Le CIRAD et le coton en petit paysannat africain

Transcription

Le CIRAD et le coton en petit paysannat africain
Le CIRAD et le coton en petit paysannat africain:
Les grandes questions de recherche
Contexte et problématique générale :
L’environnement national et international des filières cotonnières ouest africaines
contraint et oriente un processus inéluctable de leur réforme vers un renforcement de
leurs capacités de négociation internationale, vers une adaptation de leur
fonctionnement et de leur mode d’organisation afin de permettre une plus grande
réactivité de leur part et vers un renforcement de leur capacité d’innovation
technologique.
Ces réformes ont lieu dans un contexte de décentralisation, de déconcentration
administrative, et d’émergence de collectivités territoriales qui jouent un rôle de plus en
plus fort dans le développement local. A l’échelon local, les filières cotonnières sont
génératrices d’emplois, directs ou indirects, de revenus, et d’investissements publics
dans des infrastructures dont les « cotonniers » ne sont pas les seuls usagers. Or, il
n’existe que peu de connexions entre les décisions, généralement nationales, des
réformes des filières cotonnières et les différentes instances impliquées dans le
développement local.
La viabilité économique et financière des filières cotonnières d'Afrique est menacée
par les fluctuations fréquentes et de grandes amplitudes des prix mondiaux. La
volatilité du prix mondial du coton est accentuée par les politiques de soutien de
certains pays que les pays africains ont contestées. La viabilité des filières cotonnières
ne peut dépendre seulement de la régulation, dans un sens plus équitable, des échanges
internationaux. Il est nécessaire pour les pays africains de gagner en productivité et en
compétitivité dans une approche de durabilité, suivant des mécanismes économiques
efficaces et équitables qui restent à inventer. La définition des politiques cotonnières
ne peut pas occulter deux éléments : la réalité du comportement opportuniste des
acteurs et la nécessité d'une coordination basée sur une information partagée
concernant le fonctionnement des filières.
Dans le cadre économique des années 80-90, le désengagement de l’État des fonctions
productives a été mis en œuvre au travers des plans d’ajustements structurels. Des
évolutions institutionnelles a résulté une redistribution des rôles entre les États, les
opérateurs privés et de nouveaux acteurs (organisations de producteurs,
interprofessions, collectivités territoriales…). Ainsi, les groupements de producteurs
assurent, outre l'organisation des marchés de commercialisation du coton à l'échelle du
village, certaines fonctions (gestion des intrants, crédits de campagne... ) de moins en
moins bien assumées par un encadrement des sociétés de développement devenu de plus
en plus lâche. Ces groupements constituent déjà dans certains cas un partenaire
incontournable.
Le CIRAD et le coton en petit paysannat.
Le coton et les vivriers assolés au sein des petites exploitations agricoles familiales,
sont exclusivement produits en condition pluviale stricte. Aussi, toutes ces productions
sont caractérisées par d'importantes fluctuations des volumes et des rendements liées
aux aléas pluviométriques. La sécurité alimentaire constitue dans ces zones le principal
enjeu de décisions prises par les agriculteurs concernant leur assolement et le
calendrier de mise en place des différentes cultures. Par ailleurs, la production
cotonnière représente l'essentiel des revenus monétaires de ces exploitations agricoles,
qui pour plus de la moitié d'entre elles ne disposent pas d'équipements autres que des
outils manuels. Elle permet d'accéder aux crédits de campagne, à la culture attelée, et
elle constitue ainsi le principal moteur de la modernisation de l'agriculture et de la lutte
contre la pauvreté.
L'image de la production cotonnière est associée à celle d'un usage excessif de produits
chimiques. Leur emploi doit par conséquent être raisonné, sinon minimisé, et les risques
pour la santé humaine et pour l'environnement associés à l'usage de ces pesticides
doivent être parfaitement maîtrisés. De même que doivent être maîtrisés dans le cadre
d'une gestion durable des ravageurs des cultures, les processus d'acquisition de
résistances des ravageurs aux différentes molécules insecticides qu'elles soient de
nature chimiques ou biologiques, comme les toxines de Bt récemment mises sur le
marché.
Le caractère plus ou moins intensif des systèmes de culture pratiqués, le mode de
gestion des résidus de culture, la pratique d'une jachère, les niveaux de fertilisation
organique ou minérale sont les principaux déterminants de l'évolution de la fertilité des
sols. Les apports d'engrais sont très généralement insuffisants pour assurer un
équilibre minéral au niveau de l'ensemble de la rotation des cultures. L'intégration
agriculture-élevage permet d'améliorer la fertilité des sols par l'apport de fumure
organique. Le maintien des aptitudes à produire des sols constitue une des conditions
essentielles de la durabilité des systèmes de culture de la zone.
La quasi-totalité de la production cotonnière africaine est mise sur un marché
international essentiellement fluctuant. Bien que reconnu de bonne qualité, ce coton est
sous valorisé du fait de l'application de décotes à des volumes beaucoup plus importants
que ceux réellement concernés, du fait de l'absence d'une caractérisation exhaustive
sur ces critères des balles de coton lors de leur mise en marché. Par ailleurs, les
conditions techniques d'accès à un "marché équitable du coton" promu récemment par
l'Europe, en réponse aux interpellations des pays africains producteurs de coton lors
des réunions de Cancun et à une initiative Française, demandent à être précisées sur la
base d'une qualité attendue et reconnue.
Problématiques et questions de recherche :
Les axes d’intervention proposés se situent dans une logique de renforcement des
capacités de gestion de la production cotonnière aux différentes échelles : filières
cotonnières, développement local, exploitations agricoles et parcelle de coton. A chaque
Le CIRAD et le coton en petit paysannat.
échelle, la gestion se base sur des principes d’action en partenariat qui sont énoncés ciaprès :
Suivi des filières cotonnières.
o Les négociations internationales et les politiques publiques sectorielles
o Mécanismes et impacts économiques des politiques cotonnières.
o Valorisation des atouts de la filière par les politiques de développement
local
Productivité,
o
o
o
o
o
durabilité et risques encourus à l'échelle des systèmes de production.
La stagnation des rendements en Afrique.
La gestion de la fertilité du sol.
La gestion des nuisances.
La question variétale dans l'itinéraire technique.
Les cotons génétiquement modifiés.
La gestion de la qualité de la production cotonnière à l'échelle de la filière.
o La caractérisation de la production.
o La qualité dans le cadre du "marché équitable" du coton.
La construction et le transfert du message technique aux producteurs de coton.
o Le besoin en nouveaux outils de R&D.
o Le message technique et son transfert.
Compétences "coton" et ressources humaines au CIRAD :
Disciplines
Technologie
Génétique - sélection
Génétique -biotechnologies
Entomologie
Agronomie
Economie
Socio-économie
Le CIRAD et le coton en petit paysannat.
effectifs
3
7
3
7
5
2
2
Mécanismes et impacts économiques des politiques cotonnières
Problématique :
L'intervention des chercheurs en sciences sociales, et spécialisés dans le développement
des zones cotonnières, a abordé jusqu'à présent l'accompagnement de la diffusion des
messages techniques et l'analyse des réactions en retour des paysans. Ce type
d'intervention continue à les interpeller, surtout dans un contexte de mise au point de
techniques nouvelles, suivant une approche plus participative et tentant de mieux tenir
compte de la diversité des situations des producteurs et des contextes institutionnels
des filières cotonnières.
