Zeugma - Clemi
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Zeugma - Clemi
λ Edito « Je me presse de rire de tout de peur d’être obligé d’en pleurer. » écrit Beaumarchais. Cette citation fait douloureusement écho à l’esprit de certains dessins satiriques de Charlie Hebdo. La satire, c’est d’abord rire. Rire de l’actualité, rire du drame, rire même de l’horreur. Car si l’on nous ressasse que la satire « a pour but de dénoncer par le ridicule en accentuant les traits grotesques de certains sujets », elle est aussi une arme contre le désespoir. Le désespoir ça tue et ça gangrène la lutte. En se moquant de ces sujets qui font pleurer, ceux là même qui te balancent au fond du trou parce que plus rien ne semble compréhensible, comme si rien n’avait jamais eu de sens, Charlie se battait – et se bat toujours – contre le désespoir. En refusant d’abandonner face à l’accablement, le remplaçant par une insolence farouche, il affirme notre capacité à nous relever de tout et de pouvoir s’en moquer ; parce que c’est cela l’espoir, c’est croire que l’on pourra toujours rire, trouver de la joie même dans l’horreur, tourner en dérision les pires situations. Puis la satire, c’est le propre de la démocratie : l’acide – amer des caricatures, ça choque, et par là même fait réfléchir, se poser des questions et contester. Ça titille notre conscience politique et ça l’entretient. Charlie Hebdo a défendu à plusieurs reprises la presse jeune, certains membres de sa rédaction ont même rencontré des journalistes lycéens, débattu avec eux, dessiné pour nous, pour défendre nos droits. Charb et Pelloux auraient d’ailleurs approuvé la remarque d’un journaliste jeune, qui disait que « En fait, Charlie Hebdo, c’est un gros journal lycéen. ». Alors nous, même si on n’était pas encore là lors de ces rencontres, on veut leur rendre hommage. Avec notre tirage à 800 exemplaires, on ne pèse pas bien lourd, mais on est animés par la même volonté de s’exprimer. Alors voici un numéro spécial sur l’actualité désastreuse de ces dernières semaines, de l’attentat à l’islamophobie, en passant par les diverses réactions, sublimes ou ridicules, et par notre mobilisation à tous au lycée Michelet. Quelques dessins aussi, quelques coups de crayons. Le meilleur hommage aurait été le rire, mais la précipitation dans laquelle nous avons fait ce numéro nous a peut-être rendu un peu trop sérieux sur certaines choses, alors nous nous en excusons. Nous espérons que vous apprécierez ce numéro. Parce que nous, on est en colère, comme vous tous. Et que si la seule chose qu’on puisse faire à notre échelle c’est de publier notre petit journal lycéen, de s’exprimer comme on peut, comme on veut, alors nous le faisons. Parce que nous sommes Charlie. Florine HAUSFATER P.S. : Certains rédacteurs et dessinateurs ont souhaité signer « Charlie », suivi de leur nom de famille pour pouvoir identifier les auteurs. D’autres ont préféré signer comme d’habitude, pour des raisons et convictions différentes. D’ailleurs, certains articles ne reflètent parfois pas du tout l’avis de toute la rédaction. Mais c’est ça aussi la liberté d’expression. 1 -BMJCFSUÏEFMBQSFTTFEBOTMFNPOEF -B MJCFSUÏ EFYQSFTTJPO 6O CJFO CFBV QSJODJQF .BJT DPNNFOU TJODBSOFUFMMF BVKPVSEIVJ $IBRVF KPVS EBOT MF NPOEF EFT KPVSOBMJTUFT TPOU QFSTÏDVUÏT /PNCSF EFOUSF FVY DPOUJOVFOU EF MVUUFS DPOUSF MPQQSFTTJPOKPVSBQSÒTKPVS&OPOU EPOOÏMFVSWJFQPVSEÏGFOESFDFESPJUFU POU ÏUÏ FOMFWÏT " DF KPVS EFNFVSFOU DBQUJGT %F OPNCSFVY NPUJGT FOUSBÔOFOU MB DFOTVSF EJTQBSJUJPOT EF TFT TPVSDFTy $FT QSBUJRVFT BQQFMÏFT DSJNFT PSHBOJTÏT TPOU USÒT DPVSBOUFT EBOT MFT QBZT E"NÏSJRVF -BUJOF TPVWFOU PSDIFTUSÏT QBS MFT DBSUFMT EF MB ESPHVF QBSGPJT BJEÏT QBS MFT BVUPSJUÏT MPDBMFT DPSSPNQVFT .BJT FMMFT DPODFSOFOU ÏHBMFNFOU MB .BGJB MF .JMJFV PV FODPSF MFT :BLV[BT "VUSF FYFNQMF TVJUF Ë VO BSUJDMF TVS MF HPVWFSOFNFOU DBNFSPVOBJT FU TFT SFMBUJPOT BWFD MF HSBOE CBOEJUJTNF MF KPVSOBMJTUF DBNFSPVOBJT 3FOF %BTTJ TFTU WV NFOBDFS 4PO DPVSBHF OB KBNBJT GBJCMJ NBJT Ë MB OBJTTBODF EF TPO GJMT JM B GJOBMFNFOU QSÏGÏSÏ ÏNJHSFSFO'SBODF%FNÐNFRVFMFSFQPSUFS BMHÏSJFO 3BJN RVJ B SÏBMJTÏ RVJM OF QPVSSBJU ÏDIBQQFS Ë MB QSFTTJPO FU FYFSDFS TPO NÏUJFS MJCSFNFOU -B4ZSJFFTUVOEFTDBTMFTQMVTFYUSÐNFTEBOT MF NPOEF &O FGGFU EFT UFSSPSJTUFT JTMBNJTUFT FO QBSUJDVMJFS %BFTI NVMUJQMJFOU UVFSJFT NFOBDFT FU FOMÒWFNFOUT "VKPVSEIVJ MB 4ZSJF FTU MF F QBZT TVS EBOT MF DMBTTFNFOU EF MB MJCFSUÏ EF QSFTTF EBOT MF NPOEF -FT SFQPSUFST SÏTJEFOUT PV ÏUSBOHFST DPOUJOVFOU EJOGPSNFS MF NPOEF NBJT MF QBJFOU TPVWFOU EF MFVS WJF %FSOJÒSFNFOU 5PVT BGGJSNFOU RVF jDFTU MB TPDJÏUÏ RVJ GBJU USPJT KPVSOBMJTUFT TZSJFOT EF MB DIBJOF 0SJFOU QBSMFSMFTKPVSOBMJTUFTx*MTTPVMJHOFOUBVTTJMF 57POUÏUÏUVÏTË%FSBBBVTVEEFMB4ZSJF SÙMF DBQJUBM EFT MFDUFVST FU EF MB EÏNPDSBUJF DJCMÏTQBSVONJTTJMF QPVSMBMJCFSUÏEFMBQSFTTF $FUUF DFOTVSF OF TBSSÐUF QBT BVY GSPOUJÒSFT .BJTBMPSTFYJTUFUJMVOQBZTPáMBMJCFSUÏEF EFMB4ZSJFFUMFTUÏNPJHOBHFTEFKPVSOBMJTUFT MB QSFTTF FTU QMFJOFNFOU SFTQFDUÏF &O FGGFU TF NVMUJQMJFOU %F QMVT MFT NFOBDFT MFTEFSOJFSTÏWÏOFNFOUTFO'SBODFJMMVTUSFOU UFSSPSJTUFT TFSWFOU EF QSÏUFYUF BVY QBZT RVFMFTKPVSOBMJTUFTTPOUTPVWFOUDPOUSBJOUTË EJDUBUFVST QPVS CSJNFS MB MJCFSUÏ MBVUPDFOTVSF GBDF BVY BDUJPOOBJSFT EF MFVST EFYQSFTTJPO"JOTJ BV .FYJRVF BQSÒT MB KPVSOBVYFUËDFSUBJOTTVKFUTUBCPVT$FSUBJOT QVCMJDBUJPO EF TPO MJWSF TVS MFT DBSUFMT EF MB DPOUJOVFOUUPVUEFNÐNFEFTJOEJHOFSFUEF ESPHVFMBKPVSOBMJTUF"OOBCFMMF)FSOBOEF[B SÏTJTUFSGBDFËMPQQSFTTJPO4PVUFOPOTMFT TVCJ NVMUJQMFT NFOBDFT UÏMÏQIPOJRVFT MBHSFTTJPOEFTFTQSPDIFTEJORVJÏUBOUFT Sophia Papon ¡¦¬¦¡£¤£¡¤¡££¡¤Ã¡¦¤¤Äİဠ£¦£¤¨¬¡££¡£Ä¡ ဠ££¤¤£ဠ¡¦¡Ä£¤¡¤¡££ဠ¤¤¨¦န 30 Sommaire Le massacre de Charlie Hebdo Nous en avons tous été informé et avons tous subi ce même deuil du symbole de la liberté d’expression en France lors de l’attentat au sein même de la rédaction de l’hebdomadaire Charlie Hebdo. 12 morts au total, toutes victimes de la folie des terroristes pensant agir sous la protection d’Allah. Parmi celles-ci nous pourrons retrouver deux policiers tués avant l’entrée des frères Kouachi dans l’immeuble. L’un d’entre eux, Ahmed Merabet, avait été blessé avant d’être achevé d’une balle dans la tête alors que celui ci était filmé par les habitants de l’immeuble face à la rédaction. Ils sont morts en tentant de sauver leurs prochains et ne seront pas oubliés. Les autres victimes, tous rédacteurs, dessinateurs, correcteurs, chroniqueurs ou encore journalistes de Charlie hebdo ont ainsi été abattus sans pitié sous les tirs des armes lourdes apportées par les terroristes. Parmi les plus reconnus de la rédaction, Jean Cabu et Stéphane Charbonnier, respectivement surnommés Cabu et Charb, ou encore le génial Georges Wolinsky et enfin Tignous, de son vrai nom Bernard Verlhac. Tous ces hommes étaient des piliers du journal, des chroniqueurs courageux, des dessinateurs au culot ravageur, tous prêt à défendre leur prochain sans jamais renâcler à la tâche. C’étaient des chics types, toujours prêt à se marrer entre potes 29 et ils étaient ouverts à tous les nouveaux qui entraient dans la rédaction ! Il est vrai que nombre de leur satires et moqueries avaient pour sujet Al Qaida et l’islamisme radical pendant un temps mais la quantité d’articles et de dessins défendant l’égalité des sexe, des droits, des classes sociales mais aussi dénonçant une économie libérale ou encore des politiques nationales et internationales corrompues, des droits humains bafoués et l’augmentation des injustices sociales étaient des sujets largement abordés. Moins dangereux que ceux que l’on pourrait qualifier de «trop plein d’audace» mais néanmoins totalement justifiés. J’aimerais aussi finir mon article par une demande à tous ceux qui liront ce journal ; ne confondez pas musulmans et islamistes extrémistes, ne créez pas d’amalgames car c’est exactement ce qu’AQMI souhaite. L’histoire de Charlie Hebdo p.3-4 FN et Charlie p.15 Besoin d’argent ? Achetez Charlie p.4 Fusillade de Montrouge p.17 Lassitude p.5 Le fanatisme au cours du temps p.18 Un pour tous, tous pour un p.6 La théorie du complot p.19 « C’est l’encre qui doit couler, pas le sang ! » p.8-10 « Peut-on rire de tout ? » p.21-22 Au regard de cette phrase, sommes nous véritablement tous des Charlie ? Aurions-nous tous eu ce même courage pour défendre la liberté d’expression ? Charlie Redolfi L’islamophobie p.24-25 Recyclez-vous en ordure : faites de la récup’ politique p13-14 Rédactrices et rédacteurs : «Je n’ai pas peur des représailles. Je n’ai pas de gosses, pas de femme, pas de voiture, pas de crédit, ça fait sûrement un peu pompeux, mais je préfère mourir debout que vivre à genoux «, Charb. « C’est bien fait pour leurs gueules » p.23 Prises d’otages : ça arrive aussi en France p.12 Julien SIMON Pauline LE BOZEC Corentin JAN Sofia PAPON Nicolas SBRAIRE Juliette CALORI Boris DUFFAL Naomi KUKANSAMI Félix DESMARETZ Camille MORIN Tristan VARTANIAN Sandrine OGE Arthur BOLDRON Kevin DAY Simon SALOMON Valentin DESVEAUX Florine HAUSFATER Merci aussi à Gaël COPIN Le massacre de Charlie Hebdo p.29 Annonce de Lycéen p.30 Ours Dessinateurs et dessinatrices : 4BMJIB4*55-&3 Malo DOUCET Kenza DJERIRI Eva GUESBA Mattis CEBRON Violette DELMAS KevinDAY &WB(6&4#" Correcteurs et correctrice : Félix DESMARETZ Léo TURQUIS Florine HAUSFATER Maquettiste : Léo BEAUVAIS GELY Rédactrice en chef et directrice de publication : Florine HAUSFATER Pour CHARLIE, pour les policiers tués, les juifs assassinés, et les mosquées attaquées. 2 L’histoire de Charlie Hebdo Charlie Hebdo tire son origine du journal Hara-kiri. Ce dernier est fondé en 1960 par Georges Bernier et François Cavanna qui décrivent ce journal mensuel comme « bête et méchant ». Il sera plusieurs fois interdit de publication. En 1969 est créée la version hebdomadaire du journal : L’Hebdo Hara-kiri. Lors de la mort de Charles de Gaulle en novembre 1970, L’Hebdo Hara-kiri titre « Bal tragique à Colombey - un mort » ; dix jours avant, un incendie dans une discothèque tuait 146 personnes. L’hebdomadaire est frappé d’interdiction de parution. Pour contrer cette sanction, le journal est renommé Charlie Hebdo. Le journal satirique est un des seuls journaux à ne pas contenir de publicité ; alors en 1981, quand les ventes de l’hebdomadaire baissent, le journal est contraint d’arrêter de paraître. Le dernier numéro sort le 23 décembre 1981. Le journal renaît en 1992 suite à la démission de Philippe Val et de Cabu de la Grosse Bertha. Cabu, Gébé, le chanteur Renaud, et Val financent le premier numéro. L’affaire « des caricatures » commence le 30 septembre 2005 quand le journal danois Jyllands-Posten publie 12 caricatures de Mahomet. Suite au re- 3 fus du gouvernement danois de rencontrer certains diplomates de pays musulmans, certains imams danois sont allés dans les pays arabes pour attiser l’intérêt sur le sujet. Ces imams ont diffusé un faux dossier contenant, certes, les caricatures du Jyllands-Posten, mais aussi des images manipulées ainsi que des fausses informations pouvant inciter à la haine. Cette tournée donne à l’affaire une ampleur internationale. Charlie Hebdo entre dans l’affaire lorsque, le 8 février 2006, il publie ces caricatures « par solidarité et par principe » explique Philippe Val. Le numéro les contenant est publié et vendu à 160 000 exemplaires (contre 140 000). Ces caricatures associées à la une de Cabu : « Mahomet débordé par les intégristes », avec le prophète disant « C’est dur d’être aimé par des cons » provoquera la colère chez nombre de musulmans. Ainsi, le Conseil Français du Culte Musulman demandera l’interdiction de ce numéro auprès de la justice. Finalement, Charlie Hebdo sera relaxé par la justice. Charlie est de nouveau confronté à la baisse de ses ventes en 2010 (48 000 exemplaires dont un quart d’abonnés) ; il augmente ses prix pour la première fois depuis 9 ans. Charb justifie alors « En pleine crise de la presse, nous n’avons pas et nous ne voulons pas d’industriels fortunés comme actionnaires. . .. 28 Un grand bravo à tous les lycéens pour leur magnifiques et émouvants hommages. Leur participation spontanée est un véritable gage d’espoir et d’humanité. rédacteur en chef » avec la victoire d’Ennahdha (le parti islamiste) en Tunisie. Le journal aux sensibilités clairement de gauche, a également eu des problèmes avec certaines personnalités politiques. Ainsi en 2012 l’hebdomadaire publie une fausse affiche de Marine le Pen qui portera plainte. Globalement, les plaintes se sont raréfiées dans les années 2000 mais l’opposition contre Charlie Hebdo prend de plus en plus la forme du terrorisme… Voilà donc l’histoire de Charlie Hebdo, un journal qui n’a jamais cessé de dire dans ses numéros ce qu’il pensait réellement ; sans autocensure mais avec humour et ironie. Charlie Boldron Pas plus que nous ne voulons dépendre de la publicité. Nous ne touchons donc pas les aides de l’État dont bénéficient les journaux dits «à faibles ressources publicitaires», puisque, de publicité, nous n’en avons pas. L’indépendance, l’indépendance totale, a un prix. La presse gratuite coûte des millions de compromis éditoriaux, la presse libre coûte, elle, 2,50 euros. Et son existence ne repose que sur vous. » Un incendie criminel détruit le siège de Charlie Hebdo alors situé dans le 20ème arrondissement de la capitale parisienne dans la nuit du 1er au 2 novembre 2011. Il fait suite à l’annonce de la parution d’un numéro spécial, intitulé « Charia Hebdo, avec Mahomet comme Besoin d’argent ? Achetez Charlie e i l r a h c s i #Char #jesu r e i b v n #ca #a t t e n t a a j t 7 #not bu # inmy o d nam b e h e # #cha rl ieheb d #wol insk i 27 o Ou plutôt, revendez-le. La vague de soutien à Charlie Hebdo a également entraîné un business autour de tout ce qui est Charlie. Vous pouvez depuis plusieurs jours trouver n’importe quel numéro de Charlie Hebdo sur Ebay.... pour une centaine d’euros généralement. D’ailleurs, le numéro post-attentat, rapidement en rupture de stock, a envahi le site de vente. Certains vendeurs très optimistes tentent de les vendre à des prix exorbitants. Ce n’est pas stupide de dépenser 2 euros pour en récolter 150 après tout, c’est comme gagner au loto. Mais Ebay a tenu à mettre les choses au point : ceux qui vendent des produits liés à Charlie Hebdo se doivent de donner une partie des bénéfices pour soutenir le journal. la marche républicaine du 11 janvier, vous avez peut-être croisé des personnes profitant de l’occasion pour vendre des hauts «Je suis Charlie». Si ce n’est pas le cas, ne vous inquiétez pas : vous pouvez trouver tout ce que vous voulez sur internet, du mug à la coque Iphone. Evidemment, les internautes ont réagi rapidement face à ces récupérations commerciales et les sites ont, pour la plupart, fermé sous la pression. Cependant certains de ces vendeurs se sont exprimés sur leurs raisons : récolter des fonds pour aider Charlie Hebdo. Est-ce une simple excuse ? Ce n’est pas important. Dans quelques mois vous pourrez sûrement trouver en librairie des livres sur le 07 janvier 2015, des soi-disant hommages aux morts... On ne va pas cesser de voir défiler des produits «Charlie», mais il ne tient qu’à vous