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AV1 AT P049/E01
Marc Parmentier
M. Marc Parmentier est né en 1927 dans le Nord.
ENREGISTREMENT RÉALISÉ LE 22/05/2012 PAR MADAME CECILE HOCHARD.
STATUT DU TÉMOIN
Cheminot pendant la Seconde Guerre mondiale
FONCTION À LA SNCF
Elève-exploitation jusqu’à la Libération
DATE D’ENTRÉE ET
DE DEPART DE LA SNCF
1943-1984
AXE DE L’ÉTUDE
Vie et travail au quotidien pendant la
Deuxième Guerre mondiale : mémoire et
récits de cheminots
SUJET PRINCIPAL
Travail d’un cheminot pendant la Seconde
Guerre mondiale
THÈMES ABORDÉS
Présentation et situation familiale avant
et pendant la Seconde Guerre mondiale
Débuts de carrière à la gare de
Tourcoing-les-Francs en 1943
Affectation à l’arrondissement de Lille, au
début de l’année 1944
Libération et après-guerre
Motivation pour répondre à l’Appel à
témoins
OUTIL DE CONSULTATION
CD audio
MATÉRIEL D’ENREGISTREMENT
TASCAM DR-40
DURÉE DE L’ENREGISTREMENT
1 heure 52 minutes 12 secondes
DURÉE APRÈS TRAITEMENT DU SON
1 heure 49 minutes 35 secondes
Communication
Le témoin autorise, à partir du 28 mars 2012, la copie, la consultation, l’exploitation pour des travaux à
caractère historique ou scientifique, la diffusion sonore et la publication de la transcription et de
l’enregistrement avec mention de son nom, par contrat passé avec l’AHICF à laquelle toute demande
d’utilisation à d’autres fins de l’enregistrement et de la présente analyse doit être adressée.
Fiche chronothématique réalisée par Marine Coadic
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Compte rendu analytique
I - Présentation et situation familiale avant et pendant la Seconde Guerre mondiale
(Plage 02) : Marc Parmentier s’est « intéressé très jeune aux tramways ». Sa famille vivait à Leers-nord, en
Belgique, « où le village était desservi uniquement par le train ». C’est suite à une annonce de la SNCF,
parue dans le journal et lue par son père, que Marc Parmentier a passé le concours d’élève-exploitation. Ce
concours s’accompagnait d’un examen psychotechnique et d’une visite médicale. Reçu peu avant ses 16 ans,
il a débuté sa carrière à la SNCF le 18 septembre 1943 à la gare de Tourcoing-les-Francs [Nord] et a terminé
er
sa carrière le 1 mai 1984, au poste d’inspecteur de la division commerciale voyageurs, dans la même gare.
(3mn:38s)
(Plage 03) : Au cours de sa scolarité, M. Parmentier a travaillé dans des colonies agricoles. Au mois d’août
1942 puis 1943, il a passé un mois dans une ferme « pour occuper utilement [son] temps et surtout pour être
nourri et logé pendant une période qui était difficile à ce point de vue-là ». Avant d’entrer à la SNCF, M.
Parmentier a obtenu son brevet élémentaire auquel pour lui s’ajoutait « un examen sur une langue, l’anglais
en l’occurrence. » Sa famille a vécu à Leers-nord [Province de Hainaut, Belgique] jusqu’en 1937, date à
laquelle ils sont retournés vivre à Tourcoing [Nord]. L’année suivante, ses parents ont décidé de le renvoyer
seul en Belgique afin de terminer ses études. Il y est resté jusqu’à la fin de l’année scolaire 1939. (5mn:34s)
(Plage 04) : Au moment de la déclaration de guerre, ses parents ont décidé de quitter leur domicile et ont
gagné Ussel [Corrèze]. Ussel était « un nœud ferroviaire assez important» avec « 5 lignes qui
convergeaient » et « un dépôt de locomotives avec 80 machines ». Ils logeaient chez un cheminot qui
travaillait au dépôt de la ville. Ils y sont restés de novembre 1939 à janvier 1942. (3mn:00s)
(Plage 05) : Son père était chef comptable et sa mère employée. Elle a arrêté de travailler après la naissance
du deuxième de ses quatre enfants. Il n’y avait pas de cheminots dans l’entourage familial. Ses parents
n’avaient pas d’engagement politique ou syndical mais ils étaient « de droite ». Ils étaient hostiles au Front
populaire en raison des grèves de transports qui empêchaient le père de M. Parmentier de se rendre sur son
lieu de travail, tout en étant intéressés par les avancées sociales proposées. (3mn:29s)
(Plage 06) : M. Parmentier évoque le défilé continuel de réfugiés qui traversait Ussel [Corrèze]. La famille
Parmentier s’est progressivement reconstituée dans cette ville avec l’arrivée de la famille du frère de son père
et des frères de sa mère. L’un des frères de sa mère, qui était militaire, avait été interné en Suisse avant de
pouvoir retourner en France et gagner Ussel. L’autre frère, blessé, avait réussi à se faire transférer à l’hôpital
d’Ussel. Trois de ses oncles ont été mobilisés en 1939. (6mn:02s)
II – Débuts de carrière à la gare de Tourcoing-les-Francs en 1943
(Plage 07) : M. Parmentier revient sur les épreuves du concours d’élève-exploitation où il a été reçu premier.
