La Libération par Gérard Saleron
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La Libération par Gérard Saleron
Gérard SALERON La libération de Sarreguemines Extraits de la conférence du 12 décembre 2004 au Casino des faïenceries Le major Bennett La Libération de Sarreguemines Tout d'abord laissez-moi vous exprimer tout mon plaisir de vous raconter, ce soir, la Libération de Sarreguemines qui s'est déroulée voilà 60 ans. Quelques photos, que j'ai collectées, rassemblées, souvent rares mais pas toujours de bonne qualité accompagneront mon récit. De même, j'ai dessiné quelques cartes afin de vous faire mieux comprendre l'avancée des troupes alliées. J'espère que je saurai vous captiver en vous relatant cette période particulièrement éprouvante pour les habitants de notre cité, mais aussi empreinte de liberté et d'espoir. Pour commencer, permettez-moi de vous présenter le plan de mon exposé afin qu'il soit le plus compréhensible possible. Il se présente en deux parties Je vous décrirais en 1ère partie la situation militaire et politique en France et en Moselle à la fin Août 44, Je commencerais par la situation militaire, cela nous occupera 10 petites minutes. Puis la situation politique, nous aurons besoin à peine de 5 minutes. Nous aborderons ensuite la seconde partie : la Libération de Sarreguemines, ainsi nous rentrerons dans le vif du sujet que je développerai en trois séquences: 1. Pour commencer, début décembre 1944 : la situation politique et militaire à Sarreguemines. 2. Puis, du 5 au 10 décembre 1944 : l'armée américaine libère la ville 3. Et pour terminer, André Rausch, un homme exceptionnel, assure au plus vite une vie décente à la ville libérée. 1. la situation militaire en France à la fin août 44 Après le débarquement du 6 juin 44, l'armée allemande campe sur ses positions dans le Pas de Calais. C'est finalement la percée d'Avranches, fin juillet, qui donne alors le signal d'une exploitation aussi rapide que profonde de la situation. Sur la côte atlantique, en vert sur la carte, le Maréchal britannique Montgomery repousse l'armée allemande vers Anvers. La 3e armée américaine du Général Patton, en bleu, traverse la France d'Ouest en Est. Enfin, et pendant ce temps, la 7e armée américaine du Général Patch, en rouge, débarquée en Provence est toute prête d'atteindre Lyon. Mais revenons à la 3e armée américaine, bien évidemment c'est celle qui nous intéresse au premier chef. Elle est commandée par le fougueux Général Georges Patton. La 3e armée américaine groupe 4 Corps d'armée et totalise près de 315.000 hommes... Seul deux Corps nous intéressent : Le 20e du Général Walker, ce Corps est le plus avancé, il entre à Verdun dès le 31Aôut, c'est ce 20e Corps d'armée qui libérera la région de Thionville puis de Metz. Enfin et surtout le 12e Corps commandé par le Général Eddy qui atteint Troyes le 25 Août. C'est la 35e division d'infanterie de ce 12è corps d'armée qui libérera Sarreguemines un peu plus de trois mois plus tard... 2. Quelle est la situation militaire en Moselle fin août début septembre 1944 ? La Moselle est annexée de fait par l'Allemagne et c'est bien là la problématique. L'annonce de la rapide avancée américaine, si elle remplit d'espoir les Mosellans francophiles, jette la panique chez l'occupant. Le 30 août déjà, le Gauleiter Burckel prescrit à ses fonctionnaires de gagner Sarrebruck la nuit suivante avec peu de bagages. C'est un véritable " sauve qui peut ". De plus, le département n'est pas préparé militairement à ce défendre. Malgré cette situation une efficace reprise en main a lieu, dû surtout à l'arrêt pour faute de carburant de la 3ème armée américaine. Les militaires Allemands profitent totalement de ce répit inespéré de Patton. Hitler prescrit une ligne de défense avancée longeant la Moselle et incluant Metz et Thionville. Ceci étant, comment évolue la situation militaire alliées après le surplace de Patton ? - Le 6 septembre la 3e armée reprend sa marche en avant. Le 13 Thionville est libérée. Le 15 La Moselle est franchie. Patton entame alors une manœuvre d'encerclement de Metz, mais l'ennemi coriace et le mauvais temps font avorter la manœuvre : c'est l'échec. Metz n'est pas libérée et nous sommes le 25 septembre 1944. Nous voici arrivé maintenant à ce qui est appelé : La fameuse Pause d'octobre. Patton est bloqué devant Metz