d’encourager ces ventes. Petit Charlie Il y en a qui revendent, il y en a d’autres qui préfèrent créer. «Je suis Charlie» est devenu en quelques jours un logo. A 4 Lassitude Charlie hebdo, le drame survenu le mercredi 7 janvier nous affecte tous, de n’importe quel horizon, de n’importe quelle nationalité. Certains voient en cet acte de « barbarie » une sorte de vengeance par rapport à certaines unes publiées par Charlie. Certains ne s’en préoccupent pas et, pire, d’autres s’emplissent d’une lassitude par rapport à ce qu’il s’est passé il y a à peine quelques jours. Comment des citoyens français, certains même dans notre lycée, peuvent se lasser d’un tel acte … Cette lassitude est due aux médias, au bouche-à-oreille continu de nous lycéens ; mais à ce point ! Ces infos en continu qui se perpétuent dans les cours des lycées, dans les cafés et qui agacent certains. Des hommes, des femmes, qui, devant leur poste de télévision, changent de chaîne lassés d’écouter Jean-Pierre Pernaud nous détailler les deux prises d’otages de vendredi, ce qui est inacceptable. Ces personnes ont bien sûr formé en eux une sorte de compassion envers les membres de la famille des défunts mais qui s’estompe au fil des jours, des heures... Ces lycéens qui ne s’arrêtent plus devant les affiches « Je suis Charlie », qui ne sont plus émus devant certaines vidéos d’union nationale, devraient se taire, garder leur ressenti. Ces «lassés» qui envahissent et contaminent notre lycée avec leur arguments provocateurs sont, excusez-moi du terme, d’énormes idiots ! Qu’ils ne viennent pas détruire le mo- ral de républicains qui soutiennent et défendent Charlie ! Ces «lassés» ne le sont pas lorsqu’un événement leur rapporte du profit ou de la joie, mais le deuil national leur est incompréhensible. Alors à quoi bon fêter le 14 Juillet ou Noël ! Ces mêmes personnes ne sont derrière Charlie que pour un effet de «mode» éphémère qui une fois pompé jusqu’au sang ne sert plus à rien à leurs yeux et n’est plus qu’un prétexte de conversation lors d’interminables heures de perm’ ou d’un des rares débats familiaux ! Ces gars qu’on devrait plaindre par leur modeste cortex cingulaire postérieur qui leur empêche de compatir devant ce drame national ! L’abruti savant qui dénonce l’acte de barbarie des Kouachi et qui vient se plaindre que toutes les unes de Libé en ce moment sont sur Charlie devrait juste un moment penser à ses paroles et ses actes. Toi, l’abruti savant, crois-tu que les américains ne pleurent plus les morts du 11 septembre ? Crois-tu que les mères des 237 lycéennes enlevées par Boko Haram ne pleurent plus leur(s) fille(s) ? Saches que tes arguments, quels qu’ils soient ne changeront pas ma façon de penser et resteront dans le vague, comme un murmure incompréhensible. Parler, discuter, chanter telle est ma devise de liberté. Mais sachez bien que je ne suis pas obligé de vous écouter... Merci Charlie Day 5 26 Un pour tous, tous pour un Et quelles sont les conséquences religion ou couleur de peau ne compte de l’islamophobie, de celle manifestée pas, c’est pas du jeu de dire que parce récemment par bon nombre de Français que Machin est Blanc et catholique, il ? Rappelons que l’islamophobie, me dit est plus Français que Truc qui est d’une mon pote Wiki « peut se définir comme autre couleur que lui et bouddhiste, juif, la peur ou une vision péjorative de l’is- musulman, ou témoin de Jéhovah ou lam, des musulmans». Ici c’est une peur athée ou que sais-je ; c’est juste raciste) qui entraîne une cinquan«Les hommes (note «les hommes (note persontaine d’actes anti-musulpersonnelle : et les nelle : et les femmes) naissent mans depuis l’attentat à femmes) naissent et et demeurent libres et égaux Charlie Hebdo. Graffitis demeurent libres et en droits.» Dans ces droits, insultants sur des moségaux en droits.» vous savez ce qu’il y a. La quées, des têtes de porcs liberté d’expression, d’assoou de sangliers devant les ciation, le droit de travailler, mêmes bâtiments religieux, coups de d’habiter sur le sol français, de pratifeux, incendies... La liste des horreurs quer sa religion sans tenter de l’imposer continue, et je ne peux même pas dire à autrui... La liberté d’expression est ici «on ne les compte plus» parce qu’on les le problème. Parce que le racisme n’est compte, parce que ça blesse, parce que ça pas une opinion. C’est juste inhumain. tue. Le racisme et l’extrémisme sont des couJe ne suis pas spécialiste en sins proches, et croyez-moi, vu la masse sciences, vous l’aurez compris, ni même de Charlie armés de leurs plus beau styen droit, mais Wiki à ma droite me dit lo-billes en promo chez Liddle (au même qu’un être humain est une «créature vi- rayon que les punchlines de Booba), à vante membre de l’espèce humaine». votre place, ça me gênerait d’être dans la Jusqu’à preuve du contraire, c’est ce que même famille que ces deux-là. les hommes et femmes sont ici en France. Et en France (test : si vous avez une vraie Pauline Le Bozec carte d’identité française produite par l’Etat français, vous êtes français. Votre 25 Le 7 Janvier 2015, Charlie Hebdo, un journal satirique, est victime d’un attentat ; la France est touchée. La France est en deuil. Alors qu’elle connaît son plus grand attentat depuis 50 ans environ, elle reçoit le soutien des ses alliés européens et bien plus encore. Charlie Hebdo reçoit premièrement le soutien de millions de Français qui dessinent pour rendre hommage aux dessinateurs et journalistes tués durant l’assaut. Le dessin de Plantu « De tout cœur avec Charlie Hebdo » écrit à l’encre rouge, pour symboliser le sang, est réutilisé et partagé sur plusieurs surfaces tels que Facebook, Twitter... « Je suis Charlie. » est la phrase utilisée comme slogan et hashtag sur Twitter (5 millions de tweets) pour montrer son soutien pour cette cause. Un brassard noir est porté sur plusieurs chaînes françaises, toutes les chaînes d’informations soutiennent Charlie Hebdo et diffusent en direct les informations acquises. Plusieurs marches et rassemblements sont alors mis en place devant les ambassades française de différents pays tels que l’Allemagne, la Belgique, l ‘Angleterre, l’Italie, les U.S.A., certains pays d’Afrique et tant d’autres. En soutenant cette cause, ces pays défendent la liberté d’expression qui est de plus en plus menacée ces derniers temps. Le journal Charlie Hebdo trouve du soutien chez des collègues de Libération, et s’installent dans leurs bureaux pour produire le prochain Charlie Hebdo, qui est sorti le mercredi 14/01/15, soit une semaine après le drame, tiré à 5 millions d’exemplaires. Beaucoup de célébrités tels que Madonna, Justin Timberlake, George Clooney et d’autres se montrent choqués par ces actes monstrueux qui ont touché la France ; Madonna dit : « Tuer au nom de Dieu est une idée de l’homme et pas celle de Dieu. L’ignorance engendre l’intolérance et la peur ». Des millions de messages et dessins du monde entier, des caricatures de Charb, Cabu et Wolinski sont reprises, d’autres sont transformées, des premières de couvertures retransmises à travers le monde. Toutes ces formes de soutien sont envoyées à l’équipe de Charlie Hebdo et aux proches des personnes décédées. Le nombre d’abonnements à Charlie Hebdo a doublé. Les Français se mobilisent, environ 1 million d’euros de dons sont envoyés au site « JaideCharlie. fr ». L’association Presse et Pluralisme débloque 200 000 d’euros de dons, 100 000 euros qu’elle puise dans ses réserves et l’autre partie est une sorte d’avance sur les dons à venir. Ils reçoivent également un don de 250 000 euros effectué par Google pour l’innovation numérique. La banque publique d’investissement s’est engagée à prendre une cinquantaine d’abonnements à Charlie Hebdo. Des représentants européens, américains, africains et asiatiques se sont déplacés pour soutenir la marche historique du 11 janvier, une marche qui symbolise la bataille contre les actes terroristes et l’atteinte à la liberté d’expression. C’est dans des moments difficiles comme celui-ci que l’on doit être soudé, effectivement, l’Union fait la force. Percy Pig 6 L’islamophobie, Booba et vos grands-mères Ce mois-ci, je n’ai pas envie d’écrire un truc joli, avec des tournures de phrases pour vous faire rire, même si c’est ce que je suis censée faire parce que le rire est l’arme de ceux qui se battent à la loyale (par exemple Booba : ses punchlines à deux euros en promo chez Liddle vous font rire, et il s’est auto-proclamé «duc de Boulogne». CQFD.). Je n’ai pas envie de rire mais il le faut. Chacun a son avis sur la liberté d’expression, l’importance de rire de tout et surtout de tous ; moi je pense que c’est essentiel. Alors on a tous nos propres limites, et les caricatures du prophète Mahomet étaient celles des frères Kouachi – mais vous ne me lisez pas pour que je vous parle d’eux. Moi, je veux vous parler d’un mot que vous entendez depuis des jours, sans savoir, peut-être, sa signification : l’amalgame. «L’amalgame, dans son sens figuré de procédé de langage, consiste à associer abusivement des personnes, des groupes ou des idées.» nous dit Wikipédia, qui reste une valeur sûre. Depuis quelques jours, « amalgame » rime avec « musulman » («Ne faites pas d’amalgames, les musulmans ne sont pas islamistes !», ce qui est totalement vrai. Je sais que ça vous semble basique mais ça me semble important de justement rappeler la base 7 du respect de l’autre) qui lui-même ne rime pas avec islamiste (oui, voilà ce que l’on nous apprend en L).Des imbéciles essayent malheureusement d’imbriquer ces deux notions ensemble, comme un enfant qui tente de coller un Lego à un Playmobil. Qui sont-ils ? Qu’est ce que j’en sais ? Ce serait faire des généralités ou du prosélytisme que de les montrer du doigt. Ça peut être la copine de votre grand-mère, votre prof de maths, votre voisin du 3ème étage, votre grande sœur, c’est peut-être vous. C’est dû à quoi ? Là encore, c’est délicat de définir ce qui a foiré chez quelqu’un au point qu’il confonde une religion prônant l’amour et la paix, et un groupe d’intégristes extrémistes et terroristes (les mots en -iste c’est toujours mauvais signe). J’espère ne pas me tromper quand je dis que c’est l’éducation qui a un peu dérivé et s’est finie en banderoles insultantes, racistes, rejoignant étrangement quelques réflexions islamistes (éliminer ceux qui te font chier, en bref ). La tolérance on ne naît pas sans, ni avec. La stupidité, c’est pareil. Ce sont deux choses qui s’acquièrent ou s’évitent pendant la vie, et particulièrement durant l’enfance et l’adolescence, où l’on forme son esprit.. .. 24 « C’est bien fait pour leurs gueules » Alors oui, on a entendu des gens réagir comme ça en parlant de journalistes lâchement assassinés. Pas énormément, mais l’embêtant c’est que les cons, ça fait du bruit. Je vais ici m’adresser directement à ceux qui ont tenu, ou qui tiennent encore de tels propos. Alors, est-ce juste de dire qu’ils l’ont mérité ? Non, c’est juste que vous n’avez rien compris. Le seul tort de ces gars, c’est d’avoir utilisé un crayon, et ils ont reçu des balles ; vous appelez ça de la justice équitable vous ? Certes, vous avez le droit d’être choqué par les caricatures du prophète qui ont été publiées dans Charlie Hebdo (c’est d’ailleurs le but d’un journal dit satirique). Mais aucune personne saine d’esprit ne peut se réjouir de leur mort. Par exemple, est ce que tu vas aller planter ton prof parce que tu n’aimes pas son cours et qu’il te fait tout le temps des remarques ? Non. On est en France, on est en 2015, et il faut se mettre dans la tête qu’on ne tue pas des gens parce que l’on n’est pas d’accord avec leurs idées, d’autant plus qu’elles ne font de mal à personne ! Je dis « on est en France » parce que cette idée de liberté d’expression, le pays a eu le temps d’en connaître le prix depuis la Révolution et l’époque des Lumières. Je sais que l’on a tous ou presque vu ou entendu cette phrase de Evelyn Hall (et non pas Voltaire, on vous a menti) ces derniers jours, mais je la réécris ici parce qu’elle résume bien cette valeur de la République française qui a été attaquée : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je défendrais jusqu’à ma mort votre droit de le dire ». C’est juste ça : vous pouvez désapprouver des mots, mais vous ne pouvez pas coudre la bouche de celui qui les dit. Charlie Simon Ah mais ce n’est pas fini ? Attendez, que vois-je arriver au loin ? Des défenseurs de Dieudonné ! Faut dire qu’on les attendait un peu. Cela dit c’est vrai, pourquoi parler de liberté d’expression dans le cas des caricatures de Mahomet alors qu’on a tout bonnement interdit ce cher Dieudo de représentation ? Bon, déjà on va clarifier quelque chose : Charlie Hebdo n’est pas et n’a jamais été anti-islam. À la limite anticlérical, mais la seule chose qu’ils condamnent, c’est la connerie et l’usage abusif que certains, en particulier les grands de ce monde, font 23 des religions. Dieudonné, lui, se déclarait ouvertement antisémite. Ses propos sur les chambres à gaz et sur la communauté juive, on appelle ça « apologie de crime contre l’humanité » et « incitation à la haine raciale ». Et aller jusqu’à nier l’existence même de la Shoah dans certaines de ses interventions ça s’appelle le négationnisme. Donc voilà. Les trois choses qu’on lui reproche principalement sont clairement interdites par le code pénal français. Le blasphème, c’est pas illégal. Pourquoi ? Parce qu’on est dans un pays laïc. Fin du débat. « C’est l’encre qui doit couler, pas le sang ! » Bonjour à tous chers lecteurs ! du Lycée Michelet Dès 7h, nombreux sont les élèves venus manifester leur soutien au journal CHARLIE HEBDO. L’atmosphère est pesante, la foule est très calme mais encore choquée par les évènements de la veille. On remarque la crispation sur les visages. Au fi du temps, les langues se délient et les élèves expriment leurs sentiments. Les seuls mots et paroles échangés à cette heure si matinale étaient : « Quelle horreur » ou encore « J’en reviens pas ». Aucune pensée négative envers les autres lycéens, tout le monde s’était rassemblés pour la même chose : faire entendre sa voix ! A la grille d’entrée, pancartes, slogans, dessins, sont suspendus afin de manifester l’indignation commune. On peut lire des slogans tels que « C’est l’encre qui doit couler, pas le sang », « Ils voulaient nous mettre à genoux, ils nous ont mis debout », « Le terrorisme n’a pas de religion » et bien sûr « Je suis Charlie ». Tant d’élèves regroupés de leur plein gré de si bonne heure, c’était inespéré ! . Hommage aujourd’hui dans ce numéro spécial dédié à Charlie Hebdo. En règle générale, j’aime bien le mercredi, c’est une journée agréable. Pas de lycée l’après-midi, un moment de détente entre les cours qui se densifient en ce milieu d’année. Ce 7 janvier, il faisait trop froid pour rester longtemps devant l’établissement après la classe, nous étions nombreux à rentrer rapidement chez nous. Je franchis le seuil de ma porte ; la nouvelle était tombée. Je ne veux pas relater les faits. Vous avez tous suivi cette terrifiante affaire avec une attention remarquable, par la télé, les journaux ou même les réseaux sociaux, cela ne nous mènerait pas à grand-chose. La conscience politique de Michelet était active dès lors que nous avons décidé de nous rassembler jeudi matin (sur une superbe initiative de la TES2). Jeudi 8 janvier 2015 : journée de deuil national, l’une des journées les plus émouvantes et éprouvantes de l’histoire .. 