Rôle des aspects conceptuels Célia Maintenant, Laboratoire d
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Rôle des aspects conceptuels Célia Maintenant, Laboratoire d
Développement de la flexibilité catégorielle de 3 à 8 ans : Rôle des aspects conceptuels Célia Maintenant, Laboratoire de Psychologie Cognitive (UMR6146)1, Université de Provence, Aix-en-Provence. Agnès Blaye, Laboratoire de Psychologie Cognitive (UMR6146), Université de Provence, Aix-en-Provence. Titre courant : Flexibilité et conceptualisation Célia Maintenant Laboratoire de Psychologie Cognitive, Université de Provence, 29 Av. Robert Schuman, 13621 Aix en Provence. Tel : 33 4 42 93 39 90, Fax : 33 4 42 38 91 70 [email protected] 1 Les expériences présentées dans cet article ont été réalisées au sein du Centre PsyCLE, Université de Provence, dans le cadre d’un travail de thèse. Cette recherche a bénéficié du soutien financier du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (Projet Cognitique AF032438). 1 Cette recherche porte sur le rôle de la conceptualisation des règles catégorielles dans le développement de la flexibilité catégorielle chez l’enfant. Les expériences 1 et 2 conduites auprès d’enfants âgés de 3 à 8 ans ont permis de comparer la flexibilité catégorielle dans trois versions d’une tâche d’appariement d’images présentant des règles de niveau d’abstraction gradué. Les résultats montrent que la flexibilité catégorielle est influencée à la fois par l’âge et le niveau de difficulté conceptuelle des règles utilisées. L’expérience 3 a évalué directement la conceptualisation des règles d’appariement utilisées dans les expériences précédentes et révèle une hiérarchie développementale similaire à celle obtenue en flexibilité catégorielle. Globalement ces résultats suggèrent que la flexibilité catégorielle résulte d’un contrôle descendant efficace, modulé par la représentation que les enfants ont des règles catégorielles manipulées. Mots clés : développement, catégorisation, flexibilité catégorielle, conceptualisation. The development of categorical flexibility in 3- to 8-year-old children: The role of conceptual aspects. This research addresses the role of the level of conceptualization of categorical rules in the development of categorical flexibility in children. Experiment 1 and 2 compared categorical flexibility on three versions of a match-to-sample task differing in terms of a priori estimated levels of abstraction of the matching rules. Children aged between 3 and 8 were presented twice with a series of 4 picture sets (a target and 3 candidates for matching). Explicit instructions about the rule to be used before and after switching were given on each trial. It was found that age and conceptual difficulty of the rules both influence the extent of flexibility observed. Experiment 3 directly examined children’s conceptualization of the matching rules at hand and revealed a developmental hierarchy similar to the one obtained in the flexibility task. Overall, the present findings suggest that categorical flexibility is the 2 result of a successful top-down control which is modulated by children’s representation of the categorical rules to be manipulated. Keywords : development, categorization, categorical flexibility, conceptualization. La catégorisation des objets a une fonction adaptative évidente à la fois parce qu’elle organise notre environnement et donne une puissance à notre raisonnement qui ne se limite pas aux seuls objets déjà rencontrés. Elle autorise aussi des inférences sur des objets nouveaux dont on a identifié la catégorie d’appartenance (On se méfie de cet animal reconnu comme appartenant à la catégorie serpent même si c’est la première fois que l’on rencontre cet exemplaire). Il reste que tout objet appartient à une multiplicité de catégories, dès lors que l’on ne restreint pas les catégories aux seules catégories taxonomiques d’objets de même sorte, mais que l’on envisage aussi les multiples formes de catégories contextuelles (Barsalou, 1993) ou celles fondées sur des similitudes perceptives. Les travaux de ce dernier quart de siècle sur le développement des conduites de catégorisation ont établi que les très jeunes enfants ont accès à diverses catégories pour un même objet. On a ainsi montré qu’ils pouvaient produire des associations d’images susceptibles de relever de catégories tant perceptives (même forme, même couleur) que thématiques (objets de nature différente mais que l’on rencontre ensemble, par exemple : chien-laisse, clou-marteau…) ou taxonomiques (objets de même sorte, de même famille, par exemple : des animaux, des vêtements…). La question abordée ici est celle du développement d’une utilisation contrôlée de multiples critères de catégorisation et plus précisément du développement de ce que nous appellerons la flexibilité catégorielle. Il ne s’agit plus d’analyser les diverses associations amorcées par tel ou tel objet mais d’évaluer la capacité à gérer, sous un contrôle descendant, des critères de catégorisation définis a priori. Cette flexibilité catégorielle implique tour à tour, en fonction des exigences de la situation (a) le maintien d’un critère de catégorisation et (b) la bascule 3 d’un critère à un autre. Avec Sternberg (1990), nous considérons donc que la flexibilité en ce qu’elle traduit une adaptation aux contraintes de la situation ne doit pas être réduite à sa seule composante de bascule. Dès lors qu’il y a à opérer un choix entre plusieurs options de réponses concurrentes, le maintien d’une stratégie sur une série d’items si la situation l’exige, fait partie intégrante de la flexibilité. Si l’accès à une pluralité d’organisations catégorielles constitue une condition nécessaire à un fonctionnement flexible, elle ne le garantit pas. Très peu d’études ont abordé le développement de la capacité à utiliser de manière contrôlée l’une ou l’autre forme de catégorisation. Le rapprochement des travaux dans le domaine de la catégorisation et de ceux portant sur le développement du contrôle exécutif, étudiant la flexibilité cognitive comme l’une des fonctions de ce contrôle, est susceptible d’ouvrir de nouvelles pistes d’investigation. En prenant appui sur ces deux domaines, notre étude a pour objet une meilleure compréhension du rôle des aspects conceptuels dans le développement de la flexibilité catégorielle. Les travaux récents dans le domaine de la catégorisation ont montré que les très jeunes enfants, dès 2 ans, sont capables de dépasser des indices perceptifs pour catégoriser des objets en prenant appui sur des propriétés fonctionnelles (Booth & Waxman, 2002 ; Kemler Nelson, 1995 ; Kemler Nelson, Frankelfield, Morris, & Blair, 2000) ou causales (Gopnik & Sobel, 2000 ; Nazzi & Gopnik, 2000), même lorsque celles-ci sont en conflit avec des critères de similitude perceptive. De plus, des études ayant spécifiquement étudié la variabilité des catégories utilisées ont établi que différentes formes de catégorisation sont disponibles très tôt, au cours du développement (Bauer & Mandler, 1989 ; Dunham & Dunham, 1995 ; Fenson, Vella, & Kennedy, 1989 ; Houdé & Milhet, 1997 ; Nguyen & Murphy, 2003 ; Walsh, Richardson, & Faulkner, 1993 ; Waxman & Namy, 1997) et continuent à co-exister jusqu’à l’âge adulte (Lin & Murphy, 2001 ; Murphy, 2001 ; Ross & Murphy, 1999). La plupart des études utilisent la tâche d’appariement en choix forcé dans laquelle les participants se voient 4 présenter une série de planches, comportant une image-cible et deux ou trois images candidates à l’association avec la cible. Chaque image au choix renvoie à un type d’organisation catégorielle différente (par exemple, associés thématique, taxonomique ou perceptif). Il s’agit de trouver pour chaque planche, l’image « qui va le mieux avec » la cible. L’adaptation de cette épreuve a permis d’étudier les capacités d’appariements multiples d’images (pour une revue, Bonthoux, Berger, & Blaye, 2004). Après leur premier choix d’association, les enfants doivent envisager si d’autres images parmi celles proposées peuvent aussi « bien aller » avec la cible. La majorité des enfants acceptent de sélectionner successivement deux associés pour une même cible dès 3 ans (e.g. Fenson, Vella & Kennedy, 1989 ; Melot & Houdé, 1998). Toutefois, si de telles conduites démontrent une certaine compréhension de la situation par les jeunes enfants (il faut proposer un autre associé), rien ne garantit que ces doubles choix résultent d’une manipulation contrôlée de deux organisations catégorielles, l’une fondée par exemple sur un lien taxonomique, l’autre sur un lien thématique. Ce dispositif en effet, avec sa consigne délibérément peu contraignante donne une place essentielle à un contrôle ascendant - amorçage par les images elles-mêmes d’associations diverses - sans aucune conscience nécessaire de la différence de nature entre les différents types de relations catégorielles implicitement manipulées. L’influence déterminante des stimuli eux-mêmes dans ces choix d’appariements a été démontrée (Scheuner, Bonthoux, Cannard & Blaye, 2004 ; voir aussi Walsh et al., 1993) à travers la mise en évidence du rôle critique des forces d’association entre images, estimées par les participants eux-mêmes. Nous avons établi que la prédominance très souvent observée des choix thématiques par rapport aux choix taxonomiques surordonnés2 dans les tâches 2 Rosch, Mervis, Gray, Johnson et Boyes-Braem (1976) ont différencié les catégories taxonomiques de niveau de base regroupant des éléments présentant une grande similitude de forme et généralement désignés par un même mot (les chats, les chiens) des catégories taxonomiques surodonnées renvoyant à un niveau d’inclusion plus englobant, les différents éléments étant également désignés par un même mot (les animaux, les vêtements…). Lorsqu’on s’intéresse à des appariements sur critères sémantiques, les associations au niveau de base sont ambiguës car elles peuvent résulter d’un strict traitement de la similitude perceptive. 