Dossier de presse
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1 Gros-Câlin de Romain Gary (Emile Ajar) Avec Jean-Quentin Châtelain Mise en scène Bérangère Bonvoisin Adaptation : Thierry Fortineau Lumières : Ricardo Aronovich Scénographie : Arnaud de Segonzac PREMIÈRE AU THÉÂTRE DE L’ŒUVRE LE VENDREDI 15 NOVEMBRE 2013 Gros-Câlin, récit tragi-comique flamboyant sur la métamorphose et le besoin d'aimer, sur la perte d'identité et de repères, fut le premier texte de Romain Gary écrit sous le nom d'Emile Ajar. 2 « Lorsqu’on a besoin d’étreinte pour être comblé dans ses lacunes, autour des épaules surtout, et dans le creux des reins, et que vous prenez conscience des deux bras qui vous manquent, un python de deux mètres vingt fait merveille » Romain Gary (Emile Ajar), Gros-Câlin Paris, Mercure de France, 1974 Notes avant les répétitions Gros Câlin est le premier livre de Gary écrit sous le nom d'Ajar et ce qui est bouleversant, c'est l'énergie extraordinaire que Gary a déployée pour accomplir cette métamorphose. C'est-à-dire pour changer de style d'écriture. J'ai envie que notre spectacle ne raconte pas seulement l'histoire d'un monsieur qui cherche « quelqu'un à aimer » et qui vit avec son python, mais que ce soit l'écrivain Gary qui fasse sa mue sous nos yeux en inventant de façon assez folle, il faut bien le dire, cette façon de penser et de parler, en même temps comique et désespérée. Les premier mots sont essentiels: "Je vais entrer ici dans le vif du sujet…" Puis, quelques lignes plus bas, l'assistant au Jardin d'Acclimatation dit au narrateur, M. Cousin, que dans son traité sur les pythons il devrait évoquer Pierre Brossolette et Jean Moulin, puisque ces deux hommes de la Résistance n'ont rien à faire dans un ouvrage zoologique... Ce début formidable nous fait entrer immédiatement dans le labyrinthe. Thierry Fortineau l'a laissé tel quel dans son adaptation et il a eu raison. En plus, Gary/Ajar appelle son narrateur Cousin… C'est un très beau mot car il a tous les sens. Ce n'est pas un frère, ce n'est pas un double, c'est peut-être personne. Un "pseudopseudo" comme il l'écrit lui-même. Je ne pouvais pas avoir un décor qui ne raconte qu'un appartement réaliste. Il me fallait un espace plus silencieux, plus calme, plus métaphysique, pas forcément abstrait mais épuré et qui laisse cette parole inventée se déployer. J'ai pensé assez vite à l'effet que provoquent sur moi certains tableaux du peintre Gilles Aillaud, tableaux sur la perception du réel et aussi sur le thème du caméléon. A partir de là, le scénographe Arnaud de Segonzac m'a fait une proposition qui me plaît parce que quand on regarde l'espace, on ne sait pas si c'est un deux-pièces, la salle de bain de l'appartement, un zoo, une piscine, une cage de scène et si on est dedans ou dehors. C'est un lieu pour un secret, la parole et le corps de l'acteur. Pour la lumière, j'ai demandé Ricardo Aronovich, qui est un grand chef opérateur de cinéma, un poète. Il comprend de l'intérieur le voyage de Gary, cette frontière entre le réel et la fiction. Quand nous avons parlé de ce projet, il a cité des phrases de Borges et a évoqué un film expressionniste allemand de 1920, Le Cabinet du Docteur Caligari. Ce qu'il me propose pour la lumière, qui est un décor aussi, s'y rapporte et devrait provoquer un trouble sur ce qui est imaginé ou réel. On a choisi d'essayer une lumière assez radicale, comme il y en a dans certains zoos, 3 d'ailleurs, où les animaux viennent se chauffer sous les lampes. Au fond, quoi que fasse l'acteur, il sera toujours cet animal qui décide d'aller dans la lumière ou dans l'ombre, d'être caché ou visible. Romain Gary dit avoir été influencé par Borges, Pirandello, Kafka… Et je retrouve ces univers où on se perd dans des dédales cauchemardesques et tragicomiques. Dans plusieurs interviews