LE PETIT LIVRE ROUGE DES ECOLIERS ET LYCEENS

Transcription

LE PETIT LIVRE ROUGE DES ECOLIERS ET LYCEENS
BO DAN ANDERSEN
SOREN HANSEN
JESPER JANSEN
LE PETIT LIVRE ROUGE DES
ECOLIERS ET LYCEENS
CEDIPS, Lausanne
Collection La Taupe
Nouvelle édition revue et augmentée par
SOREN HANSEN
JESPER JANSEN
Traduction et adaptation française : Lonni et Etienne BOLO
copyright 1969, 1970 Hans Reitzels Forlag A/S
Copenhague
Nouvelle édition revue et augmentée
Couverture de Ole Vedel
SBN 412 3112 0
Imprimé au Danemark sous le titre
DEN LILLE RODE BOG FOR SKOLEELEVER
© pour l'édition française CEDIPS, Lausanne
Préface de l'adaptation française
Ce petit livre rouge n'a rien de chinois. Il a été écrit par trois Danois, qui sont deux
professeurs et un psychologue, à l'intention des écoliers, lycéens et élèves de tous les niveaux.
C'est en tant qu'ancien lycéen, que professeur et que père que j'ai été d'emblée séduit par
l'extraordinaire bon sens de cet ouvrage. Un bon sens révolutionnaire assurément, mais dans
le bon sens I II m'a tout de suite semblé que les écoliers, lycéens et étudiants de langue
française avaient le droit, eux aussi, à leur « Petit Livre Rouge ».
Le temps et certaines circonstances m'ont empêché de donner à l'adaptation française tout le
fini souhaitable. Je compte sur les milliers d'élèves à qui ce livre apportera quelque chose,
pour la compléter.
Etienne BOLO
Maître-Assistant à l'Institut National pour la formation des Adultes
NB. - Tu trouveras à la fin du volume des notes utiles ou simplement quelques équivalences
d'appellation dans les différents pays francophones que ce livre concerne. Nous te serons
reconnaissants de bien vouloir nous indiquer d'autres tuyaux. Les chiffres renvoient aux notes
à la fin volume.
Tous les adultes sont des tigres de papier
II y en a beaucoup parmi vous qui se disent : ça ne sert à rien, nous ne pourrons jamais faire
quelque chose ; c'est toujours les adultes, les grandes personnes, qui décident pour nous et la
plupart des camarades, ou bien ils ont peur ou bien ils s'en fichent.
Un tigre, ça fait très peur I Mais s'il est en papier, il ne bouffera personne. Vous surestimez
beaucoup le pouvoir des adultes et vous ne vous rendez pas compte de tout ce que vous
pouvez faire et obtenir par vous-mêmes. Les adultes ont tout pouvoir sur vous aujourd'hui! Ce
sont de vrais tigres ! Mais si vous vous y mettez résolument, à la longue, ils n'auront plus de
pouvoir sur vous. Ce sont des tigres de papier !
Les jeunes et les adultes, les enfants et les grandes personnes ne sont pas naturellement et
nécessairement des ennemis. D'abord, les adultes ne sont pas tout-puissants pour la bonne
raison que très souvent ils n'ont même pas le pouvoir de modifier leur propre situation ou
d'agir comme ils le voudraient. Ils se sentent souvent coincés et impuissants, ils sont obligés
de se soumettre à des forces économiques ou politiques qui sont leurs vrais maîtres. Et ce sont
les enfants et les jeunes qui paient l'addition. Il vous est pourtant parfois possible de
collaborer avec les adultes, c'est lorsque ceux-ci ont vraiment pris conscience de leur
impuissance et ont décidé de faire quelque chose.
Plus vous saurez tout cela, plus vous discuterez entre vous de tout, et plus vous pourrez exiger
et obtenir de vos maîtres. Toi, écolier, lycéen, si tu es content de ton sort, si tu penses que tout
va bien et qu'il ne faut surtout rien changer, alors, ce livre, jette-le ! Non, ne le jette pas !
Donne-le plutôt à un camarade qui trouve qu'en classe tout ne va pas pour le mieux et même
que, pour lui, ça va plutôt mal. Nous parlons dans ce petit livre de tous les sujets qui ont de
l'importance quand on va en classe. Il y en a peut-être dont tu n'as jamais entendu parler. Nous
t'expliquons que tout ne doit pas nécessairement être comme c'est aujourd'hui. Nous
t'expliquons ce que toi et tes camarades vous pouvez faire si vous voulez que ça change. Nous
avons écrit ce livre pour tous ceux qui vont en classe ou suivent des cours : écoliers, lycéens
et toutes les catégories d'élèves. Nous sommes persuadés que même les étudiants pourront en
tirer profit. Ce livre n'est pas fait pour être lu d'un bout à l'autre. A la fin du livre tu trouveras
la table des matières avec l'indication de tous les sujets que nous abordons et un chiffre qui
renvoie à la page. Ce livre est fait pour être consulté, un peu comme un dictionnaire, quand on
a besoin de se renseigner sur quelque chose. Quand vous aurez lu notre « petit livre », vous
aurez peut-être envie de nous écrire. Nous tâcherons de vous répondre. Mais nous pensons
que d'autres sont au moins aussi qualifiés que nous pour vous répondre, vous aider et vous
conseiller : ces autres, ce sont vos camarades.
C'est pourquoi dans toute la mesure du possible, nous essaierons de vous mettre en contact
avec des élèves, des écoliers, des lycéens, des étudiants, qui rencontrent les mômes problèmes
que vous et qui peuvent vous aider d'une façon ou d'une autre. Et vous tous, et toi qui nous lis,
peut-être y a-t-il de bonnes idées dont nous (et aussi vos camarades) pourrions profiter
utilement. Il faut nous les dire. Et s'il y a des choses que tu veux critiquer dans ce livre, il faut
nous les dire aussi. Ecrivez-nous, si vous en avez envie ou besoin. Notre petit livre ne sera
vraiment votre petit livre que lorsque vous l'aurez écrit vous aussi.
Etienne BOLO
Poste Restante
75 - Paris 97
<texte : http://www.ecologielibidinale.org/fr/biblio/petit_livre_rouge_ecoliers_lyceens.pdf >
agrégation
bac baccalauréat
BEPS
CEG
CEP
inspecteur
Inspection académique
Lycée
Ministère
Ministère de l'Education Nationale
Notes
Première
Proviseur
Sixième
Terminale
NOTES
doctorat
bachot, maturité fédérale
certificat d'études
école primaire
examens finaux de l'école primaire
membre de la commission scolaire
commission scolaire
collège et/ou gymnase
département
Département de l'Instruction Publique
En France, les échelles vont de 0 (nul) à 20
(parfait), en Suisse elles peuvent aller de 0 à
10, de 0 à 6 ou de 5 ou 6 (nul) à 1 (parfait)
avant-dernière année de gymnase
directeur d'école
Première année de l'école secondaire
dernière année avant le bachot
TABLE DES MATIÈRES
Tous les adultes sont des tigres de papier
L'ENSEIGNEMENT
Comment est-ce qu'on nous fait apprendre ?
Ce qu'on apprend et comment? — Améliorez votre enseignement.
Les Cours
Qu'est-ce qu'un emploi du temps ? — Comment enseignent huit professeurs sur dix ? — «
Motivation » : la pilule enrobée de sucre — Que font les deux professeurs sur dix qui ne font
pas comme les autres ? — Si tu t'ennuies — Chahuter : qu'est-ce que c'est ? — Ce que vous
pouvez faire vous-mêmes — A quoi servent les cours ?
Les Devoirs
Pourquoi des devoirs à faire à la maison ? — Les parents peuvent-ils t'aider à faire tes devoirs
? — Tricherie ou travail en commun — Comment se servir du travail à faire à la maison ? —
Faites un programme pour votre travail — Les « corrigés » et les « livres du maître ».
LES PROFESSEURS
Les Professeurs
Les devoirs d'un professeur — Que savent les professeurs ? — Qu'est-ce que les professeurs
savent sur vous ? — Les professeurs entre eux — Que se passe-t-il pendant les réunions de
professeurs ? — Les professeurs, eux aussi, sont enchaînés. Comment s'Influencer les uns les
autres ? Pour influencer, les autres, ne pas oublier : — Si vous aimez votre professeur — La
sincérité peut tout changer — Agir, faire quelque chose, c'est influencer — De quoi le prof at-il peur ? — II est difficile d'influencer un homme qui a peur — Les conflits et autres sujets
de malentendus — Des grèves et des actions collectives — Avant une grève ou une action —
Pour mener à bien l'action que vous avez décidée — Après l'action.
Comment se plaindre d'un professeur ?
Rassemblez des matériaux — Adressez-vous pour commencer au professeur ou au conseil
d'élèves — Adressez-vous à la direction — Adressez-vous aux autorités
— Comment présenter une plainte ? — N'oubliez surtout pas que — Un professeur peutil être renvoyé ?
Les punitions : Celles qui sont permises et celles qui ne le sont pas
Les règlements — Les punitions et les sanctions — Les retenues ou plutôt les « colles » —
Le renvoi — Les punitions corporelles : un prof peut-il vous frapper ?
LES ÉLÈVES
Les Camarades
Des faits — Sais-tu que ? — Deux systèmes de valeur — Des choses qu'il faut que tu saches
— Dans l'illégalité.
L'intelligence : seuls les imbéciles y croient
L'intelligence : ça peut descendre, ça peut aussi monter — Pourtant il y a des différences —
Qu'est-ce que c'est qu'un enfant « arriéré »? — Sélection, élimination, discrimination — Le
renforcement de la sélection — Bête ou intelligent ?
Les heures de liberté
Ce que vous offrent les adultes — Ce que vous pouvez faire par vous-mêmes — Comment
procéder ? — Pour obtenir des locaux — Vous avez des droits.
La sexualité et les rapports sexuels
La masturbation — Caresses et coïts — Les moyens pour ne pas faire d'enfants à tort et à
travers — Pollutions et règles — Les obsédés et les sadiques — La pornographie : livres,
revues, photos — L'homosexualité — Normal et anormal — Tâchez d'en savoir plus.
L'avortement
L'avortement légal et illégal — Les différentes sortes d'avortement — Pour avoir des
renseignements.
Stimulants, poisons enivrants, stupéfiants et autres drogues
Accoutumance et dépendance.
Le tabac
L'alcool
Ses effets — se saouler, qu'est-ce que c'est ? — La gueule de bois et le mal aux cheveux.
Le haschisch
Les différentes sortes de haschisch — Faire un « voyage », être « parti », qu'est-ce que c'est ?
— Le haschisch rend-il malade ? — Le haschisch engendre-t-il accoutumance et intoxication
? — Le haschisch est-il dangereux ? — LSD et mescaline — N'oublie pas.
Les stupéfiants
Les excitants — La morphine — Héroïne et opium — Cocaïne — Somnifères et euphorisants
— Drogues techniques — Les seringues — N'oublie pas.
LE SYSTÈME
Ton lieu de travail
La salle de classe — Les couloirs — La cour.
Les notes
Les notes, c'est de l'escroquerie — Les notes, c'est un moyen de pression pour les profs —
Les notes, c'est le bâton ou la carotte — Dites non aux notes.
Les examens et les compositions
Ça peut changer — Les examens sont publics.
Qui commande et à qui ?
Qu'est-ce que la participation ?
Imposez votre « participation » démocratique — La solidarité — Divergences d'opinions
et conflits d'intérêts.
L'école et la société
Notes
LE PETIT LIVRE ROUGE DES ECOLIERS ET DES
LYCEENS
Cet ouvrage a été publié pour la première fois au Danemark,
en 1969-1970, par1 deux professeurs et un psychologue. La
version française2, publiée en 1971, a été interdit en France
par le Ministère de l'intérieur.
L'ENSEIGNEMENT
Comment est
­ ce qu'on nous fait apprendre?
Tout le monde a envie d'apprendre.
Il y a beaucoup de professeurs qui jugent que le plus important
dans l'enseignement, c'est que ce soit eux qui apprennent aux
élèves les choses qu'ils doivent apprendre. Ces professeurs
pensent que ce serait une perte de temps bien inutile que de
permettre aux élèves d'apprendre des choses eux­mêmes et par
eux­mêmes, ou de les laisser discuter entre eux de leur travail.
Beaucoup de professeurs estiment aussi qu'il est bon qu'une
partie du travail qu'ils donnent aux élèves soit ennuyeuse.
Comme ça, pensent­ils, les élèves apprendront très tôt qu'il
existe aussi une chose qui s'appelle le travail obligatoire et que
la vie est pleine d'obligations très ennuyeuses.
Il y a beaucoup de professeurs qui trouvent parfaitement inutile
d'expliquer aux élèves pourquoi il faut qu'ils apprennent telle
chose. Ils disent seulement qu'il faut l'apprendre parce que c'est
dans le livre.
1 : Bo Dan ANDERSEN, Soren HANSEN et Jesper JENSEN,
2 : traduite et adaptée par Lonni et Etienne BOLO
Ces professeurs se trompent ! Peut­être est­ce par ignorance ?
Peut­être est­ce parce qu'ils sont trop paresseux pour réfléchir
aux bons moyens qui permettraient à leurs élèves de se mettre à
apprendre par eux­mêmes.
Pour apprendre quelque chose, il faut premièrement : que tu
fasses un effort, deuxièmement : que tu disposes autour de toi
des moyens pour faire cet effort. Si l'école existe, c'est
précisément pour donner à chaque élève tous les moyens
possibles d'apprendre quelque chose.
Ne l'oublie pas, tout ce que tu sais, c'est toi et toi tout seul qui
l'a appris. C'est toi qui doit bûcher pour apprendre. Ton
professeur ne peut le faire à ta place. Tout ce qu'il peut faire,
c'est de te donner les moyens dont tu as besoin pour que tu te
mettes à apprendre par toi­même.
Souviens­toi aussi que la seule façon d'apprendre comment les
choses s'enchaînent les unes aux autres et comment distinguer
le vrai du faux, c'est de pouvoir le découvrir soi­même par
l'expérience.
Ce qu'on apprend et comment ?
Quand on s'ennuie, la seule chose qu'on apprend, c'est à
s'ennuyer. Et c'est comme ça, que ce soit une classe de
géographie, d'histoire ou de maths.
Quand on n'a qu'un droit, celui d'obéir, or apprend
inévitablement à ne jamais chercher à savoir pourquoi on fait
ce qu'on fait. On apprend à ne jamais se poser de questions, on
apprend à ne plus penser.
Quand on est forcé d'apprendre, on apprend que c'est pénible
d'apprendre quelque chose et ça ne facilite pas du tout les
choses que le prof explique que plus tard, dans la vie, on aura
absolument besoin de savoir ça.
Quand on est considéré comme un mineur et qu'on n'a pas le
droit de choisir ou de décider Par soi­même, on­apprend à
devenir et à rester un mineur et un incapable. Et c'est ce qu'on
est, même si on obtient pour un devoir de composition ces 18
ou ces 20 sur 20 qui ne doivent récompenser qu'un travail
parfait et témoignant d'une remarquable originalité.
S'il faut toujours faire les choses de la même façon, on
n'apprend qu'une seule façon de les faire. Et après, ça ne sera
pas facile de se débrouiller dans toutes les situations nouvelles
qu'on rencontrera inévitablement.
Pour apprendre intelligemment et utilement, il faut avant tout
­ en avoir envie
­ trouver le sujet intéressant
­ comprendre pourquoi on l'apprend
­ participer
­ pouvoir travailler le sujet soi­même
­ pouvoir travailler te sujet avec ses camarades.
Si vous trouvez qu'un de vos professeurs n'est pas très doué
pour l'enseignement, il faut que vous l'aidiez à améliorer ses
façons de faire et à devenir un meilleur pédagogue. (Voir a ce
sujet le chapitre intitulé : « Comment s'influencer les uns les
autres ? »)
Vous êtes les premiers à savoir si vous vous ennuyez et si vous
n'avez pas le droit d'ouvrir la bouche. Si c'est le cas, dites­le au
professeur. Lui, il veut bien et même il veut que vous
appreniez. La plupart des professeurs veulent aussi que vous
vous sentiez bien en classe, parce qu'alors, eux aussi se sentent
bien. Parlez à vos professeurs, demandez­leur de rendre, si
possible, leur enseignement plus vivant et moins ennuyeux.
Si le professeur refuse de vous écouter, allez voir le proviseur
ou bien écrivez à l'inspecteur. C'est votre droit, ne l'oubliez pas,
que de recevoir un enseignement intéressant et efficace. Et
vous êtes les premiers à savoir si l'enseignement que vous
recevez est mauvais : ou bien vous vous ennuyez jusqu'à vous
endormir, ou bien vous faites du chahut.
Améliorez votre enseignement
Pour ce!a, il vous faudra certainement fournir un effort.
Peut­être trouvez­vous facile et moins fatigant que ce soit le
professeur qui fasse la plus grande partie du travail pendant les
cours. Mais si vous vous contentez d'écouter passivement ce
que raconte le prof, vous n'apprendrez jamais rien, et en plus
vous vous ennuierez. On vous fait réciter la leçon de la dernière fois, on vous fait
préparer la leçon de la prochaine fois, puis on vous donne des
devoirs qui sont dans le livre... Sachez qu'il y a beaucoup
d'autres façons d'apprendre une matière ou Lin sujet, et surtout
des façons beaucoup plus amusantes. Et c'est précisément parce
qu'elles sont nouvelles et plus amusantes qu'on apprend mieux
et plus.
LES COURS
Qu'est
­ ce qu'un emploi du temps ? On aime que l'ordre règne dans l'école et que les horaires de
travail des élèves et des professeurs soient fixes et bien
organisés. On veut aussi que les élèves et les professeurs aient
leur récréation en même temps. Comme ça, c'est beaucoup plus
facile de faire régner l'ordre parmi les élèves dans la cour de
récréation.
Pour être sûr que vous en sachiez assez dans chaque matière,
on fixe le nombre d'heures que vous devez passer à étudier, par
exemple, la géographie. C'est le ministère * qui fixe ce nombre
d'heures par matières pour toute une année scolaire, et c'est la
direction de l'école qui est chargée de répartir également ces
heures par semaine.
C'est un vrai casse­tête pour la direction de l'école, que de tenir
compte des directives du ministère. Pour se donner une bonne
conscience, elle fait « un emploi du temps. » L'emploi du
temps qui existe dans votre école a été inventé au Moyen Age.
On pourrait assurément trouver beaucoup d'autres façons
d'organiser le temps que vous passez en classe.
Au lieu de faire un emploi du temps pour une semaine, on
pourrait, par exemple, en faire un pour une quinzaine. On
pourrait aussi ne pas découper cet emploi du temps en «heures
de cours » et réserver toute une journée pour travailler tel sujet
ou telle matière.
On peut aussi à certains moments se passer complètement du
système des classes. Au lieu de s'entasser dans une classe à 50
ou 100 à la fois, on peut travailler au sein de petits groupes où
l'on a bien mieux la possibilité de discuter des sujets entre
camarades. On peut aussi faire des emplois du temps où les
élèves ne sont pas regroupés d'après leur âge, mais d'après le
niveau qu'ils ont atteint dans la matière en question.
Il y a une multitude de façons possibles d'employer le temps
pendant une année scolaire, mais bien sûr, le vieux système
d'emploi du temps hérité du Moyen Age parce que tout le
monde le connaît, c'est le plus facile à suivre pour
l'administration.
Il y a des élèves qui n'ont besoin que de la moitié du temps
réservé sur l'emploi du temps pour le français pour apprendre à
lire et à écrire correctement. D'autres élèves peuvent avoir
besoin du double de ce temps. Il y a des professeurs qui auraient besoin de deux fois le
nombre d'heures prévu par l'emploi du temps pour vous faire
apprendre le programme ; d'autres, la moitié du temps leur
suffirait. Ne croyez surtout pas que vous saurez une matière
pour la seule et unique raison que vous aurez passé à
l'apprendre le nombre d'heures prévu sur l'emploi du temps par
le ministère.
Peut­être aussi que tu es très faible en français, par exemple, et
que tu aurais besoin de beaucoup d’heures d’étude alors que
pour tes camarades, huit heures suffisent largement. Mais
l'emploi du temps, c'est sacré et vous aurez tous le même
nombre d'heures.
Comment enseignent huit professeurs sur dix ?
Huit professeurs sur dix ne font pendant toutes leurs heures de
cours que de « l'enseignement de classe », c'est­à­dire que c'est
eux qui décident ce que toute la classe doit faire : de quoi il
faut parier, ce qu'il faut lire, ce qu'il faut écrire.
De temps en temps, le professeur pose des questions à toute la
classe ou bien à un élève en particulier. Mais ce n'est jamais
pour avoir votre avis sur ce que vous faites en classe qu'il vous
interroge, c'est la plupart du temps, pour vérifier que vous
suivez bien et que vous avez compris ce qu'il pense, lui.
Souvent aussi il pose des questions, simplement pour que vous
n'oubliez pas qu'il est là.
On sait depuis longtemps déjà que cinquante minutes
«d'enseignement de classe», c'est beaucoup trop long pour les
élèves. Ça n'a servi à rien ! On fait toujours des cours de
cinquante minutes, et on fait toujours de « l'enseignement de
classe ».
Il y a des professeurs qui croient faire un enseignement
individuel et s'intéresser à chaque élève en particulier pour la
seule raison qu'ils interrogent les élèves un par un. Mais si
toute la classe doit écouter, ce n'est pas de l'enseignement
individuel, ça reste de l'enseignement de classe. Si le professeur vous distribue un livre à la fin du cours, vous
en fait lire un passage qu'il vous demande ensuite de discuter,
c'est de l'enseignement de classe. Si le professeur divise son
cours en trois parties, la première pendant laquelle vous devez
écrire, la deuxième pendant laquelle vous devez lire, la
troisième pendant laquelle vous devez discuter, c'est aussi de
l'enseignement de classe. Si le professeur se contente de vous faire réciter la leçon
précédente et vous faire travailler la prochaine, c'est
évidemment et toujours de l'enseignement de classe.
Oui ! Tout ça c'est de l'enseignement de classe, parce que c'est
le professeur et lui seul qui décide et ce que vous devez faire en
classe et la façon dont vous devez le faire.
« Motivation » : la pilule enrobée de sucre
Pour que vous ne vous endormiez pas complètement pendant la
classe, il y a des professeurs qui essaient de réveiller votre
intérêt avec des films, des enregistrements au magnétophone ou
des photographies. C'est assurément une très bonne intention
que de vouloir rendre le travail plus intéressant, et c'est une
bonne idée d'employer autre chose que les sempiternels livres
et cahiers.
Mais si les profs font ça, c'est bien souvent parce qu'il leur faut
amener leurs élèves à porter intérêt à un sujet ou une matière
qui ne les intéressent absolument pas et dont ils n'auront jamais
besoin une fois sortis de l'école.
Les psychologues appellent ça «trouver une motivation pour
les élèves», ce qui en bon français signifie : enrober de sucre
une pilule amère pour mieux la faire avaler. Quand une matière
est tellement ennuyeuse qu'il est impossible d'obtenir des
élèves qu'ils s'y intéressent, on cherche des trucs pour la
présenter quand môme de façon attrayante. On trompe les
élèves et on leur fait perdre leur temps.
Essayez d'utiliser des occasions de ce genre pour aborder des
sujets qui n'ont strictement rien à voir avec la matière étudiée,
mais qui vous intéressent et qui par conséquent vous sont
utiles.
Que font les deux professeurs sur dix qui ne font pas
comme les autres ?
Ils vous laissent probablement choisir vous­même comment
vous allez travailler : tout seul, à deux, ou bien en groupe. Ils
vous laissent peut­être aussi choisir vous­mômes le sujet qui
vous intéresse le plus dans la matière qu'ils enseignent.
Si vous avez un devoir à faire, ils vous donnent quelques
conseils, puis ils vous laissent travailler tout seul. Peut­être
faut­il que vous alliez chercher hors de la classe les
renseignements et la documentation qu'il vous faut,
peut­être,aussi devez­vous plonger brusquement au milieu d'un
océan de matériaux et de documentation et ne compter que sur
vous pour apprendre à y nager. C'est quelquefois très difficile,
mais on est sûr d'apprendre quelque chose.
Nous savons bien qu'il y a des matières où on vous laisse
choisir vous­mêmes ce que vous voulez faire et votre façon de
travailler. Ce sont souvent les matières que les parents et les
autres professeurs jugent inutiles et absurdes, comme par
exemple le modelage, ou le travail manuel.
Si votre professeur vous laisse la chance d'entreprendre
librement un travail et de le faire à votre façon, vous devez
sauter sur l'occasion et aider votre professeur. N'oubliez pas
qu'il est peut­être, lui aussi, incertain et hésitant, et qu'il peut
fort bien n'avoir jamais entendu parier des nouvelles façons de
faire la classe. Mais ce qui compte alors, c'est que le prof soit
vraiment prêt à essayer quelque chose de nouveau.
Mais ce prof aura presque toujours un peu peur que vous
fassiez des choses que ses collègues pourraient critiquer.
Ceux­ci chercheront probablement à se moquer de lui, s'il
essaie de faire quelque chose de nouveau avec vous. Et ils
auront pour, peur que les élèves se mettent à préférer ce prof et
ses méthodes nouvelles, peur que les élèves se mettent à
attaquer leurs méthodes à eux, qui sont aussi démodées qu'un
grand­père hors d'usage.
Le professeur qui est décidé, à quitter les ornières de
l'enseignement traditionnel pour faire du neuf risque aussi
d'avoir des ennuis avec les parents. Il y a beaucoup de parents
qui croient dur comme fer que le seul enseignement valable et
efficace est celui qu'ils ont subi eux­mêmes. Ils craignent que leurs enfants n'apprennent pas assez et pas
assez bien, si on ne leur enfonce pas de force tout le savoir dans
la tête comme on le leur a enfoncé, il y a longtemps, quand ils
étaient à votre place sur les bancs de l'école.
Si vous avez la veine de tomber sur un professeur qui veut faire
du neuf, soyez assez astucieux pour penser aux difficultés et
aux ennuis qu'il va rencontrer. Il a absolument besoin que vous
le souteniez. Quant à vous, vous éprouverez beaucoup de satisfaction à
travailler vous­mêmes pour changer tout ce qui est faux et qu'il
faut changer. Un professeur de ce genre sera presque toujours
prêt à discuter avec vous, il pourra vous donner des conseils
utiles et de bonnes idées et il pourra aussi vous aider
pratiquement dans la réalisation de vos projets,
Si tu t'ennuies...
Si tu t'ennuies pendant la classe et si tu n'arrives pas à
convaincre ton professeur de changer de méthode, il te reste
toujours la possibilité de «fuir», d'être ailleurs, comme disent
les professeurs.
Il existe de multiples façons de fuir et tu les connais bien : on
s'envoie des petits messages d'une table à l'autre, on fait des
dessins sur la couverture de son livre, on tripote sa règle et sa
gomme, on fait sous la table des avions en papier, on pense à ce
qu'on va faire en sortant de classe, on lit discrètement des
bandes dessinées, des romans policiers ou des magazines un
peu cochons.
