les français, champions du monde : plus pour

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les français, champions du monde : plus pour
38 a c t u a l i t é s
LES FRANÇAIS,
CHAMPIONS DU MONDE :
PLUS POUR LONGTEMPS !
La France détient le titre de championne du monde de la
consommation de médicaments. Rien de nouveau sous le soleil,
sauf si l’on mesure l’ordre de grandeur réel de cette frénésie.
Le Leem s’en est chargé. Force est de tirer la leçon des chiffres
révélés : les niveaux de consommation convergent en Europe.
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ANNE-LAURE MERCIER
es Français sont réputés gros
consommateurs de médicaments. Selon la Drees1, l’Hexagone décroche en 2004 la
palme des ventes de médicaments
aux officines par habitant, devant l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie et
l’Espagne. Notre championne affiche
un CA supérieur de plus de 40 % à ses
consœurs espagnole, italienne et britannique. Le Leem s’est penché sur
la question. Il semblerait que la
consommation de médicaments ne
soit pas une spécificité française. Il
vient de présenter les résultats d’une
analyse comparative fouillée des niveaux de consommation en France,
en Allemagne, en Italie, en Espagne
et au Royaume-Uni2. Cette double
étude, à la fois quantitative et médicalisée, nuance le portrait du Français :
un fort consommateur de médicaments, mais pas dans toutes les classes
thérapeutiques et cette consommation croît moins vite que dans les
autres pays européens. Les structures
et les niveaux de consommation des
cinq nations concernées tendent
même à se rapprocher.
L
Des variations selon les classes. Le
Leem a comparé les niveaux de
consommation dans trois classes thérapeutiques : les produits des voies
digestives et du métabolisme, les produits du système cardiovasculaire et
ceux du système nerveux. Cette approche confirme l’importance de la
consommation médicamenteuse en
P H A R M A C E U T I Q U E S _ J U I N /J U I L L E T 2 0 07
France, avec plus de 97 milliards
d’unités standardisées, contre 88 pour
l’Allemagne, 70 pour le Royaume-Uni
et près de la moitié en Italie et en Espagne. Elle souligne toutefois la sensibilité de cette hiérarchie à l’unité de
mesure de la consommation. En effet, l’unité la plus couramment utilisée
– la boîte – apparaît également
comme la plus défavorable à la France,
où le conditionnement trimestriel est
peu développé. En se référant aux unités standardisées, Allemands et Espagnols consomment autant, sinon plus,
que les Français dans certaines classes
thérapeutiques, à l’instar des tranquillisants. Le classement de la France varie également selon les classes considérées : elle arrive en tête de la
consommation uniquement pour la
classe des vasoprotecteurs par voie générale, en unités standardisées pour
100 000 habitants. Le Leem note par
ailleurs « une forme de spécialisation
ou de polarisation des marchés autour
de classes leaders » : chaque pays a
tendance à prendre la tête du peloton
des consommateurs pour les classes
dans lesquelles il est spécialisé. Enfin,
le Leem remarque une réduction progressive du différentiel de consommation dans le temps. Un phénomène
qu’il qualifie encore de « récent » mais
qui « devrait s’affirmer sous le double
effet de l’homogénéisation des pratiques médicales, de plus en plus soumises à des recommandations européennes, et de la politique de maîtrise
médicalisée menée en France ». « Il
n’est pas impossible que la situation
actuelle de forte consommation française disparaisse – ou devienne peu significative – dans les cinq ans à venir »,
note le Leem.
Sur les prescriptions faites dans le
suivi des patients post-infarctus, les
résultats montrent des niveaux de
prescription homogènes concernant
les inhibiteurs de l’agrégation plaquettaire, les IEC et les bêta-bloquants. En revanche, les statines
connaissent des écarts importants : la
France en est forte prescriptrice,
comme le Royaume-Uni, loin devant
l’Allemagne. La France se rapproche
du modèle britannique, « avec notamment des taux de polythérapies relativement proches et supérieurs à la
moyenne des autres pays, ce qui la fait
converger avec les recommandations
internationales, et un recours aux statines du même ordre de grandeur ».
N’en concluons pas pour autant que
« la forte consommation pharmaceutique des Français n’est que le reflet
d’une inscription plus rigoureuse
dans les protocoles de prise en
charge ». Non, « ce serait sans doute
excessif », estime le Leem, qui appelle
les pouvoirs publics à considérer au
global le problème d’un point de vue
qualitatif et médicalisé. ■
(1) « Le marché du médicament dans cinq pays européens,
structure et évolution en 2004 », par la Direction de la
recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques
(Drees). Etudes et Résultats n°502. Juillet 2006
(2) « La consommation médicamenteuse dans cinq pays
européens : une réévaluation ». Etude pour le Leem, avec la
collaboration d’IMS Healt, avril 2007 (à télécharger sur :
www.leem.org)