il parle de l'humour du désespoir, cite aussi W. C. Fields ... Gros-Câlin est une fable humoristique ; Romain Gary, lui, s'est suicidé. Il existe deux fins différentes à Gros Câlin, le dernier chapitre a été coupé. Dans Vie & Mort d'Émile Ajar, Gary dit qu'on peut connaître la fin initiale mais qu'il ne faut pas l'utiliser, qu' il faut laisser le roman tel quel. Dans ce dernier chapitre, comme dans son autre livre, Pseudo, il est question d'hôpital psychiatrique. Mais M. Cousin ne se suicide pas et l'acteur n'a pas à raconter la mort de l'auteur. En revanche, si cet espace et cette lumière font par moments penser aussi à un hôpital psychiatrique, pourquoi pas ? Tant mieux ! L'acteur ici pour moi est un animal dans un zoo, et la cage de scène du théâtre est la cage du zoo. Puisque tout se passe dans la tête non seulement de Gary mais de M. Cousin, tout est possible. Que Cousin se mette à manger des souris vivantes, que le python soit passé par les toilettes pour entrer dans le sexe de la femme de l'appartement du dessus. Car c'est aussi un livre "pornographique" qu’Ajar s’amuse à écrire. Ajar se moque, il cite aussi bien Charles Trenet que Dostoïevski ou Queneau, il fait référence à quantité de choses disparates, qu'il fond pour les distinguer et où il glisse son humanisme et sa haine du racisme. Jean-Quentin est un acteur extraordinaire, et il n'y a rien de plus insupportable au théâtre que le terme « diriger ». Ici il y a un texte et un acteur. Ce dont l'acteur a besoin, c'est d'un oeil extérieur. Il n'y aura pas que la douceur à la Sempé du personnage de M. Cousin ou son innocence ou sa détresse. Jean-Quentin amène son propre univers, les répétitions servent aux essais, aux choix, on ne sait pas tout à l'avance – heureusement ! J'ai appris que parfois Gary dictait ses textes, c'est une des pistes : plus un soliloque qu'un monologue, peut-être. Gary a écrit son roman comme s'il était lui-même le python se mouvant de façon sinueuse, se mettant en boule, s'enroulant sur lui-même, faisant des nœuds … La question première, elle, restant la même: A qui ça s'adresse ? Pour moi, le python c'est Jean-Quentin. Bérangère Bonvoisin 4 « J’attends la fin de l’impossible. Nous avons tous et depuis si longtemps une enfance malheureuse » Romain Gary (Emile Ajar), Gros-Câlin Paris, Mercure de France, 1974, p.60-61 La Fin de l’impossible / Paul Audi Que représente pour vous, Paul Audi, qui soulignez dans Créer (2010) combien l’œuvre littéraire mêle la jouissance de se confronter avec soi-même et le vertige d’explorer le monde, que représente pour vous Gros-Câlin, où Gary écrit : « J’attends la fin de l’impossible. Nous avons tous et depuis si longtemps une enfance malheureuse » ? L’exégèse de cette seule phrase m’a déjà conduit à écrire tout un ouvrage intitulé La Fin de l’impossible. Deux ou trois choses que je sais de Gary (2005)… Cette phrase me paraît de la plus haute importance, non seulement pour comprendre l’œuvre, la vie et la destinée de Romain Gary, mais pour entrer dans les questions fondamentales relatives à l’être humain, je veux parler de ces questions qui le mettent aux prises avec ce que Gary dans Gros-Câlin appelle l’« existoir » (le mot est calqué sur le modèle d’« abattoir »…), c’est-à-dire avec ce que l’on appelait encore du temps où l’homme se permettait de se préoccuper d’autre chose que du Spectacle auquel on le somme quotidiennement de participer : les fins dernières, la naissance, la mort, d’où l’on vient, où l’on va… Qu’est-ce qu’attendre la fin de l’impossible ? C’est espérer mettre fin à tout ce qui détermine aux yeux de l’homme la finitude de son pouvoir, et, en même temps, c’est espérer que son humanité naisse à la liberté. En fait, pour Gary, il n’y a d’humanité que libre, totalement libre, ce qui veut dire que pour naître à son humanité, l’homme