni à l’un ni à l’autre. Angela Merkel, après avoir soutenul’ancien premier ministre luxembourgeois pour mener la campagnedes chrétiens-démocrates, attend avant de se prononcer. « Elle n’a pas renoncé à choisir en dehors des chefs de file en lice », croit savoir un responsable européen. Quel quesoit le postulant,la dif- ficulté est maintenant de rassembler une majorité absolue de 376 voix au Parlement européen, ainsi qu’une majorité qualifiée au sein du Conseil européen. « Au fond, personne n’a envie de se faire imposer le futur patron de la Commission par le Parlement européen », dit un proche d’Herman Van Rompuy, pour résumer l’état d’esprit du Conseil. Toutefois, selon ce responsable, si un candidat parvient à rassembler 376 voix parmi les eurodéputés, ce sera « un fait politique qu’il sera difficile d’ignorer». « Après cette campagne inédite, il ne va pas être possible pour le Conseil européen de considérer les élections comme un fait divers qui a amusé les partis », veut croire une autre source européenne. Dans l’idéal, le successeur de M. Barroso serait désigné fin juin par le Conseil, puis élu en juillet par le nouvel hémicycle. A moins que le bras de fer annoncé entre chefs d’Etat et eurodéputés ne retarde les échéances. Angela Merkel devait joindre François Hollande dans la journée de lundi pour tenter de trouver une issue la plus rapide possible. p Philippe Ricard Les Européens face au choc Marine Le Pen LE « CHOC», LE « SÉISME»… La victoire de Marine Le Pen en France faisait la « une» des médias internationaux, notamment en Autriche et au Royaume-Uni, où la chef du parti d’extrême droite partage l’affiche avec Nigel Farage, le chef de file du UKIP, le parti europhobe qui a remporté les élections outre-Manche. « Le FN mène un tremblement de terre populiste aux élections européennes», titre le Financial Times. A Londres, William Hague, le ministre des affaires étrangères, s’est dit « inquiet ». Interrogé par la BBC pour savoir s’il s’agissait de la « montée d’un parti raciste », il a répondu sans ambiguïté: « Oui ». Ajoutant, « en France, la désillusion envers la politique et l’UE est sérieuse». « Plus jamais comme avant » En Pologne, le premier ministre, Donald Tusk, s’est ému. «Cette journée sera gravée dans l’histoire. L’Europe change sous nos yeux.» En Suède, la première réaction fut entendue au siège des Démocrates de Suède, le parti d’extrême droite, qui a applaudi chaudement les résultats du FN. Interrogé plus tard, Jimmie Akesson, le président du parti, a pourtant habilement esquivé le sujet de Mme Le Pen. « Il est intéressant de voir comment le UKIP et le Parti populaire danois [DF] progressent. Cela indique bien qu’il y a un contre-mouvement en Europe qui grandit», a-t-il dit. Il a expliqué qu’il se sentait plus proche du DF, un parti d’extrême droite qui ne veut pas coopérer avec le FN. Or, depuis Copenhague, ce dernier a encore pris ses distances avec le parti de Marine Le Pen après sa victoire. La tête de liste européenne du Parti populaire danois, Morten Messerschmidt, a dit regretter que « des partis comme le Front national et Aube dorée gagnent du terrain ». En Italie, le président de la Ligue du Nord, Matteo Salvini, qui a signé un accord avec Marine LePen, explique que « rien ne sera plus jamais comme avant en Europe». Pour Ilvo Diamanti, professeur de sciences politiques à l’université d’Urbino (Marches), le score du FN est le signe de « la crise de la démocratie» qui attaque la France après avoir attaqué l’Italie. Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a, lui, appelé, lundi 26 mai, les forces européennes à se « rassembler», face à la poussée des europhobes et de l’extrême droite. p De nos correspondants 0123 européennes 2014 Mardi 27 mai 2014 11 «Le renard UKIP est dans le poulailler» du Parlement Arrivé en tête du scrutin, Nigel Farage s’engage à «débarrasser» le Royaume-Uni de l’Union européenne Southampton Envoyée spéciale I l a le triomphe modeste : cela fait partie du personnage qu’il s’est savamment construit. « Well, I’m delighted » (« Je suis ravi »), a dit Nigel Farage d’un air impassible en contemplant les résultats des élections européennes, dimanche 25 mai, alors même qu’ilvenait de susciter le « tremblement de terre politique» qu’il avait lui-même désiré et prédit. Le chef du petit parti United Kingdom Independence Party (UKIP), député à Bruxelles depuis 1999, n’a jamais été élu à la Chambre des communes et fédère 35 000 membres autour de lui. Il vient de réussir l’exploit de sa vie : faire du UKIP le premier parti britannique au Parlement européen. Avec 29 % des voix, il dame le pion aux trois partis de l’establishment : Conservateurs (24 %), Labour (24 %) et LibDems (Libéraux-démocrates, 8 %). Il est aujourd’hui, de fait, avec la présidente du Front national, Marine Le Pen, un porte-voix puissant dans ce nouveau Parlement de Strasbourg, l’instigateur en chef de la vague populiste et europhobe qui laisse l’Europe KO debout. Cette soirée du 25 mai, Nigel Farage l’a passée sans façons : à l’hôtel de ville de Southampton, parmi les candidats des différents partis dans cette région du Sud-Est de la Grande-Bretagne qui l’élit pour la quatrième fois consécutive au Parlement européen. Victorieux, il n’a rien changé son image de gentleman populiste: un buste trèsdroit en toutes circonstances et une courtoisie appuyée que viennent interrompre de gros rires bruyants, si possible la pinte de bière à la main. Il a contemplé avec magnanimité le succès de ses efforts : l’énumération répétée des trois fléaux qui selon lui assaillent le peuple britannique – l’immigration, l’Union européenneet les partis gouvernementaux, aussi ineptes que l’est « l’UMPS » pour Mme Le Pen. Il était aussi assez content de sa trouvaille, formulée juste avant Une victoire historique pour les antieuropéens Londres Correspondance Le tremblement de terre que promettait Nigel Farage a eu lieu. Le dirigeant du Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP) a réussi son pari de terminer en tête des élections européennes au Royaume-Uni avec plus de 27 % des voix. C’est la première fois depuis 1910 qu’un scrutin n’est remporté ni par les travaillistes ni par les conservateurs. « C’est un résultat extraordinaire», s’est félicité M. Farage. Avant d’ajouter qu’il s’étonne que ce ne soit pas arrivé plus tôt : « Les gens ont enfin compris. Nous avons perdu le contrôle de notre pays, et de nos frontières.» Presque tout le pays a été emporté par une vague violette, la couleur du UKIP. Seule l’Ecosse fait de la résistance : le parti antieuropéen n’y récolte que 10 % des voix. Londres reste également réticente. Mais, partout ailleurs, le UKIP s’est largement imposé. Les travaillistes arrachent de justesse la deuxième place, juste devant les conservateurs. Les libéraux-démocrates, les plus proeuropéens, essuient une défaite catastrophique, terminant à la cinquième place, derrière les Verts. M.Farage, cofondateur du UKIP en 1993, réussit ainsi un tour de force politique. Il y a quelques années seulement, David Cameron balayait du revers de la main ce parti, qu’il disait composé de « cinglés, barjots et racistes qui n’osent pas dire leur nom ». Aujourd’hui, le voilà au centre du jeu politique. Le UKIP a réussi à s’imposer en élargissant consciemment son discours politique: au rejet de l’UE, qui est sa raison d’être, il a ajouté une opposition à l’immigration qui lui a valu des accusations répétées de racisme – une charge qui a, semble-t-il, été contre-productive. De plus, son dirigeant, M.Farage, manie un humour décapant, et travaille une attitude anti-élites, qui tranche avec les discours aseptisés de ses opposants. Même si le résultat était attendu, la secousse aura des effets sensibles dans tout le paysage politique britannique, à deux niveaux. D’abord, d’un point de vue européen, cette victoire ne peut que faire avancer un peu plus le Royaume-Uni vers une sortie de l’UE. « Tous les partis vont être poussés à être plus eurosceptiques», estime Peter Kellner, président de l’institut de sondage YouGov. Du côté des conservateurs, David Cameron a promis un référendum sur le maintien dans l’Union d’ici à 2017. Mais, dans un premier temps, il veut rapatrier de Bruxelles un certain nombre de pouvoirs. « Il va devoir être beaucoup plus dur dans ses négociations», estime M. Farage. Les travaillistes aussi vont être sous pression. Ils ont jusqu’à présent exclu un référendum, sauf en cas de nouveau traité européen. « Ils vont devoir revoir leur position», veut croire M. Farage. Rien n’assure que cela sera le cas, mais tous les sondages indiquent que les Britanniques souhaiteraient un référendum. Alors que le Labour est à la peine à un an des législatives, son chef, Ed Miliband, pourrait s’y résoudre, afin d’arracher des voix supplémentaires. Ententes locales A un deuxième niveau, les répercussions de la victoire du UKIP seront importantes pour la politique intérieure. Le parti antieuropéen n’a aucun espoir de devenir dominant à la Chambre des communes, le mode de scrutin majoritaire à un tour rendant difficile une véritable percée. Mais M. Farage se prend désormais à rêver tout haut de remporter une poignée de députés aux législatives, suffisamment pour se retrouver en position de faiseur de roi. « Tout est possible», lance-t-il. Son parti pourrait d’ailleurs remporter un premier siège le 5 juin, lors d’une législative partielle à Newark, dans le nord de l’Angleterre : le UKIP y a décroché la première place lors du scrutin européen. Même si le parti europhobe ne gagne aucun siège au Parlement, il peut jouer un rôle décisif en prenant des voix aux autres partis. A ce jeu-là, ce sont les conservateurs qui ont le plus à perdre. M. Cameron craint qu’une déperdition de voix, même minime, vers le UKIP n’entrave sa réélection, offrant la victoire aux travaillistes. Inquiets, plusieurs conservateurs ont appelé à un pacte avec le UKIP. Si un accord national semble exclu, il n’est pas impossible que des ententes locales puissent être nouées, malgré l’opposition de M. Cameron. Les partis politiques traditionnels espéreront sans doute que le phénomène ne soit que passager. En 2004 et en 2009, lors des deux précédents scrutins européens, le UKIP avait obtenu 16 % des voix, avant de retomber dans l’oubli. Mais, cette fois, tourner la page sera beaucoup plus difficile. p Eric Albert l’élection : « Le renard UKIP est dans le poulailler de Westminster.» Le renard, c’est lui. Le poulailler, ce sont les députés de la coalition gouvernementale conservatrice et LibDem comme de l’opposition Labour. Nigel Farage est doublement en position de force : avant lesélections européennes,il a remporté un succès relatif aux élections locales qui ont eu lieu au Royaume-Unijeudi 22mai: 150sièges de conseillers pour le Ukip qui n’en avait que 2. « Ce sont deux avertissements», menace-t-il. Le leader du Ukip laisse planer le suspense sur sa propre candidature à la Chambre des communes, aux élections législatives de mai 2015. Personne n’est dupe : le UKIP n’obtiendra pas des scores semblables lors d’un scrutin général, considéré comme plus vital pour les électeurs et où la question européenneredeviendramarginale.Maisil compteen revancheutiliser cette double victoire comme un moyen de pression sur David Cameron, Ed Miliband et Nick Clegg, les leaders conservateurs, travaillistes et LibDems. « Je leur donne ce conseil d’ami, dit-il. il vaut mieux qu’ils changent de politique, sinon les élections générales seront un désastre pour eux. » Changer de politique, pour Nigel Farage, cela se réduit à organiserun référendumsurl’indépendancedu Royaume-Uni.«La victoi- «Schulz! Je veux Schulz, bien sûr! Il est désagréable, agressif, déplaisant… Il nous faut le pire!» Nigel Farage chef du UKIP re aujourd’hui des partis eurosceptiques européens, de droite et de gauche, prouve que ce processus est inévitable. La bulle européenne a déjà explosé. Il est plus que temps : je veux me débarrasser de l’Union européenne. Je ne veux plus de commission, plus de Cour de justice, plus de parlement, plus de députés, rien. C’est bien clair ? Et vous verrez, je parie cher que le Labouraussi promettraun référendum sur la sortie de l’Europe! » Pour ce qui est du futur président de la Commission européenne, Nigel Farage a fait son choix : il votera pour l’Allemand Martin Schulz, du groupe socialiste,actuel président du Parlement de Bruxelles. Il l’affirme avec tout le sérieux dont il est capable : « Schulz ! Je veux Schulz, bien sûr ! Il est désagréable, agressif, déplaisant… Il nous faut le pire, c’est pour le mieux ! Schulz sera bon pour en finir avec l’Europe.» Nigel Farage et Marine Le Pen, ont un point commun : les deux grands vainqueurs du 25 mai ont réussi l’exploit de mobiliser des populations désespérées et de leur trouver, dans un contexte européen en plein marasme, un bouc émissaireidéal, l’establishment,les élites nationales ou bruxelloises, la zone euro et une Union européenne qui seraient la cause de l’immigrationetduchômage.Ilsontpourtant de gros points de divergence: Nigel Farage, disciple de Margaret Thatcher, est notamment un ultralibéral affirmé. Il tient par ailleurs à ménagersonimagede«partieurosceptique décent », seul garant de son pouvoir d’influence dans la politique britannique. Pour cela, il s’obstine à tenir tête à Marine LePen et répète son refus de siéger avec le Front national dans un même groupe parlementaire. « Nous serons présents au Parlement, nous voterons contre toutes les directives et il n’y aura pas d’alliance avec un parti qui traîne un lourdbagagederacismeetd’antisémitisme», clame-t-il. Sur les dix députés européens représentant la région du Sud-Est de la Grande-Bretagne, Nigel Farage a été réélu numéro un. Il fut bref pour une fois, il n’y avait pas de foule à convaincre dimanche soir, juste les candidats, la presse et quelques coéquipiers. En vieux routier des tribunes, il a regardé droit dans les caméras et averti : « Vous n’avez pas fini d’entendre parler de nous. » p Marion Van Renterghem 12 0123 Mardi 27 mai 2014 Grèce Alexis Tsipras, le président de Syriza (gauche radicale), vainqueur du scrutin (26,46 %), à Athènes, devant le parti conservateur Nouvelle Démocratie (23,17 %). ALKIS KONSTANTINIDIS/REUTERS Le message anti-austérité des Grecs à l’Europe La gauche radicale, menée par Alexis Tsipras, devient la première force politique du pays Athènes Correspondance C e n’est pas la foule des grands jours mais quelques centaines de militants ont tout de même fait l’effort de venir, tard dans la nuit de dimanche 25 mai, applaudir Alexis Tsipras devant le quartier général de campagne du parti de la gauche radicale Syriza, sur l’une des places principales d’Athènes. Le Syriza vient d’emporterles électionseuropéennes, avec 26,46 % des voix, et devient ainsi la première force politique du pays. « Une grande première et une victoire pour toute la gauche européenne! », se félicite, des paillettesdans les yeux,Areti, une sympathisante de 26 ans. Surla scène, leprésident de Syriza, Alexis Tsipras, écoute très souriant Réna Dourou,l’heureusecandidate du parti, élue sur le fil avec 50,41 % des voix à la tête de la région de l’Attique, qui concentre à elle seule 30 % des électeurs grecs. Car les Grecs votaient aussi ce dimanche pour désigner leurs maireset leurs préfets de région. Si l’Attique a basculé dans le giron de Syriza, la majorité des treize régions grecques reste cependant aux mains des conservateurs. « Le vrai symbole de la sanction du gouvernement de coalition, c’est la victoire de Réna Dourou en Attique, car l’Attique est la région qui a le plus souffert de la crise, et elle vient de choisir Syriza. On a un pays à deux vitesses avec des régions assez conservatrices et un centre autour d’Athènes plutôt contestataire», explique le politologue Elias Nikolakopoulou. Et c’est là tout le paradoxe de cette journée d’élections. D’un côté, les Grecs ont adressé à l’Europe le message clair qu’ils ne voulaient plus de l’austérité en portant Syriza à la première place, mais ils se sont montrés moins aventureux dans les scrutins locaux en votant pour des candidats issusde la coalitiongouvernementale. Cela prouve que de nombreuxGrecsrestentsensiblesaudiscoursdestabilitépolitiquedéveloppéparleparticonservateurNouvelle Démocratie (ND), qui a réussi à gagner 23,17% des suffrages. « C’est une défaite, mais pas si brutale. Aux législatives de 2012, ND avait remporté 29% des suffrages», souligne M.Nikolakopoulou. L’ancrage d’Aube dorée D’autant que si les socialistes du Pasok sont en recul net par rapport aux européennes de 2009, avec8,1%sousles couleursde L’Olivier (Elia), ils résistent mieux que prévu. L’Olivier devance notamment le nouveau parti To Potami (« la rivière »), créé par le journaliste vedette Stavros Theodorakis, qui n’obtient que 6,6 %. Al’annoncedes résultatsdimanche soir, Alexis Tsipras a réclamé des élections législatives « aussi rapidement que possible ». Mais avec trois petits points d’écarts seulement, les conservateurs de la Nouvelle Démocratie ont exclu toute idée de scrutin anticipé. L’autreenseignementdecescrutin, c’est la montée en puissance des néonazis d’Aube dorée qui, en obtenant 9,3 % des suffrages, deviennent la troisième force du pays. «Ils se sont ancrés dans le paysagegrecmalgréleursdéboiresjudiciaires. Au premier tour des élections locales, le 18 mai, ils avaient fait un bon score, autour de 11 % », rappelle M. Nikolakopoulou. p Adéa Guillot Italie Le cofondateur du Mouvement 5 étoiles, Beppe Grillo (au centre), dimanche 25 mai, près de Gênes. Son parti a subi une défaite face au Parti démocrate en ne recueillant que 21 % des voix. MARCO BERTORELLO/AFP En Italie, la surprise Matteo Renzi Le Parti démocrate du président du conseil distance le Mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo Rome Correspondant L es Italiens ont une expression très imagée pour traduire les efforts de ceux qui, après avoir prédit les catastrophes, tentent de rétablir la situation quand les événements leur donnent tort : « S’accrocher aux miroirs ». Et ils étaient nombreux ceux qui, dimanche 25 mai, après la fermeture des bureaux de vote à 23 heures, ont voulu « s’accrocher aux miroirs ». Tous ceux qui, à la lecture des derniers sondages, avant qu’ils ne soient interdits de publication le 9 mai, avaient pronostiqué la défaite du président du conseil et secrétaire du Parti démocrate (PD, centre gauche), Matteo Renzi, devant le héraut de la lutte contre l’euro, Beppe Grillo. La victoire du centre gauche (41%) est d’abord celle du nouveau premier ministre. Désigné le 22 février après avoir « mis à la casse » les vieilles gloires du parti et « poignardé » son prédécesseur, Enrico Letta, le jeune (39 ans) Matteo Renzi n’avait à son crédit que sa victoire à la mairie de Florence en 2009 et celle aux primaires du PD en décembre 2013. Mais il lui manquait l’onction d’un vrai scrutin national.C’est aujourd’huichose faite, alors que l’Italie prendra, le 1er juillet, la présidence tournante de l’Union européenne pour six mois. A peine nommé, il a multiplié les annonces de réformes dans le but avoué « d’assécher » le vivier électoral du Mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo. En multipliant les Ce scrutin signe la disparition de la droite berlusconienne et postberlusconienne meetings et les apparitions télévisées, il a convaincu qu’il avait envie, plus que les autres, de « faire le job ». Paradoxe : il est l’un des rares chefs de gouvernement à avoir ouvertement fait campagne pour l’Europe et à être sorti vainqueur de ce scrutin. En théorie, M. Renzi devrait avoir un boulevard devant lui pour mener à bien les réformes encore en chantier. Plusieurs d’entre elles (la modification du mode de scrutin, la fin du bicamérisme) ont été mises entre parenthèses le tempsde la campagne.Mais les faiblesses de ses alliés, Forza Italia et le Nouveau Centre droit d’Angelino Alfano, peuvent faire craindre que ceux-ci ne révisent leur stratégied’alliance.L’effetRenzine profite qu’à Matteo Renzi lui-même. Mais que pèsent-ils ? Le scrutin du 25 mai, même s’il doit être tempéré d’une forte abstention, signe ladisparition de ladroite berlusconienne et postberlusconienne. Il faut remonter au temps de la Démocratie chrétienne dans les années 1970-1980 pour trouver une victoire comparable à celle de M.Renzi aujourd’hui. Cet avantage numérique, sur ses alliés comme sur ses adversaires, lui offre un atout majeur. En cas de mauvaise volonté d’un de ses partenaires, il pourrait les menacer de retourner aux urnes avec l’assurance, du moins en tenant compte du scrutin européen, d’en sortir vainqueur. Pour le Mouvement 5 étoiles, « presque vainqueur » des élections de février 2013, la défaite est amère (21 %). M. Grillo, pendant toute la campagne, a répété que sa formation était largement en tête. En semblant lui donner raison, les sondages ont accrédité l’idée que sa stratégie d’opposition à outrance était payante. Cette formation, qui s’apprêtait à demander la démission du président de la République, Giorgio Napolitano, et des élections anticipées, va devoir revoir sa stratégie. Son refus de tout « compromis » avec les partis au pouvoir l’a déjà poussée à exclure une vingtaine de parlementaires qui y étaient favorables. Ce résultat devrait encourager les rapprochements de certains d’entre eux avec le Parti démocrate. Enfin, ce 25 mai marque peut être la fin – souvent annoncée, jamais vérifiée – du berlusconisme. Condamné à quatre ans de prison (réduit à une année en raison de diverses amnisties) pour fraude fiscale, privé de ses droits civiques, humilié par sa participation quatre heures par semaines à des travaux d’intérêt général dans un hospice de la banlieue de Milan, l’ex-Cavaliere a fait campagne, comme Beppe Grillo, contre l’Allemagne et contre l’euro. Les Italiens semblent avoir jugé qu’il n’avait plus l’énergie ni l’âge du rôle. p Philippe Ridet Nouveau triomphe pour le parti de M.Orban en Hongrie L’éclatement de la gauche profite à l’extrême droite du Jobbik, deuxième derrière le Fidesz-KDNP Vienne Correspondante L es élections européennes ont nettementconsolidé,en Hongrie, la droite conservatrice et l’extrême droite radicale, tout en rebattant les cartes au sein de la gauche.Dans la foulée des législatives du 6 avril, la coalition Fidesz- KDNP au pouvoir a remporté 51,49 % des voix et 12 sièges sur 21 : c’est un nouveau triomphe pour le premier ministre, Viktor Orban, qui s’est distingué, depuis 2010, par ses attaques contrela « dictature » bruxelloise. Pendant la campagne, il n’a pas hésité à attaquer l’Union européenne (UE). Après une décision de la Cour européenne des droits de l’homme – qui ne dépend pas de l’UE, mais du Conseil de l’Europe – demandant à la Hongrie de réexaminer son régime de peines à perpétuité, Viktor Orban a répliqué, pendant un meeting, le 20mai : « C’est l’ultime preuve qu’à Bruxelles et à Strasbourg, dans l’Union européenne, les droits des criminels passent avant ceux des victimes et des innocents. » Faible participation La véritable surprise vient des bons résultats obtenus par deux listes de la gauche libérale proeuropéenne,la Coalition démocratique (DK) de l’ancien premier ministre Ferenc Gyurcsany, qui a atteint 9,76 % des suffrages, soit 2 sièges, et celle de son successeur lorsqu’il avait dû démissionner sous la pression de l’opposition, Gordon Bajnai, dont la formation Együtt (Ensemble) a remporté 7,22% des voix et un siège. Cettedouble performancea surtout affaibli le Parti socialiste (MSZP), héritier direct de l’ancien Parti communiste, qui subit un revers cinglant : il est relégué à la troisième place, avec seulement 10,92% des voix et deux sièges. La faible participation (28,92 %) semble avoir nui à la gauche. Le parti écologiste LMP (Faire de la politique autrement), qui veut se tenir à égale distancedes conservateurs et de la gauche, réussit son entrée au Parlement européen, avec 5 % des suffrages et un député. Au total, la gauche et les écologistes capitalisent plus de 750 000 voix, alors que le parti d’extrême droite, Jobbik, en obtient près de 340 000. L’éparpillementdu vote de gauche a pour conséquence de donner au Jobbik la deuxième place – une victoire symbolique, car il a peu progresséen voix(14,68%) par rapportà 2009et gardele même nombre de députés (trois). Mais la bonne tenue du Jobbik, malgréles accusationsd’espionnage au profit de Moscou lancées contre un de ses candidats, ne peut que conforter le cours eurosceptique de M. Orban, décidé à faire entendre sa voix dans le groupe des conservateurs du Parti populaire européen (PPE). LeFideszn’apasfailliàsaréputation de membre turbulent du PPE en prenant position contre le chef de file de son parti, Jean-Claude Juncker : « Nous ne pensons pas qu’il doive diriger la Commission», a déclaré le parti de M. Orban à la veille du scrutin du 25 mai. p Joëlle Stolz 0123 européennes 2014 Mardi 27 mai 2014 Allemagne Au QG du SPD, Martin Schulz, candidat du Parti socialiste européen à la présidence de la Commission, et le vice-chancelier Sigmar Gabriel. Le parti a recueilli 27,4 % des suffrages. J. MACDOUGALL/AFP Pologne Les premiers résultats annonçaient la Plateforme civique (PO) du premier ministre Donald Tusk (au centre) en tête. Au matin, le parti n’obtenait que la deuxième place, avec 31,29 % des votes. J. SKARZYNSKI/AFP Donald Tusk limite la montée de l’euroscepticisme en Pologne Le premier ministre bénéficie de sa stature internationale, acquise pendant la crise ukrainienne Varsovie Envoyée spéciale E trange ambiance sur la place des Trois-Croix, au cœur de Varsovie. Sorties il y a peu du stade, des centaines de supporters du Legia Varsovie défilent, bière à la main, pour saluer la victoire de leur club de football dans le championnat national. Au milieu, sans leur accorder un regard, un vieil homme ému en interpelle un autre : « Jaruzelski est mort ! » La mortdu dernier dirigeantcommuniste du pays, à 90 ans, vient d’être annoncée. Toujours sur la même place, dans le très chic restaurant Ale Gloria, les membres de la Plateforme civique (PO), parti de centre droitau pouvoir,attendentfébrilement les résultats des élections européennes. A 21 heures, le premier sondage Ipsos tombe : le PO arrive en tête avec 32,2 % des suffrages, soit un point de plus que Droit et Justice (PiS), le deuxième parti du pays, de droiteeurosceptique.