II. Avenir de la publicité ingame.

Transcription

II. Avenir de la publicité ingame.
SOMMAIRE
Remerciements
p.2
INTRODUCTION
p.5
PREMIERE PARTIE
Vers une nouvelle utilisation du jeu vidéo et du jeu
Online
p.9
I. Histoire du jeu vidéo et évolution de son rapport à la
publicité
1. Les prémices d’un virtuel ludique
TENNIS FOR TWO, une manette entre les mains
SPACEWARS, l’ouverture des lignes de codes au monde
NOLAN BUSHNELL, premier patron de l’industrie vidéoludique.
PONG, la révolution.
2. Premiers pas de la publicité ingame
ADVENTURELAND, la publicité est dans le texte
ZOOL, un jeu de plateforme aux couleurs de Chupa Chups
CRAZY TAXI, la publicité au service de l’immersion du joueur.
3. Electronic Arts, destin croisé avec la publicité ingame
II. Un marché, toujours en pleine croissance, et de
réelles opportunités.
1. Le marché du jeu vidéo toujours en grande forme
2. Les débuts d’une croissance exponentielle pour la publicité
ingame.
III. Un média flexible et des possibilités illimitées
1. La publicité dynamique, une évolution logique du statique
La publicité statique
La publicité dynamique
2. Publicité dynamique, des possibilités variés et originales
L’affichage
Le placement de produit
Les vêtements
Les bâtiments
p.10
p.11
P.12
p.15
p.16
p.17
p.21
p.23
p.25
p.26
p.27
p.28
Les récompenses
IV. Un marché déjà entre les mains de multinationales
MICROSOFT, le géant entre dans la partie
IGA WORLDWIDE se serait bien passée de cette publicité là
GOOGLE, un pionnier qui aime la publicité
CONNECT'IN semble bien seule en France
p.31
p.33
p.34
p.35
p.36
p.37
DEUXIEME PARTIE
De nouvelles stratégies, de nouveaux supports à
prendre en compte
p.39
I. Une cible définie mais exigeante.
p.40
1. Qui est ce « joueur » ?
2. De la publicité dans nos jeux ? Peut-être mais sous condition
II. Les jeux vidéo comme support publicitaire : simple
mode ou réels intérêts ?
1. Un marché jeune et dynamique
Des études encourageantes et primordiales pour les régies dans
leur quête d’annonceurs
Un média unique et une immersion totale
L’avatar, véritable reflet de soi-même
Les Sims, simulateur de la société de consommation
2. Les MMORPG, des mondes virtuels persistants
III. Quel jeu pour quelle publicité : tout est-il permis ?
1. Les limites constatées
Que serait Sam Fisher sans son Sony Ericsson P900 ?
Le king de trop
BATTLEFIELD 2142, le livret controversé
IV. L'Advergame : une alternative intéressante à la
présence publicitaire Ingame.
1. Qu'est ce qu'un advergame ?
2. Une cible large et attractive
3. Un advergame pour quoi faire ?
4. Réussir un advergame
Découvrez le BMX’s X3 en jouant, et essayez le virtuellement
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p.41
p.43
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p.51
p.54
p.55
p.56
p.58
p.60
p.62
p.66
2
Un moment stratégiquement choisi
L’advergame pour aller « plus loin », jusqu’à attaquer de front la
concurrence
Développer son advergame
Promouvoir son outil promotionnel
Profil d’un advergame réussi
p.67
p.68
p.69
TROISIEME PARTIE
Cas concrets et perspectives en communication
p.71
I. Les différents modèles testés. Etudes de cas réels
p.72
1. Philips Coolskin
2. Pizza Hut, ou l’art de s’intégrer dans un univers peu
opportun
3. Des jeux gratuits de qualité, une possibilité offerte par
la publicité ingame
WarRock, version améliorée grâce à la publicité ?
Ubisoft, le buzz du gratuit
Trackmania United roule gratuitement
Battlefield Heroes, passage obligatoire par le site internet
II. Avenir de la publicité ingame.
1. De réelles opportunités à saisir
2. Des innovations technologiques facilitant toujours plus
l’intégration de marques dans les jeux vidéo
DOUBLE FUSION et son Fusion.runtime
3. Un défi pour le secteur : gagner la confiance des annonceurs
4. Des sceptiques de moins en moins nombreux, et
un avenir prometteur.
III. Préconisations
1. Un média pour tous
2. Un des éléments publicitaire pluri média
3. Un advergame pas seulement ludique
4. Optimiser sa campagne de publicité ingame
5. Un vrai et virtuel moyen
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p.76
p.78
p.78
p.80
P.82
p.84
p.86
P.87
p.88
p.89
p.90
p.91
3
CONCLUSION
p.92
Annexe
p.95
p.96
Interview d’Alison Lange Engel (Massive Incorporated)
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4
Introduction
Chaque jour, le monde, dans lequel nous vivons, nous confronte, le
long des routes, derrière les vitrines, à la télévision ou encore à la radio, à
un nombre considérable de messages publicitaires. Qu’ils soient audio ou
visuels, drôles ou terriblement classiques, ils tendent à devenir quasiment
inaperçus. Même les plus choquants font à peine réfléchir, même la
violence d’un message ne fait plus le même effet qu'autrefois. Comme si
l’Homme, qui s’adapte à son milieu, avait fait passer le matraquage
publicitaire dans les mœurs, et pire que d’y faire attention, avait tout
simplement décidé de l’ignorer. Et pourtant derrière chacun des visuels,
chacun des slogans, le choix des couleurs et du ton se cachent des
équipes marketing et des stratégies pensées. Les agences publicitaires se
multiplient et aucune d’entre elles ne remet en cause l’efficacité des
supports qu’elles utilisent à des coûts, pourtant, très onéreux.
Et pourtant, la période faste des années 1980 -1990 pour les
publicitaires est bien révolue. Difficile aujourd’hui, pour les annonceurs, de
toucher avec exactitude une cible bien définie, mais aussi de pouvoir
déployer en masse des outils de publicité. A l’heure actuelle, hormis pour
les multinationales et une minorité de grandes entreprises, il n’est pas
envisageable de s’offrir un spot télévisé diffusé à des heures de grande
écoute. Parallèlement à cela, la presse papier est en pleine crise. Après le
changement de propriétaire des Echos et de La Tribune, c’est Le Figaro qui
en janvier annonçait le licenciement d’une centaine de personnes pour
pallier aux résultats financiers décevants. La radio diffuse, quant à elle,
toujours les mêmes spots, aussi peu originaux les uns que les autres. De
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
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plus en plus, les médias se segmentent afin d’aborder des thématiques
plus précises et, ainsi, obtenir un public mieux défini et adéquat. Cela
permet, de ce fait, d’attirer des annonceurs ayant des valeurs et des
cibles communes. Mais plus qu’à une simple mutation des marchés, c’est
à une évolution des attentes du public que nous assistons ; ce qui n’est
encourageant pour les supports médias classiques.
En inventant la télécommande, les constructeurs de téléviseurs ont
permis aux spectateurs de zapper. Lassé de la durée toujours plus longue
des « courtes pages de publicités », le téléspectateur a perdu patience et
n’attend plus passivement la reprise de son programme, les yeux rivés le
défilement des nombreux messages publicitaires. S’il ne zappe pas, il ira
aux toilettes... Et les cent vingt millions d’euros engagés, chaque saison,
par les grands annonceurs pour être présents dans les pages publicitaires
d’un prime time de la Star Academy n’empêcheront pas le téléspectateur
d’aller aux toilettes, de zapper ou de faire toute autre chose. Sans doute,
il n’aura même pas été interpellé par les publicités diffusées, tellement
celles-ci font, aujourd’hui, partie de son quotidien. Que penser, encore
une fois, des estimations et des prix faramineux qui en découlent pour les
annonceurs quand, aujourd’hui, une télévision dans un foyer peut rester
allumée toute une journée sans que personne ne la regarde ? Le temps où
les voisins se réunissaient pour regarder une émission, de la même façon
qu’un spectacle, est bien lointain. Côté radio, le constat est le même.
Nous l’écoutons en voiture ou en fond sonore, tout en ayant une autre
activité. La radio tend à devenir une distraction sonore, beaucoup plus
qu’un média auquel nous prêtons une oreille très attentive.
A la fin des années 1990, la démocratisation d’Internet a apporté un
véritable nouveau souffle aux annonceurs. De nouvelles possibilités,
notamment en terme de flexibilité laissent entrevoir que tout était à
construire et à imaginer sur ce nouveau média interactif. Aujourd’hui, les
publicitaires peuvent mesurer au clic près les retours des campagnes de
communication mises en place, définir avec précision leur cible en fonction
du contenu éditorial des sites, avoir une interaction avec le public et,
parfois même, pouvoir lui demander des informations. La moindre petite
information est récoltée afin de « gonfler » les bases de données de
prospects, revendues ensuite pour des campagnes de marketing direct. La
montée en flèche de la croissance a été telle que les publicitaires n’ont pas
pu prendre le temps d’analyser les retours ; freinant ainsi la mise en place
de nouvelles propositions. Demander plus, et encore plus, à l’internaute
qui, seul derrière son écran, ne se lasse pas de cliquer sur le « x » pour
fermer les fenêtres publicitaires. Il faut dire que cela est devenu son
quotidien. A force, les publicitaires ont étouffé l’internaute sous un flot
continu de messages qui clignotent, qui font du bruit, remplis de couleurs
tape-à-l’œil. Et cela commence à agacer. Les campagnes emailing sont
identifiées comme des spams par les messageries électroniques, les
navigateurs Internet incluent des anti pop-up et l’internaute, de plus en
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
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plus averti, ne se risque plus à cliquer sur des publicités vainement
dissimulées. Tout est mis en œuvre pour que l’internaute n’ait plus à subir
la publicité intempestive.
Alors, à quel saint les annonceurs doivent-ils se vouer, tout en
prenant en compte leur exigence accrue en matière de retours et leur
possibilité d’engager, pour cela, des budgets conséquents ? Faut-il
s’orienter vers un moyen signe de renouveau, encore à ses prémices,
mais qui laisse déjà entrevoir un avenir radieux, synonyme de fraîcheur
dans le monde publicitaire? Un moyen qui, au-delà de son aspect
innovant, permettrait d’atteindre de façon efficace et précise les cibles
définies, mais aussi de bénéficier de retours chiffrés et précis ? Double
challenge : retenir l’attention et faire en sorte que le message publicitaire
ne soit pas reçu avec méfiance et réfraction. Tout doucement, ce moyen a
vu le jour et a été intégré, de plus en plus régulièrement, dans les plans
de communication des grands groupes, sans pour autant exclure les plus
petits. La publicité ingame est née.
La publicité ingame consiste en l’utilisation du support jeu vidéo
comme canal de communication entre l’annonceur et sa cible. Pour
illustrer cette définition, voyons comment il est possible d’adapter le
schéma de la communication de Jakobson à la publicité ingame :
Intermédiaire
(Régie publicitaire
ingame)
Emetteur
(Annonceur)
Contexte
(Jeu vidéo)
Message
Destinataire
(Joueur)
La publicité s’est approchée depuis longtemps des jeux vidéo, un
support populaire toujours en croissance. Entre 2005 et 2008, ce marché
a vu son chiffre d’affaires passer de 24,7 milliards d’euros à plus de 41
milliards (source : IDATE). Loin de consister en la simple présence d’un
logo, par exemple Adidas sur une pancarte autour d’un stade de football
virtuel, les recherches ont permis, en parallèle aux possibilités offertes par
le développement d’Internet, de faire du jeu vidéo un support publicitaire
aussi facilement administrable que pour les bannières Internet. Très vite,
des agences se sont spécialisées, conquises et convaincues de l’avenir de
ce nouveau support qui, en outre, bénéficie d’une médiatisation
importante. Les grands groupes pionniers de l’Internet et de la microinformatique ont compris les opportunités offertes par la publicité ingame
et ils y ont investi des centaines de millions de dollars pour acquérir
équipes et technologies spécifiques au domaine. Leur situation actuelle est
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
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très loin des déboires, notamment financiers, rencontrés par les autres
moyens publicitaires.
Aujourd’hui, la publicité ingame peut se targuer d’avoir des
caractéristiques propres qui en font un support publicitaire d’avenir. Le jeu
vidéo et l’un des rares médias à être à la fois exclusif, la seule possibilité
étant d’éteindre le son pour jouer sur une autre musique ; mais aussi
immersif car le joueur souhaite vivre, dans un jeu, une expérience forte
dans laquelle il est lui-même impliqué. Chaque budget peut convenir, que
cela soit pour la publicité ingame ou son dérivé, l’advergaming. Ce dernier
terme définit un petit jeu uniquement développé pour un annonceur et
destiné à diffuser un message à la cible de façon ludique et immersive.
Les taux de mémorisation pour la publicité ingame atteignent des records,
en comparaison avec d’autres supports. Une étude, sur laquelle nous
reviendrons, a estimé le taux de mémorisation à 15% deux mois après
l’exposition aux messages, soit presque le double que pour des supports
classiques.
L’arrivée des « méchants publicitaires » dans le monde virtuel des
joueurs n’a, cependant, pas été évidente. Imposer un nouveau modèle,
une nouvelle conception de la publicité était risqué. Les premières
campagnes mises en place, très relayées médiatiquement, ont suscité de
nombreuses réactions virulentes et ont fait naître de nombreux débats sur
des forums de discussion. Mais les régies publicitaires, hormis quelques
excès rapidement condamnés, ont su s’adapter aux réticences, ainsi
qu’aux profils toujours plus hétérogènes des joueurs. Elles ont, parfois
même, réussi à en faire leur force. Certaines annoncent, ainsi, fièrement
sur leur site Internet que la majorité des joueurs considèrent, désormais,
positivement la publicité ingame car elle ajoute du réalisme à leur
expérience vidéo-ludique !
Tous semble donc sourire à la publicité ingame, dont le chiffre
d’affaires pour 2011 est estimé à près d’un milliard de dollars. Toutes les
sociétés peuvent être susceptibles de s’essayer à l’expérience de ce
nouveau support publicitaire. Dans ce mémoire, nous chercherons à en
comprendre les rouages (fonctionnement, caractéristiques, limites). Nous
analyserons également les différentes possibilités offertes pour maximiser
et optimiser l’efficacité d’une campagne de publicité ingame.
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
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PREMIERE PARTIE
VERS UNE NOUVELLE UTILISATION DU JEU VIDEO
ET DU JEU ONLINE
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
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I. Histoire du jeu vidéo et évolution de son
rapport à la publicité.
1. Les prémices d’un virtuel ludique
OXO, une invention révolutionnaire de Cambridge
Si le célèbre jeu PONG a marqué l’histoire des jeux vidéo en étant le
premier jeu grand public en 1975, d’autres titres, plutôt à considérer
comme des inventions que des jeux à part entière, ont vu le jour. Le
premier en date est OXO, également appelé Noughts and Crosses, créé en
1952 par un universitaire de Cambrige, Alexander Douglas. Il s’agissait,
en fait, d’un jeu de morpion réalisé sur un ordinateur EDSAC pour illustrer
sa thèse sur l’interaction entre les hommes et les machines ; l’ordinateur
étant utilisé comme adversaire. Bien qu’Alexander Douglas soit reconnu
comme l’inventeur du premier jeu vidéo, son travail ayant été réalisé sur
les machines de son université, c’est Cambridge qui est officiellement
titulaire du tout premier jeu vidéo.
TENNIS FOR TWO, une manette entre les mains
En 1958, William Higinbotham, du département Energie du
laboratoire National Brookhaven, est à la recherche d’une distraction pour
les nombreux visiteurs qui viennent, chaque jour, découvrir le travail des
chercheurs. Il relie alors un oscilloscope à un ordinateur, lui-même relié à
ce qui sera la toute première manette de l’histoire, composée d’un seul et
unique bouton et d’un joystick (périphérique informatique principalement
utilisé dans les jeux vidéo, comme une manette). Le résultat obtenu à
l’écran est une reproduction simplifiée d’un cours de tennis vu de côté,
avec une ligne verticale qui représente le filet. Tennis for Two, celui
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
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aujourd’hui considéré comme l’ancêtre du pong (nous y reviendrons par la
suite), est le deuxième jeu vidéo de l’histoire.
SPACEWARS, l’ouverture des lignes de codes au monde
Quatre ans plus tard, soit en 1962, trois étudiants américains du
MIT (Massachussets Institute of technology) sont particulièrement
attentifs à l’installation d’un tout nouvel ordinateur mis à leur disposition,
le PDP-1, premier mini-ordinateur de la marque DEC. Cet engouement
sera décrit, quelques années plus tard, par l’un d’entre eux comme le
« premier ordinateur qui ne nécessitait pas d’avoir un diplôme en
ingénierie électrique et la patience de Bouddha lorsqu’on le mettait en
route le matin ». Le résultat de leurs recherches les amena à la création
de Spacewars, un jeu dans lequel deux vaisseaux spatiaux s’affrontent
avec la représentation d’une nuit étoilée en fond d’écran. Bien plus
qu’une simple distraction, Spacewars devient alors un véritable outil de
diagnostic pour les fonctionnalités du PDP-1 et son écran ; si bien que
DEC décida d’inclure Spacewars dans ses ordinateurs. Dès lors, les
programmeurs et les curieux des Etats-Unis ont eu accès aux lignes de
codes du jeu, qui pesaient alors 9Ko, (contre 700 mégaoctets en moyenne
aujourd’hui, un Mo représentant 100Ko), et ont pu se mettre à leur tour
au travail. Spacewars marque donc l’histoire en étant, non seulement l’un
des tous premiers jeux vidéo, mais surtout en étant à l’origine de la
démocratisation du modèle du jeu video et de l’inspiration de nombreux
« geeks » de l’époque. Ce dernier terme renvoie au stéréotype du
passionné, voire obsédé, des nouvelles technologies et en particulier dans
l’informatique.
Ces trois événements marquent les prémices du jeu vidéo et en
posent finalement les bases : console de jeu connectée sur un téléviseur,
utilisation de l’ordinateur comme adversaire, contrôles externes
spécialement dédiés. Bien que n’ayant plus beaucoup de ressemblances
avec ces embryons de jeux, les jeux vidéo actuels fonctionnent avec les
mêmes mécanismes.
A partir de cette époque, les programmeurs se mettent donc au
travail et commencent à écrire des lignes de codes pour jeu vidéo ; les
lignes de codes correspondant au texte source d’un programme. Dans un
langage défini et variable, un programme est entièrement élaboré en ligne
de codes, donc textuellement. Dans ce domaine, Hamurabi, un simulateur
économique où les taxes d'un royaume et d’autres paramètres
économiques sont gérés par l’utilisateur, ou encore Hunt The Wumpux,
jeu d’aventure médiéval prenant place dans des tunnels, sont des
références. Pendant ce temps-là, un autre programmeur s’active, lui
aussi, derrière son écran : Nolan Bushnell. Son nom restera attaché à la
naissance du jeu vidéo grand public.
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
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NOLAN BUSHNELL, premier patron de l’industrie vidéoludique
Nolan Bushnell est étudiant à l’université d’Utah aux Etats-Unis, une
des rares universités au début des années 1960 à être équipée du même
ordinateur PDP-1 utilisé par les étudiants du MIT pour jouer à Spacewars.
Déjà, il commence à penser à la manière de développer un jeu. Mais les
coûts du matériel, trop élevés, le forcent à renoncer. Spacewars toujours
en tête, il attendra 1970 et la baisse des prix pour créer, avec Ted
Dabney, Computer Space. Il s’agit d’un jeu grandement inspiré du
Spacewars de 1962. La société Nutting Associates achète le jeu,
embauche par la même occasion Bushnell, et commercialise 1 500
machines. Pour la première fois, le jeu vidéo devient une industrie
ludique. Bushnell en est le premier patron. Le jeu ne rencontre pas le
succès escompté mais Bushnell n’attendra pas longtemps avant de lancer
le jeu qui va définitivement révolutionner l’univers vidéoludique.
PONG, la révolution
En 1996, Ralph Baer travaille pour la société Sanders Associates
(aujourd’hui BAE Systems). Il y conçoit un jeu inspiré de Tennis For Two
de Higinbotham et dépose un brevet. En 1970, il fait part de son invention
à la société Magnavox qui entrevoit alors, en lui, la possibilité d’augmenter
ses ventes de téléviseurs ; ces derniers étant indispensables pour
s’essayer au jeu. L’unité autonome Odyssey 1TL200 est créée afin d’être
vendue au grand public pour une utilisation à domicile. C’est la naissance
de la console de salon : un système électronique dédié au jeu vidéo et que
l’on branche sur une télévision.
En 1972, c’est à Burlingame, en Californie, que Bushnell testera
pour la première fois l’Odyssey 1TL200 lors d'une exposition de
Magnavox. Le créateur de Computer Space fondera, quelques temps plus
tard, la compagnie Atari.
Le premier projet, que souhaite développer Bushnell avec Atari, est
un jeu de course de voitures. Pour le réaliser, il embauche Al Alcorn, un
ingénieur électronicien. Le projet d’origine étant trop complexe à mettre
en place, Bushnell, qui n’a pas oublié la démonstration de l’Odyssey,
demande alors à Alcorn de travailler sur un jeu de ping-pong. Amusé et
convaincu par le résultat, Bushnell décide de commercialiser le jeu et le
nomme le plus simplement possible : Pong. Il s’agit d’une très bonne
stratégie de communication car le nom simplifié du jeu contrebalance le
côté technologique et complexe que pouvait avoir ce type de produit à
l'époque ; notamment auprès du grand public. Rappelons qu'à ce moment
de l'Histoire, le jeu vidéo n'en est qu'à ses débuts et qu'il n'est pas encore
un produit démocratisé. En utilisant un nom simple, Bushnell fait le choix
d'ouvrir son jeu au plus grand nombre. Le dirigeant d’Atari décide
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
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d’ajouter un collecteur de monnaie suite au peu d’intérêt suscité par son
premier jeu. La borne d’arcade, composé d’un écran de télévision noir et
blanc, est alors testée dans un bar de Sunnyvale, en Californie. Deux
jours après son installation, de nombreuses personnes patientent,
attendant avec impatience l’ouverture du bar.
Après quelques jours, des dysfonctionnements apparaissent et le
propriétaire demande à Al Alcorn de récupérer la borne. La fin d’une belle
histoire ? Bien au contraire, Al Alcorn découvre que le mauvais
fonctionnement provient de la caisse de lait censée récupérer les pièces.
Elle déborde tellement qu'elle empêche le paiement d’une nouvelle partie !