C'est tout à fait normal de vouloir s'évader quand le prof est
endormant. Voici quelques autres moyens de le faire
­ réfléchir à l'emploi que tu vas faire de ton argent de poche ;
­ faire des projets pour occuper tes heures de liberté ;
­ écrire à un camarade qui s'ennuie lui aussi pour lui dire ce
que tu penses d'un film, d'une émission de télévision ou d'une
autre chose qui vous intéresse tous les deux ;
­ faire circuler dans la classe des messages en demandant à
tous de dire ce qu'ils pensent ;
­ écrire à un journal ou faire un article pour expliquer comment
on te fait la classe et à quel point c'est ennuyeux ;
­ lire Le Petit Livre Rouge des Écoliers et Lycéens ;
­ mettre un livre qui t'intéresse dans la couverture ou la reliure
d'un livre de classe pour pouvoir lire tranquillement ;
­ dessiner dans un cahier qui ressemble à un cahier de classe le
professeur croira que tu prends des notes sur la couverture de
ton livre ;
­ écrire une poésie sur un sujet nul te tient à coeur ;
– écrire cette lettre que tu as envie d'écrire depuis longtemps.
Ecris­nous par exemple pour nous raconter, avec beaucoup
de petits détails, comment le prof fait son cours en ce
moment. Ou bien parle­nous de tes activités clandestines et
illégales (voir les pages consacrées aux activités
clandestines et Illégales).
–
Chahuter: qu'est
­ ce que c'est? Chahuter, c'est aussi une façon de, fuir ou de s'évader. Quand
on chahute, c'est parce qu'on s'ennuie. Chahuter, c'est une façon
de fuir un professeur ennuyeux mais pas assez vache pour
qu'on ait peur de lui.
On chahute souvent aussi tout simplement parce qu'on s'est
emm... pendant le cours précédent, ou bien encore parce que le
règlement de l'école est si strict et si minutieux qu'il est
Impossible de le respecter. C'est là une réaction très naturelle.
Il y a des élèves qui chahutent systématiquement dès qu'il y a
un remplaçant ou un nouveau prof. Mais il faut que vous
compreniez que ces remplaçants ou ces nouveaux profs, s'ils
sont ennuyeux ou sévères au début, c'est uniquement parce que
vous leur faites peur.
Vous avez tout intérêt à leur donner leur chance. Il y a
beaucoup de professeurs qui ne demandent qu'à rendre leur
enseignement aussi intéressant que possible, mais qui n'ont
môme pas le temps ou l'occasion d'essayer parce qu'il y a trop
de chahut. Réfléchissez bien : vous ne devriez pas chahuter un
prof avant de vous être assurés qu'il est irrémédiablement
ennuyeux et qu'il n'y a pas la moindre chance de le faire
changer.
Ce que vous pouvez faire vous
­ même Suivant les directives ministérielles, les professeurs doivent
faire participer activement leurs élèves à l'enseignement. Vous
devez donc être actifs, c'est­à­dire agir et parler pendant la
classe. Si vous ne faites qu'écouter le professeur et si vous vous
ennuyez, vous n'êtes pas actifs et vous ne respectez donc pas
les directives ministérielles. Essayez d'expliquer tout cela à
votre professeur.
De toute façon, c'est toujours une très bonne chose que de
demander au professeur de vous expliquer pourquoi il fait ce
qu'il fait et comme il le fait. Vous pouvez le faire oralement ou
par écrit.
A quoi servent les cours?
Si vous posez des questions à votre professeur, peut­être que la
première fois ça l'agacera et qu'il vous répondra sèchement en
deux ou trois mots ; peut­être même qu'il se mettra en colère.
Ne vous découragez pas: à la première occasion, reposez votre
question.
Mais il serait sage et astucieux, avant de poser votre question,
de savoir très exactement Comment le professeur a employé le
temps pendant les dix derniers cours. Essayez par exemple
d'observer comment se passent les cours de math : est­ce que
vous commencez toujours par un peu de calcul mental, et puis
après le prof corrige les problèmes et vérifie que tout le monde
a fait ses devoirs, et pendant ­les vingt dernières minutes il
vous fait préparer la moitié de la prochaine leçon.
Si les dix derniers cours se sont tous passés exactement de la
même façon, alors vous pouvez à juste titre demander à votre
professeur pourquoi ses cours sont toujours pareils.
Peut­être avez­vous un professeur qui ne respectait pas du tout
les prescriptions de l'emploi du temps et qui vous parle de
sujets qui n'ont rien à voir avec son heure de français ou
d'histoire. Un prof comme ça, c'est généralement très facile de le faire
parler : il suffit de lui poser une question. Profitez­en pour
entamer une discussion sur un problème de l'école ou sur un
problème d'enseigne ment qui vous intéresse tout
particulièrement.
Il y a beaucoup de tâches que les professeurs doivent accomplir
pendant une journée en plus de leur tâche d'enseignement. Mais
ils ne sont payés que pour une partie seulement de ces tâches ;
les autres, c'est gratuitement qu'ils les font. Ce sont en général les profs qui s'intéressent le plus à leur
métier qui font cette partie du travail qui n'est pas payée, et
parce que leurs collègues refusent de la faire.
Si votre professeur profite de ses heures de classe pour faire
des travaux qui lui sont payés en plus ou qui n'ont rien à voir
avec l'école, alors vous pouvez protester. Si votre professeur
vient en classe, c'est pour être avec vous, et non pour corriger
des papiers, transcrire vos notes sur son Carnet ou lire son
journal.
Mais s'il vous donne un coup de main pour le journal de l'école
ou pour la préparation du conseil d'élèves, alors c'est autre
chose. Il y a peut­être des problèmes que vous pourriez discuter
avec lui ou que vous pourriez, vous, l'aider à résoudre.
LES DEVOIRS
Pourquoi des devoirs à faire à la maison ?
On veut organiser pour toi le temps que tu passes à l'école,
mais on juge bon aussi de ne pas te laisser gaspiller au gré de
tes caprices tes heures de liberté. L'école s'estime incapable de
t'apprendre assez de choses pendant les seules heures de classe.
L'école veut te donner de « bonnes habitudes de travail ». Pour
ça, elle veut t'inculquer le sens de ce qu'elle appelle le
« devoir », c'est­à­dire de quelque chose qui est la plupart du
temps extrêmement ennuyeux.
Pour se débarrasser de ses responsabilités et te donner le
sentiment que c'est toi qui es coupable si tu n'apprends pas
assez à l'école, les professeurs te donnent des devoirs à faire à
la maison.
Il n'existe aucune règle pour fixer la quantité de devoirs qu'on
peut te donner. Il arrive pourtant parfois qu'on demande par
exemple à tes professeurs de ne pas donner de devoirs écrits à
faire le lendemain de la rentrée ou pendant les jours de congé.
Les devoirs sont en général si ennuyeux que le professeur
n'aurait pas le courage de vous les faire faire en classe. C'est
beaucoup moins fatigant pour lui si vous les faites tout seul,
une fois rentrés chez vous. Mais réfléchis­bien : à la maison, tu
es sous l'autorité de tes parents.
Un professeur ne devrait donc pas pouvoir te punir pour le
travail que tu n'as pas fait ou que tu as mal fait chez toi, sans
avoir préalablement consulté tes parents, et tes parents, très
souvent il est assez difficile de les joindre chez eux, pendant la
journée. On te donne souvent des devoirs sur des sujets que tu sais déjà
très bien. C'est tout simplement parce qu'on s'imagine que si tu
refais dix fois la même chose, tu la sauras mieux. Mais si tu
t'ennuies en faisant tes devoirs, tu n'apprendras rien, sauf
peut­être à te dégoûter de ce que tu savais déjà.
Les devoirs qui vous ennuient, le temps que vous passez à les
faire, c'est presque toujours du temps perdu. Ce n'est pas parce
que tu diras à ton professeur que les devoirs qu'il te donne sont
bêtes et ennuyeux qu'il cessera d'en donner. Mais il faut quand
môme le lui dire.
De toute façon, nous te conseillons fortement de protester si en
6e, 5e, et 4e tu as des devoirs à faire à la maison qui te prennent
plus d'une demi­heure par jour, et si en 3e, 2e, 1re et terminale,
il faut plus d'une heure pour les faire.
La plupart des professeurs, et un plus grand nombre de parents
encore, n'imaginent pas qu'on puisse véritablement apprendre
quelque chose si l'on n'a pas de devoirs à faire à la maison.
Explique­leur que dans certains pays, comme la Suède, les
devoirs à faire à la maison ont été complètement supprimés.
Les parents peuvent
­ ils t'aider à faire tes devoirs ? Première chose: si on te donne des devoirs, ce n'est pas pour
que tes parents t'aident à les faire.
Dans la plupart des cas, tes parents sont incapables de t'aider.
Peut­être qu'ils ont totalement oublié ce que tu es en train
d'apprendre en classe. Peut­être aussi que la façon dont votre
professeur vous demande de faire vos devoirs n'a plus rien de
commun avec la façon dont ils les faisaient eux jadis. Dans ce
cas­là, vous ne tarderez pas, vos parents et vous, à vous
disputer.
S'il y a quelque chose que tu ne sais pas faire, ne le fais pas. Et
le lendemain, n'hésite pas à dire à ton professeur pourquoi tu
n'as pas pu faire le devoir.
Tricherie ou travail en commun Si tu veux faire des devoirs plus intéressants, réunis quelques
camarades et faites­les ensemble. Vous pourrez discuter entre
vous des choses dont vous ne pouvez pas discuter en classe.
Les professeurs disent que faire un devoir à plusieurs, c'est
tricher ou copier. Demandez leur comment et pourquoi
travailler en commun, c'est nécessairement tricher.
Comment se servir du travail à faire à la maison ?
Tâche de trouver un autre livre que le manuel dont vous vous
servez en classe, en histoire par exemple, et lis ce que dit ce
livre sur la période que tu as à étudier. Pose ensuite les
questions que t'inspire ce nouveau livre. Poser des questions
qui ne sont pas dans le manuel, ça peut permettre de lancer des
discussions très intéressantes. Ça peut être aussi extrêmement
profitable de faire cela, parce que les professeurs utilisent
rarement plus d'un livre pour préparer leurs cours.
Lis aussi dans ton manuel le chapitre suivant et pose en classe
des questions sur la nouvelle leçon.
Par ailleurs, il faut poser des questions sur le travail à la maison
: pourquoi est­ce qu'on ne peut pas travailler à deux la leçon du
lendemain? Est­ce que je peux faire une carte au lieu
d'apprendre par coeur le résumé de géographie ? Est­ce que je
pourrais faire un poème à la place de la rédaction? Est­ce qu'on
ne pourrait avoir des exposés qui seraient faits par les élèves ?
Faites un programme pour votre travail
Beaucoup de professeurs ne préparent et ne voient pas plus loin
que le cours suivant * La conséquence, c'est qu'il est bien rare
que leur enseignement suive une même grande route et qu'ils se
contentent de respecter aveuglément la progression du manuel.
Ne faites pas la même bêtise que ces professeurs, quand vous
envisagez votre année scolaire et ce que vous allez apprendre.
Si vous voulez établir un vrai programme de travail, consultez
d'autres livres et laissez­vous aussi inspirer par le monde qui
vous entoure. Votre scolarité sera plus efficace : vous
apprendrez davantage et plus vite.
Vous devez exiger de votre professeur qu'il fasse un vrai
programme de travail, un programme de longue durée, qu'il
vous explique les principaux sujets que vous étudierez pendant
le trimestre ou pendant l'année, et qu'il vous recommande, en
plus du manuel, les livres à lire si vous voulez en savoir plus
sur tel ou tel sujet.
Le «corrigés» et les «livres du maître»
N'oubliez pas que pour presque toutes les matières qu'on vous
enseigne, il existe des « corrigés » ou des « livres du maître »
que vous pouvez acheter dans les librairies. Il existe des corrigés où vous trouvez toutes les dictées
orthographiées sans faute ; il y en a d'autres où toutes vos
versions anglaises sont traduites et il en existe aussi pour tous
les problèmes de mathématiques. Ces corrigés sont parfois
assez chers et il vous faudra vous mettre à plusieurs pour les
acheter.
Si vous ne possédez qu'un corrigé, vous pouvez organiser des «
surprise­party­corrigés », c'est à­dire des réunions où tout le
monde commence par recopier et faire les devoirs du corrigé
avant de se mettre à s'amuser. Soyez prévoyants et voyez plus loin que le prochain cours. Une
surprise­party de ce genre devrait suffire pour presque tous les
devoirs à faire à la maison pendant au moins une semaine.
Bien sûr, il n'y a que toi qui peux savoir si tu n'as pas un peu
abusé des corrigés et s'il ne serait pas préférable que de temps
en temps tu cesses de les consulter et que tu fasses tes devoirs
tout seul. Pourtant, bien souvent, les camarades savent
beaucoup mieux expliquer un problème de math que le
professeur. Souvent aussi, quand on est entre camarades, on se comprend
bien mieux et on comprend bien mieux les problèmes, mais
pour cela il faut que le camarade qui en sait le plus soit
vraiment capable d'aider les autres.
Enfin, si un jour tu es vraiment trop occupé pour avoir le temps
de faire tes devoirs, téléphone à un ami : les devoirs se font
quelquefois aussi bien par téléphone.
Dans les livres du maître, il n'y a pas seulement les corrigés des
devoirs et des problèmes, on y trouve aussi tout ce que le
professeur doit faire pendant sa classe et pourquoi. Beaucoup
de professeurs ont acheté des livres du maître et suivent
scrupuleusement leurs indications. Achetez­les vous aussi et
suivez votre professeur.
LES PROFESSEURS
Les professeurs
Un professeur a pour mission de vous apprendre certaines
choses que vous aurez absolument besoin de savoir, pense­t­on,
pour vivre dans la société. Beaucoup de professeurs n'ont
aucune connaissance concrète des réalités qu'ils vous
enseignent. Tout ce qu'ils en savent, c'est ce qu'ils ont appris dans des
livres, et c'est ce savoir livresque qu'ils essaient de vous
transmettre. Beaucoup de professeurs n'ont fait autre chose
pendant toute leur vie que de fréquenter des écoles, d'abord
comme élèves, puis comme étudiants, ensuite comme
professeurs, ce qui fait qu'ils ignorent tout du monde qui
entoure l'école ou l'université. La plupart des professeurs aussi ont été élevés et formés à une
époque où le monde était très différent de ce qu'il est
aujourd'hui, et il ne leur a pas été possible de suivre et de
comprendre tout ce qui s'est passé et tout ce qui a changé dans
le vaste monde qui entoure l'école.
Ce n'est pas uniquement de la faute du professeur si c'est
comme ça! Tous les jours, une année après l'autre, ils ont un
certain travail à faire à l'école. Ce qu'il faudrait c'est s'arranger
pour qu'un professeur ait de temps en temps une année de
congé pendant laquelle il pourrait s'occuper de ce qui se passe à
l'extérieur du petit monde de l'école. Au lieu de ça, s'il obtient un an de congé, c'est sur les bancs
d'une classe, à lire encore d'autres livres et à écouter des
conférences plus ou moins théoriques qu'il va le passer. Votre
professeur sait des montagnes de choses dont vous n'aurez
jamais le moindre besoin, et il ignore tout d'un grand nombre
de choses dont vous avez besoin et que vous devriez apprendre.
Les devoirs d'un professeur
Un professeur a pour premier devoir de faire chaque semaine
un certain nombre d'heures de cours, qui varie ­ on se demande
bien pourquoi ­ en fonction de ses diplômes, et nullement en
fonction de la nature de son enseignement. Il est également
payé pour établir son programme d'enseignement et faire divers
travaux plus ou moins administratifs. Un professeur gagne peu d'argent par heure de cours. Tous les
professeurs ne gagnent pas la même chose: ce n'est pas la
qualité ou l'importance de leur travail qui compte, mais le
niveau de leurs diplômes. Le pire des professeurs, s'il est
agrégé, gagnera toujours beaucoup plus qu'un excellent
professeur licencié.
Un professeur a beaucoup de choses à faire en plus de son
travail d'enseignement proprement dit. Mais pour la plupart de
ces autres choses, il n'est pas payé, il les fait et doit les faire
gratuitement, alors que dans les autres métiers, on est toujours
payé pour les heures supplémentaires de travail.
Beaucoup de professeurs passent plusieurs heures par jour à
préparer leurs cours. D'autres ne préparent rien : ce sont
souvent les vieux profs qui depuis des dizaines d'années
enseignent la même matière en se servant du même manuel. Il
y a des professeurs qui vont suivre des cours pour ne pas être
en retard sur la réalité, et cela sans être payés, simplement
parce qu'ils s'intéressent à leur métier. Mais parmi ces profs, il y en a bien peu qui arrivent à gagner
davantage alors qu'ils se sont pourtant mieux formés pour
l'enseignement que leurs collègues.
En plus des travaux supplémentaires qui sont liés à
l'enseignement, il y a beaucoup d'autres devoirs qu'un
professeur doit faire avec le sourire et pour rien : vendre des
timbres antituberculeux ou pro­n'importe quoi, collecter de
l'argent pour les sorties­théâtre, cinéma, ou musée, organiser
des camps de vacances ou des voyages à l'étranger, recevoir les
parents d'élèves, organiser pour eux des réunions, organiser
aussi les fêtes trimestrielles ou annuelles de l'école, etc... Les professeurs sont de plus en plus nombreux à protester
contre ces travaux supplémentaires et il n'est pas impossible
qu'un jour certains refusent carrément de les faire. Il ne faudra
pas leur en vouloir, mais plutôt, dans la mesure de vos moyens,
les aider à obtenir satisfaction, c'est­à­dire à se faire payer en
plus pour tout travail supplémentaire. Vous avez tout intérêt, d'ailleurs, à ce que vos professeurs ne
travaillent pas 24 heures sur 24 : un professeur qui travaille
trop est très vite un professeur fatigué, et un professeur fatigué
n'a guère de chance de faire du bon travail.
Que savent les professeurs ?
Ce qu'il savent sur les enfants, la société et le monde, ce n'est
pas par expérience directe que beaucoup de professeurs l'ont
appris, c'est parce que sur les bancs de l'école puis de
l'université on leur a enseigné que les enfants, la société et le
monde étaient comme ça. La plupart n'ont jamais travaillé avant d'avoir terminé leurs
études supérieures, sauf peut­être à certains moments mais
jamais très longtemps. L'histoire d'un professeur, c'est une série
d'écoles et de diplômes, lis vont en classe, passent leur CEP*,
puis trois ans après leur BEPS, puis trois ou quatre après leur
Bac. Ensuite ils vont dans une Faculté ou une École normale
pour préparer une licence d'enseignement et après, quelquefois,
une agrégation.
Pour passer une licence, il faut trois ou quatre ans d'études
après le Bac, pour une agrégation, il faut au moins six ans et
souvent sept ou huit. Les professeurs sont licenciés ou agrégés
dans une matière, histoire, géographie, anglais, maths, et c'est
dans cette matière qu'ils ont le plus de connaissances.
Il n'est pas rare qu'on demande à des professeurs licenciés
d'enseigner dans une autre matière que celle où ils sont
licenciés et qui ne les intéresse pas beaucoup ou môme qui les
ennuie : par exemple, on demandera à un licencié de philo
d'enseigner le français ou le latin et à un licencié de lettres
d'enseigner l'histoire ou l'économie. Souvent les professeurs,
surtout quand ils sont jeunes, n'ont pas le choix : s'ils
n'acceptent pas d'enseigner dans une matière, même s'ils ne
l'aiment pas du tout, ils n'ont pas de poste.
L'enseignement que les professeurs reçoivent à la Faculté ou à
l'Ecole normale n'a jusqu'à présent qu'un seul but : en faire des
spécialistes dans une matière ou une branche déterminée du
savoir. lis ont appris beaucoup de mathématiques, par exemple,
ils savent les capitales de presque tous les pays du monde et les
dates des batailles et les noms des rois et des présidents, mais
ils savent en général très peu et très mal comment transmettre
ce qu'ils savent à des élèves. On leur a aussi expliqué mais de façon purement théorique ce
que c'était que les élèves et les adolescents, mais ce n'est que le
jour de leur première rentrée scolaire, lorsqu'ils se trouvent
pour la première fois devant une classe, qu'ils doivent,
confronter leur savoir théorique sur les enfants et l'expérience
concrète des enfants. C'est pourquoi vous pouvez être sûrs que les nouveaux profs,
ceux qui sortent directement de l'Ecole normale ou de la
Faculté, même s'ils sont très forts dans leur spécialité, ne savent
pas grand­chose sur l'art d'enseigner et la façon d'organiser leur
enseignement.
Il y a toujours pas mal de profs à trouver que quand ça ne va
pas comme il faudrait, c'est d'autres qui sont les vrais
responsables. Ils sortent des grandes théories sur les enfants et
la jeunesse en général qui depuis quelques années, disent­ils,
sont particulièrement difficiles. Ou bien alors, si ça ne va pas, c'est parce que les conditions de
travail qu'on leur impose sont impossibles. Ce peut être aussi la
faute du directeur, du proviseur ou du censeur, ou encore celle
des parents. Si les professeurs cherchent des « vrais » responsables, c'est
parce qu'ils se sentent mal à l'aise dans leur peau de professeur.
Pour leur donner Vidée qu'ils pourraient peut­être faire quelque
chose pour changer la situation, il suffit de leur dire que vous
êtes d'accord pour les aider à l'améliorer ou à la changer.
Qu'est
­ ce que les professeurs savent sur vous ? Tu passes un nombre considérable d'heures pendant l'année
avec tes professeurs, mais il n'est pas du tout sûr pour autant
qu'ils sachent beaucoup de choses sur toi. Tes parents en savent
bien davantage et ce sont tes camarades qui en savent le plus.
Il faut cependant que tu saches que l'école, détient un certain
nombre de renseignements sur toi : des résultats d'examens
médicaux et psychologiques, des résultats d'examens scolaires,
les jugements et les avis de tes anciens professeurs. Tout cela,
qui constitue ton dossier, n'est jamais considéré comme
confidentiel et tout le monde ou presque peut en prendre
connaissance, les professeurs et aussi la police et tous ceux qui
s'occupent de près ou de loin de la jeunesse.
Le professeur ne sait que très rarement
­ où tu habites et à quoi ressemble ton logement
­ ce que font tes parents et ce qu'ils gagnent
­ combien tu as de frères et de soeurs et à quelle école ils vont
­ si tes parents s'entendent bien ou mal entre eux
­ ce que tes parents pensent du professeur et de l'école
­ ce que tu fais quand tu n'es pas à l'école
­ si tu aimes ton professeur et si tu aimes la classe
­ si tu as beaucoup de choses à faire en dehors de l'école
­ si tu t'amuses à voler dans les supermarchés
­ si tu fumes et si tu le fais à l'intérieur de l'école
­ si à la maison tu copies tes devoirs au lieu de les faire tout
seul
Si professeurs et élèves ont de la difficulté à collaborer, c'est
bien souvent parce qu'ils n'en savent pas assez les uns sur les
autres. Si tu penses que ton professeur serait moins injuste
envers toi s'il te connaissait mieux, n'hésite pas à aller le
trouver pour lui expliquer ce que tu es et ce que tu désires.
Les professeurs entre eux
Beaucoup de professeurs ont peur de leurs collègues. En
principe, tout professeur est libre d'adopter la méthode
d'enseignement qu’il estime la meilleure ; en fait la plupart des
professeurs font exactement comme les autres. Les professeurs et les matières ont beau changer, les cours eux,
se ressemblent toujours. Pour changer ça, il faut que, vous
proposiez vous­mêmes à votre professeur de nouvelles façons
de faire son enseignement. N'oubliez pas que votre professeur
n'a souvent qu'une imagination très limitée : quand on a peur,
on a toujours tendance à se raccrocher aux traditions et à faire
comme les autres. C'est pourquoi il faut que vous lanciez des
idées nouvelles et que vous soyez toujours solidaires de votre
professeur quand il vous propose quelque chose de nouveau.
Les adultes se comportent très souvent entre eux comme vous
le faites vous­mômes entre élèves, ce qui ne veut nullement
dire qu'ils se comportent en enfants. Il y en a qui se détestent,
d'autres qui s'entendent bien. Ils forment des groupes ou des bandes qui se font la petite
guerre. Mais les professeurs ne veulent pas que les élèves le
sachent. Devant les élèves, ils veulent toujours se présenter
comme unis et solidaires.
Cette solidarité leur donne plus d'autorité et de respectabilité à
l'égard des élèves. Mais ils prétendent que s'ils font ainsi, c'est
avant tout pour des raisons morales et pédagogiques, et parce
qu'autrement les élèves finiraient par douter de ce qui est vrai et
de ce qui est faux. La vraie raison, vous l'avez certainement deviné, ce n'est pas
ça! C'est que, seuls, ils craignent de n'avoir ni assez de
compétences ni assez d'autorité pour défendre une idée
nouvelle, ce qui, dans bien des cas, a de grandes chances d'être
vrai. Il est très rare qu'un professeur ait une opinion personnelle sur
l'organisation et le fonctionnement de l'école. Et s'il en avait
une, il n'oserait pas la communiquer à ses élèves, par peur de
ses collègues.
Les professeurs préfèrent vous cacher toutes ces choses. Mais il
est très utile que vous en sachiez un peu sur les professeurs.
Vous pouvez influencer ceux sur lesquels vous savez quelque
chose.
Que se passera pendant les réunions de professeurs ?
Pendant les réunions de professeurs, les professeurs discutent
de divers problèmes qui concernent l'école, eux­mêmes et les
élèves. Ces réunions sont souvent interminables et ennuyeuses,
d'autant plus que la plupart des sujets discutés sont sans intérêt
pour les professeurs pris individuellement. Il faut souvent
s'occuper des demandes faites par le ministère ou d'autres
autorités ou encore par d'autres écoles. Depuis quelques années, le ministère prétend qu'il veut
réformer l'enseignement ; alors, tous les ans, il y a tout un tas
de lois, de décrets et de changements de programme qu'il faut
bien que tout le monde discute. Ça ne change rien à rien, mais
Il faut quand même en discuter.
Les professeurs discutent aussi des demandes et revendications
présentées par les élèves.
Ils passent en gros énormément de temps à discuter de leurs
élèves, et surtout à l'occasion des passages en sixième ou en
seconde, des examens trimestriels et des examens de fin
d'année, parce qu'ils doivent, en plus des notes, donner une
appréciation sur vous.
En période d'examen, les salles de professeurs sont parfois
aussi tumultueuses qu'une cour de récréation. Les professeurs
discutent entre eux des résultats obtenus par leurs classes.
Vous n'avez pas le droit d'assister aux réunions de professeurs.
Mais pouvez facilement avoir une petite idée de ce qu'il s'y
passe. Tâchez de remarquer si à la suite d'une réunion les
professeurs changent leurs manières de faire ou de se
comporter, ou si l'on vous propose en classe de nouveaux sujets
de discussion. Si c'est le cas, vous pouvez être sûrs que c'est
parce que les professeurs en ont parlé au cours d'une réunion.