«Jevousfélicite, mais les résultats frôlent le match nul et je pense qu’il faut attendre demain matin», se réjouit prudemment Donald Tusk, le fringant premier ministre PO. Il ne croit pas si bien dire. Dans la nuit, les résultatspartiels donnent lavictoire au PiS, en tête de… 5 points sur le PO, à 33,88%. Mais, à 5 heures du matin, nouveau retournement: le PiS n’estplus en tête que d’un point à 32,35 % contre 31,29 % au parti au pouvoir. Lundi matin, 10 % des bureauxdevoten’avaientpasencore été dépouillés. Et il n’est pas exclu que le PO reprenne la main. Dans tous les cas, les deux partis au coude-à-coude devraient chacun envoyer 19 élus au Parlement européen. « C’est un score honorable : après tout, nous avons gagné toutes les élections depuis 2007 », relativise un militant du PO. Le taux de participation est estimé à 23% environ, moins qu’en 2009 Il est vrai qu’il y a quelques mois encore, tous les sondages prédisaient une large victoire du PiS, dirigé par Jaroslaw Kaczynski, ancien président du conseil et frère jumeau du président Lech Kaczynski, mort dans un accident d’avion en 2010. Tout jouait contre le PO. Après avoir surfé sur la croissance qui a porté le pays après son entrée dans l’Union européenne il y a dix ans, M.Tusk avait en effet dû faire face, début 2013, au mécontentement croissant des Polonais. Notamment à propos de la précarité. « Il a aidé les entreprises, mais nous, les jeunes, n’avons que des contrats pourris », s’agace ainsi Agnieszka Dornowska,graphisteindépendante de 29 ans, évoquant les contrats d’un mois mal rémunérés. Le PiS a donc battu campagne surles faiblessesdugouvernement et s’est présenté comme l’alternative. Son slogan: « Servir la Pologne, écouter les Polonais.» « Seulement, lacriseukrainienneestvenuebouleverser la donne», explique Lukasz Mezyk,cofondateurdusited’analyse politique 300polityka.pl. Dès le début des tensions, le premier ministre Tusk s’est posé en défenseur de l’Ukraine. Il a proposé une union énergétique afin de sécuriser les approvisionnementsen gaz. Son slogan : « Une Pologne forte dans une Europe sûre.» « Cela lui a donné une stature internationale qui a remobilisé une partie de l’électorat du PO », commente Konrad Piasecki, journaliste à Varsovie. Surtout,M.TuskrassurelesPolonais, inquiets des manœuvres de leur imposant voisin russe – selon un sondage de l’institut CBOS, 47 % estiment que la sécurité de leur pays est menacée. « Il a habilement fait passer au second plan les problèmes intérieurs», remarque Eryk Mistewicz, spécialiste en communication politique. « Voilà pourquoi les deux grands partis arrivent au coude-à-coude.» Quel enseignement tirer, à près d’un an des législativeset de la présidentielle polonaises? « Le PO n’a pas trop de souci à se faire, car il a plusd’alliés que le PiS avecqui monter une coalition », explique M. Mezyk, qui s’inquiète plutôt du faible taux de participation, estimé à 23 % environ, soit moins que les 25 % des européennes de 2009. Autre inquiétude : le score surprise des europhobes du Congrès de la nouvelle droite (KNP), qui a récolté7,06%desvoix(4eurodéputés), selon les résultats partiels, ce qui en fait le sixième parti après les sociaux-démocrates du SLD (9,55 %) et le parti paysan, le PSL 7,21%.Sonchef,JanuszKorwin-Mikke, 72 ans, mathématicien insolent etanciendissidentanticommuniste ultra-libéral, s’est fait remarquer ces dernières semaines par ses propos antidémocratiques. « Nous allons démanteler l’Union européennede l’intérieur», a-t-il déclaré en découvrant les résultats. « C’est un personnage quelque partentreJean-MarieLePenetColuche, cultivant l’absurde et l’antiestablishment», décrypteErykMistewicz. M. Korwin-Mikke séduit un électorat jeune et un peu perdu, selon les analystes. Donald Tusk utilisera probablement le KNP comme repoussoir afin de remobiliser son électorat. p Marie Charrel Le SPD gagne du terrain, tandis que la CSU, affaiblie par sa campagne antieuropéenne, recule U ne participation en hausse, des partis au pouvoir dont, globalement, les résultats sont meilleurs qu’en 2009, les partis extrémistes maintenus en marge du système : dans une Europe critiquée de toutes parts, d’Athènes à Copenhague en passant par Paris, l’Allemagne apparaît commeunpôlede stabilité,ce qui pourrait – encore – renforcer son poids sur la scène européenne, d’autant plus que François Hollande, lui, sort affaibli de ce scrutin. Sept électeurs allemands sur dix ont en effet voté pour un parti favorable à la construction européenne,voire à son approfondissement : la CDU, le SPD, les Verts (10,5%)oule Partilibéral(FDP).Grâce à la progression(+ 6,3 %) du Parti social-démocrate depuis 2009, la coalitionau pouvoir– quiest ànouveau la même qu’il y a cinq ans – réalise un meilleur score que lors du précédent scrutin européen. Si le message pro-européen envoyépar les électeursallemands est donc incontestable, ceux-ci ont émis un autre signal, qui empêche les partis porteurs du projet européen d’être totalement satisfaits. Le premier est le succès d’Alternative pour l’Allemagne (AfD). Crééeau printemps2013 par Bernd Lucke, un universitaire de Hambourg déçu par la CDU, dont il a longtemps été adhérent, l’AfD a raté de peu son entrée au Bundestag en septembre 2013. Mais, en huit mois, ce parti a porté son score de 4,7 % à 7 %. Peut-être parce qu’il insiste désormais moins sur le retour au deutschemark que sur la limitation des pouvoirs accordés à la Commission européenne. L’avenir de ce parti, qui se dit plus proche des conservateurs britanniques que du Front national français, est l’une des inconnues desprochaineséchéancesélectorales en Allemagne. En revanche, la CSU bavaroise, qui a mené une campagne plutôt eurosceptique, notammentenraison dela concurrence de l’AfD, a obtenu le pire score deson histoireà un scrutineuropéen (40 % en Bavière, soit 8 % de moins qu’en 2009). Treize partis Mêmesile scrutinnevapas bouleverser la coalition au pouvoir, la CSUva setrouver légèrementaffaiblie alors que le SPD, en progrès par rapport aux scrutins précédents (27,4%), peut retrouver quelquesraisonsd’espérer.AngelaMerkel devait recevoir à la chancellerie, lundi 26 mai, Horst Seehofer, le président de la CSU, et Sigmar Gabriel, le président du SPD, pour faire le bilan des élections avant le dîner des chefs d’Etat et de gouvernement européens mardi soir. Il devrait surtout être question de la place qu’auront les Allemands dans la future Commission.Rivaux avant les élections,il y a fort à parier que Sigmar Gabriel et AngelaMerkeltrouverontfacile- Arrivéeentête, l’extrêmedroitedanoiseest enquêtederespectabilité LeParti populaire a su capter les voixdes déçus deslibéraux etdes sociaux-démocrates Stockholm Correspondance C ommeenFrance, uneformation d’extrême droite antiimmigrés et eurosceptique, le Parti populaire danois (DF), arrive en tête des élections européennes au Danemark, avec 26,7 % des voix, soit plus du double de son score obtenu lors des élections de 2009. Cette victoire spectaculaire permet à DF d’envoyer deux députés européens en plus des deux actuels à Strasbourg et Bruxelles. Deux tiers des gains réalisés l’ont été au détriment du Parti libéral, affaibli par un scandale qui a touchésonprésident.L’autretiers provient des sociaux-démocrates, un parti à qui l’extrême droite n’hésite pas à faire des appels du pied. Lors de son discours du 1er-Mai, le président de DF, Kristian Thulesen Dahl, avait été jusqu’à leur lancer un appel direct : « Les travailleurs danois ont beaucoup à gagner si DF et les sociaux-démocrates se rapprochent les uns des autres.» Un calcul en partie électoraliste, mais qui témoigne aussi de la volonté de DF – qui prend garde de se démarquersystématiquement du FN français – de lisser son image. Résultat moyen des Vrais Finlandais L’Allemagneresteunpôledestabilitéélectorale Berlin Correspondant 13 ment un terrain d’entente. Même si le SPD réclame une « autre Europe » et vasans doute prendreappui sur le succès des eurosceptiques dans nombre de pays pour réitérer sonmessage,le SPDassume parfaitement la politique européenne menée par Angela Merkel. FrankWalter Steinmeier, ministre (SPD) des affaires étrangères, la qualifie d’ailleurs de « succès». Etonnamment, malgré une « équipe allemande » très soudée, ce ne seront pas moins de treize partis que l’Allemagne devrait envoyer au Parlement européen en raison d’une récente décision de la Cour constitutionnelle de Karlsruhede ne pas mettrede seuil minimal pour entrer au Parlement. Parmi ces partis figureront le Parti libéral, exclu du Bundestag en 2013 et qui continue sa descente aux enfers avec un minuscule 3,4 % des voix, et le parti néonazi (NPD)qui obtient 1 % des voix et un député. p Frédéric Lemaître La Finlande a échappé à la vague populiste des élections européennes. Depuis leur succès aux élections législatives de 2011, où ils avaient atteint 19 % des suffrages, les Vrais Finlandais (VF) avaient le vent en poupe. Ils réalisent finalement une performance moyenne, avec 13 % des suffrages. Le parti populiste occupe la troisième place, derrière les conservateurs et les centristes, juste devant les sociauxdémocrates. Les Vrais Finlandais avaient reculé dans les sondages ces dernières semaines. Ils réalisent toutefois un score supérieur à celui qu’ils avaient obtenu lors des élections européennes de 2009 et enverront deux députés au Parlement européen. Ce parti souverainiste, hostile à l’immigration, a adouci depuis longtemps ses discours pour apparaître comme crédible, et s’est nettement dissocié du Front national français. Pourtant, l’un des deux futurs députés VF au Parlement sera un certain Jussi Halla-aho, connu pour ses propos racistes. Dimanche soir, la tête de liste européenne de DF, Morten Messerschmidt,a affirmé regretter que « des partis comme le Front national et Aube dorée gagnent du terrain. Mais ils le font, dit il, parce que les partis établis trahissent les Européens. Il n’y a pas d’autre alternatives si l’on veut donner une autre direction à l’Europe». Selon lui, des partis comme DF et les conservateurs britanniques tentent de remettre l’Europe sur les rails. DF a indiqué qu’il comptait rejoindre le groupe des conservateurs et réformateurs européens (ECR). Responsabilité Depuis six mois, au Danemark, le débat a porté sur les avantages sociaux dont bénéficient les citoyens de l’Union européenne dansle pays. Cedébat a profitéà DF, qui réclame notamment une dérogation afin que le Parlement danois, et non l’UE, décide qui a droit aux allocations familiales et chômage. Pia Kjærsgaard, fondatrice de DF, a récemment critiqué le dumpingsocialetlacriminalitéoriginaire de l’Europe de l’Est – DF est partisan du rétablissement des contrôles aux frontières. Quant à Anders Vistisen, le numéro deux sur la liste,ilestd’avisdesupprimerleParlement européen et de stopper l’entrée des musulmans au Danemark. Revenant sur cette thématique des avantages consentis aux citoyens européens, la première ministre sociale-démocrate Helle Thorning-Schmidt,après avoir félicité l’extrême droite pour sa victoire, a rappelé à DF qu’il avait désormais une grande responsabilité : « Nous allons maintenant voir si vous utilisez ces voix pour lutter contre le dumping social. Parti du peuple danois, nous vous avons à l’œil», a lancé la première ministre. A la différence de la situation française, l’extrême droite a gagné une certaine respectabilité démocratique au Danemark depuis une quinzaine d’années déjà. Anders Fogh Rasmussen, premier ministre libéral d’un gouvernement minoritaire entre 2001 et 2009, avait ouvert la voie en faisant du Parti du peuple son allié au parlement, lui permettant ainsi de rentrerdans lejeu politique.En échange de son soutien, DF avait obtenu untrès net durcissementde la politique d’immigration danoise. Les sociaux-démocrates euxmêmes ont souvent adopté la même rhétorique, ce qui est l’une des raisons de leur baisse régulière au profit de l’extrême gauche. p Olivier Truc 14 international 0123 Mardi 27 mai 2014 L’Ukraine porte au pouvoir Petro Porochenko La victoire de l’homme d’affaires au premier tour de la présidentielle renforce le camp des partisans de l’unité Kiev Envoyé spécial A circonstances exceptionnelles, résultathors normes. Un pays meurtri n’a pas de temps à perdre avec de longues batailles politiques. Petro Porochenko, 48 ans, a été élu président de l’Ukraine dès le premier tour, dimanche 25 mai. Il était crédité, lundi matin, de 54,13 % des voix après le dépouillement de 28 % des bulletins, très loin devant l’ancienne première ministre Ioulia Timochenko (13,5 %). Depuis vingt ans, aucun autre président – Léonid Koutchma, Viktor Iouchtchenko, Viktor Ianoukovitch – n’avait reçu un mandat de cette force. La perte de la Crimée (1,8 million d’électeurs),la très faibleparticipation dans l’est du pays, en raison des violences séparatistes, et l’incapacité d’un Parti des régions en crise à soutenir un seul candidat fort expliquent en partie ce Dans l’est du pays, à peine 13% des bureaux étaient ouverts, et seuls 18,2% des électeurs ont eu la possibilité de voter résultat exceptionnel. Le premier représentant dit « de l’Est », Serhyi Tikhipko, n’arrive qu’en cinquième position (5 %). Mais un autre facteur a également joué. Le score de Petro Porochenko, que personne n’avait anticipé, témoigne d’un effet paradoxal de l’entreprise de déstabilisation lancée par la Russie après la révolution de Maïdan : en portant atteinte à l’intégrité de l’Ukraine, elle a consolidé l’unité du pays. Pour la première fois depuis la « révolution orange » de 2004, la fracture de l’Ukraine en deux – ouest tourné vers l’Europe, est vers la Russie – ne se traduit pas dans les urnes. « Nous vivons dans un nouveau pays », a expliqué le vainqueur, dimanche soir, aux côtés du boxeur Vitali Klitschko, nouveau maire de Kiev. M. Porochenko a remercié « du fond du cœur» les électeurs. Il a promis de réaliser les aspirations européennes du pays, en signant le traité de libre-échange avec l’UE et en obtenantla levée des visaspourl’espace Schengen.Mais,enpriorité,ilcompte « mettre fin au chaos» dans l’Est. Sonpremierdéplacementauralieu dans le Donbass. Il lui faudra une bonne escorte, car la solidité des fils qui relient la Petro Porochenko lors de sa conférence de presse, à Kiev, dimanche 25 mai. MARIA TURCHENKOVA POUR « LE MONDE » région au reste de l’Ukraine reste à l’épreuve. Certes, on a suffisamment voté, dimanche, pour que Kiev puisse prétendre rétablir son autorité dans l’Est, au nom d’un Etat unitaire. Mais à peine 13% des bureaux étaient ouverts dans la région. Selon le Comité des électeursd’Ukraine,uneONGquiobserve l’élection, seuls 18,2% des électeurs ont eu la possibilité de voter. Les séparatistesne sont pas allés à l’affrontement contre l’armée ukrainienne. Ils se sont contentés de rendre désertes les rues de Donetsk. Pas un seul bureau de vote n’y a ouvert. Ils avaient torpillélescrutinbienavantl’ouverture en multipliant les raids dans les commissions électorales, intimidantles volontaires,enlevantbulletins, listes et tampons en toute impunité. Preuve symbolique de leur détermination: Rinat Akhmetov, le maître de Donetsk, est dorénavant pris pour cible. Un rassem- blement a eu lieu dimanche devant sa résidence. La surprise du score réalisé par Petro Porochenko vient non seulement de son ampleur, mais aussi du contraste avec une campagne globalement terne. Les principaux candidatsonttousparlédelanécessité d’une Ukraine forte face à la menaceextérieure,deladécentralisation, de la lutte contre la corruption. Petro Porochenko a profité de trois facteurs: son image de manager à succès, comme patron du groupe chocolatier Roshen; le vote utile; la faiblesse de ses rivaux. Le vote utile a été déterminant. En raison de l’annexion de la Crimée et des violences croissantes dans le Donbass, il fallait au plus vite doter l’Etat d’une tête pensante, agissante et surtout légitime. La souveraineté démocratique devait cautériser les atteintes à la souveraineté territoriale. Petro Porochenko a évoqué dès ce dimanche les futures négociations avec la Russie. « Le peuple russe, comme le peuple ukrainien, a payé un prix élevé pour l’aventure en Crimée », a-t-il rappelé. Le vainqueur réclame aussi des élections législatives anticipées, dès cette année. Elles se justifient, selon lui, M.Porochenko a profité de trois facteurs: son image de manager à succès, le vote utile et la faiblesse de ses rivaux parce que le Parlement actuel porte « une responsabilité politique, et non pénale » dans la pente « totalitaire » de l’ancien régime, et notamment le vote des lois répressives du 16 janvier. Reste à savoir quelle stratégie va adopter le président, pour faire fructifier son succès. Il ne dispose pas d’un véritable parti. Sa victoire spectaculaire traduit aussi, en creux, la faiblesse de ses adversaires. Ioulia Timochenko n’a pas été capable de renouveler son image, après sa sortie de prison fin février. Elle a continué de miser sur un one-woman-show dont les électeurs sont lassés. Bien que victime d’une vendetta politico-judiciaire, emprisonnée pendant plus de deux ans, Mme Timochenko est vue comme une figure archétypale des élites compromises depuis la « révolution orange » de 2004. Ses attaques contre Petro Porochenko au sujet de ses alliances oligarchiques, notamment avec l’intermédiairedusecteurgazier,DmitroFirtach, n’ont pas eu d’impact. Même son changement de coiffure et l’abandon de la tresse, à deux jours du scrutin, ont provoqué de simples haussements d’épaules. Le troisième homme surprise du scrutin est Oleh Liachko (8,48 %). Le chef du Parti radical, une formation nationaliste, est un ancien journaliste, devenu un populiste controversé. Il a fait parler de lui dans la dernière ligne droite de la campagne en revendiquant l’organisation d’un groupe paramilitaire, destiné à défendre le Donbass contre les séparatistes et les criminels. A noter, enfin, le score extrêmement faible des deux figures de l’extrême droite, Dmitro Iaroch (Pravyi Sektor) et Oleh Tiakhnibok (Svoboda), qui plafonnent chacun à environ 1 %. Contrairement aux fantasmes fabriqués par les télévisions russes, l’Ukraine ne s’est pas livrée aux « fascistes » après Maïdan.Elle s’est au contraire donnée,sansillusions,àunhommerassurant par temps de chaos. p Piotr Smolar (avec Louis Imbert à Donetsk) Un oligarque rusé et opportuniste à la tête d’un pays au bord du gouffre Portrait Kiev Envoyé spécial « Une vie meilleure» : tel a été le slogan de campagne de Petro Porochenko. La sienne, en tout cas, vient de basculer dans un autre monde, grâce à une victoire électorale sur laquelle personne n’aurait misé il y a quelques mois. Non pas que Petro Porochenko, 48ans, manquât de qualités. Rompu aux coulisses de la politique ukrainienne, il a su faire preuve de flair et d’opportunisme. Affable, pragmatique, pro-européen, entrepreneur comblé : son profil est rassurant pour les électeurs et les chancelleries occidentales. Mais, derrière cette présentation favorable, Petro Porochenko, le « roi du chocolat», personnifie des traits typiques de la politique ukrainienne, où les intérêts publics et privés sont indissociables. Le nouveau président fait partie de la caste des oligarques, ce petit groupe de milliardaires qui utilisent leurs relais politiques et médiatiques pour accroître leur puissance. Difficile, dès lors, de l’imaginer en nettoyeur des mœurs dissolues des élites et de la corruption. « Etre oligarque en Ukraine ne signifie pas être impopulaire, souligne le politologue Volodymyr Fessenko, du centre Penta. La plupart des gens votent sans problème pour eux. Cela reflète une empreinte paternaliste. Si l’Etat ne prend pas en charge la vie des Ukrainiens, quelqu’un doit le faire, pensent-ils.» Le candidat a joué sur ce sentiment, en répétant que le salaire moyen des employés de sa compagnie Roshen était de 7 000 hryvnia (438 euros), deux fois plus qu’au niveau national. La vie de Petro Porochenko s’est accélérée depuis la fin juillet2013. C’est alors que débutent les pressions commerciales de la Russie contre l’Ukraine, pour que Kiev ne signe pas l’accord d’association avec l’Union européenne. Première cible: Roshen, l’entreprise chocolatière. A cette époque, Petro Poro- chenko réfléchit déjà à une stratégie pour les élections prévues en 2015. Maïdan va tout bouleverser. Avant même l’établissement des barricades, il apparaît aux côtés des premiers manifestants, début décembre 2013, mais se fait malmener. Il se tiendra ensuite en retrait, tout en apportant un soutien financier et médiatique au mouvement. Après trois mois de conflit sur la place centrale de Kiev, et plus d’une centaine de morts, le président Viktor Ianoukovitch s’enfuit en Russie le 22 février. Un nouveau gouvernement transitoire est formé, une élection présidentielle fixée au 25 mai. Plutôt seul que dépendant Pendant cette période révolutionnaire, les leaders de l’opposition n’ont pas réussi à s’imposer devant une opinion publique mue par un rejet généralisé des élites. Petro Porochenko passe entre les gouttes de cette colère. « Les étoiles lui ont souri, remarque Oleh Ribatchouk, ancien chef de l’administration présidentielle sous Viktor Iouchtchenko. Il est ressorti en contraste avec les autres personnalités qui coulaient à la tribune car elles s’étaient engagées dans des négociations avec Ianoukovitch.» Sa chaîne, 5e Canal, a assuré une couverture favorable aux protestataires, comme lors de la « révolution orange», en 2004. Le soir de la destitution de Viktor Ianoukovitch, Petro Porochenko était sur scène, le journal officiel à la main, célébrant la victoire de Maïdan. Durant la campagne, il s’est engagé à vendre ses actifs en cas de victoire, à l’exception de la chaîne. Outre le groupe chocolatier, fleuron de ses biens, Petro Porochenko possède Ukrprominvest, une corporation contrôlant différentes sociétés automobiles (voitures, bus, tracteurs). Petro Porochenko est né en 1965 à Bolgrad, dans la région d’Odessa. Diplômé de l’université Taras-Chevtchenko de Kiev en relations internationales, il a débuté dans les affaires en important des fèves de cacao. Il a ensuite racheté des usines de chocolat, qui formeront le socle du groupe Roshen. Il a commencé sa carrière politique en étant élu député en 1998. Les années suivantes le verront changer constamment d’alliances. A cette période, on assiste à une recomposition du paysage politique. L’entrepreneur rejoint d’abord le Parti social-démocrate, acquis au président Koutchma. En 2000, Petro Porochenko forme sa propre structure, Solidarité, qui intègre le Parti des régions en 2000. Mais dès 2001 il entre dans les rangs de Notre Ukraine, le bloc de Viktor Iouchtchenko, futur leader de la « révolution orange», qui sera le parrain de ses filles. Président du conseil de la banque nationale, il est devenu ministre des affaires étrangères en octobre2009 jusqu’à la présidentielle début 2010. Il n’a pas hésité à rejoindre par la suite un gouvernement composé par le Parti des régions, du président Viktor Ianoukovitch. Il devint ainsi, pour quelques mois, son ministre du développement économique. La faiblesse et la force de Petro Porochenko, c’est d’avoir toujours préféré être seul que dépendant. Le voilà élu président dans un cadre contraignant, le retour à la Constitution de 2004. Les élections législatives anticipées, qu’il a appelées de ses vœux dès dimanche soir, doivent lui offrir la base politique indispensable pour peser sur le gouvernement. «Son parti Solidarité n’est même pas enregistré, souligne le journaliste Serhyi Levtchenko, d’Ukrainska Pravda. Ils n’ont pas de site, d’adresse, d’organisation. On ne peut même pas s’y inscrire.» C’est la raison pour laquelle, au cours de la campagne électorale, le candidat s’est appuyé sur les structures régionales d’Oudar, la formation de son allié, Vitali Klitschko. Recoudre le pays, le sauver de la banqueroute, prévenir tout nouveau débordement révolutionnaire : les défis du nouveau président sont à la hauteur de sa victoire. p P. Sm. 0123 international Mardi 27 mai 2014 15 Le voyage du pape au Proche-Orient signe le retour de la diplomatie vaticane François a multiplié les initiatives symboliques lors de son pèlerinage en Terre sainte Bethléem (territoires palestiniens), Jérusalem Envoyée spéciale I l y a d’abord eu l’image, dimanche 25 mai, peu avant la messe. Une image d’une redoutable efficacité. Le pape François, le front appuyé contre le béton froid du mur qui sépare Israël de la Cisjordaniedepuisla deuxièmeIntifada au début des années 2000, le visage fermé, « priant en silence », semblant porter la détresse des Palestiniens. Un geste spectaculaire, politique et perçu comme tel par les parties en présence. Le premier mouvement de François sur le terrain géopolitique fut la dénonciation de l’éventuelle intervention militaire en Syrie Quelques instants plus tard, à l’issue d’une messe joyeuse célébréeàBethléem,lepapealancéaux présidents israélien et palestinien une invitation à venir « prier pour la paix dans [sa] maison au Vatican ». Comme un ultime recours face à une situation « toujours plus inacceptable»,cetteinitiativeinédite, préparée depuis plusieurs semaines en toute discrétion, a été saluée par les deux hommes et pourrait se tenir à Rome le 6juin. Après des années de négociations avortées, de « feuilles de route » et de traités non respectés par les deux parties, rien ne garantit que cette rencontre débouche sur d’éventuelles avancées politiques, d’autant que Shimon Pérès, le président israélien achève son mandat en juillet. Mais elle signe le retour de la diplomatie vaticane dans les affaires du monde. La nominationd’un diplomatede carrière à la secrétairerie d’Etat, Mgr Pietro Parolin, par le pape, n’est pas étrangère à cette nouvelle tonalité. Mais la personnalité de François,enclinà l’activisme diplomatique, compte aussi beaucoup. Contrairement à son prédécesseur, il rencontre régulièrement les ambassadeurs auprès du SaintSiège et entretient des contacts réguliers avec les nonces à travers le monde. La rapidité avec laquelle il s’est installé sur la scène internationale l’autorise aussi à formuler des propositions de ce type. « Dans les relations internationales ou sur les questions d’environnement, il a acquis en quelques mois une forme de leadership », analyse le vaticaniste Ignazio Ingrao. Mais au-delà de ces paroles, le Vatican a-t-il les moyens de ses ambitions diplomatiques ? « Le pape sait qu’il n’a pas de pouvoir politique, a précisé son porteparole à Bethléem, dimanche. Mais il est une autorité morale qui, à sa manière, par la prière, peut inviter deux parties en conflit à se rencontrer. » L’histoire vaticane récente a retenu la contribution de Jean Paul II et de ses voyages répétés en Europe de l’Est à l’effondrement de l’empire soviétique. L’histoire plus ancienne évoque aussi François d’Assise, qui, en 1219, se rendit auprès du sultan Al-Kamil pour tenter de mettre fin à la guerre entre chrétiens et musulmans – et le convertir! Mais, dans ces affaires, le pape est rarement en première ligne. Des personnalités ou des groupes reconnus par l’Eglisecatholique,commele mouvement Sant’Egidio,font généralement office de médiateurs. François a visiblement choisi une autre stratégie. Son premier mouvementsur ce terraingéopoli- Le pape François devant le mur de séparation entre Israël et la Cisjordanie, dimanche 25 mai, à Bethléem. « L’OSSERVATORE ROMANO »/AP tique fut la dénonciation forte et répétée de l’éventuelle intervention militaire en Syrie, portée par les Français et les Américains, en 2013.S’iln’est pas allé jusqu’àinterpeller directement les parties syriennes en présence, le pape avait, en septembre, pris l’initiative de s’adresser aux responsables du G20, réunis à Saint-Pétersbourg. Dans la missive, adressée auprésidentrusse, VladimirPoutine, le pape François écrivait: « Aux leaders présents, à chacun, je lance un appel sincère pour permettre de trouver des moyens de surmonter ces conflits et de mettre de côté la poursuitefutile d’une solutionmilitaire.» Il concluait en espérant que « ces pensées puissent être une contribution spirituelle valable à la rencontre». Son appel à la prière pour la paix en Syrie début septembre avait, de manière inédite, mobilisé des dizaines de milliers de personnes à travers le monde. Le Vatican s’était félicité du renoncement aux frappes militaires, laissant entendre que le message du pape Le pape invite M. Pérès et M. Abbas à venir prier au Vatican Répondant à l’invitation du pape François, qui a convié, dimanche 25 mai, les dirigeants palestinien et israélien à prier avec lui au Vatican pour la paix, le négociateur palestinien Saëb Erakat a indiqué que Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, avait « accepté et le lui a dit », précisant que la visite aurait « lieu le 6 juin ». Du côté israélien, le président Shimon Pérès a « salué l’invitation du pape », a indiqué son porte-parole, sans confirmer qu’il s’y rendrait. « Demain, le pape rencontrera le président Pérès. Ce sera l’occasion d’être plus précis. Je ne pense pas que nous disposions aujourd’hui de tous les éléments », a déclaré le père Federico Lombardi, porte-parole du pape. « C’est une invitation qui a été lancée ce dimanche. Il est bon de laisser au moins un ou deux jours pour qu’il [le président Pérès] prenne sa décision », a-t-il ajouté. Le père Lombardi n’a ni confirmé ni démenti à ce stade la date du 6 juin pour cette rencontre au Vatican. n’y était peut-être pas pour rien. A chaqueoccasion,devantlesambassadeurs ou sur Twitter, François a continué à appeler au dialogue et à une solution pacifique. Une position qu’il a à nouveau défendue en Jordanie,samedi,lorsde sa première journée en Terre sainte. Car ce voyage annoncé « strictement religieux », selon les termes mêmes du pape, s’est transformé dès son arrivée en une succession de gestes et de paroles éminemment politiques. Dès ses premiers pas à Amman, le pape a renouvelé son « appel le plus pressant pour la paix » en Syrie, pays « ravagé par une guerre qui a duré trop longtemps».