C’est à partir de cette anecdote que Bushnell décide de fabriquer, par le
biais de sa société Atari, la borne d’arcade de Pong.
Dans le même temps, Magnavox (qui pour rappel avait intégré Pong
à son offre commerciale) apprend la mise en production de Pong. La
société décide de mettre en avant le brevet, déposé par Ralph Baer,
qu’elle a racheté. Au tribunal, des témoins reconnaissent avoir vu Bushnell
tester le jeu Odyssey au salon de Burlingame, en 1972. De plus, le livre
d’Or de l'événement est signé par l’intéressé lors du salon. Finalement,
Atari déboursera 700 000 dollars pour se servir du brevet. Cinq éditions
différentes de Pong verront le jour ; mais faute d’avoir une nouvelle fois
déposé les brevets en question, seule une d’entre elles sera effectivement
développée par Atari.
C’est, en 1973, qu’Alan Alcorn, Bob Brown et Harold Lee (ingénieurs
d’Atari) conçoivent la version à domicile de Pong, celle-là même qui
connaîtra un succès mondial impressionnant et marquera le lancement
des consoles de salon.
Cependant, l’échec cuisant de l’Odyssey, dont la production fut
arrêtée en 1974, avait rendu frileux les réseaux de vente. Ils refusèrent,
alors, de commercialiser la console d’Atari. C’est l’inattendu Tom Quinn,
acheteur d’articles de sport pour la marque Sears, qui va peu de temps
après contacter Bushnell. Il souhaite que sa société commercialise 150
000 consoles Pong, sans se soucier des coûts. En contrepartie, Sears
devient le distributeur exclusif des Atari Pong. Jackpot pour Bushnell :
Noël 1975 marque l’apogée des ventes. Les foules attendent la livraison
des consoles pendant de nombreuses heures devant les magasins,
phénomène que l’on voit, aujourd’hui, pour les lancements des consoles
actuelles. Le succès durera jusqu’à la fin des années 1970 aux Etats-Unis,
et quelques années de plus en Europe.
« J'étais jeune et j'avais besoin d'être en sécurité (...) C'était une grosse
erreur de faire çà. Mais je suis quand même content de ma vie »
Nolan Bushnell
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
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Cette « grosse erreur », dont parle Nolan Bushnell, c’est celle de la
vente de sa société devenue leader, bien loin devant la concurrence, à la
Warner pour seulement 28 millions de dollars. Nolan Bushnell y restera
jusqu’en 1978. Pendant ce temps là, la console ATARI 2006 révolutionne
le secteur.
Alors qu’en 1978 Nolan Bushnell quitte l’empire qu’il a bâti six ans
plus tôt autour du succès de PONG, le jeu pionnier de la publicité ingame
est commercialisé…
La fin des années 1970 marque donc la démocratisation du
développement et de la production des jeux vidéo, qu’il s’agisse de bornes
d’arcade ou de consoles de salon. Tous les acteurs du secteur prennent,
peu à peu, leurs marques et s’exercent à la recherche dans le but de
rendre les jeux toujours plus distrayants. C’est dans cette période que les
genres, qui classifient toujours actuellement les jeux vidéo (Sport, action,
plateforme, aventure…), sont d’ailleurs nés. Les designers musicaux
créent aussi les premiers commentaires. Le premier jeu en étant doté est
Major League Baseball, en 1979.
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2. Premiers pas de la publicité ingame
ADVENTURELAND, la publicité est dans le texte
Le premier exemple historique de publicité dans un jeu vidéo n’a
rien d’extraordinaire et paraît même plutôt anodin. Scott Adams, son
créateur, ne devait pas, à ce moment là, soupçonner l’industrie qui
naîtrait autour du concept quelques années après qu'il ait, en 1978, inséré
une publicité pour son prochain projet dans le jeu Adventureland, jeu
d’aventure basé sur du texte. Pour la première fois, une publicité apparaît
dans un jeu vidéo, car c’est bien de cela qu’il s’agit. Aucune capture
d’écran n’est malheureusement disponible pour cette « première fois ». Il
s’agissait d’une publicité. Le jeu, basé sur du texte, évoquait la prochaine
aventure lors d’un dialogue avec le joueur qui prenait alors connaissance,
en pleine partie, qu’il y aurait une suite à Adventureland.
Scott Adams réalise donc, en 1978, de la publicité pour son propre
futur projet. Très vite, les sociétés éditrices de jeux vidéo mais surtout les
entreprises jusque-là totalement extérieures au marché, comme des
régies publicitaires, vont comprendre l’intérêt présenté par ce nouveau
canal de diffusion, de plus en plus présent dans les foyers du monde
entier. Les premières publicités intégrées dans des jeux vidéo sont
statiques, elles sont codées et sauvegardées avant la production du jeu. Il
est donc impossible de les modifier ou d’avoir un quelconque impact sur
elles. C’est, par exemple, dans la période de développement du jeu que
sera intégré le logo d’un équipementier sportif dans les gradins d’un stade
virtuel de basket-ball ; impossible donc de l’administrer ou de le modifier.
ZOOL, un jeu de plateforme aux couleurs de Chupa Chups
Zool, mis en vente en 1992, est un jeu de plateforme en 2D mettant
en scène un « ninja venu de la neuvième dimension » forcé d’atterrir sur
Terre. Mais bien plus que cela, Zool est le premier jeu sponsorisé en partie
par une marque : Chupa Chups, célèbre marque de sucreries connue pour
sa communication toujours inventive et décalée, à la cible très jeune. Les
quatre premiers niveaux du jeu, baptisés « Sweet Zone », sont
sponsorisés par Chupa Chups. Le joueur y fait progresser son personnage
dans des décors entièrement réalisés en sucreries. La marque et les
références à ses produits seront également présentes dans tous les autres
niveaux.
Pour la première fois, avec Chupa Chups, une marque sponsorise un
jeu vidéo et fait de l’industrie vidéoludique un nouvel acteur à prendre en
considération dans les campagnes de communication et de publicité. Dès
lors, l’engouement pour ce support ne cessera de croître…
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
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CRAZY TAXI, la publicité au service de l’immersion du joueur
La dreamcast, commercialisée par Sega, est à sa sortie, le 14
octobre 1999, LA console nouvelle génération. Pour la première fois est
proposée au grand public une console de jeu 128 bit (la playstation 3 de
Sony, commercialisée le 23 mars 2007, est pour comparaison huit fois
plus puissante), dont la grande nouveauté réside dans sa connectivité
Internet. C’est cet argument qui est le plus mis en avant dans les
campagnes de communication de l’époque afin de rivaliser avec la sortie
de la Playstation 2 de Sony, prévue un an plus tard. Le peu de jeux
prenant en compte cette spécificité a entraîné la fin de la production de la
dreamcast, fin janvier 2001.
Un autre jeu de renommée est Crazy Taxi qui est, à l’origine, un jeu
d’arcade. Dans celui-ci, le joueur incarne un chauffeur de taxi et doit,
logiquement, amener des clients à des destinations précises, dans une
ville virtuelle et fictive. Crazy Taxi est également, et surtout, le premier
jeu à intégrer de la publicité ingame de façon tout à fait naturelle. Le jeu
intégrait, ainsi, de vrais magasins de grands groupes internationaux.
Ainsi, le joueur pouvait se rendre à Tower Records, KFC, Pizza Hut ou
encore Fila.
Les diverses réactions quant à ces intégrations de marques sont très
positives et montrent que les joueurs ont totalement accepté la publicité
dans ce cas précis, car celle-ci était au service du réalisme du jeu. Pour la
première fois, la publicité dans un jeu vidéo était vraiment considérée
comme bénéfique pour le joueur. Une légitimité de la publicité selon le
point de vue du joueur, par exemple quand celle-ci apporte un « plus » au
jeu, a été donnée. Dans le cas de Crazy Taxi, il est plus amusant de se
rendre dans les magasins de marques connues, voire appréciées que dans
des lieux fictifs qui n’apporte ni réalisme ni personnalisation du jeu.
«The first game that I recall really pushing advertisement was Crazy Taxi.
I had seen Football games and Driving games with branded billboards at
the side line, but Crazy Taxi pushed brand name recognition as an aspect
of the game, and I loved it. »
(Le premier jeu qui, pour moi, intégrait de la publicité efficace était Crazy
Taxi. J’avais déjà vu des jeux de football ou de conduite avec des
panneaux publicitaires sur les côtés, mais Crazy Taxi a amené la
mémorisation de la marque comme aspect du jeu, et j’ai adoré)
Jakeway / forum de greenhillzone.co.uk
C’est ce qu’explique parfaitement Jakeway sur un forum anglais.
Familier des publicités autour des terrains de football, Crazy Taxi l’a initié
à un tout autre rapport avec la publicité ingame. Pour la première fois, la
marque rentre dans l’expérience vidéoludique, tout en lui apportant plus
de réalisme.
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
16
3. ELECTRONIC ARTS, destin croisé avec la publicité
ingame
La société Américaine Electronic Arts (www.ea.com), créée en 1983
en Californie, est le développeur/éditeur leader sur le marché des jeux
vidéo. Dirigée par Lawrence F. Probst, Electronic Arts génère près de deux
milliards de chiffre d’affaires annuel. Parmi ses titres phares, on retrouve
les Sims (battant pour chaque add-on tous les records de vente de jeux
vidéo), une simulation de vie de personnages virtuels, ou encore Medal of
Honor, jeu de tir prenant place dans les grandes guerres historiques. La
structure est divisée en trois marques, à savoir EA Games, EA Sports et
EA Sports Big.
C’est EA Sports qui gère les jeux de sport bénéficiant de licences
officielles, et ceux existants depuis l’ouverture de la société. Ce sont à ces
jeux que nous allons nous intéresser car leur évolution est fermement
rattachée à l’évolution de la publicité ingame. Ilya Vedrashko retrace les
intégrations des marques dans les jeux de l’éditeur, desquels il est
possible de tirer un certain nombre de conclusions.
1994
Lancement du premier jeu de football FIFA, appelé FIFA 94.
Disponible sur la quasi-totalité des plateformes de l’époque (Amiga, Game
Boy, Master System, Super Nintendo…), le jeu édité par Electronic Arts est
le premier d’une longue série de jeux basés sur la licence de la Fédération
Internationale de Football Association, toujours présente sur le marché à
l’heure actuelle. Pour l’une des toutes premières fois, une marque
extérieure est intégrée dans un jeu vidéo sur les panneaux publicitaires
entourant le terrain. On y retrouve également de l’autopromotion avec la
présence des logos Electronic Arts. Près d’une vingtaine de titres
Electronic Arts font leur entrée en magasin la même année, mais aucun
d’entre eux ne contient de publicité.
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
17
1996
De nouvelles consoles arrivent sur le marché (Playstation,
Megadrive…). Le réalisme des jeux en est amélioré. Pourtant, cette année
là, aucune publicité n’est intégrée dans les titres d’EA. Seuls restent les
panneaux publicitaires faisant la promotion de l’éditeur. La publicité
ingame se fait donc uniquement au profit de l'éditeur qui a souhaité
garder pour lui ce terrain de communication ; sans doute pour asseoir sa
notoriété et la légitimité de sa marque.
1998
Toujours plus développé, FIFA World Cup 98 marque un retour
important des marques chez Electronic Arts avec la présence de : Opel,
Mastercard, Snickers, McDonald's, Philips, Casio et JVC. La notoriété de EA
est désormais définitivement acquise, ce qui lui permet de s’attacher, à
nouveau, aux possibilités de communication à offrir aux annonceurs ; tout
en s’appuyant sur la propre expérience d’EA comme « annonceur
Ingame ». La régie publicitaire de EA a un argument de poids pour
convaincre les annonceurs de s'insérer en ingame: « Nous avons fait de
la publicité ingame et cela a augmenté notre notoriété, notre degré de
reconnaissance produits, nos ventes... Voici les chiffres ».
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
18
2000
En plus d’intégrer
McDonald's, Fuji, UNICEF
publicité pour des labels
issus les titres formant la
des annonceurs comme Apollo 440, Adidas,
et Eurosport, nous pouvons noter la présence de
musicaux : Skint et Apollo. De ces labels sont
Bande Originale du jeu.
La précision des détails, due aux évolutions techniques, permet
d’afficher les sponsors officiels sur les motos du jeu Superbike 2001 dans
l’optique de toujours plus se rapprocher du réalisme. Cette fois, la
publicité est apposée à un véhicule et donc totalement adaptée à sa
mouvance.
2002
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
19
Nike sponsorise officiellement le jeu de golf Tiger Woods PGA Tour
2003. Il s’agit de la seule marque présente sur le titre. Dans la version
antérieure, le logo Nike apparaissait lors des ralentis. Cette fois, la
marque apparaît sur les vêtements du joueur, ce qui tend à davantage de
réalisme. Le fait qu'un seul annonceur soit présent dans le jeu démontre
que, comme en sponsoring « classique », une marque peut négocier une
exclusivité. Les règles de la publicité et du sponsoring « classique »
s'appliquent donc aussi au ingame.
2005
En 2005, la publicité envahit les titres EA Sports. Avec plusieurs
niveaux de lisibilité et différents degrés de mise en avant, les annonceurs
sont nombreux à s’implanter sur les bannières autour des terrains, mais
aussi dans les tribunes et, lors des ralentis, sur les équipements sportifs…
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
20
II. Un marché, toujours en pleine croissance, et
de réelles opportunités.
1. Le marché du jeu vidéo toujours en grande forme
En 2005, entre 700 et 900 titres pour console ont été
commercialisés. Encore plus important, on dénombre entre 1 200 et 1 800
nouveaux jeux pour PC par an. En comparaison avec un secteur où le
placement publicitaire prend de plus en plus d’ampleur, à savoir le
cinéma, ce sont moins de six cent nouveaux films qui naissent,
annuellement, aux Etats-Unis.
La multiplicité des possibilités de se procurer un jeu est également
très importante. Ainsi, un joueur peut acheter son titre dans les
supermarchés, dans les magasins spécialisés, sur Internet ; le louer ou
l’emprunter, le télécharger… Différents canaux de distribution permettent,
notamment, de segmenter encore plus précisément la cible des
annonceurs ; les achats en supermarché étant majoritairement effectués
par des femmes, ceux sur Internet par des hommes et ceux dans les
magasins
spécialisés
par
les
jeunes.
Le
cabinet
d’études
PriceWaterhouseCoopers (PWC) évalue l’évolution du marché à 9,1% par
an pour un public mondial d’un demi milliard de joueurs.
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
21
L'année 2004 a marqué un tournant important pour le marché du
jeu vidéo en devançant, pour la première fois, le marché du cinéma en
terme de chiffre d’affaires.
Pour l’année 2005, les revenus de ce même secteur ont été estimés à près
de 25 milliards de dollars dans le monde. 12,5 milliards ont été générés
uniquement par les Etats-Unis qui comptent près de 60% de joueurs. En
France, cette année là, NPD Group estimait le chiffre d’affaires du jeu
vidéo à 1,78 milliard d'euros, pour plus de treize millions de joueurs.
L’année 2007 a, une nouvelle fois, été très positive. Soutenue par la
commercialisation des dernières consoles « nouvelle génération »
(Playstation 3, la Xbox 360 et la Wii), la croissance du jeu vidéo en 2007 a
été historique ; alors que, dans le même temps, d’autres secteurs du
divertissement s’effondraient, comme l’industrie du disque. L’institut de
recherches IDATE a estimé à plus de 80 millions le nombre de consoles
vendues en 2007, ce qui représente une augmentation record de 42% par
rapport à 2006. Le chiffre d’affaires du secteur, jeux et accessoires
compris, a atteint les trente milliards de dollars sur les trois principaux
marchés que sont le Japon, l’Europe et les Etats-Unis. La France peut
également se targuer d’un nouveau record pour cette année 2007 avec
une augmentation de 65%, par rapport à 2006, du chiffre d’affaires des
ventes de consoles de 65%, ce qui représente un chiffre d'affaires de 2,4
milliards d’euros.
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
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2. Les débuts d’une croissance exponentielle pour la
publicité ingame
Le marché des jeux vidéo est, comme nous avons pu le constater
avec les chiffres ci-dessus, en plein essor et bénéficie d’une croissance
exponentielle impressionnante. Le marché de la publicité ingame est, lui,
beaucoup plus jeune. Pourtant, les estimations réalisées par les cabinets
d’expertise prévoient un avenir radieux pour ce secteur.
En 2005, les revenus générés par la publicité ingame commencent à
être intéressants. Ils ne représentent, cependant, que cinquante-cinq
millions de dollars dans le monde.
« A de nombreux égards, les constructeurs de consoles et les éditeurs de
jeux perçoivent les services entourant le jeu vidéo comme des canaux on
ne peut plus efficaces pour atteindre une catégorie active. »
Michael Wolf / Directeur d’étude pour ABI Research
Les prévisions des cabinets d’études sont impressionnantes
concernant les cinq prochaines années. Bien que différentes, elles
définissent toutes l’intérêt croissant du secteur pour les annonceurs et
placent le marché de la publicité ingame comme incontournable dans une
campagne de communication publicitaire dans les années à venir. Ainsi,
un récent rapport du Yankee Group affirme que pour l’année 2006, ce
marché a généré 77,7 millions de dollars et évalue son chiffre d’affaires,
pour 2011, à plus de 971,3 millions de dollars. Le Yankee Group indique
également qu’à l’avenir, les publicités statiques tendront à disparaître au
profit des publicités dynamiques et les placements de produits seront de
plus en plus courants. Il prévoit également la multiplication annuelle par
deux du nombre de jeux intégrant de la publicité à partir de cette année,
et que ce sont les jeux PC qui dynamiseront le marché. Ce groupe de
recherche explique ces évolutions essentiellement par l’arrivée de
nouvelles technologies favorisant cet essor, ce qui se traduit par une
baisse de l’intérêt de communiquer aux travers des canaux traditionnels :
le total des investissements publicitaires en 2007 s’élevaient à 3,6
milliards de dollars pour les médias traditionnels (télévision, radio,
magazine, journaux), alors que dans le même temps celles consacrées à
l’Internet atteignaient 4,3 milliards de dollars.
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
23
«Advertisers are increasingly finding in-game advertising to be a greater
investment value because of the variety of opportunities that exist in and
around games. Video games represent an ‘above the line’ opportunity,
which means that video games should be used to build brands and not as
a call to action that distracts from the game play»
(Les publicitaires trouvent la publicité ingame de plus en plus
intéressante, grâce aux nombreuses opportunités qui existent dans et
autour des jeux. Les jeux vidéo représentent une opportunité de choix, ce
qui signifie que les jeux vidéo devraient être utilisés pour construire des
marques, et non pour appeler à une action du joueur qui le distrairait de
sa partie)
Michael Goodman / Directeur du pôle divertissement – Yankee
Group
Comme l’explique Michael Goodman, une publicité intégrée dans un
jeu vidéo doit simplement être d’ordre visuel. En aucun cas elle ne doit
distraire le joueur, qui comme nous le verrons bientôt, a mis du temps à
s’habituer à l’arrivée des publicitaires dans le monde virtuel. Inutile donc
d’imaginer des bannières cliquables ou la participation à un tirage au sort,
par exemple. Il explique également la croissance du secteur par l’arrivée
en masse d’annonceurs séduits par la flexibilité qu’offre le support. Il
s’agit bien là d’un des atouts les plus favorables au marché de la publicité
ingame ; les possibilités qu’il offre étant extrêmement grandes…
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
24
III. Un média flexible et des possibilités illimitées
1. La publicité dynamique, une évolution logique du
statique
Comme nous l’avons vu, il y a quelques années encore, le publicité
dans les jeux vidéo se limitait à la simple intégration du logo ou du nom
d’une marque autour d’un terrain de sport. Aujourd’hui, les avancées
technologiques ont permis de diversifier ces intégrations qui prennent,
désormais, de nombreuses formes. Les seules limites à l’heure actuelle à
l’intégration de marques dans un jeu sont la créativité des agences
spécialisées, ainsi que le budget.
La publicité statique
Il s’agit de la publicité des débuts, celle que l’on retrouvait dans Zool
ou dans les premiers titres de sports d’Electronic Arts. La publicité statique
est la plus ancienne mais est toujours très présente. C’est celle qui est
pensée en amont et intégrée définitivement au jeu pendant sa phase de
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
25
développement. Impossible donc de la modifier, de géolocaliser ses
campagnes et de contrôler son impact, mis à part avec le nombre
d’exemplaires du jeu vendus. Ce sont les grands groupes internationaux,
aux marques et logos reconnus, qui ont recours à ce type de publicité.
L’objectif est de mener une campagne de notoriété.
La publicité dynamique
Sans Internet, les publicités dynamiques n’auraient jamais vu le
jour. Avec sa démocratisation et le développement constant des jeux en
ligne (e jeu World of Warcraft compte plus de dix millions d’abonnés !),
l’avenir proche de la publicité dans les jeux vidéo sera essentiellement
dynamique. En effet, nombreux sont les avantages à en tirer, tant pour
les régies publicitaires spécialisées que pour leurs clients. Concrètement,
la publicité dynamique est celle que l’on peut modifier ou mettre à jour sur
demande. En plus de pouvoir gérer depuis un centre technique les
différentes campagnes, les régies peuvent désormais segmenter leur cible
selon le temps ou encore la position géographique. Les campagnes sont
donc gérées en temps réel et s’apparentent au système de régie publicité
Internet, seul le support changeant, puisqu’on ne parle plus ici de site
mais de jeux vidéo massivement multijoueurs. Il est donc possible de
cibler les joueurs et de récolter des informations les concernant, de
mesurer les campagnes notamment en terme d’exposition et de les
localiser. C’est tout ce que la publicité statique ne permettait pas.
En plus de tous ces avantages, la publicité dynamique a également
élargi le nombre de ses clients potentiels. Au temps de la publicité
statique, un accord était passé pendant le développement du jeu et les
publicités se devaient donc d’être intemporelles.
En plus d’allouer plus de flexibilité aux agences
publicitaires, la publicité dynamique dans les jeux
vidéo est désormais possible pour toute sorte
d’événementiels. Qu’il s’agisse de la sortie d’un
nouveau produit ou d’une campagne de promotion
pour la sortie d’un film, les déclinaisons
ponctuelles sont possibles et nombreuses, comme
ci-dessous avec un billboard dynamique pour la
sortie de Batman Begins, visible dans le jeu World
of Warcraft.