8 Plus tard, tout le monde rentre en cours. Car pour les lycéens, ne pas aller en cours serait contradictoire sachant que c’est l’éducation scolaire qui nous permet d’écrire, de dessiner et d’avoir des opinions... Bref, de raisonner au lieu d’agir sans réfléchir. La peur a commencé à se diffuser plus tard dans la matinée. Peu après huit heures, on apprend qu’une nouvelle fusillade a éclaté à Montrouge. Le préfet a ordonné de confiner le lycée. L’enfer continue... À l’intérieur des classes, on sentait une sorte de flottement général. Les cours se déroulaient, mais comment se concentrer ? Les élèves tentaient de suivre l’actualité, beaucoup de professeurs essayaient de masquer leur bouleversement. Je me demandais sincèrement ce qu’une simple leçon, quelle que soit la matière, était, comparée à ce qu’il se passait alors. Puis, juste avant midi, les élèves se rassemblent pour observer une minute de silence. Le Proviseur s’exprime : « La cause en vaut la peine ! Il est midi et dans toutes les écoles de France, les élèves, les enseignants et les adultes qui travaillent dans les établissements sont regroupés. Je vous transmets quelques mots de la part du ministre de l’Education Nationale, mais plus simplement de la part d’un être humain, qui comme vous, est horrifié par ce qu’il s’est passé : « L’attentat meurtrier contre l’hebdomadaire CHARLIE HEBDO a atteint notre République au cœur. La liberté d’expression est au fondement de toutes les libertés : la liberté de conscience et le respect des opinions individuelles sont les principes qui nous permettent de vivre ensemble. » Je voudrais vous lire quelques strophes d’un magnifique poème de Louis ARAGON, écrit pendant l’occupation allemande alors qu’il était résistant. Ecoutez et réfléchissez-y. La Rose et le Réséda Celui qui croyait au ciel Celui qui n’y croyait pas Qu’importe comment s’appelle Cette clarté sur leur pas Que l’un fut de la chapelle Et l’autre s’y dérobât Celui qui croyait au ciel Celui qui n’y croyait pas Tous les deux étaient fidèles Des lèvres du cœur des bras Et tous les deux disaient qu’elle Vive et qui vivra verra Celui qui croyait au ciel Celui qui n’y croyait pas Quand les blés sont sous la grêle Fou qui fait le délicat Fou qui songe à ses querelles Au cœur du commun combat . .. 9 « …Et pas n’importe comment. ». La manière de rire d’une chose ne doit pas avoir pour but de diffamer et de faire mal. Cela est par ailleurs répressible ! La justice est prédisposée à sévir tout propos diffamatoires. Mais, et c’est là que les choses se compliquent : est-ce que dire, comme Charlie Hebdo, que « le coran c’est de la merde…» dans un journal satirique est diffamatoire ? Cela dépend du contexte et s’il y a une argumentation derrière qui ne l’est pas. En effet, comme vu dans le premier paragraphe, un propos peut être mal interprété, donc au premier degré et provoquer un tollé. Mais il faut savoir que ce journal est satirique donc sous couvert explicite du 2nd degré, seuls des idiots ne pourraient pas s’en rendre compte. Enfin, il s’agit de la pensée cachée. La suite de cet extrait est « …, ça n’arrête pas les balles ! ». Cela fait référence au massacre de plus de 700 personnes le 13 Août 2013 lors d’une manifestation en Égypte, pays dont la majeure population est de confession musulmane, par les militaires, aussi de confession musulmane, qui ont renversé Mohamed Morsi, premier président Égyptien élu par le peuple. Sous la satire voulant rendre cet évènement comique, il se cache donc une réalité ironique et tragique qui dénonce une hypocrisie humaine chez les bourreaux se disant faire partie d’un culte mais sans en respecter les règles. De cela en pâtissent le reste des croyants se pensant protégés des « leurs » par ces mêmes règles élémentaires soit, dans le cas présent : « tu ne tueras point ». De plus, il faut se rappeler qu’une image est associée à ces termes accentuant le comique et le ridicule des personnes visées qui sont ici les militaires et non réellement le Coran. Le comique ne fait pas toujours rire mais il n’est en aucun cas inculpable et diffamatoire. Il faut donc faire attention lorsque l’on rit d’une chose. Selon le milieu dans lequel nous nous trouvons, nous n’avons pas les mêmes sources de rire, les mêmes tabous, que nous pouvons tout de même tourner en dérision au risque que cela paraisse déplacé. Car nous n’avons pas tous la même sensibilité, il faut savoir choisir ses partenaires de joie car comme le dit Bergson : « Le comique naîtra quand les hommes réunis en groupe dirigeront leur attention sur l’un d’entre eux en faisant taire leur sensibilité et exerçant leur seule intelligence ». Sans oublier que le rire commence par celui de soi. La Patate Flamboyante 22 « Peut-on rire de tout ? » À cela, Pierre Desproges, Mi- blancs, les noirs, les asiatiques, les chel Colucci (Coluche), Spinoza, petits, les grands, les handicapés… Bergson, et tant d’autres ont répondu Tout peut prêter à rire ! Néanmoins, « Oui ». On peut même ajouter que pas avec certaines personnes en notre « Le rire est le propre de l’homme » compagnie ou écoute. Pour le citer (Rabelais). En effet, après les récents encore une fois : « Il vaut mieux riévènements dont toute la France a goler d’Auschwitz avec un juif que entendu parler, on pouvait se deman- de jouer au scrabble avec Klaus Barder encore une fois si, bie. ». Rigoler d’une « On peut rire de oui ou non, on peut rire chose, donc la tourtout mais pas avec de tout. Car c’est bien à ner en dérision, c’est cause d’une volonté de n’importe qui. » souvent parler au sefaire rire, par la caricacond degré. En comture et la satire, que ces drames ont eu pagnie d’une personne qui n’est pas lieu. Du moins des réactions à cette ouverte d’esprit c’est voir le risque volonté. Bien sûr ce débat a déjà été d’une interprétation primaire et une résolu, bien que toujours en cours, mécompréhension qui peut aboutir à par de nombreux intellectuels ouverts une réaction déplacée : soit, dans un d’esprit. cas extrême, ces attentats de la part Selon P. Desproges : « On peut de personnes fermées d’esprit n’ayant rire de tout mais pas avec n’importe aucun sens de l’autodérision, soit qui. ». Ce que signifie cette phrase est voir apparaître des partisans de l’idée que tout comportement humain est transmise par une transcription litrisible. On peut rire de tout ce qui térale de notre plaisanterie et qui est nous entoure et on peut même rire de donc contraire au message que l’on personnes ou groupes distincts tels les voulait faire passer. Il faut donc faire homosexuels, les chrétiens, les juifs, attention à la portée de nos plaisante. les musulmans, les hétérosexuels, les ries. .. Ce combat commun, c’est celui que nous sommes en train de mener aujourd’hui, tous ensembles contre la barbarie. Hier, l’ancien directeur de CHARLIE HEBDO a dit : « Ayons le courage de ne pas avoir peur ». Soyons courageux ensemble ! Continuez à être vigilants ! En mémoire de celles et ceux qui sont tombés, je vous demande d’observer quelques instants de silence. » On entendait déjà certains élèves et professeurs pleurer. Un silence pesant planait au-dessus de nombreuses têtes. Seuls la pluie et le glas des églises se font entendre. Certains stylos se sont élevés droit vers le ciel en signe de contestation à la violence face aux dessins qui, jusqu’à preuve du contraire, n’ont jamais tué. C’est lorsque l’on observait ces simples stylos levés devant l’entrée du CDI que l’on avait le droit d’être fier de notre action, aussi minime soit-elle. « Encore un mot ...vous avez affiché à la porte du lycée un slogan que je vous propose de vous approprier « C’est l’encre qui doit couler, pas le sang ». Alors cette encre, faites la couler sans modération ! Vous avez, sans doute, remarqué que dans les pays totalitaires, la première mesure que prennent les dictateurs, est de fermer les écoles. Ca n’est pas un hasard ! La science, le savoir, la culture et la réflexion sont les plus beaux ennemis du totalitarisme. Alors, soyez à votre façon, les ennemis du totalitarisme : apprenez, écrivez, lisez des poèmes, imprégnez-vous de cette culture qui fait notre fierté collective. » Cet événement n’a fait qu’intensifier l’émotion omniprésente pendant la minute de silence suivie d’une Marseillaise inattendue mais plus que bienvenue. Puis, cette phrase que nous n’avions presque tous jamais entendu avant mercredi dernier : « Je préfère mourir debout que vivre à genoux », disait Charb. La marche qui s’est déroulée le dimanche suivant nous a donné la preuve que ces mots ne sont pas des paroles en l’air. Le beau moment de ces derniers jours, ce fut de rentrer en cours lundi matin pour entendre un peu partout qu’une majorité d’entre nous s’étaient rendue à la grande marche la veille, criant à l’unisson pour les victimes de Charlie et pour un monde libre. Et si vous vous demandez toujours où est Charlie ? Regardez autour de vous… Nous sommes Charlie ! Juliette CALORI, Camille MORIN et Tristan VARTANIAN P.S. : Une dernière chose : vendredi soir, les membres du Zeugma se sont réunis pour préparer au mieux ce numéro. Nous nous sommes entendus pour nous répartir les articles autour de ce sujet. Je devais écrire à propos du recrutement des djihadistes. J’ai essayé, mais je n’en étais pas du tout satisfaite. L’article que j’ai écrit pour cet article commun n’était certes pas grandiose, mais il vient du cœur et c’est ce dont je voulais parler. N’est-ce pas cela, la liberté d’expression ? Juliette CALORI 21 10 11 20 La théorie du complot A chaque attentat sa théorie du complot ! Et celui qui s’est produit le 7 janvier au siège du tristement célèbre journal satirique ne déroge pas à la règle... Depuis quelques jours, l’affaire Charlie Hebdo a divisé l’opinion publique, notamment sur les réseaux sociaux où certains pensent qu’il s’agirait en fait d’un complot sioniste visant à salir l’image de l’Islam. Ils pointent du doigt l’amateurisme des terroristes qui ont oublié une de leurs cartes d’identité ainsi que plusieurs chargeurs de kalashnikov portant leur empreinte ADN dans leur voiture. Cette voiture a d’ailleurs soulevé quelques doutes sur les réseaux sociaux où certains affirmaient que la couleur des rétroviseurs serait passée de blanc à noir entre le moment de l’attentat et celui où les policiers ont retrouvé le véhicule. Mais il s’agissait en réalité du reflet du soleil sur les rétroviseurs chromés de la Citroën ! Autre fait troublant pour les complotistes : la vidéo enregistrée par l’un des témoins, où l’ont voit des personnes équipées de gilets pare-balles sur le toit de l’immeuble, comme s’ils savaient qu’une attaque aurait lieu. Ce qui n’est pas si choquant que cela puisque l’équipe de Charlie Hebdo bénéficiait de ces gilets grâce à leur protection policière mise en place depuis l’incendie de 2011. Sur cette même vidéo, on voit l’exécution d’un policier par l’un des frères 19 Kouachi. Même si le fait qu’il n’y ait pas eu d’effusion de sang au moment de l’acte est étrange, cela ne prouve pas que le policier ait survécu... S’agissant de la prise d’otages ayant eu lieue à Hyper Cacher, une vidéo sur YouTube nous montre que Amedy Coulibaly avait les mains jointes quelques secondes avant de mourir. Ce qui est surprenant puisqu’il avait aussi deux kalashs dans les bras ! Alors la vidéo a t-elle été truquée ? Ou avait-il les mains attachées, comme s’il avait été forcé de commettre cette prise d’otage ? Quoi qu’il en soit la qualité de la vidéo et la distance de prise de vue ne nous permettent pas de le vérifier ! Pour ceux qui croient en un coup monté, l’attentat qui a eu lieu à Charlie Hebdo et la prise d’otage à Porte de Vincennes, auraient été l’œuvre de sionistes qui auraient missionné Coulibaly et les frères Kouachi pour tenter d’accroître l’islamophobie dans les pays occidentaux. Selon moi, les arguments avancés par les complotistes sont très contestables, aucun des faits cités ci-dessus ne permet d’affirmer avec certitude que cette théorie du complot est vraie... Pourquoi croire en des arguments infondés ? Ça n’a pas de sens... Alors levons nos stylos et arrêtons de voir des complots partout ! Charlie Jan Prises d’otages : ça arrive aussi en France C’est vendredi 9 janvier, tôt le matin. Après que l’un d’eux ait été touché par la police, les frères Kouachi se réfugient dans une imprimerie à Dammartin-en-Goële, près de l’aéroport de Roissy, et prennent en otage le patron de l’entreprise. Vers 13h à Porte de Vincennes, dans l’est de Paris, le supermarché HyperCacher est pris d’assaut par Amedy Coulibaly. De nombreuses personnes étaient parties faire leurs courses dans ce magasin pour préparer le shabbat, une vingtaine d’entre elles sont retenues en otage. Trois otages sont assassinés dans les premières minutes de la prise d’otage et un quatrième l’est plus tard, après avoir courageusement tenté de prendre une des armes de Coulibaly pour la retourner contre lui. tant en Seine-et-Marne qu’à Paris pour sécuriser les habitations voisines et les lieux publics. Peu après 17h l’ordre est donné par le Président de la République de lancer l’assaut. L’action, quasi-simultanée sur les deux sites, ne dure que quelques instants. Les trois terroristes sont abattus à leur sortie des deux bâtiments par les forces d’intervention de la gendarmerie et de la police qui travaillaient (en situation réelle) pour la première fois ensemble. De cette double prise d’otage, s’ajoutent finalement quatre nouvelles victimes aux treize victimes de Charlie Hebdo et de Montrouge. Il a été possible d’entendre quelques instants d’un dialogue entre Amedy Coulibaly et un de ses otages grâce aux équipes de RTL qui ont appelé l’hypermarché lorsqu’elles ont appris ce qu’il s’y passait. Ses arguments, lorsqu’il essaie de justifier ses actes, ne tiennent évidemment aucunement la route et sont caractéristiques de l’endoctrinement dont il a fait l’objet. Cette double prise d’otage qui a frappé la France à la suite des horreurs de Charlie Hebdo est non seulement inédite mais est aussi le signe d’une résurgence de l’antisémitisme et du repli identitaire et entraînera sans aucun doute de nombreux amalgames contre les Français musulmans et les musulmans en général, qu’il faudra combattre par l’expression et l’éducation. Il y a donc quatre personnes qui sont tuées lors de cette prise d’otage qui visait ouvertement la communauté juive. À Dammartin, après s’être fait soignés, les frères Saïf et Chérif Kouachi laissent partir le patron afin de se retrouver seuls. En réalité, un employé a réussi à se cacher sous un évier à l’étage supérieur au moment de leur arrivée. Pendant huit heures, ce jeune graphiste communique par messages avec les troupes spéciales des forces