5 d’appariement (Blaye & Bonthoux, 2001), se trouvait considérablement modulée par la manipulation expérimentale des forces d’associations spécifiques. Si les appariements multiples ne nous renseignent pas sur la capacité de bascule contrôlée entre critères de catégorisation, ils ne nous informent pas davantage sur les capacités de maintien d’un critère. En effet, les quelques études ayant permis d’analyser au plan intra-individuel les choix sur une série de cibles font apparaître une importante variabilité intra- individuelle des relations catégorielles utilisées d’une cible à l’autre. Il n’apparaît pas de stratégie systématique sur l’un ou l’autre mode de catégorisation chez les jeunes enfants préscolaires. Ainsi, Waxman et Namy (1997, expérience 1) montrent que moins de 20% des enfants de 3 ans (ils sont 69% à 4 ans) restent cohérents sur un même type d’appariement lorsque, sur une série de douze appariements, on leur demande de choisir l’image « qui va le mieux avec la cible ». Il est vrai que la non cohérence des réponses dans cette situation ne traduit pas nécessairement une incapacité des plus jeunes enfants à maintenir l’utilisation d’un mode de catégorisation. Elle peut être le résultat d’une consigne floue, n’exigeant pas le maintien d’un type de catégorisation d’une cible à l’autre. Pour éviter cette ambiguïté, il faudrait utiliser une consigne exigeant explicitement l’un ou l’autre des types d’appariement. A notre connaissance, il n’existe pas à ce jour une telle étude, c’est donc l’un des objets de la recherche proposée ici. Les travaux révélant les manifestations précoces d’appariements multiples pour les mêmes objets, ne rendent pas compte du développement des capacités à utiliser de manière contrôlée différentes règles de catégorisation explicites à propos des mêmes objets. L’adaptation de la tâche de tri de cartes de Wisconsin (Grant & Berg, 1948) à des enfants préscolaires par Frye, Zelazo et Palfai (1995, tâche de Dimensional Change Card Sort, DCCS) apporte un éclairage sur cette question mais seulement à propos de règles catégorielles perceptives de forme et de couleur. 6 Les recherches sur la flexibilité cognitive récemment développées dans le cadre plus général de l’étude des fonctions exécutives, se sont centrées sur la capacité à basculer, sur consigne, entre deux règles perceptives d’appariement d’images. L’épreuve DCCS a permis d’étudier le développement de la flexibilité chez les enfants d’âge préscolaire. Cette épreuve exige d’apparier deux stimuli bi-dimensionnels (un lapin bleu et un bateau rouge) avec deux images cibles (un lapin rouge et un bateau bleu) en fonction d’un critère imposé par l’expérimentateur. La tâche est proposée en deux blocs (pré- et post-bascule) comportant une série d’essais où les deux mêmes stimuli sont utilisés à plusieurs reprises. Une première paire de règles d’appariement est imposée dans le premier bloc (par exemple : dans le jeu de la forme, les lapins vont avec les lapins, les bateaux avec les bateaux) puis une seconde paire dans le second bloc post-bascule (par exemple : dans le jeu de la couleur, les rouges vont avec les rouges, les bleus avec les bleus). Les résultats, maintes fois répliqués, font apparaître un progrès important dans la maîtrise de la bascule entre trois et quatre ans. Alors que les deux groupes d’enfants suivent parfaitement la règle donnée pour réaliser les appariements du premier bloc (pré-bascule), seuls ceux de 4 ans parviennent majoritairement à suivre la consigne différente imposée dans le deuxième bloc. Les enfants de 3 ans en revanche tendent à persévérer sur le critère qui était pertinent lors des essais du premier bloc. De tels résultats (Frye, Zelazo & Palfai, 1995 ; Zelazo, Frye & Rapus, 1996 ; Zelazo, Müller, Frye & Marcovitch, 2003 ; Zelazo & Reznick, 1991) suggèrent une hiérarchie développementale entre (a) la capacité à maintenir, avec l’aide d’une consigne explicite, une même règle d’appariement sur une série d’essais en présence d’un candidat à l’association susceptible de créer une interférence (maintenir un appariement sur un critère de couleur alors qu’il serait possible de réaliser un appariement sur la forme), capacité mise en place en premier, et (b) la capacité à inhiber une règle préalablement utilisée pour adopter une nouvelle règle avec l’aide d’une consigne explicite exigeant l’utilisation de cette nouvelle règle. Toutefois la tâche de 7 DCCS ne met en jeu que deux images-stimuli et deux images-cibles pour l’ensemble des essais. Ainsi, il suffit « d’apprendre » deux associations spécifiques (par exemple, le lapin rouge va avec le bateau rouge et le lapin bleu va avec le bateau bleu dans le jeu de la couleur) et produire les appariements inverses dans le second bloc (post-bascule) pour réussir la tâche. Ces travaux ne nous éclairent pas sur l’utilisation de règles d’appariements portant sur des dimensions perceptives (forme, couleur) au delà de deux valeurs spécifiques de ces dimensions. Cette question ne peut être abordée qu’à partir de stimuli variant d’un essai à l’autre à l’intérieur de chaque bloc. De plus, la manipulation de règles catégorielles sémantiques, moins immédiatement saillantes que l’identité de forme ou de couleur, n’a pas été pas abordée. Cette dernière limite a conduit les chercheurs à ignorer totalement le rôle des facteurs conceptuels dans le développement de la flexibilité catégorielle et à se centrer sur une analyse des aspects exécutifs en jeu (inhibition ; mémoire de travail ; attention sélective ; niveau de contrôle (monitoring) ; Bohlmann et Fenson, 2005 ; Brooks Hanauer, Padowska & Rosman, 2003 ; Kirkham, Cruess & Diamond, 2003 ; Morton & Munakata, 2002 ; Perner & Lang, 2002 ; Zelazo et al. 2003 ; voir Chevalier & Blaye, 2006, pour une revue). Nous considérons la possibilité que le contrôle descendant, en jeu dans la flexibilité catégorielle soit d’autant plus facile à exercer, que les enfants ont une représentation claire de la nature des règles de catégorisation. Une telle représentation implique la compréhension de la relation commune instanciée dans chaque appariement spécifique d’images. Pour tester cette hypothèse, nous avons contrasté différentes situations requérant de la flexibilité à propos de règles catégorielles non seulement perceptives mais également sémantiques de différents niveaux d’abstraction. A notre connaissance, seuls Bialystok et Martin (2004) ont réalisé une comparaison directe de différents types de règles (perceptif versus sémantique) dans une tâche de flexibilité catégorielle (variantes du DCCS) avec des enfants de 4 et 5 ans. Une version basée sur des règles de forme et de couleur était comparée, par exemple, à des règles de 8 classement mettant en jeu les fonctions des objets (on s’habille avec versus on joue avec) ou la localisation des objets dans la maison (à l’intérieur versus à l’extérieur). Les résultats de trois expérimentations montrent que la version perceptive est mieux réussie, par des enfants de 4 et 5 ans, que les versions sémantiques. Ces premières données soulignent la pertinence d’une prise en compte des exigences conceptuelles imposées par les règles catégorielles à manipuler. Toutefois, l’étude portant seulement sur de jeunes enfants, ne permet pas de suivre les relations entre flexibilité et conceptualisation sur une période plus étendue du développement. Parce que reconnaître la règle « même couleur » à travers l’association successive de deux objets rouges, deux objets bleus, deux objets verts est plus immédiat que reconnaître la règle « même sorte de chose » à travers l’association de deux véhicules, deux vêtements, puis deux animaux, nous pensons que l’utilisation flexible de règles catégorielles perceptives devrait être plus précoce que celles de règles sémantiques générales. Nous avons envisagé un niveau intermédiaire de difficulté avec des règles sémantiques liées à une catégorie spécifique (par exemple les appariements associant respectivement lion et rat, lapin et poisson, ou singe et chat relèvent d’une même règle : les animaux avec les animaux). La présente recherche doit permettre d’évaluer l’influence du niveau d’abstraction des règles catégorielles à utiliser sur la manifestation des conduites flexibles chez des enfants d’âge préscolaire et scolaire. Les expériences 1 et 2 contrastent des règles perceptives avec des règles de catégorisation sémantiques. L’expérience 1 tente d’évaluer la flexibilité entre les deux types de règles les plus étudiés en catégorisation chez l’enfant (thématique et taxonomique). Dans l’expérience 2, on utilise des règles sémantiques moins générales, attachées à une catégorie sémantique spécifique donc plus facilement représentables. Dans une dernière expérience, nous nous attachons à montrer que la hiérarchisation a priori entre 9 ces trois niveaux de règles est confirmée par une mesure du développement de leur conceptualisation. Expérience 1A L’expérience 1 a consisté à proposer à des enfants de 5 à 8 ans, deux épreuves de flexibilité catégorielle portant respectivement sur des règles perceptives (même forme, même couleur) et des règles sémantiques (même catégorie taxonomique, même catégorie thématique). Il s’agissait d’étudier les deux facettes de la flexibilité : (a) le maintien de l’utilisation d’une règle catégorielle en situation d’interférence (Pour chaque image, deux associations étaient toujours possibles mais seule l’une d’entre elles respectait la consigne), et (b) la capacité de bascule vers l’utilisation d’une autre règle appliquée aux mêmes objets. Selon les résultats obtenus avec des règles perceptives par Zelazo et ses collègues avec la tâche de DCCS (Zelazo et al., 2003) nous nous attendons à une maîtrise plus précoce du maintien de critère que de la bascule impliquant d’ignorer le type d’association que l’on a jusqu’alors sélectionnée. De plus, si, comme nous le proposons, le niveau de difficulté conceptuelle des règles influe sur le développement de la flexibilité catégorielle, nous devrions observer une réussite plus précoce à la version perceptive qu’à la version sémantique. Enfin, les recherches dans le domaine de la catégorisation suggèrent, comme nous l’avons mentionné dans l’introduction, un choix préférentiel des paires thématiques par rapport aux paires taxonomiques dans la tâche d’appariement. Nos travaux (Scheuner et al., 2004) ont suggéré que cette asymétrie des choix est en partie explicable