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
26
2. Publicité dynamique, des possibilités variées et
originales
L’affichage
Egalement appelé Billboard. Nous nous trouvons, ici, dans un cas
assez proche de ce qui peut être fait dans la réalité. L’utilisation de
Billboard consiste en l’intégration de panneaux publicitaires dans le jeu.
Ceux-ci peuvent être statiques ou dynamiques, en 2D ou en 3D, et
peuvent même projeter des films publicitaires comme a pu le faire
Massive Incorporated avec le film « 300 ».
Le placement de produit
Il s’agit là du même type d’opérations que ce que l’on peut
retrouver, à la télévision comme au cinéma, avec l'intégration de produits
d'une marque dans un scénario. Le placement de produits intéresse,
depuis longtemps, les marques à la fois en terme de notoriété ; mais aussi
de revendication de positionnement avec, en premier lieu, l’industrie
automobile qui apparaît dès 1916 dans le film « Elle voulait une Ford »,
puis dans la longue saga des James Bond, dont chaque voiture (et il y en
eu beaucoup !) bénéficia d’une vraie notoriété.
Avec la publicité ingame, les marques peuvent, désormais, se
pencher sur un nouveau média de masse offrant de bien plus nombreuses
opportunités ; le virtuel permettant plus d’originalité dans les placements.
Ainsi, les types de placements de produits sont nombreux et toujours plus
imaginatifs, allant du simple ajout d’un logo sur un t-shirt à la création
d’une mission spéciale dans le jeu True Crimes pour la marque Puma
(exemple sur lequel nous reviendrons dans les détails), dans lequel le
joueur doit empêcher un camion rempli de contrefaçons de Puma de
quitter la ville !
L’agence d’étude Nielson liste les quatre principaux avantages que
tirent les marques d’un placement de produit dans un jeu vidéo :
•
« Rejoins une démographie des plus intéressantes » : les jeux vidéo
représentent le média le plus fort pour rejoindre les hommes de treize
à vingt-cinq ans qui regardent, de moins en moins, la télévision. Les
femmes, ainsi que les baby-boomers se tournent aussi vers ce média
pour se divertir, ainsi que pour s’amuser avec leurs enfants et leurs
petits-enfants.
•
« Persuasion amicale » : les publicités télévisuelles génèrent une
attention sur la marque. Par contre, l’interactivité et la nature répétitive
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
27
que l’on peut retrouver dans les jeux vidéo amènent plus fortement le
joueur à considérer l’achat du produit.
• « Une réelle interactivité »: les nouvelles générations de consoles
comme la Xbox 360 et la Playstation 3 rendent possible l’utilisation de
l’Internet de façon plus importante avec les jeux. Elles ouvrent donc un
univers de possibilités pour le placement publicitaire : le changement
de publicités de façon hebdomadaire par exemple, mais aussi la
possibilité de donner une grande importance à l’incorporation de
portails pour les marques dans l’histoire du jeu.
• « Plus naturelle que la télévision » : dans une étude effectuée par
Nielsen, la grande majorité des joueurs affirment que la publicité, qui
est pertinente pour eux ainsi que pour le jeu, améliore la qualité jeu.
Les vêtements
Le sponsoring de vêtements des personnages de jeux vidéo est
arrivé récemment dans le marché de la publicité ingame, et a été rendu
possible par les avancées technologiques (notamment en termes de
détails). En effet, impossible dans le passé d’inclure un logo de petite
taille à un t-shirt, faute de lisibilité. Aujourd’hui cela est possible et on
retrouve ce type de placement dans de nombreux jeux,
principalement ceux de sport. Le premier exemple
d’intégration d’un logo sur les vêtements d’un
personnage virtuel date de 2001 avec l’intégration du
logo Nike aux joueurs de golf dans Tiger Woods PGA
Tour.
Nike est, depuis, LA marque qui s’intéresse de près à l’intégration de
son logo et de sa marque dans les jeux vidéo et qui multiplie, de ce fait,
les opérations. Récemment, la marque à la virgule a conclu un accord
avec la société Take Two Interactive concernant la série de jeux de
basket-ball NBA 2K Sport. Le journal Américain BusinessWeek, dans un
article paru en février 2006, a estimé à deux cent le nombre de joueurs de
basket-ball, dans le titre NBA 2K, portant virtuellement la même paire de
basket Nike que sur les parquets réels. Mais ce n’est pas tout, en plus de
ce chiffre impressionnant, NikeID, subdivision de la marque permettant de
personnaliser des baskets Nike sur le Net puis de les recevoir, est
également intégrée dans le jeu. Ainsi, le joueur peut créer lui-même sa
propre paire de chaussures, comme il le ferait dans la réalité, et en
équiper ses joueurs virtuels.
Adidas a emboîté le pas à son concurrent en intégrant sa paire de
baskets Hyperride dans le jeu Freerunning, édité par l’éditeur Français
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
28
Eidos. Ainsi, la paire d’Hyperride devait être débloquée ; c'est-à-dire que
le joueur n’y avait accès qu’une fois qu’il avait atteint un objectif
préalablement défini, en terme de temps, de points ou d’objets collectés
par exemple. Une fois équipée, le personnage gagnait en endurance et en
agilité.
«Clothing in videogames has been overlooked for too long. We're trying to
infuse videogames with a bit of cool. »
(Les vêtements sont négligés depuis trop longtemps dans les jeux vidéo.
Nous essayons d’infuser un peu de cool dans les jeux vidéo)
Wilbert Das / Designer Diesel 1999
Une nouvelle fois, on comprend que l’univers des jeux dans sa
globalité attire les regards, et que tous les acteurs susceptibles d’y
apparaître veulent y être fièrement représentés.
La marque Diesel a été la première, en 1999, à créer une ligne de
vêtements spécifique à un jeu vidéo. Elle a, ainsi, réalisé des uniformes
pour le jeu futuriste « G-Police – Weapons of Justice ». L’originalité de
l’opération a été que ces uniformes ont été, par la suite, et à l’inverse de
ce qui peut se faire aujourd’hui, commercialisés sur la boutique en ligne
de la marque.
Les bâtiments
Autre option dans le placement de produits : le sponsoring de
bâtiments visibles dans le jeu. Ce type de « placement » n’est pas le plus
répandu et est principalement utilisé dans l’objectif de maximiser
l’immersion du joueur. Ainsi, dans le jeu Fight Night Round 3, jeu de boxe
internationalement commercialisé, le
joueur qui réussit à arriver au top du
classement des boxeurs se voit offrir
« l’honneur » de combattre dans le LA’s
Staples Center. On notera également
sur l’image ci-dessous l’intégration du
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
29
logo d’Electronic Arts, éditeur du jeu, sur les gants de boxe.
Autre exemple caractéristique de ces placements de produits : le jeu
Crazy Taxi. Comme nous l’avons vu précédemment, ce jeu a été, au début
des années 1990, l’un des tous premiers titres à intégrer de façon tout a
fait naturelle de la publicité. Prenant place à San Fransisco, le joueur
incarne un chauffeur de taxi qui doit, dans un temps limité, amener ses
clients à diverses destinations. Certaines d’entres elles étaient fictives,
d’autres beaucoup moins. En effet, les clients demandaient régulièrement
à se rendre au Pizza Hut le plus proche, au fast food KFC ou encore au
magasin FILA.
La dernière campagne, que nous utiliserons à titre d’exemple pour
illustrer l’enjeu des bâtiments dans la publicité ingame, va plus loin que le
simple logo d’une marque sur un magasin. En 2003, la marque PUMA
officialisait son partenariat avec Activision pour le jeu TRUE CRIME,
STREET OF L.A. Ce jeu, comme son nom l’indique, plaçait le joueur dans
la peau d’un ancien policier luttant pour la justice dans les rues de Los
Angeles. Le jeu proposait alors une vaste ville, parfaitement retranscrite,
et offrait aux joueurs une grande liberté d’action. Le partenariat entre les
deux sociétés prenait alors différentes formes : certains des personnages
principaux portaient aux pieds des baskets Puma, de nombreux Billboards
statiques étaient présents le long des routes et la marque était même
intégrée à une mission où le joueur devait empêcher le passage d’un
camion rempli de contrefaçons de chaussures… dont la marque était Puma
(à noter, la parfaite intégration scénaristique de la situation publicitaire).
On retrouve aussi, dans la 3rd Street Promenade, un magasin Puma
disposé également dans la même rue à Los Angeles. C’est dans ce même
magasin que les fans pouvaient trouver, en exclusivité, le jeu quelques
temps avant sa commercialisation. Satisfaits de cette opération, les deux
partenaires décident, deux ans plus tard, de réitérer l’expérience pour le
deuxième opus : TRUE CRIME, NEW YORK CITY…
« Nous voulions que notre participation au jeu ait de la valeur aux yeux
des joueurs et leur apporte une certaine authenticité, plutôt que de se
contenter de coller notre logo un peu partout dans le jeu. »
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
30
Barney Waters / Vice Président Puma Etats-Unis
« Nous avons hâte de continuer ce partenariat avec PUMA, je suis sûr que
cette collaboration unique en son genre permettra à chacune des deux
sociétés d'étendre la visibilité de ses produits aux canaux de distribution
de l'autre. La création de ces baskets Edition spéciale True Crime illustre
parfaitement l'étendue des jeux vidéo dans la culture populaire actuelle. »
Dave Anderson / Directeur Affaires Commerciales et Licences
Activision
En 2005, PUMA réitère l’expérience et intègre TRUE CRIME, NEW
YORK CITY. Cette fois, une mission secondaire est dédiée à la marque
puisqu’il faut retrouver les exemplaires des PUMA Edition spéciale True
Crime RS-100 dans le jeu, puis les rapporter au magasin PUMA. Ce
magasin, que l’on retrouve dans le jeu existant, est bien évidemment
dans le « vrai » New York, et au même endroit. Une fois cette mission
achevée, le joueur peut alors équiper son personnage de chaussures et
vêtements PUMA, en guise de récompense.
Une récompense virtuelle et composée de pixels, mais qui verra le
jour en édition limitée ! Dès le mois de novembre 2005, les PUMA Edition
spéciales True Crime RS-100 sont commercialisées en édition limitée.
Visuellement inspirées par la ville de New York, deux cent exemplaires
étaient disponibles dans les magasins de la ville. Le logo du jeu était
imprimé à l’intérieur de la chaussure, « T » et « C » sur les talons ; le tout
vendu avec une carte du jeu où figuraient tous les magasins PUMA du jeu.
Une vraie opération de cross-marketing qui montre l’engouement des
publicitaires pour le jeu vidéo et qui, surtout, démontre que les possibilités
sont nombreuses et que les expériences sont variées en terme de publicité
ingame.
Les récompenses
Les récompenses sponsorisées par les marques ont toujours été très
présentes dans les jeux vidéo. Les exemples les plus typiques à prendre
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
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en compte sont les jeux de course de voitures. Plus le joueur va vite, plus
il évolue dans le jeu, et plus il a l’opportunité de conduire des voitures de
prestige. Ainsi, les voitures qui le récompensent sont souvent des Porsche
ou autres Ferrari. Il est également possible d’être plus atypique, comme
dans le jeu Fight Night Round 3 où le joueur peut débloquer la mascotte
de Burger King comme coach personnel…
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
32
IV. Un marché
multinationales
déjà
entre
les
mains
de
Septembre 2002. Les sociétés Intel et Mc Donald’s signent avec
l’éditeur de jeux vidéo Electronic Arts des contrats de plusieurs millions de
dollars. L’information fait le tour du Net. A la clé ? L’intégration des
processeurs Intel et des burgers Mc Donald’s dans les catalogues d’achat
de la version online d’un des jeux les plus vendus au monde : Les Sims.
Dans cette simulation, il convient, pour le joueur, d’acheter pour son
avatar tout ce dont il a besoin pour garder sa joie de vivre. Cela passe,
évidemment, par l’acquisition de biens matériels, l’endroit idéal pour
inscrire parmi les objets inventés des marques bien réelles. Ainsi, un
joueur qui décide d’acheter un ordinateur avec un processeur Intel peut
créer son entreprise et correspondre avec ses voisins virtuels. Le joueur
peut également s’enrichir en créant des franchises Mc Donald’s. Une
question reste, cependant, en suspend. On connaît les effets secondaires
de passages trop répétés dans le fast-food, la nourriture n’y étant pas des
plus diététiques. Comment donc intégrer les menus Mc Donald’s dans le
jeu et gérer leurs effets sur l’avatar ? C’est là que la magie du jeu vidéo
opère car l’avatar qui mange Mc Donald’s gagne des points de standing !
Cet exemple peut paraître anodin. Pourtant, c’est l’un des premiers
« gros » contrats du marché de la publicité ingame qui est signé. Contrats
qui, avec leurs sept chiffres jamais officiellement révélés, marquent
l’intérêt des géants de l’informatique pour ce nouveau marché prometteur.
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
33
«Massive pioneered the development of dynamic in-game advertising.
We know games and advertising and have been refining our process for
delivering advertising into games for nearly 3 years. We can ensure your
campaign makes the right connection with gamers. More than 100 leading
global advertisers have executed campaigns with Massive. Our technology
and network model reaches your target audience across titles, genres and
game platforms.
Your campaign connects with gamers wherever they are… in the world. »
(Massive a été le pionnier du développement de publicités dynamiques.
Nous connaissons les jeux et la publicité et avons affiné nos processus
pour intégrer de la publicité dans les jeux depuis presque trois ans)
Massiveincorporated.com
Traduction et commentaires
Activision, développeur et distributeur de jeux vidéo créé en 1979,
et second sur le marché des jeux vidéo, s’est intéressé très tôt à la
publicité ingame. En 2003, la société permet une avancée considérable
pour le marché en termes de gain de temps et de facilité du travail. Elle
développe un programme pour intégrer les publicités au cœur des jeux. La
publicité ingame est, encore aujourd’hui, au centre des préoccupations
chez Activision. Pour preuve, l’intégration récente de publicités dans les
deux franchises vedettes d’Activision ; à savoir « Guitar Hero III : Legends
of Rock » et « Tony Hawk’s Proving Ground ». Pourtant, cette annonce,
faite à la fin de l’année 2007, indique clairement qu’Activision a perdu de
son avance. Ces deux intégrations ont, en effet, vu le jour suite à un
partenariat entre Activision et Massive Incorporated, société spécialisée
qui a fait pour la première fois parler d’elle en juillet 2005. La société
historique Atari s’allie alors à Massive pour gérer les intégrations de
publicité dans le jeu RollerCoaster Tycoon 3. Dès lors, la croissance de
Massive en fera rêver plus d’un… Fin 2005, Massive Incorporated poursuit
sa croissance et signe un partenariat avec l’éditeur américain de jeux THQ
(Toys Head Quarter). Cette fois-ci, le jeu concerné est le MMORPG Auto
Assault.
MICROSOFT, le géant entre dans la partie
C’est en avril 2007 que le marché va connaître son explosion, pour
les sociétés spécialisées. Une rumeur circule sur le Net : le géant de
l’informatique Microsoft pourrait racheter Massive Incorporated, pionnier
de la publicité ingame. C’est le Wall Street Journal qui est à l’origine de
l’information. Il évoque un rachat compris entre deux cent et quatre cent
millions de dollars. Les deux parties nient et parlent de rumeurs. Pourtant,
une semaine seulement après cette annonce, le rachat de Massive par
Microsoft est officialisé. Avec l’arrivée du Xbox Live, le service Internet
permettant aux joueurs possesseurs de Xbox de jouer en ligne, ce rachat
prend tout son sens et Microsoft peut, en plus de vendre ses services,
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
34
gérer seul la publicité dans ses jeux. Le leader historique de
l’informatique, piloté par Bill Gates, montre au grand jour son intérêt pour
la publicité ingame et propulse ses acteurs sur le devant de la scène. Les
jeux vidéo, comme supports publicitaires, gagnent en crédibilité et les
multinationales du marché vont très vite emboîter le pas de Microsoft.
Massive Incorporated est, aujourd’hui, le leader des régies ingame et
possède un catalogue de clients aussi hétérogène qu’impressionnant :
Sony, Universal, BMW, Air Force, Mc Donal’s, NBC…
IGA WORLDWIDE se serait bien passée de cette publicité là
Autre acteur incontournable du marché, la
société IGA Worldwide. Elle possède les mêmes
caractéristiques et arguments commerciaux que
Massive et, comme elle, elle a connu une
croissance rapide. La société porte également,
comme la filiale de Microsoft, une attention toute particulière aux études
statistiques sur les joueurs et les résultats de la publicité dans les jeux
vidéo, et les publie sur son site Internet. Le marché étant jeune, les deux
sociétés se doivent de prouver constamment que leurs propositions sont
crédibles et permettent de remplir des objectifs précis sur une cible
définie. Les annonceurs, qui pour la plupart n’avaient jusque-là pas
envisagé ce canal de communication, ont alors besoin d’être rassurés.
Pourtant malgré sa réussite, IGA n’a jamais été rachetée par une
compagnie plus importante et peut, aujourd’hui, annoncer dès les
premières lignes de son site Internet être le leader indépendant du
marché.
C’est au milieu de l’année 2006 que la société va connaître ses
heures de gloire, en signant avec Electronic Arts, un accord concernant le
très attendu Battlefield 2142. Sur ce projet, IGA collaborera avec Massive.
Mais la joie fut de courte durée. Dans un premier temps, l’annonce de
l’arrivée de publicités dans Battlefield 2142 a été très controversée sur les
forums. Difficile pour des hardcore gamers de croire que de la publicité
dans un jeu de guerre futuriste va favoriser leur immersion dans la partie.
Premier revers pour le jeu et pour IGA. Plus grave encore, le buzz négatif
que va subir la société en raison d’un simple flyer, dont nous reparlerons
quand nous étudierons les limites de la publicité ingame.
IGA Worldwide reste, aujourd’hui, parmi les leaders du marché
après avoir signé des partenariats avec l’éditeur Valve. Un accord qui
concerne, entre autres, l’arrivée de la publicité dans le jeu le plus célèbre
des joueurs : Counter Strike. Il s’agit d’un jeu de tir multi-joueurs, en
ligne, où une équipe de terroristes affronte une équipe des forces armées.
Bien que la première édition soit sortie en 1999, le jeu reste aujourd’hui
un des plus joués dans le monde. Une belle réussite donc pour IGA d’avoir
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
35
été sélectionnée pour se charger des intégrations publicitaires. En janvier
2007, IGA signe un accord pour l’intégration de publicités ingame dans six
jeux de l’éditeur Acclaim et renforce sa position sur le marché, sans
toutefois détrôner le leader Massive.
GOOGLE, un pionnier qui aime la publicité
La référence actuelle des moteurs de recherche, Google, a été
fondée en 1998 dans la Sillicon Valley par Larry Page et Sergey Brin.
Incarnation même de la réussite d’une start-up, la société était évaluée,
en début d’année, à 210 milliards de dollars à la bourse de Wall Street.
Elle possède aujourd’hui un grand nombre de services références sur
Internet, comme la plateforme vidéo Youtube, le service email Gmail ou
encore le très populaire globe virtuel Google Earth. La société, pionnière
sur le Web et en perpétuel développement, a fondé sa fortune sur un
système publicitaire appuyé sur les adwords et les adsense.
1) Un moteur de recherche est un annuaire en ligne de sites Internet. Il
se base pour cela par une classification par mot clefs que tapent les
internautes pour trouver des informations. Ainsi, Google met
littéralement ses mots clefs aux enchères. Sur la page d’accueil du site
figure un espace pour les liens commerciaux. Si un internaute tape un
mot clef que l’annonceur aura jugé cohérent avec ses services, alors le
lien vers son site commercial apparaît dans cet espace (adwords). A
chaque fois qu’un internaute clique sur ce lien, l’annonceur doit payer
une commission à Google. De nombreuses entreprises correspondent
aux mêmes mots clefs ; or, les places en première page sont limitées
et rares sont les internautes qui regardent les autres pages d’annonces
commerciales. Pour être sur cette première page, il faut donc payer
plus cher le coût au clic, avec un système basé sur des enchères.
Autrefois limitées à de simples liens, ces annonces peuvent aujourd’hui
prendre la forme de vidéos ou d’images, bien plus attirantes.
2) Les adsense fonctionnent de la même manière. Il s’agit, en fait, de
l’intégration des liens commerciaux mis aux enchères par Google sur
un site tiers, qu’il s’agisse d’un blog, d’un site personnel… Cette
technologie permet donc d’exporter les liens qui ne sont alors plus
cantonnés aux pages du moteur de recherche. L’intégration d’un encart
publicitaire Google dans un site est très simplifiée, il s’agit pour le
webmaster d’insérer un simple code html, le reste se faisant
automatiquement. La technologie se charge, par exemple, elle-même
d’afficher des annonces en rapport avec le site qui les héberge, et
s’assure ainsi un taux de retours important avec des publicités
strictement ciblées. En contrepartie, Google verse une partie de ses
commissions au site Internet qui héberge ces publicités, en fonction du
nombre de clics générés.
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
36
La publicité en ligne étant au centre de la stratégie de
développement du désormais géant Américain Google, il était évident que
la société ne priverait pas le marché de la publicité ingame de sa
présence. C’est, cette fois, le New York Times
qui, en mars 2007, a été à l’origine de la
rumeur concernant le rachat d’Adscape, société
canadienne spécialisée dans la publicité ingame
née à peine un an auparavant. Loin d’avoir un
catalogue de clients bien établi, c’est pour ses
brevets et sa technologie que, quelques jours
plus tard, est officiellement annoncé son rachat
pour quelques vingt-trois millions d’euros.
Le marché de la publicité ingame, côté régie, possède désormais de
lourdes barrières à l’entrée pour les jeunes structures. Le marché est,
aujourd’hui, dirigé par une poignée de sociétés, parmi lesquelles on peut
ajouter à ceux cités précédemment Double Fusion et Engage. Qu’elles
soient pionnières de l’Internet ou multinationales transformées en
institutions du Web, ces sociétés disposent de moyens considérables, tant
au niveau de la technologie, que de la recherche et du développement.
Des partenariats solides les lient aux plus grands développeurs et éditeurs
de jeux vidéo, qui tous deux gagnent à faire prospérer le marché grâce à
des campagnes aux budgets faramineux.
CONNECT'IN semble bien seule en France
« Entrez dans une nouvelle ère de communication !
L'efficacité des médias traditionnels est de moins en moins performante.
Le temps passé devant la TV est à la baisse et l'élargissement de l’offre
diminue l'émergence des campagnes publicitaires.
Grâce à sa technologie de diffusion ingame, Connect'In Advertising offre
aux annonceurs une opportunité unique d’intégrer des environnements
encore inexplorés.