Il a passé des épreuves écrites puis des tests psychotechniques à Paris dans les locaux de la région nord de
la SNCF. M. Parmentier se rappelle qu’ils étaient bien « une cinquantaine » à passer ce concours. (4mn:11s)
(Plage 08) : M. Parmentier a été affecté à la gare de Tourcoing-les-Francs [Nord] à partir du 18 septembre
1943. Il se rappelle ses débuts en gare. L’activité marchandises était la plus importante. Ses tâches
principales étaient la prise en charge de colis pour les prisonniers lorsqu’ils ne nécessitaient ni
enregistrement, ni encaissement d’argent ; la copie sur registre des arrivages et expéditions, le traitement de
lettre d’avis. Il était également chargé de répondre au téléphone. (05 mn:03s)
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(Plage 09) : Au cours de ses quinze premiers jours de travail, M. Parmentier n’a pas vu un seul train. Le
service voyageurs était assez important avant la guerre, "la gare des Francs étant située sur une ligne qui
joignait Tourcoing [Nord] et Roubaix [Nord] à Halluin [Nord] qui est une ville frontière française et à Menin
[aujourd'hui situé dans la province de Flandre-Occidentale] ville frontière belge". Au début de la guerre, les
trains voyageurs avaient été supprimés et leur circulation n’avait pas encore repris en 1943. Seul un train de
marchandises passait par jour, dans les deux sens. Par conséquent, M. Parmentier n’a pas pu se former à la
circulation et au mouvement des trains voyageurs. Il a surtout fait « du cantonnement téléphonique » pour la
régulation de la circulation des trains de marchandises. (4mn:58s)
(Plage 10) : La gare de Tourcoing-les-Francs [Nord] était située sur une ligne partant de Mouscron, en
Belgique, et passant par Tourcoing, Roubaix [Nord] et Lille [Nord]. La ligne d’Halluin [Nord] s’embranchait
d’une part à la gare de Roubaix et d’autre part à la gare de Tourcoing. Ces deux lignes ne se rejoignaient qu’à
Tourcoing-les-Francs par une « traversée-jonction double ». Il y avait un poste d’aiguillage équipé de « leviers
Saxby » et également « une serrure centrale Bouré, du nom de l’inventeur ». En 1943, la région était
relativement calme malgré des bombardements réguliers de l’usine de Fives, située à Lille, qui fabriquait des
locomotives. La vie « était quasi normale ». À son retour d’Ussel [Corrèze], M. Parmentier a été marqué par
« l’absence d’éclairage le soir ». Pendant la guerre, il y avait des problèmes de ravitaillement que ses parents
s’efforçaient de régler au mieux. (4mn:51s)
(Plage 11) : M. Parmentier avait des horaires de travail importants : il travaillait de 8 h à 18 h 45, à raison de
54 heures par semaine au lieu des 48 heures réglementaires. Quinze jours après sa prise de fonction, il a
commencé à assister à des mouvements de train. L’augmentation de l’activité était due au sabotage ou à la
panne du pont tournant qui permettait de diriger les trains vers les entrepôts de Tourcoing [Nord]. Lorsque le
pont était « indisponible », « les locomotives étaient envoyées à Tourcoing-les-Francs pour être virées, pour
être retournées ». « Ça durait une quinzaine de jours » et il y avait alors beaucoup de mouvements de