Souvent, c'est la conduite des élèves dans les couloirs ou dans
la cour qui les préoccupe. Les professeurs veulent que le
règlement dé l'école soit respecté. Tu pourras constater
toi­même que souvent, après une réunion, les professeurs
déploient un zèle inhabituel pour vous chasser des couloirs ou
faire régner un semblant d'ordre dans la cour, Ça veut dira
qu'une fois de plus les professeurs ont discuté gravement entre
eux des problèmes de discipline et ont décidé de se montrer
plus vigilants.
Il n'y a pas de quoi vous inquiéter ! Ça ne durera pas
longtemps. Les professeurs auront bien vite oublié les belles
résolutions qu'ils ont prises devant leurs collègues. Ce serait d'ailleurs pour eux un travail énorme et presque
impassible que de faire respecter par les élèves tous les
règlements et toutes les interdictions en vigueur. Au fond
d'eux­mêmes, la plupart des professeurs préféreraient qu'il n'y
en ait pas.
Peut­être que ton professeur n'était pas d'accord avec les
décisions prises au cours de la dernière réunion des profs.
Quand tous les professeurs n'ont pas le même avis, lis se
mettent à voter. L'avis qui recueille la majorité des voix sert
alors de base pour la décision ; ça veut dire que même ceux qui
ont voté contre doivent la faire appliquer.
Les professeurs, eux aussi, sont enchaînés
En réfléchissant bien, on s'aperçoit qu'il n'y a vraiment pas de
raison d'opposer professeurs et élèves. Certes, les profs, eux,
détiennent des pouvoirs multiples et considérables, dont Ils
peuvent user et abuser à leur gré.
Mais les professeurs sont aussi contraints de se soumettre à un
grand nombre de règles qu'ils n'ont parfois pas du tout envie de
respecter. Pour devenir professeurs, il faut toujours plus ou
moins s'engager à ne rien faire, tant à l'école que dans la vie
privée, qui puisse choquer ce qu'on appelle la morale et les
bonnes moeurs. Il y a beaucoup de choses que d'autres font,
mais qu'un professeur doit s'interdire de faire.
On ne tolérerait pas longtemps qu'un professeur se saoule en
public, ait un langage­ ordurier, passe ses soirées dans des
«boîtes» où des filles se déshabillent, ou bien se moque de la
religion dans ses discours ou ses écrits.
Tous les professeurs et tous ceux qui font partie du personnel
d'une école ou d'un lycée doivent respecter un règlement qui
leur prescrit de se conduire de telle façon et de faire certaines
tâches. En plus du règlement général à tout le corps enseignant,
chaque école et chaque lycée ont leur règlement particulier.
Demandez à vos professeurs de vous communiquer le ou les
règlements qui leur sont imposés. Si votre professeur s'étonne,
dites­lui que c'est normal, puisqu'il connaît bien, lui, le
règlement que vous devez observer.
Vous reconnaîtrez les professeurs qui sont contre tout ce
système disciplinaire et qui sont disposés à se solidariser avec
vous au fait qu'ils veulent parfois s'insurger contre les censeurs
proviseurs, surveillants généraux, directeurs, et autres autorités
qui prétendent leur dicter ce qu'ils doivent faire.
COMMENT S'INFLUENCER LES UNS LES AUTRES
Les professeurs sont payés pour vous influencer et vous faire
faire certaines choses, parfois sans même que vous vous en
rendiez compte. C'est eux qui dans une certaine mesure commandent votre
développement et votre évolution. Mais vous aussi, vous
pouvez commander leur évolution. Les relations entre jeunes et
adultes ne sont vraiment positives et fécondes que lorsque les
uns et les autres peuvent s'influencer et s'enseigner
réciproquement.
Ne t'imagine pas que c'est difficile d'influencer un prof. Tout ce
que tu dis, tout ce que vous dites et surtout tout ce que vous
faites, même si vous ne vous en rendez pas compte sur le
moment, influence plus ou moins le professeur.
Pour influencer, les autres, ne pas oublier:
­ que c'est plus facile de s'influencer les uns les autres si on
s'entend ;
­ que ce qui influence le plus les autres, c'est l'honnêteté de
conduite et de paroles ; ­ que les actes influencent plus que les paroles ;
­ qu'il faut connaître celui sur lequel on veut agir et comprendre
pourquoi il fait comme il fait
­ qu'il est difficile d'influencer quelqu'un qui a peur et qu'un
homme qui a peur cherche souvent à cacher sa peur en
devenant brutal et grossier ;
­ qu'il vaut mieux faire éclater des conflits qui, tout le monde le
sait, couvent depuis longtemps, que d'en créer ;
­ qu'il vaut mieux s'engager dans des conflits qui existent déjà
que d'en susciter de nouveaux;
­ que se lancer dans des conflits et leur trouver une solution,
c'est un excellent moyen pour se connaître les uns les autres et
donc une très bonne façon de passer le temps.
Si vous aimez votre professeur
Ce n'est pas parce que vous aimez bien tel prof que tout ce que
fait ce prof est valable et profitable pour vous. Peut­être que
tout va pour le mieux entre lui et vous, tout simplement parce
qu'il se sent à l'aise avec vous ; mais peut­être est­il devenu
paresseux.
N'ayez pas peur de dire à ce professeur que vous l'aimez bien et
que vous le trouvez sympa, mais essayez en même temps de
l'influencer et de le décider à améliorer son enseignement.
Vous pouvez être certains que le professeur qui vous laisse
beaucoup de liberté et qui ne vous cache jamais la vérité quelle
qu'elle soit, oui 1 ce professeur, vous pouvez être sûrs qu'il a
pas mal d'ennuis avec les vieux profs démodés. Dans les réunions de professeurs et les conseils de classe, c'est
souvent ce prof que vous trouvez sympa qui prend votre
défense, et cela sans vous le dire et sans vous le raconter
ensuite. C'est pourquoi vous devez faire très attention : ne faites
surtout pas la bêtise de le trahir auprès des professeurs que
vous n'aimez pas tellement. Si vous vous apercevez qu'on
l'attaque, défendez­le. De façon générale, soyez toujours
solidaires de ceux qui, vous le savez ou vous le sentez, se
solidarisent avec vous.
La sincérité peut tout changer
Si tout un chacun se mettait à être parfaitement honnête et
sincère envers soi et envers les autres, tout le système
d'enseignement et d'éducation s'effondrerait vite. Supposons par exemple que tous les élèves de France qui
s'ennuient en classe décident de se mettre debout sans bruit le
vendredi à 15 h. 30 et d'observer deux minutes de silence. S'ils
recommencent pendant trois vendredis de suite, vous pouvez
être sûrs que beaucoup de choses changeront. Mais en général,
ni les professeurs, ni les élèves n'ont l'audace d'être totalement
sincères les uns envers les autres.
Ni les professeurs ni les élèves n'osent dire ouvertement qu'ils
s'ennuient. Et même si votre professeur le sait très bien que
vous vous ennuyez, il n'ose pas le reconnaître et en tirer les
conclusions qui s'imposent. C'est pourquoi, lorsque vous, vous
vous débrouillez pour faire entendre la vérité à un prof, vous
l'influencez même s'il garde un visage indifférent ou
impassible.
On peut dire la vérité de plusieurs façons. N'ayez pas peur
d'expliquer au professeur ce que vous pensez, de lui parler des
choses que vous aimez, des amis que vous fréquentez et des
difficultés et des problèmes que vous avez en dehors de l'école.
Servez­vous du journal de l'école s'il en existe un, des réunions
du comité des élèves, des discussions pendant les cours, pour
parier des sujets qui vous intéressent et des problèmes que vous
trouvez importants. Demandez au prof de français de vous donner une rédaction ou
une dissertation sur l'école ou le lycée tels que vous les
aimeriez, et profitez de ce devoir pour exposer les grands
problèmes qui sont essentiels pour vous.
Si vous avez envie de tutoyer votre professeur, faites­le. Au
début c'est difficile! Si vous vous y mettez tous, l'habitude sera
bientôt prise. Si le professeur vous tutoie déjà, on ne voit
vraiment pas pourquoi vous n'en feriez pas autant. S'il ne le fait
pas déjà, commencez quand même à le tutoyer, ça facilitera vos
rapports avec lui.
Agir, faire quelque chose, c'est influencer
Parler, s'expliquer, soulever habilement des problèmes, c'est
influencer, mais la meilleure et la plus puissante façon
d'influencer, c'est d'agir. Si vous constatez que la sincérité ne
vous fait pas avancer d'un pas, si vous vous apercevez que
votre volonté de changement est assassinée par les mots, alors
n'hésitez pas à montrer par vos actes ce que vous voulez.
Les actions les plus efficaces sont celles qui ont pour objectif
de réaliser tel ou tel point précis et particulier d'un projet dont
on parle depuis longtemps. S'il y a des choses que depuis
longtemps vous aimeriez qu'on fasse à l'école, pendant la classe
ou les heures de récréation, ou après les cours, et qu'on ne vous
a pas autorisé à faire, commencez à les introduire vous­mêmes.
Le seul fait de montrer que vous êtes tous d'accord peut suffire
à mettre la machine en marche et à engendrer des changements.
Si vous trouvez que sur les problèmes sexuels, on vous cache
des choses que vous avez l'âge et le droit de savoir, servez­vous
du panneau d'affichage de l'école, servez­vous d'affiches ou de
tracts pour compléter votre information et celle de vos
camarades.
Si vous en avez marre de contempler la nuque et le derrière de
vos camarades, changez la disposition des tables.
Si vous trouvez que la salle de classe a un aspect triste et
cafardeux, réaménagez­la vous­mêmes pour la rendre
habitable.
De quoi le prof a
­ t ­ il peur ? Les mauvais profs et les profs autoritaires sont presque toujours
des gens qui au fond d'eux­mêmes ont peur. Très souvent, ils
ont peur des élèves, et c'est pourquoi ils cherchent à s'imposer
en se montrant très sévères ou très distants. Ils ont peur que ce
soient leurs élèves qui aient raison et qu'eux aient tort. Ils ont
peur, s'ils relâchent leur autorité et s'ils se montrent plus
souples, de laisser le champ libre au chaos et à l'anarchie.
Si ces professeurs ont peur, c'est avant tout parce qu'ils ne font
jamais confiance aux autres ; ils pensent que les autres sont
incapables de se diriger eux­mêmes et de trouver par eux
mêmes les solutions de certains problèmes. S'ils ne font jamais
confiance aux autres, c'est essentiellement parce qu'ils n'ont
pas confiance en eux. Ils ne sont jamais sûrs d'avoir raison,
aussi cherchent­ils toujours à se ranger sous la bannière et sous
l'autorité de quelqu'un d'autre.
Pour pouvoir agir sur un professeur, il faut avoir certains
renseignements sur lui. Si vous n'osez pas les lui demander
directement, interrogez les autres professeurs. Observez vous­
mêmes le comportement de votre professeur et essayez de
trouver de qui ­professeur, surveillant général, censeur,
proviseur ­il a peur. Tout prof a ses qualités et ses défauts.
Trouvez­les, et servez­vous de ses qualités plutôt que d'attaquer
ses défauts.
Il est difficile d'influencer un homme qui a peur
Si le professeur a peur de vous, il n'osera rien entreprendre de
neuf avec vous, et il sera en général très difficile de
l'influencer.
On ne peut s'influencer les uns les autres qu'en se rassurant
aussi les uns les autres sur certains plans. Il est possible
d'influencer un professeur qui a peur en le rassurant.
Dites­lui que si vous voulez faire quelque chose de nouveau, ce
n'est pas pour l'ennuyer, mais simplement pour que tout le
monde soit plus libre et se sente mieux. S'il a déjà pu se rendre
compte, à l'occasion, qu'il pouvait être possible de faire
travailler les élèves d'une façon nouvelle et plus libre, alors
vous avez peut­être quelques chances de réussir à l'influencer.
Les professeurs qui craignent d'avoir à affronter le chaos et
l'anarchie, s'ils déposent au vestiaire, à côté de leur
imperméable, leur masque de professeur et leur autorité, ne
seront jamais très chauds pour se lancer dans les innovations.
S'ils acceptent de le faire, ils vous expliqueront que c'est « pour
une fois » ou « à l'essai ».
Quand on vous donne l'autorisation de faire quelque chose,
mais à certaines conditions, demandez­vous toujours si à ces
conditions­Ià, ça vaut vraiment le coup. Il y a des conditions
qu'on vous impose uniquement pour vous faire rater.
Méfiez­vous!
Les conflits et autres sujets de malentendus
Si vous ne parvenez pas à éliminer les obstacles par la
discussion ou par des explications en commun, et si vous vous
apercevez que les problèmes sont toujours étouffés sous une
avalanche de mots, alors il vous faut avoir recours à d'autres
moyens d'action.
Il n'existe pas seulement des conflits ou des désaccords entre
professeurs d'un côté et élèves de l'autre, il en existe aussi
souvent entre certains groupes d'élèves et entre certains groupes
de professeurs. En réfléchissant bien, on s'aperçoit que les
conflits et les désaccords les plus graves sont probablement
ceux qui opposent les élèves et les professeurs qui ne sont pas
satisfaits aux élèves et aux professeurs qui sont satisfaits. C'est normal et ça n'est pas mauvais du tout qu'il existe des
conflits. Les conflits ne deviennent dangereux que si l'on ne
parvient pas à les résoudre. Résoudre un conflit, ça apprend
toujours beaucoup de choses aux deux camps.
Nous t'avons Indiqué et suggéré quelques moyens de faire
éclater les conflits et de les résoudre. Mais Il sera peut­être très
difficile d'amener ceux qui ne sont pas d'accord avec vous à
dire sincèrement ce qu'ils pensent et à prendre honnêtement
position. Pour vous, ça n'a pas déjà été tellement facile de dire
devant tout le monde que vous préférez, par exemple, rester en
classe pendant la récréation, et puis, au moment où commence
la discussion générale, vous vous apercevez que vos camarades
n'osent pas ouvrir là, bouche et n'osent pas avouer que c'est ce
qu'ils voudraient eux aussi.
S'il existe un conseil d'élèves et que toutes ses suggestions se
transforment en dossier poussiéreux alors ce conseil ou ce
comité d'élèves ne sert à rien.
Si c'est comme ça, si vous ne parvenez pas à vous faire écouter
et comprendre par ceux qui détiennent le pouvoir et qui ont tout
pouvoir sur vous, alors vous devez utiliser des moyens d'action
moins pacifiques que la discussion, des grèves par exemple.
Mais il faut savoir qu'une grève est l'un des actes les plus
violents que vous puissiez, décider, et que si vous décidez d'en
faire une, vous risquez des sanctions très sévères. Mais vous devez savoir aussi que plus on est nombreux à
entreprendre une action, plus elle a de chances de réussir et
moins Il y aura de sanctions.
Des grèves et des actions collectives
Il ne faut pas vous lancer dans une grève ou dans une autre
action violente avant de vous être assuré qu'elle a quelque
chance de réussir.
Avant une grève ou une action
Vous devez vous assurer que beaucoup d'autres élèves et pas
mal de professeurs sont d'accord avec le motif de votre grève.
Il importe aussi que vous ayez utilisé auparavant Pour obtenir
ce que vous vouliez les moyens d'action plus pacifiques.
Avant d'entreprendre une action de protestation, il fa­ut avoir
expliqué à tout le monde pourquoi on proteste et ce qu'on veut
obtenir : pour cela, servez­vous du journal des élèves, s'il en
existe un, de tracts que vous ferez circuler en classe, des
discussions avec les camarades pendant les récréations, des
mots d'ordre et des slogans ; n'oubliez surtout pas de parler à
tous les profs à qui vous savez que vous pouvez faire
confiance.
N'attendez pas pour agir d'avoir l'approbation et le soutien de
vos parents, surtout si vous les leur demandez à l'avance.
Résignez­vous plutôt à l'avance à subir leur indignation et leur
colère et probablement aussi une punition.
Si votre action a une certaine importance, il n'est pas
impossible que les journaux en parlent.
Il faut aussi vous attendre à être lâchés par certains de vos
camarades quand la direction de l'école ou les parents
essaieront de vous effrayer en vous menaçant de sanctions
terribles.
Pour mener à bien l'action que vous avez décidée
Votre action doit montrer par son contenu même ce que vous
voulez obtenir. Par exemple : si vous ne voulez plus vous mettre en rang dans
la cour, que votre action consiste à entrer directement en classe
sans vous mettre en rang; si vous voulez qu'il y ait dans la cour
une petite «cantine» où vous pourrez acheter des fruits ou des
bonbons ou d'autres choses, organisez­vous vous­mêmes et
chargez deux ou trois de vos camarades d'acheter des fruits et
des bonbons et de les vendre à l'intérieur du lycée ; si vous avez
envie de rester en classe pendant la récréation, ne sortez pas de­
la classe quand la cloche ou la sonnerie retentit, mais restez
tranquillement à vos places ou asseyez­vous par terre en cercle.
S'il existe un journal de l'école ou des élèves, dont tous les
articles, pour être Imprimés, doivent être lus et approuvés par
un professeur ou par le censeur, faites votre propre journal et
sortez­le clandestinement.
S'il y a un professeur que vous ne pouvez pas voir en peinture,
Il faut qu'un jour, ou pendant une journée, tous ses élèves
décident de rester dans la cour de récréation pendant ses heures
de classe.
Préparez des tracts ou des « papillons » pour expliquer ce que
vous voulez, et n'oubliez pas d'en envoyer aux journaux.
Ne vous laissez pas décourager pour la seule raison qu'on parle
haut et qu'on vous menace,
Après l'action
Si les autorités prennent l'un d'entre vous comme
bouc­émissaire et s'acharnent sur lui en prétendant que c'est lui
l'instigateur et le meneur de la révolte, vous devez manifester
concrètement votre solidarité avec ce bouc émissaire. S'il est
blâmé, puni ou exclu, ayez tous le courage de dire que vous
méritez les mêmes sanctions.
Les promesses qu'on vous a faites ont­elles été tenues? N'allez
surtout pas vous imaginer que vos revendications sont
satisfaites pour la seule raison qu'on les a confiées pour examen
à un quelconque conseil de professeurs ou d'élèves. Et si l'on vous a enlevé jusqu'à ces moyens­là de vous exprimer
et d'exposer votre point de vue, alors mettez une affiche dans la
cour ou dans un couloir et dites ce que vous pensez et ce que
vous voulez. Envoyez aussi aux journaux des lettres signées
par le plus grand nombre possible de camarades. Une grève,
comme toute autre forme d'action de revendication, a
généralement pour, résultat qu'on va faire un peu plus attention
à ce que vous ôtes et à ce que vous voulez. Et ça, mettez­vous dans la tête, que c'est vrai même si votre
action aboutit à un échec.
Méfiez­vous des professeurs qui prétendront vouloir discuter
avec vous du Petit Livre Rouge. Peut­être n'essaient­ils de
discuter que pour vous détourner de faire ce que vous avez
envie de faire. Acceptez la discussion mais tâchez de vous y
être bien préparé, par exemple en discutant entre vous des
principaux problèmes. Comme ça, vous aurez de bien meilleurs
arguments.
S'il y a des profs qui vous disent qu'ils d'accord pour tel ou tel
changement, insistez pour que leur accord se manifeste par des
actes et pas seulement par des paroles. Demandez­leur, jour
après jour, ce qu'ils ont fait concrètement pour obtenir ces
changements qu'ils ont jugé comme vous très nécessaires. On
estime un prof en fonction de ce qu'il fait et non de ce qu'il dit.
C'est de la même façon qu'on juge les élèves.
Comment se plaindre d'un professeur ?
Il faut d'abord que vous ayez des raisons de vous plaindre de
lui. C'est très grave pour un professeur si ses élèves portent
plainte contre lui. Mais attention ! Ce n'est pas parce que vous avez peur des
sanctions ou parce que les parents ne vous soutiennent pas que
vous devez renoncer à porter plainte.
Il y a une chose qu'il faut que vous vous mettiez dans la tête :
l'école, les professeurs, les parents et tout le reste aussi, si vous
ne les critiquez pas ils ne s'amélioreront jamais.
Rassemblez des matériaux
II faut collectionner les matériaux­preuves, c'est­à­dire tout ce
qu'à ton avis le professeur fait et qu'il ne devrait pas faire. Est­
ce qu'il y a par exemple un, deux ou trois élèves qu'il ne peut
pas voir en peinture et contre lesquels il s'acharne sans raison ?
Il arrive parfois aussi que des professeurs s'efforcent d'écourter
leur cours, ou bien acceptent de ne rien voir quand vous «
séchez » la classe sous leurs yeux tout simplement parce qu'ils
se sentent incapables de faire obéir autant d'élèves.
Peut­être aussi qu'il lui arrive de frapper des élèves ou de faire
d'autres choses qu'il n'a pas le droit de faire (cf. le chapitre sur
« Les punitions »).
Demande à tes camarades de prendre des notes, comme toi, au
jour le jour. Seul tu ne feras pas le poids, et si ce n'est pas par
écrit, personne ne vous croira. Si vous êtes plusieurs, ça sera
difficile de ne pas vous croire.
N'oubliez jamais d'indiquer l'heure, le jour, la date et la matière
enseignée.
Adressez­vous pour commencer au professeur
ou au conseil d'élèves
Si pendant un mois, par exemple, vous avez rassemblé et
accumulé des matériaux­preuves, commencez par montrer
votre dossier au professeur et par en discuter avec lui. La
plupart des professeurs préfèrent généralement que ce genre
d'affaire ne sorte pas de la classe, il est fort possible que vous
puissiez arranger les choses directement avec le ou les profs
intéressés.
Si la discussion avec le prof n'aboutit à rien, présentez votre
dossier au conseil d'élèves qui, après l'avoir étudié, pourra
envoyer une lettre à la direction de l'école.
Si vous voulez porter plainte contre un professeur parce qu'il
vous frappe, inutile d'essayer tout d'abord de discuter avec lui.
Allez voir immédiatement la direction (directeur, proviseur,
etc.).
Adressez­vous à la direction
S'il n'existe pas de conseil d'élèves ou si les lettres du conseil
restent sans effet, allez voir vous­mêmes la direction de votre
établissement. Il serait très souhaitable et très avantageux pour
vous que vos parents soient au courant de l'affaire. Si vous
pouvez les décider à vous accompagner chez le proviseur ou le
directeur, ça serait parfait.
S'il y a beaucoup d'élèves qui ont personnellement à se plaindre
d'un professeur, il serait bon qu'il y ait plusieurs parents à
porter plainte. Il n'est pas nécessaire qu'ils vous accompagnent
tous chez le directeur ou le proviseur ; il suffit qu'ils acceptent
de signer la plainte. Il importe aussi que vos camarades la
signent en grand nombre.
Le proviseur, le directeur, quand ils vous recevront, vous
promettront très probablement de parler avec le professeur dont
vous vous plaignez. Assurez­vous ensuite qu'ils l'ont vraiment
fait. Et s'ils ne l'ont pas fait, retournez les voir pour re­porter
plainte.
Une plainte ou une protestation adressées à la direction doit
toujours être faite par écrit et porter les signatures de tous les
intéressés. Elle ne doit pas être faite en termes généraux, mais
donner des exemples et citer des faits précis. Rédiger une lettre­plainte de ce genre, ça n'est pas toujours
facile, et ça peut demander beaucoup de travail. Vous pouvez
demander à de grands élèves ou à des adultes de vous aider.
Vous trouverez à la fin de ce chapitre des conseils pratiques
pour la rédaction d'une lettre­plainte. Ne jetez pas les notes que
vous avez prises au jour le jour sur le comportement du prof.
Vous en aurez peut­être encore besoin par la suite.
Adressez­vous aux autorités
Si la direction de votre établissement a rangé dans un tiroir
votre plainte et n'y donne aucune suite, alors il faut vous
adresser plus haut ou ailleurs. Envoyez votre plainte à l'une des
associations de parents d'élèves, écrivez à l'inspecteur ou plutôt
à l'inspecteur académique de votre ville ou de votre région.
Vous pouvez également vous adresser directement à Monsieur
le Directeur de l'enseignement primaire, technique ou
secondaire, ministère de l'Education Nationale, Paris.
Il est très important qu'il y ait des parents et des camarades de
classe à signer la plainte. La direction de votre établissement
préférera généralement prendre le parti des professeurs ; quant
aux autorités, elles auront tendance à soutenir la direction de
votre école. C'est pourquoi il importe que votre plainte soit très
bien documentée, c'est­à­dire qu'elle contienne des faits précis
et indiscutables, et que le plus grand nombre possible de
personnes l'ait signée.
Si votre plainte est vraiment justifiée et si elle est arrivée
jusqu'au ministère, il y a de grandes chances pour qu'elle ne
reste pas sans effet. Mais si le ministère, lui aussi, fait la sourde
oreille, ne vous découragez pas et faites comme ceci :
conservez votre ancienne documentation et rassemblez de
nouveaux exemples et de nouveaux faits. Renvoyez pour porter
plainte une lettre encore plus documentée que la première au
ministère de l'Education Nationale. Si votre plainte est justifiée
et si les faits que vous mentionnez sont nombreux et graves, il
est presque certain qu'il se passera quelque chose.
Comment présenter une plainte ?
Monsieur le Proviseur (ou le Directeur)
ou bien
Monsieur l'Inspecteur
Nous, soussignés, élèves de telle classe dans telle école ou tel
lycée, désirons porter plainte contre monsieur ou madame... (le
nom du prof) qui est notre professeur dans telle matière.
Nous trouvons injustifiable et inadmissible que ce professeur...
(ici, il faut caractériser brièvement, en deux ou trois lignes, ce
qui vous déplaît dans son comportement ou ses méthodes).
Pour mieux nous faire comprendre de vous, nous avons noté à
titre d'exemples, certains faits commis par ce professeur et qui
nous semblent inadmissibles.
(Ici, vous devez utiliser les notes que vous avez prises sur le
comportement de votre prof. Indiquez d'abord la date et l'heure.
Expliquez ensuite en peu de mots ce que faisait le prof, la ou
les raisons qu'il avait de le faire, et tous les détails concrets qui
sont nécessaires pour comprendre. Chaque fait cité peut être
décrit très brièvement, ce qui compte c'est qu'on comprenne
clairement et sans ambiguïté ce que vous reprochez à votre
prof.)
Nous avons discuté de cette affaire avec notre professeur, mais
nous avons parlé pour rien, car rien n'a changé depuis. C'est
pourquoi nous nous adressons à vous, Monsieur le (Proviseur,
Directeur ou Inspecteur), convaincus que vous aurez à cœur de
vous occuper de notre cas et de changer ce qui doit être changé.
Nous vous serions très reconnaissants de bien vouloir nous
informer des mesures que vous prendrez à la suite de notre
lettre.
Nous vous prions d'agréer, Monsieur le... l'expression de tout
notre respect.
N'oubliez surtout pas que...