de l’ordre afin de les tenir au courant des diverses informations qu’il arrive à obtenir depuis l’intérieur. Malgré le terrible manque de discrétion et de professionnalisme des journalistes, les deux frères n’en ont rien su et il a survécu. Des périmètres et des mesures de sécurité importants sont mis en place par le GIGN et le RAID durant toute la journée Simon Salomon 12 Le fanatisme au cours du temps Recyclez-vous en ordure : faites de la récup’ politique La récupération politique, qu’est-ce donc ? Imaginons un événement. Il se produit et devient un sujet médiatique. Les personnalités politiques sont alors interrogées dessus, et l’utilisent pour mettre en valeur leurs arguments politiques, descendre leurs adversaires ou plus communément valoriser leur image. Dans le cas dramatique de l’attentat à Charlie Hebdo, certains espéraient qu’un minimum de décence retarderait cet inévitable phénomène. Hélas, la décence a fui certains paysages politiques depuis bien longtemps. Aussi, voici une liste (absolument pas exhaustive) des récupérations politiques les plus dégueulasses de ces dernières semaines. Commençons joliment par un tweet de Yves de Kerdrel, Directeur Général de Valeurs Actuelles : « La seule personnalité qui ne s’est pas exprimée sur le drame que nous vivons est #Taubira, dont la politique pénale met la France en danger. » (9 janvier ) Vous noterez la (presque) subtile subordonnée relative expliquant que bon, les terroristes, c’est lié à l’insécurité, donc à la politique pénale de Taubira. Cette récupération est d’un niveau relativement bas comparée à celle – un tantinet xénophobe – de Florian Philippot, N°2 du FN : « Les Français attendent des solutions, nous 13 allons expliquer les nôtres. Il n’y aura pas de mesures nouvelles, notre analyse est ancienne sur le sujet. Nos thèses sont validées depuis longtemps, tous les français le savent. » Ou comment accuser ouvertement l’immigration d’être responsable du terrorisme au lendemain de l’attentat. Hormis la demande de référendum sur la peine de mort de Marine Lepen, on peut noter quelques remarques proprement aberrantes concernant l’autorisation du port d’armes. La plus médiatisée reste celle du milliardaire américain Donald Trump, qui nous explique que si les journalistes avaient eu des pistolets, « ils auraient eu au moins la chance de résister. » avant de préciser que c’était « intéressant » de voir que ce drame se produisait « dans un des pays les plus stricts au monde sur les contrôles d’armes ». Il n’a malheureusement fait qu’illustrer l’opinion de nombreuses personnes, révélant un manque certain de mémoire collective et une logique à pleurer. En effet, le port d’armes, même s’il est « tempéré » par quelques réformes, multiplie les massacres plus qu’il ne les empêche ; ce ne serait pas un, exceptionnel, mais de fréquents massacres qui auraient lieu chaque année, comme il y en a – surprise – aux Etats Unis. La récupération politique, en plus d’être ignoble, est rarement intelligente, c’est à déplorer. . .. Cette affaire a bouleversé tout le monde et moi en premier. Je pensais que l’extrémisme religieux régresserait avec le temps mais il faut croire qu’il persiste toujours. Néanmoins, je pense qu’il serait trop simple de se contenter de dire que les responsables de ces actes, je veux bien sûr parler des trois terroristes, sont des fous ou des barbares. Je trouve ce genre de réflexion trop rapide et cela empêche d’étudier le phénomène en profondeur. Je m’explique : ces individus sont effectivement des fous mais il faut aller plus loin en se demandant ce qui a bien pu les amener à faire cela. Qu’est-ce qui, au nom de la religion, pousse certaines personnes à user de violences et agir ainsi ? C’est lors d’un cours de philosophie que la professeure a donné naissance à cette réflexion. Si l’on fait un retour dans l’histoire, on peut constater que l’extrémisme religieux est monnaie courante. Plusieurs religions ont eu ces moments de honte. Cela commence ainsi en l’Antiquité quand les païens tuaient les premiers chrétiens avant qu’eux-mêmes ne leur rendent la pareille. On a ensuite le Moyen-Age au temps des croisades (11e au 13e siècle) où la barbarie fut utilisée à maintes reprises par les chrétiens au Moyen-Orient. On peut observer aussi les actions des espagnols sur les indiens d’Amérique vers le 16e siècle ou certains prétendaient les tuer pour sauver leurs âmes au nom de la religion. Ou encore les conflits européens entre catholiques et protestants durant la Renaissance, toujours très meurtriers. Et aujourd’hui encore, la religion crée des conflits dans certaines parties du monde où elle devient un argument pour provoquer la mort. Je précise que l’athéisme (qui est finalement une sorte de croyance car l’on croit en la non-existence) a tout autant déclenché ces types de conflits, spécialement dans le monde communiste comme en Chine où la religion bouddhiste est également stigmatisée au Tibet. Lorsque les religions donnent leurs avis sur la question. On entend parler de radicalisme et de fanatisme. L’objectif est souvent de chercher à séparer ces individus de la vraie religion. C’est une très bonne chose, mais il conviendrait de se demander d’où peuvent venir ces fanatiques. Voltaire disait d’ailleurs que le fanatisme est à la superstition ce que la rage est à la colère, un enthousiasme qui possède l’individu et lui fait prendre ses songes pour des réalités. Ainsi celui-ci accomplirait actes improbables selon ce à quoi il croit aveuglément. En fin de compte cet extrémisme religieux existe depuis très longtemps déjà. Il serait peu judicieux de ne retenir de l’affaire d’aujourd’hui que la folie de ces terroristes. Il faut comprendre ce phénomène qui concerne toutes les religions et qui semble incurable. Pour nous débarrasser définitivement de ce problème qui semble humain, il faut chercher plus loin et se poser plus de questions. « D’où vient cet extrémisme ? » « Certaines personnes ayant un point de vue religieux seraient-elles trop sûres d’elles et refuseraient-elles d’admettre l’existence d’une autre croyance que la leur ? » « La défense d’une croyance peut-elle justifier de tels actes ? » « Peut-il y avoir un remède ? » Marx disait « la religion est l’opium du peuple ! ». Je ne crois pas vraiment en cette phrase qui devient elle-même extrême car Marx semble refuser l’objet réel de la religion. Mais il faut tout de même reconnaitre que dans certains cas, cette dernière peut aveugler les individus lorsqu’elle est mal interprétée. Cela ne vise en aucun cas à critiquer la religion et chacun est libre d’adhérer à toute croyance. Je tiens à le préciser. Et la laïcité est là pour permettre la cohabitation. 18 Charlie DUFFAL Fusillade de Montrouge, ou quand le terrorisme s’amuse près de chez toi Une fusillade à Montrouge. Des blessés, peut-être des morts : à cet instant, la confusion mêlée à l’inquiétude s’installe. Les quelques élèves réunis devant le lycée Michelet, en hommage au massacre ayant eu lieu la veille à la rédaction de Charlie Hebdo, sont alors rapatriés vers l’arrière : le tireur serait dans la nature, très dangereux. C’est ainsi que certains lycéens de Michelet ont appris ce qui avait eu lieu à Montrouge. Il est environ 7h55, au carrefour entre l’avenue Pierre Brosselette et l’avenue du 12 février 1934, ce matin du 8 janvier 2015. On notera la proximité surprenante avec la synagogue et l’école juive Yaguel Yaakov, située un carrefour plus loin, en permanence sous surveillance d’un car de CRS, auquel un autre avait été ajouté avec la fusillade de la veille. Un banal accident de la route, une collision sans gravité, a eu lieu. Deux policiers municipaux Montrougiens sont là pour faire le constat. Survient alors Amedy Coulibaly. Son action est préméditée, synchronisée avec celle des frères Kouachi. Il a dit « Les frères ont fait Charlie Hebdo, moi j’ai fait la police ». De fait, à la vue des agents, celui-ci tire à bout-portant. Odieux. Barbare. La policière, non-armée, est touchée de dos, entre 4 et 6 fois. Son gilet pare-balles fût inutile. Elle décédera de ses blessures près de deux heures plus tard, vers 10 heures du matin. Un agent de la voirie est lui aussi touché : il s’en tirera avec de graves blessures. 17 Coulibaly, son meurtre accompli, prendra la fuite vers Arcueil. Plus tard, il revendiquera ses actes dans une vidéo. Le lendemain, vers 13h, il prendra en otage les clients d’une supérette cacher près de la Porte de Vincennes où il tuera froidement 4 innocents. Au début, la police a exclu tout lien entre les deux affaires. Elle a même procédé à l’arrestation d’un homme, qui s’est avéré être innocent. Finalement, elle se ravise, interpelle des proches, jusqu’au dénouement à Vincennes ou il se fait finalement abattre par les agents du RAID. La policière s’appelait Clarissa Jean-Philippe. Elle était encore en formation, et aurait dû être titularisée le 12 janvier. Elle était originaire de Sainte-Marie, à la Martinique. Le 13 janvier, à la Préfecture, François Hollande lui a rendu hommage ainsi qu’aux deux autres policiers tués dans la tuerie de Charlie Hebdo. Il leur a remis, à titre posthume, la médaille de la Légion d’Honneur. L’ironie du sort fait que sur les trois policiers, l’un était musulman, l’autre blanc, la dernière créole. Finalement, en assassinant sans pitié, froidement, à terre ou de dos des policiers aux origines aussi hétéroclites, c’est toute la République, dans sa diversité, qui est en deuil après la mort de ces trois agents de la paix. Le président dira même « Clarissa, Franck, Ahmed sont morts pour que nous puissions vivre libres. » La récupération politique s’est faite de divers côtés : juste après le drame, les commentaires ont afflué sur le bénéfice électoral que tirerait le FN de ces évènements, la plupart interpellant la présidente du parti en lui demandant si elle « se frottait les mains ». Il faut noter que, bien que plus courantes, ces remarques étaient aussi une belle action de récup’ politique, qui même si l’on n’adhère pas aux idées du parti, restent insultantes alors que les évènements venaient de se produire. Demander à quelqu’un s’il est heureux d’un tel attentat grâce au bénéfice indirect que cela lui procure, ce n’est pas propre du tout. Enfin, une petite dernière : la Manif pour Tous. Ben oui, ça faisait longtemps que l’on en avait pas entendu parler de ceux là. Et si l’on pensait que la grande marche du 11 janvier (vous savez, celle censée être marquée par l’union nationale) serait par cette union immunisée du fléau de la récupération politique, c’était sans compter les tweets comparant le comptage de la Manif pour Tous à celui de la Marche Républicaine, certains allègrement relayés par Christine Boutin. Profiter de la magnifique mobilisation de millions de personnes pour contester les chiffres officiels de sa propre manifestation, rabaissant ainsi inconsciemment peut-être - la Marche Républicaine, c’est plutôt dégoûtant. Cette marche, parlons-en : vous aurez tous noté la flagrante ironie de la liste des pays représentés, liste qui aurait bien fait marrer les gars de Charlie Hebdo. Certains états venant crier face aux caméras leur indignation quant à cette atteinte à la liberté de la presse et marchant contre le terrorisme, alors qu’eux-mêmes assassinent gentiment les journalistes à domicile, pratiquant alors une forme de terrorisme intérieur ; cela pourrait être très rigolo si ce n’était à pleurer d’hypocrisie. Soit ces états ont un sacré sens de l’autodérision, soit ils tentent aimablement de berner le monde entier, faisant alors preuve d’une naïveté presque touchante dans cette tentative désespérée de récupération diplomatique. En conclusion, la récupération, qu’elle soit d’ordre politique ou diplomatique, semble être une conséquence inévitable de l’actualité. La notion de respect, à laquelle beaucoup se vantent d’adhérer, semble être un concept plutôt malléable dans certaines situations. La recherche du bénéfice, toujours, quelqu’il soit. A rire ou à pleurer ? Quitte à réagir, je propose de nous moquer. « C’est dur d’être récupérés par des cons ! » Florine HAUSFATER Charlie F. Charlie 14 FN et Charlie Dès les premiers instants après l’effroyable attentat à la rédaction de Charlie Hebdo, l’ensemble de la classe politique s’est unie. Certains parlaient même d’une « Union sacrée » pour reprendre l’expression utilisée pendant la Première Guerre mondiale. Marine Le Pen s’était efforcée de parler d’unité, et de rejeter toute confusion entre « nos compatriotes musulmans attachés à notre nation et à ses valeurs » et « ceux qui croient pouvoir tuer au nom de l’islam ». Le vice-président du FN, Florian Philippot, défendait l’idée d’une « unité nationale » et d’une « marche d’union entre tous ». Mais l’euphorie fût de courte durée : l’autre vice-président du parti, Louis Aliot, a remis en cause sur LCI un concept qui « ne veut rien dire ». Jean-Marie Le Pen, le président d’honneur du FN, a lui clairement refusé dans le Figaro « de soutenir l’action gouvernementale impuissante et incohérente », tout en ironisant sur « les limites de cette union nationale ». Ainsi déjà apparaissaient les premières fissures de cette union nationale. Comme si le FN, en allant bouder dans son coin, voulait rappeler combien d’électeurs il avait, et le poids que cela aurait s’il ne se joignait pas aux manifestations. « Qui m’aime me suive ! » aurait-on dit. Et puis c’est gênant de défiler à côté de celui que l’on passe l’année à critiquer. Alors, au lieu de reconnaître qu’on peut être d’accord avec son adversaire politique, on reste cohérent... Du côté des organisateurs, « chacun est libre ou non d’y participer ». Seuls 15 quelques cadres du PS ont estimé, comme Harlem Désir, que le FN n’avait pas sa place à la marche républicaine. S’estimant exclue de la manifestation de dimanche, Marine Le Pen s’est mise à dénoncer « une manœuvre politicienne minable » et a expliqué ne pas vouloir « être intégrée à l’union nationale » qui n’est « pas un chantage où l’on peut venir à condition de la fermer ». Samedi, elle a fustigé un cortège parisien « récupéré par des partis qui représentent ce que les Français détestent : l’esprit partisan, l’électoralisme et la polémique indécente ». Seulement, madame Le Pen a l’air d’oublier quelque chose : la mobilisation incroyable du 11 janvier, avec plus de 3,7 Millions de manifestants, n’était pas une manifestation politicienne suivie par le peuple, mais une manifestations des peuples, suivie par les politiciens. Marine Le Pen est donc allée bouder en province, « là où le sectarisme est le moins fort, avec le peuple français ». Qu’elle y reste. De toute façon, si le FN s’intéressait vraiment à la défense de la liberté de la presse, motif réel des manifestations, ça se saurait depuis longtemps. A leur congrès , ils ont interdit l’accès aux journalistes de Mediapart et du Petit journal de Canal +... Enfin, on notera le calembour d’un goût douteux de Jean-Marie Le Pen : « Je suis Charlie Martel » - allusion à Charles Martel, qui stoppa les invasions arabes à Poitiers en 732. On s’en serait