Tour pour une Europe Soutenable
Transcription
Tour pour une Europe Soutenable
Tour pour une Europe Soutenable Le « Sustainable Europe Tour (SET) » ou « Tour pour une Europe Soutenable » est un groupe de 28 activistes, musiciens ou artistes qui fait la promotion d’une Europe plus écologique. Après deux semaines de préparation, nous avons voyagé pendant deux mois dans 15 pays pour présenter des idées politiques nouvelles, montrant une vision globale des problèmes environnementaux et sociaux et des alternatives possibles. On a tenté de montrer qu’agir sur le terrain était en fait très plaisant et qu’il existe d’autres moyens d’être heureux que d’acheter toujours plus au supermarché. Nous avons essayé d’intégrer notre message dans toute une gamme d’évènements culturels : concerts de musique avec amplification par panneaux solaires et éolienne, théatre de rue, danses folk, exposition peinte par des artistes. L’exposition expliquait divers problèmes environnementaux ainsi que diverses solutions. Le texte était changé selon la langue du pays. Dans chaque centre-ville, nous l’avons déplié pendant une ou deux journées en présentant les différents panneaux dans des tours d’exposition à des groupes de 5 à 40 personnes suivant les lieux. Dans chaque lieu, nous présentions aussi des ateliers sur des thèmes très variés : villes soutenables; action directe non violente; alternatives économiques (Système d’Echange Local, coop-bio; etc...); actions anti-voitures; consumérisme, déchets et produits écolos; médias et communication; femmes et médias... Suivant les groupes locaux, nous participions à des actions dont une large part était sur le thème du transport. Pendant trois semaines nous avons préparé le tour près de Freiburg en Allemagne. Chaque matin, après un réveil en musique, ceux/celles qui arrivaient à se lever participaient au « morning sport » (exercices du matin) avant de plonger dans le lac. Puis après le petit déjeuner, commençait la frénésie de la préparation : finir l’expo, préparer des scènes de théatre de rue (c’est dommage, on n’a jamais présenté ce show où tout un groupe d’énergumènes tombe amoureux d’une voiture, ce qui finissait par une scène d’amour collectif avec la chose) préparer et répéter les morceaux du concert, bricoler toutes les questions techniques, faire la paperasse, les contacts avec les groupes locaux, participer à la bouffe ou à la vaisselle, faire la fête. Nous étions éreintés, mais le 24-25 mai nous avons pu présenter notre exposition et faire du théâtre dans les rues de Freiburg, nous avons pu faire notre concert et présenter quelques idées dans un grand centre et bar écolo. Après deux jours de repos et une journée et une nuit de préparatifs, nous sommes partis vers l’Ecosse à 18 dans nos deux minibus avec remorques. En pleine tempête, nous sommes arrivés à la communauté « Talamh » près de Glasgow qui nous accueillait dans le cadre d’un séminaire des communautés britanniques. Le lendemain l’éolienne tournait à pleine puissance dans le centre de Glasgow permettant de produire, avec les panneaux solaires, l’électricité pour les musiciens. Le théâtre de rue a débuté : deux dompteurs à échasses qui essayaient de tenir en laisse deux monstres composés de déchets d’électronique, de tétras pak et de cannettes de coke. La communauté Talamh est le siège d’un groupe d’action « le banana bunch » principalement axé sur les problèmes de transport. Avec eux nous avons participé à une action de blocage d’un croisement toujours encombré du centre du centre de Glasgow. Certains manifestants étaient déguisés en petits bonhommes verts (ils traversaient tous ensembles au son des tambours en criant « green man !! »), d’autres étaient déguisés en éclopés, en vieilles dames, en « bagnoles folles » (ils/elles portaient des grands chapeaux en forme de voitures et traversaient erratiquement et bruyamment), il y avait aussi trois « échassiers » en costard cravate et un grand poisson dont seule la structure métallique est restée après la matinée de pluie. Toute cette bande d’une soixantaine de personnes traversait joyeusement pendant que le bonhomme était vert, mais en traînant parfois. Le résultat a rapidement été un gigantesque embouteillage dans cette zone sinistre pleine de bretelles d’autoroute à laquelle nous apportions un peu de gaieté. La police est rapidement arrivée nous interdisant de traverser même quand nous avions théoriquement le droit. L’action s’est terminée dans le pub du coin. Une personne a été arrêtée mais a rapidement été relâchée. Le soir nous sommes allés à « l’état libre de Pollock », qui est un lieu qui a été le théâtre d’évènements très durs pour stopper la construction d’une autoroute. Comme dans de nombreux autres sites d’occupation en Grande-Bretagne, les activistes ont bénéficié du soutien de la population locale (sous forme de nourriture et de matériel), des groupes d’enfants ont même fait la grève de l’école pour les