Impactant, réaliste, efficace et impliquant, le jeu vidéo permet de toucher
les 15-34 ans, dans leur principal univers de loisirs.
Dotée d’une équipe de spécialistes, d’une technologie innovante et
performante, Connect’In Advertising réunit tous les atouts pour vous
guidez au cœur du media le plus dynamique du marché des loisirs... »
Page d’accueil du site Internet de la société Connect’In
Connect’In est, actuellement, la seule structure française de
publicité ingame. Elle calque son modèle sur les leaders nord-américains
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
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du marché avec, notamment, un site Internet quasi-identique à celui de
Massive Incorporated. Pourtant, les deux sociétés n’ont rien à voir, et
prouvent bien qu’il est impossible de concurrencer un Google ou un
Microsoft…
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
38
DEUXIEME PARTIE
DE NOUVELLES STRATEGIES, DE NOUVEAUX
SUPPORTS A PRENDRE EN COMPTE
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
39
I. Une cible définie mais exigeante
Comme nous l’avons précédemment vu, on évalue à un demi
milliard le nombre de joueurs dans le monde. La publicité ingame peut
donc se targuer d’une nouvelle audience extrêmement large et bien loin
des clichés souvent véhiculés. Il est loin le temps où les joueurs, console
et pc, n’étaient que des garçons, adolescents et légèrement en marge de
la société. Le stéréotype du geek (jeune garçon enfermé dans sa
chambre, devant son ordinateur, très exigeant car très connaisseur) en
quelque sorte… La typologie du joueur est aujourd’hui très variée, les
consoles ont démocratisé l’utilisation des jeux vidéo et les recherches des
principaux constructeurs, en particulier Nintendo et sa Wii, pour étendre le
marché a amené à une grande diversité. Les campagnes télévisées pour
promouvoir la Wii en sont un bel exemple puisqu’elles mettent en scène, à
chaque fois, à la fois des jeunes, des moins jeunes, des hommes et des
femmes. La diversité des publics est, ici, l'un des éléments-clés du brief
publicitaire car il est aussi le positionnement-clé du produit, qu'il faut bien
évidemment retranscrire dans les campagnes publicitaires.
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
40
1. Qui est ce « joueur » ?
Le joueur d’aujourd’hui a, en moyenne, trente-trois ans, et dispose
donc d’un véritable pouvoir d’achat ; contrairement à l’adolescent qui
n’est financièrement pas encore indépendant. Parmi ces joueurs, 38%
sont des femmes, une toute nouvelle cible intéressante des régies
publicitaires.
Il existe également une grande diversité dans le profil des joueurs.
C’est également la fin de la séparation nette et brutale entre les joueurs
dits extrêmes, les « hardcore gamers », et les « casual gamers », les
joueurs occasionnels. Une étude, menée aux Etats-Unis par le cabinet
Parks Associates auprès de 2000 joueurs en 2006, permet de distinguer
six profils de joueurs différents. Bien que menée aux Etats-Unis, l'étude
définit des profils qui peuvent être assimilés aux joueurs européens, le
marché se développant à quelques mois près de la même manière à
travers le monde. Pour faire ces distinctions, le cabinet s’est basé à la fois
sur le temps passé à jouer, mais aussi sur l’attitude et les motivations des
joueurs. Voici les profils qui en découlent :
Les joueurs passionnés (power gamers) : ils représentent seulement
11 % des joueurs, mais 30 % des revenus de l'industrie du jeu vidéo.
Les joueurs sociaux (social gamers) : ils n'aiment jouer qu'en
interaction avec d'autres amis.
Les joueurs de loisir (leisure gamers) : ils jouent beaucoup (58 heures
par mois en moyenne), mais à des jeux sans importance.
Les joueurs dormants (dormant gamers) : ils adorent le jeu vidéo,
mais n'y consacrent que très peu de temps à cause de la famille, du
travail, ou de l'école. Ils aiment jouer entre amis, et préfèrent les jeux
complexes pour le défi.
Les joueurs accidentels (incidental gamers) : des joueurs qui
manquent de motivation et qui jouent uniquement en cas d'ennui. Ils
jouent néanmoins environ 20 heures par mois.
Les joueurs occasionnels (occasional gamers) : ils jouent à des jeux de
société, jeux de table, puzzle, et autres mots croisés (en jeu vidéo
toujours).
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
41
PC IMPACT / Août 2006
Il existe donc aujourd’hui une large diversité de joueurs, de
typologies et des profils très différents, ce qui assure aux annonceurs un
ciblage précis et une segmentation qui ne peut être que bénéfique aux
campagnes ingame. Reste à savoir à quel point ces joueurs sont réceptifs
aux différentes intégrations de publicité, et sous quelles conditions ils sont
prêts à l’accepter…
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
42
2. De la publicité dans nos jeux ? Peut-être mais sous
condition
« Hors de question !
Y en a déjà pleins partout, alors, j'en veux pas dans les jeux que l'on paye
suffisament chère !
»
Jess_b6 / Extrait d’un forum PC IMPACT
Jusqu’à récemment, le marché du jeu vidéo en tant que support
publicitaire était relativement stable et dédié à quelques annonceurs, liés
par contrat aux éditeurs. La publicité ingame prend à l’époque plus la
forme d’un sponsoring que d’une campagne publicitaire. Depuis le rachat
de Massive Incorporated par Microsoft, le phénomène a pris une réelle
ampleur. Paradoxe, il a par la même occasion bénéficié d’un coup de
publicité important auprès des éventuels prospects, bénéficiant du buzz
suscité par ce rachat. Seulement, les joueurs se sont alors appropriés les
jeux, avec leurs habitudes, avec leurs règles. Quand soudain tout et
n’importe quoi se dit, chaque intégration de publicité fait la une des sites
spécialisés et les réactions se font de plus en plus nombreuses, et parfois
violentes, envers cette nouveauté qu’on leur impose. La pilule est dure à
avaler, nombreux sont ceux qui manifestent leur mécontentement, et
pourtant, la majorité n’y est pas opposée, sous conditions.
Le site PC IMPACT posait en 2006 une question très simple aux
internautes : « Que pensez-vous de la publicité en plein jeu ». Avec plus
de 4000 votes, les résultats de ce sondage témoignent très clairement de
l’avis général des joueurs :
Hors de question d'en
avoir !
Pourquoi pas, ça m'est
totalement égal.
Oui, mais si elle n'est
pas trop hors sujet !
Ok pour la pub, mais si
le jeu est moins cher.
Oui,
aux
deux
conditions précédentes.
40.22%
(1936)
3.47% (167)
3.89% (187)
19.7% (948)
32.72%
(1575)
Comme on peut le constater, plus de 40% des joueurs ayant
répondu sont totalement opposés à la publicité dans les jeux vidéo. Le
marché étant jeune, il est normal d’avoir une opposition importante, la
transition étant en cours. On se doit, cependant, de considérer que les
internautes de ce site spécialisé dans les jeux vidéo sont majoritairement
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
43
des « gros » joueurs et ne représentent donc pas exhaustivement les
différents profils vus précédemment.
Près de 20% des sondés se
montrent accueillants à la publicité à condition d’une répercussion sur le
prix de vente des jeux. Raisonnement logique, la plus-value générée pour
les éditeurs devrait se ressentir au moment de l’acte d’achat. Les
nombreuses réactions du Web montrent qu’un joueur prêt à mettre 60
euros dans un jeu estime avoir payé assez cher pour ne pas voir son profil
revendu à une régie et son jeu « pollué ». La majorité des joueurs
interrogés l’accepteront qu’à deux conditions : que le jeu soit moins cher
et que le contexte du jeu s’y prête. C’est d’ailleurs pour cela que les
panneaux publicitaires dans la série des FIFA n’ont jamais suscité de vives
réactions, puisqu’il s’agit du rendu effectif d’un stade de football dans la
réalité. Il en est de même pour le sponsoring des équipements sportifs.
Pour ce qui est du réalisme, les jeux de sports semblent donc être une
référence quant à l’intégration de publicité, comme le démontrent ces
conclusions d’une étude menée par le cabinet Phoenix Marketing
International auprès de 1 500 joueurs américains, et concernant les
soixante-dix jeux les plus populaires de l’année 2006 :
« Il en ressort notamment que parmi les marques que les joueurs se
souviennent le mieux avoir vu apparaître dans leurs jeux figurent
notamment plusieurs équipementiers sportifs (Nike, Adidas) ainsi que de
nombreuses marques apparaissant dans les jeux de sport ou de voitures
(Coca, Pepsi, BMW, Puma…). Autre enseignement, les emplacements les
plus efficaces sont ceux qui s’intègrent parfaitement au décor : là encore,
les jeux de sport semblent un support idéal puisque leur réalisme passe
par la présence de sponsors (maillots, panneautique, gradins, stades…).
Enfin, même après quelques jours, 42 % des joueurs se souviennent
spontanément d’une publicité vue dans un jeu. Une proportion très
intéressante pour les annonceurs, variable d’un type de jeu à l’autre avec
là encore un record pour les jeux de sport (FIFA 07, NHL 07 et NFL
Madden 07 étaient notamment compris dans l’étude) qui enregistrent 54%
de mémorisation effective chez les joueurs. »
Sport Stratégie n°82, semaine du 11 au 17 décembre 2006
Les jeux de sports sont donc, sauf exceptions que nous verrons plus
tard, les plus enclins à accueillir de la publicité par le réalisme que cela
leur apporte. Mais autre enseignement de taille à tirer de cette étude, ce
sont ces mêmes jeux qui enregistrent le plus important taux de
mémorisation effective, celui-ci se montant à 54%.
Une sondage plus récent, mené en début d’année par le site
référence des jeux vidéo GameSpot, montre que la transition suit son
cours et que l’opinion des joueurs évolue, bien que les attentes restent les
mêmes. Sur les 3 575 internautes interrogés, 73% ont déclaré ne pas
avoir une opinion négative de la publicité ingame. Un score encourageant
pour le futur des régies publicitaires, preuve d’une évolution des
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
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mentalités. Alors que 40% pensent que la publicité ajoute du réalisme à
leur expérience vidéoludique (encore faut-il bien choisir le type de
publicité et le jeu), seulement 14% s’y montrent totalement opposés. Pour
28% des joueurs exposés à de la publicité dans un jeu, cela a modifié leur
perception de la marque. Plus de 60% d’entre eux ont eu un changement
positif, contre à peine 30% d’opinion négative. Une fois de plus, ce
changement d’opinion négatif pour la marque est du, d’après les sondés, à
un manque de réalisme dans son intégration, à un contexte peu approprié
ou à une distraction gênante durant la partie.
Une fois de plus, lorsqu’on les interroge sur l’acceptation de la
publicité dans leurs jeux pour l’avenir, une majorité s’y montre favorable à
condition qu’il y ait une répercussion sur le coût. Ils sont 86%. Un tiers
d’entre eux ne s’y résoudront que si ces publicités prennent leur sens dans
le jeu et rendent encore plus réaliste l’expérience virtuelle du joueur.
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
45
II. Les jeux vidéo comme support publicitaire :
simple mode ou réels intérêts ?
1. Un marché jeune et dynamique
La fin des années 1990 a été marquée par l’hégémonie des start-up
dans les paysages boursiers du monde entier. Chaque nouvelle société,
chaque nouveau concept ou marché a eu son heure de gloire, les
cotations ont explosé et les grands dirigeants, en jean et baskets, ont joué
avec des centaines de millions de dollars. Et puis, le boom et le retour sur
Terre. Rattrapé par la réalité et les lois du marché, la majorité de ces
petites structures, aux chiffres d’affaires jusque-là impressionnants,
ferment leur porte. Seuls quelques-unes des plus importantes restent sur
le navire et continuent à se développer à pas de géant, comme peuvent le
faire Google ou Yahoo. L’enthousiasme autour des start-up fut énorme, la
spéculation intensive, et pourtant, en quelques mois, ce secteur qu’on
qualifiait de « secteur d’avenir » a implosé. Alors, on est à même de se
poser la question de la durée dans le temps pour le marché de la publicité
ingame si on le rapproche de celui des start-up. Des similitudes existent :
croissance exceptionnelle et intensive, spéculation et rachat par des
groupes internationaux, nouvelles technologies… Faut-il donc voir dans la
publicité ingame une simple mode exposée, temporairement, sous les
projecteurs par les médias ou un marché qui peut perdurer et devenir une
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
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référence de qualité dans les campagnes de communication des plus gros
annonceurs du globe ?
Le marché de la publicité ingame est, malgré sa dynamique, encore
très jeune. Il est donc difficile à l’heure actuelle d’apporter une réponse
concrète et définitive à une telle question. Cependant, certains faits nous
permettent d’avancer des hypothèses crédibles et encourageantes pour
Massive, Adscape et les autres…
Des études encourageantes et primordiales pour les régies dans
leur quête d’annonceurs
Comme nous l’avons vu précédemment, le nombre de joueurs est en
constante évolution et, plus important, en perpétuelle diversification. Avec
plus de femmes, plus d’adultes, plus de profils et tout simplement
toujours plus de joueurs, les jeux vidéo représentent un canal qui assure
une visibilité large et un public aussi multiple que ciblé. D’autant plus
encourageant, l’Institut Interpret, après une étude effectuée en 2007 à
partir de trente-six publicités dans dix jeux vidéo, révèle que huit joueurs
sur dix regardent les publicités dans les jeux, 75% au moins une fois par
minute et 81% toutes les deux minutes ! Une preuve tangible de
l’efficacité visuelle d’une publicité dans un jeu vidéo, contrairement aux
publicités télévisées qui doivent faire face à l’inévitable « zapping » du
spectateur… Autre point fort pour les jeux vidéo, comme l’indique le
sondage de Gamespot : 58% des sondés ont indiqué passer plus de temps
à jouer qu’ils ne le faisaient un an auparavant, et que ce temps passé
derrière les manettes s’effectuait au détriment du temps passé sur le
canapé à regarder la télévision. Une seconde étude menée autour du
même thème par le cabinet Nielsen en collaboration avec la société
Activision auprès de 1 350 joueurs en 2007 (publiée début 2008) vient
appuyer ces conclusions. 40% des joueurs interrogés se sont montrés
enclin à consommer une marque après l’avoir vue dans les cinq jeux ayant
servi de test. Le taux de mémorisation est très important pour 87% des
joueurs. Un taux toujours de 30% après l’exposition, et de 15% deux
mois après, soit un score plus élevé que pour tous les autres médias…
Un média unique et une immersion totale
L’immersion du joueur est telle lors d’une partie que l'attention est
entièrement dédiée au support. C’est ce qui, aujourd’hui, fait la force de
ce nouveau canal. On peut, contrairement à tous les autres, parler d’un
média exclusif…
Les jeux vidéo ne ressemblent à aucun support publicitaire
« classique » et permettent des expériences jusque-là encore jamais vues.
Une publicité papier restera toujours une publicité papier, des couleurs
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
47
imprimées, un encart dédié, avec un message plus ou moins original. Le
lecteur s’y attend. De même avec la radio, ce qui différenciera un spot
d’un autre sera son originalité, sa musique ; mais dans la forme, tous sont
quasiment similaires. L’intégration d’une marque dans un jeu est, elle,
unique, et peut prendre un nombre infini de formes et laisser place aux
idées les plus extravagantes.
L’avatar, véritable reflet de soi-même
Durée son expérience vidéoludique, un joueur, s’étant procuré son
jeu pour plusieurs dizaines d’euros, s’y jette à corps perdu pour plonger
dans la peau de son avatar :
« Avatar, terme français depuis le XIXe
siècle, a connu un nouvel élan avec le jargon
informatique, où il désigne l'apparence que
prend un internaute dans un univers virtuel
[…]. Choisi par l'utilisateur lui-même, l'avatar
le représentant apparaît à chaque fois que
celui-ci se connecte à un univers virtuel ou
écrit un message dans un forum, afin qu'on
l'identifie visuellement. »
AVATAR / Définition Wikipédia
Comme nous l’explique cette définition, l’avatar est la représentation
virtuelle du joueur. Dans de nombreux jeux, il est possible de
personnaliser physiquement et parfois même psychologiquement sa
représentation. Qu’il soit un pilote de course, un guerrier futuriste ou un
livreur de pizza, son attention est focalisée sur sa partie. Pendant une
pause de publicités à la télévision, nous zappons. Une publicité, dans un
journal gratuit qu’on lit debout à huit heures et demie dans le métro,
passe quasiment inaperçue. Inutile de louer les mérites des panneaux
publicitaires qui envahissent nos villes, plus personne ne semble les voir.
La publicité est, aujourd’hui, partout et s’adresse à nous alors que nous
pratiquons nos activités quotidiennes. Sa diminution d'impact, due à une
certaine accoutumance, ne remet pas en cause la nécessité de ces
supports classiques. Cependant, il est vrai qu'ils demandent, aujourd'hui,
un autre type de soutien publicitaire pour que les campagnes puissent
continuer à avoir un réel impact. Le jeu vidéo est, lui, à l’opposé de tous
ces supports classiques et l’attention de la cible est donc beaucoup plus
importante, pour un impact plus efficace des campagnes.
De même, la radio comme la télévision peuvent être considérées
comme des canaux d’informations passifs. Dans de nombreux foyers, la
télévision reste constamment allumée, sans pour autant que quelqu’un la
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
48
regarde. Tout comme la radio, qu’on écoute en majorité dans une voiture
où l’attention se porte, en général, sur la route et la circulation. Les
campagnes de communication passent donc souvent inaperçues et la cible
y prête peu d'attention. Rien à voir avec le jeu vidéo. Par définition,
l’objectif d’un joueur est de battre son adversaire, de découvrir de
nouveaux trésors ou d’être le plus rapide. Cette compétitivité induite aux
jeux fait de ce canal de diffusion un média actif. L’interactivité est
également un des points forts des jeux vidéo comme supports
publicitaires de l’avenir. Alors que la cible d’une campagne papier ou
télévisée est passive, le joueur, lui, interagit, dans certains cas, avec la
publicité dans un jeu. Pour faire courir son avatar plus rapidement, c’est
lui qui va décider de lui acheter une paire de chaussures Nike et qui va
ensuite l’en équiper. C’est ici que prend toute l’importance de l’avatar…
Les Sims, simulateur de la société de consommation
Dans le jeu les Sims, édité par Electronic Arts, cette personnalisation
est poussée à l’extrême : propreté, sociabilité, dynamisme, excentricité ou
gentillesse, l’avatar est façonné par le joueur. Ainsi, l’immersion est
encore plus importante et l’avatar est souvent la représentation la plus
précise de celui qui le dirige derrière la manette. L’avatar est donc crucial
dans les campagnes ingame car le joueur le fait agir de la même manière
que lui le ferait s’il était dans la même situation. L’utilisation de produits
marqués, leur consommation ou leur choix de vêtements est donc à
prendre en compte dans un potentiel acte d’achat. L’immersion, au cœur
de la réussite d’une campagne ingame, agit donc dans la perception du
virtuel pour le joueur. Ce virtuel, si toutes les conditions sont réunies, à
savoir la compétitivité, la ressemblance avec la réalité, une histoire
captivante, se transforme alors peu à peu en réalité pour le joueur
pendant sa partie. Ainsi, une publicité dans un jeu sera assimilée par le
joueur au travers de son avatar, sera identifiée, puis traitée. Et ce, avec
succès au vu des sondages évoqués précédemment.
Les jeux vidéo représentent donc un support de communication
nouveau, original, mais surtout unique. Les avancées technologiques et la
recherche perpétuelle de réalisme permettent l’immersion du joueur et
viennent renforcer l’impact des messages publicitaires qui leur sont
transmis. Bien loin de l’essoufflement dont sont victimes les supports plus
classiques, qui doivent de plus faire face à de nombreuses interférences,
le jeu vidéo se présente comme un support d’avenir. Avec de plus en plus
d’adeptes, le jeu vidéo semble à l’heure actuelle le seul à même de
captiver son audience de manière quasi-exclusive. De plus, la
segmentation permise par le marché vient une fois de plus renforcer les
arguments permettant d’inscrire la publicité ingame dans l’avenir. Les
possibilités sont nombreuses et les essais réussis ne font qu’accroître
l’enthousiasme des annonceurs, pour des campagnes test originales
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
49
comme, ici, une publicité du gouvernement anglais pour le recrutement
des services secrets de la Reine !
Le site du gouvernement, qui comptabilisait entre cinq cent et six
cent visiteurs par jour, a mis en place une campagne ingame dans les
jeux « Tom Clancy's Splinter Cell: Double Agent » et « Rainbow Six
Vegas ». Le nombre de visiteurs, suite à cette campagne mais aussi, il
faut bien l’avouer, au buzz qu’a généré une campagne grand public pour
un service à l'habitude si discret, s’est envolé pour atteindre près de 10
000 connections. Un bel exemple de réussite qui prouve l’efficacité d’une
telle campagne et la place qu’il faudra accorder au support dans les
campagnes de communication de demain.
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
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2. Les MMORPG, des mondes virtuels persistants
Derrière ces initiales incompréhensibles pour les non-initiés se
cachent, en fait, un type de jeu bien particulier. Il s’agit de jeux de rôle en
ligne massivement multi-joueurs. Un jeu d’aventure classique dans lequel
le joueur est représenté par un avatar et doit effectuer des quêtes de
toutes sortes en fonction de l’univers dans lequel il évolue. La grande
différence avec un jeu traditionnel est que dans le cas d’un MMORPG, le
joueur joue en étant connecté sur Internet. Il croise donc sur son chemin
de nombreux autres joueurs virtuels qui, comme lui, effectuent leur quête
et peuvent échanger, discuter, s’affronter. Dans certains univers, les
relations peuvent aller bien plus loin, qu’il s’agisse de coopérations où
même de mariages entre certains joueurs. Mariages qui ne sont, bien
entendu, pas réels ! Autre détail caractéristique des MMORPG, et de taille,
le monde virtuel dans lequel l’aventure prend place est persistant, c’est
d’ailleurs ce qui rend les joueurs si attachés à leur partie et si assidus
devant leur écran. Vous décidez de vous coucher et éteignez donc
l’ordinateur, qu’importe, le monde ne vous attend pas. Un monde
persistant évolue et se transforme perpétuellement en fonction des
actions des joueurs qui le parcourent. A l’origine des MMORPG, on trouve
les jeux de plateau des années 1970 avec des univers de base fortement
ancrés dans le fantastique, inspirés par le premier et le plus célèbre
d’entre eux : Donjon et Dragon. Le terme MMORPG a été prononcé pour la
première fois par une personne qui est désormais perçue comme un des
grands noms de l’industrie vidéoludique, Trip Hawkins. En 1996, avant de
devenir le directeur de la société Electronic Arts, Trip doit pour la première
fois présenter à la presse le futur jeu de ses équipes, Meridian 59. Et c’est
le terme MMORPG (jeu de rôle, RPG, regroupant les joueurs du monde
entier, donc massivement multi-joueurs) qui représentait à l’époque le
mieux les caractéristiques inédites de son jeu, avec un abonnement
mensuel à régler pour pouvoir y jouer. Meridian 59 est donc, en 1996, le
premier MMORPG de l’histoire, en avance sur son temps. Trop peut-être
car ses successeurs feront eux beaucoup plus parler. Ultima Online, en
1997, puis le célèbre Everquest en 1999, ont démocratisé le genre et
décomplexé la formule d’abonnement mensuel.