«Lafin du conflit,a-t-ilrappelé,passe par le dialogueet la retenue, par la recherche d’une solution politique. » Sur le conflit israélo-palestinien, le pape a insisté : « Il faut marcher résolument vers la paix, même en renonçant chacun à quelque chose.» Sur un terrain plus nouveau, le pape a aussi, devant les autorités jordaniennes, exhorté la communautéinternationaleà « ne pas laisser le royaume hachémite seul » face à « l’urgence humanitaire » provoquée par l’afflux massif de réfugiés syriens dans le pays. C’est aussi de Jordanie que le pape a dénoncé le « commerce illégal des armes» entretenu par des « criminels » qui alimentent les conflits, notamment en Syrie. Toutes ces propositions de « faiseur de paix » lancées par le pape ont éclipsé les rencontres religieuses. La prière du pape avec le patriarche de Constantinople, Bar- «Dans les relations internationales ou sur les questions d’environnement, il a acquis une forme de leadership» Ignazio Ingrao vaticaniste tolomée Ier, au Saint-Sépulcre, entouré de représentants des Eglises chrétiennes,point d’orgue officiel du voyage, a débouché sur un engagement à poursuivre « le chemin vers l’unité » entre chrétiens, en dépit « des divisions tragiques» qui les traversent. Un autre terrain pourexercerdestalentsderéconciliateur. p Stéphanie Le Bars EnEgypte,l’électionprogramméedu maréchalSissisur fondde répression La présidentielle, lundi26 et mardi 27mai, intervient alors que les aspirations démocratiques ont été érodées par les crises politiques et sociales Le Caire Correspondance A la veille d’un scrutin présidentiel sans suspense, qui se déroule les lundi 26 et mardi 27 mai, un scrutin confondant d’ennui tant on en connaît le résultat par avance, Wiki Thawra, banque de données en ligne alimentée par le Centre égyptien pour les droits économiques et sociaux (ECESR), a mis à jour ses derniers chiffres. Terrifiants, ils sont dignes des plus dures dictatures militaires qui soient. Depuis le coup d’Etat de juillet 2013, 41 163 personnes ont été arrêtées – dont 926 mineurs et 4 768 étudiants – et transférées devant la justice ; 89 % d’entre elles ont été interpellées pour leur participation à des manifestations politiques. Seuls 4% sont liés à des actions terroristes. Et cela, sans compter les dizaines de prisonniers détenus dans des prisons secrètes, sans charge retenue contre eux, soumis aux pires sévices et de l’état de santé desquels on ignore tout, selon un communiqué d’Amnesty International publié jeudi 22 mai. En guise de réponse, le ministre de la justice, Nayyer Abdelmoneim Othmane, a annoncé en conférence de presse qu’il n’y avait aucun détenu politique dans les prisons égyptiennes. Quant au ministère de l’intérieur, il refuse toujoursde communiquerles chiffres officiels, malgré les demandes des journalistes. Ces violations répétées des droits de l’homme ne semblent pourtant pas écorner la popularité du maréchal Abdel Fattah Al-Sissi, toujours et encore présenté par les médias égyptiens comme le « sauveur de la nation » face aux Frères Le régime est plus autoritaire que sous Moubarak, ne laissant aucune place aux opinions divergentes musulmans. Les résultats des votes des Egyptiens de l’étranger, organisés avant le vote en Egypte même, sont sans ambiguïté. Selon la commission électorale, le maréchal a recueilli 94,5 % des voix, avecuntauxde participationsupérieur à celui du premier tour de la présidentielle de 2012. Sans grande surprise, Abdel Fattah Al-Sissi devrait remporter haut la main le scrutin. Mais bénéficiera-t-il d’une participation électorale massive? Ce sacre annoncé du maréchal entérine-t-il la fin du cycle révolutionnaire qui secoue l’Egypte depuis janvier2011? Le coup d’Etat militaire pouvait le laisser penser. Les répressions massives à l’œuvre depuis dix mois, cautionnées par les médias égyptiens et le silence, voire l’approbation de la population, semblent le confirmer. Pis encore qu’un retour en arrière, beaucoup d’observateurs s’accordent à dire que le régime est plus autoritaireque sous HosniMoubarak, ne laissant aucune place aux opinions divergentes, qu’elles proviennent de l’opposition libérale ou des Frères musulmans. « A la fin des années 2000, il y avait une présence informelle de l’opposition, sur la scène politique comme dans les médias. Les Frères étaient actifs dans les syndicats, les universités.Aujourd’hui,ilssontsystématiquement réprimés, jetés en prison, exclus de la vie publique », souligne Moustapha Kamel Al-Sayyed, professeur de sciences politiques à l’université du Caire. Difficile de dire où se situe l’opinion publique, tant la liberté d’expression est mince aujourd’hui en Egypte. Malgré les affiches, les teeshirts,les autocollantsà l’effigiedu candidat qui abondent dans les rues, les manifestations pro-Sissi suscitent peu d’enthousiasme et ne rassemblent qu’un faible nombre de participants. Selon une enquête menée fin avril par le Pew Research Center, think tank indépendant basé aux Etats-Unis, 72 % des Egyptiens se disent mécontents des politiques menés par leurs dirigeants. Fatigués après trois années d’instabilité politique et confrontés à des difficultés économiques grandissantes, 54 % des interrogés se prononcent en faveurd’un gouvernement stable, au détriment d’un gouvernement démocratique (45 %). C’est le cas d’Islam. Ce jeune homme de 25 ans, habitant dans le quartier populaire de Shubra au Caire, était serveur dans un hôtel de luxe à Hurghada. Le coup d’Etatmilitaire, qui a affecté gravement le secteur du tourisme, lui a fait perdre son travail. Il est depuis chauffeur de taxi, un travail bien plus pénible, assorti d’un salaire bien moins avantageux. Pourtant, il vote pour le maréchal Sissi. « Avant, j’étais pour la révolution. Maintenant, c’est le chaos. La liberté est dangereuse. Il nous faut quelqu’un de fort, d’expérimenté pour tenir le pays. Sissi, ce n’est pas l’idéal. Mais on n’a personne d’autre! » Les défis qui attendent le nouveau président d’Egypte sont immenses. Le pays a besoin, en urgence, d’une réforme en profondeur de son système économique. Bien qu’affichant une forte croissance sous les dernières années Moubarak, l’économieégyptienne affiche de lourds déséquilibres, causés par les privatisations à Ansar Beit Al-Makdess dément la mort de son « chef » Le groupe djihadiste Ansar Beit Al-Makdess, un groupe né en 2011 dans le Sinaï et auteur d’attentats meurtriers en Egypte, a démenti, dimanche 25 mai, la mort d’un de leurs leaders dont des responsables militaires avaient annoncé, vendredi, le décès dans le Sinaï. Ces insurgés, qui disent s’inspirer d’Al-Qaida, ont également démenti sur un forum djihadiste sur Internet que cet homme, Shadi Al-Menei, était leur « chef ». Ansar Beit Al-Makdess a revendiqué nombre d’attentats et attaques meurtriers perpétrés contre les forces de sécurité, en représailles, selon lui, à la très sanglante répression dont sont la cible les partisans du président islamiste Mohamed Morsi destitué par l’armée il y a onze mois. outrance et la collusion entre politiques et milieux d’affaires. Des empires privés se sont constitués, sans souci de redistribution des richesses ou de lutte contre les inégalités. Pendant des décennies, les subventions alimentaires et énergétiques ont assuré un minimum de protection sociale pour les plus pauvres. Mais leur coût, représentant 22 % du budget de l’Etat, est désormais ingérable pour un pays de 90 millions d’habitants, avec une économie sous perfusion des pays du Golfe. «“Du pain, de la liberté, de la justice sociale” : aucune des demandes révolutionnairesde 2011 n’aété réalisée. Et, même avec la propagande des médias, le charme d’Al-Sissi ne durera pas toujours, prévient Moustapha Kamel Al-Sayyed. Une nouvelle vague de protestations n’est donc pas à exclure, d’autant que se pose toujours la question des Frères musulmans. On ne parle pas d’une centaine de dirigeants mais des millions qui ont voté Morsi en 2012. Il est nécessaire de les réintégrer dans le processus politique. » Et le chercheur de conclure: « Il n’y aura pas de stabilité sans que les problèmes sociaux soient résolus et sans un minimum de garanties démocratiques.» p Marion Guénard 16 0123 international & europe Mardi 27 mai 2014 La Belgique sous le choc après l’attaque meurtrière au Musée juif de Bruxelles Thaïlande: les militaires renforcentleuremprise aprèsle coupd’Etat La police a diffusé les images de l’homme responsable de la mort de quatre personnes Les manifestations contre les putschistes, qui ont dissous le Sénat, demeurent limitées Bruxelles Correspondant Bangkok Correspondant L a justice belge a diffusé, dimanche 25 mai, un appel à témoins ainsi que des photos et des vidéos de l’attaque meurtrière commise, la veille, contre le Musée juif de la ville, afin de faciliter l’arrestation de son auteur. Cet attentat dans le quartier du Sablon, en plein cœur de la capitale belge a fait quatre morts : deux touristes israéliensetunefemmedenationalité française qui officiait comme bénévole au Musée. Un jeune employé de celui-ci, hospitalisé en état de mort cérébrale, est décédé dans la nuit de dimanche à lundi. Sur les extraits mis en ligne par la police à partir d’images captées par des caméras de surveillance, on distingue un homme vêtu d’une casquette s’approchant, samedi dans l’après-midi, de ce lieu qui ne faisait l’objet d’aucune mesure de sécurité particulière, hormis des poteaux pour empêcher l’entrée d’une voiture-bélier. Surles images, l’homme,apparemment de type européen, entre dans le hall avec un sac duquel il sort unearme à feu et tire, une douzaine defois, sur les personnesprésentes. Il ressort calmement, moins de deux minutes plus tard. La police croyait tenir une piste sérieuse samedi, un témoin ayant affirmé que le tireur s’était sauvé dans une berline dont il avait noté le numéro d’immatriculation. En réalité, le tireur était parti à pied et L Capture d’écran de la vidéo de surveillance diffusée par la police belge, dimanche 25 mai. BELGA/AFP les caméras ont perdu sa trace. L’attaque, commise dans un quartier de grande affluence, a suscité un émoi considérable. Le chef de l’Etat, le roi Philippe, s’est dit « indigné ». Le premier ministre, Elio Di Rupo, arrivé sur place après ses collègues des affaires étrangères et de l’intérieur, a évoqué « un paysunietsolidairefaceàcetteattaque odieuse». François Hollande, le pape, le Congrès juif mondial, l’ambassadeur des Etats-Unis ont aussi exprimé leur émotion. En Israël, le premier ministre Benyamin Nétanyahoua estiméque la fusillade était « le résultat de l’incitation à la haine contre les juifs et Israël». « Absolue priorité » Un argument repris par des représentants de la communauté juive de Belgique, qui compte quelque 40 000 membres. Pour Joël Rubinfeld, le président de la Ligue belge contre l’antisémitisme, il s’agissaitd’unacteprévisiblecomptetenud’une«libérationdelaparo- Deux frères juifs «roués de coups» à Créteil DEUX FRÈRES âgés de 18 et 23 ans ont été agressés, samedi 24 mai au soir, à Créteil, alors qu’ils se rendaient à la synagogue. « On était en train de marcher dans la rue avec nos kippot [pluriel hébreu de kippa], on était en costume de ville normal. Il y a deux Maghrébins qui sont arrivés et qui nous ont frappés. Ils ont commencé avec mon frère avec un poing américain. Ils lui ont balafré tout le visage et après, ils m’ont roué de coups moi et sont repartis avec leurs vélos», a affirmé le cadet sur BFM-TV et RTL. «Ils disaient juste entre eux: “Frappe plus fort !” Il n’y a pas eu de dialogue entre nous. On a réalisé que c’était un acte antisémite. C’est (…) parce qu’on est juif et qu’on a des kippot», a-t-il ajouté. Son frère aîné, frappé au niveau de l’œil, a été hospitalisé. L’attaque a eu lieu à 500 mètres du lieu de culte. «L’agression est à caractère antisémite, c’est indiscutable», a assuré le maire PS de Créteil, Laurent Cathala. Le chef de l’Etat, François Hollande, a affirmé « la volonté de la France pour que tous les juifs de France se sentent en parfaite sécurité et tranquillité». L’agression a également été condamnée « avec une très grande sévérité» par le ministre de l’intérieur. Bernard Cazeneuve a assuré les victimes « du plein engagement des services de police pour identifier et interpeller dans les meilleurs délais les auteurs de ces actes intolérables». A la préfecture de police, on confirme que l’affaire est prise «très au sérieux». Les policiers s’interrogent, toutefois, sur plusieurs contradictions dans les déclarations des témoins, et dans celles des deux jeunes hommes, qui ont notamment affirmé aux enquêteurs, samedi soir, avoir été frappés par des agresseurs de type «européen», avant de décrire des «Maghrébins» dans les médias. p Laurent Borredon le antisémite». Il a notamment visé les propos de Dieudonné, relayés en Belgique par un député, Laurent Louis, fondateur du mouvement Debout les Belges! Maurice Sosnowski, président duCentredecoordinationdesorganisations juives, établissait, lui, un parallèle avec l’affaire Merah. Ronald Lauder, le président du Congrès juif mondial, a invité les autorités européennes à traiter la question de la sécurité des juifs en Europecomme«uneabsoluepriorité». Les responsables du Musée juif refusaient des mesures de protection trop importantes, voulant faire de leur institution un lieu ouvert. Le royaume n’a pas connu d’actes antisémites violents depuis la fin des années 1980. En 1989, un dirigeant de la communauté juive était abattu. Son assassin était lié au courant islamiste radical. En 1980, un jeune Français était tué, à Anvers,paruncommandoterroriste palestinien qui avait jeté deux grenades vers un groupe d’enfants, membres d’une association culturelle juive. En 1981, une voiture explosait devant une synagogue d’Anvers et tuait deux personnes. Quelques mois plus tard, la grande synagogue de Bruxelles était visée et quatre fidèles blessés. p Jean-Pierre Stroobants Victoire des nationalistes flamands aux élections belges La NVA, parti du séparatiste Bart De Wewer, est la première force du pays, mais reste isolé Bruxelles Correspondant L es élections législatives et régionales,qui se déroulaient en même temps que les européennes en Belgique, dimanche 25 mai, ont été marquées par une forteprogressionduparti indépendantiste Alliance néoflamande (NVA). Le parti de Bart De Wever a séduit environ un tiers des électeurs flamands. Il décroche 43 sièges sur 124 au parlement régional (+ 27 par rapportà 2009) et 34 (+7) à la chambre fédérale des députés, ce qui conforte son statut de première force du pays. Cette victoire a été acquise en grande partieau détrimentde l’extrême droite séparatiste et xénophobe. Le Vlaams Belang ne possède plus que 6 sièges (-15) au parlementrégionalde Flandre et 3 députés fédéraux (-9). Du côté des partis de la majorité fédérale sortante, on insistait dès dimanche soir sur ce glissement, qui pourraitentraîner uneradicalisation de la NVA, laquelle défend déjà un programme institutionnel et socio-économique très dur. Parailleurs, la sanctionpromise par M. De Wever à ceux qui s’étaient alliés à son ennemi privilégié, le premier ministre socialiste wallon Elio Di Rupo, n’est pas intervenue. Globalement, les partis néerlandophones (chrétien démocrate, libéral et socialiste) qui ont gouverné avec celui-ci ont maintenu leur position au niveau fédéral et possèdent même une majorité régionale (64 sièges sur 124) leur permettant, en théorie, de gouverner sans la NVA. L’éclatant succès de la NVA ne serait-il qu’un trompe-l’œil ? M. De Wever n’était pas assuré, lundi, d’accéder au pouvoir Le feront-ils, quitte peut-être à s’allier aux écologistes de Groen !, qui réalisent 9 % des voix ? Sont-ils prêts, aussi, à reconduire la coalition fédérale sortante avec leurs homologues francophones ? Ils possèdent un nombre de sièges suffisant mais doivent bien considérer que, dans un premier temps, le parti de M. De Wever s’est rendu incontournable. Et qu’il ne sera pas facile de faire fi d’un parti pour lequel a voté un Flamand sur trois. C’estaussice que devraitconstater le chef de l’Etat, le roi Philippe, qui n’intervient pas dans la constitution des majorités régionales, mais organise les procédures au niveau fédéral. Il doit procéder, dès lundi 26 mai, à des consultations. Et il lui sera impossible de ne pas confier une mission au chef de la NVA. Celui-ci a hésité sur sa stratégie mais, aux dernières nouvelles, il serait prêt à « assumer ses responsabilités». C’est-à-dire devenir le premier ministre d’un pays qu’il croit voué à la disparition. Les partis francophones ne feront rien pour lui faciliter la tâche,commeaprèslesélectionsde 2010, qui avaient entraîné une crisede cinqcentquarantejours.LePS connaît une légère érosion due à la pousséede lagaucheradicale(10 %) en Wallonie et perd deux sièges de députés (il en détient 24). Il demeuretoutefoisledeuxièmepartinational. Avec son homologue flamand, le SpA, il forme la première « famille politique » du royaume, insistaient ses dirigeants, diman- che.EtM.DiRupomise,dèslors,sur sa possible reconduction. Le Mouvement réformateur (libéral), qui avait indiqué durant la campagne qu’il refuserait une alliance avec la NVA, a été conforté par les électeurs. Il gagne deux sièges et possède désormais 20 députés. Le troisième parti de la coalition sortante, les centristes du CDH, n’a perdu qu’un de ses 9 sièges. Ces résultats restaient toutefois provisoires: une pannedu systèmede voteélectroniquea perturbé le dépouillement à Bruxelles. Au total, l’éclatante victoire de laNVAne serait-ellequ’untrompel’œil ? M. De Wever n’était, en fait, pas assuré d’accéder au pouvoir lundi. Reste à savoir si ses rivaux flamands et, surtout, son ancien allié le parti chrétien-démocrate CD & V oseront l’en exclure. M. De Wever estime que sa formation a « écrit une page d’histoire, celle d’une Flandre voulant déterminer son destin ». Et le chef nationalistea indiqué qu’il ne voulait pas d’une crise de longue durée, sans toutefois expliquer comment il comptait s’y prendre pour l’éviter. p J.-P. S. esputschistesthaïlandaisresponsables du coup d’Etat du 22 mai renforcent leur régime et durcissent le ton. Samedi 24 mai, ils ont dissous le Sénat, concentrant désormais tous les pouvoirs. Dimanche, ils ont prévenu qu’ils ne toléreraient plus aucun défi après un troisième jour de manifestations condamnant le coup de force de l’armée. « S’ils continuent à manifester, nous prendrons des mesures contre eux », a averti l’un des porte-parole de la junte, le lieutenant général Apirat Kongsompong. Pour l’heure, la mobilisation reste aussi modeste que pacifique, mais elle prend de l’ampleur : samedi soir et dimanche, un millier d’opposants au coup d’Etat se sont réunis dans le centre-ville de Bangkok avant de converger vers le Monument de la victoire, l’un des grands carrefours de la capitale.La présencede correspondants de la presse internationale explique en partie la réaction modérée de l’armée. Selon les termes de la loi martiale en vigueur, tout rassemblement de plus de cinq personnes pour « motifs politiques» est interdit. Sur la passerelle du métro aérien surplombant ce monument, les manifestants brandissaient des pancartes en thaï mais aussi en anglais, aux slogans explicites : « Fuck the coup d’Etat ! », « We want to vote ! ». Certains d’entre eux s’étaient collé du sparadrap noir sur la bouche pour dénoncerlaconfiscationde laparole depuis que le général Prayuth Chan-ocha, le chef de l’armée, a annoncé sa prise de pouvoir. En fin d’après-midi, la foule a grossi. « Je n’ai pas peur de l’armée, je pense que le nombre de protestataires va augmenter dans les jours qui viennent», espérait Visarut, un homme de 30 ans qui se présente comme un professeur de l’université de Chulalongkorn, située à Bangkok. L’ancienne première ministre Yingluck Shinawatra, destituée le 7 mai, a été libérée dimanche, après deux jours de détention. Mais beaucoup de ses partisans et de ses anciens ministres restent détenus dans des casernes de l’armée. On est sans nouvelles de certains, dont Pansak Vinyaratin, l’un de ses conseillers. Professeurs et intellectuels prodémocratesont devenus la cible du nouveau régime. Pravit Rojanaphruk, du quotidien anglophone The Nation, a été le premier journaliste à se voir convoquer par la junte. Avant de répondreà cette injonction dimanche, il s’est fait photographier la bouche bâillonnée avec la légende suivante : « Vous pouvez m’arrêter maisvous ne pourrezjamaisemprisonner ma conscience! » Dans la foule, Visarut remarquait aussi que « l’armée avait promis de ne pas faire de coup d’Etat. Ils n’ont pas respecté leur parole. Et même s’ils ont arrêté des gens des deux camps opposés, des “jaunes” comme des “rouges”, ce n’est qu’un leurre. Ils sont pour les “jaunes” ». Pour faire bonne mesure, les militaires ont en effet arrêté Suthep Thaugsuban, le chef de file du mouvement d’opposition au gouvernement, ainsi que l’un de ses alliés, Abhisit Vejjajiva, prédécesseur et adversaire acharné de Yingluck. Les militants de ce mouvement – qui défilent habillés en jaune, la couleur de la monarchie – ont manifesté durant des mois dans Bangkok pour exiger la démission du gouvernement de Yingluck. Hostilesà l’organisationde nouvelles élections, ils exigeaient que soit formé un « conseil du peuple », « neutre », chargé de « réformer » les institutions. Le putsch a répondu à leurs attentes. Dans leur viseur, il y avait surtout l’ancien premier ministre Thaksin Shinawatra, frère de Yingluck, lui aussi renversé par les militaires en 2006. Depuis son exil de Dubaï, il continuait à piloter le gouvernement de sa sœur. Il « S’ils continuent à manifester, nous prendrons des mesures contre eux » Apirat Kongsompong porte-parole de la junte personnifie tout ce que détestent les élites traditionnelles proches du Palais et de l’armée. Son passage aux affaires, entre 2001 et 2006, avait vu l’émergence politique et l’amélioration du niveau de vie des Thaïlandais d’origine paysanne, de plus en plus critiques à l’égard des élites traditionnelles, vrais tenants du pouvoir. « Il nous faut démontrer que la démocratie est une priorité ainsi que l’Etat de droit, affirmait Suda, une manifestante se présentant comme une femme au foyer. Je ne suis pas partisane.Mais si être “rouge” signifie être démocrate, alors je le suis ! » Même si tous les Bangkokiens, loin s’en faut, ne sont pas hostiles aux putschistes après des mois de troubles, les perspectives de violence à l’égard du nombre croissant d’opposants ne sont pas à écarter. L’histoire de la Thaïlande contemporaine a vu l’armée se livrer à des massacres ou à de sanglantes répressions en 1973, 1976, 1992 et 2010. « Ce coup d’Etat n’est pas un coupde force,mais un actedésespéré, un lamentable chant du cygne pour cette armée qui n’a jamais eu d’autre rôle que de réprimer la population et s’essayer à gouverner le pays, estime la doctorante française en sciences politiques EugénieMérieau. De graves violences sont aujourd’hui à redouter,car les deux camps sont organisés et entraînés à l’action collective.» p Bruno Philip Afghanistan Visite surprise de Barack Obama KABOUL.Le président Barack Obama a promis de dire rapidement combien de soldats américains seraient appelés à rester en Afghanistan après le départ de l’OTAN fin 2014, lors d’une visite surprise, dimanche 25 mai, sur la base de Bagram. Barack Obama n’a pas rencontré son homologue afghan, Hamid Karzaï. – (AFP.) Colombie Duel à droite à la présidentielle BOGOTA. Oscar Ivan Zuluaga (droite) est arrivé en tête du premier tour de la présidentielle colombienne, dimanche 25 mai, avec 29 % des voix, devançant le président sortant, Juan Manuel Santos (centre-droit), qui a recueilli 25,7% des suffrages. – (AFP.) Allemagne Berlin dit non aux promoteurs BERLIN. Les Berlinois ont rejeté, dimanche 25 mai, le projet de la mairie de construire des immeubles sur une partie de l’ancien aéroport de Tempelhof. Ce terrain de plus de 300 hectares en centre-ville devrait donc rester inoccupé. économie 0123 Mardi 27 mai 2014 17 M.Piketty juge « idéologique » la charge du «FT» Le quotidien britannique des affaires épingle les «erreurs de calcul» du dernier ouvrage de l’économiste français L e choc est rude pour Thomas Piketty. L’économiste français, devenu la coqueluche de la gauche américaine avec son dernier livre Le Capital au XXIe siècle (Seuil, 2013), a fait la « une » de l’édition du Financial Times (FT), des samedi24 et dimanche 25 mai, non pour l’encenser, mais pour contester la solidité de ses travaux. La revue Science lui avait ouvert ses colonnes, le 23 mai, ainsi qu’à Emmanuel Saez, un économiste français professeur à l’université de Berkeley, avec lequel il a travaillé sur les inégalités. Le journal britannique porte une grave accusation contre M. Piketty, directeur à l’Ecole des hautes études en sciences sociales et professeur à l’Ecole d’économie de Paris: il l’accuse d’avoir fait «des erreurs de calcul» qui « faussent les résultats» de