Cette intervention semble devoir s'étendre à un appui à la conception et au suivi des
politiques cotonnières, en partant de l'hypothèse que c'est une connaissance
approfondie du fonctionnement des filières qui peut aider à retenir les principes
pertinents de ces politiques, à identifier les modalités de mise en œuvre les plus
adéquates et à concevoir les dispositifs pour permettre une évaluation rigoureuse des
effets obtenus.
Une telle implication est aujourd'hui davantage justifiée devant la nécessité d'ajuster
les politiques cotonnières pour faire face à de nombreux questionnements :
o Le coton est certes important économiquement pour beaucoup de pays en
développement, mais les impacts socio-économiques, et aussi environnementaux,
globalement positifs sans doute, restent insuffisamment évalués, en particulier pour
ce qui concerne la répartition de ces impacts entre les acteurs divers.
o Les filières cotonnières sont soumises à des fluctuations fréquentes et de grandes
amplitudes des prix mondiaux. Leurs viabilités économiques et financières sont
menacées et il faut trouver des mécanismes, reposant sur des actions nationales et
soutenues par des processus de solidarité internationale, pour y faire face.
o La volatilité du prix mondial du coton est accentuée par les politiques de soutien de
certains pays que les pays africains ont contestées. La résolution d'une telle
distorsion sera longue dans le cadre international et elle ne sera effective que si des
mécanismes acceptables sont proposés, tant pour une résorption progressive des
subventions, que pour un appui à la consolidation structurelle de la compétitivité des
pays qui en sont victimes.
o La viabilité des filières cotonnières ne peut dépendre seulement de la régulation,
dans un sens plus équitable, des échanges internationaux. Il est nécessaire pour les
pays africains de gagner en productivité et en compétitivité dans une approche de
durabilité, mais suivant des mécanismes économiques efficaces et équitables qui
restent à inventer.
o Le cri d'alarme des pays cotonniers africains contre les effets néfastes des
distorsions est certes entendu mais la réponse par la proposition d'initiative
européenne est une avancée seulement si les actions envisagées reposent sur des
mécanismes économiques réalistes.
o L'amélioration de la performance des filières cotonnières peut découler d'un
réajustement des rôles des acteurs jusque-là dominants, les sociétés cotonnières et
Le CIRAD et le coton en petit paysannat.
à travers elles, l'Etat. Mais les premières expériences de gestion interprofessionnelle (Bénin) sont loin d'être convaincantes, alors que la nouvelle
orientation en faveur de monopoles locaux privés demande un mode de coordination à
inventer.
La définition des politiques cotonnières ne peut pas occulter deux éléments dont
dépend l'efficacité à obtenir. Le comportement des acteurs est fait d'opportunisme et
c'est une coordination réaliste qui permet de canaliser cet opportunisme dans le sens
désiré. L'opportunisme des acteurs est d'abord un facteur positif comme ressort à une
réponse aux incitations proposées. Aux incitations bien pensées feront écho des
réponses positives des acteurs. Mais c'est aussi un facteur négatif si on omet de poser
les garde-fous contre le détournement des incitations proposées. Il en résulte que
incitation ne peut être efficace sans coordination, et une coordination efficace repose
pour beaucoup sur une organisation de l'information partagée.
Objectifs des recherches :
La problématique explicitée peut se traduire par les objectifs suivants de recherche :
1. évaluation des impacts des politiques cotonnières, passées et/ou engagées.
2. analyse des mécanismes économiques des initiatives de soutien et de
consolidation des filières cotonnières.
3. système d'information partagée pour gestion professionnelle des filières.
Le CIRAD jouit d'une grande expérience dans les zones cotonnières et dispose de
compétences humaines avec une connaissance approfondie du fonctionnement des
filières cotonnières. Depuis une dizaine d'années, de nombreux travaux ont concerné
une approche comparative, tant dans l'espace (en appréhendant des organisations
différenciées des filières), que dans le temps (par une approche historique fondée sur
l'analyse des comportements des acteurs), pour acquérir le recul nécessaire dans
l'analyse des filières dans leur fonctionnement passé et présent.
Les objectifs de recherche peuvent être atteints en conduisant des actions pour aider
à, sans exclusif :
o mettre au point et mettre en œuvre des méthodes et des dispositifs harmonisés
pour l'évaluation des impacts de la production cotonnière.
o construire un partenariat privé-public par le financement et la gestion des biens
collectifs ou publics
o soutenir une véritable coordination professionnelle par la mise en œuvre d'un
système efficace d'information partagée
o étudier les conditions, portée et limitée d'un système d'assurance pour gérer la
volatilité des cours mondiaux
o cerner les modalités d'intégration d'un système de solidarité internationale dans les
mécanismes nationaux de fixation de prix d'achat du coton graine
o participer à une démarche régionale d'amélioration de la valorisation de la qualité du
coton fibre
o identifier des mécanismes d'incitation économique à coûts et effets partagés pour
améliorer la productivité au champ
Le CIRAD et le coton en petit paysannat.
La question de la stagnation des rendements en culture
cotonnière en Afrique.
Problématique :
Des interrogations sont nées du constat de la stagnation voire de la baisse des
rendements en Afrique francophone. Les surfaces cotonnières ont fortement augmenté
dès 1994, avec pour corollaire une importante augmentation de la production. Néanmoins
cette croissance de la production est moins que proportionnelle à celle des surfaces du
fait d'un tassement des rendements dans cette partie du monde.
1200
rendement kg fibre / ha
3000
Afrique autres pays
1000
2500
800
2000
600
1500
400
1000
200
500
surfaces (milliers ha)
production fibre (milliers T)
Afrique francophone
Afrique francophone
900
Afrique autres pays
800
monde
Inde
700
600
500
400
300
200
100
0
1975
1980
1985
1990
1995
2000
2005
0
2010
0
1975
1980
1985
1990
1995
2000
2005
2010
Source ICAC
Les interrogations concernent les causes susceptibles d'"expliquer" cette évolution. Les
hypothèses avancées sont très variées : de la baisse de la fertilité des sols, aux
évolutions du climat, de l'acquisition d'une résistance d'Helicoverpa armigera aux
pyréthrinoïdes, aux délais importants de règlement de la vente du coton … etc. La
question de la fiabilité des statistiques sur les surfaces n'est cependant pas évoquée
comme cause d'imprécisions sur les rendements, alors qu'elle mériterait de l'être à
l'heure où les informations collectées par les Sociétés Cotonnières ne le sont plus faute
d'agents de terrain, et où les statistiques basées sur les déclarations des producteurs
peuvent conduire à surestimer les surfaces du fait de l'accès au crédit de campagne
consenti aux "cotonculteurs" sur la base des superficies déclarées.