se doit de fausser compagnie à toute forme de nécessité, à ce que Gary appelle dans ce livre les « lois de la nature ». Voilà ce qui fait émerger au cœur de Gros-Câlin l’idée de l’existence comme devenir autre que soi-même. Le livre est tout entier hanté par cette question, qui a trait au désespoir humain et à son angoisse de n’être encore qu’une ébauche de cette liberté qu’il lui faut conquérir coûte que coûte s’il entend s’affranchir de son inhumanité constitutive. Car l’homme est d’abord et avant tout cet être dont la caractéristique principale est d’être à moitié humain et à moitié inhumain. « Il y a tant d’aubes qui n’ont pas encore lui », disait Nietzsche dans Ecce homo. Comment l’aube d’une humanité enfin rendue à elle-même va-t-elle luire, alors que nous sommes tous acculés à la solitude, à la violence des rapports sociaux, à la disparition des ressources naturelles, au procès généralisé, à l’incompréhension des proches, à la manipulation des consciences, à l’exploitation des uns par les autres, aux malentendus de la communication universelle ? Comment renaître, quand nous ne sommes plus, pour le dire d’un mot – un mot utilisé justement dans Gros-Câlin –, que des « usagés » de la Puissance ? Cette interrogation est à l’arrière-plan de tous les romans de Gary, mais là, avec Gros-Câlin, Gary emprunte une voie nouvelle, un détour singulier, curieux et remarquable : le devenir-humain de l’homme, suggère-t-il, doit passer par son deveniranimal, en l’occurrence celui d’un python de 2,20 m. dont la caractéristique est qu’il se love contre vous, s’enroule autour de vous et vous étreint comme en amour… 5 Comment Gary a-t-il élaboré Gros-Câlin, cette fiction autour du devenir-humain de l’homme ? Comment a-t-il été amené à renverser les termes du problème, en faisant du devenir-humain un devenir-animal ? A quelle nécessité renvoie ce devenir-animal ? Tout se passe en effet comme si l’homme devait s’abîmer dans un devenir-animal pour accéder non à l’animalité qui est en lui mais à l’humanité qui n’y est pas encore, qui demeure pour lui en souffrance et sous forme de souffrance (principalement de désespoir). Vous voyez donc qu’il n’y a rien de « régressif » dans l’optique de Gary ; Gary ne plaide pas la cause de l’« instinct animal » ; c’est même l’exact contraire : Gary plaide pour une extrême élévation de l’homme, pour cette « œuvre de civilisation » qu’est l’humain accédant à son humanité. Alors, me direz-vous, à quelle nécessité renvoie le devenir-animal ? Que viennent faire là ce python haut en couleur, appelé Gros-Câlin, et cette souris blanche, appelée Blondine, pitance vivante que Cousin, par amitié, refusera de donner à manger à son python ? En devenant l’animal qu’il était et qu’il n’est plus, Cousin, qui n’est cependant pas encore tout à fait l’humain que tout en lui le destine à être – à commencer par son besoin de « s’attacher facilement » aux autres – , Cousin, qui est ainsi en pleine « mue » ou en pleine « mutation » – comme un python qui croît en laissant régulièrement sa vieille peau derrière lui –, mais qui ne cesse pas pour autant de se projeter dans des structures aliénantes et contraires à sa nature, ainsi que l’y invite tout son entourage, lequel ne le comprend pas ou, pour mieux dire, ne le considère jamais à sa juste valeur – une valeur faite d’amour et de bonté –, Cousin, dis-je, en devenant in fine Gros-Câlin, trouve enfin la possibilité de toucher au véritable ressort de son humanité, à savoir la faiblesse. C’est que l’humanité même de l’homme consiste dans sa faiblesse, une faiblesse qu’il passe pourtant son temps à nier, c’est-à-dire à tenter de « surmonter » par la force. Cette tentative constante conduit d’ailleurs au constat suivant : la « mauvaise » moitié de l’homme l’a rendu bien trop fort pour lui permettre de s’identifier à sa