Gestion des sédiments issus du dragage des ports maritimes français

Transcription

Gestion des sédiments issus du dragage des ports maritimes français
ENSEIGNEMENT MILITAIRE SUPERIEUR DU PREMIER DEGRE
DIPLOME TECHNIQUE
CYCLE DE FORMATION 2012
« GESTION DES SEDIMENTS ISSUS DU DRAGAGE
DES PORTS MARITIMES FRANÇAIS »
Étude technique et juridique
de l’extraction au traitement de ces matières
Mémoire présenté par
L’O2CTAAM Rébecca PASQUEREAU
Session 2012
REMERCIEMENTS
Face à la complexité du sujet traité, nous tenons tout particulièrement à remercier les
professionnels qui nous ont permis de mieux comprendre la problématique du dragage, dans son
ensemble et le point de vue des différents acteurs du domaine :
-
Monsieur Yannick LOURADOUR, Capitaine de la drague aspiratrice en marche
« Samuel de Champlain », Monsieur Malesiale TAUVALE, Second Capitaine, et leur
équipage pour avoir accepté de nous faire visiter leur navire dans les moindres détails au
cours d’une escale, de naviguer avec eux afin d’appréhender un cycle complet
d’exploitation, de mieux comprendre les techniques de dragage, et de constater
l’étonnante complexité et la haute technicité du navire. Grâce à leur accueil et entière
disponibilité sur deux journées, ils nous ont permis d’intégrer toutes les difficultés et
contraintes du dragage dans un grand port maritime tel que celui de Nantes SaintNazaire.
-
Monsieur Antoine DELOUIS, Président du GEODE (Groupe d’Etudes et d’Observation
sur le Dragage et l’Environnement) et Adjoint au Directeur des Territoires,
Infrastructures et Environnement du Grand Port Maritime de Nantes Saint-Nazaire, pour
sa disponibilité, son écoute et son expertise quant à la gestion à la fois technique et
administrative d’une opération de dragage.
-
Monsieur Pierre-Yves LARRIEU, Professeur de l’enseignement maritime à l’Ecole
Nationale Supérieure Maritime, Centre de Nantes, pour ses conseils avisés.
Qu’ils soient tous assurés de ma respectueuse considération.
SOMMAIRE
INTRODUCTION.................................................................................................................... - 1 I - LE DRAGAGE .................................................................................................................... - 3 A/ EST-IL VRAIMENT NECESSAIRE ? POURQUOI ? ......................................................- 3 A.1- Maintien de la sécurité de la navigation et l’accès aux ports .................................... - 3 A.2- Maintien ou retour à un équilibre écologique du milieu marin ................................. - 5 B/ ESTIMATION DES VOLUMES A DRAGUER ET LEUR QUALITE.............................- 5 B.1/ Réflexion préalable..................................................................................................... - 5 B.2/ Techniques d’échantillonnage .................................................................................... - 6 C/ MATERIELS ET TECHNIQUES UTILISES ....................................................................- 8 C.1/ Dragues mécaniques .................................................................................................. - 9 C.2/ Dragues hydrauliques ................................................................................................ - 9 C.3/ Dragues hydrodynamiques....................................................................................... - 10 II - LEGISLATION ET DEVENIR DES SEDIMENTS DE DRAGAGE ........................ - 11 A/ BASE REGLEMENTAIRE..............................................................................................- 11 A.1- Internationale ........................................................................................................... - 11 A.2- Communautaire ........................................................................................................ - 12 A.3- Nationale .................................................................................................................. - 13 B/ DIFFERENTES ALTERNATIVES .................................................................................- 14 B.1/ Rejets en eaux libres (=immersion).......................................................................... - 14 B.2/ Rejets confinés (=filière terre).................................................................................. - 17 B.3/ Autres pistes de valorisation..................................................................................... - 20 C/ RISQUES ENVIRONNEMENTAUX..............................................................................- 21 C.1/ Effets directs ou indirects de l’opération de dragage .............................................. - 21 C.2/ Surveillance des paramètres environnementaux ...................................................... - 23 D/ PRECONISATIONS POUR UNE GESTION DURABLE ..............................................- 25 CONCLUSION....................................................................................................................... - 26 BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. - 27 ANNEXES............................................................................................................................... - 28 RESUME OPERATIONNEL ............................................................................................... - 32 -
-1-
INTRODUCTION
Le dragage est une activité très ancienne trouvant ses origines dans l’Antiquité, à l’époque
où Grecs et Romains commencèrent à développer le commerce maritime. Rapidement, pour
répondre à l’augmentation du trafic, ils durent engager des travaux portuaires afin de pouvoir
accueillir un nombre grandissant de navires. Les premiers outils de dragage étaient assez
rudimentaires et se présentaient sous forme de godets à main que les hommes utilisaient à marée
basse, ou de herses tractées derrière des navires de servitude pour remettre les sédiments en
suspension. L’évolution des techniques est lente, jusqu’au 15ème siècle où, entreprenant de travaux
d’assèchement et de poldérisation1 de grande ampleur, les Pays-Bas vont créer les premières
dragues équipées de herses réglables, que l’on peut considérer comme les ancêtres des dragues
actuelles. Le développement du trafic maritime commercial contraindra les ports à trouver des
techniques pour gagner en profondeur. Différents systèmes seront inventés et expérimentés,
notamment la drague à cuillère inventée en France au 18ème siècle pour procéder aux premières
réimmersions des sédiments portuaires, en même temps qu’est apparu le terme « dragage » (de
l’anglais « to drag » : traîner) issu du vocabulaire de la pêche, qui l’employait pour désigner
l’engin raclant le fond afin de récolter les coquillages. A ces dragues sont associés les premiers
chalands, qui se mettaient à couple pour être chargés de sédiments, puis partaient au large pour
évacuer ce chargement. En France, ils étaient communément appelés « Marie-Salope », dont
l’étymologie signifie « navire-sale » au sens utilisé au 18ème siècle. Ensuite, l’avènement de la
machine à vapeur, au début du 19ème siècle, puis la révolution industrielle au début du 20ème siècle,
ont provoqué un développement important de tous types de dragues adaptées à des configurations
portuaires particulières. Enfin, il faut attendre la fin du 20ème siècle pour assister à une accélération
des recherches et du développement de technologies nouvelles, liée à une prise de conscience
massive des risques de contamination des sédiments de dragage.
Des analyses approfondies des méthodes employées, des usages de l’époque, ainsi que des
prélèvements dans les écosystèmes, ont permis de constater que, par méconnaissance, les
techniques très longtemps utilisées étaient réellement nuisibles pour l’environnement. La mise en
lumière de ces problèmes de pollution a entraîné une réaction hostile de l’opinion publique, face à
ces pratiques jugées néfastes, ce qui a développé le syndrome « NIMBY »2, dans l’attente de
mesures correctives concrètes.
Longtemps laxiste, par ignorance ou manque de volonté, l’Etat français a tardé à prendre
des initiatives dans le domaine de la réglementation du dragage. Il faudra attendre le vote de la
première loi sur l’Eau le 3 janvier 1992, puis de ses décrets d’application en 1993, pour cerner une
première base de travail tangible permettant d’élaborer, dans un premier temps, une démarche
d’évaluation des impacts de ces activités sur l’environnement, puis dans un second temps, de
trouver des réponses pratiques à l’accumulation de la pollution dans les sédiments. C’est ainsi
qu’actuellement, la réflexion est axée sur le traitement du « passif », en amont d’une démarche
cohérente de gestion de ces sédiments, sur le long terme.
Dans le cadre de cette étude, nous tenterons de comprendre les raisons du dragage, et de
porter une réflexion sur le devenir de ces sédiments des ports maritimes français, dont la
contamination peut avoir des origines diverses. A noter qu’il s’agit spécifiquement de sédiments
recueillis et traités pour maintenir l’accès au port et non exploités à des fins commerciales. Les
grands ports estuariens, en aval de la limite administrative de la mer, ont des apports sédimentaires
majoritairement issus des fleuves et de leurs bassins versants, et dans une moindre mesure des
courants de marée. Ils sont exposés à de forts débits, qui, à la faveur de forts courants,
n’engendrent qu’une contamination modérée. Les volumes de sédiments extraits de ces ports
1
Endiguement et assèchement d’une vaste étendue conquise sur la mer, les marais littoraux ou des lacs, et située à une cote inférieure au niveau maximal de
la mer ou du plan d'eau.
2
« Not In My Back Yard » : « pas dans mon jardin : cette expression désigne un concept consistant à ne pas tolérer de nuisances dans son environnement
proche. Il peut s’appliquer à une personne ou une association de riverains créée pour défendre son environnement proche
-2-
représentent la majorité des volumes dragués annuellement en France. Les ports littoraux ont des
apports sédimentaires bien différents, puisque plus de 80% de la sédimentation est d’origine
marine. La configuration est telle que le sédiment pénètre dans l’enceinte des ports précités, au gré
des courants et marées, se dépose et ne peut ressortir. La pollution en est donc plus conséquente,
car emprisonnée dans les sédiments à la faveur d’eaux plus calmes.
Dans une première partie, nous nous questionnerons sur la nécessité du dragage dans les
ports maritimes français, du point de vue économique et environnemental, puis nous aborderons
les différentes techniques d’échantillonnage permettant d’estimer précisément les volumes de
sédiments à draguer, et enfin nous dresserons une liste non exhaustive des engins extrayant ces
matériaux.
Dans une deuxième partie, nous examinerons les cadres réglementaires internationaux,
communautaires et nationaux dans lesquels s’inscrivent toute opération de dragage, et nous nous
interrogerons sur le devenir de ces sédiments, déterminant leur qualification juridique, en
présentant les principales alternatives de rejets ou de valorisation existantes. Nous analyserons les
risques et les impacts environnementaux pouvant être générés par cette activité, et nous
finaliserons notre propos par une prospective de quelques actions envisageables, quant à une
gestion durable et pérenne de sédiments de dragage.
-3-
I - LE DRAGAGE
Ce chapitre amène à se poser la question fondamentale de la nécessité de draguer ou pas, et
dans l’affirmative présenter les différentes techniques utilisées uniquement dans les ports
maritimes français, estuariens ou littoraux.
A/ EST-IL VRAIMENT NECESSAIRE ? POURQUOI ?
Avant tout, il convient de considérer le cadre socio-économique dans lequel peut se
dérouler un dragage, l’enjeu d’une telle opération, et de parcourir succinctement les modes de
gestion possibles pour les différents types de ports français.
Quel que soit le type de port et son mode de gestion, une opération de dragage est toujours
très coûteuse vu les moyens employés, et nécessite un financement régulier et stable à long terme.
Par exemple, à Rouen, le dragage des 6 millions de tonnes annuels de sédiments représente un
budget de 15 millions d’euros.
Les ports autonomes, placés sous la tutelle du Ministère chargé des transports, sont des
établissements publics de l’Etat dotés d’une personnalité morale, exerçant des missions de service
public, gérant une zone portuaire avec une large autonomie de gestion, et sont locataires des
installations portuaires. Suite à l’adoption de la loi n°2008-660 du 4 juillet 2008 portant réforme
du statut des ports maritimes français, les ports autonomes sont rebaptisés ‘‘grands ports
maritimes’’, gardent leur statut d’établissement public3, mais deviennent pleinement propriétaires
du « domaine portuaire de l’Etat »4 (en sont exclus les domaines publics maritimes et fluvial).
Cette privatisation des grands ports permet une mise en concurrence de sociétés privées dont la
propriété de l’ensemble des installations portuaires de manutention leur est transférée. Dans ce
cadre, l’autorité portuaire, dont les membres d’équipage armant les dragues sont salariés, conclut
une convention de gérance et loue les services du GIE (Groupement d’Intérêt Economique),
propriétaire des dragues. L’Etat remet à niveau les crédits pour l’entretien des accès maritimes
puis délègue la gestion financière de l’activité dragage à ces grands ports. Il garde cependant un
droit de regard en étant représenté au conseil de surveillance et en exerçant un contrôle par la Cour
des Comptes.
Ces grands ports, ayant les moyens financiers et techniques les plus importants, prêtent
régulièrement leur concours au dragage d’autres ports de moindre importance, comme certains
ports de commerce et grands ports de pêche, qui sont le plus souvent gérés par les Chambres de
Commerce et d’Industrie (CCI), par délégation de la région ou du département, ou d’autres ports
de pêche et de plaisance gérés par les municipalités, qui délèguent parfois aussi à une CCI ou une
société privée.