En l'absence de base de données de terrain fiables sur la période incriminée, il est
impossible d'établir statistiquement des liens de causalité et encore moins une
hiérarchie des facteurs suspectés dans l'évolution des rendements alors que le volume
de la production ne peut être mis en doute puisque toute la production fait l'objet de
transactions commerciales. Il est tout au plus possible de constater des évolutions
parallèles et concomitantes de certains facteurs avec celle de la production, tout en
sachant que l'on est dans l'impossibilité de se prémunir de biais importants dans
l'interprétation de telles constatations.
Le CIRAD et le coton en petit paysannat.
Objectifs des recherches :
1. Contribuer à la constitution de bases de données sur les contextes (climat, sols),
les pratiques et les performances en culture cotonnière dans les différentes
zones de production en vue d'établir un diagnostic des facteurs responsables des
évolutions observées.
2. Valider les hypothèses avancées dans le cadre d'expérimentations ou d'enquêtes.
3. Etablir un pronostic de la production cotonnière sous différents scénarios de
modifications des facteurs identifiés comme déterminant de l'évolution
constatée.
La caractérisation des conditions dans lesquelles se réalise la production cotonnière pratiques paysannes et conditions de milieu (climat, sol) - correspond généralement à
des activités de "suivi évaluation" en complément à un éventuel suivi exhaustif réalisé
lui, par des services d'encadrement de Sociétés cotonnières. La nature de l'information
collectée et le dispositif de suivi doivent permettre (i) de caractériser les évolutions
dans le temps de la production et de la productivité sur l'ensemble de la zone, et (ii) de
formuler des hypothèses sur les facteurs impliqués dans ces évolutions. Le CIRAD peut
contribuer (i) à définir la structure (échantillonnage, informations) de ces bases de
données et (ii) à l'analyse de ces données dans le cadre d'un diagnostic.
La validation des hypothèses retenues repose sur des dispositifs d'enquêtes et/ou
d'expérimentations spécifiques adaptés aux questions soumises à hypothèses. Ainsi,
sans être exhaustif, des questions sur les niveaux de résistance acquise par les
populations de chenilles d'Helicoverpa armigera pourront faire appel à de simples
prélèvements de chenilles dont la résistance sera testée au moyen de "tubes imprégnés"
(vial test), les effets d'aléas climatiques sur le rendement pourront eux être évalués
dans des dispositifs comparant différents régimes hydriques, et des questions sur des
techniques culturales seront abordées dans des dispositifs d'enquête agronomique. Le
CIRAD est en mesure d'élaborer les protocoles, d'encadrer les recherches et de
participer au traitement et à l'analyse de ces données expérimentales.
La quantification des effets des différents facteurs responsables des évolutions
constatées autorise une projection des attendus en matière de productivité résultant
de modifications à introduire dans la conduite de la culture. Des indicateurs relatifs à
l'environnement peuvent compléter utilement les critères d'évaluation des actions de
vulgarisation envisageables. Les nombreux travaux de recherche sur la durabilité des
systèmes de culture d'Afrique permettent aujourd'hui l'identification d'indicateurs
pertinents de leur durabilité.
Le CIRAD et le coton en petit paysannat.
La gestion de la fertilité des sols
Problématique :
La fertilité du sol s'apprécie à travers le rendement résultat du processus de
production de la culture qu'il supporte. Ainsi, ce sont les fonctions et qualités (i) de
support physique à l'enracinement des cultures, (ii) de source d'éléments pour la
nutrition minérale et l'alimentation hydrique des plantes et (iii) de source d'activités
biologiques (minéralisation des matières organiques du sol) et de réservoir de nuisances
aux cultures (adventices, maladies, ravageurs), qui constituent les trois principales
composantes de la fertilité d'un sol : physique, chimique et biologique. Aussi, la teneur
en carbone du sol ou son taux de matière organique (MOS), est un indicateur qui résume
bien la "fertilité" d'un sol en milieu tropical que ce soit (i) par les relations entre MOS
et structure du sol, (ii) par la contribution des différentes fractions du C du sol à la
capacité d'échange cationique, (iii) comme source et support de l'activité
minéralisatrice du sol ou encore (iv) comme résultante des quantités de biomasse
produites, recyclées et en partie minéralisées.
Ainsi, l'entretien du statut organique du sol se révèle être une condition nécessaire au
maintien de la fertilité du sol dans les savanes cotonnières d'Afrique. En complément à
l'amélioration et à la promotion de techniques de recyclage des résidus de culture (SCV,
mulchs, enfouissement, fumier, terres de parcs …) dans les systèmes de production en
vigueur, il existe (i) dans les équilibres au sein du domaine agro-sylvo-pastoral, (ii) dans
le "rendement photosynthétique" à la parcelle (intensification, association de cultures,
cultures dérobées …) et (iii) dans la "qualité" des biomasses recyclables, des possibilités
d'augmenter sensiblement les quantités de carbone fixées dans les sols.
Objectifs des recherches :
1. Mettre au point une méthode de diagnostic des états de la fertilité du sol dans
ses différentes composantes;
2. Mettre au point une méthode d'évaluation et de diagnostic des flux de carbone à
l'échelle de territoires villageois;
3. Elaborer des systèmes de gestion intégrée et durable de la fertilité des sols.
Le diagnostic de la fertilité du sol s'applique à identifier les facteurs responsables
d'écarts de rendement enregistrés sur un ensemble de parcelles conduites de manière
"semblable", voire identique, dans un même contexte climatique. Il s'agit ici, dans le
cadre d'activités de suivi-évaluation conduites à l'échelle de villages, d'échantillonner
les parcelles paysannes à suivre en fonction de leur situation dans une toposéquence et
de leur passé cultural. L'analyse est réalisée au sein de groupes homogènes de parcelles
constitués sur la base de l'itinéraire technique appliqué, et porte sur la variabilité des
rendements enregistrés selon les caractéristiques du sol de la parcelle concernée.
L'identification des "indicateurs sol" permettant ce diagnostic à grande échelle
Le CIRAD et le coton en petit paysannat.
constitue une opération de recherches en elle-même, il ne s'agit pas en effet de réaliser
une analyse complète des profils de sols sur chacune des parcelles objets du diagnostic.
Les flux de carbone auxquels s'applique la mise au point de méthodes d'évaluation et de
diagnostic, concernent les transferts de matières organiques et des éléments minéraux
associés entre (i) le domaine pastoral et le domaine agricole cultivé au sein de
territoires villageois, et (ii) les horizons d'un même profil de sol sous les effets
conjugués de la lixiviation et de l'érosion des sols, de la présence d'arbres au sein des
parcelles, de la rotation et de la conduite des cultures et enfin de la gestion des résidus
végétaux après récoltes.
Le concept de gestion intégrée de la fertilité des sols place le processus de production
de biomasses au centre de la question du maintien des aptitudes du sol à produire, du
fait que ce processus est à la fois la principale source d'entretien du statut organique
du sol et le révélateur à travers les indices de récoltes de la fertilité du sol. La
durabilité des systèmes de culture repose sur (i) l'adéquation des objectifs de
production avec les états de la fertilité du sol modulo l'itinéraire technique pour
chacune des cultures et (ii) l'équilibre du bilan organique considéré comme résultante de
l'équilibre du bilan minéral associé à la stabilité de la structure et de l'activité
biologique du sol.