seule part humaine, à sa vulnérabilité essentielle, et c’est pourquoi il lui faut maintenant – maintenant qu’il a raté la bifurcation vers son humanité – emprunter la voie du devenir-animal pour entrer en possession de ce qui lui manque encore, de ce qui est l’horizon de sa métamorphose : sa liberté. Ce thème éclate tout particulièrement dans le chapitre final de Gros-Câlin. En vérité, tout le livre tend vers cette fin, puisque c’est cette fin et elle seule qui lui donne sens et portée. Ce dernier chapitre n’est pas dans la version publiée en 1974 : on ne l’a découvert que récemment. A l’époque de la parution de Gros-Câlin, il avait été retiré – ce qui avait entraîné un remaniement de la fin de l’ouvrage – d’une part parce que les éditeurs ne l’avaient pas du tout compris comme il devait l’être (on l’avait alors taxé de trop « fantastique » et d’affreusement « mièvre ») et d’autre part, parce que Gary, dissimulé sous le masque d’Émile Ajar, n’avait pas voulu l’imposer de peur de se dévoiler en le faisant. Or, en supprimant ce chapitre final, ce n’est pas seulement le livre qui a été amputé de ce qui lui donne son sens et sa portée, c’est le personnage de Cousin lui-même qui a été amputé de la seule dimension qui permette au lecteur de comprendre le ressort de ses actes, comme l’a souligné Jean-François Hangouët qans la préface qu’il a donnée à la version restaurée de l’ouvrage, parue en 2007. J’irai même jusqu’à dire que cette amputation a eu des répercussions immenses sur l’auteur lui-même et la suite de son œuvre. 6 Nous y reviendrons. Je voudrais pour l’instant insister sur un aspect du roman, lié à son contenu, au devenir-animal qu’il met en scène. Il y a bien ici quelque chose qui vient de Kafka, n’est-ce pas ? Comment, selon vous, Gary rencontre-t-il l’auteur de La Métamorphose ? Jamais Kafka n’a été aussi présent dans l’œuvre de Gary que dans Gros-Câlin. Car là, c’est le projet tout entier du livre, et pas seulement une idée, ou un moment de l’intrigue, qui se trouve soutenu par une intuition kafkaïenne. Longtemps Gary a tourné autour de l’intuition kafkaïenne selon laquelle la mainmise des Autres sur Soi est le lieu de l’injustice que servent les hommes – c’est-à-dire de la justice dont ils se servent. Mais Gros-Câlin déplace la question. Cette fois, Gary la situe sur le plan du langage. Sans doute Gros-Câlin illustre-t-il la rencontre, sous l’égide de Gary, de Gogol et de Kafka, Cousin étant un personnage gogolien qui se trouve « pris » dans une intrigue kafkaïenne. Mais Gary ne se contente pas de s’approcher de Kafka par le biais de l’intrigue. Gary emprunte à Kafka ce que Günther Anders appelle, dans son essai Kafka : pour et contre (1951, trad. fr. 1990), la « méthode d’inversion ». Et il pousse même cette méthode jusqu’à son paroxysme. Anders explique que dans toutes les fables de Kafka, le sujet et l’objet sont inversés ou permutés, ce qui va déjà bien plus loin qu’un renversement d’ordre grammatical. Or Gary ne se limite pas à permuter entre eux le sujet et l’objet, il intervertit également la cause et l’effet dans un même phénomène, ou le mobile et le motif dans un même acte. Je n’entrerai pas dans les détails. Il suffit peut-être de rappeler que quand Ésope veut dire dans ses fables : « Les hommes sont comme des bêtes », il montre que les bêtes sont comme des hommes ; et quand Brecht veut dire dans son Opéra de quat’sous que les bourgeois sont des truands, il met en scène des truands qui jouent les bourgeois. Toutefois, pour « classique » qu’elle soit, cette méthode d’inversion sera exploitée par Kafka en recourant à des schèmes fantastiques, comme dans La Métamorphose (1913). Et elle atteindra un sommet qui en renouvellera complètement le sens, dans Le Procès (1925) et dans Le Château (1926), où la situation terriblement angoissante vécue par