par les caractéristiques propres des associations spécifiques (leurs forces). Nous pensons que cet élément de contrôle fondé sur les stimuli est susceptible d’interférer avec le contrôle 10 descendant imposé par les consignes. Dès lors, on peut s’attendre à un maintien plus précoce d’un critère d’appariement thématique - consistant à sélectionner sur une série d’essais la paire probablement la plus saillante - que taxonomique. Méthode Participants Cent un enfants, (recrutés dans des écoles publiques françaises), ont participé à cette étude : Vingt-huit enfants de 5 ans (M = 5 ; 6 mois), 27 de 6 ans (M= 6 ; 2 mois), 26 de 7 ans (M = 7 ; 7 mois), et 20 de 8 ans (M = 8 ; 4 mois). Matériel - Version perceptive (Forme/ Couleur) Huit images cibles correspondant à différentes formes géométriques colorées et huit planches comportant chacune 3 images : un associé de même couleur que la cible, un associé de même forme et un non associé. (cf. Annexe A pour la liste des stimuli utilisés et un exemple d’item). - Version sémantique (Thématique/ Taxonomique) Huit images cibles correspondant à différentes catégories taxonomiques et thématiques et huit planches comportant chacune 3 images : un associé taxonomique surordonné à la cible, un associé thématique à la cible et un non associé. (cf. Annexe B pour la liste des stimuli utilisés et un exemple d’item). - Familiarisation Pour chacune des deux versions, deux groupes d’images (carte cible + planche) parmi les huit construits ont été consacrés à une phase de familiarisation. 11 Procédure Chaque enfant a été rencontré individuellement dans une pièce calme de son école. La version perceptive supposée plus facile, était toujours présentée en premier. Zelazo et al. (2003) ont montré à plusieurs reprises que les performances des enfants à l’épreuve du DCCS ne varient pas en fonction de l’ordre de présentation des règles. Il a donc été fixé ici pour tous les participants: règle forme puis règle couleur. Concernant la version sémantique, il semble que la nature de la relation (thématique versus taxonomique) puisse entraîner des performances différentes (Blaye & Bernard-Peyron, 1997). L’ordre de présentation des règles de catégorisation a donc été contrebalancé entre les participants. Afin d’optimiser la compréhension des règles de jeu par les enfants, deux essais de familiarisation étaient présentés pour chaque bloc : un essai de démonstration, lors duquel l’expérimentateur réalisait lui même l’appariement et un essai réalisé par l’enfant avec feedback. L’ordre des blocs de la familiarisation est inversé par rapport à l’ordre du test, si l’enfant passe le test dans l’ordre : règle A en bloc 1 et règle B en bloc 2, il passera la familiarisation dans l’ordre : règle B puis règle A, afin que le passage de la familiarisation au test ne nécessite pas de bascule entre règles. Immédiatement après la familiarisation, l’enfant passait les deux blocs du test correspondant à la mise en œuvre successive de deux règles conflictuelles d’appariement sur les mêmes images. Ce test comportait 12 essais, 6 pour le premier bloc nécessitant le maintien d’une première règle (pré-bascule) et 6 pour le second bloc nécessitant d’appliquer une nouvelle règle (bloc post-bascule). Aucun feedback n’était donné aux enfants lors du test. L’expérimentateur donnait une à une les cartes cibles à l’enfant et lui présentait les planches correspondantes, l’enfant devait, à chaque essai, placer la carte cible sous l’image correspondant à la règle d’association que l’expérimentateur lui avait énoncée. La règle était 12 répétée à chaque essai. Les groupes d’images utilisés étaient identiques pour tous les participants et présentés dans un ordre fixe. La procédure était strictement identique pour les deux versions, seuls les items et les règles données à l’enfant différaient. Les règles perceptives étaient les suivantes : « Dans le jeu des couleurs, on met ensemble les choses qui sont de la même couleur. Dans le jeu des formes, on met ensemble les choses qui ont la même forme ». Les règles de la version sémantique3 ont été construites sur le même format et portaient sur la relation en jeu (thématique ou taxonomique). La relation taxonomique correspondant au regroupement d’éléments partageant des caractéristiques communes et la relation thématique étant basée sur la contiguïté spatiale ou temporelle, les règles de la version sémantique étaient donc les suivantes : « Dans le jeu de la famille, on met ensemble les choses qui sont de la même famille, de la même sorte » (pour la relation taxonomique) et « dans le jeu des choses que l’on trouve ensemble, on met ensemble les choses que l’on peut voir ensemble, que l’on peut trouver ensemble » (pour la relation thématique). Résultats Un score pour chaque bloc a été calculé, correspondant au nombre d’essais réussis, (maximum = 6). La présence, pour chaque item, d’un objet non associé à la cible, permet de repérer d’éventuelles réponses au hasard et écarter les protocoles où elles seraient trop nombreuses. 3 La formulation de ces règles s’appuie sur plusieurs études préalables dans lesquelles les enfants étaient invités à formuler verbalement la règle justifiant de tels appariements ; nous avons repris les deux types de formulations le plus souvent proposés et les avons accolés de façon à optimiser la probabilité d’être compris par le plus grand nombre d’enfants. 13 Epreuve de flexibilité catégorielle perceptive (Forme/ Couleur) Dès 5 ans un effet plafond est observé, aussi bien dans le maintien de la règle en bloc 1 (pré-bascule) qu’en bloc 2 (post-bascule). Un seul enfant de 5 ans sur l’ensemble de l’échantillon n’a pas obtenu le score maximal dans le bloc 2. Ainsi, dès 5 ans, les enfants parviennent d’une part à maintenir un critère d’appariement perceptif en situation interférente (puisque les planches rendaient possible un autre type d’appariement que celui imposé par la consigne) et, d’autre part, à basculer sur un autre critère, suite à un changement de consigne. Peut-on pour autant considérer que cette manifestation de flexibilité est généralisable à des règles catégorielles impliquant un traitement sémantique des stimuli ? Epreuve de flexibilité catégorielle sémantique (Thématique/ Taxonomique) Les scores ne traduisant pas ici d’effet plafond, nous nous sommes tout d’abord assurés que les réponses n’étaient pas des réponses au hasard. L’image non associée n’ayant 6 6 5 5 Scores moyens Scores moyens jamais été choisie, on peut considérer que les enfants ont effectivement traité la tâche. 4 3 Bloc 1- TH Bloc 2- TX 2 3 Bloc 1- TX Bloc 2- TH 2 1 1 0 0 5 ans 6 ans 7 ans 5 ans 8 ans 6 ans 7 ans 8 ans Age Age (a) 4 (b) 14 Figure 1. Scores moyens en flexibilité catégorielle sémantique en fonction de l’âge et du bloc, (a) dans l’ordre de présentation Thématique - Taxonomique et (b) dans l’ordre de présentation Taxonomique - Thématique. Figure 1. Mean scores in the semantic categorical flexibility task as a function of age and block, (a) in the Thematic -Taxonomic order and (b) Taxonomic - Thematic order. Note: TH correspond à Thématique et TX correspond à Taxonomique La Figure 1 présente les résultats moyens obtenus dans chaque bloc selon l’ordre de présentation des règles : règle thématique en bloc 1 (figure 1a) ou en bloc 2 (figure 1b). Une première ANOVA a tout d’abord été réalisée avec les scores moyens de flexibilité catégorielle comme variable dépendante, l’âge (4) et l’ordre de présentation des règles (2) comme variable indépendante inter sujets et le bloc (2) comme variable indépendante intra-sujets. Les résultats montrent un effet significatif de l’âge (F(3,93) = 10.62 ; p<.0001 ; CMe = 2.49) de l’ordre de présentation (F(1,93) = 26.12 ; p<.0001 ; CMe = 2.49) et du bloc (F(1,93) = 8.53 ; p<.005 ; CMe = 1.46). Les interactions significatives suivantes ont été mises en évidence : Age × Ordre (F(1,93) = 3.41 ; p<.005 ; CMe = 1.46), Ordre × Bloc (F(1,93) = 56.49 ; p<.0001 ; CMe = 1.46) et l’interaction double Age × Ordre × Bloc (F(3,93) = 8.58 ; p<.0001 ; CMe = 1.46), mais pas d’interaction significative entre les facteur Age et Bloc. L’effet d’ordre mis en évidence par cette analyse et les interactions que ce facteur présente avec les autres facteurs d’intérêt rendent difficilement interprétables les effets d’âge et de bloc observés. En effet, les participants n’ayant jamais choisi d’images non associées, les mauvaises performances en bloc 1, dans la condition exigeant d’abord des appariements taxonomiques reflètent des choix thématiques très majoritaires. Les bons scores obtenus dans le bloc 2 par les participants de cette condition ne sont donc pas interprétables en termes de réussite d’une bascule de critère, mais correspondent le plus souvent à la reproduction des associations précédemment sélectionnées (thématiques) non pertinentes dans le bloc 1. Nous avons donc réalisé des analyses distinctes selon le bloc puis la règle à suivre (thématique vs taxonomique). 