Crise et prise en charge de l`Intérêt général par l`entreprise

Transcription

Crise et prise en charge de l`Intérêt général par l`entreprise
Business School
WORKING PAPER SERIES
Working Paper
2014-387
Crise et prise en charge de l'Intérêt
général par l'entreprise: l'exemple des
fondations d’entreprise
Isabelle Petit
http://www.ipag.fr/fr/accueil/la-recherche/publications-WP.html
IPAG Business School
184, Boulevard Saint-Germain
75006 Paris
France
IPAG working papers are circulated for discussion and comments only. They have not been
peer-reviewed and may not be reproduced without permission of the authors.
Crise et prise en charge de l'Intérêt général par l'entreprise:
l'exemple des fondations d’entreprise
Isabelle Petit
Professeur IPAG
4, Bd Carabacel – 06000 Nice
04 93 13 39 24
[email protected]
Depuis les années 90, l'évolution du mécénat et de la responsabilité des entreprises à un
niveau sociétal, montrent que l'intérêt général est aussi devenu l'affaire de l'entreprise. La
puissance publique a ouvert son monopole de la prise en charge de l'intérêt général en y
associant l'entreprise. L'exemple des fondations d'entreprise est une illustration de ce
phénomène.
La crise économique et financière en remettant en jeu les équilibres politiques et économiques
pourrait-elle remettre en cause cette ouverture de l'entreprise pour l'intérêt général. Qu'en est
il aujourd'hui? L'entreprise se replie-t-elle sur son métier?
En prenant comme indicateur de ce mouvement le mécénat, et plus précisément les fondations
d'entreprises, nous observons qu'il n'y aurait pas de remise en cause de l'évolution en cours
mais au contraire que cette nouvelle complémentarité des acteurs socio-économiques est
présentée comme un des nouveaux modèles en émergence de l'après-crise.
Mots clés :
Intérêt général - mécénat - Fondation d’entreprise – Responsabilité Sociale de l’Entreprise –
parties prenantes – crise – innovation sociétale
IPAG - I.Petit
1
Introduction :
Avec la crise financière, la place respective de l'économique et du politique est en discussion.
Elle peut amener à un renforcement du politique après une période marquée par le recul au
profit de l'économique. Cette évolution peut être illustrée par un domaine particulier celui du
mécénat. Le recul de l'engagement de l'État au profit des entreprises a pu être observé ces
dernières années. Depuis les années 95, l'Europe a connu une évolution du mécénat et un
essor important des fondations. Ce mouvement européen montre que les États ne se réservent
plus le monopole de l'intérêt général et laissent des acteurs privés agir aussi pour l'intérêt du
plus grand nombre. Pour l'État français tout particulièrement cette ouverture à d'autres acteurs
du rôle de mécène était une nouveauté. A travers des économies fiscales, il a amené les
entreprises à gérer elle même des actions pour l'intérêt général. L'essor des fondations et en
particulier des fondations d'entreprise (FE) témoigne de cette ouverture. Alors que la France
connaissait un grand retard dans ce domaine, elle a fait évoluer son cadre juridique et a connu
un très grand dynamisme de ce secteur.
Pour les entreprises, cette évolution correspond dans le même temps à la prise de conscience
de leur responsabilité vis à vis de la société civile. Le dynamisme du secteur des fondations
d'entreprise en particulier en France résulte de cette conjoncture.
Une nouvelle répartition des rôles entre différents partenaires était donc en train de se
développer pour financer un certain nombre de domaines de la société civile.
La crise économique et financière depuis 2008, en transformant ce contexte peut aussi
remettre en cause cette évolution. Il est donc intéressant d'observer les premiers effets dans ce
paysage. Alors que l'Etat est tenté de reprendre son rôle de régulateur, va-t-il reprendre ses
prérogatives en matière de financement de l'intérêt général? De l'autre côté, dans un contexte
de crise financière et économique, les entreprises sont-elles toujours en mesure de prendre en
charge l’intérêt général ? N’est ce pas un luxe d’entreprise riche qui devient inadapté dans un
environnement tourmenté ?
Pour observer ce mouvement nous prendrons comme principal indicateur l'évolution des
fondations d'entreprise en France. L'évolution qu'elles ont connue ces dernières années est
significative de ce mouvement de transfert de compétence de l'Etat vers le secteur privé et en
particulier les entreprises. Après avoir montré l'évolution de la situation des fondations et de
leur place jusqu'en 2008 et l'interprétation de ce mouvement, nous allons étudier le nouveau
tableau de la situation, à partir d'enquêtes réalisées par différents organismes. Nous pourrons
ensuite voir si le modèle des FE a évolué et si la crise a remis en cause l'évolution en cours
depuis 2003.
1 l'ouverture de l'entreprise à l'intérêt général: les fondations
d'entreprise
Le concept d'intérêt général appartient au monde du droit et du politique. Pour les juristes il
est « ce qui est pour le bien public » (Cornu, 2005), pour le politique il est de plus en plus
entendu comme la « satisfaction de l’intérêt de la communauté des citoyens dans son
ensemble ». Sous l'influence anglo-saxonne la définition de bien commun comme
maximisation du bonheur de tous les membres d'une communauté tend à s'imposer. C'est au
gouvernement qu'il incombe de le garantir et d'arbitrer avec les intérêts particuliers.
