Gourmandises de la langue

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Gourmandises de la langue
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Gourmandises de la langue
Naissance d’un projet artistique
en questionnant le langage
Myriam TABOURY et Anouck MAUGRION
Professeures d’éducation socioculturelle au lycée agricole les Vaseix- Limoges.
« Nourritures, corps et âmes » est un projet d’éducation artistique et culturelle qui
propose d’aborder le fait alimentaire par le détour du langage et de la photographie
en travaillant la construction du lien expression/image. Aboutissant à une exposition
photo, le projet est sorti des murs du lycée pour aller s’exposer à Festin d’Auteurs, le
salon du livre de cuisine de Beynat en Corrèze.
« L’alimentation est un patrimoine
vivant, une culture commune faite de
partage et d’échanges ». Voilà la forte
affirmation de la convention Alimentation Agri-Culture signée le 23 septembre
2011 entre les deux ministères.
Dans le cadre d’une approche pluridisciplinaire, les professeurs de français
et d’éducation socioculturelle du lycée
Limoges – Les Vaseix accompagnés du
photographe Philippe Laurençon, ont
travaillé avec 39 élèves de Terminale
Sciences et Techniques de l’Agronomie
et du Vivant (STAV) sur le projet « Nourritures, corps et âmes ». Les élèves ont
goûté.. puis cherché à en faire leur miel.
Ingrédients et
recettes
Le langage Les expressions autour de l’alimentation sont porteuses de sens et d’histoires. Elles agissent comme fil conducteur,
riches de partages, d’images en devenir.
La photo
Au piano : le photographe Philippe
Laurençon. Plusieurs séquences de deux
heures ont permis aux élèves de cerner
le processus de réalisation des images et
la nécessité d’optimiser le temps afin de
mettre en œuvre chaque atelier dans le
temps imparti.
Citrouille. Photo : Philippe Laurençon
Construire le lien
expression / image
La recherche du rapport entre expression et image offrait un beau sujet de
débat : à partir des travaux d’artistes
d’horizons divers (Andy Warhol, Carl
Werner, Dorothée Selz, Mathilde de
l’Ecotais ...)– peintre, dessinateur ou
photographe – comment et par quels
accessoires arriver au résultat souhaité ?
Au final, 8 groupes. Chacun travaille
autour de 2 à 4 expressions liées à la
nourriture.
Ainsi, sans marcher sur des œufs, sans
se raconter des salades et avoir la tête
comme une citrouille, il devenait possible de dévorer des yeux sans tomber
dans les pommes. Possible ou non de
donner de la confiture à des cochons ?
Mettre les pieds dans le plat sans en
faire des tartines ? De quoi mettre l’eau
à la bouche, en espérant que les mots ne
restent pas sur le bout de la langue.
La petite cuisine
En Décembre 2012
Début des prises de vues : chaque
groupe disposait d’un temps de deux
heures pour réaliser (concocter) les
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images. Avec en amont, deux ateliers :
«transformation des aliments» et «lumière et prise de vue».
Début de l’écriture des portraits culinaires et de la création de collages à la
manière d’Arcimboldo. Chacun s’est imaginé en légume, fruit ou plat. Des jeux
de construction lexicale pour nourrir un
peu de réflexion sur soi-même. Mais pas
de cuisine sans jeux : recherches, découpages et montages permirent encore de
revisiter l’univers du peintre.
Une carte
copieuse
18 photos, 39 portraits.
Dix-huit photos prennent au pied de
la lettre et dépoussièrent avec humour
et créativité des expressions métaphoriques sur le fait alimentaire, alors même
que trente-neuf portraits culinaires utilisent le champ lexical de l’alimentation
pour composer un autoportrait singulier
et créatif.
Une exposition
qui circule
Une heureuse rencontre avec l’équipe
de Festin d’Auteurs a fait voyager l’exposition en avant-première. En Corrèze,
Beynat organisait son 2° salon du livre de
cuisine « les Toqués du Miam ». Soixante
auteurs et plus de 2000 visiteurs. Pas si
mal pour une petite commune rurale.
Et vif intérêt pour le projet artistique
initié dans un lycée agricole de la région
Limousin.
Comme en écho, François Hamon,
auteur d’un ouvrage « La saveur des
mots » n’affirme-t-il pas que « la France
possède au moins deux particularités : la
richesse de sa cuisine et la difficulté de
son langage ».
Bel équilibre des
saveurs
Pour les élèves, le plat de résistance
- le contexte scolaire du projet - s’est
ouvert sur d’autres découvertes : le studio de création, l’univers du photographe
Les pieds dans le plat. Photo : Philippe Laurençon
et les échanges éducatifs dans un espace/temps privilégié.
Philippe Laurençon en parle ainsi :
« les élèves ont eu la possibilité de se
confronter à l’inconnu tant dans la réalisation d’une œuvre de l’esprit que dans
les rapports avec un artiste pour affronter leur propre avenir et avoir des atouts
supplémentaires pour se réaliser ».
Fort du soutien de la direction de
l’établissement, de la Direction régionale
des affaires culturelles et du Conseil régional du Limousin, le projet s’est inscrit
au cœur du patrimoine et d’un territoire
rural en reliant - dans une approche
pluridisciplinaire - des dimensions sociétales : comment la notion de terroir
questionne notre rapport à la nourriture,
notre alimentation est-elle tributaire des
modes ?...
Et, « cerise sur le gâteau », ce projet,
conduit avec deux classes, a provoqué
une fructueuse émulation chez les élèves et leurs enseignants et a renforcé
notre volonté de poursuivre le travail
engagé. Depuis quatre ans, en effet, un
temps artistique avec les classes de STAV
nous promène du théâtre, au cirque en
passant par le land art pour favoriser
l’éducation et le développement sensible, la création et la relation à notre
territoire.