machines, jour et nuit. Afin de réguler ces mouvements, un feu rouge manuel puis un sens unique ont
finalement été installés. (6mn:08s)
(Plage 12) : M. Parmentier et d’autres élèves-exploitation ont fait leur formation sur le tas. M. Parmentier se
remémore des anecdotes liées à la pénurie. Un de ses camarades avait appris que les jeunes de moins de 18
ans avaient le droit à des biscuits vitaminés. Ils avaient réussi à en obtenir plusieurs cartons. Certains agents
demandaient du charbon aux mécaniciens et en obtenaient parfois. Les agents en gare avaient différents
e
grades : il y avait un chef de gare de 4 classe, un facteur chef, un facteur enregistreur qui s’occupait de la
circulation et des manœuvres, un facteur aux écritures, un caissier. Une équipe de manutention s’occupait
des colis. Aucun agent ne prenait spécifiquement en charge les élèves exploitation, « c’était un peu
improvisé ». Cette formation était très lacunaire en raison du contexte. (6mn:37s)
III - Affectation à l’arrondissement de Lille au début de l’année 1944
(Plage 13) : Au début de l’année 1944, trois mois après son arrivée à la gare de Tourcoing-les-Francs [Nord],
M. Parmentier a été prévenu par le chef de gare qu’il était affecté à l’arrondissement, à Lille [Nord]. Sa
nouvelle affectation visait à combler le départ de jeunes agents susceptibles d’être appelés pour le Service du
travail obligatoire [STO] et qui étaient affectés dans des gares afin de ne pas partir vers l’Allemagne. Des
agents comme M. Parmentier étaient affectés à leur poste pour les remplacer. La décision d’affecter les
jeunes requis pour le STO sur des postes de gare était probablement prise « par le chef d’arrondissement »,
« pour qu’ils ne soient pas déplacés en Allemagne ». À l’arrondissement, à Lille, il a été affecté au service
« culture collective ». Il garde le souvenir d’une ambiance agréable et « détendue ». Il n’avait « pas une
charge de travail pesante ». (5mn:44s)
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(Plage 14) : M. Parmentier a été affecté dans le service « culture collective », créé au moment de la guerre.
Le service était dirigé par un « petit grade » peut-être un contrôleur, sous la direction d’un inspecteur trafic. Il
comprenait également deux démarcheurs et un secrétaire que M. Parmentier remplaçait. La SNCF avait le
droit de signer des contrats avec des agriculteurs qui assuraient la fourniture d’un certain tonnage de légumes
pour les aides familiales destinées aux cheminots des grands centres comme Lille [Nord], Roubaix [Nord],
Tourcoing [Nord]. Son travail n’était pas très déterminé et il s’occupait principalement de répondre au
téléphone. Selon lui « ce service servait accessoirement à dépanner un peu les patrons de
l’arrondissement ». (8mn:14s)
(Plage 15) : M. Parmentier a pris conscience de la réalité de la guerre en travaillant à l’arrondissement à Lille
[Nord]. Il y a eu beaucoup de bombardements et d’exactions en 1944. L’un de ses collègues et son fils ont été
des victimes du massacre de Villeneuve d’Ascq [Nord]. Les réactions des agents envers les Allemands n’ont
pas été hostiles selon Marc Parmentier car « ce sont les Allemands de Lille qui ont fait arrêter le massacre ».