A.1- Maintien de la sécurité de la navigation et l’accès aux ports
Étant par définition des abris, les ports sont destinés à accueillir des navires (commerce,
pêche, plaisance) pour y effectuer des opérations commerciales, de manutention, de
chargement/déchargement, d’entretien, de construction. Un accès sécurisé à ces ports est
primordial, car il permet de développer une activité économique significative et pluridisciplinaire
au-delà même de l’installation portuaire et d’assurer la sécurité de la navigation. Les autorités
portuaires et leurs délégataires ont la responsabilité et l’obligation d’assurer ce service en
maintenant une côte hydrographique de référence par rapport à la plus basse mer, réajustée
3
4
Code des Transports, art L 5312-1
Code des Transports, art L 5312-16 et loi n°2008-660 du 4 juillet 2008, art 15
-4-
régulièrement en fonction des conditions hydro-sédimentaires, par les autorités portuaires en
collaboration avec le Service Hydrographique et Océanographique de la Marine (SHOM).
D’importantes quantités de sédiments et de matières en
suspension entrent naturellement dans les chenaux de navigation,
zones d’évitage5, souilles6 et bassins des ports, y sédimentent,
provoquent un rehaussement, un envasement naturel et continu des
fonds. Les particules les plus fines restent plus longtemps en
suspension et ne se déposent qu’à la faveur des zones de calmes
que peuvent représenter certains ports. Aussi, il convient de
distinguer les ports estuariens à fort renouvellement d’eau et siège
d’une faible sédimentation, des ports littoraux avec des eaux
calmes favorisant un fort dépôt de sédiments et de concentration de
contaminants le cas échéant.
Pour faire face à ce phénomène inéluctable, principalement dû à l’érosion des sols et aux
apports endogènes et anthropiques, il est indispensable de maintenir ou de restituer l’usage des
infrastructures portuaires en procédant à des dragages réguliers.
Ces dragages d'entretien (la très grande majorité des dragages effectués en France),
réguliers et programmables, visent à maintenir l’accès aux ports pour assurer la sécurité de la
navigation, l’accueil dans de bonnes conditions des navires au tirant d’eau grandissant, et par
conséquent proposer une continuité de l’activité commerciale.
Les dragages pour travaux neufs sont plus rares (10%) car n’interviennent que dans le
cadre d’une extension ou création d’un port. Ils sont néanmoins nécessaires pour élargir ou
approfondir des chenaux d’accès, fournir des bassins d’évitage et atteindre des profondeurs d’eau
appropriées aux gabarits des navires reçus.
A titre informatif, en 2007, le volume total des sédiments7 dragués en France
(métropolitaine et outre-mer) s’élevait à 35,5 millions de m3. Les sept grands ports maritimes
représentent à eux seuls 80% du total. 7,2 millions de m3, soit 20% du total sont extraits des ports
et chenaux de navigation français. En 2008, la quantité totale de sédiments dragués a augmenté de
5%.
Quel que soit le dragage, afin de faire des économies de temps, de moyens techniques et
financiers, se pose la question de la réelle nécessité de cette opération. En effet, même au nom de
la continuité de l’offre commerciale, un navire peut-il attendre une heure de plus au large, pour
que le niveau remonte et que la quantité d’eau sous la quille soit suffisante ? Est-il possible
d’organiser au mieux l’activité maritime du port en fonction des contraintes de marée,
météorologiques, hydrodynamiques, de courantologie, de modifier la largeur des chenaux d’accès,
dont il y a obligation d’entretien, afin de limiter la quantité de sédiments à draguer ? Ces questions
sont sous-tendues au coût financier de telles opérations. L’autorité portuaire cherchera ainsi à
rentabiliser et exploiter au mieux le temps, le matériel et le personnel à sa disposition, sinon
l’envasement pourra mener à la mort de son port. Ce fut le cas pour le port de Morlaix au 17ème
siècle, qui après avoir été une plaque tournante pour le négoce de toutes sortes de marchandises, a
vu son activité décroître rapidement à cause d’un très mauvais entretien et un envasement non
contrôlé. L’activité maritime s’est alors reportée sur le port de Roscoff, plus profond. Ainsi, le
facteur déterminant au maintien en activité d’un port et aux investissements de dragage
nécessaires est le besoin d’alimentation régulière en marchandises des bassins de population
adjacents au port, et la capacité à les desservir.
5
Zones élargies permettant aux navires d’effectuer des manœuvres indispensables de retournement, avant leur prise de poste ou avant de rejoindre le large
Zone creusée dans les sédiments par le stationnement prolongé d’un navire à quai
7
Enquête « Dragage 2008 », analyse des données - CETMEF/DELCE/DEML - Rapport juillet 2010
6
-5-
A.2- Maintien ou retour à un équilibre écologique du milieu marin
A la problématique économique s’ajoute la dimension environnementale. Ce dragage va-til provoquer un déséquilibre du lieu initial d’extraction des sédiments et/ou du lieu de destination
pour ces matières ?
L’objectif du maître d’ouvrage8 d’un projet d’opération de dragage est de rester au plus
près de l’équilibre naturel. En effet, s’il ne prend pas suffisamment en compte la morphologie et le
fonctionnement hydro-sédimentaire des fonds, il pourrait être amené à faire plus de dragages que
nécessaire pour maintenir la cote hydrographique, et engendrer des coûts supplémentaires inutiles.
Par exemple, s’il existe un équilibre naturel entre une accumulation de sédiments, sables, graviers
d’un côté, et une dépression de l’autre, il n’est pas judicieux d’éliminer cette bosse ou de combler
le trou. Si le dragage s’avère indispensable, il ne devra pas être trop profond (en se limitant à la
couche sub-superficielle des sédiments), ni trop étendu, afin de limiter au maximum l’impact de
l’opération sur le milieu marin.
Outre l’aspect purement sédimentaire, il convient aussi de considérer la faune, la flore et
les micro-organismes benthiques endémiques à ce milieu marin. Est-ce que le prélèvement des
sédiments et de la population animale et bactérienne associée ne va pas provoquer un déséquilibre,
un développement anormal voire la disparition de certaines espèces dans les milieux d’extraction
et de destination au profit d’autres plus opportunistes ? L’action menée ne risque-t-elle pas de
provoquer un dommage irréversible à l’environnement marin ?
Ainsi, avant même de se questionner sur la qualité chimique des sédiments que l’on
souhaite extraire, et la faisabilité du projet, il est indispensable de mener en amont une réflexion
rigoureuse sur l’utilité réelle d’un dragage et surtout sur l’impact environnemental, minime ou
majeur, d’une telle opération.
B/ ESTIMATION DES VOLUMES A DRAGUER ET LEUR QUALITE
B.1/ Réflexion préalable
Pendant toute la phase préliminaire à la réalisation concrète des opérations de dragage, le
maître d’ouvrage aura le souci constant de transparence, d’information et de dialogue envers les
professionnels et usagers de la mer, l’opinion publique, les collectivités locales et l’Etat pour
aboutir à une bonne compréhension de l’intérêt du projet et des impacts potentiels sur
l’environnement terrestre et marin. Toutes les étapes, moyens employés, filières seront clairement
expliqués et argumentés à l’appui de données scientifiques.
L’aboutissement d’un projet de dragage d’un port nécessite au préalable la réalisation de
plusieurs étapes, consécutives et réglementairement imposées, au cours desquelles interviennent
un ensemble d’acteurs privés et publics. L’autorité portuaire, demandeuse du projet, fait appel à un
maître d’ouvrage qui étudie la faisabilité du dragage, fait estimer les volumes à draguer, demande
des analyses de sédiments aux laboratoires spécialisés, des analyses de risques environnementaux
aux bureaux d’études et autres organismes publics, puis recueille la totalité de ces données dans un
dossier transmis pour examen aux services et organismes de l’Etat (Préfectures Maritime et
départementale, DDTM, DREAL, ARS, DDPP, DDE-CQEL, MISE, CETMEF9). Ensuite, il
désigne un maître d’œuvre chargé de la réalisation de l’opération de dragage10.
8
Personne morale ou organisme pour le compte duquel le projet est réalisé. Il définit les objectifs du projet et les besoins, le cadre des travaux confiés au maître d’œuvre,
assure le financement du projet, reste maître de la commande, du processus et des procédures. Etant la personne référente («pétitionnaire») déposant le dossier
réglementaire en Préfecture en vue de l’instruction administrative, il est responsable de tous dommages environnementaux pouvant survenir lors de l’opération de
dragage.
9
DDTM : Direction Départementale des Territoires et de la Mer / DREAL : Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement / ARS :
Agence Régionale de Santé (ex DDASS : Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales) / DDPP : Direction Départementale de la Protection des
-6-
Afin de mener une réflexion cohérente et argumentée sur la quantité de sédiments à
extraire, les impacts potentiels sur l’environnement marin, et leur devenir possible, les
gestionnaires du port se placeront dans un double cadre où, à partir de l’interprétation des données
scientifiques en leur possession et du référentiel inhérent, ils devront faire une analyse exhaustive
des risques. Pour les aider, le GEODE11 a établi un logiciel d’évaluation des risques (GEODRISK)
permettant d’estimer quel choix, du rejet en mer ou de la valorisation, serait la meilleure solution
au problème du devenir des sédiments de dragage. Ce groupe a été créé en 1990 pour mettre en
œuvre une gestion optimisée des accès maritimes aux ports en intégrant les enjeux
environnementaux, socio-économiques et techniques, à partir des exigences internationales
transcrites en droit français (sujet que nous développerons plus tard). Il rassemble les Ports
Autonomes, les ministères de l’Ecologie et de la Défense, les cellules «qualité des eaux littorales»
et des experts scientifiques dont l’Ifremer12.
Ainsi, une connaissance approfondie des sites de dragage et d’immersion (hydrologie,
sédimentation, courantologie, météorologie, biologie, chimie,…), des mécanismes d’échanges de
constituants entre phase solide et liquide, de bioaccumulation, de l’écotoxicité éventuelle des
contaminants sur le milieu marin, nous amènera à engager une réflexion sur les risques représentés
par l’activité de dragage. Son issue sera vraisemblablement d’opter pour une solution la moins
agressive possible pour l’environnement, afin de préserver les écosystèmes et de garantir une
qualité de vie, et à un coût économiquement viable.
B.2/ Techniques d’échantillonnage
Les techniques de levés bathymétriques ont rapidement évolué avec l’avènement des
nouvelles technologies, notamment acoustiques et satellitaires.
A la technique ancienne, assez rudimentaire mais longuement éprouvée, qu’est le
nivellement, est préférée l’utilisation du GPS différentiel et du sondeur acoustique. Ces outils ont
l’avantage d’être beaucoup plus fiables et précis (ordre de grandeur centimétrique).
Le nivellement direct consiste à relever des hauteurs d’eau sur un profil transversal à la
zone à investiguer à l’aide d’un tachéomètre13 disposé sur la berge et d’une mire graduée sur une
embarcation se déplaçant le long des profils définis préalablement. Ensuite, l’altitude des points
caractéristiques mesurés en est déduite, l’ensemble des profils sont collationnés en tenant compte
de la marée et des particularités du terrain, puis extrapolés pour obtenir une carte globale. Mais
celle-ci peut contenir une grande marge d’erreur (jusqu’à 20%) du fait principalement de
l’éloignement des différents points de mesures (quelques mètres).
Le GPS (Global Positionning System) complète et améliore grandement la précision des
mesures. Système de positionnement tri-dimensionnel à couverture mondiale développé par le
Ministère de la Défense des Etats-Unis dans les années 1970, il est composé de trois segments et
basé sur la mesure du temps de parcours de l’onde électromagnétique émise par le satellite vers le
récepteur. Le segment « spatial », constitué de 24 satellites opérationnels (plus 4 satellites de
réserve) répartis sur 6 plans orbitaux et naviguant à 20 000km d’altitude communique avec 5
stations au sol, quatre de poursuite et une de contrôle général, qui constituent le segment «
contrôle ». Il est en liaison permanente avec ces satellites et corrige leur orbite, horloges calées sur
l’heure de l’horloge atomique, et le bon fonctionnement général. Les récepteurs GPS, constituant
le segment «utilisateur», sont capables d’analyser les décalages temporels entre les différents
Populations / DDE-CQEL : Cellule de Qualité des Eaux Littorales / MISE : Mission Interservices de l’Eau / CETMEF : Centre d’Etudes Techniques Maritimes et
Fluviales
10
Ordonnance n° 2004-566 du 17 juin 2004 portant modification de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la
maîtrise d'œuvre privée
11
GEODE : Groupe d’Etudes et d’Observation sur le Dragage et l’Environnement
12
Courrier du 10 décembre 1990 du Ministre chargé de la Marine Marchande, « confiant au Port Autonome de Nantes Saint-Nazaire la responsabilité de mettre sur pied
et d’animer le groupe de travail GEODE »
13
Instrument de topométrie destiné au levé des plans et à la détermination des altitudes à partir de mesures de distances et d'angles.
