Gourmandises de la langue
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Gourmandises de la langue
52 Des partenaires et des actions Gourmandises de la langue Naissance d’un projet artistique en questionnant le langage Myriam TABOURY et Anouck MAUGRION Professeures d’éducation socioculturelle au lycée agricole les Vaseix- Limoges. « Nourritures, corps et âmes » est un projet d’éducation artistique et culturelle qui propose d’aborder le fait alimentaire par le détour du langage et de la photographie en travaillant la construction du lien expression/image. Aboutissant à une exposition photo, le projet est sorti des murs du lycée pour aller s’exposer à Festin d’Auteurs, le salon du livre de cuisine de Beynat en Corrèze. « L’alimentation est un patrimoine vivant, une culture commune faite de partage et d’échanges ». Voilà la forte affirmation de la convention Alimentation Agri-Culture signée le 23 septembre 2011 entre les deux ministères. Dans le cadre d’une approche pluridisciplinaire, les professeurs de français et d’éducation socioculturelle du lycée Limoges – Les Vaseix accompagnés du photographe Philippe Laurençon, ont travaillé avec 39 élèves de Terminale Sciences et Techniques de l’Agronomie et du Vivant (STAV) sur le projet « Nourritures, corps et âmes ». Les élèves ont goûté.. puis cherché à en faire leur miel. Ingrédients et recettes Le langage Les expressions autour de l’alimentation sont porteuses de sens et d’histoires. Elles agissent comme fil conducteur, riches de partages, d’images en devenir. La photo Au piano : le photographe Philippe Laurençon. Plusieurs séquences de deux heures ont permis aux élèves de cerner le processus de réalisation des images et la nécessité d’optimiser le temps afin de mettre en œuvre chaque atelier dans le temps imparti. Citrouille. Photo : Philippe Laurençon Construire le lien expression / image La recherche du rapport entre expression et image offrait un beau sujet de débat : à partir des travaux d’artistes d’horizons divers (Andy Warhol, Carl Werner, Dorothée Selz, Mathilde de l’Ecotais ...)– peintre, dessinateur ou photographe – comment et par quels accessoires arriver au résultat souhaité ? Au final, 8 groupes. Chacun travaille autour de 2 à 4 expressions liées à la nourriture. Ainsi, sans marcher sur des œufs, sans se raconter des salades et avoir la tête comme une citrouille, il devenait possible de dévorer des yeux sans tomber dans les pommes. Possible ou non de donner de la confiture à des cochons ? Mettre les pieds dans le plat sans en faire des tartines ? De quoi mettre l’eau à la bouche, en espérant que les mots ne restent pas sur le bout de la langue. La petite cuisine En Décembre 2012 Début des prises de vues : chaque groupe disposait d’un temps de deux heures pour réaliser (concocter) les Des partenaires et des actions 53 images. Avec en amont, deux ateliers : «transformation des aliments» et «lumière et prise de vue». Début de l’écriture des portraits culinaires et de la création de collages à la manière d’Arcimboldo. Chacun s’est imaginé en légume, fruit ou plat. Des jeux de construction lexicale pour nourrir un peu de réflexion sur soi-même. Mais pas de cuisine sans jeux : recherches, découpages et montages permirent encore de revisiter l’univers du peintre. Une carte copieuse 18 photos, 39 portraits. Dix-huit photos prennent au pied de la lettre et dépoussièrent avec humour et créativité des expressions métaphoriques sur le fait alimentaire, alors même que trente-neuf portraits culinaires utilisent le champ lexical de l’alimentation pour composer un autoportrait singulier et créatif. Une exposition qui circule Une heureuse rencontre avec l’équipe de Festin d’Auteurs a fait voyager l’exposition en avant-première. En Corrèze, Beynat organisait son 2° salon du livre de cuisine « les Toqués du Miam ». Soixante auteurs et plus de 2000 visiteurs. Pas si mal pour une petite commune rurale. Et vif intérêt pour le projet artistique initié dans un lycée agricole de la région Limousin. Comme en écho, François Hamon, auteur d’un ouvrage « La saveur des mots » n’affirme-t-il pas que « la France possède au moins deux particularités : la richesse de sa cuisine et la difficulté de son langage ». Bel équilibre des saveurs Pour les élèves, le plat de résistance - le contexte scolaire du projet - s’est ouvert sur d’autres découvertes : le studio de création, l’univers du photographe Les pieds dans le plat. Photo : Philippe Laurençon et les échanges éducatifs dans un espace/temps privilégié. Philippe Laurençon en parle ainsi : « les élèves ont eu la possibilité de se confronter à l’inconnu tant dans la réalisation d’une œuvre de l’esprit que dans les rapports avec un artiste pour affronter leur propre avenir et avoir des atouts supplémentaires pour se réaliser ». Fort du soutien de la direction de l’établissement, de la Direction régionale des affaires culturelles et du Conseil régional du Limousin, le projet s’est inscrit au cœur du patrimoine et d’un territoire rural en reliant - dans une approche pluridisciplinaire - des dimensions sociétales : comment la notion de terroir questionne notre rapport à la nourriture, notre alimentation est-elle tributaire des modes ?... Et, « cerise sur le gâteau », ce projet, conduit avec deux classes, a provoqué une fructueuse émulation chez les élèves et leurs enseignants et a renforcé notre volonté de poursuivre le travail engagé. Depuis quatre ans, en effet, un temps artistique avec les classes de STAV nous promène du théâtre, au cirque en passant par le land art pour favoriser l’éducation et le développement sensible, la création et la relation à notre territoire.