Le CIRAD et le coton en petit paysannat.
Gestion durable des nuisances en culture cotonnière
Problématique :
La lutte contre les nuisances en culture cotonnière se situe dans la perspective de la
lutte contre la pauvreté et dans le respect des ressources naturelles. Les pratiques
actuellement en usage dans ce domaine se basent sur les principes d'une agriculture
"classique" en intégrant des caractéristiques variétales (rusticité, vitesse de croissance,
pilosité), des pratiques culturales (dates de semis optimales, modes de désherbage,
fertilisation raisonnée), et en faisant appel à la lutte chimique. Les problèmes
consécutifs à la place prépondérante prise par la chimie, en vogue des années 50 aux
années 80, ont conduit à des questionnements sur la durabilité de la protection contre
les bio-agresseurs comme sur les atteintes à l'environnement. Le challenge à relever
dans le domaine phytosanitaire réside donc dans la poursuite d'un objectif de
productivité et de qualité accrues au travers d'une gestion durable des populations de
nuisibles, adaptée à la diversité des conditions de culture du cotonnier.
Objectifs des recherches dans le domaine de la Gestion des nuisances :
1. Evaluer les contraintes à la mise en place de l'innovation dans le domaine
phytosanitaire et formuler les questions de recherche qui en découlent;
2. Acquérir et mobiliser les compétences scientifiques permettant de prévoir et de
gérer les interactions entre le cotonnier et ses bio-agresseurs (mauvaises
herbes, pathogènes, arthropodes);
3. Proposer une gestion intégrée des populations de nuisibles, adaptée aux
aspirations paysannes et à la préservation de l'environnement, seul garants de la
durabilité de la culture.
La connaissance des interactions entre la plante cultivée, les adventices, les pathogènes
et les insectes (nuisibles et auxiliaires) est un préalable essentiel à la mise en place
d'une gestion globale et raisonnée de l'agro-système. La caractérisation et le suivi des
populations de nuisibles est un élément nécessaire à la mise en place de stratégies de
lutte. De nombreux outils, biologiques et informatiques, ont fait leur apparition et
peuvent être aujourd'hui utilisés au profit des petits paysans du Sud.
Dans la lutte contre les nuisances, la contribution de la chimie se trouve de plus en plus
limitée par des considérations aussi bien économiques qu'environnementales. Les
premiers facteurs à prendre en considération sont les caractères conférant à la plante
une résistance aux agresseurs (maladies, nematodes, insectes). Ces caractères sont
déjà largement mis à contribution pour lutter contre les pathogènes. Ils le sont plus
rarement vis à vis des insectes, sans doute du fait de la diversité des réponses et des
antagonismes apparus entre mécanismes mobilisables (morphologie, biochimie), mais la
connaissance et la manipulation du génome du cotonnier ouvrent aujourd'hui la
possibilité de conférer à cette plante un certain nombre de caractères de résistance.
Le CIRAD et le coton en petit paysannat.
Les recherches conduites dans ce domaine visent actuellement à évaluer l'impact de la
transformation génétique du cotonnier sur la faune et la flore pour juger de l'intérêt
des innovations proposées. Pour construire une gestion raisonnée et accroître la
durabilité de ces innovations, nous nous proposons également de modéliser l'évolution
des résistances développées par les organismes nuisibles.
Compte tenu de la tendance permanente à la réduction des coûts de production d'une
part, et d'une préoccupation croissante pour la préservation de l'environnement, il y a
peu d'innovations possibles en matière de lutte chimique pour les petits paysans du Sud.
La Lutte Etagée Ciblée actuellement vulgarisée en Afrique de l'Ouest doit permettre au
petit paysannat de réaliser une lutte chimique raisonnée avec un impact réduit sur la
santé humaine d'une part, et sur l'entomofaune utile d'autre part, ouvrant ainsi des
perspectives pour un label de qualité de production, spécifique à la culture cotonnière
ouest-africaine. D'autre part, des recherches ont été développées, en partenariat avec
les SNRA et les Sociétés cotonnières, pour que les modalités de la protection
phytosanitaire actuellement vulgarisée conservent leur efficacité le plus longtemps
possible (projets GeRICo, ou PRAO, liés à la prévention et la gestion des résistances aux
pesticides).
Dans un domaine aussi complexe que celui des interactions entre la plante, ses
contraintes d'ordre abiotiques et ses bio-agresseurs, la modélisation est un outil
performant. Ce domaine de recherche est actuellement mis à contribution pour l'aide à
la décision des acteurs en matière d'intervention phytosanitaire. Chaque application
d'insecticide peut ainsi être raisonnée en fonction non seulement de seuils préétablis
(prenant en compte densité de population des nuisibles et des auxiliaires), mais aussi de
l'état de la culture et de son espérance de production.
Le déclin de l'encadrement observé au cours des dernières années conduit également le
Cirad a proposer de nouvelles formes de diffusion de l'innovation, en particulier dans le
domaine phytosanitaire, pour une meilleure prise en compte des contraintes et des
aspirations paysannes, telles que les "écoles paysannes", adaptées d'un concept original
de la FAO.
Le CIRAD et le coton en petit paysannat.
La question variétale dans l’itinéraire technique
Problématique :
La production cotonnière des pays d’Afrique francophone a connu une forte croissance
au cours 15 dernières années. Elle est dûe à l'augmentation du nombre de producteurs
et à l’augmentation des surfaces cultivées par exploitation. Pendant le même temps les
filières cotonnières africaines ont connu des changements institutionnels et
organisationnels : privatisation dans certains pays, suppression des subventions sur les
intrants, allègement de l’encadrement. Tous ces facteurs ont eu des répercussions sur
les performances des pratiques des agriculteurs qui ont souvent modifié avec plus ou
moins de bonheur l’itinéraire technique qui avait été défini comme optimum dans une
majorité de situation par les sociétés cotonnières . Il a été ainsi constaté une stagnation
et parfois même une régression des rendements moyens, et la durabilité des systèmes
de production est parfois remise en cause. Le maintien de la culture cotonnière dans les
zones de production anciennes et son développement raisonné dans de nouvelles zones
constituent un enjeu économique et social de premier plan d'autant plus qu'aucune
production alternative de culture de rente pouvant se substituer au coton n'a pu être
encore identifiée.
Objectif des recherches :
Les contraintes à la culture cotonnière s’étant accrues et diversifiées, nous proposons
d’accompagner les producteurs en adaptant les techniques et les systèmes de culture qui
leur permettront de continuer à planter du coton dans des situations nouvelles et avec
des résultats plus durables tant au plan économique qu’environnemental.