-7-
signaux reçus des 4 satellites (nombre minimum garantissant la précision du système), et de
déduire par triangulation les longitude, latitude et altitude précises du récepteur. La précision de
l’ordre du mètre (1 à 10m) est encore améliorée grâce au GPS différentiel, où une des stations
terrestres compare sa position réelle à la position GPS, élabore des corrections envoyées et prises
en compte par les récepteurs GPS des utilisateurs.
La qualité et la précision des levés bathymétriques peuvent être grandement améliorées par
l’usage de sondeurs acoustiques mono ou multi-faisceaux, embarqués et installés généralement
sous la coque des navires hydrographiques (IFREMER ou SHOM/Marine Nationale) et associés
au positionnement GPS du navire lui-même. Le sondeur mono-faisceau émet dans un angle de 15°
à 30° et reçoit l’onde acoustique à la verticale du navire. La cartographie est donc réalisée par
bandes. Le sondeur multi-faisceaux émet, perpendiculairement à l’axe du navire, et dans plusieurs
directions avec un angle de 90° à 150°, un faisceau d’ondes sonores balayant la masse d’eau et le
fond marin sur une large bande (cette « fauchée » varie de 2 à 7 fois la hauteur d’eau). Le sondage
est beaucoup plus rapide et peut s’effectuer même par petits fonds. En utilisant une fréquence
acoustique de l’ordre 210 à 500kHz, il permet d’obtenir des levés topographiques très précis (de
l’ordre du centimètre par petits fonds) du relief sous-marin, et avec une fréquence plus basse de
33kHz, pénétrant plus profondément les couches sédimentaires, il détermine par réflectivité du
fond les caractéristiques morpho-sédimentaires de la zone sondée. Une difficulté subsiste quant au
choix de la fréquence permettant de mesurer assez précisément la couche de « crème de vase ».
Toutes ces données sont ensuite injectées dans un logiciel fournissant des cartes très précises (de
l’ordre du décimètre), qui font alors partie d’un faisceau d’éléments nécessaires à la prise de
décision en faveur du dragage ou non.
Lorsque la hauteur disponible dans le port notamment ne permet pas aux navires
hydrographiques d’approcher, un autre type de sondeur facilement instalable sur un petit navire
peut être utilisé. Il s’agit du sondeur à sédiments, souvent employé par les navires sismiques.
Utilisant une fréquence plus basse que le précédent (2 à 12kHz), il met aisément en évidence les
différentes couches sédimentaires jusqu’au toit rocheux. Une interface informatique permet de
visualiser rapidement le profil de la zone sondée.
Une fois ces relevés topographiques effectués, des échantillons de sédiments peuvent être
prélevés par différents moyens, selon un plan de travail défini à partir des résultats de sondage, de
l’historique de la zone considérée, du volume estimé de dragage, et des directives données dans
l’instruction technique en annexe de la circulaire n°2000-62 du 14 juin 2000 relative aux
conditions d’utilisation du référentiel de qualité des sédiments marins ou estuariens présents en
milieu naturel ou portuaire. Pour déterminer la quantité d’échantillons à prélever, il faut distinguer
« les zones à échanges libres », sièges de mouvements importants de masse d’eau dus à de forts
courants ou forte houle, des « zones confinées », à faibles renouvellements d’eau comme les
bassins portuaires fermés.
Zones
Zones à échanges
confinées
libres
Volumes dragués en place (m3) = Nombre de stations à Nombre d 'échantillons à analyser
X
prélever
(pour materiaux heterogenes)
X < 25.000 m3
25 000 ≤ X < 100. 000 m3
100.000 ≤ X < 500.000 m3
500.000 ≤ X < 2000.000 m3
X ≥ 2.000.000 m3
X < 5000 m3
5.000 ≤ X < 25.000 m3
25.000 ≤ X < 100.000 m3
X ≥ 100.000 m3
Nombre d'echantillons à analyser
(pour materiaux homogenes)
3
4-6
7 - 15
16 - 30
3
4-6
7 - 15
16-30
1
2-3
3-5
6 - 10
10 de plus par million
de m3 supplementaire
10 de plus par million
de m3 supplementaire
4 de plus par million
de m3 supplementaire
1
1 par 5.000 m3
5 plus 1 par 25.000 m3
8 plus 1 par 50.000 m3
Extrait de la circulaire n° 2000-62 du 14 juin 2000
-8-
En des points précis repérés et définis préalablement à partir des relevés des sondeurs, des
prélèvements d’échantillons de sédiments sont effectués à l’aide de bennes à sédiments et de
carottage. La benne, de forme et de poids différents en fonction des conditions d’utilisation et du
type de sédiment à extraire, est embarquée sur un navire, et descendue, les mâchoires ouvertes, au
bout d’un câble d’acier. Une fois touché le fond, elle est remontée alors que ses mâchoires se
referment en emprisonnant le sable, la vase, les sédiments du fond marin. Sur le pont, une partie
des sédiments est tamisée afin d’en mesurer la granulométrie, une autre est réservée pour l'étude
des populations micro-benthiques et macro-benthiques, et enfin le reste est disposé dans un sac
plastique étanche, et mis au froid en vue de l’expertise physico-chimique en laboratoire spécialisé.
Les carottages viennent en complément des prélèvements faits par les bennes, car ils s’enfoncent
plus en profondeur dans le substrat et permettent de procéder à une étude sédimentologique
globale en laboratoire.
Afin de caractériser le sédiment, le laboratoire procède alors à 5 types d’analyses :
- physique (granulométrie, propriétés mécaniques, comportement avec les contaminants),
- chimique (teneur en contaminants chimiques organiques et inorganiques conditionnant le choix
de la filière de destination des sédiments),
- écotoxicité (test mesurant l’effet de la toxicité potentielle des sédiments sur des organismes
vivants),
- indices biologiques (mesure de la diversité et de l’abondance de certaines populations vivant
dans les sédiments),
- bactériologique (connaissance de la charge bactérienne et virale contenue dans le sédiment pour
évaluer son impact),
- lixiviation (uniquement s’il est prévu un stockage des sédiments).
Conformément à la circulaire n°2000-62 du 14 juin 2000, publiée au Journal Officiel du 10
août 2000, visant à informer les services de l’Etat et ses établissements publics, ces analyses sont
effectuées à différentes étapes du pilotage de l’opération de dragage. Tout d’abord, elles auront
lieu au cours des études préalables, dont le but est d’évaluer les effets potentiels de cette activité
sur le milieu. Puis, pendant l’opération, elles permettront d’évaluer la quantité de sédiments
dragués et ses teneurs en contaminants. En effet, les délais étant parfois très importants entre la fin
de l’étude d’impact et le dragage proprement dit, qu’il est utile de faire de nouveaux prélèvements
pour ajuster au mieux le dragage. Et enfin, dans le cadre du suivi environnemental, grâce à ces
analyses, nous serons en mesure d’évaluer concrètement les impacts limités ou forts du dragage
sur les écosystèmes, et d’enrichir les connaissances actuelles.
C/ MATERIELS ET TECHNIQUES UTILISES
Il existe une multitude de dragues aux fonctions et constructions très différentes adaptées à
des types de travaux spécifiques. Présentement, nous n’exposerons que les dragues principalement
utilisées dans des ports maritimes de petite ou grande envergure représentatifs du littoral français,
où la mixité des moyens est un des fils conducteurs du projet de dragage afin de limiter les
volumes extraits, réduire les coûts et les incidences sur le milieu marin. Nous examinerons
brièvement pour chaque drague la technique d’extraction, le transport et la destination de ces
sédiments.
-9-
C.1/ Dragues mécaniques
Vers le treuil arrière
Barre niveleuse
Vers le treuil avant
Dent coupante
Fond ouvert
Elles extraient les matériaux à l’aide d’un outil de
préhension. Elles sont essentiellement utilisées dans les
zones confinées des ports et les ports de taille limitée,
stationnaires et disposées sur des barges ou des pontons.
A godets, à pelle, à benne preneuse, elles chargent
directement les vases soit dans des barges ou chalands
fendables, soit dans des camions, en fonction de leur
traitement ultérieur. Les volumes extraits étant proches
des volumes initiaux, la quantité de sédiments à traiter
est donc limitée, mais l’inconvénient de cette technique
est la remise en suspension et la dispersion dans la
colonne d’eau de sédiments éventuellement contaminés.
La drague niveleuse, n’extrait pas de sédiments, elle aplanit les riddens14 qui se forment
dans les ports estuariens et égalisent les crêtes existant entre les sillons tracés par d’autres dragues,
en tractant sur le fond une barre munie d’un système d’injection d’air comprimé, ou d’un râteau
métallique très lourd. Elle est souvent utilisée dans les zones difficiles d’accès pour ramener les
sédiments dans une zone plus accessible aux autres dragues.
C.2/ Dragues hydrauliques
En France, dans la majorité des grands ports
maritimes, tout comme dans les estuaires, les
dragages d’entretien sont effectués par trois types
de dragues : la drague aspiratrice en marche
(DAM) ou drague automotrice, telle que la
« Samuel de Champlain » construite en 2002 à
Gijon en Espagne, la drague aspiratrice stationnaire
(DAS) comme la « André Gendre » construite aux
chantiers Hydroland en France, et la drague
niveleuse
(drague
mécanique
décrite
précédemment et dans ce cas, finalisant le travail
des DAM et DAS).
Contrairement aux dragues mécaniques, elles aspirent une grande quantité d’eau afin de
constituer une mixture plus facilement relarguable en mer ou dans les estuaires, et changent ainsi
la structure des sédiments. Ces dragues sont équipées de pompes centrifuges hydrauliques qui ont
un fonctionnement optimal en présence de substrats mous (sable, vase non cohésive, graviers,
argiles).
La DAS, ayant un tirant d’eau plus faible et surtout étant retenue au fond par ses deux
grands pieux, intervient et se déplace le long des quais pour entretenir les souilles d’accostage des
navires. Elle n’a aucune capacité de stockage à bord et refoule la vase via une conduite de 80 à
100m de longueur, à l’extérieur du port où dans les chenaux de navigation où la DAM pourra se
déplacer.
Largement plébiscitée par les gestionnaires des grands ports maritimes et estuariens pour
son efficacité et la grande capacité de stockage de son puits (ex : 8500m3 pour la « Samuel de
Champlain »), la DAM avance à faible vitesse (2 à 4 noeuds) sur une zone prédéfinie par le plan
de dragage. Tout en restant à distance raisonnable des quais et appontements pour rester
14
Grande ride mobile de sable se déplaçant à la faveur des courants de marée entre autres, et pouvant atteindre des hauteurs importantes (jusqu’à 3m).
- 10 -
manœuvrante en toute sécurité, elle aspire à l’aide de son élinde traînante munie d’un bec un
mélange d’eau et de sédiments de densité supérieure à 1.15, mesurée en continu par une cellule
radioactive. L’élinde crée alors un sillon de 0,3 à 1,5m de profondeur. En fonction du type de
sédiment recueilli (vase dense ou sable), la densité de la mixture sera variable, tout comme le
volume aspiré dans le puits. Le sable étant plus dense et plus compact que la vase, le volume
aspiré sera moindre car l’enfoncement maximal autorisé du navire sera plus vite atteint.
Une fois le puits rempli, la DAM, n’étant pas conçue pour débarquer son chargement à
terre, se dirige vers sa zone de clapage, définie en amont lors d’une étude d’impact et d’analyse
des risques sur l’environnement. La drague relargue ses sédiments soit en ouvrant sa coque en
deux, soit à l’aide de clapets existants au fond du puits, où un circuit d’eau à haute pression
(« jetting ») aura permis, avant le clapage, de remettre en suspension les vases ayant sédimenté
durant le transit. Quand la capacité du puits est limitée, la « surverse de densification » peut être
une solution. En milieu vaseux, quand la mixture déjà présente dans le puits est peu dense, il est
possible de continuer à draguer, donc d’augmenter la quantité de sédiments, en laissant s’écouler
l’eau excédentaire par débordement.
C.3/ Dragues hydrodynamiques
Plus que des dragues, ce sont deux techniques de dragage qui ont l’avantage de ne pas
avoir recours à des moyens de transports maritimes ou terrestres, mais l’inconvénient de ne pas
être adaptées pour des particules de dimension supérieure à 2µm.
Le dragage « à l’américaine », consiste à aspirer la vase dans le puits de la drague puis de
la rejeter immédiatement et en continu pendant le dragage pour la remettre en suspension et
l’évacuer par dispersion naturelle dans les courants de marée. En général, cette technique est
utilisée au moment du jusant pour favoriser l’évacuation vers l’extérieur du port. Mais elle est
devenue exceptionnelle voire interdite, car cette remise en suspension très importante des
sédiments peut avoir de fortes incidences sur l’environnement marin.