et va pendant un mois et demi réorganiser et préparer la 3e armée à une nouvelle offensive. L'armée allemande s'efforce quant à elle de tenir, de durer et s'accroche sur la ligne de front avec des moyens forts réduits car elle ne peut être renforcée. Les Mosellans, encore sous la botte de l'occupant, sont accaparés par les travaux obligatoires qui consistent surtout à creuser des fossés anti-chars, ce qui empêche la Résistance de s'organiser et de se manifester... ...Mais avant d'aborder la libération de notre ville je vais très rapidement et succinctement, après la situation militaire, vous brosser, comme je vous l'ai annoncé lors de la présentation de mon plan, la situation politique en France et en Moselle en ce début décembre 1944. Tout d'abord en France : La France est gouvernée par le Général de Gaulle qui dirige le gouvernement provisoire de la République française en place à Alger depuis le 3 juin 1944. Ce gouvernement provisoire devient un gouvernement de fait. Il s'installe à Paris dès le 31 août. Il est officiellement reconnu par les Alliés le 22 octobre. Sa première tâche est de ramener l'ordre dans le pays tout en travaillant à sa reconstruction. Et en Moselle me direz-vous ? C'est le 5 septembre 1944 que le Ministre de l'intérieur charge Maître Rebourset, avocat messin, des fonctions de Préfet de la Moselle. Le 19 une circulaire partie de Montauban, siège retranché de la Préfecture de la Moselle depuis 1940 enjoint tous les fonctionnaires de se préparer à rejoindre Metz. Le 10 octobre le Préfet s'installe à Hayange, il est rejoint par les députés Sérot et Schuman, le maire Gabriel Hocquard et l'évêque de Metz Monseigneur Heintz. Néanmoins, Ils devront attendre le 21 novembre, lendemain de la libération de Metz pour rentrer dans la ville. Maintenant nous allons entrer au cœur de l'exposé : la Libération de Sarreguemines. Abordons pour commencer la situation politique et militaire dans notre cité début décembre 1944. Tout d'abord au niveau politique : Nicolas Nicklaus, le Maire élu en 1935 qui s'est chargé de l'évacuation le 1er septembre 1939 est, comme beaucoup de ses concitoyens, réfugié en Charente. Sous l'occupant c'est Eugène Foullé qui avait été nommé 'Burgermeister' par le 'Gauleiter Burckel'. Évidemment Eugène Foulé en ce début décembre 1944 s'est empressé de déguerpir et a plié bagages. La ville n'est plus, ni dirigée, ni gérée. Comme son 'Burgermeister' l'administration allemande s'est volatilisée, repliée à Bad Durkheim dans le Palatinat, quant à l'administration française elle est bien évidemment inexistante. Sarreguemines est orpheline de toute gestion, isolée, abandonnée et partiellement détruite, nous y reviendront plus tard. Et au niveau militaire ? La situation est très simple la ville est occupée militairement par l'armée allemande. Je vais évoquer maintenant ce que j'appelle la bataille de Sarreguemines ou si vous préférez, du 5 au 10 décembre 1944, l'armée américaine libère la ville. Entamons donc la chronologie des évènements, nous voilà au mardi 5 décembre1944, Le Général Baade qui commande, sous les ordres du Général Eddy, la 35ème division américaine, donne ordre au Colonel Miltonberger de poursuivre son avancée et donc de quitter Puttelange avec le 134e régiment d'infanterie qu'il commande et qui se compose de 3 bataillons…… ...Il est environ 16h. Rocker envoie une patrouille commandée par le Lt. John Davis qui tente de s'infiltrer en ville. Mais une heure plus tard Davis doit renoncer. Il parvient cependant à s'accrocher sur place et à la nuit tombée, reprend sa progression avant d'être la cible d'un canon de 88. Il recule. En ville, la nouvelle de l'approche des Américains s'est rapidement répandue. Au soir de ce 5 décembre, fouetté par un vent d'Est glacial, les ombres lourdes de la nuit s'abattent sur la ville inquiète et tourmentée. Un certain nombre de civils ont rejoint les lignes alliées. D'après eux, l'ennemi a quitté définitivement la rive gauche de la Sarre. C'est alors que le vent tourne, car déjà, si je puis dire, c'est un vent de liberté qui se lève. … … Dès l'aube de ce mercredi 6 décembre, le Lieutenant américain Dally a ordre de se rendre au bunker du Blauberg, situé rive gauche. A son arrivée, dès l'entrée, il présente à l'un des réfugiés un morceau de papier sur lequel est griffonné un nom : " André Rausch " L'homme désigne du doigt l'avocat du barreau de Sarreguemines. L'officier américain conduit André Rausch à Puttelange au Quartier Général des forces U.S. Là, le Major Georges Schneider accueille Maître Rausch. Alors, s'engage une conversation au cours de laquelle le Major interroge l'avocat sarregueminois à propos de la situation de la ville et l'officier américain signifie à André Rausch qu'il le désigne comme Maire de la ville." Notre concitoyen, plutôt surpris, émet des objections et propose l'adjoint au Maire, Joseph Lebon. Refus des Américains. André Rausch finit par accepter. Le Major lui remet alors un document qui officialise sa nomination. Vers 10h en ville c'est le moment tant espéré, on signale les premiers Américains. Enfin, vers 13 heures, le centre ville s'anime, de longues files de soldats américains débouchent à la fois de la rue Nationale et de l'avenue de la Gare. Par la rue Sainte-Croix, une compagnie s'engage rue Pasteur, une autre remonte rue Poincaré. Une troisième prend position rue Chamborand….. … Au soir de cette première journée la population n'a qu'une question au bout des lèvres : à quand la libération de la rive droite ? Nous sommes maintenant le jeudi 7 décembre 1944, André Rausch, le nouveau Maire, est jeune, il a 44 ans, il est né à Bliesbruck, son père y exerce le métier de boulanger. Élève du collège Saint Augustin de Bitche, il a poursuivi ensuite des études de droit à Strasbourg. Militant dans les cercles catholiques avant le début du conflit, il prend une part active dans la Résistance. Il exerce la profession d'avocat et il est depuis 1935 Conseiller municipal. Il installe son cabinet au Palais de justice chambre 29, il s'entoure immédiatement d'une petite équipe qui se compose d'Henri Ehrmann qui est assureur, et de Louis Félix qui est commerçant. Tous deux, comme André Rausch sont des Conseillers municipaux élus en 1935. Ils viennent immédiatement le rejoindre et lui apportent leur soutien. André Rausch les charge de la difficile tâche du ravitaillement. Le nouveau maire nomme Edouard Fogt, le chef local des F.F.I., au poste de Commissaire de police De plus, une dizaine d'employés de l'ancienne équipe municipale viennent immédiatement lui prêter main forte….. ….A l'état-major les suggestions vont bon train quand, dans la matinée, une patrouille parvient à traverser la Sarre sur ce qui reste du pont de chemin de fer de Rémelfing à hauteur des moulins Bloch. Cette nouvelle de dernière minute tombe à pic. Il est décidé d'envoyer immédiatement un bataillon du génie pour permettre de faciliter la traversée du pont. Miltonberger en informe le Poste de Commandement à Woustviller. Il réunit ses commandants de bataillons à Neufgrange pour fixer le plan d'attaque. A 15h. le détail de l'attaque est communiqué aux unités en ces termes : Le 1er et le 2e bataillon du 134e R.I. lanceront l'attaque à 5 h. demain matin, ils attaqueront en direction du nord-est. Lorsqu'ils auront passé le pont de chemin de fer, représenté sur la carte par l'ellipse rouge, le 3e bataillon suivra. La compagnie, en position au Heidenkopf, assurera la couverture des régiments lors de leurs passages sur le pont. De Rémelfing, une batterie anti-chars, cerclée en rouge sur la carte, soutiendra le déploiement du 3ème bataillon devant Sarreinsming et on s'activera à la mise en place de ponts et passerelles. Le succès de l'attaque de Sarreinsming est primordial, son échec mettrait en danger les deux autres bataillons. En effet pour la suite des opérations, dans l'hypothèse d'un échec, le Colonel Miltonberger aurait l'ennemi dans son dos. Il ne cache pas son inquiétude, mais qu'a-t-il comme autre possibilité ? Il en prend le pari. Les unités du génie se sont démenées pour ramener à pied d'œuvre canots et passerelles. De toute évidence, les préparatifs, n'échapperont pas à l'ennemi et donc, chacun s'attend à une rencontre mouvementée. Nous sommes déjà le vendredi 8 décembre 1944, voilà 3 jours que la bataille a commencé. Au cours de la nuit qui précède la matinée de ce 8 décembre, les avants postes américains signalent divers mouvements de véhicules en direction de Sarreguemines. L'ennemi renforce-t-il ses positions où abandonne-t-il la rive droite de la ville ? Plus inquiétant encore, vers 4 heures du matin, l'artillerie ennemie ouvre le feu sur le pont de chemin de