Vous ne devez porter plainte que si vous êtes en mesure de
prouver ce que vous dites : vous devez absolument présenter à
l'appui de votre plainte une liste de faits précis que le plus
grand nombre possible de camarades puisse signer. Si ces conditions sont réunies, n'hésitez pas à porter plainte, et
faites­le même si vous avez peur ou si vous trouvez tout ça trop
compliqué. Dites­vous bien que c'est toujours compliqué de
réussir à changer les choses pour les améliorer, mais dites­vous
bien aussi qu'à long terme, ça vaut le coup.
Si vous trouvez que ça fera trop de tracas de s'adresser aux
autorités ou si vous pensez que ça ne servira jamais à rien, alors
il faut que vous vous adressiez directement aux journaux.
Faites publier une lettre dans « le courrier des lecteurs » du
journal régional ou national de votre choix. Essayez de prendre
contact avec un journaliste. Les journaux sont en général très intéressés par des affaires de
ce genre. Mais attention : ne dites jamais rien à un journaliste,
oralement ou par écrit, que vous ne puissiez prouver, sinon
vous risqueriez d'avoir des ennuis.
Un professeur peut­il être renvoyé ?
Il est très difficile de renvoyer un professeur. C'est là un
avantage indiscutable s'il s'agit d'un professeur qui fait un
enseignement tout à fait nouveau, intelligent et intéressant pour
vous, surtout si ses collègues et la direction de l'école le
détestent à cause de ses innovations. Mais ce peut être aussi un
inconvénient. En effet, si vous avez un prof qui ne sait pas du
tout enseigner ou qui n'arrive pas à s'entendre avec ses élèves,
il sera tout aussi difficile de le faire renvoyer.
Si vous avez des ennuis avec un professeur, la direction
prendra presque toujours la défense du prof même s'il est
parfaitement évident que c'est lui le fautif. C'est d'ailleurs
pourquoi il est souvent assez difficile de faire aboutir des
plaintes ou des sugegstions pour améliorer les choses.
Si l'un de vos profs est si mauvais que personne en classe ne
peut profiter de son enseignement, si l'un de vos profs vous
terrorise, abuse de son pouvoir ou vous frappe, portez plainte.
Faites­les plusieurs fois si c'est nécessaire.
Il n'y a au fond que trois raisons pour lesquelles un
professeur peut être renvoyé :
— s'il est tellement chahuté qu'il ne parvient même pas
à faire son cours ;
— s'il frappe ses élèves ;
— s'il couche avec l'un ou l'une de ses élèves.
Il faudra, en règle générale, très longtemps avant que les
autorités se débarrassent d'un professeur qui ne parvient à faire
ses cours parce qu'il est incapable de faire régner dans sa classe
un minimum d'ordre. Le professeur qui terrorise et frappe ses élèves, pourra de même
continuer assez longtemps à les frapper et à les terroriser avant
qu'on se décide à interrompre ses activités. Si ça se passe
comme ça, c'est parce qu'un professeur bénéficie de la
protection de ses collègues et des autorités qui, presque
automatiquement, prennent son parti et ont toujours tendance à
considérer que les élèves victimes ont certainement fait quelque
chose pour mériter leur sort.
Mais si un professeur (homme ou femme) couche avec l'un ou
l'une de ses élèves, alors il n'y a pas de délai et le renvoi est
immédiat. Pourquoi ? Parce que la morale officielle est très
arriérée : elle pense qu'il est beaucoup plus immoral pour un
prof de faire l'amour avec un élève que de lui casser la gueule.
Les punitions : celles qui sont permises et celles
qui ne le sont pas
On ne punit pas quelqu'un pour lui faire apprendre quelque
chose. C'est la pire des méthodes pédagogiques, qu'il s'agisse
d'animaux, d'enfants ou d'adultes. Il y a longtemps que les
psychologues le savent, mais il y a encore beaucoup de parents
et de professeurs à vouloir l'ignorer.
Il existe plusieurs sortes de punitions : donner des lignes ou des
devoirs supplémentaires, donner des retenues, engueuler
l'élève, le ridiculiser devant tout le monde, lui donner des
gifles, lui casser la gueule, le faire mettre à la porte pour
quelques jours ou définitivement. Certaines punitions sont
légales ou du moins autorisées, d'autres sont absolument
interdites. Exemple : aucun professeur n'a le droit de te confisquer
quelque chose qui t'appartient même s'il te dit qu'il te le rendra
à la fin de l'année. Un professeur qui t'a confisqué un objet qui
t'appartient doit te le rendre à la fin du cours, même et surtout
si cet objet est ce Petit Livre Rouge.
Les profs peuvent avoir certaines manières d'agir qui ne sont
pas considérées officiellement comme des punitions, mais qui
pourtant en sont. Il y a des profs qui prennent un ou plusieurs
élèves comme têtes de turc et qui s'acharnent contre eux. Ils
refusent de les écouter ou ne les écoutent qu'avec mépris ou
malveillance. Ils leur donnent systématiquement des notes
inférieures à celles qu'ils méritent. Vous pouvez forcer ces profs à cesser d'employer ce genre de
punition. Pour savoir comment faire, reportez­vous aux pages
où nous vous expliquons comment porter plainte contre un
professeur.
Les règlements
II existe un règlement très général pour tous les établissements
dépendant du Ministère de l'Education Nationale ; chaque
établissement a en plus son règlement intérieur propre. Les
écoles privées, qu'on appelle aussi « écoles libres » c'est­à­dire
payantes ont chacune leur règlement intérieur. Tous ces
règlements s'inspirent en gros des mêmes principes : comment
maintenir l'ordre.
La première tâche des comités ou conseils d'élèves doit être
d'exiger de la direction que leur soient communiqués tous les
textes administratifs qui concernent le règlement. Vous les
étudierez ensemble et, si besoin est, vous demanderez des
explications à de grands élèves ou à des adultes qui vous
aiment bien. En principe, tous les professeurs doivent connaître
le règlement. Si l'un de vos profs fait quelque chose qui n'est
pas autorisé par le règlement, dites­le lui et montrez­lui les
textes qui vous donnent raison ou qui lui donnent tort.
Il serait tout à fait normal que le conseil d'élèves d'un
établissement exige de la direction, dès le début de l'année
scolaire, une discussion et une révision éventuelle du règlement
intérieur. On révise une voiture au moins une fois par an, mais
les lois et les règlements s'usent parfois beaucoup plus vite que
les voitures. En général les règlements sont une énumération
des choses que les élèves doivent faire ou qu'il leur est interdit
de faire. Exigez aussi de savoir — et par écrit — ce que les
professeurs doivent faire ou ce qu'il leur interdit de faire.
Les punitions et les sanctions
Si le professeur estime que tu as fait ou que tu fais des choses
inadmissibles, il doit avant de te punir parler avec toi et
t'expliquer que tu te conduis mal. Si ça n'a pas de résultat, il
peut te blâmer publiquement, mais sans t'injurier ; il peut
ensuite te menacer de diverses sanctions.
Il peut te faire changer de place, te demander de venir au
premier rang sous son nez, ou bien d'aller t'installer au fond de
la classe. Il peut également te mettre à la porte pour une demi­
heure, ou une heure, il peut enfin te donner des « lignes » ou
des devoirs supplémentaires. Mais ces sanctions ne doivent pas
être prises trop fréquemment envers un même élève. Quant aux
« lignes » et aux devoirs supplémentaires, ils ne doivent pas te
demander, suivant ta classe, plus d'une demi­heure ou une
heure et demie de travail. Vous ne devez pas supporter qu'on
vous donne à vous­mêmes ou à l'un de vos camarades une
punition écrite trop longue. Parlez­en à vos parents ou mettez­
vous à plusieurs pour la faire ; et n'oubliez pas alors d'indiquer
comment et par qui elle a été faite.
— les retenues ou plutôt les « colles » : les professeurs peuvent
aussi te donner des heures de « colle », à faire après la fin des
cours, ou le jeudi ou le samedi. Mais aucun professeur n'a le
droit de vous garder assez tard pour vous faire manquer votre
autobus ou votre train de banlieue, ou même tout simplement si
votre vie familiale risque d'en être perturbée.
Il est absolument interdit de mettre en retenue les très jeunes
élèves, classe de sixième et en dessous. Mais comme ils sont
trop petits, ils ne peuvent même pas lire ce Petit Livre, alors
vous devez le leur expliquer vous­mêmes.
— le renvoi : de même que le professeur a le droit de te mettre
à la porte de sa classe pendant une heure, de même la direction
peut décider de t'exclure pendant deux ou trois jours ou une
semaine. Dans les cas d'une gravité exceptionnelle, elle peut le
faire deux fois au cours de l'année scolaire, mais jamais plus,
sinon elle risquerait de trahir sa mission qui est de t'apprendre
ce que tu es en droit de savoir.
L'enseignement, en France, est obligatoire, pour tous les jeunes
jusqu'à 16 ans. On ne peut donc te mettre définitivement à la
porte de l'enseignement avant cet âge. Tout ce que les autorités
peuvent faire avant, c'est te faire changer de section ou de
professeur, te renvoyer dans une classe inférieure, te faire
changer d'établissement, par exemple t'exclure du lycée pour
t'envoyer dans un CEG. Toutes ces sanctions sont légales, mais
elles sont aussi très graves. Le conseil de classe et le conseil
des élèves doivent exiger de la direction et des professeurs que
ces sanctions ne soient jamais prises sans qu'on les ait consultés
: vous, vous savez mieux que la direction comment les choses
se passent en classe ; vous avez donc votre mot à dire.
Les punitions corporelles : un prof peut­il vous frapper ?
Un professeur n'a pas le droit de frapper ses élèves. C'est
formellement interdit. Il n'a ni le droit de te tirer les cheveux, ni
celui de te pincer, ni même celui de t'obliger à souffrir
physiquement (te faire rester à genoux, te faire garder les bras
en croix, etc...). Toute forme de violence à l'égard des élèves
est interdite aux professeurs.
Il y a pourtant des circonstances où un professeur a le droit
d'employer la force physique contre ses élèves : pour se
défendre, si des élèves le menacent physiquement ou le
frappent ; pour empêcher un ou plusieurs élèves d'user
d'arguments frappants envers un ou plusieurs de leurs
camarades ; pour empêcher des élèves d'endommager ou de
détruire le matériel. Mais, même dans tous ces cas, ils n'ont le
droit d'user de la force physique que pour t'empêcher d'abuser
de la tienne. S'ils se mettent à te tabasser ou s'ils continuent à te
frapper alors que tu ne fais plus rien, alors ils se mettent en
faute et risquent des sanctions.
Même pour exiger que vos droits soient respectés, restez
courtois et corrects. Pas d'injures ! Si vous avez de bons
professeurs, vous n'aurez jamais à profiter de ces conseils. Mais
n'oubliez pas de votre côté que les professeurs, eux aussi,
peuvent parfois se tromper et en toute bonne foi. Avant de
porter plainte, essayez toujours de parler avec votre professeur
et de régler directement l'affaire avec lui. Il est toujours bien
préférable, quand un règlement amiable est possible, de ne pas
porter plainte.
Ce que vous ne devez jamais tolérer, c'est qu'un professeur
vous traite injustement, pendant longtemps. On n'arrête pas de
vous répéter que vous avez des devoirs. N'oubliez pas que vous
avez aussi des droits et que c'est un de vos devoirs que de les
faire respecter.
Les élèves
Les camarades
Des faits
Dans ton lycée ou ton école, tu rencontres toutes sortes de
camarades :
— Il y en a qui deviennent des amis et d'autres que tu détestes.
— Il y en a qui ne t'intéressent pas et d'autres avec qui tu
aimerais entrer en contact.
— Il y en a que tu méprises et d'autres que tu admires.
— Il y a des solitaires, des abandonnés et des exclus, et d'autres
qui sont populaires et que tout le monde fête et semble aimer.
— Il y en a qui sont doués dans une matière, ou même dans
toutes les matières, et d'autres qui sont toujours très ou un peu
en retard.
— Il y en a à qui on peut faire confiance, et d'autres qui
trompent et trahissent leurs promesses.
— Il y en a qui sont généreux et toujours prêts à aider, et
d'autres qui sont avares d'eux­mêmes et de leur savoir.
— Il y en a qui ont toujours des bonnes idées et d'autres
presque jamais.
— Il y en a qui ont des idées, mais qui ne savent pas comment
les réaliser, et d'autres qui n'ont jamais d'idées, peut­être, mais
qui savent toujours comment réaliser celles des autres.
— Il y en a qui trouvent toujours à dire ce qu'il faut, au moment
où il faut, et d'autres qui ne trouvent qu'après coup ce qu'il
aurait fallu dire.
— Il y en a qui ont le droit de tout faire, et d'autres qui sont
toujours freinés par leur famille.
— Il y en a qui ont toujours de drôles de vêtements, et d'autres
qui ont toujours des vêtements chics et à la dernière mode.
— Il y a des élèves aussi qui ne ressemblent pas à tout le
monde et qui sont un peu « bizarres », parce qu'ils louchent,
qu'ils portent des lunettes, qu'ils zozotent ou qu'ils bégaient,
alors que d'autres vous semblent physiquement parfaits parce
qu'ils sont grands, qu'ils ont les épaules larges, de belles
jambes, une belle poitrine, un nez droit et de beaux cheveux.
Sais­tu que?...
— Sais­tu que tes professeurs t'influencent ? Sais­tu que leur
influence peut conditionner tes opinions sur tes camarades ?
— Sais­tu que ce que tu penses de tes camarades est en général
fortement influencé par les opinions des adultes qui
t'entourent?
— Sais­tu que tu es influencé par tes camarades : beaucoup par
ceux que tu fréquentes le plus, moins ou même pas du tout, par
ceux que tu ne fréquentes pas ?
— Sais­tu que tu subis l'influence de la publicité, des films, de
la télévision, des groupes de pop, des journaux et de tous les
autres moyens qui servent à façonner l'opinion publique ?
— Sais­tu que dans d'autres pays ou sur d'autres continents, il
existe des règles de conduite, des idéaux, un bien et un mal, un
vrai et un faux, qui sont très différents de ce qu'ils sont ici ?
— Sais­tu qu'ailleurs, dans d'autres lieux de travail et dans
d'autres pays, il existe une morale et des valeurs qui reposent
sur l'estime et le respect réciproques, et qui donc n'ont pas
grand chose à voir avec celles qui règnent parmi tes camarades
et qu'on t'enseigne à l'école ?
— Sais­tu que les mœurs, les règles sociales de conduite et les
valeurs morales, en fonction desquelles tu juges et mesures tes
camarades, évoluent presque aussi vite que tu te développes
toi­même et que la société se développe et se transforme ?
— Sais­tu qu'en réfléchissant à plusieurs, on peut élaborer sa
propre échelle de valeurs morales et ses propres règles de
conduite qui vous permettent de vous juger les uns les autres en
fonction de ce que vous estimez juste et valable ?
— Sais­tu qu'il n'est pas interdit de jeter à la poubelle la morale
et les valeurs que les adultes vous enfoncent dans la tête
pendant votre enfance et votre adolescence ?
— Sais­tu que les professeurs et les autres adultes utilisent
continuellement cette morale et ses valeurs pour condamner
l'un d'entre vous, se moquer de lui, le punir, l'humilier et en
général pour vous réprimer ? Ça continuera aussi longtemps
que vous n'aurez pas rejeté le système de valeurs dont ils
connaissent, eux, toutes les subtilités puisque c'est eux qui vous
l'ont enfoncé dans la tête ?
Deux systèmes de valeur
Premier système :
— Ne crois pas que tu sois grand­chose
— Ne crois pas que tu vailles autant que nous
— Ne crois pas être plus intelligent que nous
— Ne t'imagine pas que tu es mieux que nous
— Ne crois pas que tu en sais plus que nous
— Ne crois pas que tu nous es supérieur
— Ne crois pas que tu sois bon à grand­chose
— Ne crois pas qu'il y ait des gens qui t'aiment
— Ne te moque pas de nous
— Ne va pas t'imaginer que tu peux nous apprendre
quelque chose
Deuxième système :
— Tu as le droit de développer ta personnalité en sui­ vant ta propre voie
— C'est en définitive à toi­même que tu dois rendre
compte de tes actes, c'est devant toi que tu en es
responsable
— Tu as le droit de jouer d'autres rôles que celui ou
ceux que tes professeurs, tes parents et tes camarades
ont décidé de te donner
— Tu es aussi bien que les autres
— Tu vaux quelque chose
— Tu peux apprendre quelque chose des autres et les
autres peuvent également apprendre de toi
— Tu dois croire que quelqu'un t'aime
— Tu es quelqu'un.
Des choses qu'il faut que tu saches
On travaille beaucoup quand on travaille en groupe, que ce soit
pour ou contre quelque chose.
Il faut que tu saches reconnaître quand un groupe ne fonctionne
pas de façon efficace. Ça se reconnaît à plusieurs signes faciles
à observer :
— certains élèves, — les « leaders » — se montrent toujours
dans toutes les situations plus actifs et plus dynamiques que
d'autres ; certains ont une autorité et entraînent toujours les
autres ;
— certains élèves écoutent toujours moins que les autres et
parlent toujours beaucoup plus ;
— certains élèves donnent toujours des ordres à tous les autres.
Si le groupe fonctionne comme ça, il ressemble à une
pyramide, avec très peu de gens au sommet qui dirigent tout et
à la base tous les autres qui ne font que suivre.
Il faut que tu saches que le travail de groupe peut et doit même
se dérouler de toute autre façon. Il y a bien d'autres façons
d'organiser le travail et le groupe de travail. On peut instaurer entre tous les membres du groupe une
collaboration véritablement démocratique qui permet à chacun
de participer à l'activité du groupe sur un pied d'égalité et de
réciprocité ; chacun sait alors qu'il a un rôle à jouer et qu'il peut
influencer le travail du groupe ; personne ne se sent frustré et
tout le monde est content. Ça veut dire qu'on n'a pas toujours le même rôle au sein du
groupe : dans certains cas et suivant ce qu'il y a à faire, c'est
untel et un tel qui vont diriger, et que dans d'autres
circonstances, ça sera à tel et tels autres de le faire. Il peut y
avoir autant de leaders qu'il y a de problèmes à résoudre et de
tâches à faire.
Il n'est nullement nécessaire qu'il n'y ait qu'un seul leader à la
fois. Un petit groupe d'élèves — cinq ou six — peut très bien
prendre la direction des opérations : on dit alors qu'il y a
direction collective ou collégiale.
Il faut que tu saches qu'il y a deux grands types de leader que tu
pourras rencontrer : il y a ces leaders qui veulent toujours tout
décider eux­mêmes et qui se servent de leur pouvoir pour
s'attribuer les tâches qui les intéressent le plus et imposer leurs
volontés aux autres ; il y a une autre sorte de leader, ce sont les
leaders qui se refusent à tout décider et à tout faire eux­mêmes
et qui laissent aux autres membres du groupe la plus grande
liberté d'initiative.
Il faut que tu saches que quelqu'un ne peut rester un leader
qu'aussi longtemps que tu l'acceptes et que tu le reconnais pour
tel. Que ton leader soit un camarade ou un élève, ou un
professeur, ça revient au même : il cessera d'être un leader dès
que tu refuseras de suivre ses directives et d'obéir à ses ordres.
Si tu en as assez de ton leader, choisis­en un autre et comme ça
tu deviendras toi­même ton propre leader.
Et surtout n'oublie pas qu'il y a deux façons de se faire entendre
et comprendre : en parlant et, plus sûrement encore, par des
actes.
Dans l'illégalité...
Si pendant la classe, vous êtes sagement assis à votre place,
avec un œil apparemment attentif et un air d'écouter, mais qu'en
fait votre esprit dort comme une marmotte, vous êtes dans
l'illégalité.
Mais oui, pour la bonne raison que si on vous demande : « Tu
écoutes ? Tu suis ? », vous répondrez oui et que vous mentirez.
Quand vous avez séché une heure ou une après­midi de classe
pour aller au café ou au cinéma et qu'on s'aperçoit de votre
absence, vous ne racontez pas en général ce que vous avez fait,
mais vous inventez quelque histoire à dormir debout qui puisse
vous servir d'excuse valable. Vous étiez dans l'illégalité et vous cherchez à le cacher. On
vous interdit de fumer, mais ça ne vous empêche pas d'aller
tous les jours griller une sèche aux chiottes, tout seul ou avec
des camarades. Quand vous faites ça, vous vous mettez dans
l'illégalité.
Beaucoup de gens passent une grande partie de leur vie de tous
les jours dans l'illégalité, et pour certains, c'est la part la plus
importante de leur vie et souvent celle qui compte le plus qui se
déroule dans l'illégalité.
Peut­être vous sentez­vous obligés de cacher que vous
fréquentez tel ou tel camarade, et ce que vous faites avec eux ;
peut­être n'osez­vous pas dire que vous sortez avec tel garçon
ou telle fille et que vous couchez avec. Et si vous fumez de la marijuana ou du haschisch, vous n'osez
pas le raconter non plus. Vous préférez garder secrets les
problèmes qui vous tourmentent le plus et que vous ne
parvenez pas à résoudre.
S'il n'y a que devant vos camarades que vous osez admettre et
faire valoir qui vous êtes, ce que vous aimez et ce qui vous
préoccupe, c'est en général la faute de vos parents, de vos
professeurs et de l'école. Tout le monde se doute ou plutôt sait bien que vous avez toutes
ces activités illégales et secrètes. Parents et professeurs ont
presque tous fait comme vous. Sachez bien aussi que les
parents cachent autant de choses à leurs enfants que vous avez
de secrets pour eux.
Quand vient le jour où il faut décider qui on veut être et ce
qu'on veut faire, c'est pourtant tout ce qu'on a appris dans la
partie illégale de sa vie dont on a le plus besoin. Si vous n'aviez pas osé faire toutes les expériences et vous
lancer dans toutes les aventures qui ont rempli votre vie
illégale, en vérité vous seriez bien mal équipés pour affronter
ces grands problèmes de la vie d'homme que sont le travail,
l'amour, l'amitié et la vie en commun.
L'intelligence : seuls les imbéciles y croient
II n'y a pas tellement longtemps, on croyait encore que les
mauvais élèves, ceux qui n'arrivaient pas à suivre étaient bêtes.
On croyait aussi que tous les gens naissaient avec une certaine
dose d'intelligence qu'ils gardaient jusqu'à la fin de leur vie.
Ces deux sont complètement absurdes, mais beaucoup de gens
— parents, professeurs, y croient encore.
Certes, nous ne sommes pas tous identiques à la naissance,
mais c'est bien après que les différences entre les petits
d'homme deviennent de grandes inégalités. Si ça se passe
comme ça, c'est pour une raison stupide : ce sont les élèves qui
n'apprennent pas très vite en classe auxquels on apprend le
moins de choses, l'école, les profs s'en désintéressent.
On dit qu'ils ont du mal à assimiler l'enseignement, alors que
c'est l'école qui ne fait aucun effort pour les assimiler. On les
renvoie en prétendant qu'ils n'ont pas « assez de maturité »
pour l'école ; ou bien, on les envoie dans un C.E.G. ; ou bien
encore on leur interdit l'accès aux classes terminales.
Beaucoup de gens pensent que c'est trahir la véritable mission
de l'école que de refouler ou d'éliminer des élèves qui sont
faibles et estiment que l'école se doit précisément d'assimiler
tous les élèves et de promouvoir leur développement, même et
peut­être surtout s'il s'agit d'élèves retardés pour une raison ou
pour une autre.
L'intelligence : ça peut descendre, ça peut aussi monter
On a prouvé depuis déjà assez longtemps que l'intelligence, que
les psychologues mesurent avec des tests, est ne faculté qui
évolue. On peut devenir plus ou moins
intelligent, tout dépend de la façon dont on est traité.
Des vrais jumeaux, à la naissance, sont parfaitement égaux.
Mais s'ils ne sont pas élevés au même endroit et par des
personnes différentes, ils n'auront pas la même intelligence :
celui qui est élevé dans une famille aisée deviendra plus
intelligent que son frère jumeau élevé dans une famille pauvre.
On a aussi étudié des orphelinats ; on a comparé les orphelinats
où l'on s'occupait beaucoup des enfants et ceux où les enfants
étaient pour ainsi dire livrés à eux­mêmes. On a constaté que
les enfants des bons orphelinats avaient au bout de quelques
années un quotient intellectuel plus élevé que ceux des mauvais
orphelinats, alors qu'au début, il n'y avait pas de différence
entre eux.
On ne peut donc pas dire qu'un enfant est bête pour la seule
raison qu'il a du mal à assimiler en classe. Ce qu'on peut dire,
c'est qu'on ne lui a pas donné vraiment toutes les possibilités
d'apprendre et qu'on ne lui a pas consacré assez d'attention et
d'effort. Peut­être aurait­on dû aussi lui consacrer plus de temps
qu'aux autres.
Pourtant il y a des différences
Au fond, l'école devrait tenir compte des différences qui
existent entre les élèves, par exemple que tous les élèves ne
peuvent pas apprendre à la même vitesse. Un élève qui apprend
lentement peut savoir les choses aussi bien qu'un élève qui
apprend vite.
Mais c'est compliqué, parce qu'il y a beaucoup d'élèves par
classe, parce qu'il y a tellement de choses à apprendre dans le
programme, parce que le professeur n'est peut­être pas encore
un bon pédagogue. C'est ça, les vrais problèmes.
Il peut y avoir d'autres différences entre les élèves. Certaines
tiennent tout simplement au fait que l'école ne s'intéresse qu'à
certaines catégories de choses. L'école ne représente pas tout le
monde réel où vivent les hommes, loin de là ! Il n'est pas
impossible que les élèves qui n'arrivent que difficilement à
faire ce que demande l'école, se débrouillent très bien en dehors
de l'école et aussi après la fin de leur scolarité.
Personne n'est mauvais en tout. Il y a toujours certaines choses
que nous faisons bien ou mieux. Quand on trouve qu'on se
débrouille mieux dans le vrai monde que dans ]e monde de
l'école, on perd peu à peu toute envie d'aller à l'école, et c'est
tout à fait normal. Ça veut simplement dire qu'on apprend mal
en classe et certainement beaucoup mieux et beaucoup plus en
dehors de l'école.
Qu'est­ce que c'est qu'un enfant « arriéré ? »
II y a des enfants qui mettent si longtemps à apprendre qu'il est
très difficile de s'occuper d'eux dans le cadre des classes
ordinaires. C'est pourquoi on met les enfants qui sont
extrêmement lents à apprendre dans des classes de rattrapage
ou des établissements spéciaux.
Ces enfants qui sont lents à apprendre sont ce qu'on appelle des
enfants « retardés ». Les enfants dits « arriérés », c'est tout
autre chose. Un « arriéré » est un enfant qui éprouve des
difficultés presque insurmontables à apprendre la plupart des
choses. Il y en a beaucoup parmi les enfants arriérés qui ont un
cerveau un peu endommagé, ce qui rend les choses encore plus
compliquées.