Désormais cependant d'autres acteurs sociaux se posent aussi comme défenseurs de l'intérêt
IPAG - I.Petit
2
public comme les associations, en particulier les O.N.G. L'entreprise quant à elle, est
davantage centrée sur une logique de maximisation des profits en minimisant les coûts qui
favorise plutôt les intérêts particuliers. Pendant longtemps sa priorité semblait l'intérêt privé
plutôt que l'intérêt général. Sa prise en compte de l'intérêt général est récente, elle peut être
observée dans la logique du mécénat, plus largement dans la réflexion sur la responsabilité
sociétale et dans la théorie des parties prenantes.
- intérêt général et mécénat
La recherche de l'intérêt général est ce qui définit une action de mécénat, c'est aussi
l'obligation essentielle de la fondation. La loi française définit ainsi le mécénat : "le soutien
matériel apporté sans contrepartie directe de la part du bénéficiaire à une œuvre ou à une
personne pour l'exercice d'activités présentant un intérêt général " (arrêté du 6/01/89). L'État
laisse des entreprises gérer des fonds publics, grâce au mécanisme de l'exonération fiscale, à
la condition que l'entreprise prenne en charge sa mission de gardien de l'intérêt général. Alors
que le parrainage ou sponsoring est un investissement de communication classique, assimilé à
une charge, le mécénat tire son originalité de l'absence de contrepartie et de cette mission
d'intérêt général. La délégation à des entreprises de cette mission a du attendre Malraux qui a
permis l'ouverture du mécénat.
Les fondations d'entreprise sont un outil particulier du mécénat. Les fondations ont pour
vocation de réunir des biens et de les gérer pour financer « la réalisation d’une œuvre
d’intérêt général et à but non lucratif » (loi 1987) Elles collectent des fonds pour les
redistribuer le plus souvent vers des associations qui piloteront l’action. Cette formule est très
ancienne mais la tutelle publique dans la tradition française était très restrictive. Elles étaient
soumises à l'autorisation du roi, ce contrôle du gouvernement reste très présent en France
puisque un représentant de l'État continue à siéger aux conseils d'administration des
fondations « reconnues d’utilité publique ». La législation sur les fondations était étroitement
dépendante de la puissance publique, l'évolution du cadre juridique ces dernières années les
ont affranchies d’un contrôle et d’autorisation très restrictives. Une succession de lois a ainsi
permis aux entreprises d'intervenir.
La première étape est la loi sur le mécénat du 23 juillet 87. La loi du 4 juillet 1990 va instituer
les fondations d’entreprise. Une étape décisive est franchie en 2003 avec la loi Aillagon qui
va rendre le dispositif plus attractif surtout grâce à des incitations fiscales. Désormais,
l’entreprise bénéficie d’une réduction d’impôt de 60% du montant du financement alloué à
leur fondation d’entreprise pour mécénat. Les salariés donateurs de même dans leurs impôts
sur le revenu bénéficient des mêmes abattements que pour tout don accordé à des associations
reconnues d'utilité publique. En effet, la fondation d’entreprise qui porte le nom de
l’entreprise fondatrice ne peut recevoir de revenu que d’elle, désormais elle peut intégrer les
salariés qui peuvent être aussi donateurs. Les objets des fondations montrent bien, comment
des problématiques relevant traditionnellement de la puissance publique : solidarité, culture,
recherche, santé, environnement, deviennent par ce dispositif un domaine d'intervention de
l'entreprise.
L'effet de la loi est immédiat et les fondations d'entreprises se multiplient rapidement (C.F.F
.2004 ; Ernst & Young, 2004). La loi Aillagon est considérée comme l'outil juridique qui a
offert un cadre juridique et fiscal très attractif permettant un essor rapide des fondations
d'entreprise. Le dernier jalon de cette ouverture du mécénat a été promulgué juste avant la
crise avec la loi de modernisation de l'économie (loi du 4 août 2008) et la création des fonds
de dotation sur le modèle des Endowment funds américains.
L'évolution française n'est pas un cas isolé, elle correspond à une tendance générale au niveau
européen. La pression européenne a incité la France à rattraper un retard important dans ce
IPAG - I.Petit
3
domaine. Ainsi, les différents travaux s'intéressant aux fondations au niveau européen ont
montré une explosion de la création des fondations ces dernières années (European
Foundation Center, 2008). Ainsi, dans 24 Etats membres 273 000 structures sont appelées
fondations; dont 95 000 d'intérêt général. En ne prenant en compte que 9 pays (Belgique,
Estonie, France, Allemagne, Italie, Luxembourg, Slovaquie, Espagne, Suisse) 43% des
fondations ont été créées dans les 15 dernières années.
A travers ce mouvement européen, il est clair que l'intérêt général au travers du mécénat est
devenu aussi l'affaire des entreprises et que les institutions politiques ont souhaité cette
ouverture.