Les MMORPG représentent donc un support idéal pour la publicité
ingame. Non seulement les joueurs doivent se connecter pour jouer, les
campagnes peuvent donc être flexibles et facilement interchangeables.
Les univers sont tellement différents que nombreuses sont les marques
qui peuvent y trouver leur compte. Mais en plus, le genre bénéficie d’une
croissance exceptionnelle basée sur quelques titres ; la majorité des
nouveaux entrants sur le marché étant voués à l’échec à long terme,
balayés par les groupes internationaux qui eux seuls ont les moyens de
renouveler et d’actualiser en continu leur univers. Année après année, la
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
51
cible s’élargit, le nombre de joueurs augmente, tout comme les profits
générés :
2001
2002
2003
2004
2005
2006
Europe
136.2
167.0
207.0
238.4
273.1
371.3
Japan
122.1
135.1
152.4
138.4
133.2
163.1
USA
213.3
296.5
430.3
566.3
625.7
815.4
Asia Pacific
322.3 443.7
634.0
710.0
768.9
933.3
132.6
143.5
159.5
225.8
Rest of the
World
Total
95.2
119.7
889.1 1 162.0 1 556.2 1 796.6 1 960.4 2 508.9
Le marché des jeux vidéo massivement multi-joueurs (millions
USD) / Rapport IDATE 2006
Des joueurs en nombre, mais aussi de plus en plus accros. Les
dérives sont nombreuses et les centres spécialisés dans la dépendance
aux jeux vidéo apparaissent en France, après avoir fait la une des médias
en Chine. Des scènes de violences incroyables prennent place dans les
cybercafés, les étudiants font l’école buissonière ou passent un nombre
bien trop excessif d’heures consécutives devant leur écran…
La plus grande réussite du genre est le jeu World of Warcraft. Wow,
comme il est communément appelé, prend place dans un univers
médieval-fantastique basé sur celui de Warcraft, jeu de plateau sorti au
début des années 1990. Edité par la société Blizzard Entertainment, le jeu
rassemblait deux millions de joueurs huit mois après sa sortie. Au 22
janvier 2008, ce chiffre s’élève à plus de dix millions, un record absolu et
une belle rente pour l’éditeur. En effet, en plus d’avoir acheté le jeu
comme un jeu classique, soit une version boîte à près de 50 euros
(14,95€ depuis fin 2007), le joueur doit ensuite souscrire a un
abonnement. Trois formules s’offrent à lui :
* Un mois d’abonnement : 12,99 €.
* Trois mois d’abonnement : 35,97 € (soit 11,99 € par mois).
* Six mois d’abonnement : 65,94 € (soit 10,99 € par mois).
De quoi largement permettre aux équipes qui travaillent sur le projet de le
mettre à jour régulièrement, de sortir des add-on (ou extension, il s’agit
en fait de nouvelles fonctionnalité dans un jeu, disponibles qu’après avoir
acheté le fameux add-on)… Le jeu a considérablement favorisé l’intérêt
toujours plus important des joueurs vers les mondes virtuels persistants
et en est le fer de lance. Il apparaît, aujourd’hui, comme un exemple de
réussite et est parvenu, après Everquest, à démocratiser le jeu en ligne.
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
52
Par la même occasion, il a dynamisé le jeu de la publicité ingame en lui
faisant prendre conscience des possibilités offertes.
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
53
III. Quel jeu pour quelle publicité : tout est-il
permis ?
1. Les limites constatées
Pour récapituler ce que nous avons jusque-là constaté, le jeu vidéo
est un support viable pour les annonceurs, doté de nombreux avantages.
Bien que les chiffres à même d’appuyer la position du secteur sont trop
récents, sa naissance soudaine et sa croissance spectaculaire laissent
prédire un bel avenir. Les estimations remplissent d’espoir les dirigeants
de petites structures vites rachetées par des géants de l’informatique. La
cible semble doucement se faire à l’idée que les jeux ne resteront pas
exempts de messages publicitaires ; et certains osent même affirmer leur
accord sous conditions. Ainsi, une baisse des prix d’achat reste la
condition première dans le cœur des intéressés, suivie de près par la
capacité de l’intégration à venir soutenir la réalité du jeu. La diversité des
profils de joueurs (les six profils types vus précédemment) et les
catégories de jeux étant si variées, il est donc impossible de faire tout et
n’importe quoi. Les annonceurs ne peuvent baser uniquement le choix de
leurs supports sur la cible. Ils doivent, cette fois, choisir le support idéal
au type de produit ou service qu’ils souhaitent intégrer dans un jeu. Puis,
ils doivent modeler le support publicitaire virtuel pour qu’il s’intègre à
l’univers du jeu. Les contraintes sont donc nombreuses et se risquer à les
sous-estimer reviendrait à jeter la marque aux foudres des joueurs
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
54
mécontents sur les forums. La vitesse de propagation des messages et de
l’information étant, depuis une dizaine d’années démultipliée par Internet,
les retours peuvent s’avérer désastreux pour une marque ou un produit.
Rien ne peut être laissé au hasard. Imaginez si, par inadvertance, une
régie publicitaire intégrait un panneau d’affichage futuriste Heineken dans
un jeu d’équitation destiné aux jeunes filles d’une dizaine d’années. Non
seulement l’aspect futuriste du panneau serait en parfait désaccord avec
l’univers dans lequel évolue le joueur mais la marque, en plus de générer
une polémique internationale sur le Web, aurait déboursé un budget
conséquent pour n’atteindre aucune de ces cibles. D’un point de vue légal,
toutes les règles d’affichage seraient bafouées. Reste que dans cet
exemple quelque peu caricatural, les retombées négatives auraient été
restreintes par le fait que la cible en contact avec cette erreur publicitaire
soit de très jeunes filles. Une erreur du même type diffusée auprès
d’hardcore gamers aurait été tout aussi catastrophique, tant leur
mécontentement peut être important et diffusé très vite à grande échelle.
Tous les jeux ne sont donc pas aptes à recevoir de la publicité. Ceux qui le
sont n’ont pas toutes les mêmes conditions d’intégration et ne peuvent
supporter une campagne identique.
Que serait Sam Fisher sans son Sony Ericsson P900 ?
En 2004, Sony Ericsson Mobile Communications et l’éditeur
international de jeux Ubisoft annoncent un accord pour l’intégration d’un
PDA, accessoire particulièrement utile à Sam Ficher, le héros que le joueur
incarne dans Tom Clancy's Splinter Cell Pandora Tomorrow. Il s’agit d’un
héros, désormais habitué à se transformer en publicité ambulante et qui a
également été l’ambassadeur d’une marque de rasoir. Le jeu a aussi été
désigné support idéal pour la campagne de recrutement des services
secrets anglais. Le deuxième opus donc, sorti en 2004, était annoncé des
mois par avance comme un succès pour l’année. Le premier volet,
véritable phénomène, était déjà rempli
d’innovations graphiques ; notamment
sur le travail accordé à la lumière et par
sa position de leader en terme de jeu
d’infiltration. Pas un hasard donc de voir
des grandes marques l’intéresser. Et la
manière dont la marque de téléphone
s’intègre à ce jeu est particulièrement
bien réussie. Elle n’a, d’ailleurs, suscité aucune réaction vive allant à son
encontre, et pour cause.
Le jeu, d’infiltration donc, prend place dans des zones de combats
terroristes dans lesquelles l’agent Fisher, seul, voit le destin du monde
reposer sur ses épaules. Une horde de terroristes, tous dévoués à leur
cause, sont sur son chemin et il doit au choix les tuer ou les éviter. Le
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
55
combat du bien contre le mal, des états terroristes, des groupuscules
entiers de combattants... contre un seul homme. Cet homme, c’est Sam
Fisher, et donc le joueur. Heureusement, le valeureux Sam est
accompagné d’un petit bijou des télécommunications, le Sony Ericsson
P900. Bien évidemment, l’utilisation du PDA est indispensable pour la
progression dans le jeu. Le joueur peut y avoir accès en poussant le
bouton correspondant. Alors on passe à une vue première personne et on
suit l’histoire avec un beau logo Sony sur le téléphone, pourtant fait de
pixels.
"The Sony Ericsson P900 smart phone is the ultimate complement to help
Sam Fisher complete his missions. With its combination of PDA, phone and
camera features, it combines the latest and greatest in mobile technology,
outfitting our hero with everything needed to combat evil."
Dewey Walsh / Directeur Marketing Sony Ericson Amérique du
Nord
Comme l’explique Dewey Walsh, l’intégration publicitaire Ericsson
est une réussite. Le téléphone pourrait être porté par l’agent secret, et les
dernières fonctionnalités technologiques grand public de l’époque se
trouvaient dans ce téléphone. PDA, téléphone et caméra vidéo, un tas
d’appareils utile à un héros des temps modernes. De là à aller jusqu’à dire
qu’il s’agit là de tout ce que le joueur à besoin pour combattre le mal,
l’abus n’est pas loin. Certes le produit correspond au jeu, le support est
idéal, mais inclure des valeurs morales au produit parce qu’il sert le
« bien » dans le jeu semble être abusif. Une phrase sans doute pas assez
réflechie par Monsieur Walsh, car bien que la publicité ingame peut
influencer la perception d’une marque ou la volonté d’achat, les jeux vidéo
ne sont pas un support adéquat pour modifier la perception des valeurs
qu’ont les joueurs d’une entreprise.
Un partenariat qui s’est clos par une habile opération de crossmarketing, puisque c’est cette fois Sam Ficher qui s’intégrait au téléphone
portable. En effet, un jeu pour téléphone a été spécialement réalisé pour
le T630, est a été utilisé comme argument publicitaire dans la phase de
vente du produit.
Non seulement la publicité doit s’intégrer le plus naturellement
possible au contexte d’un jeu, mais elle doit également se plier à son
contexte technique et ne pas dénaturer l’expérience virtuelle du joueur.
Des alternatives réussies aux billboards ont alors vu le jour pour atteindre
la cible avec plus de subtilité et d’efficacité.
Le king de trop
Contre exemple, ou « ce qu’il ne faut pas faire », avec Burger King,
célèbre fast food Américain. En accomplissant une mission secondaire
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
56
dans le jeu de boxe référence Fight Night Round 3, sorti en 2007, le
joueur se voit attribué un coach plutôt original. En effet, il s’agit de la
mascotte de Burger King, appelé « King ». Le jeu de boxe est pourtant
rempli de publicités ingame depuis le tout premier épisode. On retrouve
ainsi de nombreuses marques autour du ring, comme on en trouverait
dans la réalité. Des placements publicitaires assez identiques à ceux que
l’on peut trouver autour des stades dans les jeux de football, et qui n’ont
jamais suscité de critiques vives, la majorité s’accordant sur le fait que
cela n’est que le reflet de la réalité. Et pourtant avec Fight Night Round 3,
les limites semblent être franchies comme en témoignent les nombreux
mécontentements sur le web.
Il s’agit là de l’exemple type de la notion du « trop ». Trop de
publicité, trop voyante, trop présente, mais aussi trop peu cohérente.
Revenons sur le « King », la mascotte de Burger King. Un
chroniqueur d’un célèbre site spécialisé dans le jeu vidéo décrit son
apparition dans le jeu comme une véritable catastrophe, qui « détruit
toute l’authenticité que le jeu pouvait avoir ». Une vraie erreur stratégique
pour un jeu qui, au fil des années, base sa communication sur le réalisme
toujours plus travaillé. L’incohérence est donc totale avec cette mascotte
qui sert d’entraîneur.
Autre marque présente dans le jeu, Dodge,
constructeur automobile. Le jouer à, grâce à ce partenariat, la formidable
opportunité (allusion ironique…) de combattre avec une voiture de la
marque toujours présente juste à côté du ring, avec le logo de la marque
projeté partout sur les spectateurs, et ce n’est pas tout. Improbable, à
chaque K.O de votre adversaire, le speaker s’essouffle dans la seconde
annonçant que ce coup fatal est, en anglais, "brought to you by Dodge » !
La majorité des réactions s’accordent sur l’incohérence totale de
cette campagne de publicité ingame qui va à contre sens de ce que les
annonceurs proposent pour intégrer les jeux sans en dénaturer le
contexte et l’expérience ludique. Dans ce jeu, chaque pixel semble
contaminé par la publicité et les arènes se transforment en panneau
publicitaire géant. Pourtant, lorsqu’on l’interroge, Julie Shumaker,
directrice publicité ingame chez Electronic Arts, rien ne semble la choquer.
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
57
Elle explique qu’elle ne craint pas les réactions négatives par rapport au
traitement de la publicité dans le jeu de boxe édité par sa société.
«We knew it was so over-the-top that the consumer would get it, It
worked because we didn't pretend that it wasn't an ad. »
(Nous savions que c’était tellement exagéré que les clients
comprendraient, ça a fonctionné car nous n’avons pas prétendu qu’il ne
s’agissait pas de publicité)
Julie Shumaker / directrice publicité ingame Electronic Arts
D’après elle, l’intégration de la mascotte Burger King aurait
fonctionné parfaitement car jamais Electronic Arts n’a prétendu qu’il ne
s’agissait pas de publicité. La stratégie de communication revendiquée : le
côté caricatural était un véritable choix qui a pour but de faire accepter
une publicité grossière. Et pourtant, la réponse des joueurs ne va pas du
tout dans ce sens. Or, une stratégie de communication doit avant tout
être créée pour satisfaire et conquérir la cible. Pire encore, la profession a
réservé au titre de Electronic Arts un prix des plus explicites. Le site
internet GameSpot, véritable référence des sites spécialisés en jeux vidéo
outre atlantique, a décerné au jeu le titre de « Most Despicable Use of InGame Advertising » en 2006, qu’on peut traduire par « prix de la publicité
ingame la plus grossière ». Une mauvaise publicité et une mauvaise
presse dont se serait bien passé le jeu, et une campagne qui, malgré son
côté caricatural que vantait Julie Shumaker, n’a pas eu l’effet escompté et
prouve bien qu’on ne peut intégrer une marque dans n’importe quel jeu,
et encore moins par n’importe quel moyen… La stratégie de
communication doit être aussi travaillée en ingame qu'en support
classique, si ce n'est plus...
BATTLEFIELD 2142, le livret controversé
A l’origine de cette publicité dont on se serait bien passé chez
Electronic Arts, un flyer sur lequel tombe le joueur lorsque pour la
première fois il ouvre la boite de son jeu. Celui-ci indique que lorsque le
joueur est connecté, des informations le concernant sont envoyées à IGA
puis collectées. Certains parleront même d’un spyware intégré au jeu. Le
spyware, hantise des anti-virus, est un petit logiciel espion qui s’installe
sur l’ordinateur d’un internaute contre son gré, dans le but de récolter des
informations sur ce qu’il fait ainsi que sur son matériel. Et aucun moyen
d’y échapper, le flyer indiquant que "IF YOU DO NOT WANT IGA TO
COLLECT, USE, STORE OR TRANSMIT THE DATA DESCRIBED IN THIS
SECTION, DO NOT INSTALL OR PLAY THE SOFTWARE ON ANY PLATFORM
THAT IS USED TO CONNECT TO THE INTERNET." Autrement dit, un joueur
refusant que des informations le concernant soient collectées ne peut tout
simplement pas jouer à un jeu en ligne, acheté quelques heures plus tôt
soixante euros. Le mécontentement des joueurs ne se fit pas attendre,
tout comme la réaction d’IGA, obligé d’intervenir dans les jours qui
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
58
suivirent cette découverte. Pour sa défense elle expliquera que le logiciel
en question n’est utilisé que pour géolocaliser les adresses IP et ainsi
diffuser des publicités géographiquement ciblées. Autre utilisation de ce
logiciel, il permet de comptabiliser le nombre de fois que le joueur regarde
la publicité, et pendant combien de temps. Aucune possibilité toutefois de
vérifier si ce logiciel n’a pas d’autres utilités. Quoi qu’il en soit, ces
informations sont pour la régie précieuse, tant pour cibler les campagnes
que pour avoir un outil de statistiques sur l’attitude des joueurs et
l’efficacité de telle ou telle intégration de publicité. Des informations
primordiales tant pour IGA que pour le marché, mais une erreur
stratégique dans la forme et dans la façon dont il a été amené au public.
En plus des conséquences directes sur la société, c’est le marché entier
qui a pâti de ces faits, lui qui était pourtant en pleine explosion et qui,
tout doucement, se faisait accepter par une majorité de joueurs.
"Il y aura toujours une minorité de hardcore gamers qui refusera la
publicité ingame et le fera savoir [...]si ces mêmes personnes savaient la
douloureuse transition que traversent la plupart des éditeurs aujourd'hui
elles pourraient reconnaître la publicité ingame comme un important
soutien financier pour les titres Next-Gen. Si les joueurs veulent disposer
d'une grande quantité de jeux de bonne qualité cette année et l'année
prochaine, il leur faut (ndr : à ces jeux) des sources de revenus
alternatives"
Justin Townsend / Co-fondateur et dirigeant IGA Worlwide
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
59
IV. L'Advergame : une alternative intéressante à
la présence publicitaire Ingame.
L’advergaming est la seconde combinaison publicitaire possible pour
allier jeu vidéo et marque. L'advergaming n'est pas la publicité Ingame.
En effet, on ne peut pas considérer l’advergaming comme l’intégration
d’une marque dans un jeu, ce qui est le propre de la publicité Ingame.
L’équation est légèrement différente, en termes d'objectifs, de mise en
place et de coûts. Cependant l'advertgaming peut être un outil tout aussi
efficace que la publicité Ingame dans certaines problématiques de
communication et de notoritété.
1. Qu'est ce qu'un advergame ?
Pour répondre à cette question, seul son nom suffit. Il s’agit
simplement de la contraction de « advertising », qui signifie « publicité »,
et de « game », le « jeu ». Il s'agit donc littéralement d'un jeu
publicitaire. Bien que les premiers advergames aient vu le jour au début
des années 1980, ce terme n’est apparu qu’en janvier 2000, après qu’
Anthony Giallourakis ait déposé le nom de domaine advergames.com
(nom de domaine qui n’est plus à l’heure actuelle utilisé).
Un an plus tard, ce même terme est utilisé dans les colonnes du
magazine high-tech américain Wired et est depuis devenu le terme
référence quand on évoque un jeu gratuit faisant la promotion d’un
produit ou d’une marque. Car c’est bien de cela dont on parle ici.
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
60
L’opération de communication d’une marque se base avec le choix de
l’advergame sur un mini jeu vidéo. On ne parle plus ici de mondes
persistants ou d’immersion du joueur. L’advergame est un jeu simple,
court, généralement développé avec la technologie Flash. C’est ce qu’on
appelle les casual games, à savoir des jeux qui ne méritent pas d’y
consacrer de nombreuses heures et qui sont simplement développés pour
distraire quelques minutes le joueur.
« Un advergame est un jeu dont le scénario, les personnages et
l'environnement graphique mettent en scène les valeurs, l'image et
l'univers de la marque ou d'un produit »
Gabriel Mamou-Mani / Directeur associé agence Virtuadz (agence
spécialisée dans le développement d’advergames)
Comme nous avons pu le voir précédemment, pour la publicité
Ingame, il existe de nombreuses techniques afin de faire pénétrer une
marque bien réelle dans un jeu vidéo tout ce qu’il y a de plus virtuel. La
marque, la manière dont elle est intégrée et le message diffusé doivent
alors s’adapter au jeu pour bénéficier d’un accueil favorable du public, et
doivent dans tous les cas servir le réalisme du jeu et donc de la partie.
Avec l’advergame, une toute autre approche marketing est mise en
place. C’est cette fois-ci le jeu qui va s’adapter à la marque, l’objectif
étant bien d’apporter un réel divertissement au joueur afin de transformer
la partie en passerelle vers l’achat, ou du moins vers la suite de la
campagne promotionnelle mise en place.
Alors que la flexibilité de la publicité ingame, son contrôle ainsi que
ses mises à jour, dépendent en grande partie de la technologie internet
actuelle, les advergames n’ont pas attendu la fin des années 90 pour
apparaître. Au début des années 1980, des advergames étaient déjà
envoyés directement par les marques chez le consommateur sur… une
disquette ! La société Brandgames est à l’origine de ces tous premiers
advergames sur disquette et a réalisé en 1982 des jeux pour la marque
culinaire américaine Chef Boyardee ou encore Coca-Cola et Samsung.
Depuis cette date, les marques ont bien compris leur intérêt dans la
production de mini-jeux promotionnels comme la possibilité de maîtriser
pleinement la direction de leur stratégie de communication envers leurs
cibles, se positionner comme une marque faisant preuve d'originalité... et
les chiffres actuels sont impressionnants, tant par le nombre
d’advergames disponibles sur la toile que par ses différentes utilisations.
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
61
2. Une cible large et attractive
Un des principaux avantages de l'advergame est le grand nombre de
possibilités qu’il offre. En effet, bien que certaines marques soient plus
coutumières de ce type d’opérations que d’autres, il n’existe pas vraiment
de barrière à l’entrée sur ce marché. Ce sont les annonceurs de l’agroalimentaire qui sont à l’heure actuelle les plus friands de ce type de
campagnes de promotion. Des marques comme coca-cola ou Mc Donald’s
y ont eu recours à plusieurs reprises pour toucher leur cible plutôt jeune,
bien que comme nous le verrons ci-dessous l’advergaming est adapté à
tout type de secteurs et d'entreprises, mais également d’associations. De
la même manière tous les types de jeux peuvent être imaginés pour
promouvoir une marque, et ainsi tous les profils que peut représenter la
cible sont susceptibles d’être touchés. Hormis bien évidemment les antitechnologies allergiques au média internet, qui sont de moins en moins
nombreux dans la société actuelle. Tous les internautes peuvent être
confrontés à un advergame qui les intéresse. Reste à la marque de
connaître les intérêts de sa cible et ce qui est à même de la divertir, tout
en l’amenant à considérer plus positivement et avec curiosité la marque
qui se cache derrière ce mini jeu.