Le dragage par injection d’eau (« jetsed »), créé par
une compagnie néerlandaise Van Oord, consiste à fluidifier
le sol par application d’eau à basse pression. L’injection
d’une énergie hydrodynamique suffisante dans la couche
superficielle de sédiments (« crème de vase »), casse les
forces de liaisons existant entre les particules, puis permet de
remobiliser les sédiments dans le milieu, qui se déplacent
alors par gravité vers des zones plus profondes. Cette
technique utilise le principe des avalanches en montagne.
Contrairement aux sables, les plus fines particules des
sédiments dériveront sur des plus grandes distances.
©IFREMER
Après avoir étudié la nécessité du dragage, les techniques d’estimation et de caractérisation
des sédiments portuaires, et les différentes dragues utilisées dans ce cadre, nous examinerons les
dispositions particulières définies par la réglementation quant à l’usage et la destination de ces
matériaux et à leur devenir possible en limitant au minimum les impacts et conséquences sur
l’environnement.
- 11 -
II - LEGISLATION ET DEVENIR DES SEDIMENTS DE DRAGAGE
Nous étudierons plus largement le cadre juridique international dans lequel s’insère la
gestion de ces sédiments, puis l’application au niveau national, avant de faire une liste non
exhaustive des moyens possibles de gestion de ces sédiments peu, faiblement ou fortement
contaminés.
A/ BASE REGLEMENTAIRE
A.1- Internationale
La gestion des sédiments de dragage repose tout d’abord sur l’élaboration d’une
réglementation de l’immersion en mer, qui représente la technique la plus utilisée depuis
l’existence du dragage. Existant désormais des alternatives à cette pratique, une autre
réglementation relative à la gestion à terre de ces matériaux est progressivement créée.
La Convention de Londres, adoptée le 13 novembre 1972 et entrée en vigueur le 30 août
1975, porte sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion de déchets, à partir
de navires, aéronefs, et plateformes. Elle s’applique à « toutes les eaux marines à l’exception des
eaux intérieures des Etats » (art.III). Elle établit un liste de matières dont l’immersion est interdite
(liste « noire » de l’annexe I) ou conditionnée par l’obtention d’un permis d’immersion (liste
« grise » de l’annexe II). Les sédiments de dragage sont définis comme des « matériaux de
dragage », et selon le paragraphe 9 de l’annexe 115, même s’ils contiennent des contaminants tels
que les composés organo-halogénés, le mercure et le cadmium, à l’état de trace, ils ne sont pas
soumis à l’interdiction de l’immersion, mais aux dispositions des annexes II et III (qui liste les
éléments nécessaires à l’autorisation d’immersion : caractérisation de la matière, du lieu
d’immersion et de la méthode de dépôt, évaluation des conséquences de l’opération). Le protocole
de 1996, qui constitue le droit positif pour les Etats Parties, conforte la prévention de la pollution
par immersion de déchets, interdit l’incinération des déchets en mer et insiste sur l’obligation des
Etats parties de contribuer à la protection de l’environnement, en prenant « toutes les mesures
efficaces pour prévenir, réduire et éliminer la pollution causée par l’immersion des déchets »
(art.2). Il est précisé que dans les eaux intérieures, l’Etat riverain choisira entre appliquer ce
protocole ou des mesures permettant de contrôler efficacement l’immersion de ces déchets et la
pollution inhérente. L’annexe I de ce protocole liste les matières pouvant être immergées et définit
les déblais de dragage comme des déchets, l’annexe II nous informe sur les audits et procédures à
suivre en vue de l’obtention de l’autorisation d’immersion.
Fusion des conventions d'Oslo, (adoptée le 15 février 1972 et relative à la prévention de la
pollution marine par les opérations d’immersions) et de Paris (adoptée le 04 juin 1974 et portant
sur la prévention de la pollution marine d’origine tellurique), la convention OSPAR16 est adoptée
le 22 septembre 1992, actualisée le 18 mai 2006, et entre en vigueur le 25 mars 1998. L’objectif de
cette « convention pour la protection de l’environnement marin de l’Atlantique du Nord-est », est
d’améliorer la qualité des eaux en réduisant ou supprimant les rejets dangereux, afin de protéger et
restaurer l’environnement marin en ayant des teneurs en éventuels contaminants en dessous de
celles existant à l’état naturel. Son champ d’application est assez vaste (4% des océans du globe
soit 13,5millions de km²), puisqu’il s’étend des eaux intérieures à la haute mer comprise. Cette
convention vient ainsi compléter le vide laissé par celle de Londres, qui n’incluait pas les eaux
intérieures. Depuis la conférence de Sintra le 23 juillet 1998, où une cinquième annexe
15
« A l'exception des déchets industriels tels que définis au paragraphe 11 ci-dessous, la présente Annexe ne s'applique pas aux déchets et autres matières, tels les boues
d'égouts et les matériaux de dragage, qui contiennent les substances définies aux paragraphes 1 à 5 ci-dessus à l'état de contaminants en traces. L'immersion de ces
déchets est soumise aux dispositions des Annexes II et III, selon le cas. » (Extrait annexe 1 - Convention de Londres 1972)
16
Lignes directrices et limites juridictionnelles en annexe 1 de ce mémoire
- 12 -
« biodiversité » et un appendice 3 ont été rajoutés, les Etats parties ont obligation de coopérer et de
mettre en œuvre toutes les mesures possibles et nécessaires pour « prévenir et supprimer la
pollution », pour protéger les océans « des effets préjudiciables des activités humaines » et
« sauvegarder la santé de l'homme». Ainsi, ces états s’engagent à appliquer les deux principes
cités précédemment, « utiliser les meilleures techniques disponibles », et appliquer « la meilleure
pratique environnementale ». Concernant le dragage et l’immersion des sédiments, la convention
ne considère pas les sédiments de dragage comme des déchets et fixe des lignes directrices afin
d’aider les maîtres d’ouvrage à supprimer la pollution éventuelle (annexe III), à assurer une
« surveillance continue » » du milieu marin (annexe IV), et à protéger « les écosystèmes et la
diversité biologique de la zone maritime » (annexe V). Elle leur recommande surtout de se
questionner sur la nécessité du dragage et la possibilité de minimiser au maximum ces rejets
contaminés ou non. Pour évaluer les impacts et déterminer les meilleures options à prendre pour le
traitement de ces déblais de dragage, la convention dispose que les Etats parties détermineront des
niveaux de pollution rendant l’immersion des sédiments acceptable ou non, à partir des critères
d’évaluation exposés dans l’appendice 2 de la convention.
La Convention de Barcelone sur la protection du milieu marin et du littoral
méditerranéen, adoptée une première fois le 16 février 1976 et entrée en vigueur le 12 février
1978, est renforcée et amendée le 10 juin 1995, et reprend les grands principes de la Convention
OSPAR. Pour son application, elle prévoit des accords entre Etats parties qui prennent la forme de
protocoles additionnels, comme celui relatif à « la prévention et l’élimination de la pollution de la
mer Méditerranée par les opérations d’immersion effectuées par les navires et aéronefs »
(Protocole sur l’immersion) qui impose « l’interdiction générale de l’immersion » (à quelques
exceptions près). Il liste un ensemble de substances interdites ou soumises à autorisation, prévoit
un contrôle par une « autorité désignée » de l’ensemble de l’opération de dragage et d’immersion,
du suivi environnemental. Le champ d’application est moins précis et rassemble « les eaux
maritimes, golfes et mers de la Méditerranée ». Il peut s’étendre au littoral en fonction du souhait
du pays concerné. Pouvons-nous légitimement penser que les eaux intérieures et territoriales font
partie des eaux maritimes, sur lesquelles peuvent s’appliquer cette Convention ?
A.2- Communautaire
La directive cadre sur l’eau (DCE) 2000/60/CE du 23 octobre 2000 vise à donner une
cohérence à l’ensemble de la politique européenne quant à « la gestion et à la protection des eaux
par grand bassin hydrographique ». Elle fixe pour 2015 un objectif de bon état écologique et
chimique des eaux superficielles (douces et salines) et souterraines. Cette directive se traduit par
une augmentation de la surveillance des écosystèmes aquatiques et la mise en œuvre d’une
méthodologie pour définir des seuils de qualité pour l’environnement, que sont les normes de
qualité environnementales (NQE)17, dans une perspective de développement durable. La DCE fixe
une liste de 41 substances chimiques jugées prioritaires au niveau national (métaux, pesticides,
polluants industriels et autres polluants) et de 10 autres pour la France qui permettent de définir la
qualité biologique. Au sens de la DCE, les ports étant situés dans des masses d’eau de transition
(sous influence des courants d’eau douce venant de l’embouchure des rivières et des eaux
littorales) ou côtières qui peuvent être fortement modifiées, les opérations de dragage sont
soumises aux exigences de cette directive européenne.
La DCE a abrogé et englobé de nombreux textes, sauf entres autres, la directive
76/160/CEE du Conseil, du 8 décembre 1975, concernant la gestion de la qualité des eaux de
baignade, qui elle-même a été abrogée par la directive 2006/7/CE du 15 février 2006 avec effet
17
La directive 2008/105/CE établit des normes de qualité environnementale (NQE) pour les substances prioritaires et certains autres polluants, comme le prévoit l'article
16 de la DCE 2000/60/CE. La NQE représente la concentration d’un polluant ou d’un groupe de polluants dans l’eau, les sédiments ou le biote, qui ne doit pas être
dépassée afin de protéger la santé humaine et les écosystèmes.
- 13 -
au 31 décembre 2014. Elle fixe des critères de qualité des eaux de baignade et les valeurs seuils de
certains paramètres physico-chimiques et microbiologiques représentatifs. Dans la directive de
2006, ne sont conservés que deux paramètres microbiologiques indicateurs de contamination
fécale, dont les valeurs seuils sont proposées par l’Organisation mondiale de la santé, sur les 19
paramètres (physico-chimiques, microbiologiques et esthétiques) exigés par la directive
précédente. Les sédiments de dragage, de part leur potentielle contamination chimique, ne seraient
plus soumis à la nouvelle directive.
La Directive cadre « stratégie pour le milieu marin » (DCSMM) 2008/56/CE du 17
juin 2008, reprenant l’approche éco-systémique employée dans la DCE, promeut le bon état
écologique du milieu marin à l’horizon 2020, par une utilisation durable des océans et la
conservation des écosystèmes marins, en prévoyant notamment la création d’un réseau cohérent
d’aires marines protégées. Cette directive a un cadre d’évaluation plus large que la DCE
puisqu’elle définit le bon état écologique par 11 descripteurs, dont cinq peuvent concerner les
opérations de dragage. Le descripteur 1 impose la conservation de la biodiversité, le 6 garantit
l’intégrité des fonds et la préservation des écosystèmes benthiques, le 7 vérifie l’absence de
perturbation due à une modification permanente de l’hydrographie du milieu, le 8 impose que le
niveau de concentration des contaminants dûs à une pollution n’ait pas d’effets néfastes, enfin le 9
demande que la quantité de contaminants pouvant être présents dans les poissons et autres fruits
de mer restent dans les limites fixées au niveau communautaire.
La directive cadre 2008/98/CE du 19 novembre 2008 relative aux déchets18 révise la
directive 2006/12/CE Conseil du 5 avril 2006, et constitue le texte de référence de la politique de
gestion des déchets au sein de l’Union Européenne. Au sens du paragraphe 3 de l’article 219, les
sédiments de dragage (s’il est prouvé qu’ils ne sont pas dangereux) sont exclus du champ
d’application de la directive et ne sont donc pas des déchets. A contrario, les sédiments dangereux
sont des déchets soumis aux dispositions de cette directive.
A.3- Nationale
Les conventions ratifiées au niveau international et la législation communautaire sont des
supports sur lesquels peuvent s’appuyer les états afin de mettre en place un ensemble de
procédures spécifiques applicables au niveau national.