15 L’analyse du maintien de la règle en bloc 1, c’est à dire avant qu’un changement de règle ne soit imposé, montre une asymétrie entre les deux règles catégorielles, le bloc 1 étant significativement mieux réussi lorsqu’il implique de suivre la règle thématique (M = 5.52, s = 78) plutôt que taxonomique (M = 2.92, s = 2.06 ; t(99) = 8.35 ; p<.0001). Il est à noter que cette asymétrie disparaît à 8 ans (t non significatif). Cette asymétrie conduit, dans la condition où la règle thématique est proposée seulement dans le bloc 2, à des performances meilleures en bloc 2 qu’en bloc 1 masquant tout coût cognitif éventuel lié à la nécessité de bascule. Afin de comparer les performances aux blocs 1 et 2, une ANOVA a donc été réalisée sur la seule moitié de participants ayant d’abord dû suivre la règle thématique. Elle montre un effet significatif de l’âge (F(3,46) = 2.99 ; p<.05 ; CMe = 1.98) ; du bloc (F(1,46) = 13.81 ; p<.0001 ; CMe = 1.11) et une interaction entre ces deux facteurs (F(3,46) = 3.05 ; p<.05 ; CMe = 1.11). Ainsi, les performances s’améliorent avec l’âge et les performances chutent du bloc 1 au bloc 2, mais l’effet du bloc tend à disparaître chez les enfants plus âgés. Des comparaisons post hoc (L.S.D.) montrent que cet effet n’est plus que tendanciel à 7 ans (p = .14) et disparaît totalement à 8 ans (p = .83) suggérant une maîtrise du processus de bascule entre règles sémantiques à cet âge. Les très faibles scores dès le bloc 1 (M = 2.92 sur un maximum de 6) dans le maintien de la règle taxonomique ne permettent pas d’analyser la bascule chez les participants soumis à l’ordre « taxonomique -> thématique ». Deux pistes explicatives peuvent être envisagées pour rendre compte de la faiblesse de ces performances : (a) les enfants échouent au bloc 1 car ils ne reconnaissent pas les associations taxonomiques qui leur sont proposées comme répondant à la consigne fournie ; (b). la difficulté du maintien traduit une défaillance du contrôle descendant fondé sur la consigne explicite parce que l’interférence provenant de la force des associations thématiques est trop importante (cf. introduction ; Scheuner et al., 2004). Bien que nous privilégiions cette deuxième hypothèse, nous avons réalisé une étude contrôle sur un 16 groupe d’enfants d’âge équivalent à celui des plus jeunes participants de l’Expérience 1, afin de s’assurer de la reconnaissance des associés taxonomiques mais aussi thématiques. Expérience 1B : Contrôle Cette expérience contrôle a été réalisée avec 12 enfants de 5 ans (M = 5 ; 5 mois). Elle a consisté à présenter les six cibles utilisées dans la phase test de la tâche de flexibilité sémantique. Il s’agissait de trouver une procédure permettant d’identifier la reconnaissance de l’association dans un contexte ne présentant pas l’interférence d’une possible autre association et sans exigence de bascule entre deux règles d’appariement. Chaque cible était proposée avec trois images : l’associé dont on voulait tester la reconnaissance du lien à la cible (soit l’associé thématique, soit l’associé taxonomique) et deux images non associées à la cible. Les consignes étaient identiques à celles de l’Expérience 1. La tâche était réalisée en deux blocs afin que chaque cible puisse être présentée une fois avec l’associé thématique et une fois avec l’associé taxonomique. Dans chaque bloc un seul type d’association était évalué. L’ordre de présentation des blocs était contrebalancé. Une période de jeu séparait les deux blocs afin de ne pas en faire une mesure de bascule entre deux critères d’appariement. De plus, à la différence de la tâche de flexibilité présentée dans l’Expérience 1, chaque cible était présentée avec des candidats à l’association différents entre les deux blocs. Ce contexte permet d’évaluer la reconnaissance des associations pour chacune des deux règles d’appariements en situation où le maintien du critère d’une cible à la suivante n’exige pas de résister à l’interférence d’un autre candidat à l’association. Les résultats obtenus indiquent une reconnaissance parfaite non seulement des associations thématiques avec 100% des participants sélectionnant les six paires correctes, mais également des associations taxonomiques. La performance moyenne est de 5.75 sélections correctes sur 6 avec seulement deux enfants n’ayant pas un score parfait. 17 Discussion En abordant pour la première fois l’étude du développement d’une utilisation contrôlée de différentes règles catégorielles appliquées aux mêmes objets, cette expérience a permis la mise en évidence du rôle de la nature de ces règles dans la manifestation de la flexibilité. Dans une tranche d’âge où la flexibilité entre deux règles perceptives explicites ne pose plus aucun problème, la flexibilité entre des règles sémantiques générales s’avère difficile. De plus, dans ce dernier cas, les scores sont très contrastés selon qu’il s’agit de basculer d’une règle thématique vers une règle taxonomique ou l’inverse. L’asymétrie de saillance entre les deux types d’associations (Scheuner et al., 2004) conduit à une réelle difficulté de maintien d’une règle taxonomique en présence d’un associé thématique alors que l’inverse ne pose pas de problème particulier aux enfants même les plus jeunes. L’expérience contrôle a permis de montrer que la difficulté du maintien de la règle taxonomique ne résulte pas d’une non reconnaissance des associations taxonomiques surordonnées. Cet échec dès le bloc 1 est donc bien la manifestation d’un défaut de flexibilité lorsqu’on l’envisage dans sa composante de maintien d’un type de réponse en présence de l’interférence liée à une réponse alternative possible. Notons que cette difficulté diminue avec l’âge et disparaît à 8 ans avec 80% des enfants réussissant à maintenir cette règle à une erreur près. Le cas particulier du suivi d’une consigne d’appariement taxonomique révèle un résultat surprenant. Les enfants apparaissent globalement plus performants dans l’utilisation de la règle taxonomique en bloc 2 (après changement de règles) que dans le maintien de l’utilisation de cette règle en bloc 1. Les appariements majoritairement thématique observés lors du bloc 1 (quelle que soit la consigne) reflétant une préférence pour cette conduite de catégorisation dans ce type de tâche (voir par exemple, Blaye & Bonthoux, 2001), on peut faire l’hypothèse que l’échec à maintenir la relation taxonomique en bloc 1 traduirait une 18 difficulté d’inhibition de cette réponse dominante (Dempster, 1993 ; Houdé, 1995). En bloc 2 en revanche, deux hypothèses sont envisageables : soit l’activation d’associations moins saillantes devient possible une fois cette conduite dominante réalisée ; soit les appariements taxonomiques observés en bloc 2 relèvent d’une stratégie d’élimination. En effet, nous pouvons supposer qu’ayant compris la nécessité de modifier leur choix entre les deux blocs et ayant identifié l’image non associée en tant que telle, les enfants choisissent alors la seule image restante : l’associé taxonomique. Des travaux spécifiques devront être conduits pour mettre à l’épreuve ces hypothèses. Les difficultés spécifiques de maintien de la relation taxonomique en présence de l’interférence d’un associé thématique n’ont pas permis d’interpréter les résultats au bloc 2 en termes de capacité de bascule vers un autre critère. Afin de pouvoir étudier cet aspect sur des règles sémantiques, il est apparu judicieux de proposer des règles sémantiques présentant a priori une difficulté conceptuelle moindre que les règles précédentes parce que moins générales, et susceptibles de ne pas donner lieu à une différence de saillance aussi marquée qu’entre règles taxonomique et thématique. Expérience 2A Dans cette expérience des règles sémantiques s’appuyant sur des catégories spécifiques (Jeu des animaux où l’on met ensemble les animaux, jeu du cirque où l’on met ensemble les choses du cirque, etc…), ont été utilisées. L’utilisation de règles sémantiques moins abstraites que dans l’Expérience 1 a rendu pertinente une évaluation de la flexibilité chez des enfants plus jeunes, dès 3 ans. En proposant également la tâche de flexibilité perceptive à ces enfants, une comparaison directe avec les performances obtenues au DCCS (Frye et al., 1995), tâche de flexibilité ne portant que sur deux associations spécifiques de forme et de couleur (cf. introduction) a été rendue possible. 19 Méthode Participants Cette expérience a été réalisée auprès de 100 enfants, 26 de 3 ans (M = 3 ; 6 mois), 26 de 4 ans (M = 4 ; 6 mois), 24 de 5 ans (M = 5 ; 6 mois) et 24 enfants de 6 ans (M = 6 ; 2 mois). Les participants ont été recrutés dans deux écoles maternelle et primaire françaises. Sept autres enfants de 3 ans n’ont pas été retenus pour le test étant donné leur échec lors de la familiarisation de la tâche de flexibilité perceptive Forme/ Couleur. Matériel et Procédure Pour la version perceptive (Forme/ Couleur), le matériel et la procédure étaient identiques à ceux de l’Expérience 1. Pour la version sémantique, seuls les stimuli et les règles changeaient par rapport à l’Expérience 1. Les règles de la version sémantique portaient toujours sur des relations sémantiques taxonomiques et thématiques, mais à un niveau spécifique : une seule catégorie taxonomique (les Animaux) était en jeu dans tous les appariements de la série d’essais et une seule catégorie thématique (le Cirque). Afin de ne pas limiter l’étude à deux catégories spécifiques, deux jeux de stimuli différents ont été utilisés : Animaux/ Cirque et Vêtements/ Eté. La moitié des enfants a passé l’épreuve de flexibilité sur des relations sémantiques avec le matériel « Animaux/ Cirque » et l’autre moitié avec le matériel « Vêtements/ Eté ». L’ordre de présentation des deux règles (Bloc1/ Bloc2) a été contrebalancé entre les participants. Pour chacune des deux versions, 8 images cibles et 8 planches comportant chacune 3 images : un associé taxonomique, un associé thématique et un non associé (cf. Annexe C pour la liste des stimuli utilisés et un exemple d’item) ont été utilisées. Les règles d’appariement données aux enfants ont été construites selon une même structure générale pour les quatre 20 catégories spécifiques (« dans le jeu du cirque/ de l’été, on met ensemble les choses du cirque / de l’été » pour les catégories spécifiques thématiques ; et « dans le jeu des animaux/vêtements, on met ensemble les animaux/vêtements » pour les catégories spécifiques taxonomiques). Résultats L’analyse des choix de l’image non associée à l’objet cible sur chaque planche a permis de s’assurer que les réponses des enfants ne résultaient pas d’un choix au hasard. Sur l’ensemble de l’échantillon, seuls deux enfants de 3 ans ont sélectionné l’image non associée à la cible et jamais plus de deux fois sur une même épreuve. Epreuve de flexibilité catégorielle perceptive (Forme/ Couleur) 6 Scores moyens 5 4 Bloc 1 3 Bloc 2 2 1 0 3 ans 4 ans 5 ans 6 ans Age Figure 2. Scores moyens à la tâche de flexibilité catégorielle perceptive en fonction de l’âge et du bloc. Figure 2. Mean scores of flexibility between perceptual rules as a function of age and block. La Figure 2 montre un effet plafond lors du bloc 1. Cent pour cent des enfants dès 3 ans réussissent le bloc 1 sans dépasser une erreur de sélection. La règle perceptive explicite est donc maintenue même en présence d’un autre critère d’appariement possible et ce, dès 3 21 ans. Une ANOVA a donc été réalisée seulement sur le bloc 2 