son travail. Les journalistes du FT, Christian Giles et Ferdinando Giugliano, font état notamment « d’erreurs de transcription, de calculs contestablesdemoyenne,denombreuxajustements inexpliqués de chiffres, de données non sourcées, du recours inexpliqué à des périodes temporellesdifférentes…».Deserreurs«suffisamment sérieuses », selon eux, pour affaiblir la thèse principale de M. Piketty, à savoir qu’une part croissante de la richesse totale est détenue par les plus riches (le chercheur propose d’instaurer un impôt progressif sur le capital). On l’aura compris : l’écho rencontré par les travaux de M.Piketty sur l’accroissement par le haut des inégalitésderevenusagacelequotidien, d’autant qu’ils ont été salués par de nombreux économistes et chercheurs. Parmi eux, les keynésiens, Prix Nobel d’économie, Paul Krugman ou Joseph Stiglitz – auteur du Prix de l’inégalité (LLL, 2012)–, dontlestravauxmettenten évidence le même phénomène. Dans sa réponse, publiée par le FT,M.Pikettycommenceparse féliciterdevoirlesjournalistesduquotidien se servir des tableaux Excel qu’il a lui-même mis en ligne. Il reconnaît aussi qu’« il faut faire aujourd’hui avec ce que l’on a, à savoir un ensemble de sources très diverseset hétérogènessur la richesse ». « Ainsi que je l’explique dans mon livre, dans l’annexe en ligne et dans les nombreux articles techniques que j’ai publiés, il faut faire un certain nombre d’ajustements sur les données brutes pour les rendre plus homogènes dans le temps et «Sile “FT” a unclassement defortunes indiquant desconclusions différentes, qu’ille publie !» Thomas Piketty dans l’espace », ajoute-t-il. « Je ne doute pas du fait que mes séries de données historiques seront amélioréesà l’avenir,mais jeseraistrèssur- pris que cela change en quoi que ce soit mes principales conclusions sur l’évolution à long terme de la distribution des richesses», précise-t-il. Sur son blog du New York Times, dans un post du 24 mai intitulé « Is Piketty All Wrong ? », M. Krugman vient au secours du Français. Il soutientsesconclusionssurladynamique des inégalités tout en relevant que l’universitaire devra répondre aux critiques qui lui sont faites. Interrogé le 24 mai par Le Monde, l’économiste, que ses rivaux en France voient dans leurs pires cauchemars succéder en 2015 à Esther Duflo sur une des chaires annuelles du Collège de France, a qualifié l’articledu FTd’« attaquepurement idéologique ». « Tous les classements de fortunes du monde indi- Aujourd’hui, le «FT» n’est plus rétif au journalisme d’investigation journal daté des samedi24 et dimanche 25mai d’un article épinglant un ouvrage qui, à lire la manchette, « exploite le zeitgeist [l’esprit du temps] des inégalités». Les calculs de Chris Giles ont été vérifiés par trois autres journalistes en interne, notamment par le spécialiste des statistiques, et par un expert extérieur. Le samedi est un jour spécial pour le FT. L’édition du week-end propose en plus d’un seul cahier macro- et microéconomique, deux suppléments, immobilier et culturel, et un magazine qui connaissent un grand succès. La publication à la «une » des criti- ques contre M.Piketty, phénomène d’édition dans le monde anglosaxon, était destinée à leur donner le plus large écho possible. Manchettes accrocheuses Depuis la crise de 2008, le FT s’est lancé dans la course au scoop. Jusque-là, le quotidien des affaires évitait de se précipiter sur une information sensible par peur de ruiner sa réputation d’excellence prudemment bâtie depuis sa fondation, en 1888. Mieux valait donc tard ou jamais que faux. Proche par essence de la City, le titre avait tendance à éviter certains sujets, comme l’évasion fiscale ou l’origi- ne de la fortune. Aujourd’hui, le FT n’est plus rétif au journalisme d’investigation. La création d’une cellule «enquêtes» témoigne de cette volonté de ne plus laisser de dossier en jachère. Le quotidien vient de réaliser quelques beaux «coups», à l’instar des directeurs fantômes de compagnies boîtes aux lettres aux îles Caïmans, de la bombe à retardement de l’économie de l’ombre chinoise ou des coulisses du sauvetage de l’euro. Plusieurs facteurs expliquent ce revirement. Le FT a le vent en poupe, comme l’indique la progression de sa diffusion payante de 11% sur un an (665000 exem- plaires quotidiens – papier et numérique – au premier trimestre). Un tiers des abonnés sont aux Etats-Unis. Or l’édition américaine est confrontée à la rude concurrence du Wall Street Journal et du New York Times, à la pointe des révélations sur les dérives de la finance. Par ailleurs, le numérique, qui constitue désormais deux tiers de ses abonnés, encourage le recours aux manchettes accrocheuses. « Sur Ft.com, l’impact des mots-clés est commercialement mesurable», indique Enders Analysis, spécialiste des médias. p Marc Roche (Londres, correspondant) Claire Guélaud et Adrien de Tricornot Pour contacter nos chargés d’affaires : 90 % DE NOS DÉCISIONS SONT PRISES EN RÉGION. Entrepreneurs, Bpifrance accompagne et finance votre projet, en étroite collaboration avec ses partenaires : Région, banques, investisseurs… Contactez votre chargé d’affaires sur bpifrance.fr ALSACE STRASBOURG 03 88 56 88 56 AQUITAINE BORDEAUX 05 56 48 46 46 PAU 05 59 27 10 60 AUVERGNE CLERMONT-FERRAND 04 73 34 49 90 BOURGOGNE DIJON 03 80 78 82 40 BRETAGNE RENNES 02 99 29 65 70 BREST 02 98 46 43 42 SAINT-BRIEUC 02 96 58 06 80 LORIENT 02 97 21 25 29 CENTRE ORLÉANS 02 38 22 84 66 TOURS 02 47 31 77 00 CHAMPAGNE-ARDENNE REIMS 03 26 79 82 30 CORSE AJACCIO 04 95 10 60 90 FRANCHE-COMTÉ BESANÇON 03 81 47 08 30 ÎLE-DE-FRANCE PARIS 01 53 89 78 78 ÎLE-DE-FRANCE EST NOISY-LE-GRAND 01 48 15 56 55 ÎLE-DE-FRANCE OUEST PARIS-LA DÉFENSE 01 46 52 92 00 LANGUEDOC-ROUSSILLON MONTPELLIER 04 67 69 76 00 PERPIGNAN 04 68 35 74 44 LIMOUSIN LIMOGES 05 55 33 08 20 LORRAINE NANCY 03 83 67 46 74 METZ 03 87 69 03 69 MIDI-PYRÉNÉES TOULOUSE 05 61 11 52 00 NORD-PAS DE CALAIS LILLE 03 20 81 94 94 BASSE-NORMANDIE CAEN 02 31 46 76 76 HAUTE-NORMANDIE ROUEN 02 35 59 26 36 PAYS DE LA LOIRE NANTES 02 51 72 94 00 LE MANS 02 43 39 26 00 PICARDIE AMIENS 03 22 53 11 80 POITOU-CHARENTES POITIERS 05 49 49 08 40 PROVENCE-ALPES-CÔTE D’AZUR MARSEILLE 04 91 17 44 00 NICE 04 92 29 42 80 RHÔNE-ALPES LYON 04 72 60 57 60 SAINT-ÉTIENNE 04 77 43 15 43 VALENCE 04 75 41 81 30 GRENOBLE 04 76 85 53 00 ANNECY 04 50 23 50 26 GUADELOUPE 05 90 89 65 58 GUYANE 05 94 29 90 90 LA RÉUNION 02 62 90 00 66 MARTINIQUE 05 96 59 44 73 MAYOTTE 02 69 64 35 02 RCS 507 523 678 C hris Giles, responsable de la rubrique économique au Financial Times (FT), est un homme chanceux. A la suite à la publication, le 15 mai, des chiffres sur la richesse au Royaume-Uni par l’Office britannique des statistiques, un responsable de l’édition du quotidien lui demande d’accompagner son article d’une comparaison internationale. L’«Economics Editor» consulte alors Le Capital au XXIe siècle (Seuil, 2013), le best-seller de l’économiste français Thomas Piketty. Les présumées erreurs qu’il découvre sur le Royaume-Uni sont à l’origine de la publication dans le quent que les plus hauts patrimoines ont progressé beaucoup plus vite que la moyenne des patrimoines.SileFTaunclassementdefortunes indiquant des conclusions différentes, qu’il le publie ! Pour finir, c’est la façon la plus claire de poser le débat: le top croît-il plus vite que la moyenne, oui ou non ? D’après Forbes, trois fois plus vite », rappelle-t-il, tout en faisant état de « nouveaux graphiqueséloquents» sur la question d’Emmanuel Saez et de Gabriel Zucman, professeur à la London School of Economics. En affirmant que les erreurs qu’il a repérées sont «semblables à celles qui ont mis à mal, en 2013, le travail sur la dette publique et la croissance des économistes américains Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff », le FT va peut-être un peu vite en besogne. La thèse en question, publiée en 2010, a longtemps été invoquée pour justifier les politiques d’austérité. Mais des chercheurs de l’université Amherst qui l’ontcorrigéede ses erreursfactuelles, refaite et recalculée, ont obtenu des résultats radicalement inverses à ceux présentés par Mme Reinhart et M. Rogoff. Le travail minutieux des chercheurs d’Amherst a étéconfirmé,depuis,par une étude du Fonds monétaire international de février2014 (« Dette et croissance : y a-t-il une limite magique ? »). Alors que la croissance des inégalités de répartition des revenus a déjà fait l’objet de nombreuses autres mesures et constats non contestés ces dernières années. p 18 0123 économie Mardi 27 mai 2014 Quatre géants de la Silicon Valley vont indemniser des salariés lésés Apple, Google, Intel et Adobe se sont entendus pour ne pas débaucher leurs employés respectifs New York Correspondant L eurs noms sont célèbres dans le monde entier. Apple, Google, Intel et Adobe Systems ont accepté, samedi 24mai, de verser 324,5 millions de dollars (238millions d’euros) pour régler à l’amiable une affaire qui les opposait à d’anciens salariés. Ces derniers, environ 64 000, avaient intenté une action en justice en 2011, car ils accusaient ces grands noms de la Silicon Valley de s’être entendus pour former pendant des années une entente illégale afindenepas débaucherleurs salariés respectifs. S’estimant floués sur le plan de leurrémunérationetde leur évolution de carrière, ils avaient lancé une action collective pour obtenir des dédommagements évalués par leurs avocats à 3 milliards de dollars. Apple, Google, Intel et Adobe,sans reconnaîtreleurs torts, ont préféré transiger pour éviter un procès. De façon séparée, eBay a également trouvé un accord le 1er mai. Le groupe de distribution est prêt à faire un chèque de 3,75millions de dollars, dont 250 000 dollars d’amende et 3,5 millions destinés à un fonds d’indemnisation pour mettre fin aux poursuites. Mais ce règlement à l’amiable ne satisfait pas tous les plaignants. Michael Devine n’a pas l’intention de lâcher. Ce programmeur informatique de 46 ans, après avoir travaillé deux ans chez le fabricant de logiciels Adobe à la fin des années 2000, est désormais travailleur indépendant à Seattle (Washington). Il veut obtenir une « juste réparation » de la part de ces grands groupes de la high-tech américaine. De façon assez inédite, il a écrit le 11 mai une lettre à la juge Lucy Koh chargée de l’affaire, au sein du tribunal du district nord de la Cali- « Si vous recrutez une seule de ces personnes, c’est la guerre», aurait déclaré Steve Jobs fornie, à San Jose, lui demandant de rejeter l’accord trouvé par les avocats de la class action. « Nous voulons faire entendre notre voix devant le tribunal », fait-il valoir, en faisant remarquer que les sommes consenties par les multinationales ne représentent que 10 % de ce que les plaignants réclamaient. « Si un voleur était pris en train de voler un iPad à 400 dollars dans un Apple Store, est-ce que ce serait une solution juste et équitable qu’il paye à Apple 40 dollars, garde l’iPad, et reparte sans reconnaître ses torts? », interroge-t-il par analogie. Il est vrai que les entreprises ont été effectivement prises la main dans le sac. Depuis des mois, les preuves s’accumulaient sur le bureau de la juge au travers d’échanges de courriels au plus haut niveau de ces groupes. Le but était d’éviter une guerre des embauches, qui aurait été ruineuse sur le plan des salaires et contreproductive pour les entreprises en accélérant le turnover des talents. Sergey Brin, le fondateur de Google, relate ainsi, dans un courriel Chez le concepteur de logiciels Adobe Systems, à San Francisco. DAVID PAUL MORRIS/BLOOMBERG/GETTY IMAGES daté de 2005, des échanges avec Steve Jobs, alors patron d’Apple, à propos des démarches qu’il avait entreprises pour débaucher des membres de l’équipe qui travaillait sur Safari, le navigateur de la firme à la pomme. « Si vous embauchezuneseulede cespersonnes,c’estla guerre»,luiauraitdéclaré Steve Jobs, décédé depuis. Quelques semaines plus tard, un pacte de « non-agression» était scellé. De la même façon, en janvier 2013, l’ancien PDG de Palm, Edward Colligan, avait déclaré sous serment que Steve Jobs « suggérait que, si Palm n’acceptait pas l’arrangement [sur les embauches], Palm pourrait être poursuivi en justice pour la violation de nombreux brevets d’Apple». EdwardColliganavait écriten août 2007 : « Votre proposition de nousmettred’accordpourqu’aucune de nos entreprises n’embauche les salariés de l’autre (…) n’est pas seulementmauvaise,elleest probablement illégale » et lui assura que Palm n’était pas « intimidé» par les menaces d’Apple. Mais pour un refus de marcher dans la combine, combien d’accords tacites? S’appuyant sur plusieurs dizainesde casconcrets,la plaintedéposée en 2011 accusait les hauts dirigeants des entreprises concernées « d’avoir élaboré un réseau interconnecté de pactes explicites pour éliminer toute concurrence entre eux sur les travailleurs qualifiés ». La sophistication était telle que les sociétés ayant adhéré à ces « pactes » devaient ne pas tenter de recruter leurs employés respectifs, se prévenir si jamais elles faisaient une offre à un salarié d’un autre groupe et ne pas faire de contreoffre si un employé négociait avec l’une d’elles. « L’effet espéré – et réel – de ces La start-up californienne Uber serait valorisée à plus de 12 milliards de dollars U ber affole les compteurs. La société américaine de voitures de tourisme avec chauffeur (VTC) serait, selon l’édition du Wall Street Journal du samedi 24 mai, sur le point de conclure une nouvelle levée de fonds, d’un montant de 500 millions de dollars (370 millions d’euros). Cette somme s’ajouterait aux 307 millions de dollars déjà recueillis depuis sa création en mars 2009. Elle permettrait de financer le développement de l’activité, notamment à l’étranger, et de poursuivre le processus de diversification. Ce tour de table valoriserait Uber à 12 milliards de dollars (8,8 milliards d’euros). Un chiffre qui s’est envolé en neuf mois : il a été multiplié par plus de trois depuis l’investissement réalisé en août 2013 par Google Ventures, la branche de capital-risque du célèbre moteur de recherche. La jeune entreprise deviendrait ainsi la start-up la mieux valorisée dansle monde,devançantses compatriotes Dropbox (stockage de fichiers en ligne) et Airbnb (location de logements entre particuliers),toutesdeux valoriséesà hauteur de 10 milliards de dollars. Lancé en 2010 dans les rues de San Francisco (Californie), Uber a rapidement révolutionné un sec- teur en manque d’innovation et de concurrence. Avec son application mobile permettant de commander une voiture en quelques secondes, la start-up a d’abord séduit une clientèle jeune et branchée. Sa popularité est depuis allée crescendo. En 2013, le service, qui ne proposait jusque-là que des chauffeurs professionnels, s’est ouvert aux particuliers, transformant M. Tout-le-monde en taxi. La start-up ne publie aucune donnée financière. Mais des documents internes dévoilés fin 2013 par le site Valleywag permettent de mesurer son succès. Entre la mi-octobre et la fin novembre, le service a généré 20,5 millions de dollars de chiffre d’affaires par semaine. En extrapolant, cela représenteplusde 1milliardde dollars par an. Ubernefaitofficequed’intermédiaire entre les clients et les chauffeurs, qui doivent prendre à leur charge l’achat et l’entretien de leur voiture. La start-up ne conserve généralement que 20 % du prix payé par les passagers. Ses revenus nets s’élèveraient ainsi à environ 200 millions de dollars, sur une base annuelle. « Novembre est notre mois le plus faible de l’année », avait tenu à préciser Travis Kalanick, son PDG. Autrement dit : ces estimations sont certainement déjà dépassées, d’autant plus que le dirigeant mettait en avant, fin novembre, une croissance mensuelle à deux chiffres de son activité. Uber est disponibledans plus de 100 villes dans le monde, dont plus delamoitiéauxEtats-Unis.EnFrance, le service a été lancé à Paris, Lyon et Cannes. La société est présentedans 36 pays. Et elle ne compte pas s’arrêter là. Elle prévoit d’embaucher plus de 200 000 chauffeurs en deux ans pour accompagner son développement. Elle courtise notamment les chauffeurs de taxis. A San Francisco, un tiers d’entre eux auraient déjà abandonné leurs licences au profit d’Uber et de ses concurrents. «En deux ans, le revenu moyen a été divisé par deux », peste Trevor Johnson, directeur de l’Association des chauffeurs de taxi de San Francisco. Dans d’autres pays, la colère monte aussi. Plusieurs fédérations de taxis ont ainsi appeléà une journéede manifestationle 11 juindans plusieurs capitales européennes. Les achats en ligne En France, la grogne s’est exprimée par des journées de grèves qui se sont soldées par des dizaines de kilomètres d’embouteillages. Pour tenter de désamorcer la crise, le gouvernement avait alors tenté d’imposerundélaidequinzeminutes entre la réservation et la prise en charge du client. Mais cette mesure a été suspendue en février par le Conseil d’Etat. Le but était d’éviter une surenchère sur les embauches, ruineuse sur le plan des salaires et contre-productive pour les entreprises ment à de telles pratiques. « Indigné », il décide alors de se lancer dans la bataille juridique. En octobre2013, la justice reconnaissait le bien-fondé de l’action collective. Face à l’embarras d’un grand déballage de leurs pratiques au cours d’un procès initialement fixé le 27 mai, les géants de la hightech ont acceptéd’ouvrir leurs portefeuilles. La saignée n’est pas trop importante: les bénéfices cumulés d’Apple, Google, Intel et Adobe ont dépassé les 60 milliards de dollars en 2013. De leur côté, les avocats des plaignants ont préféré tenir que courir en privilégiant l’efficacité d’une négociation, quitte à obtenir un montant bien moins important que les premières évaluations. Une solution qui rend amer M. Devine, qui demande au tribunal de « rejeter»unaccordqu’ilestime« inéquitable» et « injuste». Mais à la veille de l’examen de sa requête, le programmeur semble bien isolé pour que l’accord trouvé avec les multinationales puisse être remis en question. p Stéphane Lauer INFORMATIQUE Atoslanceune OPA sur Bull L’entreprise de voitures de tourisme avec chauffeur veut lever 500 millions de dollars San Francisco Correspondance accords a été de contrôler les salaires des employés et d’imposer des limites illégales à leur mobilité », concluait la plainte. Lorsque l’affaire éclate, M. Devine découvre dans la pressequ’Adobe, pour lequel il a travaillé entre2006 et 2008, se livrait égale- Dans plusieurs villes américaines, les taxis ont saisi la justice pour obtenir l’interdiction de ces services. Uber doit aussi faire face à une concurrence de plus en plus intense. A l’étranger, il doit parfois lutter contre des acteurs locaux, comme Chauffeurs-privés.com, LeCab ou Allocab en France. Aux Etats-Unis, la start-up est engagée dans une véritable guerre des prix avec Lyft. Depuis le début de l’année, les deux rivaux ont réduit leurs tarifs, au détriment de leur marge. Et donc de leur rentabilité. Mais ils disposent d’une trésorerie suffisamment importante pour se le permettre. A plus long terme, M. Kalanick voit beaucoup plus grand. Il ne veut pas se limiter aux transports de personnes. Il veut étendre son activité, avec « de nouvelles idées de logistique urbaine » utilisant sa plate-forme technologique. Uber a multiplié les expériences ces derniers mois. Débutavril,elleaaussilancéun service de coursiers à New York. Tout cela ne pourrait cependant n’être qu’une étape vers un marché plus prometteur encore : la livraison le même jour pour les achats en ligne. Amazon, Google et eBay ont déjà ouvert les hostilités. Uber a également testé ce service, findécembre2013àBoston(Massachusetts).C’estcepotentieldecroissance que paient aujourd’hui les investisseurs. p Jérôme Marin Le groupe français de services informatiques Atos va lancer une offre publique d’achat amicale sur le dernier constructeur informatique tricolore, Bull. Atos propose 4,90 euros par action Bull, ce qui valorise l’ensemble de la société à 620 millions d’euros, selon un communiqué commun publié lundi 26 mai par les deux entreprises. Ce prix est supérieur de 22 % au dernier cours coté du titre (4,01 euros vendredi soir). Il traduit une prime de 30 % sur le cours moyen de Bull durant les trois derniers mois. Le rapprochement entre Bull et Atos, l’un des grands noms des services informatiques, donnera naissance au numéro un du « cloud » en Europe, ont fait valoir les deux entreprises. Cette technologie, qui consiste à stocker des données sur des ordinateurs distants et à les gérer par le biais d’Internet, connaît un développement spectaculaire mais nécessite des compétences fortes en matière de protection des données. – (AFP.) p Finance La réforme du Livret A pourrait ne pas aller à son terme Le gouvernement devrait renoncer à relever le plafond du LivretA à 30 600 euros, comme l’avait promis François Hollande lors de sa campagne présidentielle de 2012, a indiqué le Journal du dimanche (JDD) du 25 mai. – (AFP.) Luxe Des dirigeants de Kering et LVMH font de fortes plus-values après la vente de stock-options Les dirigeants des groupes de luxe français François Pinault (Kering) et Antonio Belloni (LVMH) ont empoché d’importantes plus-values après l’exercice de stock-options courant mai, selon des déclarations boursières publiées dimanche 25 mai. – (AFP.) Industrie Le directeur général de Ford juge le secteur automobile européen en surcapacité Alan Mulally, le directeur général de Ford, a estimé, dans un entretien publié dimanche 25 mai par le Financial Times, que les constructeurs automobiles européens étaient en surcapacité et qu’ils devaient encore réduire leur production. – (AFP.) Industrie Rosneft finalise son entrée dans Pirelli Le groupe pétrolier public russe Rosneft a finalisé l’opération d’entrée au capital du fabricant italien de pneus Pirelli avec un investissement de 552,7millions d’euros, a annoncé Pirelli, samedi 24 mai, dans un communiqué. Rosneft possédera 50 % de Camfin, la holding détentrice de 26,19% du capital de Pirelli. – (AFP.) culture 0123 Mardi 27 mai 2014 BILLET par Aureliano Tonet The Grand Cannes Hotel C ’est l’heure du check out et des adieux sourcilleux du réceptionniste. Les festivaliers plient bagages, et bientôt la Croisette sera aussi désemplie que l’Hôtel Othello, qui offre son décor troglodytique à la Palme d’or, Winter Sleep. Nous avions déjà relevé, au moment de la transcription boursouflée de l’affaire du Sofitel par Abel Ferrara, qu’un motif hôtelier traversait cette 67e édition. La tendance s’est confirmée, pour mieux monter en gamme: de l’auberge providentielle de Mr.Tuner à celles, funestes et adultérines, d’Amour fou, Leviathan ou La Chambre bleue, en passant par les chaînes de Bird People, Foxcatcher ou Sils Maria, la « maison cinéma », ainsi que l’appelait le critique Serge Daney, a pris la forme d’un hôtel. Au carrefour de l’intime et du politique, lieux de la réalisation de soi comme de l’uniformisation la plus aliénante, les établissements des diverses sections ont accueilli toute la richesse et la misère du monde, comme en témoignent les trois 19 heures, et autant d’étoiles, de Winter Sleep. Tout juste s’étonnera-t-on qu’une cliente aussi premium que Sofia Coppola, membre du jury, n’ait pas été sensible à Saint Laurent. Reparti bredouille, le film de Bertrand Bonello aura pourtant offert au Festival la scène qui en résume le mieux la teneur: « Vous êtes ici pour affaires ? », demande le concierge. « Non, pour dormir », répond le couturier. Grâces soient rendues au grand hôtelier Gilles Jacob: nous avons fait de beaux rêves. p Palmarès radical pour Festival un peu trop banal L’audacedujury,quiacouronné«WinterSleep»,duTurcNuriBilgeCeylan,répondàlatimiditédessélectionneurs P dans Party Girl de Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis, Anaïs Demoustier, dans Bird PeopledePascaleFerranouencoreCéline Sallette dans Geronimo de Tony Gatlif… Toutes ces comédiennes campent magnifiquement des personnages de femmes libres et courageuses, désireuses de prendre leur destin en main. Le jury a décidé d’aller piocher dans un autre registre,plus hollywoodien,plus névrosé aussi, en choisissant Julianne Moore, impressionnante dans Maps to the Stars. eut-être, pour commencer, faut-il rappeler ici les noms de ceux qui eurent à juger les films de cette cuvée 2014 du Festival de Cannes, clos dimanche 25mai: JaneCampionétaitla présidente du jury, entourée de Willem Dafoe, Gael Garcia Bernal, Carole Bouquet, Jeon Do-yeon, Nicolas Winding Refn, Sofia Coppola, Leila Hatami et Jia Zhang-ke. Cinq femmes et quatre hommes. On ne sait si cette absence de parité – pour une fois inversée – eut son importance, mais le résultat est là : avec Winter Sleep (3 h 16), le cinéaste turc Nuri Bilge Ceylan remporte la Palme d’or. On a dit ici tout le bien que l’on pensaitdece film placésous ledoublesignedeCamusetdeShakespeare. M. Ceylan mérite au moins autant la Palme pour ce film splendide que pour l’ensemble de son œuvre, l’une des plus accomplies L’édition 2014 a été marquée par la transmission Un vent de liberté féminine a soufflé cette année sur la Croisette du cinéma contemporain. Pour le reste, que dire de ce palmarès, sinon qu’il oscille entre radicalité – il fallait oser décerner le Prix spécial du jury à Le Meraviglie d’Alice Rohrwacher ! – et sens politique « cannois». Thierry Frémaux et Pierre Lescure, celui-ci prochain président du Festival, peuvent être rassurés, les Anglo-Américains ne repartent pas bredouilles: prix de la mise en scène pour Bennett Miller, le réalisateur de Foxcatcher ; meilleure interprétation féminine pour Julianne Moore dans Maps to the Stars de David Cronenberg ; et, enfin, meilleure interprétation masculine pour Timothy Spall dans Mr. Turner de Mike Leigh. Si d’aventure Foxcatcher réussissait une bonne carrière commerciale ensalles, il se pourraitque les Américains reviennenten force en 2015 sur la Croisette. On a bien sûr quelques regrets. Timbuktu d’Abderrahmane Sissako et Still the Water de Naomi Kawase méritaient largement de figurer au palmarès. Le film de cette dernière est si beau qu’on se demandesi JaneCampion n’enten- Le Turc Nuri Bilge Ceylan reçoit la Palme d’or pour « Winter Sleep », à Cannes, samedi 24 mai. ANTONIN THUILLIER/AFP dait pas profiter encore un peu de sonincroyablestatutde seuleréalisatrice au monde à avoir remporté une Palme d’or. S’agissant de Timbuktu, l’interrogation est moins badine : la présence dans le jury de l’actrice iranienne Leila Hatami, en délicatesse avec les autorités de la République islamique depuis qu’elle a fait, publiquement, une bise à Gilles Jacob, a-t-elle pu jouer en défaveur du cinéaste mauritanien et de son magnifique réquisitoire contre l’intégrisme musulman? Dans l’ensemble, cette sélection 2014 fut un bon cru même si l’on eût aimé, de la part du sélectionneur, davantage de prises de risque. « On fait avec ce qu’on a », aime à dire Thierry Frémaux, manière de dire qu’on ne déniche pas des chefs-d’œuvre tous les jours au coin d’une rue. S’agissant en particulier des films français, on pouvait