Beaucoup d'enfants « retardés » se débrouillent très bien dans
la vie, surtout si on les aide. Mais, en règle générale, les
« arriérés » ne parviennent jamais à se débrouiller. On est le
plus souvent obligé de les envoyer dans des maisons de santé.
Sélection, élimination, discrimination
Plusieurs fois, au cours de la scolarité, on sélectionne les élèves
en fonction de leurs « capacités ». Ça veut dire tout simplement
que les professeurs se réunissent pour décider quels sont les
bons élèves, les élèves moyens, les mauvais élèves. Les bons sont autorisés à continuer leur scolarité dans
l'enseignement secondaire ; on tolère quelquefois que des
élèves moyens en fassent autant et encore à certaines
conditions, mais la plupart du temps, on les refoule dans les
C.E.G. ou l'enseignement technique ; quant aux plus mauvais
élèves, on les envoie dans des centres d'apprentissage. Après le
baccalauréat, pour ceux qui ont réussi à le passer, il y a encore
sélection suivant les capacités, c'est­à­dire élimination, et ce
deux ou trois fois. Tout le système de sélection sur lequel repose la scolarité des
élèves ne fait, au fond, qu'éliminer, exclure, ou refouler tous les
ans au niveau inférieur, un certain nombre d'élèves. Chaque
année, il y a quelques élus et beaucoup de condamnés, comme
si l'on voulait empêcher un grand nombre d'élèves de continuer
leurs études.
On prétend qu'on sélectionne les élèves en fonction de leurs
capacités ou de leurs aptitudes. En fait, ce qui sert de base à la
sélection, c'est ce que vous avez réussi à apprendre et ce que les
profs pensent de vous. Pour vous sélectionner, on se sert soit des notes de composition
ou des résultats d'examen, soit tout simplement de l'avis des
professeurs. Dans tous les cas, c'est aussi arbitraire et aussi peu
valable. Beaucoup de professeurs aiment cette façon de faire,
car ça leur permet de se débarrasser des élèves « difficiles ».
Les statistiques montrent que lorsqu'il y a sélection, ce sont
presque toujours les enfants qui ont des parents aisés ou
instruits qui sont autorisés à continuer leurs études secondaires
ou à entrer dans l'enseignement supérieur. Ça ne veut nullement dire que les autres élèves qui sont
refoulés ou exclus sont plus bêtes, mais tout simplement que
renseignement et les méthodes employées à l'école favorisent
nettement les enfants appartenant à certaines familles et à
certains milieux sociaux. C'était peut­être bien pire il y a
cinquante ans, mais aujourd'hui c'est encore une discrimination
injuste.
Le renforcement de la sélection
L'école ne fait appel qu'à certaines qualités. Beaucoup d'élèves
ont d'autres qualités que celles utilisées par l'école, mais elles
ne peuvent servir à rien ni même se développer dans le système
d'enseignement actuel. On trouverait trop compliqué de
changer le système et de rebâtir une école pour tous ; c'est
beaucoup plus facile et beaucoup moins périlleux de mettre à
l'écart les élèves qui s'entendent mal avec le système.
On met dans des classes spéciales ou on refoule les élèves qui
ne parviennent pas à apprendre aussi vite que les programmes
l'exigent.
On oblige les élèves qui ont trop souvent besoin de
suppléments d'explication ou de cours, pour ne pas être en
retard dans telle ou telle matière, à suivre des cours
supplémentaires, après la classe, ou pendant les jours de congé
ou les vacances.
Toutes ces opérations de sélection, l'école ne les fait qu'après
avoir d'avance éliminé tous les élèves anormaux : arriérés,
aveugles, sourds, muets, infirmes, handicapés physiques,
malades du cerveau sont tous envoyés dans des institutions
spécialisées. De cette façon, on empêche à coup sûr les anormaux de vivre
avec les normaux, et l'on empêche en même temps les élèves
normaux d'apprendre à vivre au milieu et avec des gens qui
sont très différents d'eux.
On continuera, pendant toute la scolarité, à écarter les enfants
et les adolescents qui ont un comportement anormal, les
« caractériels », comme on dit. On les envoie dans des
établissements d'éducation surveillée.
C'est évidemment bien plus commode pour la direction de
l'école et les enseignants de se débarrasser de tous ces éléments
de trouble que sont les enfants qui ne sont pas comme les
autres. C'est une façon de vous apprendre en même temps qu'il
n'y a qu'une seule sorte de gens qui a vraiment de la valeur.
Bête ou intelligent ?
Si le professeur commence à distinguer dans la classe ceux qui
sont bêtes et ceux qui sont intelligents, demandez­lui ce qu'il
entend par « intelligence ». Vous constaterez à tous les coups
que pour votre prof, être intelligent, c'est bien faire les devoirs
qu'il vous donne.
Mais dans la vie, il y a beaucoup d'autres devoirs et surtout des
devoirs beaucoup plus importants à remplir que ceux de l'école.
On peut avoir une intelligence scolaire, c'est­à­dire réussir en
classe, mais être bête dans les activités extra­scolaires et qui
sont le tissu de la vie quotidienne. Dire d'un élève qu'il est bête,
c'est bête et ça ne veut rien dire.
Les heures de liberté
Les parents, les professeurs et les autres adultes s'inquiètent
souvent à votre sujet. Votre comportement leur fait peur. Ils ont
peur par exemple de votre façon de vous habiller ou de ne pas
vous couper les cheveux, mais surtout et en général, ils ont
peur de tout ce que vous faites quand ils ne vous ont pas
directement sous les yeux.
Ils disent que c'est de votre faute. Ils disent que ça leur ferait
tellement de peine si au lieu de vous élever, vous descendiez
jusqu'à devenir un bon à rien.
Mais ce qu'ils veulent dire, c'est que vous vous enfoncerez, et
que vous deviendrez des bons à rien, si vous décidez d'avoir
une autre vie que la leur et de suivre d'autres voies que celles
qu'ils ont choisies et pour eux et pour vous.
Ça les rendrait malheureux que vous ne gagniez pas plus
d'argent qu'eux ou tout au moins autant. Ils voudraient que
vous passiez votre vie à faire ce qu'ils avaient envie de faire
eux, mais qu'ils n'ont jamais réussi à faire. Il ne faut pas trop en
vouloir aux parents, aux professeurs, aux adultes, c'est la
société qui les a faits comme ça, et ils ont beaucoup de
difficultés, sous toutes les couches de vernis que les années ont
accumulées, à retrouver leur vrai visage et à redevenir eux­
mêmes.
Ce que vous offrent les adultes
Les adultes et la société vous offrent certains moyens d'occuper
vos loisirs : maisons de jeunes, associations culturelles, clubs
sportifs, clubs de danse, scouts, éclaireurs et autres
organisations de jeunes.
Mais n'oubliez pas que toujours et partout, lorsque les adultes
mettent à votre disposition des moyens de loisir, c'est qu'ils
entendent bien contrôler et diriger vos activités. Toujours et
partout, ils se servent de ces moyens de loisir pour vous faire
faire certaines choses et vous faire devenir tel qu'ils le
souhaitent.
Les maisons de jeunes et les associations culturelles donnent
aux parents l'assurance que vous occuperez utilement et
moralement vos loisirs.
Les Scouts et les Eclaireurs tiennent à vous faire revêtir un
uniforme. Ils ont, en gros, deux objectifs : premièrement,
retarder le plus possible le moment où vous aurez des rapports
avec l'autre sexe et contrôler le déroulement de ces rapports ;
deuxièmement, faire de vous de « bons citoyens ».
Etre un « bon citoyen », c'est être un fidèle serviteur de la
société, du régime et des institutions telles qu'elles existent
actuellement, c'est être capable de s'adapter à tout ce qu'imposé
le pouvoir, sans trop broncher ni discuter.
Les clubs sportifs veulent vous apprendre à être les plus
rapides, les plus agiles, les plus forts et toujours à essayer de
l'emporter sur les autres. Et puis aussi, à la fermer quand vous
avez perdu.
Les adultes s'assurent toujours, quand c'est eux qui organisent
vos heures de loisir, qu'il y ait toujours avec vous des adultes
pour que tout se passe dans ce qu'ils estiment être le a bon
ordre ».
Ce que vous pouvez faire par vous­mêmes
Vous pouvez très bien annexer à votre profit des petits coins du
monde des adultes. Il suffit de vous y prendre comme il faut.
Par exemple, vous pouvez obtenir l'autorisation d'utiliser les
salles de classes et autres locaux scolaires, si c'est pour y mener
des activités qui servent les intérêts de l'école et des élèves.
Comment procéder ?
Formez un groupe, genre club ou association, composé soit
d'élèves appartenant à toutes les classes, soit tout simplement
d'élèves de votre classe.
Donnez un nom à votre groupe et indiquez brièvement ses buts,
ses moyens et son fonctionnement, par exemple :
Article 1 : Entre les élèves de (nom de l'école, du lycée ou de la
classe), il est formé une association qui prend le nom de
(indiquez le nom choisi).
Article 2 : Cette association a pour but de développer l'amitié et
la collaboration entre les élèves qui s'intéressent à (le cinéma,
le théâtre, la musique, etc...).
Article 3 : Nous nous proposons d'atteindre ce but par des
rencontres une ou deux fois par semaine qui seront consacrées
à des causeries, des discussions, des auditions de disques, des
séances de cinéma, etc...
S'il existe un conseil d'élèves, allez le trouver et demandez­lui
de présenter votre projet au conseil des professeurs ou à la
direction. S'il n'y a pas de conseil d'élèves, adressez­vous
directement au conseil des professeurs ou à la direction. Si la
direction repousse votre proposition, demandez­lui des
explications, et si celles­ci ne vous paraissent pas valables,
écrivez à l'inspection académique.
N'oubliez pas que vous pouvez toujours vous servir de la
presse. Les journaux nationaux comme les journaux régionaux
s'intéressent toujours à ce qui touche la jeunesse et les écoles.
Les journalistes aiment surtout parler des jeunes lorsque ceux­
ci se montrent dynamiques, décidés à faire quelque chose et ont
des propositions concrètes à faire. Ecrivez à un journaliste pour lui exposer vos problèmes, ou
bien demandez­lui un rendez­vous pour les lui exposer de vive
voix. Si le journaliste en parle dans son journal, il y a de
grandes chances pour que les choses ne restent pas au point
mort.
Pour obtenir des locaux
L'idéal ce serait de trouver un local où vous seriez vraiment
chez vous, et que vous pourriez aménager et décorer comme
vous le désirez. La plupart des écoles sont trop petites pour que
vous puissiez obtenir l'attribution d'un local qui vous soit
exclusivement réservé. Mais dans les sous­sol et les caves, il y
a parfois de grandes pièces vides et qui ne servent à rien
(pendant la guerre, certaines servaient d'abris pendant les
bombardements aériens). Demandez à tout hasard s'il n'existe
pas dans les sous­sols des pièces vides.
Il est souvent possible aux groupes de jeunes d'obtenir des
locaux en s'adressant à la municipalité de la ville ou de
l'arrondissement (si vous habitez Paris).
Il y a souvent dans la ville ou dans l'arrondissement des
bâtiments qui sont inoccupés parce qu'ils sont condamnés à une
démolition future. Tâchez d'en repérer et demandez
l'autorisation de les occuper jusqu'à leur démolition.
Ecrivez au maire une lettre que vous appellerez « Lettre
ouverte de la jeunesse à M. le Maire », et récoltez le plus de
signatures possible. Faites approuver vos revendications par
des adultes en leur demandant de signer votre lettre. Envoyez
une copie de cette lettre à tous les membres du Conseil
municipal et aussi à quelques journaux.
Vous avez des droits
Oui ! Vous avez des droits ! Mais comptez sur vous pour les
faire respecter ! Vous avez le droit d'avoir une école qui
n'opprime pas et ne réprime pas, vous avez le droit d'avoir une
école qui vous permette de vous exprimer. Vous avez le droit
d'avoir une école qui vous plaît et où vous êtes heureux et
libres. Vous avez le droit d'avoir une école qui ne soit pas une
pompe à refouler et qui au contraire assure la formation et la
promotion de tous. Vous avez le droit à une école qui
développe et épanouisse votre personnalité, même si celle­ci
n'est pas conforme à ce que voudraient les adultes et n'a pas
encore une place rentable dans leur monde. Vous avez droit à
une école où vous puissiez apprendre à être un homme, et non
un rouage ou un larbin dans le système social existant.
Mais avant tout, c'est sur vous que vous devez compter pour
exiger le respect de vos droits. Ça peut être long et difficile,
mais à la longue ça sera payant.
La sexualité et les rapports sexuels
Si les garçons et les filles couchent ensemble, c'est pour de
multiples raisons :
— parce qu'ils sont de bons camarades et s'aiment bien et qu'ils
trouvent très agréable de se parler aussi avec leur corps ;
— parce que, garçons ou filles, on finit par avoir besoin d'une
véritable satisfaction sexuelle que la masturbation ne suffit pas
à donner ;
— parce qu'ils ont besoin de tendresse et d'affection et qu'ils
pensent qu'ainsi ils en obtiendront ;
— parce que, dans leur groupe de camarades, il y en a qui se
vantent continuellement de leurs conquêtes.
Quelles que soient les raisons pour lesquelles on couche
ensemble, et même si on le fait à plusieurs, ce qu'il faut savoir
c'est ce que ça a toujours des conséquences pour les deux
parties.
On peut coucher avec une fille ou un garçon en éprouvant pour
lui ou elle des sentiments très forts mais pas nécessairement. Et
on peut également éprouver des sentiments très forts pour
quelqu'un sans coucher nécessairement avec lui ou elle. Pour que les relations sexuelles n'aient pas de conséquences
fâcheuses et inattendues, il faut avant tout que les intéressés
soient honnêtes et ne se trompent pas mutuellement : ils
doivent avoir le même but et rechercher la même chose.
— Si tu cherches un peu de tendresse et d'affection, tu ne les
trouveras pas chez quelqu'un qui ne cherche qu'une satisfaction
sexuelle.
— Quand on se sent obligé, pour une raison ou pour une autre,
d'avoir des rapports sexuels avec quelqu'un, il est bien rare
qu'on éprouve une satisfaction sexuelle.
— Quand ce qu'on veut, avant tout, c'est avoir du plaisir et
jouir, il est rare que ça arrive avec un garçon ou une fille qu'on
a d'une façon ou une autre obligé à faire l'amour.
Il y aura toujours beaucoup de gens pour vous dire que les
sentiments, c'est dangereux, et les rapports sexuels
affreusement dangereux, mais ces gens­là, s'ils te disent ça,
c'est presque toujours parce qu'ils ont eux­mêmes peur et des
sentiments et des rapports sexuels. Ils n'ont jamais eu l'audace d'oser... C'est pourquoi ils ne savent
pas grand­chose sur pas grand­chose. Ayez l'audace d'oser,
faites hardiment vous­mêmes vos propres expériences. C'est
ainsi que vous saurez et que, peut­être, vous saurez nous
apprendre.
Nous donnons dans ce chapitre certains renseignements dont tu
peux avoir besoin. Dans les écoles, les élèves ne sont jamais
informés, ou bien ils le sont trop tard, ou bien encore ils ne sont
informés que partiellement. Et quelquefois, on leur donne
délibérément des informations fausses.
La masturbation
L'organe génital, le sexe, d'un garçon, c'est ce que vous
appelez, entre vous, queue, quéquette, zizi, zob, etc... L'organe
génital, le sexe, d'une fille, c'est ce que vous appelez, entre
vous, con, chatte, etc...
Il y a beaucoup d'adultes qui trouvent que ces mots sont
vulgaires et très grossiers et qui préfèrent employer des mots
savants pour désigner ces choses : ils ne disent jamais queue,
mais « pénis » ou « verge », ils ne disent jamais con, mais
« vagin ».
Quand les garçons se caressent la queue, ils se sentent vite très
bien, et ils ne tardent pas à éprouver un grand plaisir, qu'en
termes savants on appelle orgasme. S'ils sont assez grands, ils
déchargent en éprouvant du plaisir, c'est­à­dire que leur pénis
émet du sperme. Quand les filles se caressent le sexe, surtout dans la partie
supérieure, elles aussi éprouvent du plaisir et ont un orgasme.
Faire ça, pour un garçon ou pour une fille, ça s'appelle se
masturber ou se branler.
Il y a des filles et, quelquefois mais rarement, des garçons qui
ne se masturbent pas. Ce ne sont pas des anormaux ; ils sont
même peut­être aussi normaux que ceux qui le font. Il y a des garçons et des filles qui se branlent plusieurs fois par
jour, d'autres seulement plusieurs fois par semaine et d'autres
plus rarement encore. Les adultes, les grandes personnes, c'est­
à­dire tes parents, tes professeurs le font aussi.
Il y a des gens qui te diront que c'est très dangereux de se
masturber. Ce n'est pas vrai. D'autres t'expliqueront qu'il ne
faut pas exagérer. Ce n'est pas vrai, pour la bonne raison qu'on
ne peut pas exagérer ! Demande­leur combien de fois, à leur
avis, on peut se masturber par jour ou par semaine. Ça
m'étonnerait fort qu'ils te répondent.
Caresses et coïts
Quand un garçon introduit sa queue qui bande (c'est­à­dire
qu'elle est grosse et dure) dans le sexe d'une fille, on appelle ça,
scientifiquement, avoir un « coït », et plus simplement coucher
ensemble, même s'il n'y a pas de lit dans les environs. Il y a
diverses expressions pour désigner le coït : faire l'amour,
baiser, niquer, etc...
Mais il n'est pas nécessaire qu'un garçon et une fille aient un
coït pour se sentir bien et éprouver du plaisir.
S'ils n'osent pas faire l'amour — par peur d'avoir un enfant, par
exemple — ils peuvent se sentir très bien et éprouver autant de
plaisir en se caressant mutuellement.
Le garçon et la fille peuvent se caresser l'un l'autre aux endroits
sensibles, et comme il faut le faire. Il est rare que tous les gens
aiment être caressés aux mêmes endroits. C'est pourquoi il faut
que le garçon et la fille en parlent ensemble et se disent quand
les caresses de l'autre sont vraiment très agréables.
Les garçons éprouvent plus facilement du plaisir. Il suffit que
la fille caresse leur sexe. Pour les filles, c'est un peu plus
compliqué. L'endroit le plus sensible chez elles, c'est une sorte
de petit bouton, qu'on appelle « le clitoris » et qui se trouve en
haut des lèvres du vagin, là où les poils s'arrêtent. Si le garçon
sait trouver ce petit bouton et le caresser sans brutalité et même
avec beaucoup de douceur, la fille finira très probablement par
éprouver du plaisir. Mais ça peut demander assez longtemps, et
le temps que ça demande peut varier d'une fois à l'autre.
Il y a beaucoup d'endroits du corps où les garçons comme les
filles sont extrêmement sensibles aux caresses : les seins, le
cou, la nuque, les lobes des oreilles, l'intérieur des cuisses et,
bien sûr, les organes génitaux et toutes les régions voisines. On
peut caresser avec les mains, les doigts, les lèvres, la langue.
Les moyens pour ne pas faire d'enfants à tort et à travers
Quand un garçon et une fille couchent ensemble, ça peut
arriver qu'ils fassent un enfant. Pour éviter ça, il y a des
précautions à prendre. Pour les garçons, il n'y a pratiquement,
pour le moment, qu'un seul moyen, c'est d'utiliser un
préservatif, ou, comme on dit ordinairement, une « capote
anglaise ».
Un préservatif, c'est un peu comme un gros doigt de gant en
caoutchouc fin et transparent que les garçons se mettent sur le
sexe, quand ils bandent, avant de faire l'amour. On en trouve
dans toutes les pharmacies, et sans ordonnance. Pour en
acheter, vous demandez tout simplement au vendeur ou à la
vendeuse : une boîte de préservatifs, s'il vous plaît ! Demandez
toujours la meilleure qualité. Un bon préservatif doit toujours
avoir été éprouvé à l'air comprimé.
Les filles, elles, ont plusieurs moyens. Elles peuvent mettre un
pessaire ou se faire poser un stérilet, ou prendre la pilule. Pour
avoir des pilules, les filles doivent aller voir un médecin. Pour
prescrire une pilule, le médecin doit avoir certains
renseignements sur le cycle menstruel de la fille, c'est­à­dire
sur le nombre de jours qui séparent ordinairement deux
saignements. Attention ! Si le médecin vous pose des questions
sur des sujets ne le regardant pas ou bien entreprend de vous
faire la morale, dites­lui au revoir et allez en voir un autre.
Un pessaire est un petit disque de caoutchouc dont les bords
sont renflés. Le mode d'emploi indique comment il faut le
placer, mais un docteur ou une amie peuvent aussi t'expliquer
concrètement et pratiquement comment faire. Tous les pessaires n'ont pas la même taille, il faut trouver celle
qui te convient. C'est au médecin de prendre tes mesures : il le
fera en essayant sur toi des anneaux de caoutchouc de
différents diamètres. Il y a des filles qui ne trouvent pas ça très
agréable, mais en tout cas, ça ne fait aucun mal.
Chez les filles qui n'ont encore jamais fait l'amour, il y a une
petite membrane à l'entrée du vagin qu'on appelle « l'hymen» et
qui est le symbole de la virginité. Pour mettre un pessaire, il
faut que l'hymen ait été déchiré.
C'est ce qui se passe la première fois qu'une fille fait l'amour.
Un médecin peut aussi déchirer l'hymen, on peut le percer soi­
même avec un ou deux doigts bien propres. Le gynécologue
pour t'examiner sera obligé de faire sauter cette fragile
membrane. Ça saigne un peu, mais ça ne fait pas très mal, si
c'est fait avec douceur et prudence.
Il faut mettre le pessaire avant de faire l'amour, ou plutôt
chaque fois qu'on pense qu'il n'est pas impossible qu'on fasse
l'amour. Il ne faut pas oublier d'enduire le pessaire d'une crème
spéciale qui tue les spermatazoïdes. Si le docteur a fait une
ordonnance pour le pessaire, il a certainement prescrit en même
temps une crème spermicide. Ça vaut le coup de faire tous ces
préparatifs, même si en définitive, ce soir­là, tu ne fais pas
l'amour.
Le stérilet, c'est beaucoup plus petit que le pessaire, et ça se
place plus loin et plus profondément. On ne peut ni le sentir ni
le voir. Beaucoup de médecins préfèrent encore ne donner un
stérilet qu'aux filles et aux femmes qui ont déjà été enceintes
une fois. A la différence du pessaire, le stérilet ne s'enlève pas, il est
placé une fois pour toutes. Si tu veux avoir un enfant, il faut
que tu ailles demander à ton toubib de te l'enlever. Le stérilet
est plus pratique que le pessaire parce qu'on n'a jamais aucun
« préparatif » à faire.
La pilule se prend tous les jours sauf pendant la période des
règles. Il y a des filles qui supportent mal certaines marques de
pilule. Mais il y a beaucoup de marques et donc beaucoup de
choix. Certains médecins se refusent à donner la pilule aux
filles très jeunes. De toute façon, pour prendre la pilule, il faut
être réglée depuis un an au moins.
Mais les autres moyens sont heureusement presque aussi
efficaces. Si le garçon met un préservatif et la fille un pessaire,
il n'y a pratiquement aucun risque. Ce serait une très bonne
chose que les filles apportent elles­mêmes des préservatifs. Les
garçons sont souvent trop timides pour en acheter.
Il n'y a pourtant pas de quoi être timide. Dans d'autres pays
d'Europe, les préservatifs, ça s'achète comme du chewing­gum,
dans des distributeurs automatiques qu'on trouve partout, dans
le métro, dans les gares, dans les stations services. On ne voit
vraiment pas pourquoi, en France ou en Suisse, ça ne serait pas
pareil ! Quoi qu'il en soit, quand vous achetez des capotes
anglaises, demandez toujours la meilleure qualité.
Il ne faut pas hésiter à demander au partenaire, avant de faire
l'amour, quel moyen préventif il ou elle emploie. Quand on n'a
pas la peur de faire un enfant et de devenir enceinte, on a de
bien plus grandes chances de faire l'amour très agréablement.
Pollutions et règles
Les garçons ont parfois des orgasmes — c'est­à­dire qu'ils
jouissent et qu'ils déchargent — en dormant, pendant la nuit.
On appelle ça des pollutions nocturnes. C'est tout à fait normal.
Quand les filles grandissent, elles deviennent « réglées » : elles
perdent du sang par leur sexe une fois par mois environ.
Certaines filles sont réglées assez jeunes, d'autres plusieurs
années après. Les unes et les autres sont aussi normales.
Quand les filles ont leurs règles, elles doivent pour étan­cher le
sang employer des serviettes hygiéniques ou mettre des
tampons (Tampax, Obé, etc...) ; les tampons sont des petits
cylindres de ouate comprimée qu'on glisse à l'intérieur du
vagin. Demande à ta mère, elle te conseillera et t'aidera. C'est
très simple. Autrement, parle avec tes amies.
Les obsédés et les sadiques
On lit parfois dans les journaux qu'un obsédé sexuel, un
sadique, presque toujours un homme, a agressé sexuellement
un enfant. On disait et on répète encore souvent que ces
obsédés sexuels sont dangereux. C'est très rarement le cas. Ce
ne sont pas tellement des criminels sexuels, que des hommes
qui ont par trop manqué d'amour, l'amour qu'on donne et celui
qu'on reçoit.
Si le journal écrit que cet individu a eu un comportement
obscène, ça veut probablement dire qu'il a ouvert sa braguette
et sorti sa queue. Si le journal écrit que son comportement était
très obscène et très indigne (attentat à la pudeur ou outrage aux
mœurs), ça veut peut­être dire qu'il s'est branlé devant l'enfant,
qu'il a exigé qu'il lui touche la queue, ou de toucher les organes
génitaux du garçon ou de la fille.
Il arrive parfois que ça se termine par des coups, le viol et le
meurtre. Mais c'est extrêmement rare et c'est en général parce
que l'homme a brusquement eu peur.
Si tu rencontres un de ces adultes qui s'intéressent trop aux
enfants, il faut immédiatement prévenir tes camarades, tes
parents, tes professeurs.
La pornographie : livres, revues, photos
Les livres, revues, photos qui sont uniquement destinées à
exciter sensuellement et sexuellement les gens, ça s'appelle de
la pornographie. La pornographie n'est autorisée et vendue
librement que dans de rares pays, au Danemark par exemple.
Presque partout ailleurs elle est interdite.
La pornographie sert à différentes choses. Beaucoup l'achètent
par curiosité. D'autres la lisent ou la regardent tout en se
masturbant. Quelquefois, des couples mariés s'en servent pour
s'exciter, surtout si l'homme n'est pas très «puissant», c'est­à­
dire a quelque difficulté à bander aussi longtemps ou aussi
souvent qu'il le voudrait ; quelquefois aussi il y a des couples
qui s'inspirent des descriptions ou des photos pour faire l'amour
d'une façon plus originale.