avec le groupe d’âge (3) – excluant le groupe des 6 ans à variance nulle – en facteur inter sujets. Elle révèle un effet hautement significatif de ce facteur (F(2,73) = 13.10 ; p<.0001 ; CMe = 3.23). Toutefois, seul le groupe des 3 ans diffère significativement des autres groupes d’âge (L.S.D., ps<.001). Epreuve de flexibilité entre des règles sémantiques fondées sur des catégories spécifiques Une première analyse a permis de constater que le facteur matériel (animaux/ cirque versus vêtement/ été) et l’ordre de présentation des règles dans les deux blocs n’ont pas d’effet significatif et n’interagissent significativement avec aucun des autres facteurs. Ces deux facteurs ne sont donc pas pris en compte dans les analyses suivantes. Une ANOVA avec le facteur âge (4) en inter sujets et les blocs (2) en intra-sujets met en évidence une amélioration significative des performances avec l’âge (F(3,96) = 40.73 ; p<.0001 ; CMe = 1.59), une infériorité des performances dans le bloc 2 par rapport au bloc 1 (F(1,96) = 31.20 ; p<.0001 ; CMe = 2.34) ainsi qu’une interaction significative entre les deux facteurs (F(3,96) = 7.42 ; p<.0001 ; CMe = 2.34) (cf. Figure 3). Les comparaisons post hoc sur les groupes d’âge deux à deux montrent que seul le groupe des 3 ans diffère des autres groupes en bloc 1 (L.S.D., p<.001). En bloc 2, les progrès sont significatifs d’une part entre 3 et 4 ans et, d’autre part, entre 4 et 5 ans. Le coût de la bascule entre critères d’appariement (comparaison bloc 1 et bloc 2) n’est significatif qu’à 3 et 4 ans (L.S.D., p<.0001). 22 6 Scores moyens 5 4 Bloc 1 3 Bloc 2 2 1 0 3 ans 4 ans 5 ans 6 ans Age Figure 3. Scores moyens à la tâche de flexibilité catégorielle entre des catégories sémantiques spécifiques, en fonction de l’âge et du bloc. Figure 3. Mean scores in the categorical flexibility task between specific semantic categories as a function of age and block. Une analyse confrontant les performances à propos des deux types de règles (perceptives et sémantiques) a été réalisée. Un effet plafond ayant été observé en bloc 1 sur la tâche de flexibilité Forme/ Couleur, nous présentons donc une ANOVA sur les seules performances en bloc 2. Le facteur âge (3), excluant le groupe des 6 ans à variance nulle sur les règles perceptives, correspond à un facteur inter sujets et le type de règles (perceptive versus sémantique spécifique) constituait un facteur intra-sujets. L’analyse confirme un effet global significatif de l’âge (F(2,73) = 26.20 ; p<.0001 ; CMe = 4.14) mais aussi un effet significatif du type de règles (F(1,73) = 23.17 ; p<.0001 ; CMe = 2.86). Les performances des enfants sont meilleures lorsque les règles sont perceptives plutôt que sémantiques. Aucun autre effet n’est significatif. Les comparaisons post hoc permettent de révéler l’effet du type de règles pour les deux groupes d’enfants les plus jeunes (L.S.D., à 3 et 4 ans : p<.01) ; cet effet cesse d’être significatif à 5 ans. Afin de s’assurer que le décalage dans la réussite aux deux épreuves de flexibilité ne résulte pas d’une non reconnaissance des associations dans le cas des catégories sémantiques 23 spécifiques, nous avons réalisé l’expérience contrôle présentée ci-dessous sur le même principe que celui utilisé dans l’Expérience 1B. Expérience 2B : Contrôle Quatorze enfants de 3 ans (M = 3 ; 6 ans) ont été confrontés aux 6 cibles de la tache de flexibilité sémantique. La formulation de la consigne était identique mais les options de réponses n’offraient plus qu’une seule image associée à la cible et deux images non associées (cf. Expérience 1B). L’interférence liée à une autre association possible était donc ici supprimée. Avec des scores moyens variant de 5.84 à 6 pour chacune des 4 règles catégorielles testées (un seul enfant n’obtenant pas le score maximal pour deux des 4 règles), les résultats révèlent une parfaite reconnaissance des associations proposées. Discussion Cette expérience a permis en particulier de tester la flexibilité catégorielle entre des critères perceptifs chez des enfants de 3 et 4 ans. Bien que nous ayons utilisé une tâche de flexibilité avec des stimuli variés (Aucune cible n’est présentée plus d’une fois dans chaque bloc), à la différence de la tâche de DCCS de Frye et collaborateurs (1995) où seules deux cibles différentes étaient tour à tour présentées dans chaque bloc, nous observons également un progrès significatif entre 3 et 4 ans. Le maintien d’une règle perceptive est réussi dès 3 ans, la bascule vers une deuxième règle sur les mêmes stimuli est maîtrisée à 4 ans. Cette expérience confirme, comme attendu, que l’utilisation flexible de règles catégorielles d’appariement dépend de la nature des règles en jeu. La flexibilité catégorielle pour les règles basées sur les relations sémantiques spécifiques semble se mettre en place plus 24 tardivement que pour les règles perceptives et de manière graduée : c’est d’abord le maintien d’une première règle qui est réussi à 4 ans ; il faut attendre un an de plus pour que la bascule soit correctement réalisée. L’expérience contrôle montre que la reconnaissance des associations spécifiques n’est pas en cause dans le décalage entre les versions sémantiques et perceptives. L’épreuve de flexibilité étant isomorphe à celle proposée dans l’Expérience 1 avec les règles thématique et taxonomique, on peut noter la plus grande précocité des réussites sur cette nouvelle épreuve sémantique. Enfin, contrairement aux effets d’asymétrie observés entre les règles thématique et taxonomique dans l’Expérience 1, aucune différence n’est observée ici entre les règles spécifiques de type taxonomique (Animaux, Vêtements) et de type thématique (Cirque, Eté). Les Expériences 1 et 2 établissent clairement une double gradation : d’une part un fonctionnement flexible d’abord efficient dans sa composante de maintien avant de se manifester dans sa composante de bascule et, d’autre part, une gradation de l’efficience du contrôle, liée à la nature des règles proposées. Concernant ce dernier résultat on ne peut exclure qu’il soit dû pour partie à des différences de complexité linguistique dans l’énoncé des consignes des différentes versions de l’épreuve. Toutefois, l’hypothèse interprétative que nous privilégions est celle d’une sur-détermination de ces deux phénomènes par un facteur de développement conceptuel, plus précisément par la conceptualisation des relations auxquelles renvoient les règles manipulées. En se plaçant dans le cadre Karmiloff-Smith (1992, 1994), on pourrait envisager que l’effet de la nature des règles sur leur utilisation contrôlée soit la manifestation de niveaux de représentations de plus en plus explicites. L’hypothèse défendue par cet auteur correspond précisément à l’idée selon laquelle le système cognitif ne peut réfléchir sur ses propres représentations, et donc faire preuve de flexibilité, que si celles-ci sont suffisamment explicites. Nous envisageons que la moindre flexibilité observée pour certaines règles, résulterait d’une conceptualisation moins explicite de celles-ci. 25 L’Expérience 3 a donc pour objet l’évaluation de la conceptualisation des différents types de règles. En proposant aux enfants, une tâche exigeant une représentation explicite, sans pour autant dépendre de la formulation linguistique des règles, cette expérience a constitué un premier pas dans la mise à l’épreuve de notre hypothèse. Nous attendons donc un décalage entre la conceptualisation des relations perceptives (même forme, même couleur) et des relations sémantiques ; ces dernières devant elles mêmes se différencier avec une conceptualisation plus précoce des relations attachées à une même catégorie sémantique spécifique (« les animaux avec les animaux », « les choses du cirque avec les choses du cirque ») et une conceptualisation plus tardive des relations thématique et taxonomique générales (« les choses que l’on rencontre ensemble », « les choses de même sorte, de la même famille »). L’analyse comparative de la conceptualisation de ces deux dernières relations devrait nous renseigner sur un éventuel retard de la représentation de la relation taxonomique par rapport à la relation thématique. Expérience 3 Cette expérience a eu pour but d’évaluer le développement de la conceptualisation des relations décrites par les règles catégorielles utilisées lors des expériences précédentes. Nous avons mis au point une épreuve ne reposant pas sur un développement de la compréhension des formules linguistiques utilisées pour décrire les relations. Un des moyens traditionnels d’évaluation de la construction d’un concept d’objet (celui d’ « outil » par exemple) consiste à proposer un ensemble d’objets (parmi lesquels des outils) et d’examiner dans quelle mesure les objets relevant du concept étudié sont effectivement regroupés à l’exclusion de tous les autres. On parle alors de tâche de tri. Nous ne nous intéressons pas ici à des concepts d’objets 26 mais à la conceptualisation de relations entre objets. Dès lors, ont été proposés, non plus des exemplaires d’objets mais des exemplaires instanciant la relation étudiée, soit des paires d’images entretenant entre elles une relation donnée. Il s’agissait donc d’une tâche de tri de paires d’images. Afin d’évaluer la représentation de la relation « même couleur », des paires constituées de deux objets de même couleur (par exemple : deux objets rouges, deux objets verts, deux objets bleus, etc…) ont été proposées en même temps que des paires d’objets de même forme et des paires d’objets non associés. Une tâche de conceptualisation a été construite pour chaque niveau des règles d’appariement utilisées lors des Expériences 1 et 2 (perceptif, sémantique spécifique, sémantique général). Méthode Participants Cette expérience a été réalisée auprès de 167 enfants : 23 de 3 ans (M = 3 ; 3 mois), 24 de 4 ans (M = 4 ; 3 mois), 24 de 5 ans (M = 5 ; 5 mois), 48 de 6 ans (M = 6 ; 6 mois), 24 de 7 ans (M = 7 ; 6 mois), 24 de 8 ans (M = 8 ; 6 mois). Tous les enfants ont passé une tâche de conceptualisation de relation perceptive (évaluation de la relation « même forme » pour la moitié des enfants et de la relation « même couleur » pour l’autre) et une tâche de conceptualisation de relation sémantique. Les enfants de 3 à 5 ans ont été évalués sur leur conceptualisation d’une relation sémantique spécifique (soit « le jeu des animaux », soit le « jeu du cirque»). Les enfants de 6 ans ont été répartis en deux groupes de 24, l’un a passé les mêmes épreuves que les enfants plus jeunes, l’autre a passé celles proposées aux enfants plus âgés. Les enfants de 7 et 8 ans et la moitié des enfants de 6 ans ont passé la tâche de conceptualisation portant soit sur la relation taxonomique soit sur la relation thématique. 