- Intérêt général et RSE
Cette évolution mérite d'être rapprochée du débat sur la responsabilité des entreprises. Depuis
les années 80 le concept de Responsabilité Sociale de l'Entreprise se développe amenant les
entreprises à prendre en compte leur responsabilité à l'égard de la société civile. Ce
mouvement amorcé aux Etats Unis, amène les entreprises à sortir de leur rôle strictement
économique. Ainsi, l'évolution de la responsabilité de l'entreprise mise en valeur dans la
pyramide de Caroll montre que du niveau économique, on est passé au juridique, puis à
l'éthique, pour arriver au philanthropique. (Caroll, 1979). De la littérature sur ce sujet nous
retiendrons l'analyse de Capron appliquée au contexte français (Capron, 2007). Le modèle de
l'Etat Providence jusque dans les années 80 réservait à l'Etat la prise en charge des externalités
négatives de la croissance économique. La société redevient l'affaire des entreprises dans les
années 90. Pourtant pour Capron, si la notion de responsabilité sociale ou sociétale de
l’entreprise est relativement récente, elle est l’actualisation d’une préoccupation ancienne
des conséquences de la vie des entreprises sur la société dans son ensemble. Après une
période paternaliste, l’entreprise s’est désengagée de la prise en charge de la société au profit
de l’Etat providence (Capron, 05). Depuis les années 80, l’Etat est en recul par rapport à ces
préoccupations sociales, c'est donc l’entreprise citoyenne des années 90 qui reprend en charge
des domaines qui n’étaient plus de son ressort. Nous retrouvons donc l’évolution du cadre
juridique et fiscal du mécénat et des fondations faite par le gouvernement Raffarin avec la loi
Aillagon montrant ce désengagement partiel de l’Etat français. Ce mouvement de même est
encouragé par l'évolution du cadre juridique. En France, l’application de ces principes est
encadrée par la loi NRE (2001) qui contraint les entreprises cotées à rendre compte dans leurs
rapports annuels de la manière dont elles « prennent en compte les conséquences sociales et
environnementales de leurs activités » (art. 116 2001-420). La responsabilité sociétale des
entreprises est aussi encouragée au niveau européen qui la définit comme « l’intégration
volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités
commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes » (Commission Européenne,
2001). Nous voyons avec la définition de l'Europe, qu'il y a deux dimensions, la responsabilité
et la relation avec les parties prenantes. Cette théorie se retrouve au cœur de la justification de
la RSE.
- Intérêt général et parties prenantes
Dans cette théorie, l'entreprise ne doit pas se contenter de prendre en compte les attentes de
ses actionnaires, mais aussi d'autres partenaires. E. R. Freeman (1984) définit ces parties
prenantes comme «tout groupe ou individu qui peut affecter ou qui peut être affecté par la
réalisation des objectifs de l’entreprise». Rapidement en 88, Freeman est amené à redéfinir
l'entreprise comme étant au service des intérêts des parties prenantes « A stakeholder theory of
the firm must redefine the purpose of the firm.The very purpose of the firm is, in our view, to serve
as a vehicle for coordinating stakeholder interests. » (Evan, Freeman, 1988).
Ainsi dans la riche littérature sur la théorie des parties prenantes, nous rappellerons que la notion
d'intérêt des parties prenantes est un concept central, développé par Donaldson et Preston (1995),
IPAG - I.Petit
4
les parties prenantes sont définies par leur intérêt légitime dans l’organisation, « Stakeholders are
identified by their interests in the corporation » pour ces auteurs en outre, aucun intérêt n’est
censé dominer les autres. C'est ainsi que l'on arrive à mesurer la performance de l'entreprise dans
la satisfaction de l'intérêt du plus grand nombre de partie prenantes: « According to this
perspective, success in satisfying multiple stakeholder interests--rather than in meeting
conventional economic and financial criteria--would constitute the ultimate test of corporate
performance » (Donaldson, Preston 1988).
La notion d'intérêt du plus grand nombre de parties prenantes se distingue bien entendu de l'intérêt
général mais elle montre cette ouverture de l'entreprise dans la prise en compte des intérêts de ses
différents partenaires.
Dans une application instrumentale de cette théorie, le mécénat est apparu comme un outil tout à
fait opportun pour « construire une relation originale avec toutes les parties prenantes (stakeholders) » (Piquet, Tobelem, 2004). De, même, la fondation s'est révélé un outil pertinent pour
réunir les parties prenantes autour d’un projet commun. Elle offre un outil de dialogue avec les
différents types de parties prenantes : les primaires directement liées par un contrat avec la
firme (les actionnaires, les salariés, clients, fournisseurs), les secondaires ayant un contrat plus
implicites (collectivités territoriales, associations, ONG…)(Caroll, 1989).
La FE est apparue comme un levier très pertinent de mobilisation du personnel, elle a un rôle
important dans la politique de gestion des ressources humaines. D’autre part, le système de
redistribution permet de toucher des publics plus éloignés et de jouer le rôle qu’attend la RSE
de dynamisation des communautés locales. La fondation gère des fonds qui sont donnés à des
associations le plus souvent. Ce mécanisme permet de créer des liens à la fois avec les
porteurs d’initiatives (associations, ONG) et avec les bénéficiaires finaux. Ainsi les
entreprises ont trouvé dans la FE un véhicule opportun pour répondre aux attentes de la
société civile dans leur investissement responsable. Elle est devenue un outil tout à fait
intéressant pour les parties prenantes secondaires comme le montre le reporting financier des
entreprises cotées qui évoquent principalement leur investissement dans le mécénat et les FE
pour démontrer leur investissement dans la société civile.
En 2008, nous avons donc un mouvement régulier de création de nouvelles fondations
répondant à une pression institutionnelle au niveau européen et national, ainsi qu'à une
évolution de l'entreprise qui trouve dans ce dispositif un outil pertinent de structuration de sa
politique RSE.
2. Evolution du mécénat et des FE
Depuis 2008, comment peut-on évaluer l'effet de la crise financière et économique sur la
dynamique à l'œuvre? Pour l'observer, nous nous appuierons tout d'abord sur des études de
spécialistes du mécénat et des fondations qui ont pu interroger rapidement ces structures.
Nous suivrons ensuite à travers les enregistrements au Bulletin officiel la démographie
récente que les fondations ont connue.
