Prix Ludovic-Trarieux : la Chinoise Wang Yu

Transcription

Prix Ludovic-Trarieux : la Chinoise Wang Yu
Droits de l’Homme
Prix Ludovic-Trarieux :
la Chinoise Wang Yu récompensée
L’avocate chinoise Wang Yu, emprisonnée depuis juillet 2015, a été désignée lauréate 2016 du Prix Ludovic-Trarieux, le 4 juin 2016 à Athènes.
Christophe Pettiti
Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
son œuvre, son activité ou ses souffrances, la
défense du respect des droits de l’Homme, des
droits de la défense, la suprématie du droit, la
lutte contre les racismes et l’intolérance sous
toutes leurs formes ». Le prix porte le nom de
celui qui a fondé la Ligue des droits de l’Homme
en 1898. Le premier lauréat a été l’ancien
président sud-africain et avocat Nelson Mandela
qui était alors à l’époque emprisonné.
Me Wang Yu, 45 ans, a été élue dès le 1er tour du
scrutin. « Le jury a voulu distinguer l’opiniâtreté
dans le courage d’une femme qui, avocate en
droit commercial à ses débuts, a décidé qu’elle
ne pouvait plus se taire dans le confort et a
choisi d’exposer sa liberté pour défendre les
droits des femmes des enfants et des minorités
persécutées » (Déclaration du président du
jury à l’AFP le bâtonnier Bertrand Favreau).
Maître Wang Yu a été arrêtée le 9 juillet 2015, et
inculpée de subversion contre l’État, passible de
la prison à vie. Quelques semaines avant son
arrestation, elle faisait partie de la défense de
membres du mouvement religieux banni Falun
gong, et s’était vivement exprimée contre les
mauvais traitements dont étaient victimes ses
clients. Dans la foulée de son arrestation, et de
celle d’une dizaine d’autres avocats chinois, une
centaine d’autres qui s’étaient élevés contre ces
interpellations avaient eux-mêmes été inquiétés
par la justice chinoise. Le mari de maître Wang
Yu est lui aussi toujours en prison et leur fils de
16 ans vit sous surveillance policière. L’avocate,
à l’origine spécialisée dans le droit des affaires,
avait été condamnée à deux ans et demi de
prison en 2008 pour s’être rebellée contre des
employés des chemins de fer et des policiers qui
lui avaient interdit d’accompagner son mari sur
le quai. Elle avait fait le choix de se spécialiser
dans les droits des plus faibles à sa sortie
de prison. Elle est devenue l’emblème de la
« répression 709 » (en référence à la très grave
répression des autorités chinoises à l’encontre
des avocats le 9 juillet 2015, une des plus
sévères répressions ayant frappé les avocats
en Chine). À la suite des arrestations survenues
à cette date, des centaines d’avocats chinois
à travers le pays ont publié une déclaration
conjointe de protestation, et une grande vague
de répression s’est abattue sur les signataires,
mais aussi sur tous les avocats défenseurs des
droits de l’Homme en Chine.
D.R.
Wang Yu
Libération de Wang Yu
Tout juste deux mois après avoir été récompensée,
et alors qu’elle été emprisonnée depuis un an, une
télévision de Hong Kong proche du pouvoir de Pékin
a annoncé sa libération sous caution. Elle a déclaré au
média proche des autorités : « J’ai fait l’expérience de
la culture juridique de la Chine et de soins humains »,
tout en félicitant ses geôliers. Les circonstances de
cette interview sont floues. L’agence France presse,
qui a tenté de les éclairer, n’a pas réussi à contacter
l’avocat. Ce genre de libération en Chine, peu
fréquente, s’accompagne généralement d’une étroite
surveillance par la suite.
L
e Prix Ludovic-Trarieux 2016 a été
décerné à Athènes le samedi 4 juin
2016 à l’avocate chinoise Wang Yu.
Le Prix international des droits de
l’Homme Ludovic-Trarieux a été créé en
1984 par l’institut des droits de l’Homme du
barreau de Bordeaux. Il est attribué désormais
chaque année par un jury composé de
représentants de plusieurs barreaux européens
et organisations internationales d’avocats
[Paris, Bordeaux, Amsterdam, Berlin, Bruxelles,
Genève, Athènes, Luxembourg, l’Unione forense
per la tutela dei diritti dell’uomo (Rome), l’institut
des droits de l’homme des avocats européens
(IDHAE) et l’Union internationale des avocats
(UIA)]. Cette année étaient notamment présents
Madame la Vice Bâtonnière du barreau de
Paris Dominique Attias, et le président de l’UIA
Monsieur Jean-Jacques Uettwiller. Le prix
est remis à « un avocat sans distinction de
nationalité ou de barreau, qui aura illustré par
18
Christophe Pettiti
Avocat au barreau de Paris
Secrétaire général de l’institut des droits
de l’Homme des avocats européens
2016-1996
Prix Ludovic-Trarieux
« L’hommage international
des avocats à un avocat » :
1985
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
Journal Spécial des Sociétés - Samedi 6 août 2016 – numéro 62
LAURÉATS
Nelson Mandela (Afrique du sud)
Augusto Zúñiga Paz (Pérou)
Jadranka Cigelj
(Bosnie-Herzegovine)
Nejib Hosni (Tunisie)
et Dalila Meziane (Algérie)
Zhou Guoqiang (Chine)
Esber Yagmurdereli (Turquie)
Mehrangiz Kar (Iran)
Digna Ochoa
et Bárbara Zamora (Mexique)
Aktham Naisse (Syrie)
Henri Burin des Roziers (Brésil)
Parvez Imroz (Inde)
René Gómez Manzano (Cuba)
U Aye Myint (Birmanie)
Béatrice Mtetwa (Zimbabwe)
Karinna Moskalenko (Russie)
Fethil Terbil (Lybie)
Muharrem Erbey (Turquie)
Vadim Kuramshin (Kazakhstan)
Mahienour El-Massry (Egypte)
Walid Abu al-Khair (Arabie Saoudite)