27 Matériel Pour chaque relation testée, les paires d’images ont été constituées à partir des 6 images cibles et des images associées utilisées dans l’épreuve de flexibilité (Expériences 1 et 2) mettant en jeu cette relation. Chaque image cible donnait lieu à trois paires d’images correspondant respectivement à (a) une paire respectant la relation dont on testait la conceptualisation (par exemple, deux objets de même couleur) ; (b) une paire respectant la relation concurrente (« même forme ») et une paire d’images non associées. Deux nouvelles paires d’images satisfaisant à la relation testée, une nouvelle paire d’images correspondant à la relation concurrente et une nouvelle paire correspondant à une absence de relation ont été utilisées pour servir de modèles au tri demandé. Trois autres paires correspondant à chacun des trois types de relation pour une tâche donnée (testée, concurrente, non associée) ont servi d’items de familiarisation. Les différentes paires utilisées étaient présentées par deux sur des cartes. (cf. Annexe D pour des exemples d’items). Le support de tri formé par un couvercle de carton (que nous appellerons « boîte ») permettait une bonne visibilité des paires modèles et matérialisait la séparation entre les paires correspondant au critère de tri (placées dans la boîte) et celles ne le respectant pas (placées hors de la boîte parce qu’étant des paires d’images non associées ou présentant la relation concurrente). Procédure Chaque enfant a été vu individuellement à l’école, dans une pièce calme. Comme dans les expériences précédentes, la version perceptive supposée plus facile était toujours présentée en premier afin d’optimiser la probabilité de compréhension de la tâche. Quatre paires-modèles étaient d’abord placées par l’expérimentateur (deux paires dans la boîte parce que respectant le critère testé et deux paires hors de la boîte : une paire associée 28 sur l’autre critère et une paire d’images non associées). Ces 4 paires-modèles restaient visibles tout au long de l’épreuve. L’enfant devait trier (dans la boîte versus hors de la boîte) les autres paires d’images. On expliquait que les deux cartes dans la boîte avaient été mises ensemble dans cette boîte parce qu’elles jouaient « au même jeu », les images sur les cartes « vont bien ensemble de la même façon ». Il s’agissait de mettre dans cette boîte les cartes où les images « vont ensemble de la même façon » que celles sur les modèles. Les autres cartes devaient être placées hors de la boîte. Aucune formulation verbale explicite qualifiant la relation dont on évalue la conceptualisation, n’a été donnée. Les enfants devaient inférer la règle de tri à partir des paires-modèles placées par l’expérimentateur. Les cartes posées par l’enfant étaient placées à l’envers afin de limiter l’influence d’un placement sur le suivant. Après trois items (un de chaque type) avec feed-back correcteur et rappel du principe de tri, 18 paires-tests étaient proposées à l’enfant dans un ordre quasi-aléatoire fixe. La procédure et les consignes étaient identiques pour les évaluations de toutes les relations (couleur, forme, animaux, cirque, relation taxonomique et relation thématique). Résultats L’épreuve de conceptualisation des critères forme ou couleur proposée en premier à l’ensemble des participants a permis d’écarter les protocoles de quelques enfants ne comprenant manifestement pas la nature de la tâche. Cette incompréhension se manifestait par deux types de conduites : soit toutes les cartes (à une carte près) étaient placées dans la boîte, soit toutes les cartes étaient placées hors de la boîte. Ce critère nous a conduit à ne pas prendre en compte les performances de 6 enfants de 3 ans, 6 de 4 ans et 1 de 5 ans. Deux emplacements seulement étant possibles pour chaque paire d’images, il est apparu important de coter les réponses en tenant compte du hasard. Ainsi, nos analyses ont porté sur les fréquences de participants produisant des performances supérieures au hasard 29 lors du rangement des 18 paires d’images. On a donc considéré que tout score supérieur à 13 (loi binomiale, p<.05) correspondait à la manifestation d’une conceptualisation de la relation testée. La Figure 4 permet d’observer l’évolution développementale des performances chez les enfants de 4 à 6 ans d’une part, (ayant passé l’épreuve de conceptualisation des relations perceptives et sémantiques spécifiques) et ceux de 6 à 8 ans d’autre part (ayant passé 100 Nombre d'enfants (%) Nombre d'enfants (%) l’épreuve de conceptualisation des relations perceptives et sémantiques générales). 80 60 40 20 0 100 80 60 40 20 0 3 4 5 6 6 Age perceptive (a) 7 8 Age specifique perceptive thématique taxonomique (b) Figure 4. Pourcentages d’enfants obtenant un score supérieur au hasard ans l’épreuve de conceptualisation selon l’âge et le type de relations évaluées : (a) pour les enfants de 3 à 6 ans : relations perceptives et sémantiques spécifiques et (b) pour les enfants de 6 à 8 ans : relations perceptives et sémantiques générales. Figure 4. Percentages of children who performed above chance as a function of age and type of relation : (a) 3-to-6-years old children : perceptual and specific semantic relations and (b) 6-to-8-years old children : in perceptual and general semantic relations. L’analyse des données pour les relations perceptives ne révèle aucune différence entre la conceptualisation de la relation « forme » et de la relation « couleur » que nous traitons donc de manière confondue. On observe une augmentation significative des performances entre 3 et 4 ans, Χ²(1) = 5.53 ; p<.02. Mais il n’apparaît plus de différence significative de performances entre 4 et 5 ans, ni pour les groupes plus âgés. La tâche de conceptualisation des relations perceptives ne présente donc plus de difficulté à partir de 4 ans. 30 Concernant la conceptualisation des relations sémantiques associées à une catégorie spécifique, les résultats ne montrent pas d’effet de la catégorie spécifique utilisée (Animaux versus Cirque) qui sont donc traitées simultanément. On observe un effet de l’âge, Χ²(3) = 28.94 ; p<.0001. Le nombre de participants réussissant l’épreuve augmente significativement avec l’âge, entre 3 et 4 ans (Χ²(1) = 3.54 ; p<.03)4, ainsi qu’entre 4 et 5 ans (Χ²(1) = 3.66 ; p<.03)4. Les résultats pour la conceptualisation de relations sémantiques thématiques et taxonomiques mettent en évidence un effet significatif du type de relation. Davantage d’enfants manifestent une conceptualisation lorsque la relation est thématique (97% des participants) que lorsqu’elle est taxonomique (75% ; Χ²(1) = 7.43 ; p<.01). En revanche, nous n’observons pas d’effet global de l’âge. L’existence d’un effet du type de relation invite à étudier l’effet de l’âge pour chacune des relations. Pour la relation thématique, aucun effet d’âge n’est observé car la conceptualisation de cette relation semble en place, selon notre critère, dès 6 ans. Concernant la relation taxonomique, les données révèlent une évolution des performances avec l’âge (Χ²(2) = 6.22 ; p<.05) : 50% seulement des participants de 6 ans réussissent à conceptualiser la relation taxonomique alors qu’ils sont 83,3% à 7 ans et 91,7% à 8 ans5. Discussion Cette troisième expérience a permis d’évaluer la conceptualisation des différentes relations en jeu dans les tâches de flexibilité des deux expériences précédentes. Il s’agissait de tester l’hypothèse selon laquelle une hiérarchie développementale dans la conceptualisation 4 Le Chi deux teste des hypothèses bilatérales, toutefois dans la mesure où nous avions des hypothèses orientées concernant les différences d’âge, nous utilisons (après Howell, 1998) des seuils unilatéraux. 5 Nous avons réalisé une ANOVA avec les facteurs Age et Type de relation sur les scores moyens pour chaque version de l’épreuve. Les résultats confirment ceux obtenus avec l’analyse des fréquences de participants faisant preuve d’une réussite globale à la tâche. Nous avons choisi de présenter l’analyse des fréquences, car trois types de cartes étant proposés au tri, un même score moyen peut refléter de multiples profils de réponses. 31 des relations perceptives et sémantiques devait être observée. Les données corroborent cette prédiction. On assiste à un développement de la conceptualisation des relations perceptives (Forme et Couleur) entre 3 et 4 ans. Une réussite plus tardive en conceptualisation de relations sémantiques spécifiques (Animaux et Cirque) est observée, les performances continuent d’augmenter jusqu’à 5 ans. Enfin, l’évaluation de la conceptualisation des relations taxonomiques et thématiques entre 6 et 8 ans révèle une plus grande difficulté pour la relation taxonomique que pour la relation thématique. La réussite est totale dès 6 ans si la relation est thématique alors que la conceptualisation de la relation taxonomique continue de s’améliorer jusqu’à 8 ans. Ce dernier décalage entre conceptualisation de la relation thématique et taxonomique, associé à la gradation attendue entre les trois niveaux de règles, fait de la conceptualisation un candidat privilégié pour rendre compte de la difficulté de maintien d’une règle, puis de bascule, dans l’épreuve de flexibilité. Nous avons en effet observé ce même type de décalage dans l’épreuve de flexibilité de l’Expérience 1 entre les deux règles sémantiques générales et la même hiérarchie quant au développement de l’utilisation flexible des trois niveaux de règles. Discussion générale Cette recherche visait à rendre compte du développement chez l’enfant de l’utilisation contrôlée et flexible de règles de catégorisation. Nous avons voulu montrer que la flexibilité catégorielle dépendait