le protagoniste est présentée comme étant une expérience anodine, normale, une expérience en tout cas qui ne devrait susciter aucun étonnement. C’est alors ce contraste lui-même qui nous glace : comment se fait-il que l’horrible (par exemple, être accusé d’une faute dont on ignore la teneur) apparaisse à tout le monde comme une évidence ? Ce qui, pour tout le monde, va de soi, ce qui ne stupéfie pas, ce qui paraît normal, c’est cela qui est, pour soi, horrible. Et l’inverse est aussi vrai. Il en va de même dans Gros-Câlin. Cousin vit avec son python, il lui donne des souris vivantes à manger, il en parle à tout le monde. Pour lui, c’est une évidence. Jamais il ne met en question la « folie » que cela représente. Il s’étonne même que, lorsque Gros-Câlin quitte l’appartement pour se promener à l’extérieur, cela crée la panique dans le quartier. Et cependant, la différence avec Kafka, c’est que Gary ne cherche pas à inverser l’objet et le sujet de l’incompréhension, ni sa cause et son effet. Dans le monde de Gros-Câlin, tout le monde est dans l’incompréhension jusqu’au cou. C’est l’élément où tout le monde vit. C’est l’air que tout le monde respire. Cousin autant que tous les autres. Pourquoi cela ? Eh bien, cela tient au langage. C’est parce que le monde n’existe qu’en raison du langage, de ce langage à la fois anodin et terrifiant que tout le monde, en effet, a reçu en partage, malgré qu’il en ait. Extrait de Paul Audi : La Fin de l’impossible, Editions Christian Bourgois Paul Audi est normalien, agrégé de philosophie, docteur en philosophie. Il est à ce jour l'auteur de plus d'une vingtaine d'ouvrages, dont la plupart sont consacrés aux relations entre l'éthique et l'esthétique en occident, au cours des Temps modernes. 7 « Je note également que Gros-Câlin a commencé à faire sa première mue chez moi. Bien sûr il n’est arrivé à rien, il est redevenu lui-même mais il a essayé courageusement et il a fait peau neuve. Sa métamorphose est la plus belle chose qui me soit jamais arrivée. » Romain Gary (Emile Ajar), Gros-Câlin Paris, Mercure de France, 1974 Emile Ajar / Romain Gary « Après avoir signé plusieurs centaines de fois, si bien que la moquette de ma piaule était recouverte de feuilles blanches avec mon pseudo qui rampait partout, je fus pris d’une peur atroce : la signature devenait de plus en plus ferme, de plus en plus elle-même, pareille, identique, telle quelle, de plus en plus fixe. Il était là. Quelqu’un, une identité, un piège à vie, une présence d’absence, une infinité, une difformité, une mutilation, qui prenait possession, qui devenait moi. Émile Ajar. Je m’étais incarné. » « Je me scinde en deux, schizo, à la fois exterminé et exterminateur, Pliouchtch et Pinochet et je suis alors saisi de tendances humanitaires morbides « messianiques et réformatrices » aiguës, avec psychiatre et camisole de force chimique en proie à la conviction parano que tous les hommes sont mes frères et toutes les femmes mes sœurs, ce qui me fait souvent bander. » « Je suis Emile Ajar ! hurlais-je, en me frappant la poitrine. Je suis le fils de mes œuvres et le père des mêmes ! Je suis mon propre fils et mon propre père ! Je ne dois rien à personne ! Je suis mon propre auteur et j’en suis fier ! Je suis authentique ! Je ne suis pas un canular ! Je ne suis pas pseudo-pseudo : je suis un homme qui souffre et qui écrit pour souffrir davantage et pour donner ensuite encore plus à mon œuvre, au monde, à l’humanité. » Extraits de Pseudo, Émile Ajar, Mercure de France, 1976 « Il me faut, à présent, tenter de m’expliquer « en profondeur ». J’étais las de n’être que moi-même… Recommencer, revivre, être un autre fut la grande tentation de mon existence… La vérité est que j’ai été très profondément atteint par la plus vieille tentation protéenne de l’homme : celle de la multiplicité. Une