Sur les photos pornographiques, on voit le plus souvent des
gens tout nus, surtout des filles, et des hommes et des femmes
en train de se caresser. Il y a aussi des scènes d'un autre genre,
par exemple des hommes ou des femmes faisant l'amour avec
des animaux, ou se fouettant ou se faisant mal les uns les
autres. La pornographie traite toujours des mêmes sujets. La
pornographie, c'est toujours pareil.
Les envies sexuelles des gens sont très différentes. On peut
avoir un certain plaisir à voir ou à lire des choses qu'on n'aurait
pas du tout envie de faire. Il ne faut pas ignorer aussi qu'il y a
des désirs sexuels qui sont dangereux pour les autres et que la
pornographie peut satisfaire de façon très inoffensive. Ce qui
est indiscutable, c'est qu'au Danemark le nombre des crimes
sexuels a considérablement diminué depuis que la
pornographie y est légalement en vente libre.
La pornographie, littéraire ou photographique, donne presque
toujours une image fausse de la réalité. Les hommes qui
peuvent faire l'amour pendant des heures et des heures, et jouir
plusieurs fois en très peu de temps, ça n'existe pas ! Les filles
qui ont toujours envie de faire l'amour et de n'importe quelle
façon, ça n'existe pas !
La pornographie, c'est amusant et inoffensif si on ne la prend
pas au sérieux et si on ne croit pas que ce qu'elle montre
ressemble à ce qu'il se passe dans la vraie vie. Si vous vous
mettiez à le croire, vous seriez vachement déçus ensuite !
Pourtant, la pornographie, ça peut quelquefois donner de
bonnes idées pour faire l'amour ; ça peut donner l'envie d
essayer de faire quelque chose à quoi on n'avait encore jamais
pensé.
L'homosexualité
Tous les gens sont différents, y compris sur le plan sexuel.
Depuis très longtemps, on a divisé les gens en deux catégories :
1. ceux qui la plupart du temps désirent sexuellement les gens
de l'autre sexe ;
2. ceux qui la plupart du temps désirent sexuellement des gens
du même sexe qu'eux, et qu'on appelle des « homosexuels ».
On estime que 5 % des hommes, soit un sur vingt, sont
homosexuels. Chez les femmes, la proportion est peut­être plus
faible. Mais la proportion des gens qui ont eu une ou plusieurs
expériences homosexuelles est beaucoup plus élevée.
Les homosexuels se caressent et s'aiment physiquement de la
même façon que les autres, mais naturellement ils ne peuvent
avoir tout à fait le même genre de coït. Leur amour et leurs
sentiments sont aussi vrais et naturels que ceux des autres.
Il y en a beaucoup parmi eux à qui on fait des tas d'ennuis.
C'est parce que la morale et la culture d'origine chrétienne
considèrent les homosexuels comme des malades, des
anormaux et même comme des criminels. Il existe d'autres
cultures et d'autres morales pour lesquelles l'homosexualité est
aussi normale et aussi estimable que n'importe quelle autre
sexualité.
Dans certains pays, il existe des organisations qui luttent pour
faire reconnaître les droits des homosexuels. Beaucoup
d'homosexuels vivent ensemble comme des couples.
On ne voit d'ailleurs pas pourquoi une famille ça devrait
nécessairement reposer sur le mariage entre un homme et une
femme. Pourquoi est­ce qu'il n'y aurait pas des mariages de
groupe, des grandes familles, des communautés, etc. Mais la loi
ne reconnaît pour le moment qu'une forme de famille.
Normal et anormal
C'est normal de ne pas être comme les autres, puisque nous
sommes tous différents.
Quand les gens se servent du mot « anormal », c'est pour
signifier des choses très diverses. C'est «anormal», si ça n'est
pas conforme à certaines règles précises (les commandements
d'une religion ou le règlement de l'école) ; c'est « anormal »
aussi, si ça va à l'encontre de certaines conceptions
traditionnelles (souvent très anciennes) ou si ça contredit ce
que les gens pensent être la vérité et le bien, d'un côté, l'erreur
et le mal de l'autre. Mais peut­être que ce sont les commandements, la discipline,
les conceptions traditionnelles qui ne sont pas «normaux».
Peut­être aussi les gens emploient­ils le mot « anormal »
simplement parce qu'ils sentent que quelque chose les menace
et qu'ils ont peur.
Le mot « anormal » est un mot très dangereux. Il sert souvent
d'excuses à certaines personnes pour condamner et humilier les
autres. On abuse très souvent de ce mot sur le plan sexuel.
On ne considère pas comme anormaux ceux qui ont les
cheveux roux, qui collectionnent des timbres ou qui jouent de
la cornemuse. Alors pourquoi seraient­ils anorrnaux ceux qui
sont amoureux des gens de leur sexe, qui aiment pour faire
l'amour se mettre dans des positions marrantes ou excentriques,
ou ceux et celles qui préfèrent être caressés d'une autre façon
que la plupart des gens.
Ce qu'on aime pour soi et qui ne fait de mal à personne, c'est
complètement idiot de dire que c'est anormal, surtout si l'on
sous­entend par là que ça ne devrait pas exister.
Si l'on est mal à l'aise dans sa peau, si on a du mal à s'accepter
tel qu'on est, c'est bien souvent à cause de l'intolérance des
autres. C'est peut­être aussi parce qu'on s'imagine qu'on est le
seul à être comme ça et donc qu'on est bizarre. Ça peut rendre
très grand service, dans ces cas­là, de savoir qu'il y en a
beaucoup d'autres qui sont aussi « comme ça ». Il y en a
toujours beaucoup d'autres, sois en certain.
Tâchez d'en savoir plus
Si vous voulez en savoir plus, demandez aux adultes (mais ne
croyez surtout pas tout ce qu'ils vous racontent). Il y en a
beaucoup parmi eux qui ont peur de parler de tout ce qui
concerne la sexualité, et il y en a aussi beaucoup qui ne savent
pas grand­chose, théoriquement ou pratiquement, sur le sujet.
Consultez des livres. Mais attention, il y a énormément de mauvais livres sur l'amour
et les rapports sexuels, des livres qui disent des sottises, qui
mentent ou qui colportent tout un tas de superstitions. Les
mauvais livres sont aussi ceux qui essaient de t'expliquer ce
qu'il faut que tu ressentes.
Il n'y a pas en France un seul bon livre sur les rapports sexuels.
Quand ils ne sont pas moralisants, ils sont hypocrites ou
malsains.
L'avortement
Si l'on prend les précautions voulues (voir le précédent
chapitre), il n'y a pratiquement aucun risque de devenir
enceinte. Une grossesse ne peut être due qu'à l'ignorance ou la
négligence : ou bien vous ne saviez pas quels moyens prendre,
ou bien vous ne vous en êtes pas servi.
En règle générale, on s'aperçoit qu'on est enceinte parce qu'on
cesse d'avoir ses règles. Mais ce n'est pas toujours une preuve
suffisante. Certaines femmes peuvent avoir une ou deux fois
leurs règles et être pourtant enceintes ; d'autres peuvent ne pas
avoir de règles et n'être pas enceintes. C'est ce qui se produit
parfois quand une fille a très peur d'être enceinte.
Si tu crois que tu es enceinte — et ce quel que soit ton âge — il
faut aller te faire examiner chez un médecin, un gynécologue
de préférence. Tout médecin peut et doit t'examiner. Il est tenu
par le secret professionnel et ne peut en parler à personne,
même pas à tes parents.
Un bébé a le droit de vivre et d'être élevé dans de bonnes
conditions. Si tu es très jeune, si tu ne gagnes pas ta vie, si tu
n'as pas encore de métier, tu imposeras inévitablement à ton
enfant des conditions de vie pénibles qui pourraient le marquer
pour toujours.
C'est normal de succomber à la panique quand on se rend
compte qu'on est enceinte. Mais enfin, il faut savoir que ce
n'est pas irrémédiable. Retrouve ton sang­froid et dis­toi bien
qu'il est très possible de sortir de ce mauvais pas.
L'avortement légal et illégal
Si tu en arrives à la conclusion que ce serait vraiment dommage
pour l'enfant de naître, tu peux faire interrompre ta grossesse,
autrement dit provoquer un avortement. C'est une petite
opération qui n'est pas toujours très agréable, mais qui n'est ni
compliquée ni dangereuse lorsqu'elle est effectuée par des
personnes compétentes.
Il y a deux sortes d'avortement, l'avortement légal et
l'avortement illégal. La France qui, dans ce domaine au moins,
est très retardataire, ne laisse pas aux femmes le droit de
décider si elles veulent ou non avoir un enfant. C'est dire qu'en
France l'avortement n'est pour ainsi dire jamais légal. Dans
plusieurs autres pays, on laisse à la fille le droit d'interrompre
sa grossesse. C'est ce qu'on appelle « l'avortement libre ». Nous
l'aurons certainement un jour, en France, mais ça n'est pas pour
demain.
Là où l'avortement n'est pas légal, il ne reste qu'une solution,
l'avortement illégal et clandestin. Il y a, en France, plus d'un
million d'avortements illégaux par an.
Beaucoup de gens font des avortements illégaux, mais il y en a
aussi beaucoup parmi eux qui n'ont pas les connaissances
nécessaires pour le faire ou bien qui ne travaillent pas dans des
conditions d'hygiène souhaitables. Ça peut très bien se passer, mais les risques de complications et
d'infection sont nettement plus grands. Quand un ami ou
quelqu'un vous a donné une adresse, ne chantez pas victoire et
restez très prudentes.
Le mieux, c'est de faire faire ça par un docteur. Il V a quelques
toubibs qui acceptent d'aider les jeunes filles enceintes, mais
c'est très dangereux pour eux : l'avortement étant illégal est
donc interdit, ils risquent d'aller en prison et de ne plus pouvoir
exercer leur métier. S'il t'arrive de rencontrer un de ces toubibs,
sois prudente et discrète, ne dis rien et ne fais rien qui puisse
lui nuire ou le mettre en danger.
Il y a aussi des cliniques où l'on peut se faire faire des
avortements illégaux et sans la moindre difficulté, mais ça
coûte très cher, deux ou trois mille francs (nouveaux). En
France, c'est comme ça, si on est riche, on peut se faire avorter
illégalement comme on veut, et même sans changer de
quartier : les cliniques d'avortement se trouvent presque
toujours dans les quartiers riches.
En Suisse, l'avortement est autorisé à condition qu'un « expert
» soit d'accord de dire, en plus du gynécologue, que c'est
nécessaire pour votre santé physique ou psychique. Cet expert
peut être par exemple un psychiatre : il y a des chances pour
qu'il comprenne vos raisons mieux que quelqu'un d'autre.
Même légalement, sachez cependant qu'il vous faudra quelques
centaines de francs.
La plupart des parents essaieront de vous aider si vous êtes
malencontreusement enceinte. Ça ne sera pas tellement pour
l'enfant, mais pour vous et surtout pour eux : ils ont peur d'être
déshonorés socialement et de se faire payer leur tête, s'ils ont
pour fille une fille­mère.
Si après un avortement illégal, tu as le moindre ennui, si par
exemple tu commences à perdre du sang, à te sentir mal, il faut
immédiatement que tu ailles voir un médecin. Raconte­lui ce
qui s'est passé, mais sans lui dire qui t'a aidée. N'oublie pas que le médecin est tenu de respecter le secret
professionnel et qu'il est également obligé de te soigner ou de
te faire hospitaliser sans jamais trahir ce secret professionnel.
Il y a souvent des filles, surtout en province ou à la campagne,
qui sont tellement désespérées, qu'elles essaient de se faire
avorter elles­mêmes.
Et l'on raconte des tas d'histoires sur les façons de se faire
avorter soi­même. Ne crois pas ces histoires, elles pourraient
être mortelles.
Ce qu'il te faut savoir très précisément, c'est comment les
médecins s'y prennent.
Les différentes sortes d'avortement
Sur le plan médical, il y a deux sortes d'avortement : ceux qui
se produisent dans les douze premières semaines après la
disparition des règles, soit dans les trois premiers mois de la
grossesse, et ceux qui se produisent entre la douzième et la dix­
septième semaine, soit dans le quatrième mois de la grossesse.
Après le troisième mois, un avortement, c'est beaucoup plus
compliqué ; après le quatrième mois, c'est presque aussi
compliqué qu'un accouchement. C'est pourquoi il est très important que tu ne te laisses abuser
par les conseils trompeurs des médecins ou des adultes qui te
diront de ne pas te presser et de bien réfléchir avant de prendre
ta décision, à seule fin de la retarder et de rendre les choses
impossibles.
Sur le plan social, que ce soit avant ou après la douzième
semaine, tout dépend de l'argent dont tu peux disposer. Si tu as
beaucoup d'argent et quelques relations, tu pourras entrer dans
une clinique où l'on te fera un curetage. C'est une petite
opération qui consiste à enlever le petit embryon de l'utérus. Ça
ne dure pas longtemps et comme tu es endormie, tu ne sens
rien. Tu sors de la clinique un ou deux jours après.
Si tu as peu d'argent ou pas du tout, il faut que tu trouves
quelqu'un, une infirmière, une sage­femme, un médecin
compréhensif, qui accepte de te poser une sonde.
Une sonde est un petit tuyau de caoutchouc qu'on glisse dans
l'utérus et qui finit par tuer l'embryon. Ça peut demander
quelques heures ou quelques jours. Dès que tu saignes, il faut
aller voir un gynécologue qui t'enverra presque toujours dans
un hôpital ou une clinique pour y avoir un curetage. Et tous les
frais seront remboursés par la sécurité sociale.
N'essaie jamais de te poser toi­même une sonde. C'est
trop dangereux. Ça pourrait être mortel.
Pour avoir des renseignements
Si tu veux avoir des renseignements plus détaillés et plus
complets, si tu veux être conseillée sur les moyens
contraceptifs (pessaire, stérilet, pilule), si tu as des ennuis, écris
ou téléphone au « Mouvement pour le Planning Familial», 2,
rue Colonnes, Paris 2e, téléphone : 742­0264. C'est une
association qui a des succursales dans toutes les grandes villes
de province. Ou bien ils te diront de venir les voir, ou bien ils
te diront à qui t'adresser.
Stimulants, poisons enivrants,
stupéfiants et autres drogues
Toutes ces drogues sont des produits nocifs, mais qui peuvent
provoquer des sensations agréables. Si on en use, c'est parce
qu'on a tendance à négliger leur danger durable pour ne retenir
que le plaisir passager qu'elles procurent.
Les drogues peuvent avoir deux sortes d'effets nocifs. Il y a
tout d'abord l'effet produit directement par la drogue sur notre
organisme. Il y a ensuite l'accoutumance à la drogue : on
devient un intoxiqué qui a absolument besoin de drogue.
Dans l'organisme, les drogues agissent principalement sur la
circulation sanguine, le système nerveux, les muscles. Leur
action est très rapide. Elles peuvent avoir à la longue d'autres
effets physiques néfastes sur les veines, le cerveau, le cœur, les
poumons, etc.
Exemples :
Stimulants . . .
Café
Thé
Tabac
Poisons enivrants
Alcool
Haschisch
Produits psychédéliques
LSD
Mescaline
Drogues (calmants) . . .
Restenil
Valium
Librium
Somnifères
(excitants) Amphétamines
(stupéfiants)
Opium
Héroïne
Morphine
Cocaïne,
et leurs dérivés
Poisons techniques
Des dissolvants pour laque, colle et graisse.
Alcool à brûler et autres liquides inflammables.
Tous les hommes de science ne sont pas d'accord avec cette
classification. Il y en a qui considèrent le Restenil, le Valium,
le Librium et les somnifères comme des drogues, d'autres
estiment que le haschisch devrait être rangé parmi les produits
psychédéliques ou stupéfiants. Certains estiment que l'alcool
est une véritable drogue.
Accoutumance et dépendance
La plupart des stimulants engendrent l'accoutumance et la
dépendance, c'est­à­dire qu'au bout d'un certain temps, on
s'aperçoit qu'on est obligé d'en prendre.
Si l'on devient dépendant d'une drogue, c'est parce qu'on pense
qu'avec cette drogue, il sera plus facile de résoudre nos
problèmes ; et comme les problèmes ne disparaissent pas, on
continue à en prendre. Une drogue, ça permnet à quelqu'un de
supporter plus facilement une vie intolérable. Certains symptômes de désaccoutumance peuvent apparaître,
par exemple une dépression (abrutissement, passivité,
désespoir profond), ne serait­ce que parce les problèmes ne
sont toujours pas résolus et qu'ils deviennent avec le temps plus
lourds et plus graves.
Autre forme de dépendance à l'égard de la drogue, il faut
toujours en prendre davantage pour obtenir le même effet,
parce que le corps « s'habitue » au produit. Quand on en a pris
pendant longtemps, il est impossible de s'arrêter brusquement
sans devenir malade ou même s'écrouler.
Il peut aussi y avoir une accoutumance sociale. Mais elle est
beaucoup moins dangereuse que la véritable dépendance. Nous
faisons un grand nombre de choses simplement par habitude
sociale. On fait comme les autres, et eux aussi. On renforce
mutuellement nos façons d'agir qui deviennent alors de vraies
habitudes.
Les habitudes en elles­mêmes ne sont nullement dangereuses.
Elles ne le deviennent que lorsque ce dont on ne peut plus se
passer, c'est une substance toxique, un poison.
Le tabac
II existe des cigarettes, des cigares, des cigarillos. La façon la
plus économique de fumer, c'est de rouler ses cigarettes ou de
fumer la pipe.
Le tabac contient une substance très toxique qui s'appelle
« nicotine. » C'est quatre minutes après la première bouffée que
la concentration de nicotine dans le cerveau atteint son
maximum. La nicotine ne se diffuse dans le reste du corps
qu'une demi­heure plus tard.
La nicotine agit sur le système nerveux, sur le cœur et sur la
digestion. Très rapidement, la nicotine a pour effet de reserrer
les veines. Cette contraction réduit l'afflux du sang aux
différents organes et notamment au cerveau. Ils reçoivent en
conséquence une plus faible quantité d'oxygène et des autres
produits que contient le sang, et fonctionnent donc moins bien.
La fumée de cigarette contient beaucoup d'oxyde de carbone
qui est une sorte d'air très toxique. Aspiré par tes poumons, il
passe dans le sang : c'est autant d'oxygène en moins pour le
sang. Tous nos organes ont besoin d'oxygène, mais dès qu'on
fume ils en reçoivent moins et reçoivent en échange l'oxyde de
carbone qui les détériore. Ce qui veut dire, entre autres, que certaines cellules du cerveau
seront détruites. Nous avons certes un nombre considérable de
cellules dans le cerveau, mais celles qui ont été détruites le sont
pour toujours. Et la nicotine empêche aussi la formation de
nouvelles cellules.
La furnée du tabac, surtout celle des cigarettes, contient
d'autres substances très dangereuses. Certaines peuvent
provoquer un cancer du poumon. Les risques de cancer du
poumon augmentent considérablement quand on fume
beaucoup : ils se multiplient par quatre environ si tu fumes 18 à
20 cigarettes par jour.
Un cancer de poumon, ça peut se guérir, si on le découvre à
temps. On t'enlève le poumon qui est malade. Nous avons deux
poumons.
Quand on fume énormément (30 à 40 cigarettes par jour), on
risque un empoisonnement par la nicotine, qui se manifeste par
de la pâleur, des maux de tête, des nausées et des
vomissements. Quand on fume énormément et pendant
longtemps on risque un empoisonnement chronique.
L'empoisonnement chronique par la nicotine se manifeste
ainsi : on devient nerveux et agité, on devient instable, on a du
mal à s'endormir, on a des maux de tête et peut­être même des
vertiges, on perd l'appétit, on digère mal, on a des battements
de cœur, on tousse et on a mal à la gorge.
Il y en a qui disent que fumer une cigarette, ça met en forme et
ça stimule. Ce n'est pas vrai, même si on en a parfois
l'impression. Le tabac ne peut avoir pour effet que de calmer le
fumeur et de ralentir le fonctionnement de son organisme.
Le tabac engendre essentiellement une accoutumance sociale.
Ceux qui ont l'habitude de fumer beaucoup éprouvent de
grandes difficultés à s'arrêter, même s'ils savent que c'est
dangereux.
Il y a des impôts énormes sur le tabac, qui rapportent chaque
année à l'Etat des dizaines de millions.
Si vous trouvez que vous ne pouvez absolument pas vous
passer de fumer, sachez qu'il est moins dangereux de fumer la
pipe ou le cigare que les cigarettes. Si malgré tout, tu fumes des
cigarettes, prends la précaution de faire avec une aiguille très
fine des petits trous tout autour du futur mégot : la fumée que
tu absorberas sera ainsi plus riche en oxygène.
En fumant lentement, on absorbe beaucoup moins de nicotine
qu'en fumant vite : 4 % si tu fumes lentement, 30 % si tu fumes
moyennement vite, et de 40 à 50 % si tu fumes très vite.
L'alcool
L'alcool qu'on boit, c'est à peu près la même chose que l'alcool
à brûler. En France, il existe un très grand nombre de boissons
alcoolisées. Suivant le degré d'alcool, on peut classer ces
boissons en cinq grandes catégories :
1. les bières ordinaires, très peu alcoolisées : 3­4° ;
2. les bières fortes qui font 6­7° d'alcool ;
3. les vins (rouge, blanc, rosé) qui vont de 10 à 13° ;
4. les apéritifs et les vins cuits (porto, madère, martini, pastis,
etc.) qui vont de 18 à 20° et quelquefois plus ;
5. les alcools forts (cognac, whisky, vodka, gin, eau de vie,
etc.) dont le degré d'alcool est très élevé : 40­50° et quelquefois
plus.
Beaucoup d'adultes prennent quotidiennement des quantités
considérables d'alcool.
Ses effets
Une petite quantité d'alcool diminue notablement la sensibilité
de nos cinq sens. Le contrôle musculaire se relâche, le temps de
On constate également un appauvrissement de l'imagination, de
la créativité et du sens critique.
Si l'on absorbe rapidement une grande quantité d'alcool, par
exemple si l'on boit d'un seul coup une demi­bouteille d'alcool
fort, l'empoisonnement peut être assez violent pour provoquer
immédiatement la mort. S'il y a des adultes qui peuvent accomplir cet exploit stupide
sans risquer la mort, c'est tout simplement parce qu'ils boivent
beaucoup et depuis longtemps et parce que leur organisme est
accoutumé à l'alcool.
L'alcool engendre une accoutumance psychologique. Si l'on
parvient à limiter sa consommation d'alcool, l'accoutumance
psychologique et sociale n'est pas extrêmement dangereuse.
Mais si la consommation quotidienne d'alcool est grande et
grandit sans cesse, les conséquences peuvent être très graves,
pour la famille par exemple, si le mari ou la femme dépensent
tout ce qu'ils gagnent en alcool, et sur le plan professionnel
aussi, si l'on est trop saoul pour faire son travail.
La dépendance physique à l'égard de l'alcool est très
dangereuse, si la consommation est grande, et c'est souvent le
cas quand on n'est pas très résistant. La désintoxication est
difficile et très pénible. Quand on supprime son alcool à un alcoolique, il arrive
souvent qu'il se mette à délirer : il a des hallucinations très
fortes, voit des chauves­souris qui volent, des animaux
fabuleux, entend des cris horribles, il est comme terrorisé et
souffre dans son corps. Ces délires ne se produisent que chez
les alcooliques habitués aux alcools forts ; chez les gros
buveurs de vin et de bière, la désintoxication est moins
douloureuse et moins spectaculaire, mais elle est loin d'être
agréable. Pour se désintoxiquer, il faut aller suivre une cure
dans une clinique ou dans un hôpital.
Il y a sur l'alcool des impôts très élevés qui rapportent chaque
année des dizaines de millions à l'Etat.
Se saouler, qu'est­ce que c'est ?
Si on ne boit qu'un peu — deux à quatre verres
on n'a qu'une ivresse très légère, qui est en règle générale un
état agréable. On se sent en forme et plus léger, on perd
certaines inhibitions habituelles, par exemple, on perd sa
timidité et on ose davantage dire et faire ce qu'on a envie de
faire. Une ivresse légère peut dégeler l'atmosphère d'une
réunion et rendre la conversation plus intéressante.
Si on continue de boire — ce qu'on fait souvent quand on est
légèrement ivre, précisément parce qu'on ne pense plus très
clairement — on devient assez vite ivre : on se contrôle de
moins en moins, on parle avec difficulté, on voit trouble et
même quelquefois double. On élève la voix, certains
deviennent agressifs et mauvais, on perd toute retenue au point
de faire ou dire des choses qu'on regrettera lourdement le
lendemain.
Si on continue encore à boire — ce qu'on fait souvent parce
qu'une fois ivre, on n'a plus assez de tête pour décider quelque
chose — on devient complètement saoul, c'est­à­dire qu'on est
victime d'un véritable empoisonnement par l'alcool. On titube,
on perd le sens de l'équilibre, on ne sait plus du tout ce qu'on
dit. On a parfois des vomissements violents. On ne sait plus ce
qu'on fait et il arrive souvent qu'on ait une perte de mémoire et
donc que le lendemain on ne se souvienne absolument pas de
ce qui s'est passé pendant qu'on était saoul.
La gueule de bois et le mal aux cheveux
L'ivresse légère n'est en général suivie d'aucun effet. Mais si on
a beaucoup et trop bu, on peut se réveiller le lendemain matin
avec un affreux mal de tête. Souvent aussi, on a mal au cœur et on vomit. On appelle ça
avoir a gueule de bois et avoir mal aux cheveux. Contre la
gueule de bois et le mal aux cheveux, il n'y a pas grand­chose
à faire, sauf attendre que ça se passe.
Se passer la tête sous l'eau fraîche, respirer de l'air frais, faire
un peu de marche à pied, ça soulage momentanément, et encore
pas tellement.
Tous les gens qui boivent, et ils sont très nombreux, voudront
tous vous expliquer comment faire passer votre migraine. Mais
dites­vous bien que rien n'est vraiment efficace. Vous pouvez
bien sûr prendre des comprimés ou des pilules pour atténuer la
douleur. Mais attention ! Certains produits calmants ou anti­
douleur peuvent être dangereux quand on a de l'alcool dans le
corps.
Le mieux encore, c'est de prévoir que le lendemain on aura mal
aux cheveux. L'alcool a, entre autres, pour effet de dessécher le
corps. Tout l'organisme va inévitablement manquer d'eau, et le
cerveau aussi, et c'est cela qui est douloureux. Pour avoir moins
mal aux cheveux le lendemain, il faut avant de se coucher boire
deux ou trois grands verres d'eau pour compenser le
dessèchement. Ce serait plus efficace de prendre en même
temps une petite cuillère de sel, car le sel empêche le corps
d'éliminer l'eau.
Autre possibilité d'échapper à la gueule de bois, ne pas boire
trop en trop peu de temps. Il faut environ une heure et quart
pour que l'organisme ne souffre plus des effets d'une boisson.
Si pendant six heures, on a bu vingt verres, il faut environ vingt
heures après le dernier verre pour se sentir guéri. Si pendant le
même temps, on n'a bu que dix boissons, il ne faut guère plus
de six heures.