fer par où doit passer les 3 bataillons du 134e RI. Fort heureusement, lorsque à cinq heures, le premier bataillon quitte la gare de triage, les tirs ont considérablement diminué…… … Pendant ce temps et déjà tôt en matinée, le 1er bataillon attaque les bâtiments de l'asile, le 2e bataillon, après avoir traversé la Sarre doit se déployer dans Sarreguemines Est. Très vite ce dernier doit ralentir sa progression pour éviter de perdre le contact avec son voisin de droite qui se trouve aux prises avec des éléments SS retranchés dans le centre hospitalier de Steinbach. L'ennemi y a aménagé plusieurs habitations en véritables fortins. L'officier James Huston se rappelle du déroulement des combats dans le centre hospitalier : il écrit dans un rapport : " Au fur et à mesure que les G'I s progressaient d'un bâtiment à l'autre, l'ennemi réoccupait les étages qu'ils venaient de quitter et qu'il fallut reconquérir par la suite. " Ils ne prirent fin qu'aux environs de 16 heures." En attendant, Roecker, commandant du 2e bataillon, décide d'occuper le bois au sud de Neunkirch entre la ferme de la Cité et le terrain qu'occupe aujourd'hui la zone industrielle. Là encore, sa progression fut sérieusement ralentie quand, en début d'aprèsmidi, l'ennemi lance une contre-attaque précédée par un formidable tir de barrage. Les fantassins américains ont juste le temps de se retrancher quand apparaît à l'arrière de la faïencerie, une dizaine de chars allemands accompagnés d'un fort détachement d'infanterie. Au soir du 8 décembre, les pertes du 2e bataillon sont considérables, il ne reste en moyenne qu'une trentaine d'hommes par compagnie. Au cours de cette journée, tout au long de la ligne de combat la situation reste incertaine… … Si l'artillerie allemande se limite aux points critiques, l'artillerie alliée frappe partout. La route de Neunkirch, aux environs de l'aérodrome, se trouve sous le feu roulant des batteries de trois bataillons d'artillerie américains. Mais en faisant le bilan de la journée, il faut bien se rendre à l'évidence : il reste beaucoup à faire pour achever la libération de Sarreguemines. Au cours de la nuit du 9 au 10 l'ennemi avait ramené du renfort dans la ville. Mais, disposant enfin de ponts en cette matinée du dimanche 10 décembre et d'un espace suffisant pour se déployer dans Sarreguemines- rive droite, Le Général Baade, patron de la 35e Division, pour soutenir Miltonberger qui a subit la veille un demi-échec, engage un autre régiment : le 137e RI du Colonel Murray jusque là maintenu en réserve. Après avoir quitté respectivement Neufgrange et Rémelfing à cinq heures, les trois bataillons du régiment de Murray, parviennent à franchir la Sarre sans qu'un coup de feu ne soit tiré. De là, le départ est fixé pour 7 h.30. Les 1er et 2e bataillon, en rouge sur la carte, sont rassemblés dans le centre hospitalier pour attaquer la faïencerie. A 7h30 précise, plusieurs compagnies prennent le départ. La section d'armes lourdes avec ses mortiers est laissée non loin de la gare, rive gauche, d'où elle couvre le déploiement des compagnies dans la faïencerie. Le 3e bataillon, représenté par la flèche rouge la plus longue, se dirige plus au nord, quelques patrouilles se faufilent par les rues à la recherche de renseignements, d'ailleurs l'une d'entre elles s'empare d'un poste de mitrailleuse lourde. De toute évidence l'ennemi n'a pas quitté la ville où chacun est terré, attendant l'issue des combats, seule la corvée d'eau impose des sorties, qui se font en courant. De bonne heure, rive Gauche, rue des Généraux Crémer, un canon léger a pris position. Il est braqué rive droite sur le café Muller et déloge le nid de mitrailleuses allemand installé sur son toit. Pourtant, mis à part quelques accrochages, les premiers engagements sérieux ont lieu dans le quartier de la faïencerie comme nous le relate le Commandant du 2e bataillon, le Lt Col Georges O'Connel. Je vous lis un extrait de son rapport : " La section de tête de la compagnie F s'est précipitée vers le premier bâtiment de la faïencerie et a engagé le combat à la grenade et à l'arme légère. Seuls quatre hommes et moi-même parviennent à pénétrer dans le bâtiment alors que le reste de la section doit se frayer péniblement son chemin. Le bâtiment suivant est occupé par les SS et la section ne peut s'en approcher. C'est alors que