Le Périgord noir au fil de la Vézère Le Périgord noir au fil de la
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Le Périgord noir au fil de la Vézère Le Périgord noir au fil de la
A R T D E V I V R E / E S C A P A D E S LES DÉPARTEMENTALES DU BONHEUR DE TERRASSON À TRÉMOLAT Le Périgord noir au fil de la Vézère Au cœur de ce pays où l’Histoire a tracé un sacré sillon, il faut prendre le temps de goûter la France dans sa belle respiration feuillue : des panoramas onctueux comme une cuillère tournant dans un entremets. PAR FRANÇOIS SIMON (TEXTE) ET ÉRIC MARTIN POUR LE FIGARO MAGAZINE (PHOTOS ) 88 • LE FIGARO MAGAZINE - 9 AOÛT 2008 9 AOÛT 2008 - LE FIGARO MAGAZINE • 89 A R T D E V I V R E / E S C A P A D E S Un point de vue insolite sur la vallée de la Vézère depuis la côte de Jord. Limeuil, le village qui domine le confluant de la Dordogne et de la Vézère. S ’il est vrai qu’on peut attendre d’un paysage qu’il soit vigoureux, vertueux, sportif et parfois iodé, personne ne sera opposé à des contrées paisibles, belles et sereines. Des lieux gagnés par une quasi-immobilité. Celle des photos de mariés où le photographe s’écrie : « Ne bougeons plus ! » C’est un peu comme cela, la vallée de la Vézère. Il ne faudrait plus bouger. D’ailleurs, pas mal de gens le font. Ils sont comme frappés. « C’est incurable », témoigne pensivement Bernard Giraudel, paisible propriétaire du Vieux Logis à Trémolat. Avec son regard plein de malice, plissé à la Charles Vanel, il tient à pré- ciser : « On n’en guérit jamais. Lorsqu’on tombe ici, c’est impossible de se relever. » Cet homme sage est bien placé pour le savoir : dans ses vingt-six chambres, il a vu passer des milliers de malades qui sont ressortis le pas chancelant. L’un d’entre eux s’appelait Henry Miller. Le célèbre romancier américain devait passer une nuit dans cette hôtellerie à l’ancienne. Il arriva torse nu et short court. Il y resta un mois. Envoya des lettres à la terre entière et n’eut de cesse par la suite de ronronner de nostalgie en pensant à son Périgord. Sur ses vieux jours, passant de villa en villa californienne, chaque fois, il modulait son plaisir avec la même antienne : « C’est ••• Bars. A Montignac, bifurquez vers la droite pour rejoindre par d’adorables petites routes (piquenique possible sur la côte de Jord, panorama épatant) le petit village de Bars. Dans l’ancienne école, Olivier et Emmanuelle ont ouvert un restaurant très plaisant (05.53.35.31.52). Ils proposent, sur la terrasse ou en salle, une cuisine bistrotière joliment enlevée : parmentier de canard, raviolis farcis aux truffes blanches... le tout arrosé par un pécharmant amical (22 ¤) ; comptez par personne entre 25 et 35 ¤ (attention ! pas de carte bancaire). A noter également, pour les dingos du genre, un petit musée de l’harmonium. Montignac. Si vous devez faire vos achats de boucheriecharcuterie, c’est l’adresse (1, rue de la Liberté ; 05.53.50.38.08). Dominique Pergola excelle dans sa spécialité exclusive : les chipolatas aux noix et au miel (10,90 ¤ le kilo), ou encore les foies gras de canard (le bocal de 135 g : 17,70 ¤). Le truc des connaisseurs : passer le vendredi dès l’ouverture (8 h 30), c’est le meilleur moment de la semaine, toute la canonnade est en place pour le week-end (8 h 30-13 h ; 15 h-19 h ; fermé le lundi). Unique. C’est ici que l’on peut visiter une réplique des grottes de Lascaux avec une pensée émue pour le petit chien Robot qui, accompagné de quatre bambins, en 1940, découvrit les fameuses cavernes baptisées par Georges Bataille la « chapelle Sixtine de la préhistoire ». Terrasson C’est ici que débute le petit périple sur la vallée de la