Le haschisch
Le haschisch et la marijuana sont des substances qu'on extrait
d'une plante qui s'appelle cannabis ou chanvre indien. Le
chanvre est très connu et depuis fort longtemps en Orient, au
Moyen Orient et en Afrique du Nord. On le présente soit sous
l'aspect d'un tabac finement coupé et de couleur verdâtre
(marijuana), soit en petites boules dures de diverses couleurs,
mais en général brunâtres (haschisch).
Il faut chauffer les boules de haschisch pour les réduire en
poudre. La poudre de haschisch peut se mélanger à des gâteaux
ou à du thé, on peut aussi la mélanger à du tabac dans une pipe
ou à une cigarette. On peut aussi fumer le haschisch pur. C'est lorsqu'il est fumé
que le haschisch fait sentir le plus vite ses effets. Autre intérêt :
on peut s'arrêter dès qu'on en ressent les premiers effets, ils
apparaissent au bout de quelques minutes, augmentent pendant
une demi­heure et disparaissent totalement au bout d'une heure
et demie, si on ne recommence pas à fumer. Quand on fume du
haschisch pour la première fois, il arrive souvent qu'on en
ressente très peu les effets.
Le haschisch mélangé à des aliments ou des boissons met
beaucoup plus de temps à agir. Et quand il se met à agir, on
peut avoir des surprises désagréables : en effet, il n'est plus
possible de mesurer la quantité de haschisch en fonction des
effets qu'il a déjà produits. On l'a mangé ou bu d'un seul coup.
Et il est tellement facile de dépasser la dose qui vous convient.
Les différentes sortes de haschisch
II y en a plusieurs sortes : le Liban produit un haschisch brun
rougeâtre et un haschisch clair ; le haschisch de Turquie est gris
tirant sur le brun ; celui du Pakistan est d'un brun foncé. On
trouve aussi du haschisch qui est presque noir. Il se vend
quelquefois en poudre.
Chaque sorte de haschisch a son goût particulier et des effets
particuliers. Mais il y a une ivresse propre à toutes les sortes de
haschisch et qui ne ressemble pas du tout à l'ivresse due à
l'alcool. Faire un «voyage», être «parti», qu'est­ce que c'est?
On « fait le voyage », on est « parti », quand on est dans l'état
plus ou moins euphorique que provoquent une, deux ou trois
pipes ou cigarettes de haschisch ou de marijuana. On sent son
corps devenir extrêmement souple et même mou, les muscles
réagissent plus lentement. La sensibilité s'affine, notamment ïe
goût et l'odorat. On a souvent envie de manger quelque chose
de savoureux. On ne voit plus les choses de la même façon. C'est un peu
comme si on ne pouvait plus voir autant de choses qu'avant,
mais que ce qu'on voyait et entendait prenait un relief et une
signification plus intenses. On a aussi l'impression de se
comprendre infiniment mieux les uns les autres, et quelquefois
même qu'on se comprend sans parler. Mais tous ces effets de la
drogue, qui sont agréables, disparaissent si on en prend trop.
Les effets du haschisch peuvent varier d'une fois à l'autre. Ils
dépendent souvent de l'état dans lequel on se trouve avant d'en
prendre. Ils varient aussi d'une personne à l'autre. Il est très rare
que le haschisch rende violent, alors que c'est très souvent le
cas avec l'alcool. Mais si l'on prend de fortes doses de haschisch, on peut perdre
tout contrôle sur soi et devenir très violent. Le plus souvent,
quand on n'a pris que des doses raisonnables, ou bien on se sent
très bien tout seul avec soi, ou bien au contraire on est aimable,
gai, sociable et on a sans arrêt, et souvent sans raison, envie de
rire. Fumer du haschisch, ça dessèche la bouche et ça donne
très souvent envie de boire, mais pas de l'alcool. Le haschisch peut, suivant les personnes, augmenter ou
diminuer la sensibilité sexuelle.
Le haschisch ne rend pas malade le lendemain comme l'alcool.
On n'a jamais mal aux cheveux après avoir fumé du haschisch.
Mais il n'est pas impossible que le haschisch ait à long terme
des conséquences très néfastes. Soyons honnêtes : pour le
moment, personne n'est capable de se prononcer.
Le haschisch rend­il malade ?
Quand on « fait le voyage », on est évidemment dans un état
anormal, mais on ne peut pas dire qu'on est malade. Le
haschisch peut rendre malade ceux qui se sentent déjà mal au
moment de le prendre, ceux qui en prennent trop, ceux qui sont
très déprimés ou très déséquilibrés. On prend toujours trop de
haschisch, lorsqu'on recommence à en prendre après « être parti
en voyage ».
Certains médecins sont d'avis que le haschisch peut empêcher
l'adolescent de devenir un homme et prolonger la période de
puberté.
Voici, sous toutes réserves et à titre purement indicatif, certains
résultats d'une enquête effectuée en 1968, au Danemark, chez
les adolescents et les étudiants sur le haschisch :
— les jeunes qui fument du haschisch ont en moyenne besoin
de moins de temps que les autres pour faire leur travail de
classe ; lors des compositions et examens, leur classement, de
leur propre avis, est en général inférieur au classement de ceux
qui ne fument pas. Mais les résultats des fumeurs de haschisch,
en danois, en maths et dans les matières les plus importantes
n'étaient pas inférieurs à ceux des non­fumeurs.
— les performances bonnes ou mauvaises de ceux qui fument
du haschisch s'expliquent peut­être tout simplement par le fait
que les fumeurs de haschisch appartiennent aux milieux
sociaux et aux familles les plus favorisés. Les choses ont peut­
être changé depuis 1968.
— la consommation de haschisch était infime comparée à la
composition de tabac ou d'alcool.
— plus on fume régulièrement du haschisch, plus on a recours
régulièrement à d'autres stimulants, tabac ou alcool. Les jeunes
expliquaient que la première fois qu'ils avaient fumé du
haschisch, c'était par curiosité ou parce qu'on leur avait décrit
toutes les sensations agréables qu'il procure.
— il y a un très grand nombre d'adultes, surtout dans les
grandes villes, qui fument du haschisch.
On ne se forme qu'en faisant soi­même ses propres expériences
et en résolvant soi­même ses propres problèmes. On ne se
forme pas en fuyant.
De nouvelles expériences ont montré que le haschisch a des
effets secondaires pendant 30 à 40 heures. On ne le ressent pas,
mais ils affectent le cerveau et diminuent la puissance
intellectuelle.
Le haschisch engendre­t­il accoutumance et intoxication?
Le haschisch peut engendrer une certaine accoutumance. Si on
en a pris souvent et beaucoup pendant longtemps, on risque de
devenir déprimé et très nerveux si on arrête
brusquement d'en prendre.
Le haschisch, tout comme l'alcool et le tabac, engendre
indiscutablement une accoutumance sociale et psychologique.
Et si l'on n'est pas content de la vie qu'on mène et du monde où
on vit, on aura de plus tendance à chercher dans le haschisch un
moyen d'évasion. Haschisch plus insatisfaction, et l'on n'est pas
loin de la dépendance.
Le haschisch est­il dangereux?
1. Il est interdit de fumer du haschisch.
2. Par conséquent, pour pouvoir se procurer du haschisch, il
faut être en relation avec des gens qui en font illégalement le
trafic, autrement dit avec cette catégorie de criminels qu'on
appelle les trafiquants de drogue.
3. Puisque le haschisch est interdit, la qualité et la pureté des
différentes sortes de haschisch que tu achètes ne sont soumises
à aucun contrôle.
4. Si tu prends du haschisch, tu as de grandes chances de
rencontrer un de ces jours des gens qui prennent de vraies
drogues, des stupéfiants, et qui t'inviteront à en goûter.
Il faut bien se rendre compte que ce peut être extrêmement
dangereux de vouloir faire l'expérience d'autres drogues qui
sont probablement beaucoup plus fortes que le haschisch ou la
marijuana, et qui ont des effets totalement différents. Ces autres
drogues sont pour la plupart des substances très connues et
dont la nocivité est redoutable.
LSD et mescaline
Les effets du LSD et de la mescaline sont incroyablement
différents suivant les personnes. On a vu des gens prendre
régulièrement du LSD pendant des mois et des mois, sans
jamais en souffrir. Mais il y a aussi des cas de gens devenus
incurablement malades, de gens qui ont tué ou qui se sont
suicidés après leur première expérience de LSD. Le LSD est un
liquide sans couleur ni goût (on en trouve aussi sous forme de
comprimé). La mescaline est une substance contenue dans la
sève d'un petit cactus qui pousse très bien au Mexique.
LSD et mescaline se prennent par la bouche. Il est toujours très
difficile de savoir par avance si on en a pris assez et pas trop.
Les doses qui sont vendues clandestinement sont en général
beaucoup trop fortes. Si tu veux vraiment faire l'expérience de
la mescaline, tu auras tout intérêt à sucer un morceau de ce
cactus qui contient la mescaline et qu'on appelle le lophophora
Williamsii. Là, les effets sont progressifs et tu peux t'arrêter dès
que tu as atteint ta dose.
Une dose moyenne de LSD commence à faire sentir son action
au bout d'une demi­heure ; son action dure de huit à neuf
heures et s'accompagne souvent de seize heures d'insomnie. La
mescaline commence à agir au bout de deux à trois heures et
son effet se prolonge pendant une douzaine d'heures. Si les
doses sont très fortes, l'action est plus rapide et dure plus
longtemps.
LSD et mescaline suscitent parfois de violentes crises
d'angoisse et des réactions imprévisibles. C'est pourquoi il faut
absolument, si vous en prenez, qu'il y ait en permanence des
gens qui vous surveillent et qui puissent vous donner si
nécessaire, des contre­poisons.
II y a des gens qui racontent oralement ou par écrit qu'ils ont eu
des « voyages » formidables, merveilleux, avec du LSD ou la
mescaline. C'est très probablement vrai. Mais ça ne veut pas du
tout dire qu'il en serait de même pour les autres. Quand vous
entendez parler de garçons ou de filles qui se sont retrouvés à
l'asile psychiatrique après avoir pris LSD ou mescaline, ça c'est
vrai puisqu'ils y sont.
Des recherches biologiques ont montré que LSD et mescaline
peuvent endommager les chromosomes, c'est­à­dire les
éléments d'hérédité que nous transmettons à nos enfants.
Méfiez­vous comme de la peste du LSD, de la mescaline et des
autres drogues qui leur ressemblent.
N'OUBLIE PAS
Quand on est « parti », quand on fait « un beau voyage », on a
l'impression d'avoir une puissance d'attention et de
concentration intellectuelle fantastique. C'est peut­être vrai. Mais on est absolument incapable de
décider soi­même à quoi on va faire attention et sur quoi on va
se concentrer. Notre esprit est captif de ce qui l'entoure,
n'importe quel décor s'impose à lui, le mobilise et l'occupe.
On se sent bien quand on est « parti ». Mais ne croyez surtout
pas que pendant le « Voyage », vous pourrez travailler ou
apprendre quelque chose.
Les stupéfiants
Les stupéfiants, pour la plupart, étaient et sont encore employés
comme remèdes par les médecins. Depuis quelques années, on
cherche à contrôler très rigoureusement l'usage de certains
produits qu'on croyait au début sans danger mais qui ont
engendré des formes d'intoxications physiques extrêmement
graves.
Les excitants
Les excitants les plus répandus en France sont des produits
contenant de l'amphétamine. On les trouve le plus souvent sous
forme de comprimés. Mais il en existe aussi en injection.
Avec une petite dose d'amphétamine, le cœur bat plus vite, les
vaisseaux sanguins se contractent, les pupilles s'agrandissent, et
l'appétit disparaît. On peut aussi éprouver des désirs et des
sensations de bonheur très intenses. On a tendance à se montrer
exagérément sans­gêne et optimiste, notamment parce que le
sens critique se trouve diminué. Il y a des élèves et des étudiants qui prennent des excitants
dans l'espoir que ça leur fera passer brillamment leurs examens,
il y a presque autant d'élèves et d'étudiants qui échouent
lamentablement à leurs examens pour la seule et unique raison
qu'ils ont pris des excitants ou qu'ils en ont pris trop. Et il est
tellement difficile de savoir quelle est la bonne dose !
A doses plus fortes, les amphétamines produisent les effets
suivants : dessèchement de la bouche, du nez et de la gorge,
mal de tête, nausée et éventuellement vomissement,
tremblement des mains, miction (pipi) fréquente, agitation et
tremblement intérieur ; enfin impossibilité de dormir et crises
d'angoisse.
On considère aujourd'hui que les excitants peuvent devenir une
habitude psychologiquement très dangereuse. De plus ils
engendrent très vite une accoutumance, c'est­à­dire qu'il en faut
des doses de plus en plus fortes pour obtenir les mêmes effets.
Comme on ne ressent plus le besoin de dormir, on s'épuise
physiquement mais sans s'en rendre compte. Un abus des excitants, en quantité et en durée, peut rendre
complètement fou (en générai, folie de la persécution). Un abus
continuel d'excitants diminue l'instinct sexuel (la faculté de
désirer) ainsi que la puissance sexuelle (la faculté de bander).
La désintoxication n'est pas aussi difficile que pour ceux qui
prennent de la morphine ; mais il faut néanmoins un traitement
spécial, car on ne peut pas se désintoxiquer tout seul.
La morphine
La morphine est un calmant très puissant qu'on emploie contre
toutes sortes de douleurs : douleurs physiques intenses,
nervosité extrême, agitation, états dépressifs. On la trouve sous
forme de pilule ou d'ampoules liquides à injecter.
Les effets de la morphine varient suivant les gens. Beaucoup
ont mal au cœur et envie de vomir, mais en même temps ne
souffrent plus.
D'autres connaissent la véritable ivresse de la morphine qu'on
estime en général être une expérience très agréable.
Quand on en prend pendant un certain temps, la morphine agit
sur le métabolisme et finit par s'y intégrer : elle devient non
seulement une habitude, mais une nécessité physiologique ;
l'organisme ne peut plus s'en passer. C'est pourquoi il est
tellement douloureux pour les habitués de la morphine de
cesser brusquement d'en prendre.
C'est même tellement pénible que beaucoup de morphinomanes
continuent à en prendre, non plus parce qu'ils recherchent une
ivresse agréable, mais tout simplement parce qu'ils ont
affreusement peur des souffrances que provoquera l'absence de
morphine.
On peut commencer à prendre de la morphine, parce qu'un
médecin a jugé nécessaire d'en prescrire pour calmer certaines
douleurs, ou par curiosité, au cours d'une soirée chez des amis
qui vous invitent à essayer. Mais on s'habitue très vite à la
morphine, et c'est une des drogues les plus dangereuses qui
soient.
Il y a des produits pharmaceutiques, qui sont quelquefois plus
connus que la morphine, et qui ont une action analogue, mais
sans avoir les mêmes effets secondaires désagréables. Il faut
bien comprendre qu'ils sont aussi dangereux que la morphine.
Héroïne et opium
Ils ont les mêmes effets que la morphine. Les médecins
estiment que l'héroïne est encore plus dangereuse que la
morphine et qu'il est nettement plus difficile de s'en
désintoxiquer.
Cocaïne
C'est une substance qui est à la fois un excitant et un stupéfiant.
On succombe en général à la cocaïne par contagion sociale :
quelqu'un un jour vous en offre sans dire de quoi il s'agit, ou
bien c'est un groupe d'amis drogués qui vous entraînent et vous
obligent presque à en prendre. La cocaïne est de loin le
stupéfiant le plus fort et le plus intoxiquant. Le cocaïnomane,
brusquement privé de sa drogue, a des réactions démentielles.
Il peut devenir fou pour toujours. La cure de désintoxication ne peut se faire que dans un service
psychiatrique et elle est extrêmement difficile et pénible. Les
cocaïnomanes qui ne se font pas soigner finissent par sombrer
dans l'apathie et l'abrutissement, leur personnalité psychique et
sociale se désagrège peu à peu. Il faut savoir que le nombre des
suicides est de cinq à six fois plus élevé chez ceux qui se
droguent avec des excitants ou des stupéfiants.
Somnifères et euphorisants
II existe de multiples sortes de somnifères et d'euphorisants.
Les somnifères les plus courants contiennent des barbituriques
ou du méprobamate ; les calmants­euphorisants les plus connus
sont le Noblivon, le Librium et le Valium. On ne les considère
pas vraiment comme des drogues, mais les médecins les
prescrivent maintenant avec une certaine prudence. Il y a eu en
effet des gens qui ont pris l'habitude de ces médicaments et qui
en ont absorbé beaucoup plus qu'il ne fallait.
Drogues techniques
1 y a des jeunes qui essaient parfois de se droguer en respirant
les vapeurs de certains dissolvants ou de certains détachants
liquides. Ça peut être mortel et ça abîme a coup sûr les
poumons, le foie, le cœur. Ça peut aussi rendre fou.
Les seringues
II y a certaines drogues qui provoquent une infection du foie,
qu'on peut plus facilement transmettre aux autres, si on se sert
tous de la même seringue. Il ne suffit pas de laisser la seringue
quelques minutes dans de l'eau bouillante. Pour tuer les virus
contagieux, il faut passer la seringue à l'autoclave pendant
quinze minutes.
N'oublie pas...
Si quelqu'un te propose des pilules, des injections ou une sorte
de haschisch que tu n'as encore jamais essayés, tu as toujours la
possibilité de refuser.
Si tu acceptes, il faut bien savoir que tu risques de perdre une
partie de ta liberté, à savoir la liberté de décider toi­même
quelle quantité de drogue tu vas prendre.
Avant de commencer, on peut choisir. Après, ce n'est plus toi
qui décide, mais la drogue. Ça n'a rien à voir avec la morale.
C'est une conséquence de la nature des drogues et de la
constitution de notre système nerveux.
Le système
TON LIEU DE TRAVAIL
Ce sont les adultes qui ont bâti l'école. C'est eux qui ont décidé
de la faire comme elle est et c'est eux aussi qui l'ont payée.
Mais c'est toi qui doit t'en servir, c'est avant tout ton lieu de
travail à toi.
Tu n'es pas payé pour ton travail et tu n'as pas la possibilité,
comme les adultes, de changer de travail. Si donc tu veux une
école plus agréable, une seule possibilité, entreprend de
transformer celle où tu te trouves.
Certes, tu n'as pas le droit de décider et même pas celui de
donner ton avis. Les adultes veulent toujours garder tout le
pouvoir pour eux, et tant que vous ne connaîtrez pas le système
aussi bien qu'eux, ça leur sera facile.
Mais personne ne peut avoir de pouvoir sur toi si tu ne veux
pas. Les adultes ne peuvent pas diriger tes opinions et tes
pensées. Ils peuvent peut­être te faire dire ce qu'ils veulent
entendre, mais tu restes libre de penser ce que tu veux et d'agir
comme tu le juges bon.
Si vous êtes plusieurs à vouloir la même chose et que vous
vous souteniez, votre force devient bien plus grande et vous
pouvez même réussir à avoir une influence décisive dans des
domaines où seuls les adultes ont en principe pouvoir de
décider.
Les adultes vous ont certainement dit et répété que les écoles
sont faites pour vous. Mais elles sont pourtant installées et
aménagées comme l'aiment les adultes. Il y a très peu d'écoles
où les enfants et les adolescents se sentent bien. Ça peut
changer si vous vous y mettez à plusieurs.
Si votre école ressemble à un musée ou à une exposition, c'est
parce que les adultes ont peur de se servir des choses. Il ne faut
pas qu'elles soient cassées, il ne faut pas les salir et il faut
surtout qu'elles continuent à avoir l'air neuf. On a souvent
l'impression que les choses ont un pouvoir sacré sur les gens et
que les gens les servent au lieu de s'en servir.
Si vos professeurs sont de ces adultes qui ont peur de se servir
des choses, discutez avec eux et expliquez­leur que ce que vous
voulez, c'est le droit de vous servir de cette école puisqu'on dit
qu'elle est à vous.
La salle de classe
La plupart des salles de classe ont l'air de salles d'attente
inconfortables, et ça semble normal à tout le monde :
— Dans la plupart des classes, il y a trois rangées de
tables.
— Il faut toujours s'asseoir à la même place.
— Le prof est le seul à pouvoir se ballader librement
pendant les cours.
— Le prof est le seul à avoir une place d'où il peut
voir tous les autres de face.
— Il n'y a que le prof à avoir son armoire et son tiroir
à lui.
— Il n'y a jamais de plantes ni d'animaux dans les
classes.
— Les sièges, bancs ou chaises, sont toujours durs et
inconfortables.
— Radio et électrophone sont presque toujours inter­ dits.
— Tout le monde doit descendre dans la cour pendant
les récréations.
Si dans votre classe ça se passe comme ça, alors vous êtes dans
une école ou dans un lycée qui ne vaut pas grand­chose. Ce
n'est pas parce que ça semble normal que ça l'est. N'essayez pas
de changer tout d'un seul coup. Changez les choses l'une après
l'autre. Chaque victoire vous profitera puisqu'elle rendra votre
classe plus agréable. Si vous partagez votre salle de classe avec
d'autres groupes d'élèves, parlez­en avec eux.
Les salles de classe doivent être des ateliers avec des vraies
tables de travail, des panneaux d'affichage, des étagères pour
tous les élèves, des outils et tous les instruments qu'il faut ; on
doit aussi pouvoir changer les meubles de place et aménager
chaque fois la classe en fonction de ce qu'on a à y faire.
Les couloirs
La plupart des salles de classe ont l'air de salles d'attente
inconfortables, et ça semble normal à tout le monde :
— Dans la plupart des classes, il y a trois rangées de tables.
— Il faut toujours s'asseoir à la même place.
— Le prof est le seul à pouvoir se ballader librement pendant
les cours.
— Le prof est le seul à avoir une place d'où il peut voir tous les
autres de face.
— Il n'y a que le prof à avoir son armoire et son tiroir à lui.
— Il n'y a jamais de plantes ni d'animaux dans les classes.
— Les sièges, bancs ou chaises, sont toujours durs et
inconfortables.
— Radio et électrophone sont presque toujours interdits.
— Tout le monde doit descendre dans la cour pendant les
récréations.
Si dans votre classe ça se passe comme ça, alors vous êtes dans
une école ou dans un lycée qui ne vaut pas grand­chose. Ce
n'est pas parce que ça semble normal que ça l'est. N'essayez pas
de changer tout d'un seul coup. Changez les choses l'une après
l'autre. Chaque victoire vous profitera puisqu'elle rendra votre
classe plus agréable. Si vous partagez votre salle de classe avec
d'autres groupes d'élèves, parlez­en avec eux.
Les salles de classe doivent être des ateliers avec des vraies
tables de travail, des panneaux d'affichage, des étagères pour
tous les élèves, des outils et tous les instruments qu'il faut ; on
doit aussi pouvoir changer les meubles de place et aménager
chaque fois la classe en fonction de ce qu'on a à y faire.
Les couloirs
Dans la plupart des écoles, les couloirs ne servent qu'à expédier
les élèves dans telle ou telle direction. Ils sont souvent tristes
comme un couloir de prison. Dans certaines écoles modernes,
on a essayé de les égayer en y mettant des pots de fleur, des
sculptures, des reproductions. Ce sont autant de choses qui
permettent aux autorités d'interdire que les couloirs servent
d'autre chose que de lieux de passage. Il n'est pas rare d'ailleurs,
quand Ça se passe comme ça, que ce soit le concierge et le
personnel chargé de faire le nettoyage qui dictent leurs volontés
et qui aient plus de pouvoir que les professeurs et les élèves
réunis.
Mais les couloirs, ça peut servir à beaucoup de choses :
— on peut y rester pendant les récréations, parce qu'il fait trop
chaud ou trop froid dehors, ou simplement parce qu on n'a pas
envie de descendre dans la cour ;
on peut y installer des petits stands pour vendre des fruits, des
boissons, des fournitures, des journaux, des magazines, etc.
— ça peut être l'endroit où on a le droit de fumer ;
— on peut y faire des expositions ;
— on peut y aménager des coins avec des fauteuils, des nattes,
des coussins, une petite table.
La cour
Les cours de récréation semblent tout juste bonnes à servir de
terrain de parking pour voitures. Il est assez facile d'aménager
une cour de récréation pour en faire un terrain de jeu et de
détente. Ça ne revient pas beaucoup plus cher en tout cas que
ce que coûte par an à l'Etat un professeur.
Dans une cour, il doit toujours y avoir :
— un endroit où l'on peut s'asseoir et rester tranquille ;
— des endroits où les plus petits peuvent jouer et s'amuser ;
— des endroits où on peut jouer à la balle ou au ballon, sauter à
la corde, faire du patin à roulettes ;
— des caisses avec des cerceaux, des palets pour jouer à la
marelle, des balles, des ballons, etc. ;
— et toutes les choses dont vous pouvez avoir besoin pour
vous distraire.
Enfin, il y a une chose à laquelle il faut tout spécialement faire
attention : les toilettes. Dans la plupart des écoles, les toilettes
fonctionnent mal, elles sont très souvent dégueulasses, et
parfois il y a quelques élèves qui empêchent les autres d'y aller
ou qui les embêtent quand ils y vont. Si c'est comme ça dans
votre école, vous n'avez pas à le supporter. Servez­vous des
toilettes des professeurs. Après tout, vous y ferez la même
chose qu'eux.