soutenir ! Il faut dire que les actions ont nécessité beaucoup de courage. Les activistes ont vécu dans des maisons dans les arbres plusieurs hivers et ont parfois risqué leur vie pour barrer la route aux bulldozers. Les maisons dans les arbres ont l’avantage de rendre les activistes hors d’atteinte et juridiquement plus durs à expulser car, grâce à une jurisprudence, la procédure est aussi complexe que pour une expulsion de maison. L’autoroute est maintenant en train d’être construite, mais elle fait un crochet pour éviter le village des irréductibles qui continue à vivre alors que la lutte est terminée. Après Glasgow nous sommes allés à Lancaster dans le Nord-Ouest de l’angleterre. Là encore nous avons présenté notre expo, notre théâtre de rue, notre concert, après la première expérience de Glasgow, le programme a commencé à bien fonctionner. Nous sommes intervenus dans des écoles. Nous avons bloqué une route bordant une école en faisant traverser les enfants sous notre protection avec des panneaux représentant des feux de signalisation. Les enfants ont adoré. Nous avons aussi occupé un grand parking presque vides avec deux classes d’écoles en jouant de la musique pour faire pression pour transformer ce parking en parc. Nous sommes ensuite allés à Bristol dans le Sud-Ouest de l’angleterre. Là nous avons participé à une action appelée « Reclaim the streets » (reprendre les rues). Dans ce type d’action, une rue est occupée par les habitants pour y faire la fête. Des affiches appellent à un grand rassemblement en un point de la ville et tout le groupe se déplace jusqu’au lieu d’occupation. Seules 2 ou 3 personnes sont au courant du lieu d’occupation pour éviter d’informer la police. A Bristol, nous étions un millier à faire ainsi la fête sur une voie rapide. De la musique frénétique « rave » était diffusée par notre sono alimentée à l’énergie solaire. La musique avait le défaut de sauter parfois (par excès d’électricité solaire !) pour le grand plaisir des percussionnistes, des danseurs folks, des musiciens et danseurs des pays de l’Est qui pouvaient se faire entendre. De nombreuses personnes étaient déguisées. Une des formations les plus intéressante était une grande « sono à pédales » qui diffusait discours et musique. Deux personnes devaient se relayer pour pédaler sur un tandem qui permettait de fournir l’énergie nécessaire au moyen d’un alternateur. Ce tandem était lui-même accroché à six autres vélos pour former une espèce de grand char capable de se déplacer, décoré par de nombreuses constructions en papier mâché et métal. Tout le monde dansait. Presque tout le monde a signé une pétition que nous diffusions contre les constructions d’autoroutes en Europe. Nous nous sommes aussi rassemblé contre l’extension d’une carrière dans un parc magnifique. Nous étape suivante fut Narbeth dans le Pays de Galle. La côte dans ce coin là a récemment été sinistrée par une énorme marée noire - une autre conséquence indirecte du trafic routier. Dans une ville touristique de la côte, cela fait six mois que les gens ramassent les boulettes de goudron qui sont ramenées chaque jour par les marées. Quand on regarde de loin, les zones nettoyées semblent correctes. De près, plus rien ne grouille sous les rochers ou dans les mares, c’est vraiment propre ! Ce désastre a porté un grand coup à la population locale, les enfants notamment étaient extrêmement intéressés par nos discours environnementaux. Nous leur avons présenté des ateliers sur les énergies renouvelables, sur les déchets ou sur les transports. Pendant une journée très enrichissante nous avons aussi présenté divers ateliers aux adultes notamment sur l’action directe non violente. Nous sommes ensuite allés dans le Nord des Pays-Bas à Groningue. Nous avons encore présenté l’expo, fait de la musique dans un parc. Nous avons fait un théâtre de rue où nous fermions de façon officielle le parc aux mobylettes avec de faux politiciens et de faux et vrais journalistes. Groningue est une ville parmi les plus agréables aux Pays-Bas avec une quasi-impossibilité d’accéder au centre-ville en voiture et un taux d’utilisation des vélos parmi les plus élevés. Pourtant la fermeture de certaines voies aux autos amène une baisse du trafic mais parfois aussi un transfert du trafic sur d’autres routes. C’est sur une de ces routes que nous avons agi en traversant sans arrêt sur les passages cloutés pour bloquer un croisement. Nous formions un grand cercle d’environ 200 personnes. Puis nous sommes allés à Szczecin en Pologne (impossible à prononcer). Les gens étaient très intéressés par l’exposition et nos présentations. Nous avons pu discuter avec de nombreux Polonais (avec l’aide de traducteurs). Cela se vérifiera dans les autres pays de l’est que nous visiterons. Nous sommes ensuite retournés dans l’Ouest à Nuremberg en Allemagne. Après une procession musicale à travers les rues de la ville, nous avons occupé un pont pour