La démarche que nous proposons, se fonde :
1. Sur un diagnostic précis et constant de la réalité des pratiques agricoles, afin d’y
déceler celles qui peuvent constituer un danger pour la durabilité de la culture
(exemple : moindre utilisation des fertilisants), celles qui tentent de répondre à des
contraintes nouvelles (exemple : décalage des dates de semis), ou celles qui
constituent des innovations intéressantes qui méritent d’être rationalisées
(exemple : semis sans labour, apport d’engrais différé, association de cultures).
2. Sur une recherche qui met au point des alternatives raisonnées de façon
pluridisciplinaires, en étudiant dans des dispositifs adaptés les interactions entre
facteurs ou en s’aidant de l’outil de la modélisation pour imaginer et créer des
solutions techniques en vue d’ une meilleure adaptation aux contraintes (variétés ,
techniques culturales, stratégie d’IPM).
3. Sur le test en milieu paysan, selon une démarche participative, de propositions
d’améliorations portant soit sur un ou plusieurs éléments séparément de l’itinéraire
technique (variétés, technique de semis, etc…), soit sur plusieurs éléments
simultanément sous la forme de prototypes d’itinéraires techniques. Cette
recherche s’appuierait sur un réseau d’expérimentation actuellement en place au
Bénin, au Cameroun et au Mali.
Le CIRAD et le coton en petit paysannat.
L’innovation en matière d’itinéraire technique, doit conduire à reconsidérer tous les
éléments qui le composent. Le matériel végétal (la variété commerciale) a une place
toute particulière dans la recherche de l’innovation : toute modification des systèmes de
culture ou de production peut amener à rechercher de nouveaux types variétaux pour
optimiser les changements introduits (exemple : recherche de la rusticité, adaptation
aux SCV), de même que l’exploration de la variabilité génétique disponible dans l’espèce
peut être à la base de la recherche de systèmes de production permettant d’optimiser
de nouveaux types de variétés (exemple : adaptation aux stress hydriques, coton
organique, etc…). La création variétale se retrouve au centre de la problématique de
l’innovation en matière d’itinéraire technique, toute modification de celui-ci pouvant
conduire à redéfinir le cahier de charges de la sélection variétale, et la diversité
génétique disponible pouvant conduire à redéfinir certains paramètres techniques de la
culture. La recherche sur la diversification des systèmes de production pour répondre à
des contraintes nouvelles sera d’autant plus efficace qu’elle exploitera la variabilité
génétique du cotonnier, raisonnée dans un cadre interdisciplinaire, depuis le test de
nouveaux types variétaux, des études fines d’interaction génotype environnement, des
tests de prototypes d’itinéraires techniques, en même temps que seront pris en compte
les impératifs de qualité à l’intérieur des programmes de sélection qui déboucheront sur
une proposition de catalogue présentant une gamme de variétés capable d’optimiser des
systèmes de production diversifiés en petit paysannat.
Le CIRAD et le coton en petit paysannat.
Les Biotechnologies en Afrique de l’Ouest et du Centre
Problématique :
Les biotechnologies et, dans le domaine végétal, les plantes génétiquement
modifiées, ouvrent la voie à un ensemble de nouvelles perspectives dans leur applications
agricoles.
L’exemple des filières cotonnières est à ce titre significatif : actuellement
confrontées à un besoin d’accroissement de leur productivité, dans un environnement
global où la compétitivité doit prendre en compte l’effet des politiques nationales du
Nord de soutien à leurs secteurs agricoles, ainsi que les nécessaires préoccupations
environnementales, elles voient dans les cotonniers transgéniques une solution technique
particulièrement attractive : des rendements accrus, des coûts de production réduits,
une diminution des impacts négatifs liés à la protection phytosanitaire chimique
traditionnelle, et globalement une meilleure maîtrise de la culture. Le développement
rapide au Nord, des superficies en Cotons transformés génétiquement pour la
résistance aux insectes et/ou aux herbicides, peut alors être perçu comme le signe
patent d’une réponse positive de ces innovations aux attentes des producteurs.
Dans le même temps, les réserves et les craintes exprimées par de nombreux
acteurs, se traduisent par des situations d’attente, voire de rejets de ces mêmes
technologies dans d’autres systèmes économiques et sociaux. Ainsi, en Afrique, malgré
une pression croissante des firmes agrochimiques et semencières internationales, les
cultures transgéniques tardent à percer. Les cadres institutionnels et réglementaires
s’élaborent lentement dans un climat d’incertitude général.
Dans ce contexte, la recherche publique et universitaire se doit d’apporter des
informations objectives, produites selon des protocoles scientifiques rigoureux, sur
l’incidence effective de ces technologies pour les agricultures du Sud. Elle doit apporter
à l’ensemble des acteurs des filières concernées, des outils d’analyse et des résultats
fiables permettant de les guider dans leur prise de décision.
Objectifs du Projet :
Développer une capacité de formation et recherches sur les biotechnologies et leurs
applications agricoles en Afrique sub-saharienne.
Cette plate-forme pourrait prendre la forme d’un centre de recherches placé sous
l’égide de la CORAF ou d’une fondation internationale, développant des collaborations
étroites avec les services nationaux de recherche agronomique de la région concernée.
Dans une première étape, les applications ciblées seront relatives à la culture des
cotonniers (CGM : Cotonniers Génétiquement Modifiés).
Les activités de cette plate-forme seraient orientées sur la production et le transfert
de connaissances sur la production cotonnière à partir de cotonniers transgéniques, ainsi
que sur la formation aux biotechnologies :
Le CIRAD et le coton en petit paysannat.
1. produire des connaissances sur les CGM : les expérimentations, réalisées au sein
d’un réseau de dispositifs de terrain contrôlés, selon les directives admises
actuellement sur les essais de plantes transgéniques, viseraient : l’impact direct
des transgènes sur l’environnement de culture (entomofaune cible, non-cible,
auxiliaire ; microfaune du sol via les résidus de culture) ; la dissémination des
transgènes (flux de gènes naturel, via les pollinisateurs, dispersion par les
graines) ; l’impact indirect sur la faune ou la flore (dynamique des populations
d’insectes et/ou d’adventices) ; l’efficience du transgène dans différentes
conditions de culture et de milieu ; les conditions de développement de résistance
aux transgènes ;
2. produire des connaissances sur les systèmes de production intégrant les CGM : Il
s’agira dans ce cas de réaliser des études sur les impacts de ces systèmes de
production à l’échelle : d’une unité de production (organisation du travail,
économie, savoir-faire spécifique) ; d’une zone de production (associations
culturales, impact sur le développement de résistance aux transgènes) ; d’une
filière (organisation et cas particulier de la filière semencière, co-existence avec
des filières conventionnelles, cadre réglementaire, caractérisation, dépistage,
contrôle et suivi) ;
3. transférer et échanger les connaissances : les connaissances précédemment
obtenues seront diffusées aux principaux acteurs des filières cotonnières :
producteurs, industriels, mais également décideurs politiques et plus globalement
la société civile. Les supports utilisés dépendront également du produit et du
destinataire : jour de champ et visite des essais ; fiche d’information sur les
modalités de culture et de gestion de ces CGM ; système d’aide à la décision
utilisant des modèles bio-informatiques ; communications scientifiques et articles
de vulgarisation ;
4. former aux biotechnologies : il s’agira là de former les partenaires scientifiques
nationaux à la technologie de transformation sur cotonnier ainsi qu’à la conduite
des recherches sur les impacts. Ces formations se dérouleront dans le cadre de
sessions de type académique (formation courte ou longue, diplômante ou pas)
ainsi que dans celui de conduite d’expérimentations conjointes.