volontiers passé. Charlie F. Charlie 16 FN et Charlie Dès les premiers instants après l’effroyable attentat à la rédaction de Charlie Hebdo, l’ensemble de la classe politique s’est unie. Certains parlaient même d’une « Union sacrée » pour reprendre l’expression utilisée pendant la Première Guerre mondiale. Marine Le Pen s’était efforcée de parler d’unité, et de rejeter toute confusion entre « nos compatriotes musulmans attachés à notre nation et à ses valeurs » et « ceux qui croient pouvoir tuer au nom de l’islam ». Le vice-président du FN, Florian Philippot, défendait l’idée d’une « unité nationale » et d’une « marche d’union entre tous ». Mais l’euphorie fût de courte durée : l’autre vice-président du parti, Louis Aliot, a remis en cause sur LCI un concept qui « ne veut rien dire ». Jean-Marie Le Pen, le président d’honneur du FN, a lui clairement refusé dans le Figaro « de soutenir l’action gouvernementale impuissante et incohérente », tout en ironisant sur « les limites de cette union nationale ». Ainsi déjà apparaissaient les premières fissures de cette union nationale. Comme si le FN, en allant bouder dans son coin, voulait rappeler combien d’électeurs il avait, et le poids que cela aurait s’il ne se joignait pas aux manifestations. « Qui m’aime me suive ! » aurait-on dit. Et puis c’est gênant de défiler à côté de celui que l’on passe l’année à critiquer. Alors, au lieu de reconnaître qu’on peut être d’accord avec son adversaire politique, on reste cohérent... Du côté des organisateurs, « chacun est libre ou non d’y participer ». Seuls 15 quelques cadres du PS ont estimé, comme Harlem Désir, que le FN n’avait pas sa place à la marche républicaine. S’estimant exclue de la manifestation de dimanche, Marine Le Pen s’est mise à dénoncer « une manœuvre politicienne minable » et a expliqué ne pas vouloir « être intégrée à l’union nationale » qui n’est « pas un chantage où l’on peut venir à condition de la fermer ». Samedi, elle a fustigé un cortège parisien « récupéré par des partis qui représentent ce que les Français détestent : l’esprit partisan, l’électoralisme et la polémique indécente ». Seulement, madame Le Pen a l’air d’oublier quelque chose : la mobilisation incroyable du 11 janvier, avec plus de 3,7 Millions de manifestants, n’était pas une manifestation politicienne suivie par le peuple, mais une manifestations des peuples, suivie par les politiciens. Marine Le Pen est donc allée bouder en province, « là où le sectarisme est le moins fort, avec le peuple français ». Qu’elle y reste. De toute façon, si le FN s’intéressait vraiment à la défense de la liberté de la presse, motif réel des manifestations, ça se saurait depuis longtemps. A leur congrès , ils ont interdit l’accès aux journalistes de Mediapart et du Petit journal de Canal +... Enfin, on notera le calembour d’un goût douteux de Jean-Marie Le Pen : « Je suis Charlie Martel » - allusion à Charles Martel, qui stoppa les invasions arabes à Poitiers en 732. On s’en serait volontiers passé. Charlie F. Charlie 16 Fusillade de Montrouge, ou quand le terrorisme s’amuse près de chez toi Une fusillade à Montrouge. Des blessés, peut-être des morts : à cet instant, la confusion mêlée à l’inquiétude s’installe. Les quelques élèves réunis devant le lycée Michelet, en hommage au massacre ayant eu lieu la veille à la rédaction de Charlie Hebdo, sont alors rapatriés vers l’arrière : le tireur serait dans la nature, très dangereux. C’est ainsi que certains lycéens de Michelet ont appris ce qui avait eu lieu à Montrouge. Il est environ 7h55, au carrefour entre l’avenue Pierre Brosselette et l’avenue du 12 février 1934, ce matin du 8 janvier 2015. On notera la proximité surprenante avec la synagogue et l’école juive Yaguel Yaakov, située un carrefour plus loin, en permanence sous surveillance d’un car de CRS, auquel un autre avait été ajouté avec la fusillade de la veille. Un banal accident de la route, une collision sans gravité, a eu lieu. Deux policiers municipaux Montrougiens sont là pour faire le constat. Survient alors Amedy Coulibaly. Son action est préméditée, synchronisée avec celle des frères Kouachi. Il a dit « Les frères ont fait Charlie Hebdo, moi j’ai fait la police ». De fait, à la vue des agents, celui-ci tire à bout-portant. Odieux. Barbare. La policière, non-armée, est touchée de dos, entre 4 et 6 fois. Son gilet pare-balles fût inutile. Elle décédera de ses blessures près de deux heures plus tard, vers 10 heures du matin. Un agent de la voirie est lui aussi touché : il s’en tirera avec de graves blessures. 17 Coulibaly, son meurtre accompli, prendra la fuite vers Arcueil. Plus tard, il revendiquera ses actes dans une vidéo. Le lendemain, vers 13h, il prendra en otage les clients d’une supérette cacher près de la Porte de Vincennes où il tuera froidement 4 innocents. Au début, la police a exclu tout lien entre les deux affaires. Elle a même procédé à l’arrestation d’un homme, qui s’est avéré être innocent. Finalement, elle se ravise, interpelle des proches, jusqu’au dénouement à Vincennes ou il se fait finalement abattre par les agents du RAID. La policière s’appelait Clarissa Jean-Philippe. Elle était encore en formation, et aurait dû être titularisée le 12 janvier. Elle était originaire de Sainte-Marie, à la Martinique. Le 13 janvier, à la Préfecture, François Hollande lui a rendu hommage ainsi qu’aux deux autres policiers tués dans la tuerie de Charlie Hebdo. Il leur a remis, à titre posthume, la médaille de la Légion d’Honneur. L’ironie du sort fait que sur les trois policiers, l’un était musulman, l’autre blanc, la dernière créole. Finalement, en assassinant sans pitié, froidement, à terre ou de dos des policiers aux origines aussi hétéroclites, c’est toute la République, dans sa diversité, qui est en deuil après la mort de ces trois agents de la paix. Le président dira même « Clarissa, Franck, Ahmed sont morts pour que nous puissions vivre libres. » La récupération politique s’est faite de divers côtés : juste après le drame, les commentaires ont afflué sur le bénéfice électoral que tirerait le FN de ces évènements, la plupart interpellant la présidente du parti en lui demandant si elle « se frottait les mains ». Il faut noter que, bien que plus courantes, ces remarques étaient aussi une belle action de récup’ politique, qui même si l’on n’adhère pas aux idées du parti, restent insultantes alors que les évènements venaient de se produire. Demander à quelqu’un s’il est heureux d’un tel attentat grâce au bénéfice indirect que cela lui procure, ce n’est pas propre du tout. Enfin, une petite dernière : la Manif pour Tous. Ben oui, ça faisait longtemps que l’on en avait pas entendu parler de ceux là. Et si l’on pensait que la grande marche du 11 janvier (vous savez, celle censée être marquée par l’union nationale) serait par cette union immunisée du fléau de la récupération politique, c’était sans compter les tweets comparant le comptage de la Manif pour Tous à celui de la Marche Républicaine, certains allègrement relayés par Christine Boutin. Profiter de la magnifique mobilisation de millions de personnes pour contester les chiffres officiels de sa propre manifestation, rabaissant ainsi inconsciemment peut-être - la Marche Républicaine, c’est plutôt dégoûtant. Cette marche, parlons-en : vous aurez tous noté la flagrante ironie de la liste des pays représentés, liste qui aurait bien fait marrer les gars de Charlie Hebdo. Certains états venant crier face aux caméras leur indignation quant à cette atteinte à la liberté de la presse et marchant contre le terrorisme, alors qu’eux-mêmes assassinent gentiment les journalistes à domicile, pratiquant alors une forme de terrorisme intérieur ; cela pourrait être très rigolo si ce n’était à pleurer d’hypocrisie. Soit ces états ont un sacré sens de l’autodérision, soit ils tentent aimablement de berner le monde entier, faisant alors preuve d’une naïveté presque touchante dans cette tentative désespérée de récupération diplomatique. En conclusion, la récupération, qu’elle soit d’ordre politique ou diplomatique, semble être une conséquence inévitable de l’actualité. La notion de respect, à laquelle beaucoup se vantent d’adhérer, semble être un concept plutôt malléable dans certaines situations. La recherche du bénéfice, toujours, quelqu’il soit. A rire ou à pleurer ? Quitte à réagir, je propose de nous moquer. « C’est dur d’être récupérés par des cons ! » Florine HAUSFATER Charlie F. Charlie 14 Le fanatisme au cours du temps Recyclez-vous en ordure : faites de la récup’ politique La récupération politique, qu’est-ce donc ? Imaginons un événement. Il se produit et devient un sujet médiatique. Les personnalités politiques sont alors interrogées dessus, et l’utilisent pour mettre en valeur leurs arguments politiques, descendre leurs adversaires ou plus communément valoriser leur image. Dans le cas dramatique de l’attentat à Charlie Hebdo, certains espéraient qu’un minimum de décence retarderait cet inévitable phénomène. Hélas, la décence a fui certains paysages politiques depuis bien longtemps. Aussi, voici une liste (absolument pas exhaustive) des récupérations politiques les plus dégueulasses de ces dernières semaines. Commençons joliment par un tweet de Yves de Kerdrel, Directeur Général de Valeurs Actuelles : « La seule personnalité qui ne s’est pas exprimée sur le drame que nous vivons est #Taubira, dont la politique pénale met la France en danger. » (9 janvier ) Vous noterez la (presque) subtile subordonnée relative expliquant que bon, les terroristes, c’est lié à l’insécurité, donc à la politique pénale de Taubira. Cette récupération est d’un niveau relativement bas comparée à celle – un tantinet xénophobe – de Florian Philippot, N°2 du FN : « Les Français attendent des solutions, nous 13 allons expliquer les nôtres. Il n’y aura pas de mesures nouvelles, notre analyse est ancienne sur le sujet. Nos thèses sont validées depuis longtemps, tous les français le savent. » Ou comment accuser ouvertement l’immigration d’être responsable du terrorisme au lendemain de l’attentat. Hormis la demande de référendum sur la peine de mort de Marine Lepen, on peut noter quelques remarques proprement aberrantes concernant l’autorisation du port d’armes. La plus médiatisée reste celle du milliardaire américain Donald Trump, qui nous explique que si les journalistes avaient eu des pistolets, « ils auraient eu au moins la chance de résister. » avant de préciser que c’était « intéressant » de voir que ce drame se produisait « dans un des pays les plus stricts au monde sur les contrôles d’armes ». Il n’a malheureusement fait qu’illustrer l’opinion de nombreuses personnes, révélant un manque certain de mémoire collective et une logique à pleurer. En effet, le port d’armes, même s’il est « tempéré » par quelques réformes, multiplie les massacres plus qu’il ne les empêche ; ce ne serait pas un, exceptionnel, mais de fréquents massacres qui auraient lieu chaque année, comme il y en a – surprise – aux Etats Unis. La récupération politique, en plus d’être ignoble, est rarement intelligente, c’est à déplorer. . .. Cette affaire a bouleversé tout le monde et moi en premier. Je pensais que l’extrémisme religieux régresserait avec le temps mais il faut croire qu’il persiste toujours. Néanmoins, je pense qu’il serait trop simple de se contenter de dire que les responsables de ces actes, je veux bien sûr parler des trois terroristes, sont des fous ou des barbares. Je trouve ce genre de réflexion trop rapide et cela empêche d’étudier le phénomène en profondeur. Je m’explique : ces individus sont effectivement des fous mais il faut aller plus loin en se demandant ce qui a bien pu les amener à faire cela. Qu’est-ce qui, au nom de la religion, pousse certaines personnes à user de violences et agir ainsi ? C’est lors d’un cours de philosophie que la professeure a donné naissance à cette réflexion. Si l’on fait un retour dans l’histoire, on peut constater que l’extrémisme religieux est monnaie courante. Plusieurs religions ont eu ces moments de honte. Cela commence ainsi en l’Antiquité quand les païens tuaient les premiers chrétiens avant qu’eux-mêmes ne leur rendent la pareille. On a ensuite le Moyen-Age au temps des croisades (11e au 13e siècle) où la barbarie fut utilisée à maintes reprises par les chrétiens au Moyen-Orient. On peut observer aussi les actions des espagnols sur les indiens d’Amérique vers le 16e siècle ou certains prétendaient les tuer pour sauver leurs âmes au nom de la religion. Ou encore les conflits européens entre catholiques et protestants durant la Renaissance, toujours très meurtriers. Et aujourd’hui encore, la religion crée des conflits dans certaines parties du monde où elle devient un argument pour provoquer la mort. Je précise que l’athéisme (qui est finalement une sorte de croyance car l’on croit en la non-existence) a tout autant déclenché ces types de conflits, spécialement dans le monde communiste comme en Chine où la religion bouddhiste est également stigmatisée au Tibet. Lorsque les religions donnent leurs avis sur la question. On entend parler de radicalisme et de fanatisme. L’objectif est souvent de chercher à séparer ces individus de la vraie religion. C’est une très bonne chose, mais il conviendrait de se demander d’où peuvent venir ces fanatiques. Voltaire disait d’ailleurs que le fanatisme est à la superstition ce que la rage est à la colère, un enthousiasme qui possède l’individu et lui fait prendre ses songes pour des réalités. Ainsi celui-ci accomplirait actes improbables selon ce à quoi il croit aveuglément. En fin de compte cet extrémisme religieux existe depuis très longtemps déjà. Il serait peu judicieux de ne retenir de l’affaire d’aujourd’hui que la folie de ces terroristes. Il faut comprendre ce phénomène qui concerne toutes les religions et qui semble incurable. Pour nous débarrasser définitivement de ce problème qui semble humain, il faut chercher plus loin et se poser plus de questions. « D’où vient cet extrémisme ? » « Certaines personnes ayant un point de vue religieux seraient-elles trop sûres d’elles et refuseraient-elles d’admettre l’existence d’une autre croyance que la leur ? » « La défense d’une croyance peut-elle justifier de tels actes ? » « Peut-il y avoir un remède ? » Marx disait « la religion est l’opium du peuple ! ». Je ne crois pas vraiment en cette phrase qui devient elle-même extrême car Marx semble refuser l’objet réel de la religion. Mais il faut tout de même reconnaitre que dans certains cas, cette dernière peut aveugler les individus lorsqu’elle est mal interprétée. Cela ne vise en aucun cas à critiquer la religion et chacun est libre d’adhérer à toute croyance. Je tiens à le préciser. Et la laïcité est là pour permettre la cohabitation. 