Vézère. On y trouve une adorable petite adresse située à l’entrée des jardins de l’Imaginaire (13 jardins thématiques contemporains sur 6 ha, créés par la paysagiste Kathryn Gustafson : iris, rhododendrons, jardin d’eau, bois sacré, tunnel végétal...). Le restaurant-terrasse Aux Saveurs des Jardins, animé par Stéphanie Andrieux, déroule une cuisine thématique sur le thème des fleurs. On retrouve ainsi des produits de terroir agrémentés de fleurs de jardin : capucines, centaurées, pensées, roses trémières... Formules de 14 à 29 ¤ avec, entre autres, le faux-filet de limousine avec un beurre de fleur aillée, ou encore le tagine de lotte à la violette (5, route de la Baretie ; 05.53.50.30.91). Ouvert tous les jours, sauf le mardi en août. Rejoindre ensuite la D704 sur la gauche en direction de Condat. Un superbe paysage que l’on peut voir en descendant la Vézère en canoë. Sergeac L’Auberge du Peyrol, au lieu-dit Les Sols, à 9 km de Lascaux, à Sergeac (05.53.50.72.91). Dans une vieille bâtisse périgourdine restaurée, Jeanine vous attend de pied ferme avec l’artillerie régionale : omelette forestière, foie gras, confit d’oie et de canard. Noisetiers dans le jardin pour la sieste de ceux qui auront eu du mal à tout « assimiler ». Comptez 30 ¤. 90 • LE FIGARO MAGAZINE - 9 AOÛT 2008 Valojoulx Si vous cherchez des chambres d’hôtes, notez bien cette adresse : La Licorne, à Valojoulx (05.53.50.77.77). Cinq chambres très confortables (entre 65 et 72 ¤), dont une très belle et toute nouvelle, dans un bâtiment du XIIIe siècle. Marc et Claire Bosse organisent également des stages de découverte des plantes et de leurs petites et grandes vertus. Ils organisent, sous la tonnelle, des repas de cuisine « soignée ». 9 AOÛT 2008 - LE FIGARO MAGAZINE • 91 CARTE : OLIVIER CAILLEAU Des lieux gagnés par l’immortalité A R T D E V I V R E / E S C A P A D E S Saint-Léon-sur-Vézère C’est ici que se tient le restaurant Le Petit Léon, tenu par l’affable Jean-Bernard Lavaud (05.53.51.18.04). Comptez entre 25 et 35 ¤ pour une cuisine inspirée, réalisée cet été par un jeune chef australien, Nick Honeyman, passé – excusez du peu – par les cuisines de L’Arpège et de L’Astrance, à Paris : caille aux magrets à la lavande, filet de bœuf et compotée d’oignons à l’indienne... Joli jardin ombragé, c’est l’adresse du coin. A Saint-Léon, on peut manger plus simplement au Déjeuner sur l’Herbe (casse-croûte, tartines chaudes, salades composées), parfait pour un tête-à-tête avec la Vézère. Prendre du pain pour le pique-nique à la boulangerie Christian Delmas (05.53.50.83.87), non loin d’ici, à Peyrignac ou encore à Condat-sur-Vézère, chez Hilario Sampaio (05.53.51.22.29). C’est également ici que l’on peut envisager un périple superbe : descendre la Vézère en canoë avec Aventure Plein Air (05.53.50.67.71 ; de 12 à 70 ¤). On se fait déposer vers 9 h 30, par beau temps, en amont du château de Losse. Le courant fait le reste et vous porte jusqu’à La Roque Saint-Christophe. Autre plan décoiffant, les balades-baignades à cheval (une partie du parcours se fait dans la rivière) avec les Cavaliers de la Vézère (06.75.24.25.03). Une balade-baignade à cheval avec les Cavaliers de la Vézère . Perdez-vous, ce n’est pas compliqué Meyrals. En direction du Bugue, bifurquez à gauche, vers Meyrals. C’est ici que l’on peut dénicher les fameuses tourtes. Sur la place de l’Eglise, voici la boulangerie Lavesque (05.53.29.24.08): chaque matin, dès l’ouverture (8 h 30, sauf le lundi), les fournées sont prêtes (3,80 ¤ la tourte de 1,5 kg). Trémolat. La belle étape de ce périple c’est, bien entendu, l’institution périgourdine le Vieux Logis, une propriété