Pimp IT up
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Collectif contre les Violences familiales et l’Exclusion (CVFE) www.cvfe.be Pimp IT up ! Informaticienne d’un jour Donner le goût des métiers informatiques au-delà des préjugés ! Pierre Bassleer, Sofft (CVFE) Treize mille informaticien/nes1 manquent aujourd’hui à l’appel des employeurs belges. Confrontées à cette pénurie de main d’œuvre informatique, les entreprises peinent à suivre l’évolution rapide des technologies de l’information et de la communication (TIC), perdent en compétitivité et subissent un fléchissement de leur croissance. Il devient dès lors urgent d’orienter plus de nouveaux talents vers le secteur informatique afin de dynamiser un domaine d’activités crucial pour l’économie belge. Attirer plus de jeunes vers les métiers informatiques, c’est précisément l’objectif poursuivi par l’action "Pimp IT up! Informaticienne d’un jour". Menée en 2007 à Liège, par Sofft2 dans le cadre du réseau ADA, l’action entendait donner une meilleure image des métiers informatiques aux élèves de l’enseignement secondaire qui sont confrontés au choix difficile de leurs études supérieures. Lors de la première édition liégeoise, 191 élèves de 5ème et 6ème année de l’Athénée Léonie Waha et de l’IPES de Seraing ont participé à l’action. En deux étapes, une animation dans une Haute Ecole3 et une visite dans le service informatique d’une entreprise4, ils ont été informés sur la diversité et la vitalité du secteur informatique. Un secteur souvent méconnu, voire dénigré, qui recèle pourtant de nombreuses opportunités professionnelles, tant pour les filles que pour les garçons. Pour une orientation moins sexuée La demande d’informaticien/nes qualifié/es est considérable. Or le nombre d’inscriptions dans les orientations TIC dans les universités et hautes écoles est beaucoup trop réduit pour faire face aux besoins du marché du travail TIC en Belgique 5. Parmi ces étudiants, seulement 10% sont des filles. Un axe d’intervention pour répondre à la pénurie de compétences informatiques consisterait donc à féminiser les amphithéâtres des sections informatiques. Mais cela demande que l’on s’attaque préalablement au problème latent de l’orientation sexuée des étudiants. L’étude « Newtonia6 », menée par l’ULB en 2003, démontre que la sous-représentation des filles dans les filières scientifiques et techniques doit être imputée principalement à une différence de traitement entre les filles et les garçons. Les filles sont plongées dans un environnement familial et scolaire qui leur apprend, dès leur plus jeune âge, entre autres le modèle de la division sexuelle du travail. Il y a des métiers traditionnellement féminins et d’autres traditionnellement masculins. Face à cette catégorisation sexuée des métiers, les filles optent majoritairement pour des filières littéraires ou sociales, moins valorisées, qui font appel à des compétences qu’on leur reconnaît « naturellement », alors que les garçons choisissent des filières scientifiques et techniques, plus sélectives. 1 Voir www.agoria.be, Communiqué de presse du 21 mai 2007, Les TIC créent des milliers d’emplois en Belgique 2 Service d’Orientation et de Formation pour Femmes à la recherche d’un Travail, www.cvfe.be/sofft, partenaire liégeois du réseau ADA, Femmes & nouvelles technologies, www.ada-online.be 3 La Haute Ecole de la Province de Liège et la Haute Ecole de la Ville de Liège 4 Le Centre Informatique de l’Instruction Publique, Arcelor Mittal, Open Engineering, Spacebel, le Centre Hospitalier Chrétien, IP Trade, la Cellule de Coordination de l’Intranet de la Province de Liège et Snel 5 Voir www.agoria.be, brochure en ligne « Agoria met les points sur les TIC » 6 Voir www.egalite.cfwb.be/index.php?id=1741 P. Bassleer, « Donner le goût des métiers informatiques au-delà des préjugés» Novembre 2007 1 Collectif contre les Violences familiales et l’Exclusion (CVFE) www.cvfe.be Les orientations informatiques ne dérogent pas à cette règle. La sphère technologique est traditionnellement associée au masculin, et dès 4-5 ans, les enfants, filles et garçons, associent l’objet « ordinateur » aux garçons. Historiquement, la machine informatique se crée dans un univers avec des valeurs et des objectifs liés au rôle masculin. De plus, cette discipline est liée aux mathématiques et à l’ingénierie, deux domaines où les hommes seraient soi-disant naturellement meilleurs que les femmes. (…) Pour les filles, s’intéresser à l’ordinateur devient dès lors une transgression de leur sexe, découragée par autrui, mais aussi par elles-mêmes : en aimant l’informatique, elles s’éloignent de la féminité, créant un conflit identitaire.7 L’action "Pimp IT up!" a pour vocation de casser le cloisonnement sexuel des métiers informatiques. Elle entend montrer aux jeunes que les compétences de l’informaticien ne sont pas des attributs masculins, et que les métiers informatiques ne sont pas réservés aux seuls hommes. Des femmes exercent d’ailleurs déjà des fonctions d’informaticiennes avec beaucoup de succès et sans connaître de crise identitaire. Elles sont certes minoritaires8, mais pas moins performantes. Reste maintenant à convaincre les filles des attraits des métiers informatiques. Des métiers qui encore aujourd’hui ont à souffrir d’une image négative et stéréotypée auprès des filles comme des garçons. Le geek, une image à abattre En introduction de l’animation "Pimp IT up !", il était demandé aux élèves de représenter par