Les principes généraux du cadre réglementaire du dragage reposent sur la loi n°2006-1772
du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques (LEMA), issue de la transposition de
la directive cadre européenne sur l’eau, et modifiant le livre II du code de l’Environnement. Cette
législation sur l’eau vise à assurer la préservation des écosystèmes aquatiques par une gestion
équilibrée et durable et une lutte contre la pollution par déversement, écoulement, rejet de toute
nature pouvant engendrer une dégradation des eaux superficielles, souterraines et de la mer dans
les eaux territoriales (Articles L.210-1 et L.211-1 du Code de l’Environnement). Aussi, toute
opération de dragage se concluant par une immersion ou une valorisation à terre, et susceptible de
« présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique et des effets sur la ressource en eau et
les écosystèmes aquatiques », est soumise au régime d’autorisation et de déclaration auprès du
préfet visés aux articles L.214-2 à L.214-6 du Code de l’Environnement. Sont concernées « les
installations, ouvrages, travaux, et activités réalisés à des fins non domestiques par toute personne
physique ou morale, publique ou privée » (Art L.214-1). Cependant, les eaux maritimes ne sont
que vaguement évoquées dans l’article L.210-1 du code de l’Environnement. Dans ce cadre flou,
les prérogatives du Préfet Maritime revêtent une importance toute particulière. En effet, par le
18
« tout résidu d’un processus de production, de transformation ou d’utilisation, toute substance, matériau, produit ou plus généralement tout bien, meuble abandonné ou
que son détenteur destine à l’abandon ». Art L 541-1 du Code de l’Environnement
19
« Sans préjudice des obligations prévues par d'autres dispositions communautaires pertinentes, les sédiments déplacés au sein des eaux de surface aux fins de gestion
des eaux et des voies d'eau, de prévention des inondations, d'atténuation de leurs effets ou de ceux des sécheresses ou de mise en valeur des terres sont exclus du champ
d'application de la présente directive, s'il est prouvé que ces sédiments ne sont pas dangereux »
- 14 -
Décret n°2004-112 du 6 février 2004 relatif à l'organisation de l'action de l'Etat en mer, et outre
son pouvoir de police administrative générale, il est compétent depuis la laisse de basse mer
jusqu’à la limite des eaux sous juridiction française, pour toute question relative à la protection de
l’environnement marin, et de santé publique. Mais il n’a pas d’autorité dans les ports et les
estuaires en deçà de la limite transversale de la mer. Donc pour tout rejet en mer, l’avis du Préfet
Maritime sera sollicité, alors que son homologue au niveau départemental aura la même
compétence dans les ports non estuariens.
En 2005, afin de réduire le nombre de procédures, l’ordonnance du n°2005-805 du 18
juillet 2005 portant simplification, harmonisation et adaptation des polices de l'eau et des milieux
aquatiques, de la pêche et de l'immersion des déchets, permet d’aboutir à une procédure unique
pour les opérations de dragage donnant lieu à immersion. Cependant, l’article L.218-43 du Code
de L’Environnement, en application de la Convention de Londres de 1972, pose l’interdiction de
l’immersion de déchets, qui par dérogation prévue à l’article L.218-44, l’autorise puisque le rejet
en mer de déblais de dragage est soumis aux articles L. 214-1 à L. 214-4 et L.214-10. Dans ce
cadre, l’autorisation ou la déclaration de dragage vaut permis d’immersion.
L’année suivante, les décrets n°2006-880 et n°2006-881 du 17 juillet 2006 ont
respectivement modifié les décrets n°93-742 et 93-743 du 23 mars 1993 relatifs aux procédures
d’autorisation et de déclaration prévues par les articles L. 214-1 à L. 214-3 du code de
l’environnement pour la protection de l’eau et des milieux aquatiques, et à la nomenclature des
opérations soumises à autorisation ou à déclaration. Ils ont été intégrés aux articles R.214-1 à
R.214-56 de la partie réglementaire du Code de l’Environnement par décret le 22 mars 2007.
En fonction du devenir des sédiments (rejet en mer ou stockage et valorisation à terre), les
initiateurs d’un projet de dragage doivent être vigilants vis-à-vis d’une réglementation spécifique
et propre à chaque filière, de laquelle découlent des procédures administratives et techniques plus
ou moins contraignantes.
B/ DIFFERENTES ALTERNATIVES
Face à la prise de conscience collective de l’obligation de préserver l’environnement pour
les générations futures, les responsables du dragage et les autorités publiques se trouvent donc
confrontés à des choix difficiles : ne rien faire (en l’absence de réelle politique de gestion de ces
matériaux de dragage et de techniques adaptées), ou draguer (et se poser la question du devenir de
matériaux éventuellement contaminés). Les solutions envisagées, dont certaines sont présentées
ci-après, sont déterminées en fonction des critères réglementaires, environnementaux (retenir la
solution la moins pénalisante pour l’environnement et la santé humaine), économiques et
sociologiques (compréhension et acceptation par l’opinion publique).
B.1/ Rejets en eaux libres (=immersion)
Au terme de clapage ou
d’immersion, nous préférerons parler de
« relocalisation en mer », car finalement le
dragage ne fait que déplacer des sédiments
d’un lieu à un autre tout en restant dans
l’environnement marin. Cette méthode
représente la destination principale de
90% des volumes de sédiments dragués
dans les ports maritimes français.
Schéma de principe du clapage (©Ifremer)
- 15 -
Le choix de la zone d’immersion est fonction de critères :
- hydrodynamiques : zone calme ou au contraire dispersive car soumise aux courants
marins et de marée, et favorisant la propagation d’une éventuelle pollution par les
contaminants contenus dans les sédiments. Les qualités physico-chimiques et la turbidité
de l’eau de mer vont-elles varier ?
- morphologiques : est-il plus judicieux d’utiliser une excavation naturelle pour déverser
les sédiments ? Le dépôt régulier de sédiment fait-il varier la bathymétrie de la zone ?
- sédimentologiques : l’extraction d’une quantité non négligeable de sédiments dans un
milieu et le rejet dans un autre crée-t-elle un déséquilibre ?
- écologiques : le déplacement des populations benthiques, animales ou bactériennes,
engendre-t-il un appauvrissement ou une biodiversité dans les milieux d’extraction et de
dépôt ? Ces organismes sont-ils capables de s’adapter à un autre milieu sans perturber
l’écosystème ?
De son côté, le sédiment à extraire peut être le siège de contamination par des polluants
très divers. Le milieu naturel est soumis à tous types de rejets, industriels, urbains, agricoles, qui
entraînent un apport important de polluants dans les rivières, fleuves, estuaires, ports via les
bassins versants.
En conditions normales, ces polluants sont peu solubles dans l’eau et se concentrent dans
les matières en suspension (MES). Lors de la sédimentation20, ils s’insèrent dans les vases. Si les
conditions du milieu restent inchangées, ces contaminants sont peu remobilisables et présentent un
risque limité. Mais lorsque les conditions physico-chimiques sont modifiées, ce sédiment peut
alors devenir potentiellement toxique pour l’environnement, la faune, la flore et l’homme.
Les métaux lourds entrent dans la constitution des roches, et sont présents à l’état naturel
dans les sédiments. Ils peuvent se concentrer dans des zones de forte activité humaine, changer de
forme et se disperser plus ou moins dans le milieu. Malheureusement, leur durée de vie infinie et
le fait qu’ils ne sont pas biodégradables, font d’eux des polluants difficiles à repérer, à séparer et à
contenir. Les plus dangereux sont le mercure et le cadmium, le plomb, le cuivre, le nickel, le
chrome et le zinc, ainsi que les quelques 60 000 molécules organiques toxiques fabriquées et
utilisées par l’homme, comme les pesticides, Poly-Chloro-Biphényl (PCB), Tri-Butyl-Etain
(TBT), Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAP),... Egalement, les nutriments provenant
des rejets d’eaux usées urbaines, d’effluents agricoles et industriels à haute teneur en phosphates,
nitrates et ammoniaques. Dès que ces éléments sont présents en trop grande quantité, et qu’ils ne
peuvent plus être correctement oxydés par le milieu naturel, ils sont responsables de
l’eutrophisation21 de l’eau. Enfin, des bactéries et virus pathogènes peuvent se retrouver dans les
zones aquatiques suite à une défaillance ou une absence de traitement adéquat en amont.
C’est ainsi que des poissons, crustacés, coquillages peuvent être victimes de ces pollutions
en devenant fortement contaminés par bioaccumulation sur plusieurs années. Ils sont alors rendus
impropres à la consommation humaine. Prenons l’exemple « des PCB en Baie de Seine ». Depuis
une vingtaine d’années, l’IFREMER retrouve de forts taux de concentration en PCB dans les
moules et les huîtres. Après une interdiction de pêche des poissons d’eau douce, un arrêté
préfectoral pris le 8 février 2010, a interdit la pêche à la sardine en Baie de Seine. Ce poisson
pélagique, par définition n’est pas en contact direct avec les sédiments. Ce phénomène traduit
donc qu’il y a une contamination complète de la chaine alimentaire à partir du rejet de sédiments
fluviaux fortement pollués arrivant en mer. Après les moules et les sardines, de nouvelles analyses
20
Généralités sur la sédimentation en annexe 2 de ce mémoire
Enrichissement d’une eau en sels minéraux entraînant des déséquilibres écologiques tels que la prolifération de la végétation aquatique ou l’appauvrissement du milieu
en oxygène. Ce processus, artificiel ou naturel, peut concerner les lacs, les étangs, les eaux littorales peu profondes.
21
- 16 -
montrent que le maquereau et le bar auraient des taux de contamination au PCB suffisamment
significatifs pour que les autorités songent aussi à interdire la pêche. La contamination des
sédiments est un sujet bien plus large s’étendant au-delà de la seule enceinte d’un port.
L’analyse des risques relatifs à ces différents paramètres et contaminants doit être menée
afin de déterminer les impacts possibles du rejet en mer des sédiments de dragage. Ce point sera
approfondi ultérieurement.
Pour réglementer cette activité, et honorer ses engagements internationaux, l’Etat français
a rédigé plusieurs textes dont l’essentiel répond aux exigences de la Convention OSPAR et la
Directive Cadre de l’Eau. Mais il n’est pas en conformité avec deux autres textes communautaires
(DCE et DCSMM), puisqu’il autorise toujours l’immersion. Des améliorations et modifications
devront être apportées à cette réglementation afin d’atteindre les objectifs de bon état écologique
et chimique imposé par ces deux directives.
Le GEODE, s’est vu confier la tâche de définir deux niveaux de pollution des sédiments
qui conditionnent la procédure administrative à mettre en place. En réponse, il a proposé deux
seuils de référence N1 et N2 pour huit métaux lourds et les PCB (totaux et sept congénères), que
le législateur a inscrit dans l’arrêté du 14 juin 2000 (modifié par l’arrêté du 09 août 2006 (J.O
n° 222 du 24 septembre 2006) lui-même complété par l’arrêté du 23 décembre 2009 (JO n°12 du
15 janvier 2010) où les TBT sont ajoutés) relatif aux niveaux de référence à prendre en compte
lors d'une analyse de sédiments marins ou estuariens présents en milieu naturel ou portuaire. Cet
arrêté est accompagné de la circulaire n°2000-62 du 14 juin 2000 qui s’adresse aux services de
l’Etat et gestionnaires de ports afin d’exposer les conditions d’utilisation du référentiel de qualité
défini dans cet arrêté, les méthodes de prélèvements d’échantillons représentatifs, les moyens pour
approfondir le diagnostic. Enfin, les valeurs indiquées sont sous-tendues à l’évolution des
connaissances scientifiques et peuvent être modifiées en conséquence.
Ces seuils permettent de déterminer trois catégories de sédiments : au dessous de N1, le
sédiment peut être immergé (car la concentration en contaminants est telle qu’aucune étude
complémentaire n’est nécessaire), entre les niveaux N1 et N2, des études approfondies sont
nécessaires pour déterminer la destination finale du sédiment la moins impactante, et enfin audessus de N2, l’immersion n’est pas interdite sous certaines conditions mais le stockage à terre
sera préféré.
L’arrêté du 09 août 2006 modifie également l’arrêté du 23 février 200122.
Une circulaire plus récente, n°20-2008 du 04 juillet 2008 (Bulletin Officiel MEEDAT23
n°2008/15 du 15 août 2008) relative à la procédure concernant la gestion des sédiments lors de
travaux ou d’opérations impliquant des dragages ou curages maritimes et fluviaux, présente
différentes marches à suivre pour les trois principales destinations des sédiments de dragage :
l’immersion, la commercialisation et la gestion à terre. Pour l’immersion, elle fait référence à
l’arrêté du 09 août 2006 et à la nomenclature issue de la loi LEMA annexée au décret n°2006-881
du 17 juillet 2006. Cette dernière définit le milieu marin et classe l’activité de dragage dans la
rubrique 4.1.3.0 (« Dragage et/ou rejet y afférent en milieu marin ») et définit en fonction des
seuils N1 et N2 si une autorisation ou déclaration est nécessaire, comme présenté ci-dessous.
22
Arrêté du 23 février 2001 fixant les prescriptions générales applicables aux travaux de dragage et rejet y afférent soumis à déclaration en application des articles
L.214-1 à L.214-3 du code de l'environnement et relevant de la rubrique 4.1.3.0 (2° (a, II), 2° (b, II) et 3°(b)) de la nomenclature annexée au décret n° 93-743 du 29 mars
1993 modifié.
23
MEEDAT : Ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement durable et de l'Aménagement du Territoire devenu depuis mai 2012 le Ministère de l’Ecologie,
du Développement Durable et de l’Energie
- 17 -
Enfin, pour honorer ses engagements internationaux dans le cadre de l’évaluation de l’état
écologique et chimique des eaux de surface, la France transpose le 21 avril 2004 la Directive
communautaire sur l’Eau, et rédige l’arrêté du 25 janvier 201024 qui expose les méthodes à utiliser
ainsi que les dix substances et normes de qualité environnementale à analyser. Pour les « masses
d’eaux côtières », comprenant, au sens de l’article 2 du dit arrêté, les eaux de transition, les eaux
intérieures et les eaux territoriales, seul l’état chimique est pris en compte.