fringale de vie, sous toutes ses formes et dans toutes ses possibilités que chaque saveur goûtée ne faisait que creuser davantage… Dans un tel contexte psychologique, la venue au monde, la courte vie et la mort d’Émile Ajar sont peut-être plus faciles à expliquer que je ne l’ai d’abord pensé moimême. C’était une nouvelle naissance. Je recommençais. Tout m’était donné encore une fois. J’avais l’illusion parfaite d’une nouvelle création de moi-même, par moi-même. Je me suis bien amusé. Au revoir et merci. » Extraits de Vie et mort d’Émile Ajar, Romain Gary, Editions Gallimard, 1981 8 Romain Gary (Emile Ajar) en quelques dates 1914 1927 1936 1938 1940 1945 1956 1957-61 1975 1980 Naissance de Roman Kacew le 8 mai à Vilnius en Lituanie. Il est élevé par sa mère à Sweciany puis à Varsovie et ne connaîtra jamais son père. Arrive en France, études au lycée de Nice. Suit des études de droit à Paris. Naturalisé français, il est incorporé dans l'aviation. Il rejoint la France libre où il sert dans les Forces aériennes françaises libres. C'est durant cette période que Romain Kacew choisit le nom de guerre de Gary (signifiant « brûle ! » en russe), qui deviendra son pseudonyme. Il termine la guerre comme capitaine de réserve et est nommé Compagnon de la Libération. Il entame une carrière fulgurante dans la diplomatie. À ce titre, il séjourne en Bulgarie, en Suisse, en Bolivie, à New-York. Obtient le Prix Goncourt pour Les racines du ciel. Réside en qualité de Consul Général de France à Los Angeles. La vie devant soi d’Emile Ajar reçoit le Prix Goncourt. Se donne la mort le 2 décembre à Paris. Après sa disparition, on apprit que, sous le pseudonyme d'Émile Ajar, il était également l'auteur de quatre romans dont la paternité avait été attribuée à un proche parent, Paul Pavlovitch, lequel avait assuré le rôle d'Ajar auprès de la presse et de l'opinion publique. Ajoutons qu'Ajar et Gary ne furent pas ses seuls pseudonymes, puisqu'il est aussi l'auteur d'un polar politique sous le nom de Shatan Bogat et d'une allégorie satirique signée Fosco Sinibaldi. Romain Gary est ainsi le seul écrivain à avoir jamais été récompensé deux fois par le Prix Goncourt, la première fois sous son pseudonyme courant et la seconde fois sous le pseudonyme d'Émile Ajar. Romain Gary a également écrit et réalisé deux films : Les oiseaux vont mourir au Pérou et Kill. Bibliographie Sous le nom de Romain Kacew : 1937 : Le Vin des morts Sous le pseudonyme de Romain Gary : 1945 : Éducation européenne 1946 : Tulipe 1949 : Le grand vestiaire 1952 : Les Couleurs du jour 1956 : Les racines du ciel (prix Goncourt) 1960 : La promesse de l'aube 1961 : Johnie Cœur 1962 : Gloire à nos illustres pionniers (nouvelles) 1963 : Lady L. 1965 : The Ski Bum 9 1965 : Pour Sganarelle (Frère Océan 1) (essai) 1966 : Les mangeurs d'étoiles (La Comédie américaine 1) 1967 : La Danse de Gengis Cohn (Frère Océan 2) 1968 : La Tête coupable (Frère Océan 3) 1969 : Adieu Gary Cooper (La Comédie américaine 2) 1970 : Chien blanc 1971 : Les Trésors de la Mer Rouge 1972 : Europa 1973 : Les Enchanteurs 1974 : La nuit sera calme (entretien fictif) 1975 : Au-delà de cette limite votre ticket n'est plus valable 1977 : Clair de femme 1977 : Charge d'âme 1979 : La Bonne Moitié 1979 : Les Clowns lyriques 1980 : Les Cerfs-volants 1981 : Vie et mort d'Emile Ajar (posthume) 1984 : L'Homme à la colombe (version posthume définitive) Sous le pseudonyme d'Émile Ajar : 1974 : Gros-Câlin 1975 : La Vie devant soi (prix Goncourt) 1976 : Pseudo 1979 : L'Angoisse du roi Salomon Sous le pseudonyme de Fosco Sinibaldi : 1958 : L'Homme à la colombe Sous le pseudonyme de Shatan Bogat: 1974 : Les Têtes de Stéphanie 10 Bérangère Bonvoisin Mises en scène C’EST POURQUOI LE TEMPS PRESSE de W.C. Williams et P. Clévenot - Maison de la Poésie LA LAÏCITÉ EST-ELLE SOLUBLE DANS