 Evolution du mécénat :
L'ADMICAL, association représentative du mécénat d'entreprise en France, commande
régulièrement une enquête à l'institut CSA. Les résultats des enquêtes de ces deux dernières
années nous montrent l'évolution en cours. La première réalisée dès le début février 2009, a
permis d'étudier les premières réactions1. La seconde en mai 2010 plus importante, montre la
1
Cette enquête a été réalisée auprès d’un échantillon représentatif de 300 responsables d’entreprises
(DG, DGA, DA, DAF, DirCom,…) de 100 salariés et plus, sur le lieu de travail des personnes interrogées, du 6
au 12 février 2009. La base d’entreprise mécène est de 23% sur l’ensemble d’entreprise.
IPAG - I.Petit
5
situation et l'ajustement actuel2. La première révèle que les budgets ont été maintenus dans
86% des cas.(73% stables, 11% augmentent, 14% diminuent). Pour les entreprises qui ont
infléchi leur politique, cela reste conjoncturel, la remise en cause de leur stratégie ne concerne
que 8%. En 2010, on remarque un paradoxe, l'augmentation des entreprises mécènes ( +17%)
mais un budget global qui se réduit (-20%). L'investissement devient donc plus parcimonieux
mais par d'avantage d'entreprise. Quand on interroge les entreprises, le frein financier est la
raison de leur réserve (55%) dans un contexte incertain, elles espèrent reprendre dès que
possible.
Une évolution des domaines d'intervention, est aussi à noter. La solidarité poursuit sa
progression en 2009, en 2010, elle prend encore plus d'importance (58%). L'environnement et
le recherche en progression en 2009, sont en baisse en 2010. Dans le domaine du sport et de la
culture, elles maintiennent leur engagement. En 2010 toutefois, une évolution importante de la
répartition des différents objets est à remarquer avec le sport qui dépasse la culture. Ainsi, le
mécénat culturel mis en place par Malraux, se tourne vers d'autres objets de l'intérêt général.
La solidarité est devenue un domaine qui prend une telle importance, que l'ADMICAL est
amenée à la subdiviser en différentes catégories (social, éducation, santé) et distinguer la
solidarité internationale. Les entreprises sont désormais très sollicitées dans ces domaines par
les associations.
La forme du mécénat évolue aussi avec une augmentation du mécénat de compétence par
rapport au mécénat en nature ou financier en 2009. Cette évolution ne se confirme pas en
2010, ce dernier restant difficile à organiser, le mécénat financier reste le plus simple à
évaluer.
Le mécénat paraît un outil de communication toujours opportun encore plus en interne (90%)
qu'en externe (87%) car la priorité qui apparaît dans ce contexte de crise est de fédérer les
salariés (87%) et de donner du sens (83%). La pérennité apparaît une dimension importante
du mécénat, en particulier pour les entreprises interrogées pratiquant le mécénat (91%). A la
question le mécénat est-il un luxe ? il apparaît effectivement ainsi pour 50% des entreprises
qui ne pratiquent pas le mécénat, mais seulement 16% des entreprises mécènes. On peut noter
une autre distinction de point de vue entre entreprises mécènes et les autres, c’est sur l’objet
du mécénat. pour 73% des entreprises interrogées il doit être consacré à des actions sociales,
mais c’est davantage le point de vue des entreprises qui ne pratiquent pas le mécénat (77%)
contre 64% des entreprises mécènes. Ce chiffre témoigne du changement de priorité d'objet
du mécénat dans la représentation collective désormais.
Les entreprises ont été aussi interrogées sur la place de l’engagement des entreprises : Dans ce
contexte de crise, la priorité est il de se recentrer sur son métier, c’est le choix de quasiment la
moitié des entreprises non mécènes (46%) mais de seulement 17% pour les entreprises
pratiquant le mécénat. Dans ce contexte, l’engagement des entreprises paraît toujours
important, davantage pour les entreprises mécènes 74%, mais tout de même aussi pour la
majorité des non mécènes 51%. Le lien avec le métier de l'entreprise se renforce, c'est un
critère important de sélection des projets.
Le lien avec le territoire d'implantation de l'entreprise est un point important, ce sont les PME
de plus en plus nombreuses à investir dans le mécénat (en 2010, elles représentent 85% des
entreprises mécènes) qui cherchent à contribuer à proximité. Ainsi, arrive-t-on en 2010 à ce
que 79% des actions soient faites à un niveau local ou régional.
2
Réalisée du 22 avril au 6 mai 2010, auprès d’un échantillon représentatif de 749 entreprises de 20
salariés et plus, constitué selon la méthode des quotas, à travers l’interrogation par téléphone de la personne en
charge du mécénat. Les chiffres du mécénat sont alors obtenus par extrapolation à l’ensemble de la population
des entreprises concernées.
IPAG - I.Petit
6
Cette enquête nous montre que dans un contexte difficile, l’entreprise ne souhaite pas se
refermer sur elle-même et sur son rôle strictement économique, elle reste consciente de son
rôle dans la société, son engagement reste important il est moins prioritaire cependant pour
certain devant l'urgence économique.
 Evolution des fondations
Pour évaluer l'impact de la crise sur les FE, nous allons d'une part évaluer l'impact sur la vie
des fondations existantes, d'autre part étudier l'évolution de la création de nouvelles
fondations.
Pour évaluer l'évolution sur les fondations existantes, nous nous appuyons sur une enquête
réalisée en octobre 2009 par le Centre français des fondations,( C.F.F., 2009): 65 fondations
ont répondu dont 16 FE3.
46% des fondations estiment avoir été touchées par la crise. Cet effet n'est pas
nécessairement sur leur ressource, c'est aussi à cause de l’augmentation des demandes d’aides.
