agriculture : nouvelle donne
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AGRICULTURE : NOUVELLE DONNE Diffusion sur Arte le 26.01.2008 Edité le : 24-01-08 Dernière mise à jour le : 24-01-08 Sur les marchés mondiaux, depuis 2006, les prix agricoles montent. Le prix de vente du blé, celui du maïs aussi, ont été multipliés par deux, entraînant une hausse des pâtes en Italie, des chapatis en Inde ou de la tortilla au Mexique. Alors pourquoi cette hausse des cours ? 1. La montée des prix agricoles comme en Amérique et en Australie ; - et enfin l’agriculture vivrière, c'est-à-dire destinée à la consommation locale, essentiellement en Afrique. Il faut savoir qu’entre 1965 et 2005, la surface agricole mondiale disponible a augmenté de 9% ; alors que pendant la même période, la population mondiale a augmenté de 100 %, c’est à dire qu’elle a doublé, passant de 3 à 6 milliards d’hommes. Donc la population mondiale augmente quatre fois plus vite que la mise en culture de nouvelles terres. Le graphique ci-contre nous montre, sur cinq ans, la hausse des prix de vente des céréales de base. 3. Relativement peu de terres disponibles Cette hausse s’explique par au moins trois facteurs, à commencer par le problème de la disponibilité des terres. 2. Les grandes zones d’agriculture dans le monde On voit bien sur la carte que seule une faible proportion de la surface de la planète est disponible pour l’agriculture, car les milieux de montagnes, les forêts, les déserts, chauds et froids occupent l’essentiel des sols. D’autant qu’il faut ajouter les phénomènes d’érosion, Cette carte montre les surfaces agricoles à l’échelle et la dégradation des sols liée aux déchets mondiale, avec notamment : industriels, à la pollution ou encore aux élevages - les zones d’agriculture intensive, c'est-à-dire à intensifs. forte productivité (grâce à la mécanisation, aux A cela s’ajoute l’augmentation constante des ajouts d’engrais et de pesticides) surtout dans les surfaces urbanisées. pays du nord ou les zones de riziculture en Asie ; Tous ces éléments conjugués font pression sur les - les zones d’agriculture extensive, c’est-à-dire sur terres agricoles disponibles, mais aussi sur l’eau. En de vastes territoires ou sur des sols plus pauvres, Afrique sub-saharienne, au Moyen-Orient, ou encore en Espagne, l’accès à l’eau devient de plus en plus Le dessous des cartes : AGRICULTURE : NOUVELLE DONNE 1 difficile car la qualité baisse avec les pollutions qui Au Brésil, on produit de l’éthanol à partir de canne à augmentent. sucre, à partir du soja, du maïs, ou même des Une irrigation mal maîtrisée, ou le pompage des graisses animales. nappes phréatiques sans leur laisser le temps de se Aux Etats-Unis, on utilise le maïs, le colza, le soja, reconstituer, remettent en cause l’exploitation de le blé. certaines terres. Et en France par exemple, la betterave et le colza. 4. L’augmentation de la consommation de 6. Les avantages des agro-carburants viande Ces carburants présentent plusieurs avantages : Le deuxième facteur expliquant la hausse des prix - ils fournissent une réponse à la montée des prix du agricoles est lié à l’augmentation de la consommation pétrole ; de viande et de produits laitiers dans des pays très - ils émettent beaucoup moins de CO2, et peuplés, comme la Chine et l’Inde. constituent une énergie renouvelable, donc durable En Chine par exemple, la consommation moyenne de (c’est pour cela qu’on les appelle aussi viande par personne et par an est passée de 4,5 kg biocarburants). en 1962 à plus de 50 kg en 2002. Après le premier choc pétrolier en 1973, le Brésil a Cette diversification alimentaire dans les pays ainsi investi dans un vaste programme visant à émergents pèse sur la demande, donc sur les prix. remplacer l’essence par de l’éthanol à base de canne 5. L’essor des agro-carburants à sucre – ce plan est nommé Proalcool. Et aujourd'hui, le Brésil couvre 44% de ses besoins en carburant. Près de 80 % des véhicules vendus en 2006 au Brésil sont à carburant modulable, et la politique de Brasilia est très volontariste. Il s’agit de faire en sorte que les agro-carburants deviennent une matière première cotée sur le marché mondial. 7. Le problème de la déforestation au Brésil Le troisième facteur est lié à l’émergence d’un nouveau débouché pour l’agriculture : les agrocarburants. Les agro-carburants sont des carburants d’origine végétale. Près de 70 % des agro-carburants sont produits par les Etats-Unis et par le Brésil. Le dessous des cartes : AGRICULTURE : NOUVELLE DONNE 2 Pour répondre à la demande mondiale en éthanol, le 9. Les conséquences sur l’agriculture front du soja au Brésil ne cesse de s’étendre, notamment dans le Mato Grosso et le Rondônia. Et les champs de soja étant gagnés sur la forêt, cela entraîne mécaniquement au moins trois conséquences : - cela réduit le capital végétal et animal formant la biodiversité, qui est extrêmement riche en forêt amazonienne ; - moins de forêt en Amazonie, c’est moins de pompe à carbone à l’échelle mondiale ; - et plus la culture du soja et du maïs est orientée Par ailleurs, le prix des céréales destinées à la vers la production d’éthanol, plus l’agriculture locale production des biocarburants est indexé sur le prix est fragilisée. du pétrole. 