18 Charlie DUFFAL La théorie du complot A chaque attentat sa théorie du complot ! Et celui qui s’est produit le 7 janvier au siège du tristement célèbre journal satirique ne déroge pas à la règle... Depuis quelques jours, l’affaire Charlie Hebdo a divisé l’opinion publique, notamment sur les réseaux sociaux où certains pensent qu’il s’agirait en fait d’un complot sioniste visant à salir l’image de l’Islam. Ils pointent du doigt l’amateurisme des terroristes qui ont oublié une de leurs cartes d’identité ainsi que plusieurs chargeurs de kalashnikov portant leur empreinte ADN dans leur voiture. Cette voiture a d’ailleurs soulevé quelques doutes sur les réseaux sociaux où certains affirmaient que la couleur des rétroviseurs serait passée de blanc à noir entre le moment de l’attentat et celui où les policiers ont retrouvé le véhicule. Mais il s’agissait en réalité du reflet du soleil sur les rétroviseurs chromés de la Citroën ! Autre fait troublant pour les complotistes : la vidéo enregistrée par l’un des témoins, où l’ont voit des personnes équipées de gilets pare-balles sur le toit de l’immeuble, comme s’ils savaient qu’une attaque aurait lieu. Ce qui n’est pas si choquant que cela puisque l’équipe de Charlie Hebdo bénéficiait de ces gilets grâce à leur protection policière mise en place depuis l’incendie de 2011. Sur cette même vidéo, on voit l’exécution d’un policier par l’un des frères 19 Kouachi. Même si le fait qu’il n’y ait pas eu d’effusion de sang au moment de l’acte est étrange, cela ne prouve pas que le policier ait survécu... S’agissant de la prise d’otages ayant eu lieue à Hyper Cacher, une vidéo sur YouTube nous montre que Amedy Coulibaly avait les mains jointes quelques secondes avant de mourir. Ce qui est surprenant puisqu’il avait aussi deux kalashs dans les bras ! Alors la vidéo a t-elle été truquée ? Ou avait-il les mains attachées, comme s’il avait été forcé de commettre cette prise d’otage ? Quoi qu’il en soit la qualité de la vidéo et la distance de prise de vue ne nous permettent pas de le vérifier ! Pour ceux qui croient en un coup monté, l’attentat qui a eu lieu à Charlie Hebdo et la prise d’otage à Porte de Vincennes, auraient été l’œuvre de sionistes qui auraient missionné Coulibaly et les frères Kouachi pour tenter d’accroître l’islamophobie dans les pays occidentaux. Selon moi, les arguments avancés par les complotistes sont très contestables, aucun des faits cités ci-dessus ne permet d’affirmer avec certitude que cette théorie du complot est vraie... Pourquoi croire en des arguments infondés ? Ça n’a pas de sens... Alors levons nos stylos et arrêtons de voir des complots partout ! Charlie Jan Prises d’otages : ça arrive aussi en France C’est vendredi 9 janvier, tôt le matin. Après que l’un d’eux ait été touché par la police, les frères Kouachi se réfugient dans une imprimerie à Dammartin-en-Goële, près de l’aéroport de Roissy, et prennent en otage le patron de l’entreprise. Vers 13h à Porte de Vincennes, dans l’est de Paris, le supermarché HyperCacher est pris d’assaut par Amedy Coulibaly. De nombreuses personnes étaient parties faire leurs courses dans ce magasin pour préparer le shabbat, une vingtaine d’entre elles sont retenues en otage. Trois otages sont assassinés dans les premières minutes de la prise d’otage et un quatrième l’est plus tard, après avoir courageusement tenté de prendre une des armes de Coulibaly pour la retourner contre lui. tant en Seine-et-Marne qu’à Paris pour sécuriser les habitations voisines et les lieux publics. Peu après 17h l’ordre est donné par le Président de la République de lancer l’assaut. L’action, quasi-simultanée sur les deux sites, ne dure que quelques instants. Les trois terroristes sont abattus à leur sortie des deux bâtiments par les forces d’intervention de la gendarmerie et de la police qui travaillaient (en situation réelle) pour la première fois ensemble. De cette double prise d’otage, s’ajoutent finalement quatre nouvelles victimes aux treize victimes de Charlie Hebdo et de Montrouge. Il a été possible d’entendre quelques instants d’un dialogue entre Amedy Coulibaly et un de ses otages grâce aux équipes de RTL qui ont appelé l’hypermarché lorsqu’elles ont appris ce qu’il s’y passait. Ses arguments, lorsqu’il essaie de justifier ses actes, ne tiennent évidemment aucunement la route et sont caractéristiques de l’endoctrinement dont il a fait l’objet. Cette double prise d’otage qui a frappé la France à la suite des horreurs de Charlie Hebdo est non seulement inédite mais est aussi le signe d’une résurgence de l’antisémitisme et du repli identitaire et entraînera sans aucun doute de nombreux amalgames contre les Français musulmans et les musulmans en général, qu’il faudra combattre par l’expression et l’éducation. Il y a donc quatre personnes qui sont tuées lors de cette prise d’otage qui visait ouvertement la communauté juive. À Dammartin, après s’être fait soignés, les frères Saïf et Chérif Kouachi laissent partir le patron afin de se retrouver seuls. En réalité, un employé a réussi à se cacher sous un évier à l’étage supérieur au moment de leur arrivée. Pendant huit heures, ce jeune graphiste communique par messages avec les troupes spéciales des forces de l’ordre afin de les tenir au courant des diverses informations qu’il arrive à obtenir depuis l’intérieur. Malgré le terrible manque de discrétion et de professionnalisme des journalistes, les deux frères n’en ont rien su et il a survécu. Des périmètres et des mesures de sécurité importants sont mis en place par le GIGN et le RAID durant toute la journée Simon Salomon 12 11 20 « Peut-on rire de tout ? » À cela, Pierre Desproges, Mi- blancs, les noirs, les asiatiques, les chel Colucci (Coluche), Spinoza, petits, les grands, les handicapés… Bergson, et tant d’autres ont répondu Tout peut prêter à rire ! Néanmoins, « Oui ». On peut même ajouter que pas avec certaines personnes en notre « Le rire est le propre de l’homme » compagnie ou écoute. Pour le citer (Rabelais). En effet, après les récents encore une fois : « Il vaut mieux riévènements dont toute la France a goler d’Auschwitz avec un juif que entendu parler, on pouvait se deman- de jouer au scrabble avec Klaus Barder encore une fois si, bie. ». Rigoler d’une « On peut rire de oui ou non, on peut rire chose, donc la tourtout mais pas avec de tout. Car c’est bien à ner en dérision, c’est cause d’une volonté de n’importe qui. » souvent parler au sefaire rire, par la caricacond degré. En comture et la satire, que ces drames ont eu pagnie d’une personne qui n’est pas lieu. Du moins des réactions à cette ouverte d’esprit c’est voir le risque volonté. Bien sûr ce débat a déjà été d’une interprétation primaire et une résolu, bien que toujours en cours, mécompréhension qui peut aboutir à par de nombreux intellectuels ouverts une réaction déplacée : soit, dans un d’esprit. cas extrême, ces attentats de la part Selon P. Desproges : « On peut de personnes fermées d’esprit n’ayant rire de tout mais pas avec n’importe aucun sens de l’autodérision, soit qui. ». Ce que signifie cette phrase est voir apparaître des partisans de l’idée que tout comportement humain est transmise par une transcription litrisible. On peut rire de tout ce qui térale de notre plaisanterie et qui est nous entoure et on peut même rire de donc contraire au message que l’on personnes ou groupes distincts tels les voulait faire passer. Il faut donc faire homosexuels, les chrétiens, les juifs, attention à la portée de nos plaisante. les musulmans, les hétérosexuels, les ries. .. Ce combat commun, c’est celui que nous sommes en train de mener aujourd’hui, tous ensembles contre la barbarie. Hier, l’ancien directeur de CHARLIE HEBDO a dit : « Ayons le courage de ne pas avoir peur ». Soyons courageux ensemble ! Continuez à être vigilants ! En mémoire de celles et ceux qui sont tombés, je vous demande d’observer quelques instants de silence. » On entendait déjà certains élèves et professeurs pleurer. Un silence pesant planait au-dessus de nombreuses têtes. Seuls la pluie et le glas des églises se font entendre. Certains stylos se sont élevés droit vers le ciel en signe de contestation à la violence face aux dessins qui, jusqu’à preuve du contraire, n’ont jamais tué. C’est lorsque l’on observait ces simples stylos levés devant l’entrée du CDI que l’on avait le droit d’être fier de notre action, aussi minime soit-elle. « Encore un mot ...vous avez affiché à la porte du lycée un slogan que je vous propose de vous approprier « C’est l’encre qui doit couler, pas le sang ». Alors cette encre, faites la couler sans modération ! Vous avez, sans doute, remarqué que dans les pays totalitaires, la première mesure que prennent les dictateurs, est de fermer les écoles. Ca n’est pas un hasard ! La science, le savoir, la culture et la réflexion sont les plus beaux ennemis du totalitarisme. Alors, soyez à votre façon, les ennemis du totalitarisme : apprenez, écrivez, lisez des poèmes, imprégnez-vous de cette culture qui fait notre fierté collective. » Cet événement n’a fait qu’intensifier l’émotion omniprésente pendant la minute de silence suivie d’une Marseillaise inattendue mais plus que bienvenue. Puis, cette phrase que nous n’avions presque tous jamais entendu avant mercredi dernier : « Je préfère mourir debout que vivre à genoux », disait Charb. La marche qui s’est déroulée le dimanche suivant nous a donné la preuve que ces mots ne sont pas des paroles en l’air. Le beau moment de ces derniers jours, ce fut de rentrer en cours lundi matin pour entendre un peu partout qu’une majorité d’entre nous s’étaient rendue à la grande marche la veille, criant à l’unisson pour les victimes de Charlie et pour un monde libre. Et si vous vous demandez toujours où est Charlie ? Regardez autour de vous… Nous sommes Charlie ! Juliette CALORI, Camille MORIN et Tristan VARTANIAN P.S. : Une dernière chose : vendredi soir, les membres du Zeugma se sont réunis pour préparer au mieux ce numéro. Nous nous sommes entendus pour nous répartir les articles autour de ce sujet. Je devais écrire à propos du recrutement des djihadistes. J’ai essayé, mais je n’en étais pas du tout satisfaite. L’article que j’ai écrit pour cet article commun n’était certes pas grandiose, mais il vient du cœur et c’est ce dont je voulais parler. N’est-ce pas cela, la liberté d’expression ? Juliette CALORI 21 10 Plus tard, tout le monde rentre en cours. Car pour les lycéens, ne pas aller en cours serait contradictoire sachant que c’est l’éducation scolaire qui nous permet d’écrire, de dessiner et d’avoir des opinions... Bref, de raisonner au lieu d’agir sans réfléchir. La peur a commencé à se diffuser plus tard dans la matinée. Peu après huit heures, on apprend qu’une nouvelle fusillade a éclaté à Montrouge. Le préfet a ordonné de confiner le lycée. L’enfer continue... À l’intérieur des classes, on sentait une sorte de flottement général. Les cours se déroulaient, mais comment se concentrer ? Les élèves tentaient de suivre l’actualité, beaucoup de professeurs essayaient de masquer leur bouleversement. Je me demandais sincèrement ce qu’une simple leçon, quelle que soit la matière, était, comparée à ce qu’il se passait alors. Puis, juste avant midi, les élèves se rassemblent pour observer une minute de silence. Le Proviseur s’exprime : « La cause en vaut la peine ! Il est midi et dans toutes les écoles de France, les élèves, les enseignants et les adultes qui travaillent dans les établissements sont regroupés. Je vous transmets quelques mots de la part du ministre de l’Education Nationale, mais plus simplement de la part d’un être humain, qui comme vous, est horrifié par ce qu’il s’est passé : « L’attentat meurtrier contre l’hebdomadaire CHARLIE HEBDO a atteint notre République au cœur. La liberté d’expression est au fondement de toutes les libertés : la liberté de conscience et le respect des opinions individuelles sont les principes qui nous permettent de vivre ensemble. » Je voudrais vous lire quelques strophes d’un magnifique poème de Louis ARAGON, écrit pendant l’occupation allemande alors qu’il était résistant. Ecoutez et réfléchissez-y. La Rose et le Réséda Celui qui croyait au ciel Celui qui n’y croyait pas Qu’importe comment s’appelle Cette clarté sur leur pas Que l’un fut de la chapelle Et l’autre s’y dérobât Celui qui croyait au ciel Celui qui n’y croyait pas Tous les deux étaient fidèles Des lèvres du cœur des bras Et tous les deux disaient qu’elle Vive et qui vivra verra Celui qui croyait au ciel Celui qui n’y croyait pas Quand les blés sont sous la grêle Fou qui fait le délicat Fou qui songe à ses querelles Au cœur du commun combat . .. 9 « …Et pas n’importe comment. ». La manière de rire d’une chose ne doit pas avoir pour but de diffamer et de faire mal. Cela est par ailleurs répressible ! La justice est prédisposée à sévir tout propos diffamatoires. Mais, et c’est là que les choses se compliquent : est-ce que dire, comme Charlie Hebdo, que « le coran c’est de la merde…» dans un journal satirique est diffamatoire ? Cela dépend du contexte et s’il y a une argumentation derrière qui ne l’est pas. En effet, comme vu dans le premier paragraphe, un propos peut être mal interprété, donc au premier degré et provoquer un tollé. Mais il faut savoir que ce journal est satirique donc sous couvert explicite du 2nd degré, seuls des idiots ne pourraient pas s’en rendre compte. Enfin, il s’agit de la pensée cachée. La suite de cet extrait est « …, ça n’arrête pas les balles ! ». Cela fait référence au massacre de plus de 700 personnes le 13 Août 2013 lors d’une manifestation en Égypte, pays dont la majeure population est de confession musulmane, par les militaires, aussi de confession musulmane, qui ont renversé Mohamed Morsi, premier président Égyptien élu par le peuple. Sous la satire voulant rendre cet évènement comique, il se cache donc une réalité ironique et tragique qui dénonce une hypocrisie humaine chez les bourreaux se disant faire partie d’un culte mais sans en respecter les règles. De cela en pâtissent le reste des croyants se pensant protégés des « leurs » par ces mêmes règles élémentaires soit, dans le cas présent : « tu ne tueras point ». De plus, il faut se rappeler qu’une image est associée à ces termes accentuant le comique et le ridicule des personnes visées qui sont ici les militaires et non réellement le Coran. Le comique ne fait pas toujours rire mais il n’est en aucun cas inculpable et diffamatoire. Il faut donc faire attention lorsque l’on rit d’une chose. Selon le milieu dans lequel nous nous trouvons, nous n’avons pas les mêmes sources de rire, les mêmes tabous, que nous pouvons tout de même tourner en dérision au risque que cela paraisse déplacé. Car nous n’avons pas tous la même sensibilité, il faut savoir choisir ses partenaires de joie car comme le dit Bergson : « Le comique naîtra quand les hommes réunis en groupe dirigeront leur attention sur l’un d’entre eux en faisant taire leur sensibilité et exerçant leur seule intelligence ». Sans oublier que le rire commence par celui de soi. La Patate Flamboyante 22 « C’est bien fait pour leurs gueules » Alors oui, on a entendu des gens réagir comme ça en parlant de journalistes lâchement assassinés. Pas énormément, mais l’embêtant c’est que les cons, ça fait du bruit. Je vais ici m’adresser directement à ceux qui ont tenu, ou qui tiennent encore de tels