Les notes À l'école, les notes ont exactement la même utilité que l'argent
dans la vie: ça sert à faire faire aux gens des choses qu'ils n'ont
pas envie de faire. Le travail devient de cette façon une tâche
qu'on accomplit, non pas parce qu'on éprouve une satisfaction à
le faire, mais pour obtenir de l'argent ou des bonnes notes. Pour beaucoup d'adultes, gagner toujours plus d'argent est
devenu un but en soi. Ils ne se demandent jamais comment et
pourquoi ils en gagnent. Ils oublient que la joie du travail, c'est
ce qui compte le plus. Dans notre société, dans notre système, quand on a beaucoup
d'argent, on est particulièrement respecté. Les notes, les bonnes
notes peuvent pareillement devenir un but, et peu importe si ce
qu'on fait pour les obtenir sert à quelque chose. Et les élèves
qui obtiennent le plus de bonnes notes sont toujours mieux
considérés que les autres. Les notes, c'est de l'escroquerie Les notes, c'est de l'escroquerie. Avec les notes, on trompe tout
le monde, les autres et aussi soi­même. On trompe les autres quand on essaie de leur faire croire qu'une
bonne note équivaut au résultat d'un bon travail. Le résultat
d'un travail, c'est ce qu'on a produit ou créé, c'est ce qu'on a
appris. On trompe les autres quand on veut leur faire croire qu'ils
apprendront quelque chose sur un élève parce qu'ils auront
consulté ses notes. On se trompe soi­même si on imagine que les résultats de son
travail peuvent être évalués d'après une note sur 10, 20 ou 30. On se trompe soi­même quand au lieu de s'intéresser aux gens
et d'essayer de les comprendre, on se précipite pour les juger,
sur les notes qu'ils ont obtenues. Vous devez demander au professeur de vous indiquer ce que
vous savez et ce que vous ne savez pas, vos points forts et vos
points faibles, et ce qu'il vous reste encore à apprendre. Et
dites­vous bien que ce qui est le plus important c'est: est­ce que
ça m'intéresse? est­ce que je m'ennuie? Quand vous sortirez de
l'école, vous vous apercevrez que c'est ce genre de chose qui
compte. On prétend que les notes, ça permet de mesurer les
connaissances d'un élève. C'est faux et c'est idiot! Il n'existe pas
de matière où l'on puisse compter les connaissances comme on
compte des cochons ou des bouteilles ni où l'on puisse mesurer
le savoir comme on mesure une route ou un coupon de tissu. Dans chaque matière, il y a des choses qu'on sait et d'autres
qu'on ne sait pas. Les notes, c'est bête et ça ne sert à rien parce
que ça ne l'indique pas. Les notes, c'est un moyen de pression pour les profs Les notes servent aussi à récompenser ou à punir les élèves. Il y
a par exemple des élèves «doués», mais qui dans telle ou telle
matière se montrent «paresseux»; alors, pour les forcer à
travailler davantage, on leur donne des notes plus mauvaises
qu'ils ne le méritent. Le même prof en revanche, essaiera de
récompenser un élève «très travailleur» par une bonne note,
même s'il n'est pas très fort dans cette matière. Quand on mélange les notes­mesures et les notes­sanctions ­ ce
qui s'est toujours fait et se fait encore ­ on est sûr d'une chose,
c'est qu'on ne peut jamais savoir ce que signifie réellement une
note. On ne peut pas à la fois mesurer et récompenser ou punir:
c'est comme si on disait à quelqu'un qu'il a cinq centimètres de
plus pour le récompenser de tous les efforts qu'il a faits pour
grandir. Pour qu'on comprenne ce que signifie une note, il
faudrait au moins qu'elle soit accompagnée d'une longue
explication, d'un véritable rapport. Alors pourquoi ne pas se
contenter tout simplement de l'explication? Les notes n'apprennent rien sur l'élève, mais elles apprennent
quelque chose sur le professeur. Elles indiquent ce qu'il pense
de toi et de ton travail. Ça n'a aucun sens, quand vous êtes entre camarades, de vouloir
comparer vos notes. Si vous le faites, vous ne faites qu'aider les
professeurs qui se servent des notes pour vous opposer les uns
aux autres, pour faire de vous non des collaborateurs amicaux,
mais des concurrents et des rivaux, enfin pour vous rendre à
volonté «heureux» ou «déprimés». Les notes, c'est le bâton ou la carotte Quand un professeur se montre incapable de rendre son
enseignement intéressant et qu'il ne parvient pas à vous faire
goûter le plaisir de travailler, alors il se sert des notes pour vous
faire travailler de même que l'on se sert de la carotte et du
bâton pour faire avancer les ânes. Dire non aux notes Il y a beaucoup d'élèves qui aiment bien qu'on leur donne des
notes. Il leur semble nécessaire que leur travail soit évalué.
Mais une note ne vous apprend rien. Exigez de savoir très
précisément ce que vous avez fait de bien et ce que vous avez
fait de mal dans vos devoirs et vos exercices. Ça vous
apprendra au moins quelque chose. L'école est en général tenue de communiquer à vos parents,
sous la forme d'un carnet de notes, vos résultats scolaires. Mais
vous n'avez pas à accepter qu'on vous remette à vous ce carnet
de notes, ni même qu'on vous en parle. Il y a des écoles où les
élèves ont refusé de prendre leurs carnets de notes et l'école a
dû les envoyer par la poste aux parents. En refusant les notes et
les carnets de notes, vous pouvez empêcher que disparaissent
de votre classe la camaraderie et l'amitié entre élèves. Et vous
montrerez en plus qu'on ne peut pas vous faire marcher comme
un âne, à la carotte ou au bâton, et que les notes, pour vous, ça
ne compte pas. Les professeurs sont très souvent obligés de vous noter. Ça fait
partie du règlement qu'ils doivent suivre. Mais il y a beaucoup
de professeurs qui aiment ça, ils distribuent les notes («Untel,
taisez­vous, ou je vous flanque un zéro») comme on distribue
des punitions et comme on distribuait autrefois des gifles. Ils se
servent des notes pour menacer et effrayer leurs élèves. Dites­
leur bien et répétez­leur que, pour vous, les notes c'est de
l'escroquerie. Ne soyez pas complices de la bêtise de certains professeurs qui
vous mettent un zéro parce que vous avez remis une copie
blanche ou parce que vous n'avez pas fait le devoir ou appris la
leçon. Vouloir juger ou évaluer un travail que vous n'avez pas
fait, c'est complètement idiot. On ne peut pas mesurer un
absent. Un zéro pour un devoir qui n'a pas été fait, c'est du
terrorisme, de la dictature stupide, mais certainement pas de la
pédagogie. Il y a heureusement beaucoup de professeurs qui en ont marre
des notes, des moyennes et des classements, et qui savent
parfaitement que tout ça ne veut rien dire. Parlez avec vos professeurs et demandez­leur ce qu'ils pensent
des notes. S'ils se montrent ouverts et raisonnables, dites­leur
que vous vous en fichez des notes et que vous préféreriez de
bonnes explications. Demandez à ceux de vos profs qui sont sympa de parler à vos
parents. Parce que ce sont souvent les parents qui sont les plus
acharnés avec ces histoires de notes: ils sont convaincus que les
notes leur apprennent quelque chose sur leurs enfants. Les examens et les compositions
Les examens et les compositions servent, comme les notes, à
vous faire peur pour que vous travaillez davantage.
Il y a encore pas mal d'écoles où l'on pense que les examens et
les compositions permettent de mesurer vos connaissances et
votre niveau. C'est faux ! Jamais un examen ne permettra de
déterminer ce que vous savez.
Aux examens et aux compositions, on vous donne le plus
souvent à faire des faux devoirs. Ils sont faux parce que vous
ne pouvez les faire dans les mômes conditions que les devoirs
ordinaires. Les examens montrent ce que vous avez appris par
cœur ou ce qu'on vous a enfoncé dans la tête. Mais ils montrent
bien rarement si vous êtes capables de réfléchir et de trouver
vous­mêmes la solution d'un problème.
Il est impossible et absurde de se fier aux résultats des examens
et compositions. D'abord, on vous donne à faire des faux
devoirs, ensuite il y a toujours quelques élèves qui sont
nerveux, angoissés et d'autres aussi qui n'ont pas de chance ;
vous n'avez pas le droit de discuter des sujets avec vos
camarades, et, que ce soit un examen oral ou écrit, vous n'avez
qu'un temps de réflexion limité avant de répondre.
Dans les écoles ou les classes où il y a sans arrêt des examens
et des compositions (compositions trimestrielles, semestrielles,
examens blancs, examens de passage, examens de fin d'études,
BEPS, Bac ou autres), la qualité de l'enseignement et de
l'apprentissage est très gravement compromise. Les professeurs n'enseignent pas une matière, mais à passer des
examens, et les élèves n'apprennent pas grand­chose, sauf dans
certains cas à passer des examens l'enseignement devient
nécessairement faux et réciproquement.
Ça peut changer
II y a encore beaucoup d'écoles et de lycées qui ont des
examens de fin d'année ou des examens de passage jusqu'en
terminale. Ces examens font perdre un temps considérable aux
élèves et aux professeurs. Il faudrait essayer de les supprimer.
Ça ne sera pas facile, parce que c'est attaquer tout le système
d'enseignement français, qui repose sur la sélection, la
répression, l'exclusion.
Les examens académiques, comme le BEPS ou le Bac se
déroulent presque toujours de façon stupide. Il y a des centres
où l'on vous fouille ou presque avant de vous laisser entrer dans
les salles d'écrit ; pour l'oral, on vous fait attendre une heure ou
deux, puis on vous fait tirer un petit bout de papier et vous
devez répondre presque tout de suite. Il y a de quoi devenir nerveux ! Beaucoup d'élèves se sentent
complètement bloqués à cause de ça au moment d'écrire ou de
répondre.
Ce qu'il faudrait, c'est que les examens se déroulent d'une autre
façon : que les élèves aient le droit d'apporter des livres et pour
certains examens écrits des notes ; que l'examen puisse avoir
lieu dans une bibliothèque pour que vous puissiez consulter
tous les livres dont vous avez besoin ; que pour préparer votre
réponse à l'examen oral, on vous accorde un délai de quelques
heures ou d'une journée (ou peut­être simplement d'un quart
d'heure).
Des examens qui se dérouleraient comme ça seraient bien plus
significatifs. On saurait au moins si les élèves savent se
documenter sur un sujet et le présenter.
Compositions et examens trimestriels avec classement ont
tendance, depuis quelques années, à disparaître dans certains
établissements. S'ils sont encore en vigueur dans le vôtre,
engagez la bataille sans oublier de vous assurer de l'appui
effectif du plus grand nombre possible de professeurs.
Il vous sera difficile de lutter contre les examens de passage, et
les grands examens comme le BEPS ou le Bac, parce que c'est
le ministère et non la direction de votre établissement qui
décide. Envoyez au ministère des projets de réforme que vous
aurez élaborés avec certains de vos professeurs et qui seront
signés aussi par eux.
Contre les compositions et examens de toute sorte, vous
pouvez toujours, si tous les autres moyens se sont révélés
inefficaces, faire la grève : remettre une copie blanche, refuser
d'entrer dans les salles d'examen. Mais il ne faut pas le faire
seul, ça ne servirait à rien ! Il faut que toute une classe, ou toute
une école ou tous les élèves d'une ville se mettent d'accord pour
faire la grève des examens.
Les examens sont publics
A l'oral, l'examinateur joue un rôle très important. Il y a de
multiples façons d'interroger un élève ; on peut même lui poser
des questions d'une façon telle qu'il ne puisse pas répondre
correctement : ce sont les questions­pièges.
Si vous avez entendu dire que tel ou tel examinateur est une
vraie « vache » (c'est rare, mais ça arrive), rappelez­vous que
les examens oraux sont en général publics en France. N'importe
qui a le droit d'être là et d'écouter. C'est la loi. Et demandez à
des parents ou des adultes amis d'assister à votre oral ; ils vous
soutiendront si votre examinateur n'a pas été correct.
Les élèves ont aussi le droit d'assister aux examens oraux de
leurs camarades. Faites­le, ça peut vous apprendre beaucoup de
choses.
Qui commande et à qui ?
Vous, les élèves, votre expérience de tous les jours vous
apprend que ce sont les professeurs qui commandent. Mais qui
commande les professeurs ?
La direction de l'école (proviseur, censeur, directeur) n'est pas
élue par les professeurs, elle est nommée par le ministère, par
l'évêque s'il s'agit d'un collège religieux ; elle se nomme elle­
même s'il s'agit d'une école privée laïque. Les professeurs, pas
plus que vous, n'ont donc choisi ceux qui ont le pouvoir sur
eux. Dans la plupart des établissements scolaires, direction et
personnel enseignant s'efforcent de collaborer.
De temps en temps, les professeurs d'une classe se réunissent
en conseil de classe. Ils discutent et essaient de se mettre
d'accord, par exemple sur une modification de remploi du
temps, sur certaines méthodes d'enseignement, sur l'emploi de
nouveaux manuels. Ils discutent aussi très souvent de vous, de
vos résultats scolaires, de vos capacités, de votre
comportement. C'est le conseil de classe qui décide de vous
faire redoubler ou de vous faire passer dans la classe
supérieure, éventuellement après un examen de passage.
Quand les professeurs n'arrivent pas à se mettre d'accord, ils
votent. Et c'est l'avis de la majorité qui l'emporte.
Il y a des écoles où la collaboration entre professeurs et élèves
et entre professeurs et direction donne de bons résultats. Mais
ça n'est pas toujours le cas. Il y a parfois des professeurs qui
osent s'opposer à la direction, il y a aussi des écoles où les
professeurs sont divisés en deux ou trois clans ou groupes
rivaux.
La direction de l'école, elle, dépend du ministère de l'Education
Nationale, dont elle doit appliquer les instructions et directives.
Dans les écoles dites « libres », qu'elles soient religieuses ou
laïques, la direction dépend toujours de certains groupes de
pression : les autorités ecclésiastiques ou bien les parents, c'est­
à­dire ceux qui paient (une école « libre » est une école où l'on
ne peut envoyer librement ses enfants qu'en payant très cher).
Les parents, groupés dans des associations de parents d'élèves,
exercent parfois des pressions très fortes sur la direction des
écoles publiques ou des écoles « libres ».
Mais il y a toujours des domaines où toutes ces autorités n'ont
aucun pouvoir : le programme de chaque classe, le nombre
d'heures que vous devez passer chaque semaine en classe, la
façon dont vos professeurs doivent enseigner et beaucoup
d'autres choses. Tout ça, c'est décidé par le ministère de
l'Education Nationale, qui, bien sûr, ne consulte jamais vos
professeurs.
Si vous avez à vous plaindre d'un professeur, adressez­vous à la
direction de l'école ; si vous voulez protester contre une
décision de la direction, adressez­vous à l'inspection
académique. Si l'inspection ne vous répond pas, adressez­vous
au ministère (voir le chapitre « Comment se plaindre d'un
professeur?»).
Qu'est­ce que la participation ?
La « participation», c'est un truc inventé à la suite de la révolte
de mai­juin 68, pour faire croire aux élèves qu'ils participeront
à la vie et à la marche de l'école. Chaque classe élit deux
délégués, et tous les délégués doivent désigner les lycéens qui
feront partie du conseil d'administration du lycée.
La participation, c'est de la rigolade : Les rélégués lycéens n'ont
aucun pouvoir ; et il leur est la plupart du temps très difficile de
se faire entendre au milieu de tous ces adultes qui connaissent
le système beaucoup mieux qu'eux et qui sont pleins de
roublardise.
Dans beaucoup de lycées, les élèves trouvent que ça ne vaut
même pas le coup d'élire des délégués. Mais si le professeur se
fâche et que les élèves ont peur, alors le vote a quand même
lieu. La participation, ce n'est pas la démocratie, c'est une farce.
Alors, si vous vous décidez malgré tout à élire et à être élus,
allez au conseil d'administration, mais que ce soit pour rigoler
et pour démontrer que c'est une vraie farce.
Imposez votre «
participation » démocratique Vous pouvez laisser tomber les conseils d'administration au
sein desquels vous serez toujours impuissants, et créer vous­
mêmes vos propres conseils d'élèves.
Chaque classe peut élire trois ou quatre représentants qui seront
chargés de défendre les intérêts et les revendications de la
classe auprès des professeurs, du surveillant général, du
censeur, etc... Les délégués ont pour mandat de défendre ce que
vous avez décidé et nullement de décider par eux­mêmes. Par
ailleurs les délégués d'une classe ne doivent présenter que des
revendications concernant cette classe. Il faut que chaque classe
ait ses délégués. Les délégués de toutes les classes d'une division — des petits,
des moyens, des grands — se réunissent pour discuter des
problèmes qui leur sont communs ; ils peuvent élire sept ou
huit ou plus d'élèves pour former le conseil de division qui aura
pour mission de défendre les intérêts communs à toute une
division.
Les conseils de division peuvent se réunir et élire à leur tour un
conseil général des élèves chargé de défendre les intérêts
communs à tous les élèves du lycée ou de l'école.
Soyez certains que la direction recevra et écoutera très
attentivement le conseil général des élèves, si elle sait que
celui­ci représente démocratiquement l'ensemble des élèves de
l'école ; et que le surveillant général écoutera pareillement le
conseil de division. Ils auront peur de l'action que vous pourrez
entreprendre pour obtenir satisfaction. Si vous avez eu
l'intelligence de préparer des propositions concrètes pour
résoudre les problèmes que vous posez, vous gagnerez à coup
sûr.
Quand vous vous réunissez entre vous, sachez écouter et même
encaisser les critiques de vos camarades. Evidemment tu es persuadé d'avoir raison, mais n'oublie pas :
ne critiquent en général que ceux qui sont actifs et décidés à
faire quelque chose ; les moutons et les amorphes
s'accommodent de tout. Si tu sens que tu es très critiqué et par
trop de camarades, quitte le conseil ou le groupe de travail
formé pour étudier tel problème particulier, et essaie de
comprendre pourquoi on t'a critiqué. Ce n'est pas une défaite, ça n'a rien d'humiliant. C'est une des
conditions de vie de la démocratie. Laisse à d'autres le travail
que tu avais à faire, et trouves­en un autre.
La solidarité
L'un des arguments qu'on invoque pour refuser aux
élèves un véritable droit de participation, c'est qu'ils «
manquent de maturité » et qu'ils ne sont pas « en mesure de
comprendre les problèmes dans toute leur complexité ». On a
dit la même chose des Asiatiques, des Africains, des Indiens,
des Noirs, des Rouges, des Jaunes, enfin de tous ceux qu'on
avait intérêt à tenir en tutelle et à exploiter. Vous savez très
bien que cet argument ne vaut pas un clou. Alors ne vous en
servez jamais envers vos camarades plus jeunes.
Les élèves plus jeunes, les petits et les moyens, ont souvent
d'autres problèmes que les vôtres. Ne les laissez pas tomber.
Aidez­les à former des groupes de discussion et d'études.
Faites­leur comprendre qu'ils peuvent changer quelque chose et
qu'il suffit pour cela qu'ils se mettent à agir et à agir en
commun.
Le fondement de la démocratie, c'est une discussion qui se
termine par une décision d'agir solidairement pour atteindre
l'objectif qu'on s'est fixé.
Divergences d'opinions et conflits d'intérêts
II est normal, pensons­nous, de n'être pas tous du même avis, et
les opinions des autres ne sont pas nécessairement plus
mauvaises ou meilleures que les nôtres. La dictature de la
majorité, c'est une méthode pour faire avancer les choses : on
applique les décisions de la majorité.
La dictature de la majorité repose sur deux piliers : le premier,
c'est convaincre pour gagner le plus de partisans possible, le
deuxième, c'est le vote qui donne le pouvoir à la majorité.
Mais nous pourrions expliquer les divergences d'opinions d'une
autre façon : si nous sommes d'un autre avis, ce peut être aussi
pour deux raisons : parce que nous avons des difficultés à
comprendre ou bien parce que nos connaissances nous obligent
à penser autrement.
Si c'est vrai, alors ce qui compte avant tout, et les deux vrais
piliers de la démocratie, c'est l'information et la discussion.
Il y a des opinions qui sont plus justes et des décisions
meilleures parce qu'elles s'adaptent mieux à la situation. Agir
démocratiquement, c'est tout d'abord informer, c'est­à­dire
présenter et exposer les problèmes, et ensuite provoquer la
discussion qui permettra de trouver la bonne solution.
Une décision est démocratique quand elle est prise par des gens
qui ont eu, en même temps, sur le problème les mêmes
informations, et qui ont pu discuter ensemble. Discuter et non
pas se disputer ou essayer de se gagner des partisans par tous
les moyens.
Mais il peut y avoir aussi des divergences d'intérêts très réelles
et qui ne peuvent pas, comme les divergences d'opinion, être
surmontées par des discussions. Elles ne peuvent même pas
être surmontées par un vote et la dictature de la majorité. Il y a
divergences d'intérêt quand un groupe refuse de laisser aux
autres le pouvoir parce qu'il perdrait ses avantages ou ses
privilèges.
Quand il y a de grands conflits d'intérêts, alors ce sont les
actions plus ou moins violentes, grèves, manifestations,
révoltes, qui dénouent les conflits et permettent à la démocratie
de continuer à fonctionner.
La démocratie n'a pas seulement pour but d'assurer la liberté de
l'information et de la discussion, mais aussi et surtout de
promouvoir concrètement les vrais intérêts de la majorité. C'est
souvent quand il s'agit de passer à l'application des décisions
qu'apparaissent des divergences d'intérêt irréductibles, que les
mots avaient jusqu'alors cachées.
Il n'est pas démocratique de laisser le pouvoir à ceux qui s'en
servent pour empêcher tout progrès ou pour s'octroyer des
avantages au détriment des autres. Ce qui est démocratique,
c'est de leur enlever, par la force, si besoin est, le pouvoir.
L'école et la société
L'école est une société. C'est un petit organisme qui mène une
vie assez isolée, sa petite vie à lui, au milieu de la société qui
l'entoure. C'est un état dans l'état.
Il existe d'autres sociétés très fermées : les prisons, les
hôpitaux, les orphelinats, les casernes, par exemple. On y vit en
observant un règlement strict qui ne correspond en rien aux
conditions de vie à l'extérieur.
Dans la société, les choses changent et évoluent très
rapidement. Et les gens changent assez vite de valeurs et de
comportement. Dans la petite société qu'est l'école, tout se
passe très lentement.
Pourtant, l'école est un miroir de notre société. La société est
fondée sur le pouvoir économique. Ce qui veut dire que ce sont
ceux qui ont beaucoup d'argent ou qui possèdent les grandes
entreprises industrielles, commerciales ou autres installées en
France ou à l'étranger, qui ont le pouvoir et qui décident.
Certes, c'est nous­mêmes qui choisissons nos députés et nos
hommes politiques, mais ceux­ci ne peuvent pratiquement
prendre aucune décision qui porte atteinte aux intérêts des
riches et des puissants.
Si l'on vous enseigne ce qu'on vous enseigne, c'est parce qu'on
pense que vous en aurez besoin pour entrer dans la société des
adultes, c'est­à­dire dans notre société à nous. Vous devez être
en mesure de répondre aux exigences de notre société. Vous ne
devez surtout pas avoir envie de changer trop de choses.
Les intérêts économiques (le fric, l'argent) sont si puissants
qu'ils peuvent obliger les écoles à se soumettre à leurs
exigences. L'école change, et beaucoup de choses y ont changé,
mais ça a toujours été sous la pression des intérêts
économiques. Notre société a pour principe fondamental que
les hommes n'ont le droit d'exister que dans la mesure où ils
servent les intérêts économiques des riches et des puissants.
Mais on pourrait peut­être imaginer et vouloir une société où ce
soit l'économie qui soit au service de l'homme.
C'est avec l'orientation professionnelle et les stages de
formation professionnelle que l'économie fait le mieux sentir sa
toute­puissance sur l'école. Orientation et formation
professionnelles servent aux patrons, et quelquefois aussi aux
syndicats, à vous attirer dans certains métiers, qui ne vous
intéressent peut­être pas, mais où on a besoin, pour le moment,
de beaucoup de monde.
Ne croyez pas :
— qu'il n'existe pas d'autres métiers à choisir que ceux
qu'on vous propose ;
— qu'il vous faut nécessairement choisir un métier dès
votre sortie de l'école ;
(II existe beaucoup d'écoles ou d'instituts, où on peut s'inscrire
avec ou sans bac, pour acquérir une formation ou une
spécialisation professionnelle. Si vous ratez le bac, n'oubliez
pas que vous pouvez, trois ou quatre ans après votre échec,
passer un examen d'entrée en faculté, qui vous permet de faire
des études supérieures.)
— que si vous faites un choix, c'est nécessairement pour
le reste de votre vie. Au contraire, vos possibilités de choix
seront plus grandes ensuite ;
— qu'il n'y a pas d'avenir dans le métier que vous
avez choisi ;
— que parce qu'il te manque un examen ou un
diplôme, tu ne pourras pas devenir ce que tu veux ; il y
a beaucoup d'autres moyens pour arriver.
Il y en a qui prétendent qu'on ne peut rien changer dans
l'école avant d'avoir changé la société. Ils ont raison.
D'autres affirment qu'on ne peut rien changer dans la société
avant d'avoir changé l'école. Ils ont raison, eux aussi.
La société, telle qu'elle est, a été faite par des hommes et ne
pourrait être changée que par des hommes. Tout homme est
marqué par son éducation, son enfance et son adolescence.
Tout homme, aussi, est marqué par ce qu'il sait et ce qu'il sait
faire. Les années d'école marquent profondément tout le
monde.
Pour changer l'école, il faut changer la société. Pour changer la
société, il faut changer l'école.
Depuis deux ans on change beaucoup de choses dans les
écoles. Ces changements, si vous ne les avez pas décidés vous­
mêmes ou si vous n'avez pas contribué à les promouvoir, vous
ne pouvez pas savoir s'ils sont à votre avantage. S'ils ont été
décidés par ceux qui détiennent le pouvoir, c'est très
certainement pour qu'ils puissent le garder.
Quand on vous donne le droit de « participation » ou de «
décision », c'est parce que les changements dont il est question
n'ont pas beaucoup d'importance. Les vrais changements et les
plus difficiles sont ceux qui donnent de plus en plus de pouvoir
à de plus en plus de personnes.
Professeurs et élèves devraient travailler ensemble pour
promouvoir des changements. Il n'y a pas nécessairement
contradiction ou lutte entre élèves et professeurs. Dans la
réalité quotidienne, les profs n'ont pas tellement plus de
pouvoir que les élèves.
Les profs n'ont même pas le droit de décider du contenu de leur
enseignement. Et bien souvent, on leur impose d'enseigner telle
ou telle matière. Quant à leurs conditions de travail, ils ne
peuvent pas faire grand­chose pour les améliorer.
Beaucoup de gens qui se prennent pour des sages et qui se
déguisent en gardiens de la morale et de la jeunesse vous
expliqueront qu'il vous faut rester calmes et disciplinés, qu'ils
s'occupent eux­mêmes de promouvoir ces changements et que
vous n'avez qu'à attendre. Croyez­nous, pour une fois, même si
nous sommes des adultes, si vous attendez, vous l'aurez dans le
cul.
Les vrais, les seuls changements qui profiteront aux élèves
comme aux professeurs ne peuvent être décidés que par ceux
qui en ont besoin tous les jours.
Tout ça peut engendrer des conflits. Certains vous diront que
les conflits c'est très mauvais. Ça n'est vrai que si vous entrez
en guerre sans savoir pourquoi vous vous battez.
Si, de part et d'autre, on savait très exactement pourquoi on se
bat, il y aurait certainement beaucoup moins de bagarres.
Il arrive parfois que les gens contre qui il faut lutter sont des
gens qui n'ont pas beaucoup de pouvoir et qui, avec le temps,
ont fini par avoir peur du moindre changement et de la moindre
initiative. Comprenez bien une chose : élèves et professeurs ont
partie liée, ils sont du même côté de la barricade dans la lutte
permanente qui les oppose à ceux qui ont le pouvoir de décider
de leur existence.
L'école et la société sont liées l'une à l'autre et complices l'une
de l'autre. Pour changer l'une il faut changer l'autre. Mais ça
pose un problème assez complexe !
La moindre chose que nous changeons dans l'école peut avoir
des répercussions dans la société. La moindre chose que nous
changeons dans la société peut avoir des répercussions dans
l'école.
Pour changer quelque chose, transformer le monde et le refaire
à notre image, n'oublie pas qu'il faut commencer par agir là où
tu te trouves, dans ton milieu de travail. D'autres, à différents
endroits, mènent aussi une lutte. Sache­bien que c'est partout la
même lutte.