8. Le cas des Etats-Unis Donc, il devient plus intéressant de produire des céréales pour les carburants que de produire des céréales pour l’alimentation. Et cela a des conséquences internationales. Par exemple le Mexique exporte de plus en plus de maïs vers les Etats-Unis, où il est transformé en éthanol, mais cela se fait au détriment du marché alimentaire mexicain. Résultat : la tortilla, qui est l’aliment de base des Mexicains, fabriqué à partir de maïs, a vu son prix augmenter de 70% entre 2006 et 2007 ! Depuis 2006, les Etats-Unis sont le premier producteur mondial d’éthanol, mais ils le produisent 10. Le problème de la sous-alimentation dans le monde avant tout à partir du maïs. Cette céréale pousse dans les plaines du Corn Belt. En 2007, plus d’une centaine de raffineries transforment le maïs en éthanol, et une cinquantaine sont en cours de construction, pour faire face à la demande intérieure en pétrole et à la montée du prix du baril. Ce qui entraîne là aussi deux effets mécaniques: - la culture du maïs demande une grande quantité d’herbicides et de fertilisants azotés, ce qui, à terme, entraîne une forte érosion des sols. On voit donc bien se dessiner le problème : à quoi et - ensuite, avec des usines tournant au gaz, le à qui destine-t-on la production de céréales (ou en processus de fabrication de l’éthanol dégage de tout cas les surplus)? grandes quantités de dioxyde de carbone, donc le En 2007, environ 840 millions d’habitants de la bilan environnemental de l’éthanol n’est pas planète sont sous-alimentés, c’est à dire qu’ils n’ont forcément positif. pas les 2500 kilocalories considérées comme le seuil minimum quotidien. Cela représente environ 13 % de la population mondiale. Et encore, il y a progrès, car ce taux était de 37% Le dessous des cartes : AGRICULTURE : NOUVELLE DONNE 3 au début des années 1970. Le progrès est d’autant En face, certains pays producteurs ont d’importants plus remarquable que la population a plus que doublé surplus alimentaires, comme le Canada, les Etats- dans le même laps de temps. Unis, le Brésil, l’Argentine, la France, l’Allemagne, la Sur cette carte figurent (en rouge) les pays dont Turquie, ou encore l’Afrique du sud et l’Australie. près de 20% de la population est sous-alimentée. En définitive, avec l’augmentation de la demande en 11. L’utilisation des surplus alimentaires agro-carburants, la croissance de la consommation de produits laitiers et carnés, et avec les accidents climatiques qui, dans un marché tendu, entraînent une hausse rapide des cours, que vont faire ces pays producteurs de leurs surplus ? Il faut savoir notamment que pour faire un plein de 4x4 avec de l’éthanol pur, il faut 200 kilos de maïs, ce qui représente un équivalent en calories permettant de nourrir une personne pendant un an. Ce ne sont là que quelques pistes d’information et de réflexion sur une problématique durable, préoccupante, et où tout se croise. L’augmentation de la population mondiale, les changements des habitudes alimentaires, les accidents climatiques, les demandes en carburants pouvant se substituer aux énergies fossiles, les inquiétudes environnementales, et même les questions éthiques avec la question de l’utilisation des Organismes génétiquement modifiés, les OGM. Dans certaines zones du monde où la mise en culture est difficile, les OGM peuvent augmenter la production en créant des végétaux qui sont capables de pousser dans des sols pauvres ou bien peu arrosés. Mais en même temps de nombreux consommateurs dans le monde, ceux qui sont informés, n’en veulent pas : Les pays de l’UE sont plutôt réticents. La France s’en tient au « principe de précaution », car autant on peut revenir en arrière avec les pesticides, autant lâcher un gêne nouveau dans la nature, c’est tout à fait irréversible. Et puis doit-on laisser à 2 ou 3 groupes agro-alimentaires la production d’OGM, le pouvoir de nourrir la population du monde ? L’agriculteur du XXIe siècle se retrouve à nouveau au cœur d’enjeux tout à fait centraux : nourrir les hommes, faire rouler les voitures, préserver l’environnement, être indépendant des subventions de l’Etat, tout en se posant des questions éthiques. Le dessous des cartes : AGRICULTURE : NOUVELLE DONNE 4