y faire la fête et notamment danser folk dans le but de le fermer à la circulation automobile. Nous avons transporté et déposé de nombreux pots de fleur pour imaginer ce pont transformé en parc. SET a ensuite continué dans les Pays scandinaves et en Lettonie. J’ai retrouvé SET en Lithuanie à Klaïpeda. Nous avons manifesté pour transformer la rue principale en rue piétonne. Tous les manifestants étaient déguisés et des vélos se déplaçaient à l’intérieur de gros rubans fermés de papier sur lesquels étaient dessinées des fleurs. Encore une fois des foules venaient voir l’exposition et le concert qui fut parmi les plus mémorables. Nous avons ensuite voyagé pendant deux jours jusqu’à Rivne en Ukraine (Rovno en Russe). C’est certainement l’endroit où les gens étaient les plus chaleureux. Avec une efficacité énergétique par PNB dix fois moindre qu’en Europe de l’ouest, avec Tchernobyl, les problèmes environnementaux sont extrêmement liés aux problèmes sociauxéconomiques. De grandes foules venaient voir l’exposition et discutaient avec nous, grâce à une quinzaine de traducteurs qui nous suivaient partout. Les importations de Pologne ou de l’ouest sont dramatiques pour leur économie de même que pour l’environnement. Nous avons fait une action de sensibilisation sur les déchets dans les rues largement composés d’emballages de produits importés. Nous avons beaucoup discuté du besoin de redévelopper l’économie locale et les Ukrainiens présents étaient très intéressés par les alternatives économiques telles que les coopératives autogérées ou les systèmes d’échanges locaux. Si les autos sont chères pour nous en Europe de l’Ouest, elles le sont beaucoup plus en Ukraine et ne sont en fait accessibles qu’aux importateurs de produits et autres nouveaux riches. Le vélo gagnerait beaucoup à se développer. Nous sommes allés en Slovaquie à un camp antinucléaire contre la construction de la centrale de Mohovce. Parmi leurs actions les participants améliorent bénévolement l’isolation des maisons alentour. Cette action rend les activistes très populaires. Nous avons bloqué avec succès, en s’asseyant par terre et jouant de la musique, la voie d’accès dans le ministère qui s’occupe des questions énergétiques à Bratislava. Une grande banderole tenue par des opposants sur échasses expliquait que la centrale nucléaire pouvait être évitée si on investissait la même somme d’argent dans les économies d’énergie. La police était perplexe face à nous. Un groupe de quatre personnes a été reçu par les responsables politiques. Cette action a été décrite le lendemain par tous les grands quotidiens slovaques. Il semble vraiment qu’un mouvement écologiste très jeune soit en train de se développer (c’est aussi l’impression en Pologne et République Tchèque). Plusieurs personnes semblaient intéressées à démarrer un groupe d’action sur les questions de transport. Pour finir, nous sommes allés dans un grand camp écologiste international, « Ecotopia », qui se déroulait cette année en République Tchèque à Libkovice. Libkovice était un village de 800 ans qui a presque entièrement été détruit il y a trois ans pour développer l’exploitation du charbon. Seul le maire dans sa maison et une église sont restés. Nous avons tenté de faire revivre ce village. Ecotopia fonctionne sur le principe de la démocratie directe. Toutes les décisions sont prises au consensus dans un grand cercle matinal. Chaque matin les différents travaux sont répartis et des ateliers sont proposés. Nous avons fait nos derniers concerts, présenté une dernière fois notre expo, nos ateliers, notre théâtre. De nombreuses personnes ont été intéressées par un atelier sur les actions anti-autos. Nous avons fait une action contre l’extension d’une autoroute à travers une région sauvage. Trois voitures que nous faisions semblant de ne pas connaître bloquaient l’autoroute quand nous sommes arrivés du bas coté pour occuper les trois voies. De là, nous avons manifesté 3 km sur l’autoroute en musique, quatre personnes étaient sur des échasses et tout le monde dansait. C’était une des premières actions anti-autoroute en République Tchèque. Ce ne fut pas de tout repos mais tellement riche en contacts et intéressant. Ce fut difficile de se quitter et de rentrer chacun chez soi. Ce tour offre d’énormes possibilités de contacts avec des groupes de divers pays d’Europe et notamment de travailler plus avec les réseaux internationaux que sont EYFA et A SEED qui sont les groupes derrière ce tour. Il est intéressant de s’apercevoir que le RVV est relativement connu à l’étranger grâce aux communiqués qui sont passé dans la presse alternative Européenne. A chaque fois, les groupes locaux étaient extrêmement accueillants. Les déplacement en bus n’étaient pas toujours faciles (à quand un tour à vélo ou en âne) mais il faut refaire ça. Francois Schneider (Paru dans Silence) SET a continué en 1997 et 1998, et a inspiré la marche avec Jujube en 2004-2005.