Contrainte à lever
La forte médiatisation du thème des OGM a conduit à entretenir un climat
d’incertitudes et de suspicion à la fois sur les informations communiquées et sur les
méthodes mises en œuvre pour les obtenir.
Ainsi l’implication, ne serait-ce qu’à la marge dans le cadre d’un appui ponctuel à un
thésard, d’une firme agrochimique ou a contrario d’une ONG, suffit bien souvent à jeter
le doute sur les résultats exposés.
L’ampleur des moyens nécessaires pour accomplir les activités de recherche,
d’échange d’information et de formation, envisagées au sein de la Plate-forme, ainsi que
la nécessité d’accéder aux dernières informations sur les méthodes de transformation,
les conditions d’exploitation, les risques potentiels dérivant directement de la
Le CIRAD et le coton en petit paysannat.
transformation, suppose néanmoins l’établissement de relations formelles avec les
firmes.
La garantie d’indépendance, de validité des résultats, et par suite de
reconnaissance de cette validité, repose sur la transparence entre source de
financement et opérateurs de recherche. L’allocation de crédits de recherche,
provenant de multiples bailleurs (publics, privés, internationaux, locaux,…) selon une base
compétitive claire, et de façon indépendante de la conduite même de ces activités
semble une condition indispensable pour atteindre ces objectifs.
Le passage par un mécanisme du type « Fondation internationale », capable de
mobiliser des financements de multiples origines et de commanditer de façon clairement
dissociée, des activités de recherche/formation spécifiques, pourrait constituer une
solution convenable.
Le CIRAD et le coton en petit paysannat.
La question du classement des balles de coton
Problématique :
La quasi totalité de la production cotonnière d'Afrique noire francophone est mise sur
un marché international essentiellement fluctuant. La matière première que constitue la
fibre de coton, produit naturel, est l’objet de cotations en bourse. Celles-ci évoluent en
fonction de l’offre et de la demande sur le marché mondial; de plus elles sont indexées
sur des paramètres qualitatifs qui servent de base à la commercialisation et aux
échanges mondiaux. Bien que reconnu de bonne qualité, le coton africain est "sous
valorisé" du fait de l'application de décotes en référence à diverses caractéristiques
technologiques de la fibre, décotes appliquées à des volumes beaucoup plus importants
que ceux réellement concernés, du fait de l'absence d'une caractérisation exhaustive
sur ces critères technologiques des balles de coton lors de la mise en marché.
La méthode en vigueur pour l’évaluation de la qualité de la fibre de coton repose sur une
appréciation manuelle et visuelle, elle est réalisée par du personnel expérimenté : les
classeurs coton. Cette évaluation porte sur quatre paramètres (longueur, grade couleur,
grade feuille et préparation), rattachés à des types de vente, mais qui correspondent de
moins en moins à la demande des utilisateurs des fibres. Cette méthode reste largement
majoritaire dans les pays producteurs les plus démunis, notamment au sein des filières
cotonnières africaines.
Depuis une vingtaine d’années se développent des chaînes de mesures intégrées (CMI).
Ces appareils de mesures automatisées établissent sur un échantillon de fibre la valeur
d’une dizaine de paramètres technologiques, dont la connaissance permet aux
utilisateurs de prédire le comportement du coton dans les étapes de la transformation
textile. L’utilisation de ces appareils est de plus en plus répandue dans les pays
industrialisés producteurs et utilisateurs de fibres : sur environ 1 500 CMI à travers le
monde, la moitié se trouve en service aux Etats-Unis et un quart en Asie (forte
consommatrice de coton africain), contre moins de 5 % en Afrique, pourtant largement
exportatrice de sa production.
Objectifs des recherches :
L’objectif général est de permettre aux producteurs africains de coton de disposer
d’une information suffisamment fiable et complète sur la qualité des cotons mis en
marché pour mieux les valoriser à travers l'application des règles du marché basées sur
une caractérisation reconnue de la qualité.
L’évolution actuelle, qui tend à remplacer partiellement ou totalement le classement
manuel des balles de fibre de coton par un classement instrumental, pose plusieurs
questions :
Le CIRAD et le coton en petit paysannat.
1. Quelles adaptations aux solutions proposées par l'ICAC pour passer d’un
classement traditionnel à un classement instrumental pour une application aux
conditions africaines de production ?
2. Les solutions techniques et/ou organisationnelles pour faire évoluer le système
de classement sont elles rentables pour les filières africaines ?
3. Les modes d'échantillonnage des balles de coton préconisés sont ils compatibles
avec la variabilité des caractéristiques technologiques des productions issues de
petites parcelles paysannes ?
Lors de son 62ième comité plénier, l’International Cotton Advisory Committee propose de
définir les modalités de passage d’un classement traditionnel à un classement
instrumental des fibres de coton. Des recommandations en termes d’organisation de
filière, de collecte et d'allotement du coton-graine sur les marchés villageois, de
fonctionnement des laboratoires de caractérisation des balles de coton produites (High
Volume Instrument) devront être établies. Le CIRAD se propose de contribuer (i) à
l'évaluation aux plans économique et technique, et (ii) à l'adaptation éventuelle de ces
recommandations dans le cadre de filières africaines.
La variabilité importante des caractéristiques technologiques des cotons africains a
notamment pour origine une production sur de petites parcelles paysannes avec des
techniques de culture très variées. Les mesures d'allotement du coton graine lors de la
commercialisation sur les marchés villageois sont très sommaires : 2 à 3 "choix"
correspondant à des aspects purement visuels. C'est donc une matière première assez
hétérogène qui arrive dans les usines d'égrenage et que l'on retrouve dans les balles de
fibre. Il s’agit sur cette question de définir des méthodes de prise d’échantillons de
fibres dans les balles de manière à fournir une information sur les valeurs moyennes
assorties d'intervalles de confiance pour les principales caractéristiques technologiques
de la fibre concernées par les règles du marché.
Le CIRAD et le coton en petit paysannat.
Qualité et "coton équitable" en Afrique
Problématique :
La segmentation du marché du coton produit en Afrique est basée sur 5 types de grade
(couleur et impuretés) combinés à 5 classes de longueur de fibre. A cette segmentation
qui s'applique à une production annuelle de l'ordre de 700 000 T de fibre, il convient
d'ajouter la "niche" du coton biologique qui représente au niveau mondial environ 15 000
T de fibre avec une part de 10 à 15 % de ce marché prise par l'Afrique. Par ailleurs, une
initiative pour une production de "coton équitable" dans 4 pays africains (Sénégal, Mali,
Burkina Faso et Cameroun) a été lancée par le groupe Dagris associé à Max Havelaar. Ce
projet pilote constitue un des éléments de la réponse aux interpellations de pays
africains producteurs de coton lors des réunions de l'OMC à Cancun, concernant
l'iniquité du marché entre producteurs du Nord et producteurs africains.