le Capitaine Giacobello, Commandant de la compagnie F, ordonne à sa deuxième section de contourner la faïencerie et d'attaquer du nord, pendant que la section, avec laquelle il se trouvait, couvrirait le mouvement. La manœuvre réussit. " Voilà ce qu'écrit O'Connel…… … Pour les Allemands, tous fantassins S.S., il n'est pas question de se rendre. Alors, pour des raisons humanitaires et pour épargner des vies, un officier américain fait appel à l'abbé Jean Fourny, logé rue Geiger à la maison des Sœurs de Saint-Vincent de Paul, pour demander la reddition des Allemands. Après d'âpres pourparlers, linge blanc à la main, sœur Marie-Louise et l'abbé Fourny obtiennent la reddition sur l'honneur des S.S.. Ainsi toute la ville, à l'est de la rivière, est dégagée en fin de journée avec seulement la perte de trois hommes, un blessé et deux disparus. Quand au 3e bataillon, il a comme objectif Neunkirch. La progression s'est faite difficilement. Très rapidement il est accueilli par des rafales d'armes automatiques. Pour ne pas se voir immobilisé, le bataillon contourne les casernes Gallieni avant de se faufiler par un quartier habité de Sarreguemines Nord. Les casernes Gallieni se situaient à l'emplacement actuel du lycée technique Henri Nominé. Néanmoins il faut se battre toujours de maison en maison et ce n'est qu'à l'arrivée de chars américains que le calme revient. A 13 heures le bataillon reçoit l'ordre de poursuivre sa progression sur Neunkirch. A 15 heures Neunkirch est libéré. Peu après 17 heures l'on sait que l'ennemi s'est retiré derrière Neunkirch ne laissant en ville, en fin d'après-midi, que quelques éléments épars avec comme route de repli celles de Blies-Guersviller et de Blies-Schweyen….. …A 18 heures, l'ordre de suspendre le combat pour la nuit et de verrouiller la ville est donné. Chaque maison a été fouillée de fond en comble. Sarreguemines est enfin libérée. La Libération de la ville a nécessité 5 jours de combats. Je vais maintenant aborder la dernière partie de mon plan et vous narrer comment André Rausch, cet homme exceptionnel, va assurer une vie décente à la ville libérée. Nous sommes donc le lundi11 et entamons la 2e semaine de décembre, Le Maire est tout d'abord confronté au 1er grand problème : celui du ravitaillement. Heureusement, la ville a bénéficié des Américains de l'attribution de treize camions de vivres. Comme les épiciers ne sont pas encore en mesure d'ouvrir boutique le maire organise une distribution qui se fait au " Saalbau ", non loin de la Closerie des Lilas…. … Le maire s'attaque aussi à la Protection de la Population et prend des mesures : En effet il invite le Capitaine Risch à créer un piquet d'incendie de 8 à 10 hommes. De plus, il s'inquiète de la sécurité des biens et des personnes. Il s'agit essentiellement du problème relatif aux bombes à retardement qui auraient pu être placées en ville par les Allemands avant leur départ. André Rausch présente aux Américains une liste des bâtiments susceptibles d'avoir été choisis par l'ennemi afin qu'ils soient visités, puis déminés. Le mercredi 13 décembre 1944, c'est la prise de fonction du Sous-préfet Roger Fridrici. L'événement est d'importance. Le Gouvernement Provisoire de la France est à nouveau représenté à Sarreguemines. André Rausch va devoir maintenant naviguer entre les administrations française et américaine, il est prit en quelque sorte en tenaille, mais grâce à des talents de fin diplomate il va y parvenir, et nous allons le vérifier, d'une façon magistrale. Le Maire en plus du ravitaillement a un grand souci il songe à évacuer tous les réfugiés de la champignonnière de Welferding. Mais comment faire ? Et auparavant il faut déterminer comment va-t-on nourrir toutes ces personnes ? Les abriter ? Les soigner ? Et en même temps il faut tenter d'améliorer le sort et les conditions de vie du reste de la population. En effet, un rapide inventaire détermine que si 1929 foyers de la commune sont, dirons-nous, dans un état acceptable, par contre 850 logements sont partiellement détruits et comme je vous l'ai déjà dit tout à l'heure, 427 foyers sont complètement sinistrés….. ... Le maire convoque alors tous les chefs d'entreprise pour envisager des solutions afin de procéder aux réparations les plus urgentes à effectuer aux toitures des maisons endommagées. André Rausch, toujours soucieux