En 2006, Yahoo, l'agence interactive Skive Creative et l'agence
media OMD réalisent une étude en Grande-Bretagne basée sur les
advergames. La conclusion est des plus encourageantes pour ce marché
en pleine explosion depuis sa création, puisqu’à date plus d’un tiers des
Britanniques avaient déjà joué au moins une fois à un jeu promotionnel.
De la même manière que l’élargissement des profils des joueurs permet à
la publicité ingame d’atteindre une cible plus large, la démocratisation des
jeux vidéo et la façon de jouer instaurées depuis quelques années par des
sociétés comme Nintendo et sa Wii sont grandement bénéfiques à
l’advergaming. Plus de joueurs ayant déjà eu une expérience de jeu et des
profils plus diversifiés signifient forcément un public plus large pour un
advergame trouvé sur la toile.
« Avec l'advergame, on est vraiment sur la cible des casual gamers. Même
s’il est important de cerner les hardcore gamers, qui sont les prescripteurs
principaux de ce type de jeu »
Gabriel Mamou-Mani / Directeur associé agence Virtuadz
Un advergame pour quoi faire ?
L’objectif premier d’un advergame est de développer la notoriété
d’une marque ou d’un produit. Gabriel Mamou-Mani (Directeur associé de
l’agence Virtuadz) explique que suite à une enquête menée en partenariat
avec des sites de jeux en langage informatique flash (un langage qui
permet une...), il a été démontré que les joueurs d’advergame ont des
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
62
phases de jeu qui peuvent aller jusque quatre fois dix minutes.
L’advergame doit, dans cette courte phase qui sous-entend la participation
à différents jeux, créer une relation directe et forte entre le joueur et le
produit. L’expérience proposée doit être originale et dans les meilleurs des
cas surprendre positivement le joueur.
La technique de communication sur laquelle toute la réussite de
l’annonceur se base est le buzz. Ce mot, souvent galvaudé par ses
utilisation diverses et variées est aujourd’hui très à la mode. Il s’agit en
fait de marketing viral et donc d’auto-promotion par les utilisateurs, de
par le bouche-à-oreille ou les invitations en fin de jeux. En effet, les
advergames proposent généralement d’envoyer le jeu pour faire participer
ses amis qui peuvent alors affronter l’émetteur, les scores étant
enregistrés dans un classement. Tout en invitant ses amis à participer, le
joueur fait alors la promotion de la marque, cette dernière étant au cœur
du jeu. Et ceci sans que la marque doive débourser le moindre centime en
promotion supplémentaire puisqu’elle se fait automatiquement entre
internautes. L’enregistrement des scores que nous venons d’évoquer est
également une excellente technique de fidélisation pour les annonceurs. Il
amène les participants à rejouer dans une course au meilleur score, et
chaque nouvelle tentative est l’occasion d’une mémorisation plus effective
du produit, voire d'une récupération des coordonnées de plus en plus
précise pour obtenir une base de données très qualifiée. Des tournois
peuvent même être organisés avec pour premier prix en général le produit
mis en scène dans le jeu comme récompense. D'autres jeux proposent par
exemple des coupons-réduction, pour dans le cadre d’une promotion
produit, transformer l’expérience ludique et interactive en acte d’achat.
Un advergame peut également être utilisé dans le but de générer du trafic
sur un site internet. Nous avons vu que les advergames n’étaient pas
réservés à quelques marchés, et que toute société avec une stratégie
cohérente et un jeu adapté pouvait être amenée à choisir ce type de
promotion pour communiquer sur ses services, ses produits et/ou son
positonnement.
Preuve de l’extrême adaptabilité de cet outil de communication, voici
l’argumentaire disponible sur le site de la société spécialisée
frontnetwork :
« - Pour n'importe quel propos
Vous pouvez effectivement utiliser les jeux flash pour n'importe quel plan
de communication et de marketing: qu'il soit à des fins de divertissement,
de publicité interactive et engageante, de concours, d'étude, d'éducation
ou de marketing virale. A l'aide des jeux flash, conduisez les visiteurs à
votre site Web, ou présenter une marque à un plublic...
- Pour n'importe quelle andience
Quelque soit votre cible d'audience et votre but de communication, Il y
aura un jeu flash qui réponds à vos besoins. Nous pouvons créer un jeu
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
63
unique qui cible une population très précise, ou des jeux qui plaisent à
ceux qui jouent...
- Sur n'importe quelle plate-forme
Les jeux flash sont compatibles avec la plupart des systèmes d'opération
et navigateurs web, Il n'y a pas de soucis à se faire pour un utilisateur de
PC ou de Mac, d'Internet Explorer ou de Firefox, ils jouront tous le meme
jeu avec les meme expériences intéractives à nos jeux!
- Sur n'importe quel support
Les jeux flash se jouent aussi bien en ligne qu'en local, ils peuvent être
insérés dans un email, postés dans un forum de discussion, ou même
joués sur PDA ou un téléphone mobile. »
Frontnetwork.fr
Ainsi, une marque n’ayant pas de produit à proposer directement en
ligne peut faire le choix de l’advergaming uniquement pour la promotion
d’un service ou de la sortie d’un film par exemple. C’est cela qu’ont fait,
entre autre, les équipes marketing en charge de la sortie du dernier film
de la saga Indiana Jones au cinéma le 22 mai 2008. En co-branding avec
la marque Lego (autre avantage de l’advergaming qu’est le possible
partage des coûts avec une autre marque en co-branding) est sortie en
ligne un mini-jeu ayant pour thème Indiana Jones, mais dans un monde
fait de Lego. Ainsi, des liens dans le jeu renvoient sur la boutique internet
de Lego, mais également vers le site internet officiel du blockbuster
Américain. Le film s’assure donc une visibilité plus importante qui s’ajoute
à toute la campagne déjà effectuée grâce au jeu, qui bénéficie également
d’une notoriété sur les blogs, et s’attaque directement à sa cible qui a
grandit avec les Lego. Bien que les legos puissent être achetés en ligne,
ce n’est qu’une problématique de visibilité et de buzz qui a motivé la
création de cette advergame pour Indiana Jones. Une expérience ludique
au travers d’un advergame représente un taux de transformation non
négligeable, le réseau social étudiant StudiVZ a par exemple enregistré un
taux de conversion de 10% grâce à son advergame.
Un autre exemple dans lequel l’advergaming trouve tout son intérêt
est la promotion et la sensibilisation à des causes sociales. Une fois de
plus, la vitesse de propagation permet de toucher un maximum de gens à
des coûts réduits (développement mis à part), donc très intéressant pour
une association par exemple. Par ailleurs, le côté ludique et pédagogique
que peuvent prendre les jeux permet une sensibilisation démocratisée, à
l’opposé des campagnes chocs que l’on peut voir à la télévision. Sur
darfourisdying.com, mis en place par la chaîne musicale universitaire
Nord-Américaine MTVU, l’objectif du joueur est de faire vivre un village de
ce pays avec toutes ses difficultés principalement liées à l’eau. Dans la
peau d’un enfant du village, il faut alors partir à la quête d’eau au travers
d’un chemin semé d’embûches, puis la ramener au village et développer
ce dernier. La mise en avant des difficultés du pays passe donc par le jeu
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
64
en lui-même, mais pas seulement, comme expliqué sur le blog
clementdussarps.net : « Même si c’est un jeu, les problèmes du Darfour
sont fortement présents, et ce jeu sert de catalyseur à la médiatisation
qu’il y a eu autour des événements de cette région. Que ce soit par le
biais du jeu ou des liens au-dessus de ce dernier, vous pourrez en
apprendre plus sur les problèmes que rencontre le Darfour, rejoindre un
mouvement qui vise à sensibiliser les politiciens Américains… ». Bien
évidemment, à la fin d’une partie est offerte la possibilité d’envoyer le jeu
à ses contacts et on retrouve les personnalités ayant déjà joué et
conseillant le jeu, comme par exemple le groupe de musique System of a
down. Une fois de plus, le buzz est le principal outil de communication et
de promotion de cet advergame – le côté « people » en plus.
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
65
3. Réussir un advergame
La principale réussite de l’advergame tient dans sa cohérence avec
le produit ou la marque pour lesquels il a été développé. En effet, un
advergame doit être ludique, mais son objectif premier est d’être un outil
de promotion. Le produit doit être omniprésent dans le jeu et directement
identifiable par le joueur. En ce sens, l’advergame doit être considéré
comme une publicité par l’annonceur, il ne faut donc pas le gâcher et
assumer clairement ses intentions de promotion. Le jeu BMX’s X3
Adventure, développé pour le constructeur Allemand, en est un bon
exemple.
Découvrez le BMX’s X3 en jouant, et essayez le virtuellement
Au cours de sa partie le joueur peut
virtuellement s’essayer à la conduite du 4x4
BMW sur des terrains variés mettant en avant
les capacités d’adaptabilité du véhicule. Mais
pas seulement, puisque dans les écrans
d’attente de chargement du jeu, le joueur
découvre
les
différentes
options
et
caractéristiques du 4x4 en image. Ici le
contexte du jeu et son concept sont donc en
parfaite adéquation avec le produit et les arguments commerciaux, mais
en plus le joueur même venu simplement ce distraire sur un petit jeu de
course en ligne va découvrir tous les avantages du véhicule. Parfois un jeu
peut bénéficier d’un buzz conséquent et faire le tour de la toile sans pour
autant remplir ses objectifs de communication.
C’est le cas par exemple d’un jeu réalisé pour une marque de bière
par le studio J20. Ce dernier fut une véritable réussite et a rencontré un
succès conséquent auprès des joueurs. L’objectif du jeu était de récolter
un maximum de points en visant la cuvette des toilettes, après avoir bu
une grande quantité de bière. L’originalité du jeu et son aspect ludique ont
plu au public mais la marque n’a pu profiter de ce succès, la bière en
question n’étant jamais elle-même utilisée par le joueur. Aucune
interactivité avec le produit qui passe alors au second plan et ne remplit
en rien ses objectifs de visibilité.
Un moment stratégiquement choisi
Autre facteur favorisant la réussite d’un advergame : le temps. En
effet, de la même manière qu’il a été étudié que les jeux concours
bénéficient de meilleurs retours lorsqu’ils ont un rapport avec la période
de l’année dans laquelle ils sont mis en place (noël ou pâques par
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
66
exemple), un jeu concours inscrit dans un contexte temporel bénéficie
d’une meilleure aura.
Un advergame réussi est un advergame qu’on s’envoie, comme
expliqué ci-dessus.
Mais, en termes de fidélisation, c’est aussi un
advergame qui va amener le joueur à revenir régulièrement sur le jeu. Il
fait ainsi volontairement la démarche de se reconnecter au jeu (la
première connexion pouvant être mise sur le compte du hasard, les
advergames étant répertoriés sur des sites spécialisés), tout en ayant
connaissance de la marque qui le sponsorise. Il existe pour cela différents
procédés, comme par exemple la mise en place de tournois ou de
compétitions. Pour la promotion du film d’animation de David Bowers,
Souris City, une succession de mini-jeux ont été mis en ligne, à raison
d’un jeu tous les trois à quatre jours. A chaque jeu réussi, le joueur
remportait un nombre de points ainsi qu’une lettre d’un message secret.
Pour gagner un prix en ayant un maximum de points et découvrir le
message secret, le joueur devait donc revenir sur le site de jeu et donc
entrer à chaque fois dans l’univers de Souris City. Un bon moyen, dans le
mois précédent la sortie du film, de faire monter l’attente, de se
familiariser avec les personnages et leur univers, et donc d’aller le voir au
cinéma. La stratégie de sensibilisation par étapes mise en oeuvre ici fut un
réel succès.
L’advergame pour aller « plus loin », jusqu’à attaquer de front la
concurrence
Pour le reste, l’advergame permet une originalité qui est bridée sur
d’autres supports, ainsi qu’une plus grande liberté. Ainsi le jeu Sheeps of
Rage, véritable réussite pour la marque Walkman de Sony, amenait le
joueur à tuer des moutons qui portent un Ipod (concurrent de waklman
Sony). Jamais une attaque si directe n’aurait été possible dans une
campagne publicitaire classique même si la publicité comparative est
aujourd'hui autorisée.
Autre exemple original avec Launchball, le premier advergame pour
musée ! Il est destiné à promouvoir auprès d’un public jeune (cible 8-14
ans) l’exposition Launchball du London’s Science Museum ayant pour
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
67
thème la physique, les matériaux et l’électricité. Disponible depuis le site
du musée, le jeu consiste à amener une boule d’énergie à un point précis
grâce à l’utilisation de différents matériaux. Ludique, ce casse-tête se
complique rapidement tout en restant abordable. Pour sauvegarder sa
partie, les niveaux étant nombreux, le joueur doit s’enregistrer ce qu
permet au musée de recueillir des informations précieuses pour ses
prochaines campagnes de communication et de fidélisation. A chaque fin
de niveau, une fenêtre s’ouvre avec des explications pédagogiques sur les
matériaux utilisés par le joueur, des anecdotes sur le monde de la
physique et toutes sortes d’informations en rapport avec l’exposition. Le
London’s Science Museum a donc fait dans l’originalité en optant pour un
advergame mais le pari semble réussi, en termes de développement de
jeu en tout cas, tant ce dernier est efficace, ludique et pédagogique.
Aucun retour concernant la transformation et l’efficacité du jeu pour
l’instant, mais il y a fort à parier qu’il pourrait amener de nombreux
adolescents dans l’enceinte du musée…
Développer son advergame
Tout comme les possibilités de concept et d’annonceur pour un
advergame n’ont pas de limites, les estimations de coûts et de temps de
développement varient énormément en fonction du type du jeu proposé. Il
s’agit dans un premier temps pour l’annonceur, ou son agence de
communication
de
réaliser
un
brief
indiquant
ses
objectifs,
positionnement, cible... Puis de fournir ce brief à une agence spécialisée.
Il en existe aujourd’hui une multitude, certaines d’entre elles étant des
émanations de sites internet regroupant tous les jeux flash disponibles sur
le web. Elles s’occupent donc du développement mais aussi de la
valorisation et de la misse en avant des jeux, une double étiquette bien
pratique. Le choix de l’agence est déterminant, seules les agences
spécialisées pouvant assurer des jeux de qualité et surtout originaux,
créatifs et cohérents avec un brief de marque. S’attacher à un studio de
développement qui n’est pas spécialisé dans l’advergaming, c’est aussi se
risquer à un résultat qui peut être ludique, mais où le message de
promotion n’est pas correctement transmis, et donc à des résultats de
notoriété et commerciaux inexistants. L'objectif d’un advergame –
rappelons-le - n’est pas l’unique distraction du joueur.
En termes de coût, un advergame peu complexe qui base son
principe sur un jeu pré-existant tel que Tetris ou encore Pong, que nous
évoquions au début de ce mémoire, coûte à l’annonceur entre quatre mille
et cinq mille euros. Des jeux développés exclusivement pour une marque,
des vraies créations, peuvent elles coûter jusqu'à vingt-cinq mille euros.
Une fois le jeu développé, les coûts de mise en place sont minimes
lorsqu’il s’agit de mise en ligne web la plupart du temps. Seuls des frais
d’hebergement et des serveurs à plus grande capacité sont nécessaires,
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
68
ainsi qu’un travail d’ergonomie et d’intégration au site internet sur lequel il
sera disponible.
Bien évidemment, lorsqu’un advergame est proposé, par exemple,
en format CD dans des boîtes de céréales, les coûts sont bien plus élevés.
Reste ensuite pour la marque à faire connaître son jeu.
Promouvoir son outil promotionnel
Pour qu’un advergame fonctionne, en termes de fréquentations de
joueurs, il faut que l’on parle de lui et qu’on le trouve dans l’immensité du
web. Il est donc nécessaire d'en faire la promotion. L’advergame doit tout
d’abord être inclus à une campagne de promotion et ne peut être une
action de promotion isolée. Il faut donc le prendre en compte dans le
processus de réflexion sur la campagne globale qu’elle soit online ou
offline. Reste ensuite à l’intégrer dans cette campagne, soit directement,
soit en proposant une découverte de l’univers de l’advergame, ses
personnages… La promotion d’un advergame passe également -comme
nous l'avons vu précédemment – par le buzz, soit la possibilité d’envoyer
le jeu à ses contacts, phase désormais obligatoire sous peine de voir le
nombre de participants augmenter péniblement. En optant pour une
diffusion online, l’adaptabilité du média internet est tel qu’un teasing peut
facilement se mettre en place avec des bannières sur des sites
soigneusement selectionnés en fonction de la cible.
Enfin, il existe un grand nombre de sites regroupant les jeux réalisés
en
flash
dont
certains
bénéficient
d’un
nombre
de
visites
impressionnantes. Une étude réalisée par Comscore et publiée en
septembre 2007 indique que 217 millions d’internautes jouent sur Internet
chaque mois, et que la majorité d’entre eux le font sur des casual games,
parmi lesquels figurent les advergames. Le directeur de Virtuadz
s’explique sur ce procédé : « Nous diffusons nos jeux sur les sites tels que
Jeux.fr, Jeux.com ou T45ol.com. C'est une forme d'achat d'espace. Une
campagne sur ce type de sites coûte entre 1.000 et 4.500 euros la
semaine, sachant que l'on peut espérer 7.000 à 10.000 visites par jour
sur un advergame placé sur les plus grands sites de jeux gratuits. Soit un
coût moins élevé qu'une campagne de bannière traditionnelle. ».
Profil d’un advergame réussi
Un advergame réussi fait rêver les directeurs marketing de part ses
retours prévisionnels, qui peuvent atteindre plus de 2.5 millions de
personnes. Le jeu Presigame, mis en place pendant la campagne
présidentielle, à réuni 4 millions de joueurs. Sheeps of Rage, développé
par Killer Viral pour le Walkman de Sony a lui atteint plus de 3 millions de
joueurs. Nous parlons de joueurs, certes, mais bien plus que cela, ce sont
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
69
aussi et surtout des clients potentiels, qui ont créé un nouveau lien avec la
marque et qui représentent une base de données de prospects
considérable. Mais pour atteindre ces résultats, mieux vaut respecter les
caractéristiques indiquées ci-dessus sous peine d’offrir une expérience
inadéquate et d’afficher un retour négatif.
Un bon advergame, c’est donc pour résumer, un jeu :
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
Simple.
Court.
Avec une présence centrale de la marque.
Inclus dans une campagne de promotion globale.
Drôle sans toutefois aller trop loin et dans tous les cas rester dans le
cadre des valeurs véhiculées par la marque.
Ayant un potentiel pour buzzer.
Graphiquement réussi.
Représentant un challenge pour le joueur, voire une compétition
(meilleurs scores, classement…).
Amenant le joueur à revenir jouer plusieurs fois.
Doté de gains attractifs.
Collectant un maximum d’informations utiles sur le joueur pour
l’entreprise (âge, ville, sexe…), pouvant être notamment utilisées
pour des campagnes d’emailing et de fidélisation ultérieures.
Bénéficiant lui-même d’une bonne promotion.
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
70
TROISIEME PARTIE
CAS CONCRETS ET PERSPECTIVES EN
COMMUNICATION
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
71
I. Les différents modèles testés. Etudes de cas
réels
1. Philips Coolskin
Depuis quelques années, l’entertainment advertising, la publicité par
le divertissement, est en pleine essor. Au début de l’année 2005, un
constat établit clairement cette croissance avec un pourcentage élevé des
budgets médias de grands annonceurs qui lui sont dédiés. Placement de
produits dans les fictions, clips et jeux vidéo, contrats avec des
personnalités et des artistes, opérations promotionnelles… l’entertainment
advertising dispose d’une multitude d’applications pour les agences. Et
puisqu’un marché en croissance est également synonyme d’agence
spécialisée, en cette même année 2005 Aegis Media France regroupe
toutes ses activités liées à l’entertainment dans un pôle dédié, en France,
Carat Sponsorship Entertainment. A peine créée, l’agence s’offre un
budget de la marque de sport Asics. Un partenariat est mis en place avec
la chanteuse Malia est un groupe, Dombrance. Les artistes portent les
vêtements de la marque, en contre partie celle-ci finance les clips et
réalise des spots publicitaires. Autre budget très différent obtenu par
Carat, la mise en place d’une édition limitée de la Modus, voiture de chez
Renault, en partenariat avec le magazine Cosmopolitan. Rien à voir donc
avec le jeu vidéo, et pourtant dans une interview réalisée pour le Figaro
Eco de juillet 2005, Hervé Wittenauer, dirigeant de Carat Sponsorship
Entertainment, prouve que les jeux vidéo ont une place à part entière
dans sa vision de l’entertainment advertising :
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
72
« Le secteur des jeux vidéo, notamment, est en plein essor : son chiffre
d'affaires dépasse celui du cinéma et quatre jeux sont présents dans le
dernier Top 20 des produits culturels »
Hervé Wittenauer / Directeur Carat Sponsorship Entertainment
La marque Philips lance en 2007 son nouveau rasoir électrique
hydratant Coolskin. Le rasoir a la forme d’un joystick et un design
résolument jeune. La marque a un cœur de cible d’un âge compris entre
25 et 35 ans, qu’elle souhaite avec ce nouveau modèle rajeunir encore.
« Pour rajeunir l'image du rasoir électrique, nous avions besoin de casser
les codes et d'explorer toutes les pistes pour surprendre les
consommateurs », explique Marc-Antoine Hennel, directeur marketing
soin de la personne chez Philips Domestic Appliances. Et pour cela, la
marque fait appel, en France, au récemment créé Carat Sponsorship
Entertainment. L’occasion pour Hervé Wittenauer de s’essayer, et pour la
première fois en France, à la publicité in-game qu’il évoquait déjà deux
ans plus tôt. Un plan média est donc mis en place pour l’année 2007 :
Journal du net
Comment nous l’avons vu précédemment, une campagne de
publicité ingame réussie n’est pas une campagne isolée, mais intégrée et
pensée avec une campagne globale. Cette complémentarité est dans ce
cas vérifiée, toute la campagne ayant pour thème le futur et la
technologie.
C’est au leader du marché qu’à fait appel Carat pour la
mise en place de la campagne ingame.. Massive
Incorporated disposant d’un catalogue de jeu à même
d’accueillir des publicités et laissant le choix à l’annonceur.