Lorsqu'elles ont connu une baisse de leurs ressources : ce n'est pas tant la dotation initiale qui
est revue à la baisse que l'effet de la dépréciation des actifs (23/65) baisse des taux d’intérêts
(16). Ainsi, ce sont les grosses fondations les plus touchées, les petites fondations ont
maintenu leurs ressources. Les fondations d'entreprise fonctionnant surtout sur dotation
pluriannuelle n'ont pas connu le même effet sur leurs ressources que les grosses FRUP. Pour
ce qui est de leurs actions, les fondations déclarent ne pas avoir réduit leurs actions: que ce
soit des actions opérationnelles ou distributives. Elles maintiennent leurs engagements pour
2010.
En ce qui concerne seulement les FE, d'autres données confirment cette première enquête. Le
cabinet Ernst & Young qui publie chaque année un panorama des FE note dans son rapport
sur l'évolution en 2009 ( E&Y, 2010) une évolution des thèmes: la solidarité et le domaine
social en tête, environnement et développement humanitaire nouveaux thèmes important. Il
faut noter le recul de l'art et la culture qui ne concerne que 8% des domaines d'actions, alors
que cela représentait 33% en 2007 et 50% en 2004.
L'évolution est aussi marquée par une baisse des dotations initiales avec un plus grand nombre
d'engagement des entreprises avec un Programme d'Action Pluriannuel (PAP) minimum de
150 000€. Une inflexion est aussi signalée sur la forme de l'engagement qui est de moins en
moins distributive, les entreprises réalisent elles mêmes de plus en plus d'actions. Elles
préfèrent en outre financer des projets spécifiques plutôt qu'accompagner dans la durée les
structures. L'impact de la crise sur l'activité des fondations est reconnu par 30% de
l'échantillon: celle-ci les a amenées à réduire leur budget d'intervention ou à modifier leur
choix d'action. Elles ont aussi observé une précarisation des publics bénéficiaires, qui ont
amené une croissance des sollicitations.
- Evolution de la création des FE
Nous allons examiner maintenant, l'effet de la crise sur la dynamique de création des
fondations d'entreprises. Nous avons dit que nous étions dans une phase d'augmentation nette
depuis 2004 et la mise en place de la loi Aillagon. Quand on suit l'évolution des créations de
fondation d'entreprises enregistrées par le Bulletin Officiel au cours des dernières années,
3
Nous remarquerons que dans cet échantillon la part des fondations d’entreprise est plus
important que pour l’ensemble de la population des fondations françaises.
Population
%
Échantillon
%
Fondation d’Entreprise
237
14%
16
25%
Fond. Reconnues d’Utilité Publique
561
34%
37
57%
Ensemble
1671
IPAG - I.Petit
65
7
l'année 2008 marque effectivement un pic. Pour 2010, à la fin octobre nous sommes à 16
créations d'ici la fin de l'année au mieux nous atteindrons le chiffre de 19 qui nous ramène au
niveau de la promulgation de la loi.
Nombre de créations
Evolution des création de Fondations
d'entreprise
60
50
40
30
20
Série1
10
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Année
L'arrêt de la dynamique est manifeste. Au demeurant, la crise n'est pas le seul facteur
explicatif. La crise financière probablement amène les entreprises à la prudence et à différer
de telle création. Le vivier des entreprises potentiellement fondatrices commence à se raréfier.
Enfin, d'autres dispositifs sont venus concurrencer celui de la FE: les sollicitations de
fondations avec différents acteurs comme les fondations d'Université et surtout un nouveau
dispositif qui a connu un vif succès dès sa mise en place les Fonds de dotation. Cette structure
juridique instituée par la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2009 et disponible
depuis février 2009, a permis la création de 161 fonds en 2009, 262 en 2010. Il est en
revanche difficile d'isoler les entreprises parmi ces nouveaux fondateurs. En effet, cette
nouvelle structure très souple, est ouverte à toutes personnes juridiques et ne demande pas
d'engagement pluriannuel, dans un contexte frileux, il a capté une partie de la dynamique de
mécénat.
3 Discussion
A partir de ces résultats, que peut-on dire de l'évolution des rapports de l'État et des
entreprises à l'égard de l'intérêt général? L'entreprise est elle à nouveau centrée uniquement
comme le préconise Friedman sur sa responsabilité de générer du profit (Friedman, 1971) et
rendre l'intérêt général à d'autres institutions ou l'évolution partenariale conserve-t-elle son
actualité? Et que peut-on dire de l'évolution de la position de l'État dans ce débat?
 Position des entreprises : revenir à sa priorité économique ?
Dans un contexte difficile, nous avons vu que les entreprises se montrent prudentes dans leurs
investissements. Pour autant, elles n’ont pas coupé leurs budgets de mécénat sur ce qui
pourrait paraître un luxe car un investissement éloigné de leur rôle principalement
économique. On a noté un arrêt des budgets d’investissement dans le mécénat ainsi que dans
les budgets des fondations, une chute du budget du mécénat en 2010. Mais la volonté des
acteurs est de rétablir l'investissement dès que possible. Il y a un arrêt de nouveaux projets,
mais l’engagement pluriannuel a permis de ne pas tout remettre en cause brutalement. En
IPAG - I.Petit
8
revanche, cet investissement est marqué par une économie de la trésorerie, qui amène à
privilégier le mécénat de compétence. On a pu remarquer que les entreprises qui pratiquent le
mécénat sont les plus nombreuses à considérer qu'il est devenu nécessaire à la politique de
l'entreprise, il n'est toujours qu'un luxe pour 16% d'entre elles.