Le concept de marché équitable fait référence aux standards d'une production de type
"intégrée" (Integrated Crop Management). Aussi, l'utilisation de certains pesticides en
culture cotonnière dont des produits de traitement de semences (l'endosulfan, le
metamidofos, le lindane, le HCH, le paraquat …) ne répond pas au cahier des charges de
ce type de production (ICM). Aussi, il est nécessaire de rechercher des alternatives à
l'utilisation de ces matières actives. C'est donc dans le cadre d'une production
"raisonnée" quant aux impacts sur l'environnement, associée à une production de fibres
de "qualité" que devrait s'orienter aujourd'hui la conception du cahier des charges pour
la production d'un "coton équitable" en Afrique.
Objectifs des recherches :
1. établir les relations entre caractéristiques technologiques de la fibre, conditions
de milieu et conduite de la culture.
2. définir les règles de "bonne conduite de la culture" à l'échelle d'une parcelle et
de "bonne gestion de la production" à l'échelle villageoise, pour répondre à des
critères de "qualité" définis pour différents segments du marché notamment
dans le cadre du marché du "coton équitable".
Les deux principales caractéristiques technologiques de la fibre de coton que sont sa
longueur et son indice micronaire (ou degré de "remplissage"), sont élaborées au cours
de la croissance des capsules. Les conditions climatiques et les conditions édaphiques, à
travers la photosynthèse, la nutrition minérale et l'alimentation hydrique de la plante,
sont déterminantes sur les processus physiologiques responsables de la croissance des
capsules. D'autre part, les capsules d'un même plant de cotonnier n'ayant pas cru dans
les mêmes conditions de milieu, présentent des fibres de caractéristiques
technologiques sensiblement différentes. Aussi, le profil de récolte, ou encore la
position sur le plant des capsules qui participent à la production, est en partie
responsable des caractéristiques de la fibre produite sur un plant. Par ailleurs, le profil
de récolte est sous la dépendance étroite des techniques de culture (variété, densité,
Le CIRAD et le coton en petit paysannat.
protection phytosanitaire …). Il s'agit dans le cadre du suivi de parcelles paysannes à
l'échelle de territoires villageois, d'établir les relations entre les caractéristiques de la
fibre récoltée sur une parcelle et les facteurs qui interviennent sur les conditions de
croissance des capsules et leur localisation sur le plant. Le CIRAD est en mesure de
définir les dispositifs d'étude, de caractériser le coton produit et de réaliser les
analyses permettant d'établir les relations recherchées.
Ces relations étant établies, il devient possible de définir le cahier des charges des
différentes alternatives de conduite de la culture répondant à un même objectif de
"qualité" de production. L'organisation de la commercialisation du coton graine au niveau
des marchés villageois devra utiliser l'information correspondant à la "traçabilité"
(localisation de la parcelle, conduite de la culture, …) pour permettre de constituer et
préserver les "lots" des différentes qualités de cotons pressenties.
Le CIRAD et le coton en petit paysannat.
De nouveaux outils pour la fonction de
Développement en zone cotonnière d'Afrique
Recherche
–
Problématique :
Le processus de privatisation des filières coton en Afrique a induit une diversification
des formes d'organisation de ces filières en provoquant notamment une segmentation
des activités et fonctions de production, d'encadrement de la production, d’égrenage du
coton et de commercialisation de la fibre. Par ailleurs, la faiblesse des cours mondiaux
du coton a contribué indirectement à une réduction importante des personnels de
vulgarisation et d'encadrement et à une diminution des activités de suivi évaluation
comme de celles de R&D. Enfin, ce contexte social et économique difficile s'est traduit
également par la détérioration du statut du chercheur dans les Services Nationaux de la
Recherche Agronomique (SNRA), par la réduction des programmes de recherches
consacrées au coton, et par une forme de défiance des acteurs du développement vis à
vis des SNRA.
Pour les sociétés cotonnières, il devient donc de plus en plus difficile d'identifier la
demande en amont, d’acquérir et de mobiliser la connaissance nécessaire aux décisions
d'orientation et de maîtrise de la production, et de porter l'information technique
auprès des producteurs. Cette situation est d’autant plus préoccupante qu’elle intervient
alors que les incertitudes du marché contraignent à une forte flexibilité de leur part en
matière d’objectifs.
Objectifs des recherches :
1. Appréhender la réalité des pratiques paysannes en culture cotonnière, en
identifiant notamment les déterminants de leur diversité.
2. Construire les réponses alternatives dans le cadre des jeux de contraintes
identifiées en faisant appel notamment à des outils et connaissances développés
par ailleurs.
3. Adapter la présentation de cette "offre" technique, aux types d'acteurs en
présence.
La diversité des pratiques paysannes en culture cotonnière est comprise ici comme la
résultante de contraintes rencontrées et d'objectifs poursuivis par des chefs
d'exploitations qui gèrent des assolements comprenant des cultures vivrières aux côtés
de leur sole cotonnière. La nature des contraintes qui sont prises en compte dans ce
type d'analyse, concerne aussi bien le domaine social (composition familiale, force de
travail, accès à la terre), économique (équipement, trésorerie) ou environnemental
(climat, sol, faune, flore). Les revenus monétaires attendus de la culture cotonnière ou
objectifs du producteur, résultent de ses décisions sur la place réservée aux cultures
vivrières dans l'assolement (sécurité alimentaire) et des cours des marchés (coton,
vivriers). Les processus décisionnels en cause sont d'autant plus complexes qu'ils
intègrent la propension du paysan à prendre ou non des risques. Le CIRAD est en mesure
Le CIRAD et le coton en petit paysannat.
de contribuer (i) à la définition des dispositifs d'enquêtes et de suivi qui visent à
appréhender la complexité des processus de décisions prises par les paysans et (ii) à la
mise en œuvre des outils d'analyse permettant d'établir une typologie des situations
rencontrées.
L'optimisation de la combinaison des techniques culturales au sein d'itinéraires
techniques (ITK) repose sur l'existence d'interactions multiples entre ces techniques :
ainsi, le niveau de protection phytosanitaire est raisonné en fonction d'un potentiel de
production lui même sous la dépendance d'une date de mise en place de la culture, de sa
fertilisation, de son entretien … etc. Parmi ces combinaisons seules celles qui intègrent
les contraintes d'ordre social et économique rencontrées par le paysan, sont éligibles
pour être évaluées en termes de marges, d'impacts environnementaux et/ou de risques
liés aux aléas climatiques. Le recours aux modèles de simulation et aux outils
d'optimisation est incontournable pour (i) identifier ex ante les ITK, (ii) établir les
règles de décisions répondant aux différents jeux de contraintes et d'objectifs, (iii)
évaluer les marges et impacts environnementaux et (iv) analyser les risques de ne pas
atteindre un objectif de rendement fixé du fait d'aléas pluviométriques. Le CIRAD
dispose de ces différents outils de recherche et est en mesure de les mettre en œuvre
dans le cadre de programmes de R&D.