Au final, 14 jeux sont selectionnés pour la campagne
ingame de Philips : Need for Speed, Splinter Cell, Rainbow 6
Vegas... Des jeux bien évidemment destinés à un public
jeune et masculin, sur les versions online de jeux Xbox et
PC. On retrouve ainsi dans les magazines de jeux vidéo des
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
73
publicités Coolsking. De même la campagne inclue des magazines dédiés
à l’automobile, alors que dans le même temps des jeux de courses
automobiles sont estampillés Coolskin. Une publicité croisée qui forme un
ensemble réfléchie et cohérent, pour un retour maximum et un taux de
mémorisation élevé.
Pour sa première expérience dans l’univers vidéoludique, Coolskin
avait fait un test sur le marché Américain. La conclusion a été que faire
sortir un joueur de sa partie grâce à des liens inclus dans les publicité ne
fonctionne pas. Comme nous l’avons vu, une publicité trop intrusive aura
un effet négatif sur les joueurs et une acceptation détériorée, donc une
campagne ratée tout simplement. Pour le marché Français, le choix a donc
été porté sur des insertions publicitaires non cliquables, aux formats
panneaux d’affichage et courtes vidéos d’une quinzaine de secondes.
Les résultats de la partie web de la campagne, publiés par le Journal du
net, sont très nettement encourageant :
•
•
•
•
•
•
Insertions 2D diffusées : 1ère vague 810.000 / 2ème vague
830.000
Insertions interactives diffusées : 1ère vague 45.000 / 2ème vague
40.000
Vidéo diffusées : 1ère vague 45.000 / 2ème vague 40.000
50.000 participants au jeu-concours en ligne sur le site Philips
Une trentaine de billets de blogueurs et plus d'une centaine de
commentaires suite à l'opération de teasing l'été dernier
Résultats commerciaux : rasoir électrique n°1 des ventes depuis son
lancement (source Gfk)
Une première expérience réussie à la fois pour l’annonceur que pour
Carat, avec un taux d’exposition maximal sur des supports variés mais
complémentaire, et donc auprès d’une cible précisément identifiée. Pour
pourtant, même avec son budget de 50.000 euros dédié à la publicité
ingame, soit un pourcent du budget global de la campagne… Fort de cette
réussite et du coût peu élevé de mise en place, Hervé Wittenauer explique
que : « Nous [Philips] sommes en train de finaliser avec Carat un
partenariat avec Ubisoft pour faire du placement produit, dans le cadre
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
74
d'un gros lancement en 2008. Le coût n'est seulement que deux à trois
fois plus élevé, pour un impact encore plus intéressant. Nous serons
présent dès les versions de pré-démo, sur un jeu qui sera diffusé à
plusieurs millions d'exemplaires. ». Le jeu vidéo est donc désormais un
support à part entière de la marque qui lui permet d’atteindre
directement, efficacement et à moindre coût sa cible.
Avec cette opération, Philips et Massive ont trouvé la bonne
direction vers la considération du jeu vidéo comme support crédible d’une
campagne de communication moderne. La publicité in-game n’est pas
étudiée individuellement mais fait partie de la stratégie globale, les
supports ayant été choisie en fonction de tous les moyens. Des tests ont
permis de conclure à l’inadéquation d’une insertion publicitaire cliquable,
jugée trop intrusive par la majorité des joueurs. Les bonnes décisions ont
su être prises pour s’adapter aux joueurs et ainsi pour s’inviter dans leurs
parties sans les heurter. Les jeux sélectionnés l’ont été avec précaution et
toujours en fonction de la cible, qu’on peut clairement identifier en
fonction du type de jeu. Toutes ses caractéristiques sont donc celles à
suivre, mais plus que ça, cette campagne aura prouvé a nombre
d’annonceurs que les avancées technologiques ont largement simplifiées
les intégrations publicitaires dans un jeu vidéo. Notamment Massive qui
dispose d’un catalogue de jeux, laissant le choix à l’annonceur, pour une
démarche facile. Quelques années en arrière, de longues négociations
étaient nécessaires pour l’intégration d’un panneau publicitaire dans un
jeu. Avant la démocratisation d’internet, ces intégrations étaient
définitives et les encarts publicitaires non administrables. Aujourd’hui avec
des régies comme Massive Incorporated, plus de négociations ni de
démarches fastidieuses, intégrer sa marque dans un jeu vidéo est presque
aussi simple que d’afficher une bannière sur un site internet. C’est cette
flexibilité de l’administration des encarts qui est ici démontré, soulevant
des barrières. Massive et Philips ont ainsi participer à la démocratisation
future du jeu vidéo comme support publicitaire, accessible pour des coûts
raisonnables, flexible, moderne, efficace, et donc a la porté de nombreux
annonceurs. Et si Philips annonce fièrement renouveler l’expérience avec
Ubisoft pour l’année 2008, de nombreuses autres marques dynamiques et
à la cible jeune pourrait se laisser tenter par ce nouveau support…
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
75
2. Pizza Hut, ou l’art de s’intégrer dans un univers peu
opportun
Après la réussite du premier opus, Everquest, et de ses nombreux
add-on, novembre 2004 a vu débarquer pour le plus grand bonheur des
fans de la première heure la suite, simplement intitulée Everquest II.
Prenant toujours place dans un monde medievalo-fantastique, le jeu
malgré son immense succès ne semblait pourtant pas le plus propice à
l’intégration de publicité. Non seulement le contexte ne s’y prête pas, mais
ses joueurs sont des hardcores gamers, cible très fermée et fortement
opposée encore récemment à la publicité ingame. Et pourtant, même avec
toutes ces barrières à l’entrée, Pizza Hut a à l’époque eu une idée
publicitaire brillante et originale…
Jusque là, la publicité ingame ne pouvait en aucun cas avoir un effet
immédiat sur la cible. Simples panneaux d’affichage, placement produit,
sponsoring… de quoi s’afficher avec le joueur, mais en aucun cas une
passerelle vers l’acte d’achat. La seule possibilité de créer cette redirection
du joueur est d’interférer avec le jeu, et donc de tirer le joueur en dehors
de son aventure pour rebondir sur le monde bien réel de la
consommation. Une grosse erreur stratégique aussi mal vécue par les
joueurs que peuvent l’être les pop-up intrusifs et excessifs sur certains
sites internet. Pop-up qui énervent, et sur lesquels plus personne
aujourd’hui ne clique.
Pizza Hut a pourtant réussi en février 2005 à intégrer le monde
d’Everquest II en partenariat avec Sony Online Entertainment, l’éditeur du
jeu. La marque ne s’est pas intégrée au jeu comme les autres pourraient
le faire en ingame dans un contexte médiéval : aucune taverne à pizza ou
parchemin publicitaire pour vendre des pizzas goût dragon... Elle s’est en
fait adaptée au canal de communication des MMORPG, basé sur un
« chat » et sur des commandes prédéfinies. Ainsi, lorsque le joueur tape
la commande « /malabus » par exemple, il pourra rentrer en contact avec
le joueur dont l’avatar porte ce nom. Et bien pour la première fois, Pizza
Hut et Sony ont offert cette année 2005 une commande de chat bien
particulière, et dont la promotion s’est faite toute seule, bénéficiant d’un
buzz énorme à la fois sur internet, mais également dans les médias
traditionnels. En rentrant dans la zone de « chat » la commande
« /pizza », une fenêtre s’ouvre ainsi dans le jeu (il est important de noter
que le joueur n’est en rien déconnecté de sa partie, et que la fenêtre de
commande est parfaitement intégré au jeu) et permet au joueur de
commander directement sa pizza, livrée quelques dizaines de minutes plus
tard directement chez lui.
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
76
Pizza Hut a ici totalement compris son intérêt et surtout sa cible. Les
joueurs d’un monde persistant comme Everquest, sans rentrer dans les
stéréotypes, peuvent passer des journées entières sans quitter leur écran,
même si cela doit passer par le sacrifice d’un repas. Ce n’est alors plus un
problème puisqu’il peut maintenant, sans quitter sa partie, commander
son repas. Encore plus réussi, pas besoin d’aller chercher son porte
monnaie, le coût de la commande étant, suite au partenariat entre les
deux société, directement ajouté au forfait mensuel payé pour le jeu par
virement bancaire. Une aubaine pour les hardcore gamers qui voient dans
ce nouveau service un véritable plus et qui voient leur opposition naturelle
à ce type de publicité s’envoler puisque la communication autour du
système a été entièrement basée sur le bénéfice joueur. Le clame de la
campagne, « Hunger pains interrupting your game » (la faim vous fait
douloureusement interrompre votre partie) a été idéalement choisie. Elle
transforme comme nous l’avons vu la publicité en service pour le joueur,
et répond à la plus grande peur du joueur concernant la publicité, à savoir
qu’elle interfère avec l’aventure dans lequel ce même joueur est
intensément plongé. Une belle réussite stratégique.
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
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3. Des jeux gratuits de qualité, une possibilité offerte
par la publicité ingame
Nous l’avons vu dans la partie consacrée aux joueurs, qui tendent à
laisser entrer la publicité dans leur jeu sous la condition qu’elle apporte du
réalisme. Mais la majorité d’entre eux s’accommoderait encore plus
facilement de cette arrivée si les revenus publicitaires générés avaient une
répercutions sur les prix des jeux. Un jeu vidéo coûte en moyenne une
soixantaine d’euros, soit un investissement relativement important pour le
joueur, qui estime qu’il paie assez chère pour vivre seule (donc sans
annonceurs) ses parties.
WarRock, version améliorée grâce à la publicité ?
WarRock est un FPS (First Person Shooter, un jeu de tir avec une
vue à la première personne) qui se joue en ligne. Plutôt violent, il a connu
un véritable succès avant même sa sortie, des ses versions bêta (versions
test ouvertes aux joueurs). Le jeu, disponible en téléchargement sur
internet, est gratuit pendant sa phase bêta, mais le restera également
après sa sortie. L’annonce est officielle. Pourtant un mois avant sa sortie,
en janvier 2007, Double Fusion et K2 Network annoncent leur partenariat
pour la diffusion de contenu publicitaire à l’intérieur du jeu. Au
programme, affichage en 2D et en 3D ainsi que le sponsoring
d’évenements dans le jeu, comme des tournois par exemple. En plus de
marquer un pas dans l’évolution du marché due à l’intégration de
publicités, les deux sociétés peuvent se targuer de disposer dans leur
catalogue d’un titre permettant de cibler une population des précises, les
adolescents hardcoregamers. L’histoire ne dit pas si la publicité ingame en
est la cause, mais quelques mois après sa sortie en téléchargement,
WarRock sort en magasin dans une version boîte améliorée, et payante
cette fois. La publicité pourrait bien ici avoir apporté les fonds nécessaires
pour la commercialisation et l’amélioration du jeu. De quoi attirer un
grand nombre d’éditeurs aux moyens limités…
Ubisoft, le buzz du gratuit
En Septembre 2007, l’éditeur Français Ubisoft fait une annonce qui
en quelques jours va générer un buzz impressionnant, apportant par la
même occasion les louanges de la communauté de joueurs. Et pour cause,
l’annonce est une première et une véritable surprise. Trois des jeux les
plus réputés de l’éditeur, Far Cry, Prince of Persia Sands of Time et
Rayman Raving Rabbids, qui ont fait les belles heures d’Ubisoft et ont
connus un large succès sont désormais gratuits. Oui, totalement gratuit.
Pas regroupés dans un pack promotion, mais disponibles en
téléchargement gratuit et légal. Et pourtant nous ne parlons pas ici de
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
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piètres jeux sortis il y a dix ans, mais de titres phares ayant générés des
millions de ventes. Cet exemple montre clairement que la publicité ingame
ne permet pas de financer des jeux de mauvaise qualité, bien qu’ici ces
titres aient été déjà rentabilisés grâce à leurs ventes.
Nous connaissons le cycle de vie d’un produit. Dans le monde du jeu
vidéo, la période de maturité est très courtes, à l’opposé de la période
d’introduction qui génère pour les titres les plus important un chiffre
d’affaire impressionnant. Seulement, le nombre de nouveaux jeux chaque
année ainsi que les rapides avancées technologiques réduisent
considérablement la durée de vie d’un titre. Bien évidemment certains
d’entre eux connaissent une période de maturité hors normes comme le
jeu Counter Strike ou encore le MMORPG que nous avons étudié, World of
Warcraft. La question de la « seconde » vie d’un jeu est donc délicate.
C’est d’abord vers les offres groupés que ce sont tournés les éditeurs,
rassemblant quatre ou cinq jeux dans un même boîtier, ce qui réduit les
coûts. Mais ces packs ne semblent pas avoir motivés les acheteurs, et la
publicité ingame semble ainsi en mesure de venir au secours des jeux
vieillissant. La mise à disposition en téléchargement permet aux éditeurs
de réduire considérablement (presque à néant) les coûts de distribution,
et l’intégration de publicité permet de générer un chiffre d’affaire
supplémentaire. Impossible cependant de savoir si l’équation est
gagnante, mais l’expérience est une réussite qui en plus d’assurer la
notoriété d’Ubisoft pourrait amené d’autres éditeurs à s’y essayer, et donc
aux jeux de gagner en durée de vie.
Trackmania United roule gratuitement
Les deux exemples précédents nous montrent deux différentes
possibilité d’assimiler la publicité ingame à la gratuité des jeux. Mais il
reste des équations différentes.
« Plus de joueurs s'intéressent à un jeu, plus il est facile d'en tirer profit
grâce à l'intégration de publicité. [...] Ces deux jeux ayant été distribués
gratuitement en téléchargement, les joueurs qui s'y sont essayés ont été
très nombreux puisqu'il n'y avait plus aucun frein et les annonceurs ont
été séduits. [...] Plus de joueurs, c'est plus de revenus et plus de revenus,
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
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c'est plus d'indépendance vis-à-vis des gros éditeurs »
Ed Bartlett / vice-président de IGA Europe - Gamesindustry.biz,
Trackmania est un jeu de course multijoueur sur internet, qui se
télécharge gratuitement. Et c’est avec une autre réflexion stratégique qu’y
est pensé la publicité. Le jeu n’est pas ce que l’on peut appeler un « grand
jeu », il est cependant très divertissant et rencontre un immense succès
notamment grâce à sa gratuité. Et c’est là que le jeu se veut attirant pour
les annonceurs. Un jeu divertissant, sans être de grande envergure, peut
réunir des millions de joueurs, un public large sur lesquels peuvent lorgner
les annonceurs. Une occasion donc pour les développeurs de devenir plus
autonome et de mettre directement leurs jeux à disposition du public,
sans perdre la licence acquise par les éditeurs internationaux. Nous avons
vu ce que disait en 2006 Satoru Iwata, dirigeant de Nintendo : « La
principale source de revenus dans cette industrie doit être les jeux euxmêmes. ». En effet, sortir un jeu gratuit sur plusieurs plateformes,
notamment les consoles de salon, est impossible. Mais pour les jeux
uniquement disponibles sur ordinnateurs, il s’agit là d’une solution viable.
C’est ce qu’indique Ed Bartlett, vice président de IGA Europe, lorsqu’il
conclu son interview pour Gamesindustry : «Evidemment, tout dépend du
projet. [...] Si un studio prévoit de sortir son titre sur l'ensemble des
principales plateformes (PC, XBox 360, PS3, Wii) il est évident qu'il sera
difficile de se satisfaire des fonds fournis par la seule pub in-game. En
revanche, je pense que c'est aujourd'hui envisageable pour un jeu sortant
uniquement sur PC avec un budget moyen en production ».
Battlefield Heroes, passage obligatoire par le site internet
Au début de l’année, Electronic Arts annonce Battlefield Heroes, jeu
d’action/tir multijoueur qui sortira courant 2008. La bonne surprise (c’est
comme cela qu’est traitée l’information sur les sites spécialisés, ce qui
montre clairement une évolution des mentalités envers la publicité
ingame), c’est que le jeu est entièrement gratuit, financé par la publicité.
Il faudra attendre le 3 mars 2008 pour avoir plus d’informations sur le
financement du titre. Aucune publicité à signaler sur les cartes, aucun
panneau d’affichage aux côtés des soladats virtuels. Où se cache-t-elle
donc ? Sur un site internet, car c’est un autre nouveauté de la publicité
ingame. En plus de l’apparition des marques durant les temps de
chargement du jeu, il sera obligatoire pour les joueurs de passer par un
site internet préalablement au lancement du jeu. Et c’est là que se
trouveront les publicités, bénéficiant d’une large visibilité puisqu’à chaque
début de partie les joueurs devront y passer. Une bonne idée qui permet à
la fois de bénéficier du soutien des joueurs et de notoriété par la mise à
disposition gratuite, sans pour autant heurter les plus récalcitrant. Preuve
qu’il existe de nombreuses pistes inexplorées dans le monde de la
publicité ingame, dans lesquelles risquent de vite s’engouffrer éditeurs,
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
80
développeurs et régies publicitaires. Au final, un dynamisme constant pour
le marché, des expériences intéressantes d’un point de vue financier mais
aussi marketing, et une considération toujours plus importante des
joueurs. L’objectif étant toujours dans rassembler le plus grand nombre...
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
81
II. Avenir de la publicité ingame.
1. De réelles opportunités à saisir
Comme nous l’avons constaté lors de l’étude du marché et de sa
croissance exponentielle, la publicité ingame a de beaux jours devant elle.
Toutes les estimations des cabinets d’experts sont impressionnantes,
comme l’étude du Yankee Group qui indique que le chiffre d’affaires
pourrait passer à près d’un milliard de dollars pour le secteur en 2011.
Rappelons que celui-ci ne s’élevait « qu’à » 78 millions en 2006. Le
nombre de joueurs est en constante augmentation et le nombre de
spectateurs potentiels aux publicités ingame représente donc une manne
solide dans l’avenir pour les annonceurs. Au milieu de l’année 2006,
Bobby Kotick, Directeur Général d’un des éditeurs leaders sur le marché,
expliquait que pour saisir l’importance du marché et le voir s’accroître, il
fallait attendre deux ou trois ans. A l’époque, les parties online ne font pas
partie des mœurs, et le marché est alors pour lui trop limité. Depuis, le
jeu online a fait la une des plus grands magazines internationaux. Second
Life (communauté virtuelle en ligne dans laquelle se développe un marché
bien réel) a créé l’un des plus gros buzz de l’histoire et rassemblé une
large communauté pendant que World of Warcraft, le plus populaire des
MMORPG pourtant âgé de plusieurs années ne cesse de voir son nombre
d’abonnés augmenter, passant à plus de dix millions. Les multinationales
pionnières de l’internet ont fait leur marché parmi les régies spécialisées
fraîchement apparues et ces rachats ont fait le tour du web tellement leur
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
82
montant était élevé, rappelons le rachat de Massive Incorporated par
Microsoft pour plus de deux cents millions de dollars au printemps 2007.
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
83
2. Des innovations technologiques facilitant toujours
plus l’intégration de marques dans les jeux vidéo
Tout semble donc confirmer les prédictions de Bobby Kotick et la
publicité ingame apparaît aujourd’hui bien ancrée parmi les canaux de
communication pour les annonceurs, présentant des caractéristiques
propres qui la mette dans une position confortable pour répondre à des
objectifs précis. La segmentation que la publicité ingame permet,
l’immersion du joueur ainsi que les taux de mémorisation enregistrés la
positionne comme un concurrent de premier plan par rapport aux autres
médias, pas seulement auprès d’adolescents boutonneux mais bien d’une
population toujours plus variée. Conscient de l’opportunité offerte par la
publicité ingame, les acteurs du marché ont particulièrement investi dans
la recherche et développement pour pallier à son plus important défaut
jusque récemment, à savoir son manque de réactivité. La publicité ingame
d’hier, comme nous l’avons vu, souffrait de nombreuses contraintes. Non
seulement statique, elle n’était ni administrable par une régie, ni
modifiable. Peu de flexibilité mais pire encore, un contrat entre annonceur
et éditeur n’aboutissait qu’après de longues négociations, l’intégration de
publicités devant être pensée en amont du développement. Une vraie
limite au développement du secteur à laquelle ont su rapidement répondre
les régies.
DOUBLE FUSION et son Fusion.runtime
A la rentrée 2007, Double Fusion, régie spécialisée figurant parmi
les leaders du marché de la publicité ingame, annonce la
commercialisation de son nouveau programme : Fusion.runtime. Une
annonce primordiale pour les annonceurs et pour l’ensemble du marché
des jeux vidéo. Avec Fusion.runtime, la régie propose une solution flexible
et révolutionnaire qui permet aux éditeurs et développeurs d’intégrer des
campagnes publicitaires dans des jeux dont le développement est
pourtant déjà terminé. Le catalogue historique de tous les jeux vidéo se
transforme ainsi en support publicitaire potentiel, et ce très simplement,
avec l’installation d’un patch (logiciel mettant un jour le programme). Une
mine d’or pour les éditeurs et une potentielle nouvelle jeunesse pour des
titres ayant connu la gloire dans le passé et qui pourraient revoir le jour
gratuitement grâce aux financements des annonceurs. Autre avancée
considérable pour la publicité ingame : elle peut désormais s’adapter à des
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
84
contraintes temporelles et s’ouvre donc à des annonceurs qui ne voyait
dans ce nouveau support aucun intérêt. Ainsi, même dans des délais
courts, un annonceur peut intégrer une campagne pour un événement
ponctuel dans un catalogue de jeux et y mettre un terme une fois
l’échéance arrivée.