propos. Alors, est-ce juste de dire qu’ils l’ont mérité ? Non, c’est juste que vous n’avez rien compris. Le seul tort de ces gars, c’est d’avoir utilisé un crayon, et ils ont reçu des balles ; vous appelez ça de la justice équitable vous ? Certes, vous avez le droit d’être choqué par les caricatures du prophète qui ont été publiées dans Charlie Hebdo (c’est d’ailleurs le but d’un journal dit satirique). Mais aucune personne saine d’esprit ne peut se réjouir de leur mort. Par exemple, est ce que tu vas aller planter ton prof parce que tu n’aimes pas son cours et qu’il te fait tout le temps des remarques ? Non. On est en France, on est en 2015, et il faut se mettre dans la tête qu’on ne tue pas des gens parce que l’on n’est pas d’accord avec leurs idées, d’autant plus qu’elles ne font de mal à personne ! Je dis « on est en France » parce que cette idée de liberté d’expression, le pays a eu le temps d’en connaître le prix depuis la Révolution et l’époque des Lumières. Je sais que l’on a tous ou presque vu ou entendu cette phrase de Evelyn Hall (et non pas Voltaire, on vous a menti) ces derniers jours, mais je la réécris ici parce qu’elle résume bien cette valeur de la République française qui a été attaquée : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je défendrais jusqu’à ma mort votre droit de le dire ». C’est juste ça : vous pouvez désapprouver des mots, mais vous ne pouvez pas coudre la bouche de celui qui les dit. Charlie Simon Ah mais ce n’est pas fini ? Attendez, que vois-je arriver au loin ? Des défenseurs de Dieudonné ! Faut dire qu’on les attendait un peu. Cela dit c’est vrai, pourquoi parler de liberté d’expression dans le cas des caricatures de Mahomet alors qu’on a tout bonnement interdit ce cher Dieudo de représentation ? Bon, déjà on va clarifier quelque chose : Charlie Hebdo n’est pas et n’a jamais été anti-islam. À la limite anticlérical, mais la seule chose qu’ils condamnent, c’est la connerie et l’usage abusif que certains, en particulier les grands de ce monde, font 23 des religions. Dieudonné, lui, se déclarait ouvertement antisémite. Ses propos sur les chambres à gaz et sur la communauté juive, on appelle ça « apologie de crime contre l’humanité » et « incitation à la haine raciale ». Et aller jusqu’à nier l’existence même de la Shoah dans certaines de ses interventions ça s’appelle le négationnisme. Donc voilà. Les trois choses qu’on lui reproche principalement sont clairement interdites par le code pénal français. Le blasphème, c’est pas illégal. Pourquoi ? Parce qu’on est dans un pays laïc. Fin du débat. « C’est l’encre qui doit couler, pas le sang ! » Bonjour à tous chers lecteurs ! du Lycée Michelet Dès 7h, nombreux sont les élèves venus manifester leur soutien au journal CHARLIE HEBDO. L’atmosphère est pesante, la foule est très calme mais encore choquée par les évènements de la veille. On remarque la crispation sur les visages. Au fi du temps, les langues se délient et les élèves expriment leurs sentiments. Les seuls mots et paroles échangés à cette heure si matinale étaient : « Quelle horreur » ou encore « J’en reviens pas ». Aucune pensée négative envers les autres lycéens, tout le monde s’était rassemblés pour la même chose : faire entendre sa voix ! A la grille d’entrée, pancartes, slogans, dessins, sont suspendus afin de manifester l’indignation commune. On peut lire des slogans tels que « C’est l’encre qui doit couler, pas le sang », « Ils voulaient nous mettre à genoux, ils nous ont mis debout », « Le terrorisme n’a pas de religion » et bien sûr « Je suis Charlie ». Tant d’élèves regroupés de leur plein gré de si bonne heure, c’était inespéré ! . Hommage aujourd’hui dans ce numéro spécial dédié à Charlie Hebdo. En règle générale, j’aime bien le mercredi, c’est une journée agréable. Pas de lycée l’après-midi, un moment de détente entre les cours qui se densifient en ce milieu d’année. Ce 7 janvier, il faisait trop froid pour rester longtemps devant l’établissement après la classe, nous étions nombreux à rentrer rapidement chez nous. Je franchis le seuil de ma porte ; la nouvelle était tombée. Je ne veux pas relater les faits. Vous avez tous suivi cette terrifiante affaire avec une attention remarquable, par la télé, les journaux ou même les réseaux sociaux, cela ne nous mènerait pas à grand-chose. La conscience politique de Michelet était active dès lors que nous avons décidé de nous rassembler jeudi matin (sur une superbe initiative de la TES2). Jeudi 8 janvier 2015 : journée de deuil national, l’une des journées les plus émouvantes et éprouvantes de l’histoire .. 8 L’islamophobie, Booba et vos grands-mères Ce mois-ci, je n’ai pas envie d’écrire un truc joli, avec des tournures de phrases pour vous faire rire, même si c’est ce que je suis censée faire parce que le rire est l’arme de ceux qui se battent à la loyale (par exemple Booba : ses punchlines à deux euros en promo chez Liddle vous font rire, et il s’est auto-proclamé «duc de Boulogne». CQFD.). Je n’ai pas envie de rire mais il le faut. Chacun a son avis sur la liberté d’expression, l’importance de rire de tout et surtout de tous ; moi je pense que c’est essentiel. Alors on a tous nos propres limites, et les caricatures du prophète Mahomet étaient celles des frères Kouachi – mais vous ne me lisez pas pour que je vous parle d’eux. Moi, je veux vous parler d’un mot que vous entendez depuis des jours, sans savoir, peut-être, sa signification : l’amalgame. «L’amalgame, dans son sens figuré de procédé de langage, consiste à associer abusivement des personnes, des groupes ou des idées.» nous dit Wikipédia, qui reste une valeur sûre. Depuis quelques jours, « amalgame » rime avec « musulman » («Ne faites pas d’amalgames, les musulmans ne sont pas islamistes !», ce qui est totalement vrai. Je sais que ça vous semble basique mais ça me semble important de justement rappeler la base 7 du respect de l’autre) qui lui-même ne rime pas avec islamiste (oui, voilà ce que l’on nous apprend en L).Des imbéciles essayent malheureusement d’imbriquer ces deux notions ensemble, comme un enfant qui tente de coller un Lego à un Playmobil. Qui sont-ils ? Qu’est ce que j’en sais ? Ce serait faire des généralités ou du prosélytisme que de les montrer du doigt. Ça peut être la copine de votre grand-mère, votre prof de maths, votre voisin du 3ème étage, votre grande sœur, c’est peut-être vous. C’est dû à quoi ? Là encore, c’est délicat de définir ce qui a foiré chez quelqu’un au point qu’il confonde une religion prônant l’amour et la paix, et un groupe d’intégristes extrémistes et terroristes (les mots en -iste c’est toujours mauvais signe). J’espère ne pas me tromper quand je dis que c’est l’éducation qui a un peu dérivé et s’est finie en banderoles insultantes, racistes, rejoignant étrangement quelques réflexions islamistes (éliminer ceux qui te font chier, en bref ). La tolérance on ne naît pas sans, ni avec. La stupidité, c’est pareil. Ce sont deux choses qui s’acquièrent ou s’évitent pendant la vie, et particulièrement durant l’enfance et l’adolescence, où l’on forme son esprit.. .. 24 Un pour tous, tous pour un Et quelles sont les conséquences religion ou couleur de peau ne compte de l’islamophobie, de celle manifestée pas, c’est pas du jeu de dire que parce récemment par bon nombre de Français que Machin est Blanc et catholique, il ? Rappelons que l’islamophobie, me dit est plus Français que Truc qui est d’une mon pote Wiki « peut se définir comme autre couleur que lui et bouddhiste, juif, la peur ou une vision péjorative de l’is- musulman, ou témoin de Jéhovah ou lam, des musulmans». Ici c’est une peur athée ou que sais-je ; c’est juste raciste) qui entraîne une cinquan«Les hommes (note «les hommes (note persontaine d’actes anti-musulpersonnelle : et les nelle : et les femmes) naissent mans depuis l’attentat à femmes) naissent et et demeurent libres et égaux Charlie Hebdo. Graffitis demeurent libres et en droits.» Dans ces droits, insultants sur des moségaux en droits.» vous savez ce qu’il y a. La quées, des têtes de porcs liberté d’expression, d’assoou de sangliers devant les ciation, le droit de travailler, mêmes bâtiments religieux, coups de d’habiter sur le sol français, de pratifeux, incendies... La liste des horreurs quer sa religion sans tenter de l’imposer continue, et je ne peux même pas dire à autrui... La liberté d’expression est ici «on ne les compte plus» parce qu’on les le problème. Parce que le racisme n’est compte, parce que ça blesse, parce que ça pas une opinion. C’est juste inhumain. tue. Le racisme et l’extrémisme sont des couJe ne suis pas spécialiste en sins proches, et croyez-moi, vu la masse sciences, vous l’aurez compris, ni même de Charlie armés de leurs plus beau styen droit, mais Wiki à ma droite me dit lo-billes en promo chez Liddle (au même qu’un être humain est une «créature vi- rayon que les punchlines de Booba), à vante membre de l’espèce humaine». votre place, ça me gênerait d’être dans la Jusqu’à preuve du contraire, c’est ce que même famille que ces deux-là. les hommes et femmes sont ici en France. Et en France (test : si vous avez une vraie Pauline Le Bozec carte d’identité française produite par l’Etat français, vous êtes français. Votre 25 Le 7 Janvier 2015, Charlie Hebdo, un journal satirique, est victime d’un attentat ; la France est touchée. La France est en deuil. Alors qu’elle connaît son plus grand attentat depuis 50 ans environ, elle reçoit le soutien des ses alliés européens et bien plus encore. Charlie Hebdo reçoit premièrement le soutien de millions de Français qui dessinent pour rendre hommage aux dessinateurs et journalistes tués durant l’assaut. Le dessin de Plantu « De tout cœur avec Charlie Hebdo » écrit à l’encre rouge, pour symboliser le sang, est réutilisé et partagé sur plusieurs surfaces tels que Facebook, Twitter... « Je suis Charlie. » est la phrase utilisée comme slogan et hashtag sur Twitter (5 millions de tweets) pour montrer son soutien pour cette cause. Un brassard noir est porté sur plusieurs chaînes françaises, toutes les chaînes d’informations soutiennent Charlie Hebdo et diffusent en direct les informations acquises. Plusieurs marches et rassemblements sont alors mis en place devant les ambassades française de différents pays tels que l’Allemagne, la Belgique, l ‘Angleterre, l’Italie, les U.S.A., certains pays d’Afrique et tant d’autres. En soutenant cette cause, ces pays défendent la liberté d’expression qui est de plus en plus menacée ces derniers temps. Le journal Charlie Hebdo trouve du soutien chez des collègues de Libération, et s’installent dans leurs bureaux pour produire le prochain Charlie Hebdo, qui est sorti le mercredi 14/01/15, soit une semaine après le drame, tiré à 5 millions d’exemplaires. Beaucoup de célébrités tels que Madonna, Justin Timberlake, George Clooney et d’autres se montrent choqués par ces actes monstrueux qui ont touché la France ; Madonna dit : « Tuer au nom de Dieu est une idée de l’homme et pas celle de Dieu. L’ignorance engendre l’intolérance et la peur ». Des millions de messages et dessins du monde entier, des caricatures de Charb, Cabu et Wolinski sont reprises, d’autres sont transformées, des premières de couvertures retransmises à travers le monde. Toutes ces formes de soutien sont envoyées à l’équipe de Charlie Hebdo et aux proches des personnes décédées. Le nombre d’abonnements à Charlie Hebdo a doublé. Les Français se mobilisent, environ 1 million d’euros de dons sont envoyés au site « JaideCharlie. fr ». L’association Presse et Pluralisme débloque 200 000 d’euros de dons, 100 000 euros qu’elle puise dans ses réserves et l’autre partie est une sorte d’avance sur les dons à venir. Ils reçoivent également un don de 250 000 euros effectué par Google pour l’innovation numérique. La banque publique d’investissement s’est engagée à prendre une cinquantaine d’abonnements à Charlie Hebdo. Des représentants européens, américains, africains et asiatiques se sont déplacés pour soutenir la marche historique du 11 janvier, une marche qui symbolise la bataille contre les actes terroristes et l’atteinte à la liberté d’expression. C’est dans des moments difficiles comme celui-ci que l’on doit être soudé, effectivement, l’Union fait la force. Percy Pig 6 Lassitude Charlie hebdo, le drame survenu le mercredi 7 janvier nous affecte tous, de n’importe quel horizon, de n’importe quelle nationalité. Certains voient en cet acte de « barbarie » une sorte de vengeance par rapport à certaines unes publiées par Charlie. Certains ne s’en préoccupent pas et, pire, d’autres s’emplissent d’une lassitude par rapport à ce qu’il s’est passé il y a à peine quelques jours. Comment des citoyens français, certains même dans notre lycée, peuvent se lasser d’un tel acte … Cette lassitude est due aux médias, au bouche-à-oreille continu de nous lycéens ; mais à ce point ! Ces infos en continu qui se perpétuent dans les cours des lycées, dans les cafés et qui agacent certains. Des hommes, des femmes, qui, devant leur poste de télévision, changent de chaîne lassés d’écouter Jean-Pierre Pernaud nous détailler les deux prises d’otages de vendredi, ce qui est inacceptable. Ces personnes ont bien sûr formé en eux une sorte de compassion envers les membres de la famille des défunts mais qui s’estompe au fil des jours, des heures... Ces lycéens qui ne s’arrêtent plus devant les affiches « Je suis Charlie », qui ne sont plus émus devant certaines vidéos d’union nationale, devraient se taire, garder leur ressenti. Ces «lassés» qui envahissent et contaminent notre lycée avec leur arguments provocateurs sont, excusez-moi du terme, d’énormes idiots ! Qu’ils ne viennent pas détruire le mo- ral de républicains qui soutiennent et défendent Charlie ! Ces «lassés» ne le sont pas lorsqu’un événement leur rapporte du profit ou de la joie, mais le deuil national leur est incompréhensible. Alors à quoi bon fêter le 14 Juillet ou Noël ! Ces mêmes personnes ne sont derrière Charlie que pour un effet de «mode» éphémère qui une fois pompé jusqu’au sang ne sert plus à rien à leurs yeux et n’est plus qu’un prétexte de conversation lors d’interminables heures de perm’ ou d’un des rares débats familiaux ! Ces gars qu’on devrait plaindre par leur modeste cortex cingulaire postérieur qui leur empêche de compatir devant ce drame national ! L’abruti savant qui dénonce l’acte de barbarie des Kouachi et qui vient se plaindre que toutes les unes de Libé en ce moment sont sur Charlie devrait juste un moment penser à ses paroles et ses actes. Toi, l’abruti savant, crois-tu que les américains ne pleurent plus les morts du 11 septembre ? Crois-tu que les mères des 237 lycéennes enlevées par Boko Haram ne pleurent plus leur(s) fille(s) ? Saches que tes arguments, quels qu’ils soient ne changeront pas ma façon de penser et resteront dans le vague, comme un murmure incompréhensible. Parler, discuter, chanter telle est ma devise de liberté. Mais sachez bien que je ne suis pas obligé de vous écouter... Merci Charlie Day 5 26 Un grand bravo à tous les lycéens pour leur magnifiques et émouvants