à l’évidence trouver de quoi pimenter la sélection. Un film comme Bande de filles de CélineSciamma, présentéà la Quinzaine des réalisateurs, aurait avantageusement pu remplacer le lourdingue The Search de Michel Hazanavicius. Ce constat pourrait inciterà modifierle processusde sélection, spécifique, des films français à Cannes, permettant ainsi au sélectionneur d’échapper à certaines pesanteurs inhérentes à ce genre d’exercice très politique. Sinon, 2014 fut à l’évidence l’année des femmes. Quel n’aurait pas été notre embarras s’il nous avait été donné, ce qu’à Dieu ne plaise, le soin de décerner le prix de la meilleure actrice ! Commentchoisir,en effet,entre Toulou Kiki (Timbuktu), Melisa Sözen (Winter Sleep), Marion Cotillard (Deux jours, une nuit de Jean-Pierre et Luc Dardenne), Anne Dorval (Mommy), Elena Lyadova (Leviathan) et Kristen Stewart (Sils Maria d’OlivierAssayas)? Sans parler de quelques autres actrices applaudies dans des sélections parallèles: AngéliqueLitzenburger Le palmarès de la 67e édition du Festival de Cannes Palme d’or Winter Sleep, du Turc Nuri Bilge Ceylan. Grand Prix Le Meraviglie (Les Merveilles), de l’Italienne Alice Rohrwacher. Prix d’interprétation féminine L’Américaine Julianne Moore, pour son rôle dans Maps to the Stars, du Canadien David Cronenberg. Prix d’interprétation masculine Le Britannique Timothy Spall, pour son rôle dans Mr. Turner, de Mike Leigh. Prix du jury, ex-aequo Mommy, du Canadien Xavier Dolan, et Adieu au langage, de Jean-Luc Godard Prix de la mise en scène L’Américain Bennett Miller pour Foxcatcher. Caméra d’or Party Girl, des Français Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis. Prix du scénario Les Russes Andreï Zviaguintsev et Oleg Negin pour Leviathan. Palme d’or du court-métrage Leidi, du Colombien Simon Mesa Soto. Mais une actrice comme Toulou Kiki aurait sans doute été plus emblématique de ce vent de liberté féminine qui a soufflé cette année sur la Croisette. Constatons, enfin, que 2014 fut uneannéedetransmission.Symboliquement, le Prix du jury fut attribué conjointement à Xavier Dolan (Mommy) et à Jean-Luc Godard (Adieu au langage). Cinquantehuit ans d’écart séparent les deux réalisateurs. Et un premier prix pour « JLG » à Cannes, il n’était que temps! Quant à la Caméra d’or, attribuée à trois anciens élèves de la Fémis (Ecole nationale supérieure des métiers de l’image et du son) pour Party Girl, elle fut l’occasion, lors de l’annonce du palmarès, d’un instant très émouvant. Gilles Jacob, dont c’était la dernière apparition publique en tant que président, avait tenu à remettre ce prix qu’il avait lui-même créé en 1978. Accompagnéde Nicole Garcia, il reçut de la part des 1 800 spectateurs du Grand Théâtre Lumière une chaleureuse standing ovation. Jane Campion se leva et, tendrement, alla lui prendre la main. D’un mot, le président Jacob résuma alors ce que fut son action: « Célébrer le cinéma,préparer son futur.» Présent dans la salle, Pierre Lescure reçut le message cinq sur cinq. A lui maintenant, en bonne entente avec Thierry Frémaux, de s’en inspirer. p Franck Nouchi Dix jours, 120films et une constante: le refus de la norme Analyse Que reste-t-il de Cannes 2014 ? Après dix jours de Festival, clos dimanche 25 mai, 35 films vus sur près de 120 qui y furent révélés, en première mondiale, toutes sections confondues, on quitte la Croisette avec le sentiment d’avoir découvert beaucoup de belles choses, et quelques navets. Pas de film choc qui aurait concentré tous les débats, comme l’ont fait Un Prophète (2009), Oncle Boonmee (2010), The Tree of Life (2011), Holy Motors (2012) ou La Vie d’Adèle (2013)… Mais un choc médiatique orchestré par Wild Bunch autour de Welcome to New York, le film d’Abel Ferrara sur l’affaire DSK. Et une déflagration plus secrè- te, parce qu’enroulée dans une forme documentaire et cantonné Hors compétition, qui n’a laissé aucun de ses spectateurs indemne. Il s’agit d’Eaux argentées, Syrie autoportrait, essai terrassant sur le long martyre de la révolution syrienne réalisé par Ossama Mohammed et Wiam Simav Bedirxan, qui ne s’étaient jamais rencontrés avant d’arriver à Cannes. Conçue comme un dialogue entre un exilé involontaire et une résistante héroïque, leur mise en scène traduit un fier refus de la norme, qui caractérisait nombre de films de la sélection 2014. La programmation en compétition d’Adieu au Langage, de JeanLuc Godard, film essai tourné avec pas moins de six caméras dont une Flip Flop, une GoPro et des téléphones portables, quatre ans après que Film Socialisme se soit retrouvé à Un certain regard, est le signe le plus éclatant de cette tendance, qui déborde la seule question de la mise en scène. « La Maman et la Putain » Elle s’illustre par la présence d’objets non reconnus officiellement comme relevant du « cinéma » (la série télé « P’tit Quinquin » de Bruno Dumont, Welcome to New York, sorti en vidéo à la demande sans passer par la salle, sans compter la lettre filmée de Godard à Thierry Frémaux et Gilles Jacob, considérée par certains comme un film cannois à part entière). Et elle résonne dans les sujets des films. Refuser la norme, c’est refuser l’assignation à son sexe, le vieux choix entre La Maman et la Putain. C’est l’enjeu de Bande de Filles et de Party Girl, les films qui ont ouvert en fanfare la Quinzaine des réalisateurs et la section Un certain regard. Dans Les Combattants, elle est déjà réglée. Le personnage joué par Adèle Haenel, qui se prépare pour la fin du monde, est une soldate de l’armée américaine, comme l’est l’adolescent incontrôlable de Mommy, le film torche de Xavier Dolan, en guerre contre une société qui s’acharne à asphyxier son aspiration à ne ressembler à personne d’autre qu’à lui-même. Autre personnage hors norme, dont l’aura a flotté sur le festival, Yves Saint Laurent, génie solitaire rongé par sa passion pour la drogue, son attirance pour le sexe le plus rugueux. Il n’en fallait pas moins pour vaincre les réticences de l’esthète Bertrand Bonello à l’égard du genre biopic. La norme, c’est aussi l’ordre social imposé par le capitalisme mondialisé, avec lequel rompent les personnages de Bird People de Pascale Ferran. C’est l’idéologie nationaliste israélienne à laquelle l’institutrice, dans le film de Nadav Lapid, tente de soustraire un enfant poète qu’elle voit comme un sauveur. C’est la loi mortifère des djihadistes, face à laquelle Abderrahmane Sissako réaffirme, dans Timbuktu, les puissances de l’art. Les films n’ont pas manqué cette année qui s’inscrivait dans des communautés autonomes, où s’inventent des modes de vie alternatifs. Les apiculteurs polyglottes des Le Meraviglie d’Alice Rohwacher, les Yéniches voyageurs de Mange tes morts, les Roms de Geronimo, les chamans de l’île japonaise d’Amami où Naomi Kawase a tourné Still the Water, sont autant de groupes humains qui tournent le dos à l’ordre dominant. La question est aussi au cœur de Maps to the Stars, satire d’Hollywood, machine à produire de la norme que David Cronenberg dépeint comme une société maudite, croupissant dans l’inceste. En condamnant ses enfants à s’auto-immoler, le cinéaste canadien opte, lui, pour la table rase. p Isabelle Régnier 20 0123 culture Mardi 27 mai 2014 Une journée particulière, dans l’ombre de M.Jacob Quelques heures avec le président du Festival, qui s’apprête à passer la main à Pierre Lescure Récit S e glisser, une journée durant, dans l’ombre du président du Festival de Cannes, Gilles Jacob: c’est à ce destin aventureux qu’on s’est voué, le vendredi 23 mai, durant les dernières heures du maître de céans. Car c’est dit, c’est fait, Gilles Jacob s’en va, dès la fin de cette édition, qui s’est terminéedimanche25 mai. Il cédera sa place, le 2 juillet très exactement, à Pierre Lescure. A 84 printemps le 22 juin prochain, après trente-huit années passées aux commandes d’un festival qui lui doit son excellence, il aura pris le temps de la réflexion avant de raccrocher l’habit. A l’entretien d’adieu gravé dans le marbre, on a préféré cette chronique intime, avec l’idée que les actes exprimeraient,plus sûrementque la parole, la vérité de ce moment. Voici donc le livre d’heures d’une étrange liturgie cannoise. 8 h 45 Petit déjeuner au Carlton, où Gilles Jacob a ses quartiers. On pourrait se croire dans un hôtel, si les réalisateurs John Boorman, Ken Loach et Luc Dardenne n’y beurraient en même temps leurs tartines. Gilles Jacob, quant à lui, confirme d’emblée notre intuition. D’un côté, une réponse en forme de parade à la question sensible : « Non, aucune tristesse de ce départ, plutôt du soulagement. D’ailleurs, mes fonctions ne m’en laissent pas le temps. C’est plutôt le regard des autres qui me rappelle que c’est ma dernière année.» De l’autre côté, le corps qui parle : Gilles Jacob souffre depuis sept mois d’une cruralgie, une sorte de sciatique extrêmement douloureuse, qui l’oblige à se déplacer avec une canne. Et le fait enrager : dene plus marchercommeil affectionne et de paraître, l’année même de sa sortie, plus affaibli par l’âge qu’il ne l’est. Osonsl’hypothèse: cette cruralgie est la manière dont Gilles Jacob vit son départ. Comme un arrachement, une douleur, une séparation cruelle d’avec un enfant qu’il aura porté au sommet. Comme l’homme est d’un modèle ancien et rare, tout esprit et toute élégance, de cela aussi il est aussi capable de sourire : « La cruralgie me fait trop mal, elle me sauve de la nostalgie. Et fait de moi un cas : non seulement je suis un président qui s’en va,mais quis’en vaen plus handicapé. » Quant à son bilan personnel, il a le mérite de la clarté. Ce dont il est le plus fier, c’est « d’avoir travaillé avec les plus grands auteurs et d’avoir conquis l’indépendance artistique et économique du Festival de Cannes, d’en avoir fait une PME qui se transforme un mois par an en multinationale». Ce qu’il a le moins apprécié, c’est la période de trois ans durant laquelle il a partagé avec son successeur au poste de délégué général, Thierry Frémaux, la responsabilité de la sélection artistique avant de lui abandonner les rênes. Ce n’est un mystère pour personne que la relation entre les deux hommes s’est alors rapidement – et durablement – dégradée. 9 h 30 Sortie du Carlton. Il est pro- bable que Gilles Jacob souffre d’un amour passionnel, exclusif, fiévreux, pour le Festival de Cannes. Sa femme, qu’il évoque avec tendresse, en fut la première victime. Les Cannois, comme les employés du Festival, eux, sont pleins de reconnaissance pour cet homme qui, enfant caché à Nice durant la seconde guerre mondiale, fait pleuvoir la manne sur leur ville depuis quarante ans. Tandis qu’il sort de l’hôtel, le « président » est TV5MONDE est heureuse d’avoir soutenu la production de Gilles Jacob, président du Festival de Cannes, vendredi 23 mai. ARNOLD JEROCKI POUR « LE MONDE » happé par un homme dans le hall, la larme à l’œil, qui le « remercie de ce qu’il a fait pour Cannes». Ce genre de scène se reproduira toute la sainte journée sans qu’on puisse formellement prouver que ces hommes et ces femmes éperdus soient des figurants payés pour le maîtredes cérémoniescannois. L’idée d’être dans un film nous effleurera néanmoins l’espritaucours de cevendredisi particulier. En demandant à son chauffeur de suivre la promenade matinale et quotidienne qu’il fait à pied durant plus de trente ans, Gilles Jacob en dirige d’ailleurs la grande scène sentimentale, se remémorant « le calme et la beauté » de cette balade secrète. Palm Beach et retour, le temps d’une rêverie proustienne. 10 heures Arrivée au Palais par l’entrée des artistes. Accueil stylé et chaleureux. « Bonjour, Président », « Bienvenue M. Jacob », « Comment allez-vous Président ? ». Lui salue tout le monde. Arrivée à son bureau du troisième étage, belle vue sur la mer turquoise. Un ballet soutenu de visites commence, attendues – les rapportsadministratifs– et impromptues – les amis qui passent. André-Paul Ricci, un attaché de presse ému, vient lui remettre en main propre une touchante lettre d’au revoir. Me Gabrielle Odinot, l’avocatedufestival,le tientau courant du suivi des « affaires » : marché noir des billets (3 000 euros la place), usurpation de la signature de Gilles Jacobsur un ordre de virement, hôtel qui tapisse partout, sans autorisation, le logo du Festival sur sa décoration intérieure. Paulette Blondin (quarantequatre ans de maison), responsable de l’hébergement, relaie une plainte des hôteliers concernant l’absence des Américains. « Le problème est préoccupant, les studios désertent Cannes, il devrait être la priorité de mon successeur », estime le président. Martine Offroy, grande prêtresse du protocole, entre avec le sacrosaint plan de table du dîner offert, comme chaque soir, par le président à une centaine d’invités. Du sérieux. Crayon à la main, on suppute et on soupèse la place de chacun à la table d’honneur. L’équipe de Ken Loach sera là, ainsi que des éditeurs parisiens. « Les susceptibilités sont énormes», confie d’un air gourmand Gilles Jacob. «Mettez-la àcôté de [l’éditeurBernard]Fixot », conseille-t-il à Martine Offroy, qui s’inquiète de savoir quoi faire d’une « très belle actrice». 12 heures Pierre Lescure, successeur au poste, passe la tête, puis entre. Des projets pour Cannes ? « Pas pour l’instant. D’abord, je vais essayerde garderla fonction.Ensuite, me mettre à l’écoute, et, enfin, tenter de rester à la hauteur. » L’homme, visé en effet par une enquête préliminaire pour évasion fiscale, ne manque ni d’humour, ni de finesse. 13 heures Déjeuner au Café des Palmes. Espace orientalisant dédié par Rosalie Varda, la fille d’Agnès, au confort des cinéastes et des jurys, l’endroit abrite un restaurant où Gilles Jacob aime à recevoir en toute intimité. Ce midi,ce sont le cinéastemauritanien Abderrahmane Sissako, découvert par Gilles Jacob, et auteur d’un des plus beaux films de la compétition avec Timbuktu, et Scott Foundas, rédacteur en chef francophone et francophile du magazine corporatif Variety. En deux heures de conversation d’une totale liberté, le Festival de Cannes vient d’être réformé. En partant,M. Sissako,que rien n’oblige,nousglisseà l’oreille: «Cethomme-là a changé ma vie. » 15 h 30 Retour au bureau. Arrivée de la directrice de la communication, Marie-Pierre Hauville, flanquée de Renaud Le Van Kim, réalisateur du « Grand Journal » de Canal+ et grand ordonnateur de la cérémonie de clôture. Les difficultés de déplacement de Gilles Jacob, qui veut faire ses adieux sans la canne, sont au centre des débats. Il est horripilé par le cliquetis qui le précède, et le fait penser« au boxeur aveuglede L’Assassin habite au 21 ». M. le Van Kim le rassure : « On va dire à Jane [Campion, la présidente du jury] de vous soutenir au besoin. Elle est solide, on peut compter sur elle, c’est une All Black. » 16 heures Passages éclair d’amis en visite de courtoisie, dont celui du puissant avocat d’affaires JeanMichel Darrois. Manières douces, penséetranchante.Entredeuxvisites, Gilles Jacob lit ses mails ou tweete. Converti à 100 % au réseau gazouilleur, il en fait un usage pédagogique, poétique, photographique et stratégique (@jajacobbi, 17 858 abonnés). Dans la dernière ligne droite d’une journée qui commence à peser, Gilles Jacob gère les passions féminines. 19 heures Posté en haut du tapis rouge lors de la projection officielle du film d’Olivier Assayas, Sils Maria, Uma Thurman lui saisit la tête à pleines mains et l’embrasse fougueusement. 21 heures Dans le studio de France Inter où Pascale Clark le cuisine à petitfeu, Juliette Binochelui déclare, tout-à-trac: « Je vous aime.» Là-dessus, départ en voiture au Carlton, pour le dîner officiel, où il présidera sans ciller la table d’honneur. Rompu de fatigue, on perd ici sa trace, en admirant l’énergie et la tenue de cet homme dévoué corpset âme à la défenseetà la promotion du Festival de Cannes. Pour ne rien dire de sa pudeur, lui qui aura systématiquement coupé court à toutes les propositions d’attendrissement offertes à lui en ce jour. Il est vrai que Gilles Jacob demeurera président d’honneur du conseil d’administration de la manifestation, et président de la Cinéfondation, l’atelier de formationdesjeunes cinéastes.Il estvraisemblable qu’il ne se résolve jamais à quitter le Festival. p Jacques Mandelbaum Une vie consacrée au cinéma 1930 Naissance à Paris, le 22 juin. Un film d’Abderrahmane Sissako Production Les films du Worso / Dune Vision Coproducteurs : Arches Films - ARTE France Cinéma / Orange Studio. Avec la participation de Canal+, Ciné +, ARTE France, Le Pacte, TV5MONDE et le Centre National du Cinéma et de l’Image Animée. En association avec INDÉFILMS 2. Avec le soutien de Doha Film Institute. La chaîne de tous les cinémas francophones www.tv5monde.com De 1964 à 1971 Critique pour la revue Cinémas, puis pour Les Nouvelles littéraires. 1972 Entre à L’Express. 1976 Présente et coproduit sur FR3 « Le masque et la plume ». 1977 Elu délégué général du Festival de Cannes. 1978 Crée le Prix de la caméra d’or et la section Un certain regard. 1982 Ouverture du Palais des Festivals. GRAND PRIX DU SYNDICAT DE LA CRITIQUE 2012-2013 1986 Négocie la diffusion des cérémonies avec Canal+. 1991 Il crée les « Leçons de cinéma », puis la Cinéfondation, en 1998. 2001 Elu président du Festival. 2004 Thierry Frémaux lui succède comme délégué artistique. 2014 Cède la place à Pierre Lescure après le Festival. MA RI VA UX MI SE E N S C ÈN E CHRI STOPHE RAUCK | DU 4 AU 15 JUIN 2014 www.theatregerardphilipe.com 0123 culture Mardi 27 mai 2014 L’Ecosse touchée au cœur par l’incendie dévastateur de l’école d’art de Glasgow Le bâtiment de la fin du XIX siècle était le symbole de la renaissance de la ville par la culture e Londres Correspondant R avagée par un incendie survenu le 23 mai, la Glasgow School of Art symbolisait la renaissance par la culture de Glasgow, une ville ouvrière naguère insalubre et violente. « La destruction de ce pavillon emblématique et du travail des élèves est horrible à voir. » Comme l’a déclaré le premier ministre écossais, Alex Salmond, l’incendie qui a dévasté l’édifice construit à la fin du XIXe siècle par l’architecte Charles Rennie Mackintosh (1868-1928), a provoqué un émoi à la hauteur du prestige de l’institution de Renfrew Street. Selonlespompiers,90 %dubâtiment Art nouveau a été sauvé et 70 % de son contenu préservé du feu provoqué par l’explosion d’un projecteur en sous-sol. Reste que les travaux de fin d’études des étudiants ont été détruits. Or, l’exposition des œuvres des diplômés de l’une des plus célèbres Art School du royaume est un événement artistique de premier plan qui accueille la crème des professionnels,londonienscomme étrangers, à la recherche de nouveaux talents. A Glasgow, les drapeaux sont en berne. Depuis la faillite des Glasgow Rangers, le célèbre club de l’équivalent de la première ligue écossaise, jamais la cité de la Clyde n’avait connu pareille déprime. Le chef-d’œuvre mondial à la façade majestueuse et austère inspirée des constructionsmédiévalesfigure en première place sur le parcours fléché du touriste. En 2013, 20 000 personnes ont visité le musée aux bois teintés noirs et les salles en blanc laqué aux meubles à angle droit. La chaise-échelle posée contre la courbure d’un long mur blanc en est l’attraction star. Cette œuvre magistrale témoigne de l’ancienne prospérité d’un port qui, au début du XIXe siècle, était le premier centre de construction navale de la fière Albion impé- Au lendemain de l’incendie qui a ravagé la Glasgow School of Art, vendredi 23 mai. ANDY BUCHANAN/AFP riale. La merveille de Mackintosh rappelle le passé industriel fabuleux de cette pompe aspirante d’une richesse fondée sur le capitalisme industriel et le colonialisme. A l’instar de ses rivaux, la Burrell Collection ou du Hunterian Museum and Art Gallery, la GlasgowSchoolofArtavaitétéconstruite grâce aux mécènes du tabac, du textile, de l’ingénierie. Une prospéritéquiavaitsonverso,lespirestaudis du royaume, l’exploitation des immigrants irlandais et les méfaits de l’alcoolisme et du tabagisme. Retombées politiques Saignée à blanc par la désindustrialisation des années 1960-1970 et par la purge thatchérienne qui s’ensuivit,Glasgow a retrouvéprogressivement le sourire grâce à sonformidabledynamismeartistique. Le statut de ville européenne de la culture, en 1990, a été le tremplin de cette renaissance. Lesinistreadesretombéespoliti- ques. Le 18 septembre, les Ecossais sont appelés à voter sur l’indépendance. Pour les nationalistes écossais au pouvoir à Edimbourg qui rêvent de couper le cordon ombilical avec le reste du pays, Mackintosh incarne, corps et âme, le pays des poètes Walter Scott (1771-1832) et Robert Burns (1759-1796). En revanche, pour les Anglais, cetteconstructionfait d’abordpartie du patrimoine national, comme l’indique le quotidien conservateur londonien, Daily Telegraph, « La Glasgow School of Art est avant tout un monument d’avantgarde en hommage à la créativité britannique qui s’exporte dans le monde entier. » L’échodece dramesouligneaussi la place importante des Schools of Arts dans le paysage culturel du Royaume-Uni. D’origine victorienne, les écoles d’art sont le berceau de toute créativité artistique outreManche. Des générations d’artistes ont été formées dans ces établisse- mentshorsnorme.L’élitedecesinstitutions est à Londres, en raison de la proximité des musées nationaux et des galeries d’art, du siège du gouvernementet de la présence de la City. La réputation du Royal College, de Slade, Goldsmiths ou Camberwell n’est plus à faire. Mais avec ses consœurs de Liverpool et de Manchester, la Glasgow School of Art permettait à la province de toiser la capitale avec fierté. p Marc Roche SÉLECTION CD R.E.M. Unplugged 1991-2001 The Complete Sessions Le 10 avril 1991, auréolé du récent succès de son album Out of Time, le groupe R.E.M. enregistre au Chelsea Studios, à New York, une émission pour la série « MTV Unplugged», les concerts acoustiques de la chaîne musicale. Le 21 mai 2001, cette fois au MTV Studios, toujours à New York, le chanteur Michael Stipe, le guitariste Peter Buck et le bassiste et claviériste Mike Mills remettent ça. R.E.M. a conquis la planète rock, rempli des stades, et son batteur, Bill Berry, épuisé, a pris une retraite anticipée en 1997. Ces deux concerts filmés pour MTV ont été diffusés partiellement à l’époque. Leur bande-son a été publiée sur des enregistrements pirates, y compris les chansons non diffusées. Elle bénéficie dorénavant en deux CD d’une parution officielle sous une pochette assez laide, avec un livret anémique. Cela vaut surtout pour le concert de 1991. R.E.M. est tout en acoustique, avec apport discret d’un orgue, percussions à la place de la batterie, harmonies vocales dans la lignée de son mélange aérien de folk et rock. En 2001, les orchestrations sont plus enveloppantes, il y a un effet de redite. Surtout, le répertoire des nouvelles chansons d’alors est moins déterminant. p Sylvain Siclier 1 double CD Rhino-Warner Music. Brian Blade & The Fellowship Band Landmarks Batteur régulier des saxophonistes Joshua Redman et Wayne Shorter, Brian Blade est aussi compositeur et meneur de sa propre for- mation, The Fellowship Band, fondée en 1997. La stabilité du personnel (Jon Cowherd aux claviers, les saxophonistes Melvin Butler au ténor et au soprano et Myron Walden à l’alto et la clarinette basse, Chris Thomas à la basse, Jeff Parker à la guitare), le raffinement de l’écriture, en particulier dans l’accord des deux vents, sont les points forts du groupe. Ce dont témoigne parfaitement Landmarks, recueil de compositions subtiles, avec une notion d’espace, de respiration musicale. Simplement beau. p S.Si. 1 CD Mid City Records-Blue Note/Universal Music. Forabandit Port En rapprochant occitan et turc, mandole, baglama (luth à long manche) et percussions perses, Sam Karpienia, Ulas Ozdemir et Bijan Chemirani, qui forment le trio Forabandit, inventent dans ce second album une identité musicale palpitante d’intensité. Tressé d’un lyrisme évitant l’emphase, leur vocabulaire musical est le vaisseau flamboyant d’une poésie de l’errance qui porte en elle la mémoire des troubadours occitans et des bardes (asiks) turcs d’autrefois. Sur le savant tressage percussif de Bijan Chemirani, les voix s’élèvent. Incantatoire et rêche pour Sam Karpiena, ronde et plus intérieure pour Ulas Ozdemir. Elles parlent de cœurs brûlés et d’éternité, d’étoiles, de ports et d’exils. p Patrick Labesse 1 CD Buda musique/Socadisc. GOOD LAP PRODUCTION et PYRAMIDE présentent XIMENA LISA SONIA WENDY ANDREA AYALA OWEN FRANCÓ GUILLÉN BAEZA Le BrésilienCandidoPortinari en long,en largeet en travers ALEJANDRO RAMÍREZ-MUÑOZ UN FILM DE CLAUDIA SAINTE-LUCE Le Grand Palais expose «Guerre et Paix», son diptyque monumental L ’Organisation des Nations unies(ONU)abritehabituellement en ses murs new-yorkais Guerre et Paix, l’œuvre majeure de celui qui est considéré comme le plus grand peintre brésilien de la première moitié du XXe siècle, Candido Portinari (1903-1962). Le bâtiment des Nations unies étant en travaux, elle a été exceptionnellement démontée, et les Parisiens peuvent découvrir au Grand Palais les deux tableaux gigantesques (14 × 10 mètres chacun) jusqu’au 9 juin. Ils doivent mesurer leur chance : Portinari lui-même a failli ne jamais voir son monument en entier. Le hangar où Portinari les peignit – au mitan des années 1950, et en neuf mois – avec deux assistants, Enrico Bianco et Rosalina Leao, ne permettait pas de déployer complètement les panneaux de contreplaqué dont ils sontcomposés.EtPortinarine pouvait pas participer à leur installation et à l’inauguration de son travail à l’ONU en 1957. L’époque était au maccarthysme, et les autorités américaines refusaient d’accorder un visa à l’artiste, communiste. Si des artistes et des intellectuels n’avaient pas protesté pour que Guerre et Paix soit montré au Brésil avant son départ pour les Etats-Unis, Portinari n’aurait donc jamais apprécié complètement ce qu’il estimait être « le meilleur travail qu’[il ait] jamais fait », et qu’il destinait, tout simplement, « à l’humanité». L’affaire prit une telleproportionque l’expositiontemporaire, qui se tint au Théâtre municipal de Rio de Janeiro, fut inauguréele 27février 1956par Juscelino Kubitschek, le président de la République en personne. Musique grandiloquente Dans le salon d’honneur du Grand Palais, le diptyque souffre d’une présentation grand-guignolesque, avec musique grandiloquente et coups de projecteurs. Passé l’agacement, on remarquera l’avantage – le seul – du procédé: il permet, grâce à un système de vidéo, d’agrandir au mur les détails soulignés par le projecteur (la vidéo est sur le site du Grand Palais). Pas inutile pour l’explorationdes œuvres,tant les personnages foisonnent, mais bien agaçant pourquivoudrait,commePortinari, contempler l’œuvre dans son ensemble. Cela n’est possible que durant les quelques minutes où le système se désactive. On s’en consolera en examinant les 37 études préparatoires qui accompagnent le monument. Une petite partie sans doute de celles qu’il réalisa durant les quatre années nécessaires à son