pour une part au moins, du développement conceptuel et en particulier de la représentation des critères (ou règles) de catégorisation. Pour ce faire, les Expériences 1 et 2 ont comparé le développement de la flexibilité catégorielle à propos de divers types de critères de catégorisation : perceptifs, sémantiques spécifiques et sémantiques généraux. Les données établissent une hiérarchie développementale selon les types de règles montrant ainsi 32 que la maîtrise de la flexibilité varie de 4 à 8 ans selon le type de règles à mettre en œuvre (les règles variant en terme de difficulté conceptuelle et par conséquent en terme de complexité linguistique). La moindre complexité des stimuli utilisés dans la version perceptive comparativement à celle présentée dans les versions sémantiques pourrait elle rendre compte de la réussite plus précoce à cette version perceptive ? Différents résultats empiriques plaident contre cette éventualité. D’une part, Bialystok et Martin (2004, Expériences 1 et 3) ont montré que deux variantes du DCCS (Frye et al.,1995) ne différant que par la complexité perceptive des stimuli présentés (des ronds et des carrés pour l’une et des fleurs et des lapins pour l’autre) entraînent des performances équivalentes chez des enfants de 4 et 5 ans. D’autre part, les données présentées ici ont permis de montrer une réussite plus précoce à la version sémantique spécifique qu’à la version sémantique générale. Or les stimuli utilisés lors de ces deux versions présentent strictement la même complexité perceptive. La différente de complexité perceptive ne peut donc à elle seule expliquer la hiérarchie développementale observé entre les trois épreuves de flexibilité catégorielle. De plus, en évaluant directement la conceptualisation des différentes règles, l’Expérience 3 révèle un parallélisme entre niveaux de conceptualisation des règles au cours du développement et utilisation flexible de ces règles. On observe dans les deux cas, une maîtrise des règles perceptives de forme et de couleur puis des règles sémantiques spécifiques relevant d’une catégorie sémantique donnée et enfin seulement des règles sémantiques générales. Pour ces dernières, en conceptualisation comme en flexibilité, un décalage apparaît dans l’appréhension d’une règle taxonomique par rapport à la règle thématique. De l’accès à des représentations multiples à la flexibilité catégorielle 33 Nous avons rappelé que les jeunes enfants acceptaient très tôt (dès 3 ans au moins) des appariements multiples pour un même objet cible, appariements pouvant relever de relations sémantiques thématiques ou taxonomiques. Les données recueillies ici révèlent que l’utilisation contrôlée de consignes exigeant tour à tour une série d’appariements thématiques et taxonomiques sur un même matériel, n’est véritablement réussie qu’aux alentours de 8 ans. Cette apparente discordance n’a rien de paradoxal si l’on envisage les différences de niveaux de contrôle et de conceptualisation que requièrent respectivement les tâches d’appariements multiples et notre épreuve de flexibilité catégorielle. Dans les premières, les participants peuvent se laisser guider par les amorces sémantiques que constituent les images présentées simultanément : Les réponses sont alors produites sous le contrôle ascendant des associations spécifiques soumises au traitement. Un élément confortant cette interprétation a été la démonstration du fait que la force relative (saillance) des deux associations proposées au choix pour une même image prédit au moins en partie l’association retenue en premier (Scheuner et al., 2004). Cette possibilité de fonctionnement avec un contrôle descendant minimal va de pair avec la faible exigence en matière de conceptualisation. Les divers appariements produits sont codés par le chercheur du point de vue du type de relation qu’ils exemplifient. Un enfant ayant tour à tour associé un chien avec une laisse puis avec un crocodile est considéré comme ayant fait preuve d’un appariement thématique et d’un appariement taxonomique pour le même objet, donc d’une forme de flexibilité de réponses. Toutefois, ce contexte de tâche n’exige en aucune façon la conceptualisation explicite (Karmiloff-Smith, 1992, 1994) de la nature de la relation (thématique/taxonomique) que l’on instancie à travers un appariement particulier. Les représentations mobilisées peuvent rester au niveau des associations spécifiques sans faire intervenir la nature des relations sousjacentes. Par contraste, nous avons décidé ici, d’étudier la flexibilité catégorielle dans une situation plus exigeante, celle de l’utilisation contrôlée de règles d’appariements imposées 34 sous forme de consigne. Le contrôle requis est ici un contrôle descendant, guidé par les consignes, qui ne doit pas se laisser distraire par les amorces interférentes que constituent les associations proposées ne répondant pas à la consigne (présence d’une image associée thématique de la cible alors que la consigne exige un appariement taxonomique). Les données obtenues confortent l’hypothèse de l’exigence de ce contrôle et démontrent l’existence de deux niveaux de contrôle descendant dissociables. Elles suggèrent également l’implication de la conceptualisation des règles correspondant aux consignes. Ces deux points vont maintenant être envisagés tour à tour. Deux composantes de la flexibilité catégorielle L’épreuve utilisée, présentée sous la forme de deux séries d’appariements devant répondre à des critères différents, a permis de dissocier d’une part (a) la capacité à contrôler le maintien d’une règle d’appariements sur des stimuli bivalents, se prêtant à la mise en œuvre d’un autre critère et d’autre part (b) la capacité de basculer pour les mêmes objets sur un autre règle d’appariement. Ce deuxième aspect met en jeu, outre la capacité de maintien d’un critère, celle d’inhiber les associations sélectionnées dans la première série d’essais et d’activer de nouvelles associations répondant à la nouvelle consigne. Les travaux de Zelazo et ses collaborateurs (e.g. Zelazo et al., 2003) avaient déjà établi avec des règles perceptives, pour des stimuli peu variables, un maintien d’une première règle d’appariement plus précoce que la réussite de la bascule vers un second critère (voir aussi Chevalier & Blaye, sous presse). Nos données généralisent ces premiers résultats pour des règles perceptives à propos de stimuli variables et montrent que cette double maîtrise (maintien et bascule) est à re- 35 construire au cours du développement pour chaque nouveau niveau6 de règles avec le même décalage en faveur du maintien. L’expérience 3 a montré que chacun de ces niveaux renvoie à des domaines de connaissance dont les degrés d’explicitation diffèrent. La répétition de cette hiérarchie (maintien puis bascule) avec un décalage temporel selon les types de règles est compatible avec la proposition de Karmiloff-Smith (1992, 1994) qui rejetant une vision du développement en stades transversaux propose une conception où l’on conserve une succession stable d’étapes pouvant se mettre en place de manière partiellement indépendante (donc non synchronisée) en fonction des domaines. Ainsi le maintien d’une règle perceptive est acquis à 3 ans alors que la bascule n’est complètement maîtrisée qu’à 4 ans. Pour les règles sémantiques spécifiques testées, le maintien est acquis à 4 ans alors que la bascule l’est à 5 ans seulement. Pour les règles thématiques et taxonomiques générales, l’écart entre les deux règles, sur lequel nous reviendrons, montre une maîtrise globalement plus tardive du maintien des relations thématique et taxonomique et a limité la possibilité d’étude des capacités de bascule dans le cas de ces règles sémantiques générales : le maintien de la règle taxonomique n’étant possible qu’à 8 ans, la bascule vers la règle thématique ne peut être considérée comme telle, notons tout de même que dans la situation inverse, la bascule est réussie à 8 ans. Flexibilité catégorielle et conceptualisation des règles catégorielles à mettre en œuvre Les décalages observés concernant les âges de réussite aux trois épreuves de flexibilité – de l’âge de 4 ans pour les règles forme et couleur à l’âge de 8 ans pour les règles thématiques et taxonomiques – démontrent l’intervention d’aspects conceptuels dans la mise en œuvre d’un fonctionnement flexible. Alors que les trois épreuves répondent à une même 6 L’expression de « niveau de règles » plutôt que celle plus neutre de « type de règles » est employée ici en référence aux résultats de l’expérience 3 montrant que les trois types de règles étudiées renvoient effectivement à des niveaux de conceptualisation différents. 36 structure de tâche - un critère d’appariement doit être maintenu (bloc 1) puis ignoré (bloc 2) alors même que chaque cible est potentiellement appariable à une autre image associée qui ne correspond pas à la règle imposée par la consigne -, ces trois épreuves présentent manifestement des coûts de gestion gradués. L’épreuve de tris de paires d’images proposée dans l’Expérience 3 a permis de révéler une gradation très similaire concernant la conceptualisation des trois types de règles que nous avions classées a priori en fonction de leur degré d’abstraction. On retiendra en particulier le caractère tardif de la conceptualisation de la règle taxonomique (vers 8 ans) alors même que l’expérience contrôle mesurant la connaissance des associations spécifiques relevant de cette règle est parfaite dès 6 ans. Ces résultats corroborent, par une méthode nouvelle, ceux obtenus précédemment dans des tâches de multi appariements (Blaye, 2001 ; Blaye & Bonthoux, 1999 ; Bonthoux, 2001) ou de tri libre d’images (Blaye & Bernard-Peyron, 1997 ; Bernard-Peyron, 2000 ; Blaye, Bernard-Peyron & Bonthoux, 2000 ; Blaye, Bernard-Peyron, Paour & Bonthoux, 2006). Ces travaux ont en effet mis en évidence à travers différents types de mesures (justifications ; recherche d’intrus) qu’en dépit de la production très précoce d’appariements taxonomiques, les représentations mentales des catégories taxonomiques surordonnées ne deviennent comparables à celles des adultes qu’aux alentours de 8-9 ans. La grande similitude entre les deux séquences développementales