B.2/ Rejets confinés (=filière terre)
Une fois le niveau de contamination du sédiment déterminé, et en fonction de la
réglementation citée précédemment, plusieurs solutions peuvent être envisagées comme exposé cicontre :
©IFREMER
Cependant, selon que le sédiment est déposé à quai ou non, sa définition réglementaire
change, et la législation à laquelle il est soumis aussi. En effet, le sédiment est toujours considéré
comme tel s’il passe directement de la drague au lieu de dépôt, transit ou stockage (par une
conduite par exemple). Mais, s’il est déposé sur le quai avant d’être pris en charge par des camions
ou autres barges, puis transporté au centre de stockage, ce sédiment devient un déchet, sauf si
l’autorité portuaire le réutilise immédiatement dans sa zone de compétences.
24
Arrêté du 25 janvier 2010 relatif aux méthodes et critères d’évaluation de l’état écologique, de l’état chimique et du potentiel écologique des eaux de surface pris en
application des articles R.212-10, R.212-11 et R.212-18 du code de l’environnement
- 18 -
La circulaire n°20-2008 du 04 juillet 2008 définit alors un autre champ d’application et la
procédure inhérente pour classer ce type de déchet. Lorsque pour des impératifs
environnementaux et sanitaires la gestion à terre est envisagée, il revient au propriétaire du déchet
de définir si celui-ci présente un danger particulier pour la santé humaine et l’environnement. Le
décret n° 2002-540 du 18 avril 2002 relatif à la classification des déchets a été abrogé par
l’article 4 du décret n° 2007-1467 du 12 octobre 2007 relatif au livre V de la partie réglementaire
du code de l'environnement et modifiant certaines autres dispositions de ce code, et transcrit dans
ce même code aux articles R541-7 à R541-11.
Deux annexes complètent ce décret.
La première liste 14 propriétés pouvant rendre les déchets dangereux. Ces critères sont de
quatre types. « H1 à H3 » caractérisent les dangers physiques, « H4 à H12 » les dangers pour la
santé humaine, « H13 » un danger suite à l’élimination du déchet, et « H14 » l’écotoxicité25, qui
est le seul critère notifiant réellement la dangerosité des sédiments et faisant l’objet d’études
approfondies. Par comparaison avec les seuils N1/N2 de la circulaire du 14 juin 2000, ce critère
semble beaucoup moins exigeant et admet des concentrations beaucoup plus fortes. Ce manque de
cohérence entre les deux réglementations peut être préjudiciable et source de conflits entre
différents acteurs, vu les intérêts socio-économiques mis en jeu. Précisons aussi que,
contrairement aux procédures d’analyses effectuées dans le cadre d’un projet d’immersion, lors de
l’étude de faisabilité d’un traitement à terre et avant même l’étude d’impact environnemental, des
tests d’écotoxicité sont menés pour mesurer notamment ce critère « H14 ». Ils sont associés à des
tests de lixiviation, qui permettent de mesurer sur 24h la capacité des sédiments à relarguer des
contaminants dans le milieu terrestre.
La deuxième, qui est la nomenclature « déchets », désigne l’ensemble des déchets
dangereux ayant une ou plusieurs propriétés énumérées à l’annexe I (article 541-8), et les classe
par catégorie.
Les sédiments peuvent être classés soit dans la catégorie 17 05 05* (« boues de dragage
contenant des substances dangereuses », représentées par l’astérisque) et destinés, de part leur
dangerosité, à être stockés en centre d’enfouissement technique (CET), lui-même soumis au
régime des Installations Classées Pour l’Environnement, dont la nomenclature26 est constituée par
la colonne A de l’annexe à l’article R. 511-9 du Code de l’Environnement. Ces CET, faisant partie
des filières d’élimination des déchets, sont conçus pour stocker des déchets ultimes27 en
minimisant les risques de pollution ou de contamination de l'environnement. Ils sont de trois types,
mais seulement deux sont susceptibles d’accueillir des sédiments de dragage : les « classe 1 »,
soumis à autorisation préfectorale, accueillant les déchets dangereux et construits sur des terrains
généralement imperméables avec des normes de construction et de sécurité drastiques, et les
« classe 3 » relevant du Code de l’Urbanisme et admettant les déchets inertes, qui peuvent aussi
faire l’objet d’une valorisation.
Soit, les sédiments peuvent être classés dans la catégorie 17 05 06 (« boues de dragage
autres que celles visées à la rubrique 17 05 05 »). Un certain nombre de voies de traitement ou de
valorisation sont alors envisagées, toujours sous le couvert d’une autorisation ou d’une déclaration
pour les installations recevant ces sédiments, avant ou après traitement (Articles 214-1 à 214-6 du
Code de l’Environnement).
25
H14 « Ecotoxique » : substances et préparations qui présentent ou peuvent présenter des risques immédiats ou différés pour une ou plusieurs composantes de
l'environnement. (Annexe I à l'article R.541-8 du Code de l’Environnement)
26
Les rubriques relatives au transit ou stockage de déchets comme les sédiments de dragage sont 2716, 2718, 2760, 2790 et 2791, et modifiées par le décret n° 2010-369
du 13 avril 2010 modifiant la nomenclature des installations classées.
27
« Déchet, résultant ou non du traitement d'un déchet, qui n'est plus susceptible d'être traité dans les conditions techniques et économiques du moment, notamment par
extraction de la part valorisable ou par réduction de son caractère polluant ou dangereux. » (Article 541-1 du Code de l’Environnement)
- 19 -
Qu’ils soient contaminés ou non, les sédiments doivent subir des prétraitements, comme le
tri granulométrique ou la dessiccation, afin de réduire leur volume, faciliter leur traitement et
stockage en amont, et globalement de réduire les coûts de dépollution. Opération visant à détruire,
extraire ou immobiliser des matériaux pollués, le traitement est possible grâce à différentes
techniques adaptées à chaque type de sédiment, et est un préalable à un stockage ou une
valorisation.
Pour les matériaux fortement pollués, plusieurs procédés sont utilisables. Le traitement
thermique permet de détruire la quasi-totalité des contaminants. Le traitement chimique utilise les
caractéristiques physico-chimiques des sédiments et de leurs contaminants pour réduire la
pollution. Le traitement biologique favorise la décomposition, par des micro-organismes, des
liaisons chimiques existant entre les polluants et les particules fines en éléments moins toxiques.
Le traitement par extraction consiste à récupérer par dissolution les métaux lourds adsorbés par les
sédiments. Le traitement par immobilisation piège les contaminants dans des matrices solides en
vue d’éviter un transfert ultérieur dans l’environnement. Enfin, il ne faut pas oublier de traiter tous
les effluents ayant permis de dépolluer les sédiments, comme par exemple la floculation pour
extraire les métaux lourds, la microfiltration à membranes pour réduire la quantité de particules en
suspension, et l’ozonation ou la mise en tourbières (pour les moins polluées) pour retirer un
maximum de composés organiques.
Enfin, en fonction de la qualité finale des sédiments traités ou non et des besoins locaux en
matériaux, l’ultime étape de la valorisation peut se présenter sous différentes formes :
rechargement de plages limitrophes, comblement d’anciennes carrières (soumis aussi à la Loi
n°93-3 du 04 janvier 1993 relative aux carrières) ou de remise en état de vasières naturelles,
remblais routiers, remblais dans le cadre de support de construction (terre-plein, quai, comblement
de digues avec les sédiments de dragage en vue de créer une butte paysagère), matériaux de
construction (briques, ciment), épandage agricole (nécessite la prise en compte de critères et d’une
réglementation supplémentaire liée aux risques sanitaires sur les sols et cultures),…
Nous pouvons relever plusieurs contraintes inhérentes à cette voie de gestion. La plus
importante est le transport et la logistique qui, en fonction des caractéristiques du sédiment, sont
plus ou moins coûteuses. La deuxième est liée à la nécessité d’utiliser des engins de travaux
publics, telles des pelleteuses, pour charger ce sédiment difficile à exploiter et à transvaser, de part
sa forte teneur en eau et son caractère très malléable. La troisième est le problème de la surface
nécessaire à terre pour étaler ces sédiments, qui peuvent contaminer par infiltration les nappes
phréatiques sous-jacentes, si le lieu de stockage est inadapté. Enfin, cette filière étant encore peu
exploitée, les volumes accueillis par ces structures sont trop faibles et trop variables pour assurer
un recyclage rentable, pérenne et stable de ce type de déchet. Pour ces raisons, à l’heure actuelle,
les maîtres d’ouvrage préfèrent majoritairement opter pour l’immersion des sédiments plutôt que
leur valorisation à terre.
Enfin, la circulaire n°20-2008 du 04 juillet 2008 prévoit une dernière possibilité de gestion
des sédiments, qui est leur commercialisation, s’ils ne sont pas contaminés et majoritairement
constitués de « sables, graviers, galets et autres produits minéraux solides ». Ceux-ci ne rentrant
pas dans le cadre de notre étude, nous choisirons de ne pas approfondir cette issue, malgré tout
bien réglementée.
- 20 -
B.3/ Autres pistes de valorisation
L’opinion publique et les usagers de la mer, amateurs ou professionnels, se font de plus en
plus pressants quant à la prise en compte de la protection de l’environnement et de la santé
humaine. Ils demandent ainsi aux autorités françaises en charge de ce dossier épineux des
sédiments de dragage, de respecter les directives européennes, et de proposer en ce sens des
solutions durables et économiquement viables. Pourquoi ne pas prendre exemple sur la Belgique,
qui, considérant les sédiments comme des déchets, a préféré interdire toute immersion au profit de
la valorisation à terre, et donné les moyens nécessaires à la réalisation de programme
d’envergure28.
Ainsi, pour tenter de répondre à cette demande croissante, et de trouver une réponse au
devenir de sédiments portuaires fortement contaminés dont l’immersion est impossible, de
nombreux projets pilote voient le jour partout dans le monde. Au niveau national, voici quelques
programmes représentatifs.
Le projet européen SETARMS (Sustainable Environmental Treatment and Reuse of
Marine Sediment)29 engagé en 2009 à l’initiative de l’Association des ports locaux de la Manche,
vise à trouver d’ici 2013 une filière stable et durable de valorisation de ces déblais de dragage dans
le secteur routier. Il rassemble quatorze ports de Calais à Douarnenez, des partenaires scientifiques
(Université de Douai et Caen entre autres), des autorités portuaires, Eurovia (filiale routière du
groupe Vinci), et deux universités britanniques (Brighton et Exeter). Le projet est encore au stade
d’analyses des sédiments et d’études en laboratoires des différents traitements envisageables.
Le projet pilote SEDIMARD (traitement sur les SEDIments MARins Dragués
contaminés), achevé en 2008, porté par une dizaine de ports franco-italiens, avait pour objectif, à
partir de sédiments contaminés, d’expérimenter pendant 18 mois des techniques de prétraitements
et traitements sur une usine pilote, de mener des études d’écotoxicité, de stabilisation et de
solidification des sédiments, et d’analyser enfin les filières terrestres existantes. Ce projet a été
l’instigateur de nombreux autres programmes dans le but de trouver des voies de valorisation de
ces sédiments de dragage respectueuses de l’environnement.
Le projet SEDIGEST (GESTion durable des SEDiments de dragages des ports) a pour
objectif, dans un premier temps, d’évaluer les risques pour les écosystèmes continentaux liés au
stockage à terre de matériaux salins pollués, puis de soumettre à l’approbation de l’état cette filière
de « restauration de cavités terrestres de la bande littorale ». De nombreux laboratoires de
recherche, entreprises, services de l’Etat et collectivités territoriales sont parties prenantes de ce
projet.
Le projet national SEDIMATERIAUX porté par la région Nord-Pas de Calais s’inscrit
dans un contexte plus large, et vise à rechercher un certain nombre de solutions opérationnelles et
innovantes permettant une valorisation durable à terre des sédiments de dragage portuaires et
fluviaux, notamment dans le domaine routier et de la construction. Ses objectifs sont à la fois de
proposer aux gestionnaires et maîtres d’ouvrage des outils méthodologiques, de fournir aux
autorités des données permettant de faire évoluer la réglementation, et d’encourager les entreprises
dans la recherche et le développement de techniques nouvelles de valorisation. Le programme
conduit par le Grand Port Maritime de Dunkerque sur 4 ans (2009-2013) entre pleinement dans le
champ d’action de ce projet, en soutenant une gestion pérenne des sédiments de dragage et leur
valorisation par des filières à terre (stockage dans des bassins drainants, déshydratation par
égouttage naturel et biodégradation,…). L’enjeu est à la fois économique, en proposant des
débouchés nouveaux et porteurs pour ces matériaux, et environnemental, en élaborant des
alternatives durables à l’immersion. Ainsi, le gisement étant important, le port a déjà mené une
28
29
Dossier « Dragages et travaux portuaires », p19, Le Marin, Vendredi 5 novembre 2010
http://www.setarms.org/
- 21 -
expérimentation en collaboration avec l’Ecole des Mines de Douai et du Cd2e30, en réalisant une
portion de voirie dont le soutènement est composé de sédiments préalablement traités.