élaboration, mais une partie essentielle. Elle révèle, mieux que ne le font les deux panneaux, un peintre célèbre en son pays, mais aujourd’hui méconnu en France. Ce ne fut pas toujours le cas : les quelques expositions ou séjours parisiens qu’effectua Portinari furent généralement très bien reçus par la critique – en 1929, où le choc culturel de l’Europe renforce son attachement à son terroir natal ; en 1946, pour une exposition à la galerie Charpentier, à Paris, une des plus importantes d’alors ; en 1957, où il expose à la Maison de la pensée française, à Paris toujours ; et, enfin, en 1961, où son engagementcommunistelui vaut des difficultés à obtenir un visa. Il avait le soutien de Germain Bazin (1901-1990), conservateur au Louvre, et de Jean Cassou (1897-1986), qui fut directeur du Musée national d’art moderne de Paris et écrivait de l’exposition de 1946 qu’elle était un « voyage, non pas tant dans un pays étranger que dans l’âme de ce pays », le Brésil, dont mieux que quiconque il sut peindre l’identité. p UN FILM SOLAIRE D’UNE GRANDEUR D’ÂME BOULEVERSANTE Illimité SIMPLE, SUBTIL, ESPIÈGLE... LA BONNE HUMEUR MEXICAINE ! Proceso UN FILM QUI TIENT DU MIRACLE Trois Couleurs Harry Bellet « Guerre et Paix de Portinari. Un chefd’œuvre brésilien pour l’ONU. » GrandPalais, avenue du Général-Eisenhower, entrée Champs-Elysées, Paris 8e. Tous les jours, sauf mardi, de 10 heures à 20 heures, le mercredi jusqu’à 22 heures. Gratuit. Catalogue de 144 p., 39 ¤. Photography by Daniela Edburg - Design by Showbeast Arts 21 AU CINÉMA LE 28 MAI 22 sport 0123 Mardi 27 mai 2014 Les Français font profil bas sur terre battue Les performances récentes des Bleus n’autorisent pas de fol espoir au tournoi de Roland-Garros Tennis Federer réussit son entrée T ousles ans,c’est lamême rengaine : Roland-Garros n’en finit plus d’attendre un successeur à Yannick Noah, dernier Français à s’être imposé porte d’Auteuil. L’espoir a été bruyamment ranimé en 2013 avec la célébration du trentième anniversaire de cet exploit et l’accession de Jo-Wilfried Tsonga aux demi-finales. Il est retombé plutôt bas pour l’édition suivante, qui a débuté dimanche 25 mai : les performances globales récentes n’autorisent pas un fol optimisme et l’avènement de l’héritier a été repoussé aux calendes grecques. Roger Federer n’a pas traîné pour son entrée en lice porte d’Auteuil. Le no 4 mondial s’est défait facilement (6-2, 6-4, 6-2) du Slovaque Lukas Lacko, classé 88e. Le Suisse égale ainsi le record de victoires à Roland-Garros (59), propriété de Rafael Nadal. Mais le no 1 mondial aura l’occasion de le lui reprendre dès son premier match du tournoi, lundi 26 mai. « Tout a été sous contrôle », a confié Federer, en manque de repères sur terre battue pour avoir peu joué ces derniers temps en raison de la naissance de ses jumeaux. Jo-Wilfried Tsonga a passé l’écueil du premier tour sans rassurer sur ses capacités du moment Tsonga lui-même a passé l’écueil du premier tour en faisant, hélas, le malheur d’un de ses compatriotes,Edouard Roger-Vasselin, battu en trois manches (7-6/7-5/6-2), sans que le Manceau ne rassure sur ses capacités du moment. Les deux autres Français engagés ce jour ont connu des fortunes diverses : Jérémy Chardy n’a pas failli devant l’Espagnol Daniel Gimeno-Traver (7-5/6-2/6-2) et, le jeune Strasbourgeois PierreHugues Herbert non plus pour sa première participation en tant que titulaire d’une wild card. Cela n’a pourtant pas suffi à ébranler le géant américain John Isner (6-7/6-7/5-7). La question d’une héritière à Mary Pierce, victorieuse en 2000, n’a elle jamais été posée depuis la retraite d’Amélie Mauresmo. L’état actuel du tennis féminin tricolore ne risque pas de changer la donne. La seule à sembler pouvoir faire bonne figure est Alizé Cornet, tête desérien˚20,quientreenpistelun- Jo-Wilfried Tsonga s’est défait péniblement d’Edouard Roger-Vasselin (7-6/7-5/6-2), dimanche 25 mai, à Roland-Garros. DARKO VOJINOVIC/AP di, opposée à l’Australienne Ashleigh Barty. On n’attendait aucun miracle de la part d’Alizé Lim (138e), autre bénéficiaire d’une wild card, depuis que le tirage au sort l’avait dépêchée sur le Central afin d’affronter sa grande amie Serena Williams, qui se trouve surtout être la patronne du circuit. Cette opposition devait être un crève-cœur pour les deux copines qui ont multiplié les selfies, jeudi, lors de la soirée des joueurs. « Il y a cinq minutes de ça, j’étais dans le vestiaire en train de parler avec Serena, a témoigné Alizé Lim sur soncompteTwitter.Jeluiai demandé : “C’est vrai que tu étais au tirage au sort, tu sais contre qui tu joues ?” Elle m’a répondu: “Non, je ne regarde jamais le tableau.” » Ce n’était effectivementpasnécessaire, puisque l’affaire fut expédiée (6-2/6-1). Quelques inconscients avaient auparavant rappelé l’exploit en 2012 de Virginie Razzano, qui avait Untrophéede plus,etquelquesfrayeurs, pourl’Espagneà vingtjours du Mondial Le sacre du Real en Ligue des champions complique le travail de la Roja Football A ssis dans les tribunes du stade de la Luz à Lisbonne, Vicente del Bosque n’a guère dû apprécier le scénario de la finale de Ligue des champions, samedi 24 mai, qui opposait le Real Madrid et l’Atlético Madrid, son rival historique, lors d’un derby inédit à ce stade de l’épreuve. Supervisant la rencontre aux côtés de son adjoint Toni Grande, le sélectionneur espagnol aurait sans doute préféré que la partie ne s’étire pas jusqu’à la 120e minute de jeu. A vingt jours du coup d’envoi de la Coupe du monde, du 12 juin au 13 juillet au Brésil, le patrondelaRojaa assistéà lavictoire (4-1) après prolongations des Merengue – qu’il a jadis entraînés (1999-2003) – face à des Colchoneros perclus de crampes et déroutés par l’égalisation (1-1) arrachée dans les arrêts de jeu par Sergio Ramos, infatigable défenseur du Real et taulier de la sélection ibérique. Douze ans après leur dernier sacre européen, les Galactiques ont enfin fait main basse sur la « decima », leur dixième titre en Ligue des champions. Alors qu’il était à moins de deux minutes de la consécration, l’Atlético a vécu une soiréecauchemardesque,quaranteans aprèsavoiréchoué à remporter l’épreuve (1-1, 4-0) face aux Allemands du Bayern Munich. Sept joueurs présents sur la pelouse lisboète figurent dans la pré-liste des trente éléments retenus, le 13 mai, par Vicente del Bosque dans l’optique du tournoi planétaire. « Nous sommes préoccupésparles blessures»,s’étaitinquiété, avant la finale, le vainqueur du Mondial 2010 et de l’Euro 2012. « Pas de joueurs diminués » Le technicien a dû s’alarmer en voyant Diego Costa, l’attaquant de l’Atlético et de la Roja, quitter l’aire dejeudèsla9e minute.En délicatesse avec sa cuisse depuis le 17 mai, jour où sa formation a remporté le titre en Liga, le buteur avait été alignéd’entréeaprèsavoirsuivi, àBelgrade, un traitement à base de placentade jument.A l’originedu premier but de la rencontre, la sortie hasardeuse d’Iker Casillas, le gardien merengue, a dû faire tousser Vicente del Bosque. Ce dernier n’a pas dû être rassuré par la condition physique précaire des Rojiblancos David Villa et Juan Fran, incapables de courir dans les prolongations. Le sexagénaire devait annoncer, dimanche 25 mai, sa liste des 23joueurs convoquéspour le Mondial. Mais il a prudemment choisi d’attendre le match amical contre la Bolivie, vendredi 30 mai, pour la rendre officielle. Le patron de la Roja a préféré ne pas incorporer dans sa liste provisoire de 19 joueurs les « Madrilènes » qui ont disputé la finale de Ligue des champions. « Hier, certains ont ressenti des problèmes physiques et nous devons nous assurer qu’ils sont en parfaite condition pour le Mondial, a expliqué le sélectionneur. Nous ne pouvons pas emmener des joueurs diminués.» Basés à Curitiba, les Espagnols espèrentréaliserunquadrupléhistorique après les victoires lors des Euro 2008 et 2012 et du Mondial 2010. La sélection ibérique débutera la compétition, le 13 juin, contre les Pays-Bas lors du choc de la poule B.Elle affrontera ensuite le Chili, le18 juin,puis l’Australie,le 23 juin. Si des interrogations planent sur l’état de fraîcheur de plusieurs acteurs de la Roja après cette saison harassante, l’Espagne semble pourtant en position de force. Solidement installée à la première place à l’indice UEFA, elle a hissé cette saison deux clubs en finale de la plus prestigieuse des compétitions continentales et un de ses représentants,le FC Séville, a remporté (0-0) aux tirs au but la LigueEuropa,le14mai,faceau Benfica Lisbonne. Ce retour au premier plan du football ibérique contraste avec l’échec de ses plus illustres ambassadeurs, le Real Madrid et le FC Barcelone, lors des demi-finalesde l’éditionprécédente de la Ligue des champions. p Rémi Dupré sorti Serena Williams dès le premier tour. Dans l’immédiat, Razzano aura fort à faire, lundi 26 mai, face à la Slovaque Dominika Cibulkova. Amandine Hesse n’ayant pas été plus chanceuse face à l’Autrichienne Yvonne Meusburger (6-3/3-6/4-6), la seule à avoir donné satisfaction dimanche est Claire Feuerstein, 124e mondiale, de surcroît face à une supérieure hiérarchique classée 25 rangs au des- susd’elle. Surle courtn˚2,la Grenobloise a pu compter sur le soutien inconditionnel d’un spectateur, vite repéré par la joueuse, et d’un arbitre rigolard pour scander son prénom à chaque temps mort. « Claire ! Claire ! Tous ensemble avec Claire », répétait ce chauffeur de salle, installé derrière la chaise de Feuerstein et au bas de survêtement orange, assorti à la tenue de la joueuse. Par chance, l’adversaire, la Biélorusse Olga Govortsova rappelle par sa silhouette et ses râles Maria Sharapova, mais la comparaison s’arrête là. Ce quidam flanquéd’une moustache, d’une casquette et d’un teeshirtvintageavec les logosdu tournoi dans les années 1980 est-il le président d’un fan-club ? Non, il s’agit de « Vincent, de Lozère », connu des habitués. « Il est comme ça à chaque match, explique l’un d’eux. Il prend un joueur et il l’encourage bruyamment. Au match précédent,c’étaitYouzhny.» L’intéressé n’ignore pas son statut de micro-célébrité. « Tennis Magazine a parlé de moi », s’enorgueillitil. Son critère de choix est le suivant : « J’encourage d’abord les Français. S’il n’y en a pas, je prends le plus connu. Mais s’il y a un trop grand écart, je choisis le plus faible. » Il se devait donc d’accompagner Claire Feuerstein, qui l’a emporté en deux manches (6-1/7-5) et a atteint, à 28 ans, pour la deuxième fois de sa carrière, le deuxième tour à Roland-Garros. Lundi, les regards devraient se tourner vers Nicolas Mahut. S’il se débarrasse du Kazakh Mikhaïl Kukushkin, des retrouvailles émouvantes l’attendent avec son vieil ami John Isner, qui partage avec lui le record de la plus longue partie de l’histoire du tennis. p Bruno Lesprit Toulonveut transformerl’essai Vainqueur de la H Cup, le club varois vise aussi le bouclier de Brennus Rugby A u moment du « breafkfast», dès8heuresdumatin,leprésident Mourad Boudjellal a retrouvé en face de lui «une bonne vingtaine» de ses joueurs. Et «avec le teint plutôt frais, en plus », apprécie-t-il. La veille, samedi 24 mai, les stars du Rugby club toulonnais (RCT) auraient pourtant pu festoyer jusqu’à des heures indues dans les rues de la capitale du Pays de Galles. Intraitables face aux Londoniens des Saracens (23-6), les Varoisontremportépourladeuxième année consécutive la finale de la Coupe d’Europe, dans un Millennium de Cardiff au toit fermé, comme il est d’usage pour les grandes occasions. En 2013, après leur premier sacre européen, la victoire obtenue à Dublin face à Clermont avait donné lieu à des festivités plus intenses. Ce que l’on appelle communément la troisième mi-temps s’était, pourcertains,étiréeenunequatrième, voire une cinquième période : « Il y avait des joueurs qu’on avait perdus jusqu’au surlendemain. D’ailleurs, certains ne se souviennent même plus où ils étaient précisément », confie le dirigeant au Monde. En 2014, rien de tout cela, même si le RCT a pourtant réussi à imiter Leicester (2001-2002) et le Leinster (2011-2012), seules formations à avoir également conservé leur bien d’une année sur l’autre. Car en réalité, pour les Toulonnais, la bataille la plus importante de la saison reste encore à livrer, samedi 31 mai, avec la finale du championnat de France de rugby, à Saint-Denis,faceà Castres.L’anpassé,latêteencoreà leurpremiertitre continental,les Toulonnaisavaient chuté en finale du Top 14 face aux mêmes Castrais (19-14). Pour M. Boudjellal, aux commandesdu RCTdepuis 2006, l’heureestdoncàlamobilisation:«Encore plus que la Coupe d’Europe, le championnat reste notre objectif principal. Ce n’est qu’avec un titre enTop14queleclubrenaîtraitréellement.Dansnotreimaginaire,àTou- «Ce n’est qu’avec un titre en Top 14 que le club renaîtrait réellement» Mourad Boudjellal président du RCT lon,on a tousgrandiavecle bouclier deBrennus.Onatousenviederajeunir et de revivre les moments forts de1987 et 1992 », ajoute l’entrepreneur de 53 ans. Peut-être les plus anciens se souviennent-ils aussi de l’édition 1931, au terme de laquelle le RCT conquit le premier de ses trois sacres nationaux. Vieux de plus d’un siècle, le championnat de France est une madeleine que l’on déguste de génération en génération. Rien à voir avec la Coupe d’Europe de rugby, née en 1995, dans le sillage d’un rugby professionnel encore à ses balbutiements.Nomméjusqu’àcette année H Cup – en référence à un brasseur sponsor de la compétition–, le trophée européenexistera la saison prochaine dans une nouvelle formule et sous une nouvelle appellation, l’European Rugby Champions Cup. Pour l’heure, seul un club français a réussi à empocher la H Cup et le Top 14 la même année : en 1996, leStadetoulousainavaitreçulapremière de ses quatre couronnes continentales,record en la matière. «Cette année, estime M.Boudjellal, un doublé Top 14-HCup représenterait l’accomplissement du travail entrepris depuis quelque temps à Toulon.» Avec 30millions d’euros de budget annuel – environ le double des Saracens –, le RCT compte dans ses rangs nombre de stars. Comme l’Australien Matt Giteau, auteur du premier essai en finale contre les Londoniens, auquel s’est ajouté celuideJuan Smith,ce Sud-Africain quel’ondisaitpourtantperdupour le ballon ovale à cause d’un tendon d’Achille défaillant. Côté toulonnais, tout le reste des points – transformations, drops et pénalités–futl’œuvredeJonnyWilkinson. Monument du rugby, le demid’ouvertureprendrasaretraite samedi 31 mai contre Castres. Et ce à l’âge de 35 ans, qu’il vient de fêter dimanche 25 mai, le plus sobrement qui soit, au lendemain du sacre en H Cup face à ses compatriotes des Saracens. p Adrien Pécout disparitions 23 0123 Mardi 27 mai 2014 Ancien président polonais Wojciech Jaruzelski A gé de 90 ans, le général Wojciech Jaruzelski est mort, dimanche 25 mai, à l’hôpital militairede Varsovie.Hospitalisé à la mi-décembre2012 pour une hémorragie dans les voies respiratoires, il connaissait des ennuis de santé depuis plusieurs années. Un homme se résume-t-il à un acte, si politique,si dramatiquesoit-il, accompliil y a trente-deux ans ? La réponse est oui, dans le cas du général Jaruzelski. Le 13 décembre 1981 est la date emblématique de sa vie, celle par laquelle il est entré dans l’Histoire, celle qui l’a hanté, aussi, jusqu’au seuil de sa mort. Ce 13 décembre, à la tête du Conseil militairede salut national (WRON), le général a proclamé l’« état de guerre » en Pologne, qui ne sera suspendu qu’en juillet 1983. 6 juillet 1923 Naissance à Kurow (Pologne) 1981-1985 Premier ministre 13 décembre 1981 Proclame l’« état de guerre » en Pologne 1985-1989 Président du Conseil d’Etat 1989-1990 Président de la République 25 mai 2014 Mort à Varsovie « Notre terre natale est au bord du gouffre », dit-il alors dans son adresse célèbre aux Polonais, lors d’une allocution à la radio et à la télévision. « Chaos », « désespoir », « démoralisation», « terreur», « vendetta morale » figuraient parmi ses mots choisis, destinés à accuser le syndicat Solidarnosc, qui montait en puissance depuis près de deux ans, de tous les maux du pays. « Combien de temps la main tendue doit-elle rencontrer le poing serré ? », demandait-il d’une voix terne, caché derrière ses lunettes épaisses, pour justifier la loi martiale. Une procédure pénale sommaire est miseen place. Leslibertés de réunion, d’association, de manifestation sont suspendues. Les liaisons téléphoniques sont coupées, les frontières fermées. La police a les pleins pouvoirs. Des milliers d’opposants, parmi les ouvriers, les sympathisants de Solidarnosc et les intellectuels engagés, sont alors incarcérés. Le général Jaruzelski a prétendu pendant plus de trente ans que le 13 décembre avait été un « mal nécessaire ». Il assurait que les troupes soviétiques seraient entrées en Pologne s’il n’avait pas adopté unemesureaussiradicale,face à uneopposition devenue, selon lui, déraisonnable. Malgré les avertissements réels et les rappels à l’ordre formulés à l’époque par Moscou à l’égard de Varsovie, cette analyse a toujours été très contestée, que ce soit par les historiens ou les dirigeants de Solidarnosc. Wojciech Jaruzelski est né le 6 juillet 1923 à Kurow, près de Lublin, dans l’est de la Pologne, au sein d’une famille d’origine aristocratique, catholique et très antirusse. L’adolescent fait ses études chez les jésuites. Avec ses parents, il est déporté en Sibériependantla secondeguerremondia- Le 10 mars 1981, avec Lech Walesa. WITOLD ROZMYSLOWICZ/EPA le.Il doitcouperduboisdans laneige épaisse, sous une lumière aveuglante, qui abîma ses yeux et le poussa par la suite à porter ses fameuses lunettes fumées. Malgré ces épreuves, il va servir la main qui l’a éreinté. « A l’époque, je détestais la Russie. Mais lorsque j’ai découvert le simple Russe, le Sibérien, qui partageaitavec nousun quignonde pain, lorsqueje l’ai vusouffrircomme nous, combattant au front jusqu’au sacrifice, j’ai révisé mon attitude à leur égard», expliquale général dansune interview fleuve, accordée au quotidien Gazeta Wyborcza en 2004. En 1942, Wojciech Jaruzelski s’engage aux côtés de l’Armée rouge, contre les nazis. La carrière militaire de ce serviteur zélé de la cause communiste va s’accélérer après la guerre. Apparatchik en uniforme, il s’élève à chaque crise majeure subie par le régime, démontrant une loyauté sans faille. Il devient le plus jeune général du pays à 33 ans, en 1956, alors que des dizaines de manifestants sont tués à Poznan. En 1967 et 1968, il participe à l’offensive antisémite du pouvoir, menée en raison de l’hostilité du bloc soviétique à la guerre de Six-Jours. Des purges dans l’armée lais- L’indulgencedes anciens adversaires du général « UN HOMME très intelligent» que Dieu seul va juger, a déclaré le dirigeant historique du syndicat Solidarnosc, Lech Walesa, après l’annonce de la mort, dimanche 25mai, du général Jaruzelski. « Sa génération devait faire des choix difficiles. Certains adhéraient à la trahison communiste, d’autres tentaient de s’y opposer de l’intérieur», a-t-il ajouté. «Il connaissait probablement très bien la mentalité soviétique, avait connaissance de leur arsenal de missiles. Il était en droit de penser, comme beaucoup dans le monde, qu’on n’avait aucune chance de s’en sortir», a ajouté l’ex-président polonais et Prix Nobel de la paix. Selon M.Walesa, qui fut l’adversaire le plus coriace qu’ait eu à affronter le général Jaruzelski, celui-ci était, en privé, «un homme très intelligent, plein d’humour». «J’ai perdu quelques batailles contre lui, mais j’ai gagné la guerre pour une Pologne libre. J’ignore tout de ses motivations, je laisse donc le jugement à Dieu», a-t-il conclu. Un autre adversaire de M.Jaruzelski, le dissident Adam Michnik, a estimé, diman- che, que M.Jaruzelski avait choisi, face à la menace d’une intervention russe, «le moindre mal». «Son rôle a été positif, pendant et après la table ronde», a jugé M.Michnik. Un homme « exceptionnel » L’ex-président soviétique Mikhaïl Gorbatchev a salué la mémoire d’un homme «exceptionnel », qui a «beaucoup fait pour la Pologne». «C’était un soldat, il avait combattu le fascisme avec nous et était resté jusqu’au bout fidèle à son choix du socialisme», a ajouté le père de la perestroïka, qui fut à la tête de l’Union soviétique de 1985 jusqu’à son éclatement en 1991. Face à la contestation dans son pays, « il n’a pas permis que l’on en arrive à des extrémités », a souligné M.Gorbatchev. « Nous étions amis, pour avoir partagé des idées et participé à des événements importants. Nous nous sommes souvent rencontrés quand il était président, et quand je l’étais », a-t-il encore déclaré. En 1981, quand le général Jaruzelski a imposé la loi martiale en Pologne face à la montée de la contestation – selon lui pour éviter une invasion soviétique –, Mikhaïl Gorbatchev était membre du Politburo du Comité central du Parti communiste, l’organe dirigeant de l’URSS dont le numéro un était alors Leonid Brejnev. Selon l’ancien président polonais Aleksander Kwasniewski (1995-2005), un ex-communiste et un proche de M.Jaruzelski, celui-ci fut «l’une des figures les plus importantes de l’histoire polonaise des dernières décennies». Le parti social-démocrate SLD a annoncé dimanche avoir adressé une demande au président Bronislaw Komorowski de proclamer un deuil national. Mais une proche collaboratrice du président, Joanna Trzaska-Wieczorek, a laissé entendre que cette demande ne serait pas acceptée. « Un deuil national, comme son nom l’indique, doit toucher le pays tout entier. Il faut donc éviter des initiatives qui risquent d’approfondir les divisions », a-t-elle déclaré. – (avec Agences) p sent des dizaines d’officiers de haut rang sur le carreau. Le général Jaruzelski exprimera plus tard ses regrets, évoquant son devoir d’obéissance envers Wladyslaw Gomulka, le premier secrétaire. En 1970, la répression contre les grévistes à Gdansk et Szczecin fait 45 morts et un millier de blessés, alors qu’il est ministre de la défense. Premier militaire de carrière à prendre la tête du Parti communiste de son pays, en 1981, le général Jaruzelski est alors une figure peu connue des Polonais, même s’il était déjà membre du bureau politique depuis1971. L’instaurationde la loi martiale va le ranger aux yeux des Polonais et dans l’opinion internationale dans la catégoriedesdictateurs.Il sera souventcomparé à Pinochet, un parallèle qui l’irritera au plus haut point par la suite. Patriotisme en bandoulière Figure paradoxale, Wojciech Jaruzelski a été à la fois l’incarnation du régime communiste– premiercomptablede son appareil répressif et des violations des droits de l’homme – et l’un des principaux acteurs de la démocratisation pacifique de la Pologne. Dans le miracle historique que fut la « table ronde », lancée au printemps 1989 entre le pouvoir et l’opposition, autour du syndicat Solidarnosc, le général ne fit pas obstacle. Au contraire, il initia le mouvement, dialoguant et trouvant un compromisavec ceux-làmêmesqu’ilavait auparavant pourchassés et emprisonnés. Preuve que rien n’est simple : l’un des principaux avocats du général Jaruzelski a été par la suite l’ancien dissident Adam Michnik, patron du quotidien Gazeta Wyborcza, scandalisé par les poursuites judiciaires lancées contre lui. Le général Jaruzelski n’a pas été invité à la cérémonie d’investiture de son successeur,Lech Walesa, en décembre1990.Mais cette sortie par la petite porte n’était qu’un préambule. Comme dans tous les pays postcommunistes en transition, la question de la responsabilité morale et pénale des piliers de l’ancien régime s’est posée. Avec plus ou moins de vigueur, en fonction des majorités au pouvoir. Une première enquête parlementaire, conduite entre1991 et 1995, n’a pas abouti. En1996, lamajorité de gauche,ex-communiste, a refusé de passer à la phase pénale, invoquant la « haute nécessité » dans laquelles’était trouvéle généralen décembre1981. Mais en 2006, les frères Kaczynski sont au pouvoir. Ils lancent une « lustration » sévère contre les anciens collaborateursde la police communisteet lescadres de l’ancien régime. C’est alors que l’Institut de la mémoire nationale, organisme très politisé qui gère toutes les archives et les dossiers individuels, accuse le général Jaruzelski d’avoir dirigé une association criminelle, responsable de la loi martiale. Une humiliation juridique et politique insupportable,pourcet homme ayanttoujours porté son patriotisme en bandoulière. Les fronts judiciaires se sont ensuite multipliés contre le général Jaruzelski, l’obligeant à répéter ses excuses, ses regrets, sa vision de l’Histoire, au fil de ses livres et de mille entretiens à la presse internationale. Pour raisons médicales, il a été exempté du procès sur la loi martiale. Nous l’avions rencontré pour la dernière fois en octobre 2011, dans une chambre de l’hôpital militaire de Varsovie. Malgré sa grandefaiblesse générale,il poursuivait sans relâche la plaidoirie de sa vie, pour sonhonneur.Les Polonais,eux, en particulier les nouvelles générations, ne savent plus ou si peu de quelles peinesle communisme fut le nom. L’indifférence est une forme douce de condamnation. p Piotr Smolar 24 0123 carnet Mardi 27 mai 2014 Vescemont. ž# )JÀÊ#¹ yȽ üÀJÊ%½ ?±?Ê#Ì#ʹ½ ™Jö½½JÊ'#½~ FJƹ;Ì#½~ "öJÊAJöëë#½~ ÌJÀöJü#½~ JÊÊö±#À½JöÀ#½ %# ÊJö½½JÊ'#~ JÊÊö±#À½JöÀ#½ %# ÌJÀöJü# .±ö½ %# %?'=½~ À#Ì#À'ö#Ì#ʹ½~ Ì#½½#½~ 'ÈÊ%Èë?JÊ'#½~ ùÈÌÌJü#½~ JÊÊö±#À½JöÀ#½ %# %?'=½~ ½Èµ±#ÊöÀ½ )ÈëëÈõ#½~ 'ÈÊ"?À#Ê'#½~ ½?ÌöÊJöÀ#½~ ¹JFë#½|ÀÈÊ%#½~ ÆÈÀ¹#½|ȵ±#À¹#½~ "ÈÀµÌ½~ òȵÀÊ?#½ %J?¹µ%#½~ 'ÈÊüÀ=½~ ÆÀÈò#'¹öÈʽ|%?FJ¹½~ ÊÈÌöÊJ¹öÈʽ~ J½½#ÌFë?#½ ü?Ê?ÀJë#½ •ȵ¹#ÊJÊ'#½ %# Ì?ÌÈöÀ#~ ¹ù=½#½~ ¨&„~ %ö½¹öÊ'¹öÈʽ~ "?ëö'ö¹J¹öÈʽ ¯ˆÆÈ½ö¹öÈʽ~ ±#ÀÊö½½Jü#½~ ½öüÊJ¹µÀ#½~ %?%ö'J'#½~ ë#'¹µÀ#½~ 'ÈÌ̵Êö'J¹öÈʽ %ö±#À½#½ ¯.%) '.%'T N0R.)3x'N.0 R „e ]W bU bU bU „e ]W bU be `Z Xx)0T',3,%vKNXN'T‡R) AU CARNET DU «MONDE» Décès Mme Hugues Lawton, née Micheline Banzet, Mme Gisèle Peugeot, leurs mères, Philippine Cruse et Alexia Cruse, leurs filles, M. et Mme Jean-Pierre Banzet, M. et Mme Frédéric Banzet, Julie Banzet, Claire Cruse, Jean-Paul Cruse, M. et Mme Pierre Lawton et leurs enfants, leurs frères, belle-sœur, sœurs, neveux et nièces, ont la grande tristesse de faire part des décès de Mme Marie-Noëlle BANZET et de son mari, M. Didier CRUSE, survenus le 15 mai 2014. La cérémonie religieuse aura lieu le mardi 27 mai, à 10 h 30, au Temple protestant, 19, rue Cortambert, Paris 16e, suivie de l’inhumation, dans l’intimité, au cimetière d’Avernes. Versailles. M Françoise Ricalens-Dardier, son épouse, Philippe et Laure, Jean-Marc et Estelle, Anne, ses enfants, Guillaume, Elise Zoé, Celia, Anthéa, Maxime, Diane, Thomas, Emmannuelle et Camille, ses petits-enfants, Les familles Ricalens, Butzbach, Marchand, Leonard, Pourchot, Zucker, McDonald, Crellin, me ont la grande tristesse de faire part du décès de John Edward DARDIER, Wing Commander (RCAF), OMM, survenu a Vescemont, le 22 mai 2014. Réunion au Temple Saint-Jean. Nous invitons les amis et les proches de la famille à se joindre à nous pour le culte d’action de grâce, le mardi 27 mai, à 14 h 30, au Temple protestant, faubourg des Ancêtres, à Belfort, suivi de l’inhumation au cimetière de Giromagny. Une corbeille sera déposée à l’église, dont le profit sera reversé à l’Institut Curie. Le présent avis tient lieu de faire-part et de remerciements. ont la tristesse de faire part du décès de M. Bernard DUPUTEL, survenu le 20 mai 2014. 