de ces concitoyens, après avoir pris les devants pour tenter d'abriter la population, fait appel à Marcel Pierron afin qu'il mette en place une structure pour faire fonctionner une cuisine populaire dont le but est de nourrir la population tant qu'elle est démunie soit de ressources financières, soit de denrées alimentaires. Dans un autre registre le Maire souhaite que le Courrier de la Sarre soit remis rapidement en état afin qu'il reprenne au plus vite sa diffusion. La population sera ainsi avisée des événements locaux et nationaux. Nous sommes déjà 3e semaine de décembre, Après le problème du ravitaillement qui reste un souci constant, après la protection de la population, après ses prises de positions pour abriter les habitants, après la mise en place de la cuisine populaire, André Rausch s'attaque cette fois au problème de la circulation entre les deux rives puisque depuis l'explosion des ponts pour traverser la rivière il faut enjamber les amas de ferrailles et les poutrelles enchevêtrés. Le Maire demande donc au Capitaine américain Warren Morrell de lui accordez la possibilité de construire une passerelle pour les piétons afin qu'ils puissent se rendre de la rive gauche à la rive droite et vice versa sans laissez-passer. Les Américains donnent leur accord avec cependant des restrictions d'horaire. Aussitôt le Maire va chez Alfred Dietsch qui dirige l'entreprise Dietsch et Cie. et chez le charpentier Rau pour envisager la construction d'une passerelle en bois… … Le Maire accentue la pression. Après les Américains, ayant de plus en plus d'ascendant sur l'administration française, il demande au Sous-préfet de prendre cette fois rapidement des mesures administratives obligeant les paysans de la région à déclarer à leur mairie respective : D'une part la quantité de lait qu'ils sont à même de livrer journellement à Joseph Muller, le collecteur de lait, d'autre part de donner à leur mairie le nombre du bétail qu'ils sont prêts à vendre aux fins d'abattage. De plus, André Rausch estime que le peu de farine blanche dont disposent les boulangers doit être distribuée aussi bien en ville que dans les communes voisines. Il demande donc aux boulangers de répartir cette farine avant les jours de Noël et de faire le compte de la quantité à remettre à chaque habitant. En cette fin de mois de décembre le maire a besoin d'urgence de moyens financiers que l'Etat ne peut lui apporter. Alors il agit seul et décide seul car il n'a pas encore la possibilité de se faire appuyer par une assemblée quelconque. Il prend l'initiative de demander à une banque de la place de bien vouloir ouvrir à la ville un crédit en compte courant de 100.000 Reichsmark aux meilleures conditions. Il importe que les recettes municipales puissent disposer au plus vite de 30.000 Reichsmark, et il les obtient. Pour votre information, les Reichsmark ne seront convertis en francs que le 15 Mars 1945 soit 3 mois plus tard. Quel soulagement, car la plupart des salariés qui n'ont plus touché de traitements depuis le mois d'octobre dernier, soit depuis trois mois, vont pouvoir enfin être payé. Et à nouveau il décide, encore et toujours seul, que la ville se chargera d'avancer dans le cadre des mesures de première urgence les moyens financiers nécessaires à garantir aux personnes nécessiteuses un secours temporaire. Ces allocations qui furent ensuite régulièrement versées aux intéressés seront remboursées bien plus tard à la ville par l'Etat et le Département. André Rausch n'attend pas l'arrivée d'instructions préfectorales pour venir en aide aux nécessiteux, nous avons déjà vu qu'il a mis en place la cuisine populaire, mais comme nous l'avons vu il accorde en plus des avances remboursables sur sa propre initiative. André Rausch et le Major Bennett ont décidé d'évacuer les 2500 réfugiés de la champignonnière de Welferding. Bennett a convaincu son Etat Major. Les alliés avec l'aide des F.F.I. aident les réfugiés à regagner leur domicile. André Rausch quant à lui cherche le moyen d'envisager des mesures pour la réintégration de ces personnes qui se trouvent quasiment toutes dans une situation précaire. Alors qu'il s'occupe déjà de la cuisine populaire, le maire charge Marcel Pierron, de créer un centre d'accueil pour les réfugiés de Welferding. Et puis André Rausch décide de donner au service des réfugiés une