agricole après avoir été un prieuré aux XVIe et XVIIe siècles (05.53.22.80.06 ; www.vieux-logis.com), pour ces 26 chambres (à partir de 172 ¤), richement décorées et bénéficiant de magnifiques jardins dessinés par Laure Quoniam. Dans ce village bucolique, le Vieux Logis, sous l’œil expérimenté de Bernard Giraudel, offre deux tables : une gastronomique, tenue avec application par un meilleur ouvrier de France, autour de menus à partir de 36 ¤ pour le déjeuner, 39 ¤ pour le dîner ; menu enfant à 8,50 ¤. Juste à côté de l’hôtel, le Bistrot d’en Face (05.53.22.80.69) travaille le terroir dans le sens du poil avec des formules établies à partir de 13,50 ¤ et une carte solide avec magret de canard, pièce de bœuf, véritable andouillette... C’est ici que fut tourné le film Le Vieux Fusil, avec Philippe Noiret. Le Bugue Chai Monique, rue de Paris (05.53.07.29.84), constitue une bonne étape pour choisir des vins tout en grignotant des assiettes de charcuterie. Autre caviste réputé, propriétaire-récoltant, Julien de Savignac, toujours dans la même commune (avenue de La Libération ; 05.53.07.10.31 ), propose des bergeracs maison (rouges et rosés) s’en sortant bien dans les dégustations professionnelles. Pour nos lecteurs, pour tout achat, et sur présentation du journal, un tire-bouchon sommelier offert : bergerac rouge Julien de Savignac 2006 à 5,95 ¤ et bergerac pécharmant, château de Tiregand (famille Saint-Exupéry) à 9,90 ¤. 92 • LE FIGARO MAGAZINE - 9 AOÛT 2008 ••• pas mal, mais ce n’est pas aussi bien que dans le Périgord. » Vous l’avez compris, on y plante la pointe de son compas. Ensuite, on voit passer la vie. Doucement, pleinement. Sans doute parce que l’Histoire y a creusé un sacré sillon, jusqu’aux tréfonds de la mémoire. Dans la vallée de la Vézère, tout au long de la D706, vous serez vite gagné par cette langueur de vivre. Pendant que les autres régions bourdonnent sous le knout des agglutinés, ici on respire. Pas de charge à la hussarde, rien ne presse. « Le deuxième jour, confie le docteur Giraudel, mes patients oublient leur montre dans leur chambre ; le troisième, ce sont les médicaments. » Autre injonction consignée sur l’ordonnance : perdez-vous. Ce n’est pas compliqué. On peut prendre des chemins de traverse. N’importe lesquels. Vous verrez, il n’y a plus un chat. Juste la voûte des arbres, le ciel bleu colorié. Vous voici du côté de Bars. La route file son chemin, grimpe une côte, celle de Jord, en contrebas, la Vézère, apposée comme le plat d’une épée dans le Périgord noir. Noir, non point qu’on y produise de la truffe, mais la raison vient de la densité des croix sur les cartes d’état-major. Elles indiquaient la présence de forêts et de bosquets. Périgord vert, pour un peu plus de respiration ; Périgord blanc pour des campagnes plus ajourées. Campagne, c’est même le nom d’un village. Comme si ici, dans la vallée de la Vézère, on arrivait au terme des mots. Comme s’il y avait une redondance. C’est la France dans sa belle respiration feuillue : des panoramas rassurants, onctueux, tournant comme une cuillère autour d’un entremets. La table ici est décidée, fonce dans le buffet, sauce et plastronne. C’est exactement celle d’une France presque désuète. Donc furieusement à la mode dans quelques années. En attendant cette mauvaise nouvelle, foncez, le ciel et les routes sont dégagés. ■ FRANÇOIS SIMON Au cœur du Périgord, le village des Eyzies-de-Tayac-Sireuil : la France dans sa respiration feuillue. Retrouvez-nous la semaine prochaine dans le pays d’Auge de Gacé à Orbec. Traversée de la vallée. On approche du village des Eyziesde-Tayac-Sireuil. 9 AOÛT 2008 - LE FIGARO MAGAZINE • 93