Les entreprises ont toutefois marqué leur prudence dans la création de nouvelle fondation, les
nouvelles créations ont été plus rares, en outre elles ont été créées à minima avec un montant
plancher. Mais surtout le nouveau statut de Fonds de dotation plus souple, permettant un
investissement moins long et sans engagement pluriannuel a capté les nouveaux projets.
Dans un contexte perturbé par les inquiétudes liées à la crise, les structures comme les FE ont
montré qu’elles s’inscrivent dans le moyen terme, le financement avec un engagement
irrévocable sur plusieurs années (5 ans), a obligé les entreprises à maintenir leur engagement
et à s’inscrire dans la durée. Cette pérennité est rassurante pour les membres de l’entreprise
dans un environnement agité. Il avait été observé qu’elles sont un élément de stabilité dans les
mouvements de restructuration et qu’elles échappent au démantèlement dans les fusions et
servent au contraire à fédérer les nouvelles entreprises ainsi créées (C. Bunodière, M. de la
Taille-Rivero, 2002, 2004). De même dans un environnement agité, les FE résistent aux
décisions conjoncturelles et aux décisions liées à un contexte économique annuel. Il sera
important de mesurer l'évolution sur le moyen terme.
 Crise et politique de l'entreprise à l'égard de ses parties prenantes
L'entreprise en temps de crise, gère prudemment son investissement, mais on peut se
demander si la crise remet en cause la pertinence même de cet investissement. Nous avons vu
qu'avec la théorie des parties prenantes, la FE permet d'avoir un projet à partager avec son
personnel tout d'abord, avec ses fournisseurs et surtout avec la société civile. Dans un
contexte de crise, cultiver cette relation garde-t-elle de l'intérêt.
 avec les parties prenantes primaires le personnel, les fournisseurs et les clients:
La FE est apparue depuis 2003 un outil de plus en plus pertinent pour mobiliser les équipes
en interne. On a vu dans l’enquête sur l’évolution du mécénat que c’est la communication
interne qui apparaissait comme une priorité. Dans un contexte d’inquiétude sur l’avenir de
l’entreprise, il est important de fédérer les équipes autour d’un projet commun. La priorité
donnée au mécénat de compétence montre ce mouvement. Les projets portés par les
collaborateurs en interne prennent aussi le pas sur les propositions extérieures, ce qui montre
ce rôle de mobilisation.
Cette mobilisation ne se limite pas aux salariés, d’autres parties prenantes de l’entreprise sont
aussi associés à ces projets. Ainsi en privilégiant le mécénat en nature, les entreprises
renforcent leurs liens avec leurs fournisseurs pour constituer des réseaux de partenaires.
Pour les clients, le lien doit être fait plus prudemment pour ne pas basculer dans la
communication de parrainage. Il est certain que le fait de privilégier des projets liés au métier
de l'entreprise est bien de toucher des publics proches de sa cible commerciale. Elle permet
aussi plus facilement de faire du mécénat de compétence.
 avec les parties prenantes secondaires: la Société Civile
Le mécénat et donc les FE sont à l’origine des outils de communication, elles demeurent des
outils permettant de renforcer la réputation de l’entreprise en externe et sa légitimité. Dans un
contexte de crise financière pendant lequel les banques ont été très contestées, elles ont trouvé
dans les FE un outil montrant leur investissement dans la société civile. Elles sont d'ailleurs
le premier secteur économique créateur de FE. Pour répondre à la critique, elles ont maintenu
leur engagement dans les fondations. On note toutefois la dissolution des FE de banques les
plus en difficultés : Fortis. Ce type d'action reste un levier important pour répondre aux
attentes de l'ensemble de la société à l'égard des entreprises. Désormais, les entreprises sont
IPAG - I.Petit
9
sollicitées pour ces interventions, elles sont donc reconnues par la société civile comme
interlocuteur compétent.
La crise en précarisant davantage de personnes, renforce l’importance d’agir pour l’intérêt
général. Ainsi, la réorientation des interventions vers des actions de solidarité montre bien
que les entreprises sont sollicitées pour intervenir dans la situation d’urgence créée par la
crise. On a pu voir que les FE en pérennisant leurs actions sont devenus l'outil le plus efficace
pour l'intérêt général mieux que mécénat classique (E&Y, 2010). En effet, la pérennité liée à
l’engagement pluriannuel en maintenant les engagements des budgets a obligé les entreprises
fondatrices à poursuivre leurs politiques d’action alors que leurs gestionnaires auraient pu les
remettre en cause par prudence dans la tempête. Cet investissement dans des projets à long
terme est très structurant pour représenter les engagements sociétaux de l’entreprise.
Cet engagement se consacre en priorité sur un territoire lié à l’entreprise, pour mieux évaluer
le retour sur investissement C'est la montée en puissance des PME qui renforce cette
tendance, celle ci sont attachées à leur rôle dans les communautés dans lesquelles elles
s'inscrivent. Il est en outre plus facile d’évaluer l'efficacité de ces actions.
Le lien créé avec des associations est tout à fait exemplaire de cette nouvelle relation de
l'entreprise avec son environnement.