organisation administrative. Pour cela, il nomme encore Marcel Pierron responsable de ce service, et lui rattache aussi celui du logement. Quant au Major Bennett, par mesure de sécurité, car ces villages sont sur le front, fait évacuer la veille de Noël les habitants de Frauenberg et de Folpersviller dans des centres d'accueil. Les plus importants de ces centres sont situés au lycée, au café Gambs rue Saint-Croix, à l'école de la Sarre et avenue de la Gare à l'hôtel Terminus, aujourd'hui hôtel Amadeus. Le maire s'attaque également au problème des énergies. André Rausch charge Frédéric Gaestel de la remise en marche de l'eau et de l'électricité. Une des questions les plus épineuses étant celle de l'eau. On commence par installer une petite pompe pour puiser l'eau à l'aide d'un tuyau d'incendie dans la conduite des bas quartiers de la rive gauche. Les habitants de ces quartiers sont les premiers à être pourvus d'eau potable alors que les autres doivent toujours se contenter provisoirement de l'eau des puits qui fort heureusement se trouvait un peu partout en ville. J'ai dénombré 22 puits rive gauche et 10 puits rive droite. Les travaux de déblayage de la station de pompage terminés, Gaestel installe une première pompe actionnée par un moteur diesel. Son débit suffit pour fournir l'eau potable pour toute la rive gauche jusqu'à la hauteur de la rue du Petit Paris. En ce qui concerne le courant électrique les principaux transformateurs sont détruits et les conduites endommagées. Gaestel intensifie les réparations du réseau urbain alors qu'on a des difficultés énormes à faire réparer les conduites d'amenée venant de Carling. Finalement nous le verrons plus tard c'est le samedi 3 février vers 17 heures que Sarreguemines sera à nouveau alimentée en électricité. Le Maire est également préoccupé par l'état sanitaire de la population. Il désigne le Docteur Zahm en charge de la question sanitaire. Le premier rapport du Docteur Zahm est préoccupant, il fait état d'environ 1600 cas de tuberculoses…… …..Mais revenons un instant à l'action militaire. En ville le 30 décembre un tir d'artillerie tue 2 civils Chemin de la Solitude, le lendemain Closerie des Lilas on déplore 4 morts et 6 blessés. Ils sont le résultat de tirs allemands depuis Hanwiller mais aussi d'erreur de pointage de l'armée américaine. Voilà maintenant plus d'un mois qu'Allemands et Américains jouent de l'accordéon avec le front sur une ligne Frauenberg, Bliesbruck, Gros Réderching, Bitche. En effet la guerre n'est pas finie et le front est à peine à 5 km de Sarreguemines. Les Allemands déclenchent la nuit de la Saint Silvestre l'opération Nordwind. La 44e Division d'Infanterie U.S. subit l'attaque sur un front qui s'étend de Sarreguemines à Bitche. Cette nuit là, à hauteur de Sarreguemines, les Allemands tentent une percée des lignes américaines au niveau du 114ème régiment d'infanterie. Ce régiment a ordre de tenir la courbe de la Blies jusqu'au nord de l'aérodrome de Neunkirch. Le Major Bennett en personne et sa section des affaires civiles viennent lui prêter main forte. Finalement, c'est grâce à l'artillerie que l'offensive de l'ennemi est endiguée entre Sarreguemines et Folpersviller. Dans le même temps, un régiment d'infanterie allié repousse trois tentatives de traversée de la Blies par l'armée allemande près de Habkirchen et Blies-Ebersing. Au matin du 1er janvier, aux alentours de 8 heures la situation est cependant toujours critique. Si critique que les Américains décident d'évacuer les habitants de Bliesbruck et de Blies-Ebersing et de replier les services secrets installés au restaurant de " La Charrue d'Or " sur Sarrebourg. A 16h15, à nouveau, 4 civils sont tués Closerie des Lilas Le lendemain l'attaque allemande à Wiesviller fut d'une brutalité inouïe. Les Allemands ont même utilisé leurs fusils comme gourdin. Ce furent des combats au corps à corps. L'ennemi attaqua 8 fois. On déplora 8 morts dans les rangs américains. Quant aux Allemands les pertes avoisinent environ 1100 tués et blessés et bien évidemment de nombreux prisonniers. Cette disproportion fantastique des pertes est la conséquence de la tactique allemande qui consistait à envoyer leurs fantassins par vagues successives. L'essentiel, néanmoins, est atteint, l'opération Nordwind dans le secteur de Sarreguemines s'est avérée pour les