18 bis, rue Champ Lagarde, 78000 Versailles. ont la tristesse de faire part du décès de leur jeune collègue, Nicolas FERRARI, chef de bureau à la direction générale du Trésor, survenu le 21 mai 2014, à l’âge de trente-cinq ans. Ils s’associent au deuil de sa famille et de ses proches. Une cérémonie religieuse a eu lieu ce lundi 26 mai, à 15 h 45, en l’église Sainte-Thérèse de Rueil-Malmaison. 15, quartier du Mont-Jean, 90200 Vescemont. Audrey-Charlotte Maillochaud, sa compagne et leur fille, Hortense, Denise Debon, sa mère, Catherine, Marie-Ange, Valérie, ses sœurs, Ses beaux-frères et belles-sœurs, neveux et nièces, Ses beaux-parents, ont la douleur de faire part du décès de Une célébration d’adieu aura lieu le 27 mai, à 10 h 30, en l’église Saint-Françoisde-Sales, rue Brémontier, Paris 17e. Mme Nicole Florescu, née Michel, son épouse, Nick, John, Radu et Alexandra, ses enfants, Elle, Alexander, Isabella, Nicholas, Ava, Peter, Théodore, Radu Jr., Matthew, Victor, Wiliam Jr., Ileana et Sophia, ses petits-enfants, Yvonne, sœur bénédictine « sister John the baptist », sa sœur, M. Radu FLORESCU, académie de Roumanie (Diploma Honoris), professeur Emeritus, Boston college, USA. La cérémonie religieuse a été célébrée ce lundi 26 mai 2014, à 14 h 30, en l’église Sainte-Philomène du Cannet, suivie de l’inhumation au cimetière Notre-Dame-des-Anges. Souvenir A l’occasion du second anniversaire de la disparition de Jocelyne BEHREND, architecte D.P.L.G, en vente actuellement K En kiosque Hervé, Lucile et Hadrien Chneiweiss, vous invitent à une pensée émue à son souvenir. Sa lumière et son œuvre nous accompagnent. ont la tristesse d’annoncer le décès de Communications diverses née ROUKHOMOVSKY, Hors-série Les familles Gires, Galeazzi, Brouchon, Parents et alliés, survenu le 23 mai 2014, dans sa centième année font part du décès de et rappellent le souvenir de son mari, Françoise GIRES, Jean SAKAROVITCH, (1907-1979) écrivain, agrégée de Lettres classiques. La cérémonie a eu lieu le samedi 24 mai 2014, à 15 heures, au cimetière paysagé Notre-Dame du Bourg, à Dignesles-Bains. de son frère, Anne Sophie, Alexis et Grégoire Korganow ainsi que leurs enfants, et de son petit-fils, ont la tristesse de faire part du décès de Mme Françoise Marie GUINOISEAU, Sous l’égide de la Fondation pour la recherche médicale, Vaincre ensemble les maladies mentales Benjamin TALMON, (1913-2013), Mathias SAKAROVITCH, (1980-1994). La Fondation pour la recherche en psychiatrie et en santé mentale, reconnue d’utilité publique, lance un 4e appel à projets 2013-2015 L’inhumation aura lieu au cimetière parisien de Bagneux, le mardi 27 mai, à 10 h 45. professeur de Lettres, survenu le 19 mai 2014, dans sa soixante-dix-neuvième année. La cérémonie religieuse a eu lieu samedi 24 mai, à 9 heures, en l’église de Puyricard (Bouches-du-Rhône). Jacques, son époux, Sophie et Nicolas, ses enfants, François et Chantal, son beau-frère et sa belle-sœur, Pauline et Vincent, leurs enfants, Thèmes de recherche • Émergence des troubles mentaux et leur dépistage, • Insertion professionnelle et santé mentale, • Violence et santé mentale, • Handicap psychique. Irmine, Richard et Marina, ses enfants, David, Jonathan, Ilan, Mickaël et Abel, ses petits-fils et arrière-petit-fils, Sa famille Et ses amis, Principes généraux L’objectif de la Fondation est de promouvoir les recherches fondamentales, épidémiologiques et cliniques, sur la santé mentale. ont la douleur d’annoncer que Hélène WILF ont la grande tristesse de faire part du décès de Claude ROBNARD, Henri-Jean DEBON, survenu le 22 mai 2014, à l’âge de quarante-cinq ans. Michel, Jacques et Joël (†), ses fils, Geneviève, Michèle et Régine, ses belles-filles, Brigitte Hauser, sa belle-sœur, Laurent, Julien, Charlotte, Cassia, Judith, Barbara et Benjamin, ses petits-enfants, Diane, Axelle, Aurélien, Léo, Adrien, Mila, Fanny et Gabriel, ses arrière-petits-enfants, Daniel, Miri, Claire et Marc, ses neveux et nièces Et toute la famille, Elisabeth SAKAROVITCH, Avignon. Digne-les-Bains. Ni fleurs ni plaques. ont la tristesse de faire part du décès de Ses enfants, Ses petits-enfants, Sa famille, Ses amis et camarades, Ramon Fernandez, directeur général du Trésor, Et l’ensemble des agents de la direction générale, nous a quittés, pour rejoindre son mari, Max. La cérémonie se déroulera le mardi 27 mai 2014, à 11 heures, au cimetière de Bagneux (Hauts-de-Seine). née THIRION, survenu le 22 mai 2014, à Paris, dans sa quatre-vingtième année. La cérémonie religieuse sera célébrée le mercredi 28 mai, à 10 h 30, en l’église Saint-Martin de Meudon (Hauts-de-Seine), suivie de l’incinération. Cet avis tient lieu de faire-part. Paris. Un juif parmis les hommes. Un soldat volontaire dans les Forces françaises libres. Mme Loubia Simon, son épouse, Francine, Patricia, David et Raphaël, ses enfants, Jacqueline Moncorge, sa sœur, François Mouton, son frère, font part du décès de survenu le 22 mai 2014, à l’âge de quatre-vingt-dix ans. Il ne sera pas envoyé de faire-part, cet avis en tenant lieu. Les dossiers et les dons sont à adresser à : Zoé Logak, secrétaire général, Fondation pour la recherche en psychiatrie et en santé mentale, CH Sainte-Anne, 1, rue Cabanis, 75674 Paris Cedex 14. ont la douleur de faire part du décès de Collections --------------------------------------------------------- Dès mercredi 28 mai, le volume n° 5 COMME UN CRABE, DE CÔTÉ de M. Ledun, illustré par C. Berberian 0123 Vladimir ZILBERFARB, Date limite de dépôt des dossiers prolongée jusqu’au 14 juillet 2014 survenu le 23 mai 2014. Un hommage lui sera rendu le mercredi 28 mai, à 16 h 45, au cimetière de Villebon-sur-Yvette (Essonne), rue de la Plesse. Anniversaire de décès Les obsèques auront lieu le 28 mai, à 15 h 30, au cimetière parisien de Bagneux, 45, avenue Marx Dormoy, Bagneux (Hauts-de-Seine). 7 matières pour réussir votre bac Appel aux dons Pour financer les projets sélectionnés, la Fondation a besoin de recueillir des dons et des legs des particuliers, des associations et des entreprises partenaires, Danielle, son épouse, Sacha et Lise, Jérémie et Iman, ses fils et leurs compagnes, Anna, Rachel et Nahla, ses petites-filles, Sa famille, Ses amis, 14, rue Leperdriel, 91140 Villebon-sur-Yvette. M. André Victor SIMON, Hors-série Il y a vingt ans, disparaissait le docteur Claude FRANCFORT. Nous n’oublions pas. Informations et contact www.psy-fondation.fr ISF : Déduisez 75 % du montant de votre don à la Fondation du patrimoine juif de France, pour préserver, construire et entretenir le patrimoine des communautés juives de France (synagogues, Mikvé, ...). Tél. : 01 49 70 88 02, [email protected] Sous l’égide de la Fondation du judaïsme français. Dès mercredi 28 mai, le volume n° 19 LES ROYAUMES CHRÉTIENS ET LES CROISADES *"&&($'# ),+*!##(%(#$ * ;4<1?295C 59 @ C5:3405C @ d "% !#$&% \ GA1F[fA -"799AWA9N0 \ -66++ \ SJ+SS -11)0 'ACAD 8 #"& 6_J#RK-%', ZA W2)"799A ( X) '4C<6?5 &:92+C!?5 CH *#!(' %5 F649D8D5: ;)!F65 B46C , 946A ?5A A611?2<5:9A , * $' ")&)+%!' (, *#!(' , ?E!;;/A @ ?E(8D9D4: !=4::2A 86 $4:85.-C 5A9C)9N L W7[0 57H1 >7 ! )H X[AH CA 6U8b_+ "& "( #'&%( $!# ) ']>3HA ")9f)[1A ( X271C1A CA X) G7f[@N@ @C[N1[fA CH !#$&% ')1NA ")9f)[1A d ')1NA *XAHA ,[0) R)0NA1f)1C PB d %)NA AN 0[^9)NH1A 7"X[^)N7[1A0 #D5[1A <[9 d 53!.'&4*(4 P7NA. XA0 L CA19[A10 f][;1A0 :^H1)9N )H FA107 CA F7N1A f)1NA d !" ! +- #%'- (' $"!)&,!* *)&''(!#"&$% Actuellement en kiosque le CD-livret n° 21 CHEZ LES YÉ-YÉ Nos services -------------------------------------------------------------Lecteurs K Abonnements P7W d Tél. : 32-89 (0,34 � TTC/min) www.lemonde.fr/abojournal M1@97W d -C1A00A d K Boutique du Monde '7CA 570N)X d 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75013 Paris M° Glacière ou Corvisart Tél. : 01-57-28-29-85 www.lemonde.fr/boutique T7f)X[N@ d #\W)[X d $ V2)ffA5NA CA 1AfAF7[1 CA0 7;1A0 CH !#$&% 7H CA 0A0 5)1NA9)[1A0 O/a O/a POP POP E@X4 d /2,.*("0( # &.(*4 -.'*0"+ +/&*3 !14% &.') ,"* ,.*(4'*$$ $"BA14 B48B3B862::2 %7726@:2 'B+B=182 #5 %492C,)142 ; 16B 414 *1?92 "6H :299C2A ; #17B4"9B32 (1::2=9B32 '/,.9 =)2G :2 +"C8B24>"==62B: *!9F #5 &A=":B2C #5 '/,.9 A,/=B-E62 :2 022<D248 GO'a!E! !%aEIa'# %/ ROP%# G- \ =+b *O/T#,-I% -/c/GE#\*T-PK/a \ U`+6L M-IaG \ _LL =86 =`+ I'G M)1[0 \ ')5[N)X CA 8_ S6+ L_=bU+!4 O;1A 1@0A1F@A )HD 97HFA)HD )"799@0 AN F)X)"XA A9 e1)9fA W@N1757X[N)[9A ZH03H2)H L6Q6JQJ+6_4 #9 )55X[f)N[79 CA0 )1N[fXA0 L=b L8 AN _+ CA X) X7[ a9<71W)N[3HA AN T["A1N@0 CH S Z)9F[A1 68U=b F7H0 C[0570A. C2H9 C17[N C2)ff>0b CA 1AfN[:f)N[79 AN CA 1)C[)N[79 CA0 [9<71W)N[790 F7H0 f79fA19)9N A9 F7H0 )C1A00)9N ( 97N1A 0[>^A4 M)1 97N1A [9NA1W@C[)[1Ab fA0 C799@A0 57H11)[A9N ?N1A0 f7WWH9[3H@A0 ( CA0 N[A10b 0)H< 0[ F7H0 f7f]A. X) f)0A f[\f79N1A4 &M1[D CA FA9NA A9 Y[703HA4 &&G7H0 1@0A1FA CA X) 5700["[X[N@ 57H1 970 571NAH10 CA 0A1F[1 F7N1A )C1A00A4 K Le Carnet du Monde Tél. : 01-57-28-28-28 Professionnels K Service des ventes Tél. : 0-805-05-01-47 0123 météo & jeux Mardi 27 mai 2014 0 à 5° -5 à 0° 5 à 10° Lille 5 102 13 16 50 km/h 12 15 30 km/h 11 18 PARIS 10 16 Rennes 1005 12 19 12 17 Dijon Poitiers D 9 18 7 17 0 12 101 19 A 11 18 9 19 Nice Marseille 12 23 15 21 14 24 Températures à l’aube 1 22 l’après-midi Augustin Coeff. de marée 82 Aujourd’hui Un temps instable et souvent dominé par les nuages l'emportera sur un bon quart Nord-Est avec quelques averses éparses, pouvant localement prendre un caractère orageux l'après-midi. Ces averses seront plus rares en allant vers la la moitié Ouest où de belles éclaircies reviendront par le littoral en journée. Enfin, le soleil brillera plus facilement autour de la Méditerranée avec du vent fort sur les côtes, jusqu'à 70 km/h. Températures oscillant de 15 à 25 degrés de la Manche au Gard. Jours suivants Jeudi Nord-Ouest Ile-de-France Nord-Est Sud-Ouest Sud-Est 12 21 Lever 05h17 Coucher 20h18 Lever 05h54 Coucher 21h40 A Anticyclone D Front froid Occlusion Thalweg 1005 Bucarest Istanbul Athènes Beyrouth Tripoli Tripoli Le Caire Mercredi 11 18 9 16 10 19 9 19 11 20 8 18 9 19 9 20 9 19 10 21 pluiemodérée 14 bienensoleillé 21 assezensoleillé 16 soleil,oragepossible 18 aversesorageuses 14 averseséparses 12 averseséparses 13 pluiesorageuses 17 soleil,oragepossible 17 bienensoleillé 13 assezensoleillé 7 averseséparses 11 enpartieensoleillé 7 bienensoleillé 18 soleil,oragepossible 17 18 beautemps 12 assezensoleillé soleil,oragepossible 13 9 pluiemodérée 11 averseséparses enpartieensoleillé 11 soleil,oragepossible 16 23 bienensoleillé 8 bienensoleillé pluiesorageuses 14 8 averseséparses 16 26 21 25 21 17 17 25 29 17 15 14 11 22 31 19 20 22 12 18 24 26 29 17 20 10 Riga Rome Sofia Stockholm Tallin Tirana Varsovie Vienne Vilnius Zagreb assezensoleillé beautemps pluiesorageuses bienensoleillé enpartieensoleillé bienensoleillé soleil,oragepossible soleil,oragepossible averseséparses soleil,oragepossible 8 16 13 7 7 18 17 15 13 13 13 21 26 11 9 25 28 25 24 23 Alger assezensoleillé Amman beautemps Bangkok soleil,oragepossible Beyrouth bienensoleillé Brasilia pluiesorageuses Buenos Aires bienensoleillé Dakar bienensoleillé Djakarta soleil,oragepossible Dubai beautemps Hongkong soleil,oragepossible Jérusalem beautemps Kinshasa beautemps Le Caire bienensoleillé Mexico pluiesorageuses Montréal averseséparses Nairobi pluiesorageuses 12 17 30 24 17 7 23 28 32 27 18 22 25 16 14 15 23 31 37 29 26 17 23 31 39 29 30 34 41 25 17 24 Dans le monde Jérusalem New Delhi beautemps pluiesorageuses New York beautemps Pékin beautemps Pretoria bienensoleillé Rabat Rio de Janeiro assezensoleillé beautemps Séoul Singapour soleil,oragepossible assezensoleillé Sydney bienensoleillé Téhéran averseséparses Tokyo assezensoleillé Tunis Washington pluiesorageuses Wellington bienensoleillé Outremer Cayenne Fort-de-Fr. Nouméa Papeete Pte-à-Pitre St-Denis pluiesorageuses pluiesorageuses assezensoleillé soleil,oragepossible pluiesorageuses bienensoleillé 30 43 18 24 22 33 8 21 15 22 22 24 12 25 27 33 16 24 20 31 19 25 18 24 19 29 9 13 25 27 18 26 26 21 31 28 26 27 28 25 Météorologue en direct au 0899 700 713 1,34 € l’appel + 0,34 € la minute 7 jours/7 de 6h30-18h Vendredi Samedi 11 21 9 19 12 20 12 21 12 21 12 19 11 20 11 22 11 20 12 21 10 20 “Connaître les religions pour comprendre le monde” 14 26 15 26 15 26 CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX Motscroisés n˚14-124 3 Odessa Ankara Dépression 9 20 2 D Sofia 101 5 Tunis Tunis Alger Front chaud Amsterdam Athènes Barcelone Belgrade Berlin Berne Bruxelles Budapest Bucarest Copenhague Dublin Edimbourg Helsinki Istanbul Kiev La Valette Lisbonne Ljubljana Londres Luxembourg Madrid Moscou Nicosie Oslo Prague Reykjavik Les jeux 1 Rome Rabat En Europe Ajaccio 60 km/h Budapest Zagreb Belgrade Kiev UKRAINE FORTES CHALEURS SUR LE PAYS : 31 DEGRÉS À KIEV Perpignan 12 22 Munich Vienne Madrid 1030 10 17 9 19 Montpellier A J Minsk Milan Séville Grenoble Toulouse Moscou Lisbonne Lisbonne Bordeaux Biarritz Berne Barcelone Barcelone 1025 Riga Bruxelles Paris 1020 6 12 Lyon D St-Pétersbourg Amsterdam Berlin Varsovie 0 101Prague Londres 5 101 Chamonix T Clermont-Ferrand Helsinki 1015 Dublin 11 18 9 18 1030 1020 Copenhague Edimbourg Strasbourg 5 101 20 13 1010 Besançon 8 18 4 5 6 7 z Découvre notre nouvelle formule 9 Solution du n˚14-123 TF 1 10 1 1 12 Série. Episodes 3 et 4 (S1, ép. 3 et 4/6, inédit) U. 23.00 New York unité spéciale. Série. Sans identité (saison 14, 24/24, inédit) V ; Au secours d’Olivia (saison 15, 1/24, inédit) V ; Indélébile (saison 8, 7/22). Avec Danny Pino V. 1.30 Au Field de la nuit. Avec Jean-Pierre Guéno, André Loez... (70 min). II III FRANCE 2 IV 20.47 Rizzoli & Isles. V Série. La Mort au petit déjeuner (saison 3, 11/15, inédit) ; Alerte enlèvement (saison 2, 4/15) U ; Rancœur de consœur (saison 3, 2/15) U. 23.00 Mots croisés. Débat. 0.30 Bouge pas, meurs, ressuscite p Film Vitali Kanevsky. Avec Dinara Drukarova, Pavel Nazarov (Russie, 1989, N., 100 min). VI VII VIII FRANCE 3 IX Solution du n° 14 - 123 Horizontalement I. Introduction. II. Mérite. Régna. III. Puisatier. An. IV. Ove. Sagement. V. Rang. RN. En. VI. Tinettes. VII. Anar. Réarma. VIII. Belote. Liège. IX. Emeutières. X. Enserrassent. 20.45 Histoire immédiate. Les Français du Jour J. Documentaire (2014). 22.15 Météo, Grand Soir 3. 23.20 La Case de l’oncle Doc. La Corse libérée. L’Epopée du « Casabianca ». 1942 - 1943. Documentaire (Fr., 2014, 55 min). Loto X Horizontalement Lundi 26mai 20.55 Résistance. I I. Vont certainement remporter le marché. II. Développés pour faire preuve. Accord de la France d’en bas. III. Vous attend pour faire des tours en voiture. Protection rapprochée. IV. Mises en vente. Instrument à corde. V. En Valachie. A passer au premier frisson. VI. Ferme la maison. Région de l’Asie Mineure. VII. En Virginie ou en Egypte. VIII. Patrie de Constantin le Grand. Permet une bonne assise. Assure la réunion. IX. Bases de départs. Comme un vers où riment les hémistiches. X. La confiance ne règne pas chez elles. e n’ai vu aucun des films récompensés à Cannes, mais, à constater l’atmosphère atone de la cérémonie de clôture du Festival, au cours de laquelle le palmarès était livré, samedi 24 mai à 18h 55 sur Canal+, j’ai eu l’impression que le compte n’y était pas. La salle, comme à l’ouverture de la manifestation, le 14mai, était un peu endormie et, à part la longue ovation saluant le président sortant Gilles Jacob (après trente-huit ans passés aux commandes du Festival de Cannes, comme délégué général de 1977 à 2001 et, depuis, à sa présidence), elle ne fut guère habitée par la passion. Lointaines sont ces éditions controversées où l’on entendait des protestations ou des insultes dans le public et où l’on voyait un Maurice Pialat adresser un bras d’honneur à ceux qui le contestaient dans les rangs… Lambert Wilson, maître de cérémonie, a réendossé ce rôle de British stylé et pincé qui lui colle à la peau et que ce genre d’exercice rend plus caricatural encore. Mais il faut reconnaître que, dans le genre, il est parfait et sait passer les plats comme le meilleur des hôtes. Il aura prononcé les noms avec l’accent idoine, donné le bras à une Sophia Loren comme momifiée et feint de ne pas remarquer l’absence de Julianne Moore, qui n’a pas jugé bon de monter dans un jet privé pour retraverser l’Atlantique et recevoir en main propre le Prix d’interprétation féminine. Ça manquait d’ailleurs de vedettes au premier rang, cette cérémonie de clôture à l’atmosphère funèbre… Comparé à l’affectation de Wil- Les soirées télé Sudoku n˚14-124 8 «Mommy» et momies Reykjavik 0 102 Metz p a r R ena ud Ma cha r t A D 1025 12 17 Nantes 30 km/h 27.05.2014 12h TU 20 10 Verticalement 1. Auront du mal à lire Le Monde. 2. Balcon clos. Colin à l’étal. 3. Met la France à l’échelle. Doivent être soutenues et défendues. 4. Lourdement chargés. Ouverture sportive. 5. Brefs échanges d’aujourd’hui. Fis l’innocent. 6. Article. Arrose Soissons. 7. En région Centre. Surréaliste. 8. Dans les décors. Dans la Mayenne. 9. Enzyme. Anglais après le mariage d’Aliénor et d’Henri. 10. La chevelue était libre. Points. 11. Donné pour être suivi. Mesure. Compagnie en réduction. 12. Fixerons solidement. Philippe Dupuis Verticalement 1. Importable. 2. Neuvaine. 3. Triennales. 4. Ris. Géromé. 5. Otas. Ter. 6. Détartreur. 7. Ignée. Ta. 8. Crée. Salis. 9. Terme. Ries. 10. Ig. Enumère. 11. Onan. Agen. 12. Nantie. Est. Résultats du tirage du samedi 24 mai. 17, 18, 24, 39, 40 ; numéro chance : 1. CANAL + Rapports : 5 bons numéros et numéro chance : pas de gagnant ; 5 bons numéros : 103 501,40 ¤ ; 4 bons numéros : 1 492,40 ¤ ; 3 bons numéros : 12,20 ¤ ; 2 bons numéros : 5,50 ¤. Numéro chance : grilles à 2 ¤ remboursées. 20.55 Vikings. Série. Les Liens du sang. L’Impossible Pardon (S2, 5 et 6/10, inédit) V. Avec Travis Fimmel. 22.30 Spécial investigation. Manif pour tous : l’assaut du pouvoir. Magazine. 23.25 L’Œil de Links. Magazine (25 min). FRANCE 5 Joker : 2 220 763. 20.35 Chateaubriand. 0123 est édité par la Société éditrice du « Monde » SA Durée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70¤. Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS). Rédaction 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75707Paris Cedex 13 Tél.: 01-57-28-20-00 Abonnements par téléphone: de France 32-89 (0,34 ¤ TTC/min); de l’étranger: (33) 1-76-26-32-89; par courrier électronique: [email protected]. Tarif 1 an : France métropolitaine : 399 ¤ Courrier des lecteurs: blog: http://mediateur.blog.lemonde.fr/; Parcourrier électronique: [email protected] Médiateur: [email protected] Internet: site d’information: www.lemonde.fr ; Finances : http://finance.lemonde.fr; Emploi : www.talents.fr/ Immobilier: http://immo.lemonde.fr Documentation: http ://archives.lemonde.fr Collection: Le Monde sur CD-ROM : CEDROM-SNI 01-44-82-66-40 Le Mondesur microfilms: 03-88-04-28-60 La reproduction de tout article est interdite sans l’accord de l’administration. Commission paritaire des publications et agences de presse n° 0717 C 81975 ISSN 0395-2037 Imprimerie du « Monde » 12, rue Maurice-Gunsbourg, 94852 Ivry cedex Président : Louis Dreyfus Directrice générale : Corinne Mrejen PRINTED IN FRANCE 80, bd Auguste-Blanqui, 75707 PARIS CEDEX 13 Tél : 01-57-28-39-00 Fax : 01-57-28-39-26 25 C’EST À VOIR | CHRONIQUE > 40° 1035 Oslo Stockholm Orléans 9 18 35 à 40° www.meteonews.fr 14 18 Limoges 30 à 35° Châlonsen-champagne 12 16 50 km/h 25 à 30° 11 17 Caen 8 17 20 à 25° Amiens Rouen Brest 15 à 20° En Europe Mardi 27 mai Persistance de l’instabilité Cherbourg 10 à 15° 1010 < -5° écrans Toulouse (Occitane Imprimerie) Montpellier (« Midi Libre ») Téléfilm. Pierre Aknine. Avec Frédéric Diefenthal, Armelle Deutsch, Aurélia Petit (France, 2009). 22.35 C dans l’air. Magazine. 23.55 Entrée libre. Magazine (20 min). ARTE 20.50 Le Pigeon pp Film Mario Monicelli. Avec Vittorio Gassman, Claudia Cardinale, Carla Gravina (It., 1958, N.). 22.35 Divorce à l’italienne p Film Pietro Germi. Avec Marcello Mastroianni, Daniela Rocca (Italie, 1962, N., v.o.). 0.15 La Lucarne - Le Ciel d’Andrea. Documentaire. Natacha Nisic (France, 60 min). M6 20.50 L’amour est dans le pré : que sont-ils devenus ? Télé-réalité. 0.50 Nouveau look pour une nouvelle vie. Virginie et Simon (70 min). son, le naturel de la présidente du jury, la réalisatrice néo-zélandaise Jane Campion, en robe-sac et sandales, n’en paraissait que plus décalé et rafraîchissant: elle se trompait dans les noms ou leur prononciation, oubliait son micro sur sa chaise et manifestait un manque d’aisance sympathique et touchant. Après que Xavier Dolan eut reçu, ex aequo avec Jean-Luc Godard, le Prix du jury (prix de consolation ou prix de la chèvre et du chou) pour son film Mommy et qu’il eut dit à Jane Campion que sa Leçon de piano (Palme d’or 1993) avait été l’élément déclencheur de sa carrière de cinéaste, la présiden- Ça manquait de vedettes au premier rang te s’est sans façon dirigée vers lui pour l’étreindre. (Lors de la conférence de presse au cours de laquelle le jury explicitait ses choix, Campion dit ensuite qu’elle trouvait du génie à ce très jeune cinéaste canadien.) Après la cérémonie, Dolan a annoncé vouloir faire une pause: trop de travail, trop de pression, et l’envie d’«être avec des gens de [son] âge…». Une manière de dire, à travers l’amertume perceptible de ses propos, que tout ce monde du cinéma était régi par des « vieux» ? Cette petite phrase de Marie-Laure de Noailles le consolera peut-être: « La jeunesse, c’est ce qui sera toujours là quand nous serons morts.» p Mardi 27mai TF 1 20.50 Football. Match de préparation à la Coupe du monde 2014 : France - Norvège. En direct du Stade de France, à La Plaine Saint-Denis. 23.05 Unforgettable. Série. Retour de flammes. Les Traces du passé (saison 1, 4 et 7/22) U ; Jeu de mémoire. En toute diplomatie (S2, 4 et 6/13) U (190 min). FRANCE 2 20.47 Qui sera le prochain grand pâtissier ? Episode 2. Télé-réalité (S2). 23.15 Infrarouge. Ils ont débarqué en Normandie. 0.15 25 août 1944, Maillé : un crime sans assassin (80 min). FRANCE 3 20.45 La Danse de l’albatros. Téléfilm. Nathan Miller. Avec Pierre Arditi, Stéphanie Crayencour (France, 2012). 22.10 Météo, Grand Soir 3. 23.15 Les Carnets de Julie. L’Ile de Noirmoutier, en Vendée. Magazine. 0.10 Libre court. Spécial Georges Méliès, le premier magicien du cinéma (30 min). CANAL + 20.55 Quartet p Film Dustin Hoffman. Avec Maggie Smith, Tom Courtenay, Billy Connolly (GB, 2012, audio.). 22.30 The Square p Film Jehane Noujaim (Eg., 2013, v.o.) V. 0.15 David et Madame Hansen p Film Alexandre Astier (France, 2012, 90 min). FRANCE 5 20.35 Le Monde en face. Quand les entreprises jouent à cache cash. 21.30 Débat. 21.45 La Guerre des graines. 22.35 C dans l’air. Magazine. 23.50 Entrée libre. Magazine (20 min). ARTE 20.50 Tous allergiques ? Documentaire. Patrizia Marani (Coprod., 2014). 22.10 Spécial élections européennes. En direct de Bruxelles. Débat. 23.05 Oui mais non ! Le Compromis à la Belge. Documentaire. 0.05 Les Enquêtes du commissaire Winter. Série (saison 1, 1 et 2/8, 120 min). M6 20.50 Cauchemar en cuisine. Télé-réalité. Chalèze. Chilly-Mazarin. Fontvieille. 1.35 Damages. Série. Paix sur la terre. L’Effet d’une bombe (S4, 4 et 5/10, 95 min) U. 26 dossier 0123 Mardi 27 mai 2014 Augustin Landier, professeur à l’Ecole d’économie de Toulouse, a été distingué par «Le Monde» et le Cercle des économistes, en partenariat avec le Sénat. Ses travaux sur l’entreprise, comme ceux des autres économistes nominés, renvoient aux débats français actuels Prix du meilleur jeune économiste 2014 Augustin Landier, lauréat de l’édition 2014. FRANCK FERVILLE/AGENCE VU POUR « LE MONDE » L e Prix du meilleur jeune économiste, décerné par le Cercle des économistes et Le Monde, en partenariat avec le Sénat, vise à distinguerl’excellenceacadémique, la capacité d’innovation et la participation au débat public. Concrètement,seslauréatsont,chaqueannée,bénéficié d’un élargissement immédiatement sensible de leur notoriété auprès des médias et des autorités publiques. Leurs analyses novatrices ont vu leur diffusion s’élargir et des occasions nouvelles d’influence s’ouvrir. En cette année 2014, marquée par le succès intellectuel international du livre Le Capital au XXIe siècle (éd. Seuil, 2013) de Thomas Piketty (lauréat en 2002), le jury, présidé par Jean-Michel Charpin, a reçu trente-quatre candidatures émanant de collègues de moins de 40 ans exerçant dans les meilleurs centres de recherche, tant en France qu’à l’étranger. Il a organisé la sélection sur la base de deux rapports parcandidat,rédigéspartous lesmembres du Cercle des économistes. Le lauréat du prix 2014, Augustin Landier, professeur à l’Ecole d’économie de Toulouse, concentre ses recherches sur les contrats financiers des entreprises, avec un accent sur leurs propriétés incitatives. Il a enseigné auparavant à Princeton, à l’université de New York (NYU) et à Chicago. Le Cercle des économistes et Le Monde l’avaient déjà distingué par une nomination il y a deux ans. La qualité de sa produc- POUR LA PREMIÈRE FOIS DEPUIS DIX ANS, TOUS LES ÉCONOMISTES DISTINGUÉS EXERCENT LEUR ACTIVITÉ EN FRANCE tion académique le place à un haut niveau international. Il occupe par ailleurs une place majeure dans le débat économique français, par ses articles, chroniques et ouvrages, souvent écrits avec David Thesmar (lauréat en 2007). Ses travaux sont souvent dérangeants, voire controversés: au sein même du Cercle des économistes, leursconclusionssont loinde fairel’unanimité, mais elles sont toujours documentées et rigoureuses. Attachés à la diversité des approches, le CercledeséconomistesetLe Mondeontdistingué par trois nominations des économistes plus éloignés de l’analyse théorique que le lauréat, mais en revanche proches de la vie économique. AntoineBozio dirige l’Institutdes politiques publiques de l’Ecole d’économie de Paris. C’est un spécialiste de l’évaluation des politiques publiques, qu’il a pratiquée enFrance et auRoyaume-Uni,notamment sur des sujets sociaux. Il est un expert reconnu et très actif dans le débat public sur la question des retraites. Matthieu Bussière travaille à la Banque de France, après avoir passé huit ans comme économiste à la Banque centrale européenne. Ses recherches portent sur les crises financières et le rôle des taux de change. Elise Huillery enseigne à Sciences Po et appartient au Abdul Latif Jameel Poverty Action Lab (J-PAL) du Massachusetts Institute of Technology, fondé et dirigé par Esther Duflo (lauréate en 2005). Ses tra- vauxportentsurl’économiedudéveloppement. Ses recherches sur les conséquences à long terme de la colonisation en Afrique del’Ouestfont référence,et elle a mené des évaluations empiriques dans plusieurs pays africains (Cameroun, Congo, Niger…). Pour la première fois depuis dix ans, tous les économistes distingués exercent actuellement leur activité en France. Pourtant,rarementlepalmarèsaurarécompensé des économistes aux trajectoires aussi internationales. C’est une preuve supplémentaire de la reconnaissance internationale des jeunes économistes français et de la richesse des relations entre la recherche françaiseenéconomieetlesmeilleuresinstitutions étrangères. p Le Cercle des économistes Un prix créé par « Le Monde » et le Cercle des économistes Le Prix du meilleur jeune économiste, créé en 2000, est destiné à valoriser les travaux – thèse ou article publié – d’un(e) chercheur (euse) âgé(e) de moins de 40 ans. Les économistes représentant le monde universitaire et les grandes écoles peuvent concourir à ce prix, destiné à couronner des travaux portant sur l’économie appliquée en prise avec le réel et participant aux débats d’actualité. Chaque membre du Cercle sélec- tionne cinq candidats, sur dossier comprenant une liste de travaux et deux textes représentatifs. Dix d’entre eux sont retenus, parmi lesquels sont choisis les finalistes. Enfin, un jury composé de membres du Cercle et de la rédaction du « Monde Eco & entreprise» désigne le lauréat et les nominés. Le lauréat 2013 était Emmanuel Farhi. Le Cercle des économistes, créé en 1992, est présidé par JeanHervé Lorenzi. 