Qu’il s’agisse d’opérations promotionnelles, de lancements de
produits ou de la sortie d’un nouveau film à gros budget en salle, la
publicité ingame peut désormais répondre à ces problématiques grâce à
une flexibilité toujours plus importante. Dans le même temps, Tom
Hosking, directeur commercial de Massive Europe, indiquait qu’
« Aujourd'hui, il ne faut que trois semaines chez Massive entre la création
et la diffusion d'une campagne de publicité dans un jeu. Un délai
évidemment plus long que ceux rencontrés sur internet, ce qui est
toutefois logique puisque dans un souci de qualité et de respect du joueur,
la publicité doit se fondre dans l'environnement de jeu. ». Avec des
avantages certains sur ses supports concurrents, eux en perte de vitesse,
la publicité ingame prend ici une toute autre dimension avec un temps de
réaction amoindri laissant la place à de vraies campagnes publicitaires,
contrairement aux expériences passées limitées à un sponsoring avec des
bannières autour d’un terrain de football. Une nouvelle donne qui tend à
affirmer qu’il faudra dans un futur proche considérer la publicité ingame
comme un moyen complémentaire incontournable aux campagnes de
communication globales des annonceurs. Ce qu’ont déjà compris des
annonceurs de renom qui se sont avérés satisfaits par leurs premières
expériences et comptent insister dans l’utilisation de ce média à l’avenir. Il
faut cependant rester prudent…
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
85
3. Un défi pour le secteur : gagner la confiance des
annonceurs
Comme nous l’avons abordé dans la deuxième partie, la
segmentation permise par la publicité ingame est l’une de ses plus
grandes forces. Une cible que l’on peut définir, que l’on peut viser, mais
qu’il ne faut pas perturber. Yuanzhe Cai, directeur de Broadband &
Gaming chez Packs Associates, a donné des estimations encore plus
élogieuses pour les années à venir, évoquant un chiffre d’affaire
atteignant les deux milliards de dollars en 2012. Et pourtant, il reste
prudent sur l’adaptation de la publicité dans les jeux vidéo, jusque
récemment relativement épargnés. Ses mots sont sans équivoque, lui qui
parle d’un procédé « à double tranchant ». Il s’explique dans une
interview accordée à Gamesindustry : « Si les campagnes publicitaires se
sont bien déroulées, il n'y aura pas beaucoup de résistance des plus gros
joueurs. Si les campagnes sont intrusives et causent une foule
d'interférences... Ces joueurs s'assureront que les éditeurs et les
annonceurs goûtent l'amertume de leur expérience ». Les réactions sur les
blogs et autres sites spécialisés ont été vives et nombreuses alors que la
publicité ingame faisait de plus en plus parler d’elle. Peu à peu elle a su se
faire accepter en mettant un point d’honneur à respecter l’environnement
du joueur et à lui procurer toujours plus de réalisme. Et pourtant la
relation entre joueurs et annonceurs/régies reste fragile, à l’image de
l’expérience négative d’Electronic Arts avec Battlefield 2142. Non
seulement la confiance des joueurs a été ébranlée par le flyer indiquant
que des données étaient collectées pendant leurs parties, mais un refus
net a été identifié pour cause d’incompatibilité avec l’environnement
contextuel (futuriste) du jeu. La publicité ingame doit donc se faire
accepter au rythme des joueurs sous peine de connaître un retour en
arrière de quelques années dans les réactions qu’elle provoque.
Cette confiance doit également être transmise aux éditeurs et
surtout aux annonceurs. Les plus grands éditeurs ne s’y sont pas trompés
et la majorité d’entre eux ont franchi le pas. Il en reste pourtant un grand
nombre à convaincre que la publicité ingame représente une source de
revenues non négligeable qui offre alors de nouvelles possibilités dans le
processus de création d’un jeu. Les annonceurs, de leur côté, doivent être
rassurés quant à l’efficacité des campagnes de publicité ingame. Ce sont
aux régies de rassurer les différents partis, elles qui sont l’intermédiaire se
doivent de stabiliser le marché. Elles l’ont bien compris et sans ce
changement des mentalités, c’est leur chiffre d’affaires qui est menacé.
C’est pourquoi des cabinets d’études spécialisés ont vu le jour et que les
principales régies publient et mettent en avant les différentes études
qu’elles ont commandée.
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
86
4. Des sceptiques de moins en moins nombreux, et un
avenir prometteur.
Le camp des sceptiques compte cependant un membre de premier
ordre, Satoru Iwata, figure historique du jeu vidéo actuellement à la tête
du géant Nintendo. Celui-ci émet, en 2006 sur Thestreets.com, des doutes
quant au changement du modèle économique des jeux vidéo qui
privilégierait les revenus publicitaires : « La principale source de revenus
dans cette industrie doit être les jeux eux-mêmes. ». Ce qui est fortement
probable. Cependant, avec des budgets de plus en plus conséquents,
certains se rapprochant d’un blockbuster du cinéma, et une distribution en
crise avec entre autres le problème posé par le piratage, il semble évident
que le marché a besoin d’une nouvelle source de revenus. La publicité
arrive donc au moment opportun. Même si le début fut difficile, le marché
de la publicité ingame a connu une ascension vertigineuse et les chiffres
font des envieux. C’est pourquoi des sociétés s’y sont vite spécialisées et
se sont tout aussi vite fait récupérées par des sociétés de renom comme
Google ou Microsoft. Aubaine pour les développeurs et éditeurs de jeux
vidéo, la publicité ingame pourrait l’être tout autant pour les annonceurs
pour qui les supports traditionnels répondent de moins en moins aux
attentes. Avec une surexposition publicitaire quotidienne qui résulte en
l’occultation des messages par la population ou encore l’efficacité
décroissante des campagnes télévisées, la publicité ingame dispose de
nombreux atouts. Qu’il s’agisse de sa réactivité, de son développement,
de sa flexibilité, du fait qu’il s’agisse d’un des rares médias exclusif ou
encore de ses coûts jusque-là (mais pour combien de temps encore ?)
intéressants, la publicité ingame devrait attirer de plus en plus
d’annonceurs venus de tous les horizons. Les prédictions lui sont
favorables, et sauf fausse note, la publicité ingame s’imposera d’ici
quelques années comme un média incontournable d’une campagne de
communication…
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
87
III. Préconisations
Contactée par email, Alison Lange Engel, directrice marketing et
relations presse chez Massive Incorporated Monde (filiale de Microsoft),
nous donne une réponse on ne peut plus claire sur les annonceurs
susceptibles d’avoir affaire à la publicité ingame, et pourquoi faire ce
choix :
« All brands – can reach broad range of demographics in highly engaging
way »
(“Toutes les marques. [La publicité ingame] peut atteindre des cibles
variées de façon très efficace)
Un média pour tous
C’est ce que nous avons pu constater tout au long de ces
recherches. C’est la force de ce marché de bénéficier d’une grande
flexibilité et de supports variés pour proposer des solutions diverses et
adaptées à chaque annonceur. La réponse d’Alison Lange Engel est
directe, elle assure que toutes les marques peuvent utiliser la publicité
ingame afin de promouvoir leur image ou leurs produits. Evidemment, si
toutes les marques sont concernées, les prospects sont infinis. Madame
Engel se garderait donc bien de mettre des barrières à l’entrée pour
certains secteurs. Mais sa réponse doit être nuancée. Il existe une grande
quantité de catégories de jeux, et il est désormais possible d’intégrer
rétroactivement de la publicité dans des anciens titres. Les joueurs sont
eux aussi chaque année plus nombreux, et jouent sur des plateformes
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
88
variées disposant de caractéristiques de jeux propres. Les profils se
diversifient, avec notamment l’arrivée croissante de joueuses. Cependant
comme nous l’avons vu, c’est avec soin qu’une marque doit être
identifiable dans un jeu. Quelque soit le secteur d’activité d’une marque,
elle trouvera dans n’importe quel cas une intégration adaptée dans un jeu
approprié et ainsi atteindre sa cible. Car la spécificité des jeux vidéo
comme support publicitaire est bien la segmentation qu’il propose, un
profil type de joueur étant facilement attaché à tel ou tel jeu. C’est donc là
que se trouve le départ stratégique d’une campagne de publicité ingame.
Pour s’assurer de l’efficacité d’une campagne, la marque ne doit pas la
voir comme une campagne qui s’autosuffit. Il serait une erreur de
s’engager, pour la promotion d’un produit par exemple, uniquement dans
cette voie. C’est dans les réflexions stratégiques globales que doit
intervenir la campagne ingame, traitées comme toute autre moyen.
Un des éléments d’une campagne publicitaire pluri média
Intégré à un plan de communication globale, le jeu ne doit être
qu’un relais parmi les autres, tous réfléchis dans un même objectif, auprès
d’une même cible, ainsi amenée à être confronté autrement au message.
La cible et la stratégie ayant été définies, c’est vers le budget que la
marque doit se tourner. Il suffit de regarder les références sur les sites
des principales régies de publicité ingame pour comprendre que les clients
jusqu’à présent sont des annonceurs de renom, disposant de budgets de
communication importants (les 50.000 euros de la campagne Coolskin
dédiés à la publicité ingame ne représentaient qu’un pourcent du budget
global). Les coûts d’une campagne ingame sont eux aussi très variés,
fonction du type d’intégration, de la forme que prendra la campagne
virtuelle, du nombre de jeux concernés… Il existe des solutions à chaque
budget, et c’est là qu’interviennent les advergames. Ce sont bien
évidemment les objectifs qui doivent emmener une marque vers une
campagne ingame ou un advergame. Promouvoir un produit et collecter
des adresses emails ne remplissent pas les mêmes objectifs, bien que tout
deux passent par le jeu vidéo. Mais c’est surtout le prix qui définira celui
utilisé pour atteindre de façon ludique et originale sa cible. Les budgets
importants se tourneront ainsi sur la publicité ingame, avec des
campagnes allant de plusieurs dizaines de milliers de dollars à plusieurs
centaines. Les budgets plus restreints eux opteront pour l’advergaming,
plus facilement réalisable techniquement, plus rapide à mettre en place,
avec des frais de développement, de gestion et de promotion minimes.
Un advergame pas seulement ludique
Si la marque décide d’appuyer sa campagne sur un advergame, elle
doit alors s’adresser à une agence spécialisée qui développera, après la
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
89
remise du brief, un jeu apte à répondre à ses objectifs. Les advergames
ont bénéficié d’une popularité telle qu’on en dénombre une quantité
impressionnante, sur les blogs, les sites spécialisés ou les sites internet
des produits. Difficile donc pour l’advergame de notre marque de faire sa
place. Bien que sur une période de jeu l’internaute teste en moyenne
quatre jeux, peu de chance qu’il tombe sur un jeu précis sans que
l’expérience virtuelle soit ludique et originale. Les budgets une nouvelle
fois sont très hétérogènes, mais impossible d’attendre de bons résultats
d’un jeu sans intérêt. Il est donc préconisé d’oublier les jeux sans intérêt,
vendus aux marques en marque blanche et déclinés des dizaines de fois.
Un minimum d’investissement sera donc nécessaire, tout comme le travail
d’une agence de qualité qui développera un jeu unique à partir d’objectifs
bien précis. C’est pourquoi il est primordial de travailler en totale
collaboration avec l’agence de développement car plus qu’un simple
divertissement, c’est bien le produit et la marque qui doivent s’imprégner
dans l’esprit des joueurs. Il faut donc s’assurer de la cohérence du jeu
avec la marque. Une fois jeu développé, il s’agit de réaliser un plan de
promotion du jeu. Là encore l’originalité est primordiale puisque toute la
réussite du jeu dépendra de sa viralité.
Optimiser sa campagne de publicité ingame
Les budgets plus importants pourront eux choisir, si cela entre dans
la stratégie de la marque, la publicité ingame. Grâce au constant
développement des techniques et de l’offre des régies, le travail de la
marque est grandement facilité et une campagne ingame s’apparente de
plus en plus à une campagne internet. Il s’agit de sélectionner dans un
catalogue les jeux les plus à même de répondre aux objectifs, et ce choix
est déterminant. Il tient compte de nombreuses données, comme le type
de jeu, sa violence, son aura auprès du grand public ou encore les valeurs
qu’il reflète. La marque sera directement identifiée au produit, et si
l’adéquation n’est pas bonne, c’est que le public visé n’est lui non plus pas
le bon. La réussite de la campagne repose ensuite sur la régie qui devra
intégrer la marque dans ses jeux sans brusquer les joueurs et en tenant
compte de tous les facteurs déterminants que nous avons étudiés. Une
fois de plus la marque devra travaille en collaboration privilégiée avec la
régie qui devra comprendre les spécificités de la campagne et ses
objectifs. Placer son logo dans un jeu n’est bien évidemment pas suffisant,
il faut s’assurer que le produit est intégré avec cohérence et que l’image
qu’il renvoie (graphiquement, dans son message ou dans son utilité pour
le joueur) soit en adéquation avec la marque et sa cible. De même il faut
s’assurer que la présence de la marque ne soit pas intempestive pour les
joueurs et que celle-ci ne fait qu’augmenter l’impression de réalité du jeu.
Car pour notre marque, le cas contraire peut être tragique, les voix de la
contestation se faisant rapidement entendre suite aux quelques erreurs
qu’a pu connaître le marché. Lancée dans la publicité ingame, la marque
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
90
doit privilégier les affichages dynamiques voire vidéos, sans que cela ne
gêne la concentration et l'amusement du joueur. L’affichage statique, mis
à part pour le sponsoring de stades par les grandes marques de sport, est
à proscrire. Développé avec le jeu, il ne propose aucune flexibilité et ne
peut être administré, et donc coûte beaucoup plus cher. Il est
recommandé de considérer une campagne ingame comme une campagne
sur un support classique, en multipliant les parutions (et donc le nombre
de jeux dans lesquels sera intégrée la marque) pour toucher la globalité
de la cible, si possible à plusieurs reprises.
Un vrai et virtuel moyen
La publicité ingame n’est-elle qu’une simple extravagance que
peuvent se payer les plus grands groupes? Peu peuvent se le permettre
pour l’instant, seuls les plus confortables ont jusque là investi dans la
toute nouvelle aventure marketing virtuelle. Mais celle-ci n’a rien d’une
extravagance et nul doute que les préconisations de campagnes ingame
vont être de plus en plus récurrentes dans les stratégies des agences de
communication. Nouveau souffle dans les relais d’information qui
deviennent obsolètes, la publicité ingame permet d’avoir un ciblage strict,
un retour quantifiable et pour un coût toujours raisonnable comparé à ses
concurrents. Son immersion est totale et c’est un des rares médias
exclusifs, ce qui en fait une réussite de communication quasi-certaine si le
travail préalable est bien réalisé. Reste qu’à l’heure actuelle, malgré la
diversité des options, l’intégration de publicités dans les jeux est
aujourd’hui conseillée pour des marques dynamiques, qui bénéficient
d’une image jeune, et qui sont déjà connues du grand public. Les
innovations ouvrent cependant le marché à plus de marques en facilitant
les démarches et en diminuant les délais d’intégration. Toute marque peut
et doit donc se poser la question de la publicité ingame, celle-ci pouvant
s’adapter à toutes les situations. A chacun son budget, à chacun ses
objectifs, à chacun sa cible, à chacun sa solution ingame.
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
91
Conclusion
Nous l’avons constaté, dans un contexte difficile pour les supports
de communication « classiques », la publicité ingame tire son épingle du
jeu. En l’espace de quarante ans, le jeu vidéo s’est transformé d’un simple
morpion avec le jeu OXO à aujourd’hui des mondes virtuels persistants qui
réunissent des centaines de millions de joueurs.
L’univers virtuel se rapproche de plus en plus de la réalité, et
rassemble rien qu’en France 15 millions de joueurs. Un chiffre en
constante progression, que chaque sortie d’une nouvelle console vient
relever. Ces mêmes constructeurs de consoles qui, en diversifiant leurs
offres (le meilleur exemple étant la Wii de Nintendo) pour toucher un
public toujours plus larges, ont joué le jeu de la publicité ingame. Des
profils hétérogènes, et donc de nouvelles possibilités pour des marques
jusque là peu intéressées par l’offre des régies spécialisées. Et en terme
d’hétérogénéité, la publicité ingame n’a rien a envier aux autres supports.
Mieux encore, les possibilités offertes sont plus nombreuses et ne
demandent qu’à être découvertes, au fil des efforts créatifs des régies et
des agences publicitaires. Rondement menée par les pionniers de
l’internet, qui se sont vite emparé des régies spécialisées à peine
débarquées sur le marché, la bataille de la confiance semble faire son
effet. Mais les impressionnantes retombées médiatiques des premières
campagnes ont certes mis en avant le marché, mais n’ont pas pour autant
fait des régies des structures viables. Depuis, le grand public se fait à
l’idée de voir une publicité pour un film dans ses jeux, et même les plus
réfractaires des débuts, à la plume critique et hostile sur les forums après
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
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chaque article sur le sujet, l’accepte. Une confiance des joueurs que les
régies considère comme acquis, et mieux encore, qui tourne l’avis des
joueurs en leur faveur. Elles ajouteraient, pour la majorité d’entre eux, du
réalisme à leur expérience vidéo-ludique. Un marché considérable,
efficace et mesurable, en pleine croissance, aux possibilité à peine
explorées et accueillant à l’entrée de la publicité. Un nouveau souffle pour
les annonceurs, tout comme les publicitaires. Mais reste à les convaincre,
eux aussi…
Et c’est là tout l’objectif de ces pages. L’étude du support jeu vidéo,
de son évolution, de son rapport à la publicité et des possibilités plus que
variées pour les marques en fait un support à part entière dans la
communication de demain. Le glas des critiques et des peurs des débuts a
sonné. L’annonceur, avec la publicité ingame, dispose désormais d’un
moyen simplifié par les avancées technologiques, efficace aux vues des
nombreuses études publiées, et désormais précisément mesurable. Les
exemples étudiés ici, qu’ils soient bons ou mauvais, permettent de poser
les bases d’un secteur qui se cherche encore, montrant que les limites à
ne pas franchir sont strictes. Mais les régies appréhendent aujourd’hui les
réactions des joueurs et leur angle d’action, entretenant un rapport dans
le respect avec les joueurs. Les mentalités doivent donc évoluer du côté
des annonceurs. La publicité ingame, tout comme l’advergame, a des
opportunités à offrir à chacun d’entre eux, sous réserve qu’ils les
saisissent. C’est alors, et pas avant, une fois la démocratisation du
support comme support publicitaire effectuée, que le marché connaîtra
son essor. Un avenir qui s’annonce radieux lorsqu’on évoque son chiffre
d’affaire pour 2011, estimé à près d’un milliard de dollars.
L’avenir de la publicité ingame semble donc tout tracé. Mais cette
réussite impressionnante soulève bien évidemment de nombreuses
questions. Bien que nous ayons vu que le secteur était désormais soumis
à un certain nombre d’obligations légales, son application dans les faits
reste cependant assez vague. Un affichage publicitaire pour des boissons
alcoolisées dans un jeu destiné à des enfants d’une dizaine d’années est
bien évidemment répréhensible, et sera sanctionnée par les autorités
judiciaire tant la moralité serait ici bafouée.
Mais qu’en est-il des formes plus subtiles ? Il serait impossible pour
une marque comme Mac Donald’s d’afficher sur les emballages
d’hamburger « Ce hamburger vous rendra plus svelte », « plus beau », ou
encore « plus heureux » (sous-entendu « si vous le mangez dans le jeu
video où il fait de la publicité... ») Et c’est pourtant ce que la marque fait
déjà quand elle s’intègre à un jeu de simulation de vie. Et qu’en est-il
lorsque le joueur qui choisit son jeu de sport d’équiper son équipe de
chaussures Nike (qui a lui payé pour avoir son logo apposé aux
chaussures) et qui voit, cette même équipe, soudainement gagner en
rapidité ou en agilité ? Nous sommes bel et bien dans des cas de
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
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publicités mensongères qui ne peuvent avoir lieu que dans des mondes
virtuels. Nul doute donc que parallèlement à son essor, le marché de la
publicité ingame verra naître à ses côtés une autorité spécialisée en
charge d’évaluer la légalité et la moralité des campagnes. Loin de brider la
créativité des agences, une telle autorité permettrait de faire de la
publicité ingame un marché qualitatif, et d’éviter des polémiques.
La publicité ingame pourrait connaitre de futures évolutions variées.
Les régies pourraient ainsi proposer des espaces d’affichages virtuels
clefs, en fonction de leur emplacement (sur la carte, ou encore à un
niveau de difficulté différent). Ces espaces équivoqueraient aux unes des
magazines ou aux primes time des chaînes hertziennes. Les accessoires
pourrait bien aussi être de la partie. On pense notamment aux « fausses »
raquettes et volants de voitures développés par la société Lilloise Bigben
interactive, à des leaders internationaux de ce secteur. Ils pourraient dans
un futur proche être eux aussi estampillés de logos, eux bien réels. Les
consoles mêmes ! Une édition spéciale de la Xbox 360, console nouvelle
génération de Microsoft, a été réalisée aux couleurs des Simpsons pour la
sortie de leur tout premier long métrage. Des éditions aux couleurs et
designs originaux, plus chères, voient également le jour. Après s’être
rapproché des annonceurs et des éditeurs de jeux vidéo, les régies
pourraient nouer des relations avec les constructeurs de consoles euxmêmes. Entrainant par la même occasion un bouleversement de
l’industrie du jeu vidéo.
Impossible d’imaginer concrètement et sûrement la publicité ingame
de demain, puisqu’il est tout simplement trop tôt pour anticiper les
directions que va prendre le marché. D’autant plus que dans le monde
virtuel, contrairement au monde qui nous entoure, tout est possible, le
seul freins étant la créativité, dont ne manque pas les équipes
publicitaires. Nous avons ici fait un constat, mais surtout ouvert des pistes
et apporté la preuve que jeu vidéo comme support publicitaire n’est pas
une extravagance, mais un concurrent sérieux aux médias traditionnels.
Car le jeu vidéo semble bien parti pour être l’eldorado publicitaire de
demain.
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
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ANNEXE
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
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Interview
Alison Lange Engel – Directrice marketing et relations presse chez
Massive Incorporated Monde (filiale de Microsoft)
-IGA market grew very fast and different study groups made very
important estimations about its revenue in the future. How do you explain
this sudden interest brands have about IGA? Does IGA has to be
considered as an ephemere market (as the start-up market was and then
decreased) or do you think it's going to change for ever the advertising
market?
-Interest in reaching a hard to reach audience; medium is compelling due
to it’s immersive and interactive nature
-How do you manage do deal with players (especially core players) who's
reaction are sometimes very hard against IGA? Do you talk to them
directly and adapt yourself to their demand?
-We do extensive research which shows the majority of gamers on our
network are very supportive – no issues
-How does it work to integrate a brand in a game? Do you have packages
that you sell or is every game individually studied? Are you the one who
propose to the brand a game that could fit with it, and the different way
you can integrate it to the game?
-On our site – see section on how to buy – very flexible medium – many
of options
-What kind or evolution are technically possible in IGA? Is there other
ways that billboards and product placement for integrating a brand into a
game? How do you determine the target of a campain, and its results?
-We have range of option – see site – also site has case studies showing
effectiveness
-If you had to make a portrait of a companie for which IGA would fit the
best, what kind of companie would it be? Why should this companie
choose IGA instead of traditionnal media?
-All brands – can reach broad range of demographics in highly engaging
way
Jeux vidéo et jeux online : un nouvel eldorado publicitaire ?
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