Ces différentes initiatives nous amènent à considérer les sédiments d’une autre façon :
seraient-ils une ressource à part entière plutôt qu’un déchet néfaste ?
C/ RISQUES ENVIRONNEMENTAUX
Quelle que soit la destination des sédiments, les gestionnaires portuaires et maîtres
d’ouvrage devront porter une attention particulière aux impacts générés par leur activité et les
conséquences sur les milieux marin et terrestre.
C.1/ Effets directs ou indirects de l’opération de dragage
Un projet d’immersion de sédiments portuaires relève obligatoirement de la Loi sur l’Eau
(LEMA 2006) et pour les ports estuariens de la directive NATURA2000. Ainsi, au dossier
d’autorisation ou de déclaration de l’opération de dragage relevant du régime prévu aux articles L.
214-1 à L. 214-6 du Code de l’environnement, en plus de l’étude d’impact réglementaire, il y a
obligation de fournir un document d’évaluation des incidences sur les zones NATURA2000
(articles L 414-4 et L 414-5 du Code de l’environnement).
Pour articuler sa réflexion et décider d’une solution ayant un minimum d’impact sur
l’environnement, le porteur du projet devra analyser un certain nombre de paramètres, dictés par
des procédures réglementaires. Tout d’abord, il synthétisera l’ensemble de ces données résultant
de l’étude détaillée :
- des « impacts physiques » : mesurés grâce à des analyses spécifiques (modification de la
turbidité de l’eau, mise en suspension et la dispersion des sédiments, modification de profil
hydrosédimentaire et courantologique),
- des « impacts chimiques » (remobilisation des contaminants dans le milieu de départ, puis
dépôt et/ou dispersion dans un autre),
- des « impacts biologiques » (destruction du substrat et des espèces benthiques qui peuvent
devenir dominantes dans le lieu de destination, modification de la chaîne alimentaire,
bioaccumulation et écotoxicité des contaminants),
- des « impacts socio-économiques » (prise en compte des conflits d’usages entre les zones de
baignade, les zones de cultures marines, les zones de pêche, les espaces naturels protégés tels que
les parcs naturels marins, les ZNIEFF et ZICO31, et les zones humides concernées par la
Convention RAMSAR32 servant de cadre pour leur conservation et l’utilisation de leurs
ressources.
Pour garantir l’indépendance des expertises, l’Etat a établi par l’arrêté du 27 octobre 2011
(JORF n° 0260 du 09 novembre 2011)33 une liste de laboratoires agréés pour effectuer l’ensemble
de ces analyses.
30
Centre expert pour l’émergence des écotechnologies, au service du développement des éco-entreprises. Son objectif est de « Renforcer la compétitivité et le
développement global des acteurs de l'environnement en région Nord-Pas de Calais »
31
ZNIEFF : Zone Naturelle d’Intérêt Ecologique, Faunistique et Floristique / ZICO : Zone Importante pour la Conservation des Oiseaux
Ces zones sont des inventaires et n’ont aucun fondement réglementaire, mais elles ont servi à la désignation des zones Natura2000.
32
Convention relative aux zones humides d'importance internationale particulièrement comme habitats des oiseaux d'eau, adoptée le 2 février 1971, puis amendée par le
protocole du 3 décembre 1982 et le 28 mai 1987.
33
Arrêté du 27 octobre 2011 portant modalités d’agrément des laboratoires effectuant des analyses dans le domaine de l’eau et des milieux aquatiques au titre du code de
l’environnement
- 22 -
L’évaluation des incidences NATURA2000 émane d’une volonté de l’Europe de
« préserver la diversité biologique et valoriser le patrimoine naturel de nos territoires ». Le cadre
juridique du réseau NATURA2000 repose sur deux directives européennes importantes qui visent
à la protection et à la conservation d’écosystèmes en danger. La directive « Oiseaux » 79/409/CEE
du 2 avril 1979 (abrogée par directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 relative à la
conservation des oiseaux sauvages) qui crée des zones de protection spéciale (ZPS), et la directive
« Habitats faune flore » 92/43/CEE du 21 mai 1992 les zones spéciales de conservation (ZSC). Le
décret n°2010-365 du 9 avril 2010 relatif à l’évaluation des incidences Natura 2000 permet à la
France de se mettre en conformité avec la directive «Habitats» et modifie les dispositions de la
partie réglementaire du code de l’environnement (articles R.414-19 à 26). Ainsi, un dossier
d’évaluation d’incidence devra présenter les sites NATURA2000 susceptibles d’être affectés par
le dragage, un état des lieux des espèces et habitats présents, une estimation des impacts de
l’activité, et exposer les mesures envisagées d’atténuation ou de suppression des incidences.
Ces deux dossiers d’études permettront d’étayer et d’aider l’instigateur du projet à
conduire une analyse, la plus minutieuse possible, des risques de l’opération de dragage, et de
décider en dernier ressort de la solution la plus acceptable pour l’environnement. Nous pouvons
résumer ce cheminement de la réflexion au moyen d’un arbre de décision34, comme celui présenté
par le CETMEF dans son « guide pour la gestion durable des déblais de dragages portuaires
contaminés en France » et affiché ci-après.
34
Guide CETMEF/In Vivo Environnement « Recommandations pour la gestion durable des déblais de dragage portuaires contaminés de type vaseux dans les ports
maritimes français » Rapport final. Mars 2008
- 23 -
Le dossier complet d’autorisation est ensuite déposé en préfecture et est instruit par le
service de la police de l’eau (DDTM) qui procède en parallèle à une enquête administrative auprès
d’autres services tels que les DREAL, ARS, Affaires Maritimes, …. Le dossier est déclaré
recevable ou non par le juge qui autorise alors l’ouverture de l’enquête publique. Puis, un rapport
est établi au CODERST (Conseil de l'Environnement et des Risques Sanitaires et
Technologiques), à l’issue duquel le Préfet signe et publie l’arrêté d’autorisation valable
généralement pour 5 à 10 ans. Il peut émettre des prescriptions, proposer un suivi environnemental
et la mise en place de comité de suivi administratif et/ou de concertation (CLI). Cette procédure
s’étale en moyenne sur 1 an.
Le projet impactant directement l’environnement, le dossier peut aussi être transmis à la
HAE (Haute Autorité Environnementale), qui donne son avis sur sa conformité du dossier avant
l’affichage en enquête publique. Enfin, les avis du Conseil Scientifique des Estuaires, de la
Commission Locale de l’Eau, du Préfet Maritime peuvent être requis pour améliorer l’étude en
cours.
Les enquêtes publiques relatives à l’immersion de sédiments de dragages sont souvent
source de débats enflammés entre associations de protection de l’environnement, pêcheurs,
maîtres d’ouvrage, et autorités publiques. Citons pour exemple, le projet des ports de Loctudy et
Lesconil dans le Finistère qui souhaitent claper 165 000M3 de vases sur deux zones profondes (90
et 95m) à 15 milles de la côte35. Seuls les pêcheurs semblent farouchement opposés au
projet :ceux du Guilvinec opteraient pour une dispersion, alors que ceux de Lesconil préféreraient
une solution à terre. Pour appuyer leur réclamation, le Comité local des Pêches maritimes du
Guilvinec a produit un document contradictoire à l’enquête publique. De même, l’immersion au
large de la presqu’île de Rhuys des vases du port de plaisance de la Trinité-sur-Mer dans le
Morbihan est aussi très contestée par les associations écologistes et les pêcheurs. Ces derniers
réclament plus de transparence dans les études et analyses scientifiques.
C.2/ Surveillance des paramètres environnementaux
A l’étude de l’état initial requise par l’étude d’impact, succède les suivis
environnementaux de critères déterminés dans le projet de dragage. Ils permettent d’estimer la
réponse du milieu aux perturbations créées par le dragage et l’immersion, et sont mentionnés dans
l’arrêté préfectoral réglementant cette activité. Ils se traduisent concrètement par un suivi de la
bathymétrie des sites de dépôt, de la quantité de sédiments extraits et déposés, de la turbidité et de
la qualité de l’eau, des caractéristiques chimiques de l’eau de mer, du benthos36, des critères
physico-chimiques propres aux sédiments, de l’évolution des populations de poissons, crustacés et
fruits de mer, de la qualité bactériologique de l’eau…
Ainsi, la multiplication des bio-indicateurs in-situ, de stations de mesures, de campagnes
régulières de prélèvements, permettrait de cerner une ambiance, de rendre compte de l’état de
santé du milieu et de son évolution dans le temps. Mais pour rentabiliser cette démarche, il sera
nécessaire de poser des repères, des ordres de grandeur de référence.
Malgré tout, il est difficile de se représenter la quantité réelle de sédiments en circulation,
vu les volumes d’eau considérés. Quelle est la part des matières en suspension et des contaminants
dans la turbidité de l’eau ?
Au niveau national, un réseau d’observation de la qualité des eaux et des sédiments dans
les ports maritimes (REPOM) est créé en 1997 s'appuyant sur les services chargés de la police des
eaux littorales. En 2007, le Ministère de l’Ecologie demande au CETMEF de faire un état des
35
36
Dossier « Dragage et travaux portuaires », page 26, Le Marin, Vendredi 5 novembre 2010
Ensemble d’organismes aquatiques (marins ou dulcicoles) vivant à proximité du fond des mers, des lacs et cours d'eau.
- 24 -
lieux de la qualité des sédiments et des eaux de ces zones portuaires, qui se traduit par la mise en
place de deux programmes, « Sédiment » et « Eau ».
Afin d’étayer notre propos, nous pouvons considérer que l’articulation des différentes
étapes nécessaires au pilotage d’une opération de dragage peut se synthétiser au moyen du schéma
suivant37 :
Cette opération de dragage s’inscrit généralement dans le cadre plus général d’un plan
opérationnel de gestion de dragage, mentionné le plus souvent au niveau départemental dans un
schéma directeur des dragages. Ce plan définit les enjeux d’une bonne gestion des sédiments de
dragage à travers une description du contexte environnemental, de la qualité et quantité des
sédiments concernés par l’opération, des usages et pratiques de dragage, des autorisations
administratives, et des plans d’action permettant de suivre la réaction de l’environnement à cette
activité, de limiter les impacts sur l’environnement, et de favoriser l’amélioration des techniques
de dragage dans une démarche de prévention et de préservation des écosystèmes.
37
Pascal GREGOIRE, Extrait de la thèse de doctorat « Modèle conceptuel d’aide à la décision multicritère pour le choix négocié d’un scénario de dragage maritime »,
soutenue le 13 mai 2004
- 25 -
D/ PRECONISATIONS POUR UNE GESTION DURABLE
Les gestionnaires des ports et les équipages des dragues ne sont pas responsables des
contaminations des sédiments, mais ils doivent les gérer au mieux afin de limiter les incidences
sur le milieu marin.
Dans cette perspective de gestion durable des sédiments, il serait intéressant de suivre les
recommandations émises par le 11ème Comité opérationnel du Grenelle de la Mer, créé en 2009 et
chargé de réfléchir au devenir des « Sédiments de dragage ».
Tout en poursuivant l’acquisition de données scientifiques et de connaissances sur le
fonctionnement des écosystèmes, les processus de contamination des sédiments et des milieux
marins, la courantologie et les phénomènes de dispersion, la dangerosité des contaminants
chimiques et organiques…, il conviendrait à tous les acteurs (entreprises privées ou publiques,
services de l’Etat, laboratoires agrémentés, associations ou collectifs, collectivités territoriales,
établissements et organismes publics) de collaborer afin d’établir un bilan détaillé de la
réglementation existante, dans le but de l’adapter aux exigences internationales, tout en répondant
aux attentes de l’opinion publique.
Afin de limiter la pollution concentrée dans les sédiments et les volumes à draguer, d’une
manière globale, il est nécessaire d’agir à la source en réduisant les apports urbains, agricoles et
industriels (qui génèrent la majeure partie de la pollution chimique) en adoptant une démarche
plus responsable. A l’échelle d’un port, les autorités veilleront à améliorer l’assainissement et les
équipements sanitaires, le tri et le recyclage des déchets ménagers et spécialisés (huile de
vidange), aménager les zones de carénage et aires d’avitaillement en carburant pour contenir et
traiter les polluants, organiser leur réseau pluvial de sorte à limiter au maximum un déversement
directement dans le port (les eaux de ruissellement lessivent les quais, se déversent dans le port,
puis la pollution tombe dans les sédiments), et enfin sensibiliser et former le personnel portuaire
aux « bons gestes environnementaux » qui sont les premiers garants d’une gestion durable des
ports.