0123 dossier Mardi 27 mai 2014 27 AugustinLandier:«Ouvrirlaboîtenoiredel’entreprise» Pour le lauréat 2014, «le rôle d’un économiste n’est pas de prendre parti pour telle ou telle thèse», mais de s’appuyer sur l’étude des données, «même si c’est très éloigné de ce que l’on dit dans le débat public» Entretien A graphiquement éloigné du siège social est…parfaitement exacte! Le rôle d’un économisten’estpasdeprendrepartipourtelle ou telle thèse, mais de révéler ce que les données indiquent, même si c’est très éloigné de ce que l’on dit dans le débat public. ugustin Landier, 39 ans, est professeur à l’Ecole d’économie de Toulouse. Vous avez fait de l’entreprise le principal objet de vos recherches. Pourquoi ? Je cherche à comprendre comment sont prises les décisions, pourquoi tel projet d’investissement est choisi plutôt qu’un autre, comment les financements sont obtenus… Je fais ce que l’on appelle de la « financed’entreprise». De plusenplus, on a accès à de grandes quantités de données sur le comportement des entreprises, grâceà lanumérisationdes documentscomptables et grâce aux réglementations mettant à la disposition des investisseurs des informations détaillées, et non plus seulement consolidées. Travailler sur ces données permet d’ouvrir la « boîte noire» des entreprises et de dépasser les représentations qui prévalent dans ces domaines. Par exemple ? La rémunération des dirigeants d’entreprise est, dans l’opinion publique, réputée obéir aux seules lois de la cupidité ou du copinage. Nous avons pu constater, à partir des données disponibles, que leur hausse et leur dispersion s’expliquent bien par la taille de l’entreprise. L’augmentation de cettedernièreexpliquelahaussedesrémunérations: les enjeux financierssont beaucoup plus importants qu’autrefois, les investisseurs sont donc prêts à payer plus pour avoir un dirigeant qu’ils jugent plus « compétent». Il y a donc bien des forces de marché qui s’expriment dans la fixation du salaire des patrons. Mais n’y a-t-il pas aussi des facteurs sociaux, psychologiques… ? Bien entendu, mais ce n’est pas contradictoire. L’ensemble de ces phénomènes participe à la fixation d’un « prix d’équilibre» sur le marché des dirigeants. On peut aussi tirer d’autres leçons de l’étude des donnéesd’entreprise,notammentsurl’impact de la gouvernance. Par exemple, nous avons pu vérifier, en étudiant les trajectoires professionnelles des managers, que la performance des entreprises est meilleure quand un dirigeant nouvellement nommé, au lieu de s’entourer des personnes qu’ila puconnaîtredanssesfonctionsantérieures, accepte l’existence de contre-pouvoirs détenus par des personnes extérieures à son « cercle » personnel. Nous avons aussi montré que l’idée, communément admise dans les entreprises, que l’on a d’autant plus de chances d’être victime d’unplandelicenciementsquel’onestgéo- Vous aviez aussi écrit, avec David Thesmar, en juillet 2007, un article resté célèbre, car il était titré « Le mégakrach n’aura pas lieu », un an avant le krach de 2008… LARÉMUNÉRATION DES DIRIGEANTS D’ENTREPRISE EST, DANS L’OPINION PUBLIQUE, RÉPUTÉE OBÉIR AUX SEULES LOIS DE LA CUPIDITÉ OU DU COPINAGE J’assumetotalementcet article, mêmesi le titre est mal choisi. Nous y décrivions la mécanique d’une spirale baissière due aux subprimes et jugions peu probable que les banques soient fortement déstabilisées. Cela s’est révélé inexact, mais reflétait les données dont nous disposions alors. Comme beaucoup, nous avions cru que la titrisation avait limité l’exposition des banques au risque immobilier. Depuis, on a beaucoupplusde donnéessur cessujets, et nos recherches ont d’ailleurs porté sur les vulnérabilités du système bancaire. Plus que de faire des prophéties, notre rôle est d’attirer l’attention sur certains mécanismesetd’analyseraumieuxles donnéesdisponibles, donc plus souvent sur le passé que sur le présent. Sans doute avons-nous aussi surestimé la rationalité des gestionnaires du risque au sein des banques… Sans doute mon engagement européen, puisque j’ai effectué une grande partie de mon parcours universitaire et professionnel à l’étranger. Par ailleurs, je suis très attaché au service public, pour lequel la coopération internationale est devenue cruciale. J’ai donc toujours eu à cœur de lier mes activités de recherche aux questions de politique économique au sein d’institutions publiques. Comment vous êtes-vous intéressé à la recherche économique ? C’est un mélange de circonstances, de rencontres et de choix personnels. Lorsque j’étais à Sciences Po, en 1993, la crise du Système monétaire européen s’est ouverte et semblait mystérieuse. Souhaitant voyager et me spécialiser en économie, je suis parti à Cambridge faire un master d’économie. J’ai prolongé cette expérience passionnante par un séjour en Allemagne, à Heidelberg, puis par un stage au Fonds monétaire international, à Washington, à l’issue duquel on m’a proposé de rester un an. Et là, j’ai travaillé sur la crise asiatique, qui venait d’éclater. Je me suis rendu compte que la recherche était indispensable pour répondre aux crises, en s’intéressant à leurs causes profondes et en aidant à la prise de décision… Cela m’a amené à passer un doctorat (PhD) à l’Institut universitaire européen de Florence. Par la suite, j’ai rejoint la Banque centrale européenne, de 2002 à Vous n’avez pas été tenté par le privé ? Après avoir enseigné à l’université de Chicago, puis à la New York University, j’ai fait un peu de gestion d’actifs à New York, en pleine crise financière : je ne me suis guèreenrichi, mais j’ai appris beaucoup de choses sur les « anomalies de marché». Et vous êtes revenu en France… Oui, ce retour était naturel : je me sens plus concerné par le débat public français et ses névroses que par le débat américain. Les failles de rationalité sont nos sujets préférés. Par exemple, à partir de données de l’Insee sur les prévisions d’embauche des créateurs d’entreprise, nous avons pu montrer que l’optimisme excessif des entrepreneurs influe sur leur choix d’un modedefinancement.De même,alors que la rationalité économique exigerait qu’une entreprise applique un taux d’actualisation différent selon chaque projet d’investissement, elles appliquent souvent un et un seul taux, ce qui crée inévitablement des distorsions de choix. Pourquoi avez-vous choisi la recherche en économie ? Jeune matheux à l’Ecole normale supérieure, je voulais faire quelque chose de plus proche de la réalité économique: aller en entrepriseou dans la haute administration ? Les cours de Daniel Cohen ont été décisifs, tant il sait réconcilier les maths et l’histoire, la science et la réalité sociale. En 1993-1994, il y avait des débats intenses entre étudiants sur le chômage, les 35 heures… Ça me passionnait. J’ai donc choisi l’économie. Puis je suis parti au Massachusetts Institute of Technology. J’y ai vu que l’économie était une discipline très ouver- 2009, avant de revenir à Paris travailler à la Banque de France. On ne peut pas anticiper le choc qui va déclencher une crise: personne ne peut, par exemple, donner la date précise du jour où la confiance va s’évanouir. Mais on peut repérer les fissures, les fragilités. Dans le domaine de la macroéconomie internationale, un déficit de la balance des paiements courants peut être parfaitement justifié – par exemple si un pays est en phase d’investissement. Encore faut-il savoir de quel type d’investissement il s’agit et comment il est financé : s’agit-il d’investissements directs à long terme, ou bien de capitaux flottants qui peuvent repartir au moindre accident? Quel type de diagnostic a pu apporter votre recherche ? En 2009, le commerce international s’est effondré de façon inexpliquée, bien davantage que la production mondiale. Beaucoup se sont inquiétés: était-ce l’effet d’une montée du protectionnisme, ou d’un assèchement du préfinancement des exportations? En fait, cette chute s’explique principalement par le gel des investissements privés provoqué par la crise financière: les biens et services investis par les entreprises contiennent beaucoup d’importations, la chute de l’investissement entraîne celle du commerce. p Propos recueillis par Adrien de Tricornot ¶ Nominé 40 ans Directeur adjoint à la direction des études et des relations internationales et européennes de la Banque de France « JE N’AI JAMAIS ÉTÉ TENTÉ DE VERSER DANS LA PURE ABSTRACTION MATHÉMATIQUE » Paradoxalement, là où un prof américain peut se comporter en fonctionnaire une fois sa « tenure » [poste permanent] obtenue, il faut, pour être chercheur en France, une mentalité d’entrepreneur. L’autonomie des universités, les bourses de l’European Research Council (ERC) et les partenariats avec le privé permettent le développement d’institutions comme l’écoled’économiede Toulouse. La gamme des partenariats possibles s’est élargie, même si le monde académique et le « business » se mélangent moins ici que sur les campus américains. p Propos recueillis par Philippe Escande et Antoine Reverchon Spécialiste de l’évaluation des politiques publiques, vous analysez les réformes des retraites depuis celle de Balladur, mise en place en 1993. Que démontrent vos travaux ? ¶ Nominé 36 ans Directeur de l’Institut des politiques publiques de l’Ecole d’économie de Paris Ils ont mis en évidence les changements de comportement des salariés, provoqués par les modifications de la législation. L’augmentation progressive de la durée d’assurance introduite par la loi, en 1993, a incité les salariés à reporter effectivement leur départ en retraite. Cette réforme n’avait touché qu’une minorité de salariés, mais ceux qui l’ont été ont réagi de façon significative, en restant en emploi tant qu’ils n’avaient pas atteint l’âge du taux plein. La décote était alors très forte, 10 % par trimestre manquant, contre 5 % avec la réforme de 2003. Les réformes de 2010 et de 2013, qui avaient pour objet d’équilibrer les comptes, ont aussi reculé l’âge de départ en retraite. Ces réformes sont-elles à même de pérenniser le système par répartition ? Oui et non. Oui, car retarder l’âge effectif de départ est une bonne stratégie pour équilibrer les comptes des régimes de retraite. L’impact du report d’âge légal de la retraite, avec la réforme de 2010, a eu un effet immédiat pour tous les salariés qui auraient sinon pu partir dès l’âge de 60 ans, mais n’a pas touché les salariés qui auraient dû attendre 62 ans pour obtenir le taux plein. La réforme de 2013, qui a augmenté la durée d’assurance, va prolon- ger modestement ces effets. En revanche, le système est toujours d’une complexité incroyable, qui cache parfois des absurdités: par exemple, même avec la surcote, une partie non négligeable des salariés voit son montant de pension baisser en repoussant son départ en retraite ! Ni les salariés ni les responsables politiques n’arrivent à y voir clair sur l’impact précis d’un changement de paramètre. Ce n’est pas seulement un enjeu démocratique, c’est aussi le symptôme d’un manque de pilotage du système. Par quoi passe la pérennité du système par répartition ? Par une plus grande clarté sur les droits acquis, afin de garantir à chaque salarié que chaque euro cotisé donne bien droit à pension. Cela passe aussi par un système dont l’équilibre financier est moins dépendant d’une forte croissance économique et par des règles plus homogènes entre les régimes. Avec Thomas Piketty, nous avions proposé, en 2008, une réforme profonde, un système plus transparent, établi en comptes notionnels ou en points, qui exprime les droits à pension de tous les salariés dans la même unité de compte. L’objectif est que les salariés prennent conscience que les importantes cotisations qu’ils paient leur donnent des droits qui pourront être honorés, pourvu qu’ils soient définis en cohérence avec l’augmentation de l’espérance de vie. p Propos recueillis par Anne Rodier Elise Huillery: «La France a été le fardeau de l’homme noir, et non l’inverse» Qu’est-ce qui vous a guidée dans vos choix d’études ? Quelles leçons tirez-vous de vos travaux sur les crises ? Vous n’avez pas été dissuadé par la « grande misère » de nos universités ? Antoine Bozio : « Les réformes des retraites n’ont pas réduit la complexité du système» Mais n’est-ce pas ce type d’irrationalité dont la théorie économique ne sait pas rendre compte ? Matthieu Bussière: «Nul ne peut prévoir la date du jour où la confiance s’évanouit» Quel est le fil conducteur de votre parcours ? te : on pouvait choisir ses outils, être à la foisdescriptifet théorique;toutesles questions étaient l’objet de confrontations. Je n’ai jamais été tenté de verser dans la pure abstraction mathématique: les maths, ce n’est qu’un langage, une grammaire, qui permet de discipliner son discours. J’ai grandi en province dans une famille engagée et préoccupée par les inégalités sociales. Lycéenne, j’ai participé à des projets humanitaires. Après un voyage au Cameroun, j’avais trouvé mon métier: travailler pour le développement. La question des inégalités, sur laquelle j’effectue des recherches dans plusieurs pays, est principale en Afrique, le continent à la fois le plus pauvre et le plus inégalitaire. Mon idée était d’agir au sein des institutions internationales, de concevoir et gérer des projets de développement. C’est pourquoi je me suis d’abord orientée vers HEC. Comment en êtes-vous venue à la recherche ? Pour intégrer les institutions internationales, il fallait un doctorat en économie. En commençant ma thèse, j’ai découvert que la recherche pouvait être ancrée dans la réalité. La rencontre avec des chercheurs tels que Thomas Piketty et Esther Duflo, dont le travail veut être socialement utile et éclairer les décisions publiques, a été déterminante. Quel a été le sujet de votre thèse ? Vouée au bilan économique de la colonisation française en Afrique de l’Ouest, elle bat en brèche la thèse de Jacques Marseille, publiée en 1984, selon laquelle la colonisation a été un sacrifice pour la France. Car l’examen des budgets coloniaux et métropolitains montre le contraire. Seulement 0,29 % des recettes fiscales de la métropole ont été affectées à ces colonies, dont les quatre cinquièmes sont en réalité le coût de la conquête militaire. L’investissement dans des biens publics ne représente qu’un coût équivalant à 0,05% des dépenses fiscales métropolitaines et n’a couvert que 2% du coût des investissements publics locaux: les chemins de fer, les routes, les écoles ou les hôpitaux ont été financés à 98% par les taxes locales… De plus, celles-ci ont entretenu, jusqu’à la réforme du système en 1956, les hauts cadres coloniaux: les 8 gouverneurs et 120 administrateurs de cercle [circonscription coloniale] absorbaient à eux seuls 13% des budgets locaux! La France a été le fardeau de l’homme noir, et non l’inverse. Sur quoi travaillez-vous aujourd’hui ? Avec ma collègue Nina Guyon, j’ai terminé une étude, auprès de 6000 jeunes de 3e des académies d’Ile-de-France, sur l’influence du milieu social dans leurs choix d’orientation. A performances scolaires égales, un élève de zone d’éducation prioritaire (ZEP), dont aucun parent n’est bachelier, a une probabilité de 29% plus faible de préférer la voie générale et technologique qu’un élève hors ZEP dont au moins un parent est bachelier. Nous montrons que ces inégalités sont liées à la pression du groupe, à une familiarité différente avec les diverses options, mais aussi à la dévalorisation des individus: leur « estime de soi scolaire» est moins affirmée. p Propos recueillis par A. de T. ¶ Nominée 36 ans Professeur à Sciences Po et chercheuse affiliée au Abdul Latif Jameel Poverty Action Lab, le Laboratoire d’action contre la pauvreté, créé en 2003 au département d’économie du Massachusetts Institute of Technology 28 0123 0123 Mardi 27 mai 2014 L’AIR DU MONDE | CHRONIQUE par Sylvie Kauffmann Le soleil se lève à l’est et se couche à l’ouest POUR LE NOUVEAU PRÉSIDENT UKRAINIEN, LE RÉSULTAT DE L’ÉLECTION AU PARLEMENT EUROPÉEN EST UNE MAUVAISE NOUVELLE E n démocratie, il est des scrutins qui déstabilisent et des élections qui consolident. L’Europe, dimanche 25 mai, a connu les deux: un tsunami politique qui, venu de France, de Grande-Bretagne, du Danemark, d’Autriche, déferle sur Bruxelles, et le même jour, à l’est, en Ukraine, un premier signe de stabilité avec l’élection d’un président dès le premier tour, après six mois d’insurrections et de chaos. Soudain, alors qu’à l’ouest les nuages s’accumulaient, une éclaircie est apparue sur Kiev. Un Européen, au moins, avait le sourire, dimanche soir, et celui-là se trouvait en Ukraine : Jan Tombinski, l’ambassadeur de l’UE à Kiev, un diplomate polonais qui a été aux premières loges de la révolution pro-européenne de Maïdan. Jan Tombinski a aussi été aux premières loges des bévues, des hésitations, des initiatives courageuses, parfois, des cafouillages, aussi, des innombrables responsables européens qui se sont succédé à Kiev, le plus souvent en ordre dispersé. Dimanche soir, le diplomate avait le sourire parce que, pour lui, cette élection présidentielle avait été un « succès ». Pas tant par son résultat que par le simple fait qu’elle ait pu avoir lieu. Parce que, malgré les combats qui se dérou- laient encore dans l’est du pays, malgré les bureaux de vote fermés sous la contrainte et les rues désertes à Donetsk, les quatre cinquièmes des électeurs ukrainiens ont pu exercer leur droit de vote et que, au bout du compte, la masse critique était là, incontestable. Parce que, aussi, même sans la participation de près de 5 millions d’électeurs (sur 36), l’un des thèmes favoris de la propagande russe a été mis à bas par les urnes: les fameux « fascistes » et « néonazis» supposés tenir l’Ukraine depuis le soulèvement de Maïdan, en novembre, n’ont guère réuni plus de 2,2 % des voix dimanche. Dix fois moins que l’extrême droite dans certains pays de l’Union… Les Ukrainiens et les Européens s’étaient arcboutés sur ce scrutin du 25 mai. Ils avaient compris que la stratégie de la Russie visait à rendre cette élection nulle et non avenue, afin de nier toute légitimité au pouvoir issu de la révolution de Maïdan. Ils ont tenu bon et voient leur ténacité aujourd’hui récompensée. Il y a deux semaines, le président Vladimir Poutine avait commencé à tourner casaque, promettant de « respecter» le résultat d’une élection dont, il y a un mois, il ne voulait pas entendre parler. LE GRAND RENDEZ-VOUS EUROPE 1, « LE MONDE », I-TÉLÉ Il est évident que si la paix progressait entre Palestiniens et Israéliens, ce serait une contribution notable à l’apaisement de la région. Mais ce serait une illusion de croire, comme le disent un certain nombre de gens, que tous les problèmes de guerre dans le Moyen-Orient sont liés au conflit israélo-palestinien. Il y a aujourd’hui des foyers de violence au Moyen-Orient qui ne viennent pas du conflit israélo-palestinien. D’où viennent-ils ? Ils sont aussi le reflet des conflits entre les groupes de différentes tendances musulmanes, et en particulier une traduction locale et microgéographique des conflits entre les grandes puissances musulmanes que sont l’Arabie saoudite,l’Iran, etc. Dire qu’il suffit de faire la paix entre Israël et la Palestinepour que l’Arabie saoudite et l’Iran se réconcilient, ce serait un peu facile. Le pape se rend sur la tombe de Herzl, le fondateur du sionisme. Est-ce une manière de reconnaître l’Etat juif d’Israël ? L’Etat juif d’Israël a été reconnu il y a longtemps. N’y a-t-il pas une discrétion du voyage du pape qui est peut-être un peu excessive ? C’est une discrétion délibérée pourmarquerladimensionspécifiquement religieuse de son voyage. L’événement important, ce n’est pas qu’il aille sur la tombe d’Herzl, c’est qu’il aille sur l’esplanade du Temple rencontrer le grand mufti, c’est qu’il rencontre le patriarche Bartholomée, et c’est qu’il rencontre les grands rabbins d’Israël. DE NURI BILGE CEYLAN GRAND PRIX LE MERAVIGLIE DE ALICE ROHRWACHER PRIX UN CERTAIN REGARD FEHÉR ISTEN DE KORNÉL MUNDRUCZÓ C’est pour ça que le pape y va. C’est pour montrer qu’il peut y avoir une coexistence entre les trois religions. S’il n’allait se recueillir que dans des lieux catholiquesfermés au public,il aurait pu aller célébrer à l’église SainteAnne, qui appartient à la Républiquefrançaise.Mais ce n’estpas l’objectifdu voyage. L’objectifdu voyage, c’est de montrer que les hommes de foi sont capables d’entrer en dialogue sur les points mêmes où ils sont en litige. p PRIX DU JURY UN CERTAIN REGARD TURIST DE RUBEN ÖSTLUND PRIX DU JURY OECUMÉNIQUE ET PRIX FRANÇOIS-CHALAIS TIMBUKTU Propos recueillis par Jean-Pierre Elkabbach et Arnaud Leparmentier DE ABDERRAHMANE SISSAKO PRIX DE LA CRITIQUE INTERNATIONALE Mgr André Vingt-Trois est cardinal, archevêque de Paris. Le Grand Rendez-Vous, avec « Le Monde », est diffusé chaque dimanche de 10 heures à 11 heures sur Europe 1 et i-Télé. (PRIX FIPRESCI) JAUJA DE LISANDRO ALONSO FESTIVAL Société éditrice du « Monde » SA Président du directoire, directeur de la publication Louis Dreyfus Directeur du « Monde», membre du directoire, directeur des rédactions Gilles van Kote Directeur délégué des rédactions Vincent Giret Directeur adjoint des rédactions Michel Guerrin Directeurs éditoriaux Gérard Courtois, Alain Frachon, Sylvie Kauffmann Rédacteurs en chef Arnaud Leparmentier, Cécile Prieur, Nabil Wakim Rédactrice en chef « M Le magazine du Monde » Marie-Pierre Lannelongue Rédactrice en chef « édition abonnés » du Monde.fr Françoise Tovo Rédacteurs en chef adjoints François Bougon, Vincent Fagot, Nathaniel Herzberg, Damien Leloup Chefs de service Christophe Châtelot (International), Luc Bronner (France), Virginie Malingre (Economie), Auréliano Tonet (Culture) Rédacteurs en chef « développement éditorial » Julien Laroche-Joubert (Innovations Web), Didier Pourquery (Diversifications, Evénements, Partenariats) Chef d’édition Christian Massol Directeur artistique Aris Papathéodorou Photographie Nicolas Jimenez Infographie Eric Béziat Médiateur Pascal Galinier Secrétaire générale du groupe Catherine Joly Secrétaire générale de la rédaction Christine Laget Conseil de surveillance Pierre Bergé, président. 358 473 exemplaires. PALME D’OR WINTER SLEEP Des extrémistes juifs ont protesté du fait que le pape allait au Cénacle, là où le Christ est censé avoir pris son dernier repas, et qui est aussi le tombeau de David. Faut-il aller dans ces lieux où il y a les trois religions, puisqu’il y a aussi une tradition musulmane sur ce lieu ? pTirage du Monde daté dimanche 25-lundi 26 mai 2014 : Un équilibre entre Bruxelles et Moscou Le milliardaire n’a pas évoqué de voyage à Moscou, mais il a reconnu que les relations de Kiev avec la Russie étaient « les pires de ces deux cents dernières années » : il faudra bien y remédier. Le Kremlin n’avait pas réagi, dimanche soir, à l’élection en Ukraine, contrairement au président Obama, qui y a vu un pas « important» vers l’unité du pays, et au chef de la diplomatie allemande, Frank-Walter Steinmeier, pour lequel le vote du 25mai montre « clairement que la grande majorité des Ukrainiens veulent l’unité, la liberté et la démocratie». C’est pourtant bien entre Bruxelles et Moscou que le futur président Porochenko va devoir trouver un équilibre, et pour cela aussi il aura besoin de l’UE. D’une certaine manière, BRAVO ! MgrVingt-Trois: «Les trois religions peuvent coexister à Jérusalem» Beaucoup estiment que si la paix revenait entre Israéliens et Palestiniens, les difficultés, les tragédies de la région et peutêtre du monde disparaîtraient. Qu’en pensez-vous ? Il reste maintenant à transformer l’essai. Et c’est là que, pour le président élu Petro Porochenko, le résultat de l’autre élection, celle du Parlement européen dans les 28 Etats de l’Union, est une mauvaise nouvelle. Car il va avoir besoin de l’Europe, maintenant plus que jamais. Et il doit sérieusement se demander si l’Europe, de nouveau empêtrée dans ses doutes et ses divisions, sera au rendez-vous. Revendiquant la victoire dimanche soir, avec près de 56 % des voix, M. Porochenko s’est fixé deux priorités: « mettre fin à la guerre», ramener la paix dans le Donbass et mettre son pays sur le chemin de l’Europe. Ses deux premiers déplacements illustreront d’ailleurs ces priorités: à l’intérieur, il se rendra dans le Donbass et, à l’extérieur, ce devrait être la Pologne, pays voisin et celui des Etats de l’UE qui s’est le plus engagé aux côtés des Ukrainiens. 2 CANNES 2014 NOTRE AMOUR DU CINÉMA EST SANS FRONTIÈRES ses défauts sont aussi ses qualités dans cette situation: industriel de la confiserie à la tête d’une fortune de plus de 1 milliard de dollars, plusieurs fois ministre, originaire d’Odessa et non pas de l’Ouest, plus nationaliste, M. Porochenko appartient à cette classe très spécifique du postcommunisme régional, celle des oligarques. Un oligarque qui a certes, sans ambiguïté, épousé la cause des révolutionnaires de Maïdan, mais oligarque quand même. Un homme d’affaires qui avait des usines en Russie avant que les autorités russes ne les lui bloquent. Un homme, donc, susceptible de trouver, comme il dit, des « formats » pour négocier avec Moscou. Et d’y être entendu. L’Ukraine de 2014, cependant, n’est pas celle de 2005 qui, au lendemain de la « révolution orange», était gentiment rentrée chez elle, pensant que le changement était amorcé. Plus long, plus profond, plus sanglant, le soulèvement de 2014 n’est pas clos. Une nouvelle page s’ouvre, pour Kiev et pour Moscou, mais cette fois Petro Porochenko reste sous la surveillance des militants de Maïdan, prêts à y retourner à tout moment. Qu’il retombe, comme ses prédécesseurs, dans les vieux travers des oligarques, qu’il cède aux manœuvres de Moscou, et ce sera, de nouveau, le chaos aux portes de l’UE. Tsunami politique ou pas, l’Europe n’échappera pas à un rapprochement institutionnel avec l’Ukraine et, surtout à l’élaboration, enfin, d’une vraie politique à l’égard de la Russie. p [email protected]