Cette ouverture de l'entreprise apparaît comme un moyen pour se renouveler. Ainsi, la crise
remet en cause ses modèles de fonctionnement, or les FE sont particulièrement appréciées
comme laboratoire et lieu d’échange avec d’autres publics. Ces échanges peuvent être
féconds pour une entreprise qui cherche à se renouveler. Ainsi, certains insistent sur le rôle
joué par les échanges avec les associations qui est un milieu innovant pour l'entreprise. Cette
familiarisation avec des membres du 1/3 secteur donne l’occasion à l’entreprise de sortir du
secteur marchand, pour découvrir un qui n’est pas non plus le secteur public. Ces échanges
permettent d’explorer de nouvelles voies intéressantes pour l'entreprise (cf. interview de
Hervé de Ruggiero, directeur général de la FNARS – Fédération des Associations d'Accueil
et de Réinsertion Sociale dans E&Y 2010)
C'est ainsi que la FE peut s'avérer un outil d'innovation que ce soit dans son objet ou dans les
échanges qu'elle permet. Avec la crise, on a noté une plus grande place donnée en 2009 à la
recherche comme objet d'actions. Dans un climat de remise en cause de son métier par la
crise économique, l’innovation prend toute son importance.
Avec la crise, l’intérêt des FE pour la stratégie de l’entreprise s’est renforcé. La prise en
compte de l'intérêt général est devenu un outil stratégique pour améliorer la performance de
l'entreprise, ce n'est plus seulement le geste de générosité d'un puissant, principe du mécénat à
l'origine ou de la philanthropie mais un outil managérial. C'est ainsi qu'il est devenu aussi
l'outil de PME avec d'autres objectifs plus liés à leur ancrage territorial. La FE comme outil
au service de l'intérêt général, fournit à l'entreprise un outil à la fois de légitimation, de
management de l’innovation et un outil de mobilisation de ses parties prenantes
principalement de ses salariés.
 Position de l’Etat
De l’autre côté est-ce-que l’Etat n’est pas tenté de reprendre les rênes et de conserver son rôle
de responsable de l’intérêt général ?
L'ouverture du mécénat demeure un axe de la politique important du ministère de la culture.
Pour le ministre actuel, encourager le mécénat est toujours une priorité: « La responsabilité de
l'État et des pouvoirs publics en général n'est pas seulement de financer la vie culturelle, mais
d'encourager les initiatives de la société civile. » est l'éditorial du ministre sur le site du
ministère de la culture consacré au mécénat (http://www.mecenat.culture.gouv.fr/). La
création récente des fonds de dotation prouve que cette politique n'est pas remise en cause.
IPAG - I.Petit
10
Cette politique tend à être essaimée sur l'ensemble du territoire en tissant des réseaux locaux.
Ainsi, le ministère de la culture a-t-il signé une charte avec l'assemblée des CCI pour le
développement du mécénat en région.
En revanche, ce discours sur le mécénat reste en priorité sur le mécénat culturel alors que le
mécénat social tend à l'emporter largement sur le mécénat culturel et que les fondations
s'occupent de plus en plus de problématiques de solidarité. Pour le moment, les structures
publiques ne prennent pas autant en compte le rôle des entreprises dans ce champs.
La prise en charge de l’intérêt général par les entreprises est devenue essentielle alors que le
déficit des finances publiques encourage des politiques de rigueur qui rendent précieuses la
participation de partenaires privés pour financer l'intérêt général. Alors même que les besoins
d’aide augmentent, les politiques de rigueur ne permettent pas d’aider des publics en
difficultés.
On remarque que la collaboration que permettent des dispositifs comme les FE entre
entreprises et milieux associatifs, est aussi féconde au delà de l'aspect financier. L'apport des
entreprises se mesure aussi en termes de professionnalisation du secteur associatif. Les
exigences d'efficacité de l'entreprise et le mécénat
contribuent à renforcer la
professionnalisation de ce monde (E&Y 2010). Des dispositifs comme les FE sont des
espaces de rencontre privilégiés entre pouvoir public, privé et ce que l'on appelle désormais
le 1/3 secteur. Ces échanges permettent à l'entreprise de découvrir d'autres modèles
d'organisations et d'autres publics, pour les associations et les pouvoirs publics c'est l'occasion
d'améliorer l'intégration des actions de différents partenaires. C'est ainsi qu'ils sont des relais
de l'innovation sociétale.
Le financement de l'intérêt général toutefois par l'entreprise n'est pas sans comporter des
risques. L'investissement de l'entreprise reste à visée court ou moyen terme par rapport à
l'investissement public. Les FE privilégient des participations à des projets plutôt qu'un
financement long terme de la structure associative. Ce nouveau mode de financement est donc
plus précaire. La crise a accentué cet effet, les projets sont de plus en plus privilégiés par
rapport au soutien dans le long terme.
D'autre part, on a remarqué que les entreprises en resserrant les liens entre entreprise et FE,
avaient privilégié les liens des projets avec leurs équipes. On pourrait ainsi aboutir à une
restriction de l'intérêt général à la définition qu'en aurait les collaborateurs.
L'instrumentation enfin évoquée ne répond pas à la tradition de l'absence de contrepartie du
mécénat, la logique de parrainage l'emporte qui attend un retour sur investissement. On a vu
l'essor du mécénat sportif dont la distinction avec le sponsoring n'est peut être pas établie.
L'État, à terme, pourrait donc remettre en cause l'exonération fiscale et considérer ce type
d'investissement comme lié à l'exploitation. Il est probable que le contrôle de l'Etat sera
amené à se renforcer mais que la dynamique à l'œuvre sera préservée. Une complémentarité
des financements privés et publics est à trouver.