Mais, bien en amont des ports, il serait primordial de traiter les causes de la contamination
des grands fleuves, estuaires et rivières. Cela peut se traduire concrètement par une remise aux
normes de stations d’épuration vieillissantes, et une accélération de la décontamination de sites
industriels orphelins qui en l’absence d’entretien se dégradent rapidement et sont sources de rejets
fortement polluants. La fermeture définitive des décharges sauvages au profit de déchetteries, où
tout type de déchet est récupéré voire recyclé par des filières adéquates, peut permettre de réduire
voire éliminer les apports aléatoires et incontrôlables de polluants de toute nature. Enfin, il est
essentiel d’obliger les industriels et agriculteurs, générant la majorité de la pollution existante, à
utiliser des produits biodégradables aussi efficaces que des produits chimiques dangereux, ou de
mieux maîtriser les risques liés à ces produits. Ainsi, en aidant les professionnels et particuliers sur
le terrain à acquérir un comportement responsable au quotidien, nous serons en mesure de
construire une démarche durable de gestion des impacts de l’activité humaine sur
l’environnement.
- 26 -
CONCLUSION
Face à la montée en puissance des opposants à l’immersion en mer des sédiments, à la
prise de conscience par l’opinion publique et les collectivités territoriales de la nécessité de
préserver le patrimoine naturel, aux connaissances scientifiques de plus en plus nombreuses mais
encore insuffisantes, aux entreprises privées prêtes à concevoir de nouvelles techniques
acceptables protégeant l’environnement des impacts nuisibles générés par des sédiments
contaminés, les pouvoirs publics ne seront-ils pas contraints de prendre en compte tous ces
éléments ?
A l’heure actuelle, il n’existe toujours pas de stratégie nationale claire relative à une
gestion durable des sédiments de dragage, qui représente une problématique pluridisciplinaire de
grande envergure, basée sur trois piliers : économique, social, et environnemental. La gestion des
sédiments de dragage doit tendre vers un optimum de qualité écologique, à un coût raisonnable,
générant un développement économique significatif, tout en préservant les richesses de
l’environnement.
Pour y parvenir, ne serait-il pas nécessaire de réviser et approfondir les réglementations en
vigueur, harmoniser les procédures entre les ministères concernés (seuils de référence communs),
soutenir et accentuer les recherches scientifiques en faveur de prétraitements, traitements, stockage
à terre ou valorisation pérenne ultérieure (marine ou terrestre), et in fine d’élaborer des protocoles
nationaux voire européens ? Dans ce contexte, un soutien financier adapté serait une condition
indispensable à la réussite de cette démarche.
Enfin, dans l’intérêt commun et celui des générations futures, ne serait-il pas judicieux que
cette problématique s’immisce rapidement au centre des débats, afin de fédérer une volonté
commune d’évolution des usages, des techniques, des outils réglementaires et des points de vue ?
L’information et la concertation de tous les partenaires paraissent donc les maillons indispensables
à une bonne acceptation de la gestion durable de ces sédiments de dragage.
- 27 -
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES
- Claude ALZIEU, « Dragages et environnement marin », IFREMER, 1999, 224 pages
- Claude Alzieu, « Bio-évaluation de la qualité environnementale des sédiments portuaires et des
zones d’immersion », IFREMER, 2003, 248 pages
THESES
- Pascal GREGOIRE, « Modèle conceptuel d’aide a la décision multicritère pour le choix négocié
d’un scenario de dragage maritime », Thèse, Université d’Artois, 2004, 282 pages
- Franck AGOSTINI, « Inertage et valorisation des sédiments de dragage marins », Thèse, Ecole
Centrale de Lille, 2006, 208 pages
- Thanh Binh NGUYEN, « Valorisation des sédiments de dragage traités par le procédé
NOVOSOL® dans des matériaux d'assises de chaussée - Comportement mécanique et
environnemental », Thèse, Université de Toulouse, 2008, 248 pages
- Mechaymech AHMAD, « Valorisation des boues de dragage - Application : Port Autonome de
Dunkerque », Mémoire D.E.A, Université d’Artois, 2002, 104 pages
GUIDES
- François XICLUNA, Geoffroy CAUDE, « Dragage en milieu marin, immersion et code de
l'environnement : guide des procédures préalables », Notice CETMEF n° C08.06, septembre 2008
- Didier GROSDEMANGE, « Guide pour la gestion des opérations de dragage », In Vivo
Environnement/Fédération Française des Ports de Plaisance, décembre 2005
- Didier GROSDEMANGE, Pierre MISKO, Yann BOUGIO, « Guide pour la gestion durable des
déblais de dragages portuaires contaminés en France », CETMEF-In Vivo Environnement, mars
2008
- Anne BENARD, « Impacts sur les milieux aquatiques des sédiments de dragage gérés à terre »,
Rapport d’étude, INERIS, 30 juin 2009, 64 pages
AUTRES RAPPORTS
- Rapport final du BRGM, « Aide à la gestion alternative au rejet en mer des sédiments
contaminés provenant du dragage des sites portuaires », octobre 2004
- Schéma de référence des dragages en Finistère (Juillet 2008) et du Morbihan (Août 2010)
REFERENCE REGLEMENTAIRE
- Code de l’Environnement
INTERNET
www.legifrance.fr
www.ineris.fr
http://www.ineris.fr/aida/
http://envlit.ifremer.fr/
www.natura2000.fr
http://europa.eu/legislation_summaries/environment/index_fr.htm
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ANNEXES
ANNEXE 1 : Lignes directrices et limites juridictionnelles de la Convention OSPAR
ANNEXE 2 : Généralités sur la sédimentation
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ANNEXE 1
Lignes directrices et limites juridictionnelle de la Convention OSPAR
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ANNEXE 2
Généralités sur la sédimentation
Afin de mieux comprendre le mode de contamination potentielle des sédiments, nous
décrivons succinctement leurs différents constituants et leurs interactions avec le milieu.
D’une manière générale, le sédiment est formé par la sédimentation de particules ou
d’agglomérats venant de l’érosion des sols et des roches, du transport des fonds sédimentaires, ou
des apports anthropiques. Il contient une phase minérale, de granulométrie variable s’étendant sur
une large gamme (sables, argiles et colloïdes38), une phase organique et une phase liquide. Il
constitue souvent l’habitat d’une faune et d’une flore aussi riche que diversifiée (poissons,
crustacés, mollusques, vers, bactéries, algues…).
La vase (mot d’origine néerlandaise), dont les propriétés sont intimement liées à celles des
argiles, désigne plus spécifiquement une large famille de sédiments fins, argileux, plus ou moins
organiques, pouvant atteindre des teneurs en eau importantes supérieures à la limite de liquidité39.
Ces argiles ont une forte propension à perdre leur rigidité et à se comporter comme un liquide
suite à une forte sollicitation mécanique (comme le dragage), mais aussi à augmenter fortement
leur volume en fonction de leurs caractéristiques intrinsèques liées au régime hydro-sédimentaire
du port. Les sédiments fins ont la propriété de capter, retenir, accumuler les contaminants, et de
former des « flocons » limitant et réduisant le nuage turbide qui se forme au moment de
l’ouverture du chaland et du largage des vases en mer. Cette notion est très importante à retenir
dans le cas d’un clapage en mer40.
Un sédiment se caractérise également par sa distribution granulométrique, c’est-à-dire la
taille des particules constituant sa phase solide. Il est considéré comme « vase », si ces dernières
ont une fraction inférieure à 63 µm, et généralement composées d’une matrice minérale, d’argiles
de fraction inférieure à 2 µm (kaolinite, illite ou smectite), d’une fraction organique (débris
végétaux, micro-organismes,…), et enfin d’une quantité d’eau non négligeable présente sous
différentes formes.
La fraction organique est
Taille
Dénomination
constituée de colloïdes humiques, et de
composés organiques naturels, issus de
Supérieur à 20cm
Blocs
la décomposition très lente des végétaux,
2 à 20cm
Galets et cailloux
des algues et des animaux, ou d’une
2mm à 2cm
Graviers
biosynthèse par la microflore. Les
substances humiques colorent la vase en
63µm à 2mm
Sables (grossiers et fins)
noire, par interaction avec la partie
2 à 63µm
Vases - Limons (ou silt)
minérale, provoquent des conglomérats,
Inférieur à 2µm
Vases - Boues argileuses
et peuvent également réagir avec les
composés minéraux dissous, tels que les
ions métalliques, en formant des cations
métalliques plus ou moins solubles dans
le milieu liquide. Par ce mécanisme, les sédiments peuvent être contaminés par des composés
chimiques artificiels issus de rejets industriels, organiques et inorganiques.
38
Particules très fines en suspension dans un fluide
Limite au-delà de laquelle un sol passe de l’état liquide à l’état plastique
40
Déversement en mer, à partir de la surface, de déblais issus de dragages. Il en existe deux types : clapage en un point fixe, et clapage « en route » dans un
périmètre bien défini.
39
- 31 -
Enfin, outre la colonne d’eau présente au-dessus du sédiment, l’eau interstitielle contenue
dans celui-ci se répartit en quatre catégories : l’eau libre non liée aux fines particules, l’eau
capillaire bloquée dans le sédiment par des forces de capillarité, l’eau colloïdale hydratant les
colloïdes, et l’eau intercellulaire liée chimiquement à la surface des particules, et constituant un
film autour d’elles. Ainsi, si des rejets polluants sont déversés dans le port, la pollution se disperse
dans l’eau jusqu’à atteindre les sédiments par décantation, puis par pénétration via ces différents
types d’eau.
- 32 -
RESUME OPERATIONNEL
Enseignement militaire supérieur du premier degré
Session 2012
« GESTION DES SEDIMENTS ISSUS DU DRAGAGE
DES PORTS MARITIMES FRANÇAIS »
Étude technique et juridique de l’extraction au traitement de ces matières
O2CTAAM Rébecca PASQUEREAU
Mots-clés :
Dragage d’entretien - sécurité de la navigation - immersion en mer - traitement à terre - loi sur
l’eau et les milieux aquatiques - Code de l’Environnement - évaluation d’incidences - référentiel
de qualité des sédiments – gestion durable
Activité séculaire souvent dénigrée, car considérée par certains comme très polluante, le
dragage des ports maritimes demeure cependant une activité indispensable au développement
économique de ces régions.
La difficulté de maintenir une côte hydrographique suffisante pour permettre l’accès en
toute sécurité des navires, réside dans le fait que ces ports maritimes sont implantés sur des zones
vivantes avec lesquelles il faut composer. Mais il est indispensable de distinguer les ports
estuariens des ports littoraux. Les premiers ont des apports sédimentaires majoritairement issus
des fleuves et de leurs bassins versants, et sont exposés à de forts débits et courants permettant de
limiter la contamination des sédiments générée par les activités portuaires. Les seconds sont le
siège d’une sédimentation essentiellement d’origine marine. Vu la configuration des ports et la
présence d’eaux calmes peu renouvelées, la pollution se concentre alors dans les sédiments.
Le recours à des dragages d’entretien s’inscrit dans une logique économique qui doit
prendre en compte les impératifs environnementaux (risques et impacts de l’activité dans le milieu
marin ou terrestre) dictés par une réglementation tant communautaire que nationale. Ces dernières
sont encore peu fournies, mais suffisantes pour limiter dans certains cas la dispersion d’une
pollution avérée. Ainsi, pour les gestionnaires des ports, gérer ces sédiments de dragage, de leur
extraction à leur traitement, relève autant du défi technique que réglementaire.
Pour tenter de répondre à cette problématique de traitement de ces sédiments contaminés,
un certain nombre de techniques développées de manière expérimentale et localement par
différents groupements de professionnels et/ou de collectivités s’avèrent encore trop coûteuses
pour envisager un développement à l’échelle nationale, et permettre un traitement efficace et
pérenne de tous les sédiments issus des dragages d’entretiens des ports maritimes français.
Mais face à la prise de conscience par l’opinion publique et les collectivités du potentiel
polluant de ces sédiments contaminés (chimiquement et biologiquement), à la montée en
puissance des organisations et associations écologistes contre l’immersion des sédiments de
dragage à proximité de zones protégées parfois, il appartient aux pouvoirs publics de mieux
considérer et étudier les solutions techniques proposées. Favoriser leur développement à un coût
raisonnable, les encadrer grâce à un arsenal réglementaire suffisant et conforme aux exigences
internationales et communautaires, enfin engager une concertation et collaboration objectives
entre tous les acteurs, pourra conduire à l’acceptation par tous de la gestion durable de ces
sédiments de dragage.