sur l’épreuve de flexibilité d’une part, et l’épreuve de conceptualisation d’autre part renforce la plausibilité de notre hypothèse initiale. Selon cette hypothèse une bonne conceptualisation de la règle à suivre, en termes de représentation des appariements spécifiques auxquels cette règle renvoie, réduit le coût du contrôle lié à la résistance à l’interférence des associations non pertinentes. Il reste qu’une autre interprétation pourrait rendre compte de la gradation obtenue. Bialystok et Martin (2004) ont envisagé les moindres performances en flexibilité sur des règles 37 sémantiques en termes d’une plus grande complexité représentationnelle en jeu. Leur hypothèse interprétative porte sur la nécessité d’un traitement plus profond pour détecter la propriété sémantique sur un objet cible que pour identifier la possession d’une propriété perceptive de couleur ou de forme. Nos expériences contrôles (1B et 2B) ont établi que les plus jeunes enfants de nos deux populations d’étude étaient parfaitement en mesure d’identifier ces relations sur les images spécifiques qui leur étaient proposées. Il semble donc que la difficulté conceptuelle soit d’un autre ordre et ne se manifeste que dans l’épreuve de flexibilité, plus coûteuse sur le plan du contrôle. Cette difficulté conceptuelle est liée à la représentation de la règle commune à la série d’appariements, formulée explicitement dans la consigne à chaque essai et supposée imposer le maintien d’un critère dans un premier bloc et la bascule sur un autre critère dans un second bloc. Les travaux de Zelazo et ses collaborateurs (Zelazo et al., 2003) nous ont alerté sur le fait que spécifier verbalement le critère à respecter (on joue au jeu de la couleur ; les bleus vont avec les bleus ; les rouges vont avec les rouges par exemple) à chaque essai n’est pas suffisant pour permettre aux enfants de 3 ans de basculer et maintenir un nouveau critère d’appariement. Mettre en œuvre une même consigne à propos d’associations spécifiques diverses implique de reconnaître chaque association spécifique comme correspondant ou au contraire violant la relation commune à mettre en œuvre pour l’ensemble des appariements. Les résultats de l’Expérience 3 montrent précisément que réussir à mettre en lien diverses associations spécifiques d’images sous une même relation englobante est le plus difficile pour les règles que les enfants arrivent à utiliser le plus tardivement de manière flexible. De nouvelles recherches évaluant le niveau de conceptualisation et la flexibilité sur les mêmes participants sont maintenant souhaitables. La synchronie obtenue entre la conceptualisation de la relation commune et son utilisation flexible dans les conditions de contrôle les plus exigeantes (bloc post bascule) correspond à nos attentes. Les expériences 38 contrôles (1B et 2B) montrent que les enfants reconnaissent chacune des associations spécifiques testées comme répondant à la consigne. Pour autant, en situation où plusieurs associations parfois de force inégale sont proposées à la sélection (Expérience 1A et 2A, performances obtenues par les enfants en bloc 2), le contrôle descendant est suffisamment maintenu seulement par les enfants ayant une représentation suffisamment explicite (Expérience 3) de la relation commune englobant les différentes associations spécifiques. Pour les autres, c’est un contrôle ascendant qui prend le relai. Notons que cette analyse diffère de celle proposée par Zelazo pour rendre compte de l’échec des enfants de 3 ans dans l’épreuve du DCCS. Zelazo considère en effet que la difficulté de bascule des enfants de 3 ans résulte de leur incapacité à raisonner sur l’enchâssement de deux niveaux de règles conditionnelles : un premier niveau spécifiant « le jeu » auquel on joue (SI jeu de la couleur ALORS…) et un second niveau précisant la paire de règles à appliquer dans ce jeu en fonction des propriétés des stimuli (SI bleu ALORS avec bleu versus SI rouge ALORS avec rouge). Notre étude montre clairement que la prise en compte du seul nombre d’enchâssements n’est pas suffisante à prédire le niveau de difficulté rencontré, puisque les trois tâches de flexibilité catégorielle utilisées ici présentent la même structure. L’importance de la prise en considération conjointe des aspects conceptuels et exécutifs dans l’interprétation des conduites cognitives à été mise en évidence, à propos d’autres types de tâches, dans des travaux récents, évoqués ci-après. Développement conceptuel et contrôle La psychologie du développement a montré au cours de la dernière décennie un intérêt tout particulier pour le développement des mécanismes de contrôle. Le modèle de Dempster (1992, 1993) en particulier mais également les propositions théoriques de Houdé (1995) ou de 39 Harnishfeger & Bjorklund (1994) ont accordé une place centrale à l’inhibition pour rendre compte du développement cognitif. La convergence de cet intérêt avec le développement important des travaux en neuropsychologie développementale centrés sur le développement des fonctions exécutives parmi lesquelles inhibition et flexibilité cognitive a contribué à minimiser le poids du développement conceptuel. Pour autant, le contrôle ne s’exerce pas à vide : on ne contrôle bien que ce que l’on conceptualise clairement (cf. par exemple, Houdé, 2000 ; Perret, 2004 ; Towse, Lewis & Knowles, 2007). Ainsi, il est intéressant de noter dans une étude très récente (Ellis & Oakes, 2006) portant sur des bébés de 14 mois, l’analyse de l’interaction entre développement conceptuel et contrôle. Cette étude révèle avec une toute autre méthode que la nôtre (tâche de touchers séquentiels), que les bébés capables de catégorisation d’un même ensemble d’objets selon deux critères différents, manifestant donc une forme de flexibilité, sont ceux présentant une meilleure conceptualisation du domaine, à un niveau plus abstrait, mesurée ici par la capacité de catégorisation au niveau sur-ordonné et possédant un meilleur niveau de vocabulaire réceptif. Nous avions nous-mêmes montré dans un domaine connexe, celui de la tâche de quantification d’inclusion des classes Piagétienne, comment niveau de contrôle et conceptualisation étaient étroitement liés (Perret, Paour, & Blaye, 2003). Une interprétation purement exécutive de cette tâche consiste à souligner la nécessité d’inhiber un schème non pertinent, celui de la comparaison des cardinaux des deux sous-classes, afin de répondre à l’exigence de la question (Y-a-t-il plus de marguerites ou plus de fleurs ?) et comparer l’une des sous-classes à la classe emboîtante. Par un dispositif d’amorçage négatif, nous avons montré que la nécessité d’inhibition du schème de comparaison horizontale n’était présente que chez les enfants présentant le niveau de conceptualisation le plus faible : ceux n’ayant qu’une compréhension empirique de l’inclusion et pas chez ceux en ayant une compréhension 40 logique. Cet exemple illustre ainsi la variation du niveau de contrôle exigé dans une même tâche en fonction de la maîtrise conceptuelle. Pour conclure, nous considérons que la compréhension du développement de la flexibilité catégorielle, et plus largement d’un fonctionnement de plus en plus adapté avec l’âge, doit s’envisager dans une approche intégrative visant à rendre compte des différents niveaux d’interaction entre développement conceptuel et capacités de contrôle. Références bibliographiques Barsalou, L. W. (1993). Flexibility, structure, and linguistic vagary in concepts: Manifestations of a compositional system of perceptual symbols. In M.A. Conway & P.E. Morris (Eds.), Theories of memory. Hillsdale: Erlbaum. Bauer, P. J., & Mandler, J. M.(1989). Taxonomies and triads: Conceptual organization in oneto two-year-olds. Cognitive Psychology, 21, 156-184. Bernard-Peyron, V. (2000). 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Stimuli used in the categorical flexibility task using perceptual rules and one sample item (Experiment 1 and 2) Cible Associé couleur Associé forme Non associé 46 Carré rouge Rond bleu Ovale rose Trapèze orange Triangle violet Hexagone marron Hexagone rouge Triangle bleu Etoile rose Rectangle orange Rond violet Carré marron Carré violet Rond jaune Ovale vert Trapèze bleu Triangle rouge Hexagone orange Trapèze orange Hexagone rose Rectangle jaune Etoile rose Ovale marron Triangle bleu (Le motif rayé représente la couleur rouge, le pointillé, le violet et le blanc, l’orange). Annexe B. Stimuli utilisés dans l’épreuve de flexibilité catégorielle entre règles sémantiques générales et un exemple d’item (Expérience 1) Appendix B. Stimuli used in the categorical flexibility task using general semantic rules and one sample item (Experiment 1) Cible Moto Tigre Gâteau Maillot de bain (fille) Fleur Ballon de foot Associé Taxonomique Associé Thématique Avion Casque Canard Cage Carotte Bougie Veste Canot gonflable Champignon Arrosoir Corde à sauter Footballeur Non associé Pomme Raisin Scie Cuillère Téléphone Fourchette 47 Annexe C. Stimuli utilisés dans l’épreuve de flexibilité catégorielle entre règles sémantiques spécifiques et un exemple d’item (Expérience 2) Appendix C. Stimuli used in the categorical flexibility task using specific semantic rules and one sample of item (Experiment 2) Version Animaux/ Cirque Cible Lion Cheval Lapin Colombe Otarie Singe Associé Taxonomique Associé Thématique Rat Dompteur Autruche Ecuyère Poisson Chapeau Tortue Magicien Cochon Ballon Chat Trapèze Non associé Crayon Palmier Pince à linge Lampe Tulipe Réveil Associé Taxonomique Associé Thématique Echarpe Cornet de glace Chaussette Coquillage Robe Soleil Bonnet Parasol Pull Bouée Pantalon Chaise longue Non associé Enveloppe Ampoule Ciseaux Téléphone Four Clou Version Vêtements/ Eté Cible T-shirt Casquette Short Sandale Slip de bain (garçon) Robe d’été Annexe D. Exemples d’items utilisés dans les épreuves de conceptualisation (Expérience 3) 48 Appendix D. Samples items used in the conceptual tasks (Experiment 3) Version perceptive (Forme ou Couleur) Version sémantique spécifique (Animaux ou Cirque) Version sémantique générale (Taxonomique ou Thématique) (Le motif rayé représente la couleur rouge, le pointillé le violet et le blanc l’orange). 49