Les messages techniques qui résultent de ce type de démarche sont riches. Ils
constituent une aide à des prises de décisions aussi bien stratégiques pour le
raisonnement d'assolements, ou pour la planification prévisionnelle de la saison de
culture, que tactiques pour des interventions culturales (apport d'engrais, application
insecticide …) décidées à partir de règles proposées. L'ergonomie des supports de
transfert de ce type de messages doit tenir compte des types d'acteurs impliqués dans
le processus de transfert : paysan, responsable technique de groupement, moniteur,
conseiller, vulgarisateur … etc. Le CIRAD est en mesure de contribuer à l'élaboration de
ces différents types de supports et à la formation pour leur mise en œuvre.
Le CIRAD et le coton en petit paysannat.
Le message technique et son transfert dans les zones
cotonnières d'Afrique
Problématique :
Que subsiste ou non un encadrement chargé de vulgariser un message technique
normatif du type "fiche culturale coton", chercheurs et développeurs s'accordent à
noter des rendements extrêmement variables, même au sein d'une zone de production
réputée homogène quant aux conditions climatiques et édaphiques. Cela résulte en
grande partie de la diversité des moyens de production, des objectifs, des stratégiques
mais également des savoirs pratiques dont disposent les agriculteurs et qui les amènent
à « adapter » les recommandations techniques.
Ce constat ne remet en cause ni la légitimité des logiques paysannes qui conduisent à ces
pratiques, ni la qualité des recherches qui ont conduit à établir ces recommandations
optimales quant aux "effets moyens". Par contre, il met en lumière, le caractère
obsolète de ce type de message normatif dans les anciens bassins cotonniers, et
l'existence d'un déterminisme fort au niveau du système de production sur les
techniques culturales appliquées à la sole cotonnière.
La méthode de conseil aux exploitations agricoles conçue par le CIRAD et testée en
grandeur réelle au Burkina depuis 2000, intègre le message technique au niveau des
décisions stratégiques (mise en cohérence des choix techniques avec les objectifs
monétaires et alimentaires de l’exploitation) et au niveau des choix tactiques
(ajustement de la conduite des productions aux conditions de l’année).
Afin de permettre une plus grande intégration de la méthode aux dynamiques locales
d’élaboration de normes techniques et afin d’accompagner les agriculteurs dans
l’exploration des pistes d’ajustement des recommandations techniques il est nécessaire
de :
• mieux caractériser les outils gestion dont disposent les agriculteurs et la
diversité de ces outils. Car c’est de la mise en oeuvre de ces outils que résultent
les pratiques culturales et le caractère plus ou moins vulnérable du système de
production apprécié à travers la sécurité alimentaire et celle d'un revenu
monétaire donné au niveau de l'exploitation.
• d’élaborer un éventail d’alternatives techniques afin de pouvoir accompagner les
agriculteurs dans le choix de scénarios techniques alternatifs
Objectifs des recherches :
1. caractériser les outils de gestion (raisonnements et références) mobilisés
actuellement par les agriculteurs.
2. Mettre au point une méthodologie d'évaluation de la vulnérabilité des
exploitations cotonnières.
3. élaborer un éventail de références techniques alternatives
Le CIRAD et le coton en petit paysannat.
4. Elaborer les règles de décisions permettant de limiter le caractère vulnérable
des systèmes de culture pratiqués
5. Évaluer l’impact de ces innovations (nouvelles références et nouveaux modèles de
décision) à travers leur mise en œuvre dans le cadre des dispositifs de conseil
aux exploitations familiales actuellement opérationnels.
… comprendre
Les rendements des différentes cultures d'un assolement donné sont déterminés par
les interactions entre (i) la climatologie, (ii) l'ordre de mise en place des soles, (ii)
l'affectation des parcelles selon leur fertilité aux différentes cultures et (iv) les
techniques culturales appliquées. Le concept de vulnérabilité s'applique ici à la
sensibilité pour un niveau de rendement donné, de la réponse aux aléas climatiques, des
techniques de production ou itinéraires techniques pratiqués sur vivriers et cotonnier.
Dans le cadre d'activités de suivi évaluation, il s'agit :
• de caractériser , les différents systèmes de culture pratiqués,
• d’identifier les déterminants des pratiques
• d'en évaluer la vulnérabilité.
Le CIRAD peut contribuer (i) à définir la structure de la base de données
(échantillonnage, informations à collecter) et (ii) à analyser ces données pour évaluer la
vulnérabilité relative des différents systèmes de culture suivis.
Les combinaisons de techniques culturales qui conduisent à un même rendement dans un
contexte pédo-climatique donné, sont d'autant plus nombreuses que ce rendement est
éloigné du rendement potentiel qualifié abusivement d'optimum. Chacune des
combinaisons répondant à un niveau de rendement "sub-optimal", peut être caractérisée
par sa résilience vis à vis des aléas climatiques. Certains modèles, dont COTONS,
permettent d'estimer le risque de ne pas atteindre un seuil de rendement sous un
itinéraire technique donné, du fait de la variabilité climatique. Ce même type d'outil
permet d'élaborer des règles de décision qui lorsqu'elles sont mises en œuvre dans les
scénarios climatiques défavorables limitent les écarts au seuil de rendement choisi. Le
CIRAD est en mesure (i) de paramétrer et de mettre en œuvre ce type d'outils, et (ii)
de définir les dispositifs de terrain nécessaires à la validation des règles de décision
proposées.
…pour agir
Le transfert de ces nouveaux outils de gestion, compris comme une aide aux décisions
stratégiques et tactiques que l’agriculteur est amené à prendre sur son exploitation
cotonnière s’appuiera sur la méthode de conseil aux exploitations agricoles familiales
élaborée par le CIRAD. Afin de faciliter l’intégration de ces innovations dans les
dynamiques locales d’élaboration et de circulation de références techniques, l’adaptation
de la méthode d’appui/conseil doit être poursuivie, notamment dans le domaine de
l'ergonomie des supports et du système d’accompagnement/formation qui est proposé
aux agriculteurs.
Le CIRAD et le coton en petit paysannat.
Cette consolidation, déjà initiée par la caractérisation des dispositifs locaux de
circulation de l’information technique va prochainement être renforcée par l’acquisition
de compétences en ergonomie cognitive.
Le CIRAD est également en mesure de construire des prototypes couplant (i) des
informations géo référencées concernant l'exploitation agricole, sa structure, sa force
de travail, son parcellaire associé à un passé cultural … et le milieu naturel (unités de
paysage, types de sols, parasitisme, climatologie), avec (ii) des modèles d'estimation des
caractéristiques du sol (fertilité, propriétés hydrodynamiques), des modèles de
dynamiques de ravageurs et des modèles de fonctionnement des plantes. Ce type de
couplages permet de raisonner l'assolement d'un paysan en termes de vulnérabilité et
d'estimer des risques associés à ses choix techniques dans la conduite de ses cultures.
Le CIRAD et le coton en petit paysannat.