LE SARKOZYSME ? Mediapart - Théâtre de la Madeleine ET SI LES FOURMIS N'ÉTAIENT RIEN SANS LES CIGALES de Bernard Maris -Théâtre de l'Odéon, avec Emmanuelle Béart LA MALADIE DE LA MORT de Marguerite Duras - Théâtre de la Madeleine, avec Fanny Ardant SLOGANS POUR 343 ACTRICES de Soudaïeva et Volodine - Théâtre National de la Colline CLEVENOT-TÊTE A TÊTE - Théâtre National de L’Odéon ANNA CHRISTIE d’Eugène O'Neill - Comédie de Genève, Théâtre de Villeurbanne LE POISSON DES GRANDS FONDS de Marieluise Fleisser - CDN Orléans, Théâtre de la Colline LA CHÈVRE, LA VIERGE ET LE CHEVAL - de M.L. Fleisser -Théâtre de l'Odéon, CDN Annecy, Chambéry LA CONFÉRENCE DU VIEUX COLOMBIER d’Antonin Artaud (co-mise en scène avec Ph.Clévenot) LE GENDARME EST SANS PITIÉ et LE COMMISSAIRE EST BON ENFANT de Georges Courteline -Trouville RUMEUR À WALL STREET de Bernard Chatellier d’après Melville - Théâtre Amandiers, Nanterre SISSI-LE SALON TRANSFIGURÉ de Philippe Clévenot - Théâtre Ouvert CARSON McCULLERS - Théâtre Ouvert PIONNIERS À INGOLSTADT de Marieluise Fleisser - Théâtre Amandiers, Nanterre CONFÉRENCE SUR LA NATATION de Michel Charolles - Théâtre Ouvert (Avignon) CELLE QUI MENT de Philippe Clévenot, d’après Angèle de Foligno - Théâtre de la Bastille LA STAR DES OUBLIS, de Y. Daoudi - Festival d’Avignon LES SERVITEURS de Jean-Luc Lagarce - Théâtre Ouvert, Festival d'Hérisson EDDY (Mitchell) de Bérangère Bonvoisin - Théâtre Quartiers d'Ivry LES SINCÈRES de Marivaux - Conservatoire de Paris, Festival d'Avignon Comme actrice au théâtre, elle a joué sous la direction d'Antoine Vitez, André Engel, Jean-Pierre Vincent, Bruno Bayen, Balazs Gera, François Bon, Enzo Corman, Michel Didym, Nadine Eghels, Claude Guerre, Laurent Vacher, Bruno Boëglin, André Wilms, Roger Planchon, Alain Bézu, Jacques Rosner, Viviane Théophilidès, Anne-Marie Lazarini, Hélène Cixous, Jacques Lassalle, Marcel Bluwal, Bertrand Bonvoisin, Gilles Aillaud, Philippe Clévenot, entre autres. Comme actrice à la télévision, elle a notamment travaillé sous la direction de Caroline Champetier, Gérard Vergez, Franck Cassenti, M. H. Rebois, Paule Zajdermann, Hervé Baslé, P. Kassovitz, Sébastien Grall, Eric Woreth… Au cinéma, elle a tourné sous la direction de Jeanne Moreau, Hugo Santiago, Elsa Amiel, José Giovanni, Bernard Favre, Christine Pascal, Bertrand Van Effenterre, Jana Bokova, G.F. Mingozi/J.C.Carrière, Paolo et Vittorio Taviani, Michel Deville, Bruno Bayen, Christian de Challonges, Michèle Rosier, Gilles Bourdos, Roschdy Zem, Mikaël Hers… 11 Jean-Quentin Châtelain Théâtre J’AI PASSE MA VIE A CHERCHER L’OUVRE-BOITE de Maurice Barthélémy, mise en scène C. Aufaure LA LETTRE AU PÈRE de Franz Kafka, mise en scène Jean-Yves Ruf MINNA VON BARNHELM de Helsing, mise en scène Hervé Loichemol FIN DE PARTIE de Samuel Beckett, mise en scène Alain Françon ODE MARITIME de Fernando Pessoa, mise en scène Claude Régy Nomination pour le Molière 2010 du meilleur comédien Prix du meilleur comédien décerné par le Syndicat de la critique 2010 KATARAKT de R. Goetz, mise en scène Roland Auzet LA DERNIERE BANDE de Samuel Beckett, mise en scène C. Perton, Comédie de Valence HOMME SANS BUT de Arne Lygre, mise en scène Claude Régy, Théâtre de L'Odéon- Berthier THEATRE DES OPERATIONS d'après Maurice G. Dantec, mise en scène Roland Auzet DIALOGUES D'EXILES de Berthold Brecht, mise en scène Valentin Rossier UN TRAMWAY NOMME DESIR, mise en scène Patricia Bopp, l'Orangerie à Genève EXECUTEUR 14 d'Adel Hakim, mise en scène Adel Hakim KADDISH POUR L'ENFANT QUI NE NAITRA PAS de Imré Kertesz, mise en scène Joël Jouanneau, Théâtre Ouvert et Vidy Lausanne et tournée UNE LUNE POUR LES DESHERITES de Eugène O'neill, mise en scène Robert Bouvier, Théâtre de Neuchâtel, Théâtre de Carouge, Théâtre de Vidy LA SCENE de et mise en scène Valère Novarina, Théâtre de la