un dessin une personne exerçant un métier informatique et d’annoter quelques mots qui caractérisent sa profession. Dans les consignes de cet exercice introductif, il n’est pas fait mention du mot « informaticien », terme masculin, il pourrait orienter la représentation des étudiants. Pourtant, malgré cette précaution, la grande majorité des étudiants dessine un homme qui effectue principalement un travail de bureau, technique, complexe, répétitif et ennuyeux. Cet homme, ils le décrivent comme étant dépressif, mal dans sa peau, négligé, asocial et obsédé par la technologie. Ce consensus négatif pose question. Comment expliquer l’image désastreuse qui entoure l’informaticien et son métier ? Les élèves ne font que restituer dans leur dessin la caricature de l’informaticien qui est relayée quotidiennement dans les médias. A l’image de la dernière campagne publicitaire de Proximus9, l’informaticien est toujours représenté sous les traits peu reluisants du geek10. Vision extrêmement stéréotypée, elle rebute les jeunes, et plus particulièrement les filles, qui n’y voient pas un modèle professionnel attractif. S’orienter vers une filière informatique, c’est prendre le risque d’être associé à une corporation de reclus, pire de devenir l’un d’entre eux. Rien n’est plus réducteur. Le geek, personnage « cartoonesque », ne correspond pas à la diversité des profils d’informaticiens. Il est donc impératif de rétablir la vérité et de détruire l’image envahissante du geek au profit de modèles plus représentatifs du secteur informatique. 7 La socialisation différenciée, Eléonore Seron, janvier 2005, www.ada-online.org/frada/spip.php?rubrique99 Il y a plus au moins 15% de femmes dans les équipes informatiques en Belgique, www.adaonline.org/frada/spip.php?rubrique47 9 Le dernier exemple étant la campagne publicitaire de Proximus, http://fr.youtube.com/watch?v=DEQfE5d-WfY 8 Un geek (terme anglais se prononçant [giːk] ou [dʒiːk] selon les pays) est un stéréotype décrivant une personne passionnée, voire obsédée, par un domaine précis, généralement l'informatique. Le type même du geek a un profil scientifique et est féru de super héros et de science-fiction. http://fr.wikipedia.org/wiki/Geek 10 P. Bassleer, « Donner le goût des métiers informatiques au-delà des préjugés» Novembre 2007 2 Collectif contre les Violences familiales et l’Exclusion (CVFE) www.cvfe.be A partir du CD-ROM "Informatisons!11", les élèves ont été invités à débusquer les stéréotypes négatifs qui sont présents dans leur représentation initiale. En sous-groupes, ils ont visionné des témoignages d’informaticiennes qui présentent avec passion leurs métiers12, décrivent une journée type de travail et détaillent les compétences et qualités requises pour exercer leur fonction. Ils et elles ont alors pu rapidement constater qu’un informaticien est une personne « normale », une femme ou un homme, qui s’épanouit dans un environnement professionnel dynamique. Une personne enfin qui remplit des tâches variées et qui est en contact permanent avec de nombreux collaborateurs (collègues, clients, consultants…) sollicitant tant ses compétences techniques que communicationnelles, commerciales ou de gestion d’équipe… A la rencontre des informaticiens et informaticiennes Suite au visionnage des témoignages, les étudiants ont souvent exprimé leur étonnement quant à la variété des métiers informatiques. De prime abord, il associe au secteur informatique deux profils dominants : le programmeur et le web master. Par contre, ils ignorent tout des techniciens PC, des gestionnaires de bases de données, des technologues en imagerie médicale ou des consultants ERP... Cette ignorance réduit considérablement leur horizon professionnel. Ils ne peuvent faire le choix d’un métier qu’ils ne connaissent pas. Une trentaine d’élèves ont d’ailleurs exprimé le souhait d’aller plus loin dans la découverte d’un profil précis en participant à la visite d’un service informatique, dans le secteur public et privé. Durant une journée, ils se sont plongés donc dans le quotidien d’un service informatique d’une entreprise. Guidés par un(e) informaticien(e) « mentor », ils ont participé à la vie de l’équipe informatique, pris part au cycle de production d’une application informatique, participé à des réunions avec des clients, manipulés des outils informatiques… A Liège, plusieurs groupes ont été pris en charge par des ingénieurs informatiques du secteur aérospatial, des programmeurs d’un centre hospitalier ou des gestionnaires de bases de données d’une bibliothèque… Il est important de souligner que les groupes, dans la mesure du possible, étaient constitués uniquement de filles ou de garçons. Cette non mixité a permis aux filles de rencontrer des informaticiennes mentors dans un contexte propice aux échanges. L’expérience a séduit l’ensemble des partenaires : écoles secondaires, hautes-écoles et entreprises. Et pour Sofft, il y a matière à poursuivre car cette action rencontre la préoccupation de l’accès des filles et des femmes à l’emploi et particulièrement dans des métiers dits non traditionnellement féminin. 11 Voir www.ada-online.org/frada/spip.php?article277 Helpdesk informatique, technicienne en imagerie médicale, Web master, gestionnaire de bases de données, monteuse vidéo, technicienne PC, réalisatrice de film d’animations, gestionnaire de projets ERP, analyste programmeuse. 12 P. Bassleer, « Donner le goût des métiers informatiques au-delà des préjugés» Novembre 2007 3