Il n’y a pas eu « plus de réactions anti allemandes » que de « réactions anti américaines ou anti anglaises
quand huit jours après, à Pâques ou la veille de Pâques, il y a eu le bombardement de Lille Délivrance avec
400-500 victimes ». Les bombardements de Douai [Nord] et Hazebrouck [Nord] ont aussi fait beaucoup de
dégâts et de victimes. (4mn:52 s)
(Plage 16) : Les événements suscitaient des discussions de plus en plus nombreuses entre collègues à
mesure que les bombardements s’accéléraient et surtout à partir de juin 1944. Ils ont peu à peu perturbé le
service des cheminots obligeant même M. Parmentier à quitter son travail un samedi, sur ordre du chef de
bureau. Peu après cet événement, il a été réaffecté à la gare de Tourcoing-les-Francs [Nord] où le trafic avait
été complètement arrêté. (6mn:05s)
IV - Libération et après-guerre
(Plage 17) : Vers la mi-septembre 1944, le service a repris. Les wagons de marchandises et de ravitaillement
ont recommencé à circuler. La remise en état du réseau, assurée par les cheminots français dans les
premiers temps, a été rapide. Marc Parmentier est resté à la gare de Tourcoing-les-Francs [Nord] jusqu’en
novembre 1944 où il a été agent de renfort au mouvement et au transport voyageurs ou marchandises,
venant en aide au sous-chef de gare. (4mn:26s)
(Plage 18) : À la fin du mois d’octobre 1944 un premier service Lille-Paris a été réalisé. Il s’agissait d’un train
de marchandises et de voyageurs. M. Parmentier a été amené à prendre ce train pour se rendre en région
parisienne avec sa grand-mère. « Le train partait à 11h, il devait arriver l’après-midi. » Ils sont arrivés « le
lendemain matin à 9h », « parce qu’il y avait toujours des voies obstruées, en particulier à Chantilly [Oise] ».
La reprise de la circulation des trains s’est faite petit à petit. À Tourcoing [Nord], M. Parmentier a suivi la
reprise de la ligne Paris-Bruxelles. Fin 1944, un train autorail rapide [TAR] allait à Ostende [Flandreer
Occidentale, Belgique]. La ligne Halluin [Nord]-Menin [Flandre-Occidentale en Belgique] a été rétablie le 1
janvier 1945. Les Britanniques ce sont intéressés aux chemins de fer et ont mis en place des trains de
permissionnaires qui partaient tous les jours de Calais [Pas-de-Calais]. Un bureau de l’armée britannique
fonctionnait de nuit pour surveiller les trains. (6mn:54s)
(Plage 19) : Pendant l’Occupation, les Allemands étaient présents à Lille [Nord] et à Tourcoing [Nord] où un
chef de gare allemand doublait le chef de gare français. C’était généralement des cheminots ou d’’anciens
cheminots. « Il n’y avait une certaine…pas collaboration, mais ils se comprenaient. ». À Lille, il y avait un
service allemand parallèle au poste de contrôle : l’EBD: [Eisenbahn Betriebs Direktion. Direction régionale du
chemin de fer]. (2mn:17s)
(Plage 20) : M. Parmentier n’a jamais vu d’actes de résistance. L’un de ses collègues du service technique
était résistant mais il ne l’a jamais vu distribuer de tract ou inciter à la résistance. Les cheminots étaient au
courant de la répression allemande par l’intermédiaire de la propagande de la Kommandantur. À la Libération,
l’épuration a touché des agents de la SNCF et s’est traduite par « des déplacements ». (3mn:53s)
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(Plage 21) : Après la Libération, la circulation a repris rapidement entre les gares belges frontières, Tourcoing
[Nord] et Lille [Nord]. La Belgique ayant été ravitaillée beaucoup plus vite que la France, beaucoup de
cheminots prenaient le train pour aller à la frontière s’approvisionner et rentraient en France. M. Parmentier a
accompagné le chef de gare jusqu’en Belgique pour se ravitailler. (5mn:19s)
(Plage 22) : Après la guerre, « beaucoup de choses ont changé à la SNCF ». Les installations ont commencé
à se moderniser. « La grande et la petite vitesse » ont été « remplacées par le régime accéléré » et « le
régime ordinaire » [Le passage de la petite vitesse (PV) et grande vitesse (GV) au régime ordinaire (RO) et
er
régime accéléré (RA) date du 1 janvier 1946]. Les tarifs des wagons marchandises ont été complètement
revus. Après guerre, il y a eu une réorganisation du personnel faisant notamment suite aux recrutements
effectués pendant la guerre. (6mn:41s)
V - Motivations pour répondre à l’Appel à témoins
(Plage 23) : L’idée de cet Appel méritait selon M. Parmentier d’être développée car l’idée pouvait être
intéressante pour la SNCF et le public. Il a eu l’occasion d’aborder ses souvenirs avec des collègues. Il fait
partie d’une amicale des anciens agents mineurs qui se réunit une fois par an. Sa famille s’intéresse peu à
cette période. (1mn:38s)
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