Conclusion
Ainsi la FE apparaît comme un dispositif qui s'est vraiment installé dans l'entreprise pour
signifier la prise en compte de l'intérêt des différentes parties prenantes. Les difficultés
financières que rencontrent certaines entreprises, n'ont pas ralenti leur investissement
montrant que ce n'était pas seulement l'économie fiscale qui les intéressait dans ces dispositifs
mais qu'ils étaient devenus des outils stratégiques à part entière. L'investissement dans le
mécénat et dans les FE en se maintenant démontre le mouvement à l'œuvre dans la répartition
IPAG - I.Petit
11
des rôles entre entreprises et État. L'entreprise reste un partenaire de l'État pour se charger de
l'intérêt général. Elle ne se renferme pas sur elle, ou sinon elle est devenue si perméable à son
environnement qu'il est difficile d'établir des frontières avec les communautés dans lesquelles
elle s'inscrit. C'est ainsi qu'en prenant en compte l'intérêt de ses parties prenantes, elle est
amenée à intervenir pour l'intérêt général. De l'autre côté, la crise qui s'accompagne du déficit
des finances publiques accentue encore le besoin de l'État de trouver d'autres bailleurs de
fonds pour le soutien aux associations. C'est pourquoi la crise loin d'arrêter le mouvement
d'investissement dans le mécénat en particulier le mécénat social, devrait renforcer cette
dynamique. Ce sont dans les nouveaux modèles de partenariat en cours d'élaboration entre
entreprises, société civile et État dont les initiatives comme les FE sont les précurseurs que
pourront émerger peut être les nouveaux modèles de l'après crise.
Références bibliographiques
-
-
-
ADMICAL, C.S.A. (2009), « Quel impact de la crise sur le mécénat ? », Paris
ADMICAL, C.S.A. (2010), « Le mécénat d’entreprise en France », Paris octobre 2010.
CAPRON M. (2005), « Les nouvelles responsabilités sociétales des entreprises : De
quelles « nouveautés » s'agit-il ? » La Revue des Sciences de Gestion : Direction et
Gestion, N°40, (211/212), 47-54.
CAPRON, M., QUAIREL-LANOIZELEE F. (2007), La responsabilité sociale
d’entreprise, Paris, La Découverte.
CARROLL A. B. (1979)., "A Three Dimensional Conceptual Model of Corporate
Performance", Academy of Management Review, vol. 4, n° 4, p. 497-505.
CARROLL A.B. (1989),. Business and society: Ethics and stakeholder management.
Cincinnati, OH: South-Western.
Centre Français des Fondations (2004), Rapport annuel.
Centre Français des Fondations (2007) « Etudier, Innover, proposer, expérimenter, quel
espace pour les fondations dans le débat de société », Actes du colloque, Paris 2/04/2007.
Centre Français des Fondations (2009). « Fondations face à la crise »
COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES (2001), Livre vert
Promouvoir un cadre européen pour la RSE, Bruxelles, 18 Juillet
CORNU G. (2005), Vocabulaire juridique, Presses Universitaires de France, Collection
Quadrige.
European Foundation Center, « Foundations in the European Union, Facts and figures »,
Mai 2008, Brussels
DONALDSON T., PRESTON L. E. (1995), “The Stakeholder Theory of the Corporation:
Concepts, Evidence, and Implications”, Academy of Management Review, vol. 20, n°1, pp.
65-91
ERNST & YOUNG (2004), « Panorama 2004 des Fondations d’Entreprise : la loi
Aillagon, accélérateur de création ? », Paris.
ERNST & YOUNG (2010), “Panorama des fondations 2010: Regards croisés de
fondations d’entreprise et d’associations sur les pratiques et l’impact du secteur », Paris.
EVAN, W.M., & FREEMAN, R.E. (1988), “A stakeholder theory of the modern
corporation: Kantian capitalism” In T. Beauchamp & N. Bowie (eds.), Ethical theory and
business: 75-93. Englewood Cliffs, NJ: Prentice Hall.
IPAG - I.Petit
12
IGALENS J. (2006), « L’analyse du discours de la responsabilité sociale de l’entreprise à
travers les rapports annuels de développement durable d’entreprises françaises du CAC
40 », Cahier de recherche no. 2006 – 173, IAE Toulouse.
- FREEMAN E. R. (1984), Strategic Management: A Stakeholder Approach, Pitman,
Boston
- FRIEDMAN A. L. , MILES S.(2006), Stakeholders: theory and practice, Oxford
University Press.
- FRIEDMAN M. (1970): « The Social Responsibility of Business is to increase its
Profits», New York Times Magazine
- LA BROISE (de) P. (2006), « Entre reddition et légitimation : le rapport annuel
d’entreprise », in Responsabilité sociale : vers une nouvelle communication des
entreprises ?, Presses universitaires du Septentrion.
- LA TAILLE-RIVERO (de) M., BUNODIERE C. (2002, 2004), « Le mécénat d'entreprise
face aux fusions-acquisitions : nouveaux ancrages, nouvelles perspectives », Observatoire
de la générosité et du mécénat, Fondation de France
- MAPPA, S. (dir.) (1997), Essai historique sur l’intérêt général, Paris, Éditions Karthala,
Publication numéro8 du Forum de Delphes.
- MONNIER, Lionel, THIRRY, Bernard (1997), Mutations structurelles et intérêt général.
Vers quels nouveaux paradigmes pour l'économie publique, sociale et coopérative?
Bruxelles, De Boek.
- PIQUET S., TOBELEM J.M. (2004), « Les stratégies de communication du mécénat de la
culture et de l’humanitaire »,. Colloque: Les modes de communication non traditionnels ,
Nancy 2004.
- PIQUET S., TOBELEM J.M. (2005), « La responsabilité sociale du mécénat
d’entreprise », Revue Française du Marketing, (204), 71-83
- SEGHERS V., (2007), Ce qui motive les entreprises mécènes, philanthropie,
investissement, responsabilité sociale ?, Paris, Editions Autrement.
-
IPAG - I.Petit
13