hommages. Leur participation spontanée est un véritable gage d’espoir et d’humanité. rédacteur en chef » avec la victoire d’Ennahdha (le parti islamiste) en Tunisie. Le journal aux sensibilités clairement de gauche, a également eu des problèmes avec certaines personnalités politiques. Ainsi en 2012 l’hebdomadaire publie une fausse affiche de Marine le Pen qui portera plainte. Globalement, les plaintes se sont raréfiées dans les années 2000 mais l’opposition contre Charlie Hebdo prend de plus en plus la forme du terrorisme… Voilà donc l’histoire de Charlie Hebdo, un journal qui n’a jamais cessé de dire dans ses numéros ce qu’il pensait réellement ; sans autocensure mais avec humour et ironie. Charlie Boldron Pas plus que nous ne voulons dépendre de la publicité. Nous ne touchons donc pas les aides de l’État dont bénéficient les journaux dits «à faibles ressources publicitaires», puisque, de publicité, nous n’en avons pas. L’indépendance, l’indépendance totale, a un prix. La presse gratuite coûte des millions de compromis éditoriaux, la presse libre coûte, elle, 2,50 euros. Et son existence ne repose que sur vous. » Un incendie criminel détruit le siège de Charlie Hebdo alors situé dans le 20ème arrondissement de la capitale parisienne dans la nuit du 1er au 2 novembre 2011. Il fait suite à l’annonce de la parution d’un numéro spécial, intitulé « Charia Hebdo, avec Mahomet comme Besoin d’argent ? Achetez Charlie e i l r a h c s i #Char #jesu r e i b v n #ca #a t t e n t a a j t 7 #not bu # inmy o d nam b e h e # #cha rl ieheb d #wol insk i 27 o Ou plutôt, revendez-le. La vague de soutien à Charlie Hebdo a également entraîné un business autour de tout ce qui est Charlie. Vous pouvez depuis plusieurs jours trouver n’importe quel numéro de Charlie Hebdo sur Ebay.... pour une centaine d’euros généralement. D’ailleurs, le numéro post-attentat, rapidement en rupture de stock, a envahi le site de vente. Certains vendeurs très optimistes tentent de les vendre à des prix exorbitants. Ce n’est pas stupide de dépenser 2 euros pour en récolter 150 après tout, c’est comme gagner au loto. Mais Ebay a tenu à mettre les choses au point : ceux qui vendent des produits liés à Charlie Hebdo se doivent de donner une partie des bénéfices pour soutenir le journal. la marche républicaine du 11 janvier, vous avez peut-être croisé des personnes profitant de l’occasion pour vendre des hauts «Je suis Charlie». Si ce n’est pas le cas, ne vous inquiétez pas : vous pouvez trouver tout ce que vous voulez sur internet, du mug à la coque Iphone. Evidemment, les internautes ont réagi rapidement face à ces récupérations commerciales et les sites ont, pour la plupart, fermé sous la pression. Cependant certains de ces vendeurs se sont exprimés sur leurs raisons : récolter des fonds pour aider Charlie Hebdo. Est-ce une simple excuse ? Ce n’est pas important. Dans quelques mois vous pourrez sûrement trouver en librairie des livres sur le 07 janvier 2015, des soi-disant hommages aux morts... On ne va pas cesser de voir défiler des produits «Charlie», mais il ne tient qu’à vous d’encourager ces ventes. Petit Charlie Il y en a qui revendent, il y en a d’autres qui préfèrent créer. «Je suis Charlie» est devenu en quelques jours un logo. A 4 L’histoire de Charlie Hebdo Charlie Hebdo tire son origine du journal Hara-kiri. Ce dernier est fondé en 1960 par Georges Bernier et François Cavanna qui décrivent ce journal mensuel comme « bête et méchant ». Il sera plusieurs fois interdit de publication. En 1969 est créée la version hebdomadaire du journal : L’Hebdo Hara-kiri. Lors de la mort de Charles de Gaulle en novembre 1970, L’Hebdo Hara-kiri titre « Bal tragique à Colombey - un mort » ; dix jours avant, un incendie dans une discothèque tuait 146 personnes. L’hebdomadaire est frappé d’interdiction de parution. Pour contrer cette sanction, le journal est renommé Charlie Hebdo. Le journal satirique est un des seuls journaux à ne pas contenir de publicité ; alors en 1981, quand les ventes de l’hebdomadaire baissent, le journal est contraint d’arrêter de paraître. Le dernier numéro sort le 23 décembre 1981. Le journal renaît en 1992 suite à la démission de Philippe Val et de Cabu de la Grosse Bertha. Cabu, Gébé, le chanteur Renaud, et Val financent le premier numéro. L’affaire « des caricatures » commence le 30 septembre 2005 quand le journal danois Jyllands-Posten publie 12 caricatures de Mahomet. Suite au re- 3 fus du gouvernement danois de rencontrer certains diplomates de pays musulmans, certains imams danois sont allés dans les pays arabes pour attiser l’intérêt sur le sujet. Ces imams ont diffusé un faux dossier contenant, certes, les caricatures du Jyllands-Posten, mais aussi des images manipulées ainsi que des fausses informations pouvant inciter à la haine. Cette tournée donne à l’affaire une ampleur internationale. Charlie Hebdo entre dans l’affaire lorsque, le 8 février 2006, il publie ces caricatures « par solidarité et par principe » explique Philippe Val. Le numéro les contenant est publié et vendu à 160 000 exemplaires (contre 140 000). Ces caricatures associées à la une de Cabu : « Mahomet débordé par les intégristes », avec le prophète disant « C’est dur d’être aimé par des cons » provoquera la colère chez nombre de musulmans. Ainsi, le Conseil Français du Culte Musulman demandera l’interdiction de ce numéro auprès de la justice. Finalement, Charlie Hebdo sera relaxé par la justice. Charlie est de nouveau confronté à la baisse de ses ventes en 2010 (48 000 exemplaires dont un quart d’abonnés) ; il augmente ses prix pour la première fois depuis 9 ans. Charb justifie alors « En pleine crise de la presse, nous n’avons pas et nous ne voulons pas d’industriels fortunés comme actionnaires. . .. 28 Sommaire Le massacre de Charlie Hebdo Nous en avons tous été informé et avons tous subi ce même deuil du symbole de la liberté d’expression en France lors de l’attentat au sein même de la rédaction de l’hebdomadaire Charlie Hebdo. 12 morts au total, toutes victimes de la folie des terroristes pensant agir sous la protection d’Allah. Parmi celles-ci nous pourrons retrouver deux policiers tués avant l’entrée des frères Kouachi dans l’immeuble. L’un d’entre eux, Ahmed Merabet, avait été blessé avant d’être achevé d’une balle dans la tête alors que celui ci était filmé par les habitants de l’immeuble face à la rédaction. Ils sont morts en tentant de sauver leurs prochains et ne seront pas oubliés. Les autres victimes, tous rédacteurs, dessinateurs, correcteurs, chroniqueurs ou encore journalistes de Charlie hebdo ont ainsi été abattus sans pitié sous les tirs des armes lourdes apportées par les terroristes. Parmi les plus reconnus de la rédaction, Jean Cabu et Stéphane Charbonnier, respectivement surnommés Cabu et Charb, ou encore le génial Georges Wolinsky et enfin Tignous, de son vrai nom Bernard Verlhac. Tous ces hommes étaient des piliers du journal, des chroniqueurs courageux, des dessinateurs au culot ravageur, tous prêt à défendre leur prochain sans jamais renâcler à la tâche. C’étaient des chics types, toujours prêt à se marrer entre potes 29 et ils étaient ouverts à tous les nouveaux qui entraient dans la rédaction ! Il est vrai que nombre de leur satires et moqueries avaient pour sujet Al Qaida et l’islamisme radical pendant un temps mais la quantité d’articles et de dessins défendant l’égalité des sexe, des droits, des classes sociales mais aussi dénonçant une économie libérale ou encore des politiques nationales et internationales corrompues, des droits humains bafoués et l’augmentation des injustices sociales étaient des sujets largement abordés. Moins dangereux que ceux que l’on pourrait qualifier de «trop plein d’audace» mais néanmoins totalement justifiés. J’aimerais aussi finir mon article par une demande à tous ceux qui liront ce journal ; ne confondez pas musulmans et islamistes extrémistes, ne créez pas d’amalgames car c’est exactement ce qu’AQMI souhaite. L’histoire de Charlie Hebdo p.3-4 FN et Charlie p.15 Besoin d’argent ? Achetez Charlie p.4 Fusillade de Montrouge p.17 Lassitude p.5 Le fanatisme au cours du temps p.18 Un pour tous, tous pour un p.6 La théorie du complot p.19 « C’est l’encre qui doit couler, pas le sang ! » p.8-10 « Peut-on rire de tout ? » p.21-22 Au regard de cette phrase, sommes nous véritablement tous des Charlie ? Aurions-nous tous eu ce même courage pour défendre la liberté d’expression ? Charlie Redolfi L’islamophobie p.24-25 Recyclez-vous en ordure : faites de la récup’ politique p13-14 Rédactrices et rédacteurs : «Je n’ai pas peur des représailles. Je n’ai pas de gosses, pas de femme, pas de voiture, pas de crédit, ça fait sûrement un peu pompeux, mais je préfère mourir debout que vivre à genoux «, Charb. « C’est bien fait pour leurs gueules » p.23 Prises d’otages : ça arrive aussi en France p.12 Julien SIMON Pauline LE BOZEC Corentin JAN Sofia PAPON Nicolas SBRAIRE Juliette CALORI Boris DUFFAL Naomi KUKANSAMI Félix DESMARETZ Camille MORIN Tristan VARTANIAN Sandrine OGE Arthur BOLDRON Kevin DAY Simon SALOMON Valentin DESVEAUX Florine HAUSFATER Merci aussi à Gaël COPIN Le massacre de Charlie Hebdo p.29 Annonce de Lycéen p.30 Ours Dessinateurs et dessinatrices : 4BMJIB4*55-&3 Malo DOUCET Kenza DJERIRI Eva GUESBA Mattis CEBRON Violette DELMAS KevinDAY &WB(6&4#" Correcteurs et correctrice : Félix DESMARETZ Léo TURQUIS Florine HAUSFATER Maquettiste : Léo BEAUVAIS GELY Rédactrice en chef et directrice de publication : Florine HAUSFATER Pour CHARLIE, pour les policiers tués, les juifs assassinés, et les mosquées attaquées. 2 Edito « Je me presse de rire de tout de peur d’être obligé d’en pleurer. » écrit Beaumarchais. Cette citation fait douloureusement écho à l’esprit de certains dessins satiriques de Charlie Hebdo. La satire, c’est d’abord rire. Rire de l’actualité, rire du drame, rire même de l’horreur. Car si l’on nous ressasse que la satire « a pour but de dénoncer par le ridicule en accentuant les traits grotesques de certains sujets », elle est aussi une arme contre le désespoir. Le désespoir ça tue et ça gangrène la lutte. En se moquant de ces sujets qui font pleurer, ceux là même qui te balancent au fond du trou parce que plus rien ne semble compréhensible, comme si rien n’avait jamais eu de sens, Charlie se battait – et se bat toujours – contre le désespoir. En refusant d’abandonner face à l’accablement, le remplaçant par une insolence farouche, il affirme notre capacité à nous relever de tout et de pouvoir s’en moquer ; parce que c’est cela l’espoir, c’est croire que l’on pourra toujours rire, trouver de la joie même dans l’horreur, tourner en dérision les pires situations. Puis la satire, c’est le propre de la démocratie : l’acide – amer des caricatures, ça choque, et par là même fait réfléchir, se poser des questions et contester. Ça titille notre conscience politique et ça l’entretient. Charlie Hebdo a défendu à plusieurs reprises la presse jeune, certains membres de sa rédaction ont même rencontré des journalistes lycéens, débattu avec eux, dessiné pour nous, pour défendre nos droits. Charb et Pelloux auraient d’ailleurs approuvé la remarque d’un journaliste jeune, qui disait que « En fait, Charlie Hebdo, c’est un gros journal lycéen. ». Alors nous, même si on n’était pas encore là lors de ces rencontres, on veut leur rendre hommage. Avec notre tirage à 800 exemplaires, on ne pèse pas bien lourd, mais on est animés par la même volonté de s’exprimer. Alors voici un numéro spécial sur l’actualité désastreuse de ces dernières semaines, de l’attentat à l’islamophobie, en passant par les diverses réactions, sublimes ou ridicules, et par notre mobilisation à tous au lycée Michelet. Quelques dessins aussi, quelques coups de crayons. Le meilleur hommage aurait été le rire, mais la précipitation dans laquelle nous avons fait ce numéro nous a peut-être rendu un peu trop sérieux sur certaines choses, alors nous nous en excusons. Nous espérons que vous apprécierez ce numéro. Parce que nous, on est en colère, comme vous tous. Et que si la seule chose qu’on puisse faire à notre échelle c’est de publier notre petit journal lycéen, de s’exprimer comme on peut, comme on veut, alors nous le faisons. Parce que nous sommes Charlie. Florine HAUSFATER P.S. : Certains rédacteurs et dessinateurs ont souhaité signer « Charlie », suivi de leur nom de famille pour pouvoir identifier les auteurs. D’autres ont préféré signer comme d’habitude, pour des raisons et convictions différentes. D’ailleurs, certains articles ne reflètent parfois pas du tout l’avis de toute la rédaction. Mais c’est ça aussi la liberté d’expression. 1 -BMJCFSUÏEFMBQSFTTFEBOTMFNPOEF -B MJCFSUÏ EFYQSFTTJPO 6O CJFO CFBV QSJODJQF .BJT DPNNFOU TJODBSOFUFMMF BVKPVSEIVJ $IBRVF KPVS EBOT MF NPOEF EFT KPVSOBMJTUFT TPOU QFSTÏDVUÏT /PNCSF EFOUSF FVY DPOUJOVFOU EF MVUUFS DPOUSF MPQQSFTTJPOKPVSBQSÒTKPVS&OPOU EPOOÏMFVSWJFQPVSEÏGFOESFDFESPJUFU POU ÏUÏ FOMFWÏT " DF KPVS EFNFVSFOU DBQUJGT %F OPNCSFVY NPUJGT FOUSBÔOFOU MB DFOTVSF EJTQBSJUJPOT EF TFT TPVSDFTy $FT QSBUJRVFT BQQFMÏFT DSJNFT PSHBOJTÏT TPOU USÒT DPVSBOUFT EBOT MFT QBZT E"NÏSJRVF -BUJOF TPVWFOU PSDIFTUSÏT QBS MFT DBSUFMT EF MB ESPHVF QBSGPJT BJEÏT QBS MFT BVUPSJUÏT MPDBMFT DPSSPNQVFT .BJT FMMFT DPODFSOFOU ÏHBMFNFOU MB .BGJB MF .JMJFV PV FODPSF MFT :BLV[BT "VUSF FYFNQMF TVJUF Ë VO BSUJDMF TVS MF HPVWFSOFNFOU DBNFSPVOBJT FU TFT SFMBUJPOT BWFD MF HSBOE CBOEJUJTNF MF KPVSOBMJTUF DBNFSPVOBJT 3FOF %BTTJ TFTU WV NFOBDFS 4PO DPVSBHF OB KBNBJT GBJCMJ NBJT Ë MB OBJTTBODF EF TPO GJMT JM B GJOBMFNFOU QSÏGÏSÏ ÏNJHSFSFO'SBODF%FNÐNFRVFMFSFQPSUFS BMHÏSJFO 3BJN RVJ B SÏBMJTÏ RVJM OF QPVSSBJU ÏDIBQQFS Ë MB QSFTTJPO FU FYFSDFS TPO NÏUJFS MJCSFNFOU -B4ZSJFFTUVOEFTDBTMFTQMVTFYUSÐNFTEBOT MF NPOEF &O FGGFU EFT UFSSPSJTUFT JTMBNJTUFT FO QBSUJDVMJFS %BFTI NVMUJQMJFOU UVFSJFT NFOBDFT FU FOMÒWFNFOUT "VKPVSEIVJ MB 4ZSJF FTU MF F QBZT TVS EBOT MF DMBTTFNFOU EF MB MJCFSUÏ EF QSFTTF EBOT MF NPOEF -FT SFQPSUFST SÏTJEFOUT PV ÏUSBOHFST DPOUJOVFOU EJOGPSNFS MF NPOEF NBJT MF QBJFOU TPVWFOU EF MFVS WJF %FSOJÒSFNFOU 5PVT BGGJSNFOU RVF jDFTU MB TPDJÏUÏ RVJ GBJU USPJT KPVSOBMJTUFT TZSJFOT EF MB DIBJOF 0SJFOU QBSMFSMFTKPVSOBMJTUFTx*MTTPVMJHOFOUBVTTJMF 57POUÏUÏUVÏTË%FSBBBVTVEEFMB4ZSJF SÙMF DBQJUBM EFT MFDUFVST FU EF MB EÏNPDSBUJF DJCMÏTQBSVONJTTJMF QPVSMBMJCFSUÏEFMBQSFTTF $FUUF DFOTVSF OF TBSSÐUF QBT BVY GSPOUJÒSFT .BJTBMPSTFYJTUFUJMVOQBZTPáMBMJCFSUÏEF EFMB4ZSJFFUMFTUÏNPJHOBHFTEFKPVSOBMJTUFT MB QSFTTF FTU QMFJOFNFOU SFTQFDUÏF &O FGGFU TF NVMUJQMJFOU %F QMVT MFT NFOBDFT MFTEFSOJFSTÏWÏOFNFOUTFO'SBODFJMMVTUSFOU UFSSPSJTUFT TFSWFOU EF QSÏUFYUF BVY QBZT RVFMFTKPVSOBMJTUFTTPOUTPVWFOUDPOUSBJOUTË EJDUBUFVST QPVS CSJNFS MB MJCFSUÏ MBVUPDFOTVSF GBDF BVY BDUJPOOBJSFT EF MFVST EFYQSFTTJPO"JOTJ BV .FYJRVF BQSÒT MB KPVSOBVYFUËDFSUBJOTTVKFUTUBCPVT$FSUBJOT QVCMJDBUJPO EF TPO MJWSF TVS MFT DBSUFMT EF MB DPOUJOVFOUUPVUEFNÐNFEFTJOEJHOFSFUEF ESPHVFMBKPVSOBMJTUF"OOBCFMMF)FSOBOEF[B SÏTJTUFSGBDFËMPQQSFTTJPO4PVUFOPOTMFT TVCJ NVMUJQMFT NFOBDFT UÏMÏQIPOJRVFT MBHSFTTJPOEFTFTQSPDIFTEJORVJÏUBOUFT Sophia Papon ¡¦¬¦¡£¤£¡¤¡££¡¤Ã¡¦¤¤Äİဠ£¦£¤¨¬¡££¡£Ä¡ ဠ££¤¤£ဠ¡¦¡Ä£¤¡¤¡££ဠ¤¤¨¦န 30 λ