Colline, Vidy Lausanne et tournée PITAGABA de Kossi Efoui. Lavoir Moderne Parisien. Mise en scène Françoise Lepoix LA DESCENTE D’ORPHEE de Tennessee Williams, mise en scène Denis Maillefer LA CHEMINEE de Margarit Minkov, mise en scène Véronique Bellegarde, Vidy Lausanne MEDEE d’Euripide, mise en scène Jacques Lassalle, Théâtre de l'Odéon DES COUTEAUX DANS LES POULES de David Harrower, mise en scène Claude Régy PREMIER AMOUR de Samuel Beckett, mise en scène Jean-Michel Meyer, Théâtre de la Bastille MEDEE, mise en scène Jacques Lassalle, Festival d’Avignon (Cour d’honneur) LA TRAGEDIE DE CORIOLAN d’après W. Shakespeare, mise en scène Joël Jouanneau, Théâtre de l’Athénée, La Comédie de Genève et tournée MACBETH de Shakespeare, mise en scène Stuart Seide LE JARDIN DE RECONNAISSANCE, de et mise en scène Valère Novarina, Théâtre de de l’Athénée FELIX de Robert Walser, mise en scène Claude Aufaure COMMENT RENDRE L'AUTRE FOU, texte et mise en scène Emmanuel Schaeffer L'IDIOT d’après Dostoïevski, mise en scène Joël Jouanneau QUAI OUEST de Bernard-Marie Koltès, mise en scène Michel Froehly HENRY VI de Shakespeare, mise en scène Stuart Seide LES COMEDIES BARBARES de Ramon del Valle Inclán, mise en scène Jorge Lavelli, Cour d'honneur d'Avignon, Théâtre de la Colline LE CERCEAU de Viktor Slavkine, mise en scène Claude Régy LE BOURRICHON, texte et mise en scène Joël Jouanneau. PROMETHEE ENCHAÎNE d'Eschyle, mise en scène Adel Hakim, Créteil LE CRIMINEL mise en scène Claude Régy, Théâtre de la Bastille FANTASIO de Musset, mise en scène Darius Peyamiras, rôle Titre, Théâtre Vidy à Lausanne MARS d'après Fritz Zorn, mise en scène Darius Peyamiras, La Passerelle Vidy à Lausanne Reprise au Centre Culturel Suisse Paris dans le cadre du Festival d'Automne STILL LIFE d'Emily Mann, mise en scène Jean-Claude Fall, théâtre de la Bastille PHILOCTETE de Heiner Müller, mise en scène Bernard Sobel, Gennevilliers LA DEDICACE de Botho Strauss, mise en scène Joël Jouanneau, Saint-Denis LULU de Wedekind, mise en scène André Engel, Nanterre DON JUAN ET FAUST de Grabbe, mise en scène Philippe Macasdar. 12 SCHLIEMANN, texte et mise en scène Bruno Bayen, Chaillot ANTOINE ET CLEOPATRE de Shakespeare, mise en scène Bernard Bloch, M.A.C. Créteil WOYZECK de Georg Büchner, mise en scène Jean-Louis Hourdin, G.R.A.T. DIBBOUK de Shalom Ansky, mise en scène Moshe Leiser, Bruxelles Cinéma LA DUNE réalisation Yossi Aviram, CA BRULE réalisation Claire Simon, AUX ABOIS réalisation Philippe Collin, LA CHOSE PUBLIQUE réalisation Mathieu Almaric, LES ACTEURS réalisation Bertrand Blier, LE COMMUNICATEUR réalisation Xavier Mussel, LA VIE NE ME FAIT PAS PEUR réalisation Noémie Lvovsky, CHRONIQUE réalisation Pierre Maillard, J'AI HORREUR DE L'AMOUR réalisation Laurence Ferreira Barbosa, FOURBI réalisation Alain Tanner, WALK THE WALK réalisation Robert Kramer, CAP VERT, réalisateur François Kolher, J’AI PAS SOMMEIL réalisation Claire Denis, FETE FUGITIVE réalisateur Pierre Maillard, LA CAVALE DES FOUS réalisateur Marco Pico, LES ENFANTS TANNER réalisateur Joël Jouanneau, COUPE-FRANCHE réalisateur J.P. Saune, CHOCOLAT réalisatrice Claire Denis, LES POSSEDES ou CHATOV ET LES DEMONS réalisation A. Wajda, L'OGRE d'Edelstein (Perspective - Cannes 1987), UNE FEMME OU DEUX de Daniel Vigne, ELSA, ELSA de Didier Haudepin. LA GUERRE DES DEMOISELLES de J. Nichet. Télévision ENGRENAGES – saison 4 réalisation Jean-Marc Brondolo, ON ACHEVE BIEN LES DJ réalisation Orso Miret, VENUS ET APOLLON réalisation Olivier Guignard, LA CHOSE PUBLIQUE réalisation Mathieu Almaric, MEDEE réalisation Don Kent, ALAIN ET LES AUTRES réalisation Denise Gilliand, LE MANTEAU réalisation Robert Kramer, NAVARRO – Méprise d'otages réalisateur Yvan Butler, LE PRINCE BARBARE réalisateur Pierre Koralnik. 13
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