Allemands, un cuisant échec. Alors que la population craint toujours le retour des Allemands, Le maire, pendant cette période incertaine, comme si de rien était, décide du changement de la dénomination allemande des noms de rues et rétabli leur dénomination initiale d'avant 1940….. Sachant s'entourer d'hommes résolus et compétents et avec l'aide du personnel municipal dès les premiers jours de janvier, André Rausch assoit son administration. Il met en place un organigramme et défini qui fait quoi. Des difficultés énormes ont dû être vaincues. Il songe dès à présent à l'organisation défi- nitive des Services municipaux à condition toutefois que la question des locaux puisse être réglée d'une manière satisfaisante car, l'Hôtel de Ville, comme nous l'avons vu a été complètement détruits. Il envisage dès lors l'installation de la presque totalité des Services municipaux dans les bâtiments administratifs de la Faïenceries, rue Poincaré, que la ville a acquis sous le régime allemand et qui abrite encore aujourd'hui de nombreux services de la mairie. Si l'événement heureux de la mi-janvier est bien la parution du Courrier de la Sarre, à contrario quatre cas de diphtérie se sont déclarés, on craint une épidémie, mais aussi la ville subit continuellement des tirs de l'artillerie allemande depuis Hanviller mais aussi et toujours des erreurs de pointage de l'armée américaine. Il faut aussi faire face à l'arrivée d'habitants des communes de Woelfling et Wiesviller, Bliesbruck, Blies Ebersing, Folpersviller, Rimling et Achen qui vivent un véritable cauchemar et qui viennent se réfugier à Sarreguemines. La ville compte près de 900 réfugiés. Le 15 janvier il ne reste plus que 8 jours de farine. André Rausch met en garde le Sous-préfet et lui demande d'intervenir énergiquement à Metz, la situation est critique. Le maire décide l'évacuation du bunker du Sacré-Cœur. Il va s'entretenir de ce problème avec le Major Bennett car dans le bunker se trouvent encore 200 à 300 personnes qui vivent dans des conditions d'hygiène plus que difficiles. C'est le 21 janvier que commence l'évacuation de cet abri. Les derniers jours du mois de janvier 1945, André Rausch va les consacrer à la réouverture des salles de classes. Il ordonne à Frédéric Gaestel de déblayer les débris autour des écoles, il prend contact avec le corps enseignant Sarregueminois, établie un état des lieux et envoie Henri Ehrmann, son adjoint, convaincre le révérend du Blauberg de céder un temps une partie de son établissement pour ouvrir des salles de classes. André Rausch déploie une grande activité pour ouvrir à tout prix les écoles, il atteindra son objectif à Pâques. Début février, après qu'il eut négocié avec le Major Bennett on peut enfin traverser le pont, sans laissez-passer et sans restriction d'horaire. Le 3 février à 17h c'est l'événement : l'électricité est rétablie. Et maintenant, toute la rive gauche est alimentée en eau. Compte tenu du danger car les accidents sont nombreux, le maire entreprend des démarches auprès de l'armée américaine comme de l'administration française pour que l'on procède au plus vite au déminage aussi bien en ville que dans les campagnes environnantes. André Rausch toujours avec l'aide du Major Bennett et avant que ce dernier ne quitte Sarreguemines porte à 150 le nombre de lits de l'hôpital… …André Rausch, épuisé, n'est pas candidat à l'élection municipale d'octobre 1945. Cependant, il est élu, quelque temps plus tard, par ses pairs, Conseiller de la République, nos sénateurs d'aujourd'hui, et il abandonne définitivement la vie publique deux ans plus tard. Il décède en 1975 à l'âge de 75 ans. Quant aux libérateurs américains, ils quittent Sarreguemines au cours du premier semestre de 1945. Les 9 et 10 mai 1945 la population en liesse fête la Libération... …Et maintenant il me faut conclure nous sommes le le 5 juin 1949, Robert Schuman, alors ministre des Affaires Etrangères, que l'on aperçoit à gauche sur la photo, remet à la Ville de Sarreguemines la Croix de Guerre avec palmes brandit par le maire Henri Erhmann, car la cité s'est acquise les droits à la reconnaissance du pays pour le patriotisme de ses habitants et pour son attachement à la Mère Patrie. Gérard Saleron est l'auteur de l'ouvrage : André Rausch, maire malgré lui, et la Libération de Sarreguemines Ouvrage disponible en librairie