Les outils de modélisation hydraulique et de simulation d

Transcription

Les outils de modélisation hydraulique et de simulation d
MASTÈRE SPÉCIALISÉ PAPDD
2012-2013
Des outils techniques en appui à la décision
publique
Stratégies de développement et de diffusion des outils de
modélisation hydraulique et de simulation d’exploitation du
Cetmef
Mémoire de thèse professionnelle pour le Mastère spécialisé PAPDD
BUCHHEIT Pauline
Organisme d’accueil :
Cetmef
134 rue de Beauvais - CS 60039
60280 Margny Lès Compiègne
Correspondants au sein de l’organisme d’accueil :
M. François HISSEL
M. Patrick CHASSÉ
Sous la direction de :
M. Bruno LEMAIRE
École des Ponts ParisTech, AgroParisTech-Engref et le Cetmef n’entendent donner
aucune approbation ni improbation aux thèses et opinions émises dans ce rapport ; celles-ci
doivent être considérées comme propres à leur auteur.
J’atteste que ce mémoire est le résultat de mon travail personnel, qu’il cite entre
guillemets et référence toutes les sources utilisées et qu’il ne contient pas de passages ayant déjà
été utilisés intégralement dans un travail similaire.
Remerciements
J’aimerais remercier vivement François Hissel et Patrick Chassé pour m’avoir confié
cette mission et fait confiance tout au long de son déroulement. Merci pour votre suivi et vos
remarques. Je remercie également Bruno Lemaire, mon tuteur à AgroParisTech, pour son suivi et
ses conseils tout au long de ma mission.
J'aimerais remercier aussi l’ensemble des personnes qui m’ont reçue au cours de ce stage,
au Cetmef et dans les autres institutions, pour leur disponibilité, leur accueil cordial et leurs
talents de pédagogue. En plus de la masse considérable de connaissances et d’expériences que
j’ai pu approcher dans des domaines aussi variés que la modélisation hydraulique et
l’exploitation fluviale et portuaire et des nombreux points de vue qui m’ont été offerts sur la
modélisation et l’action publique en général, j’ai également eu le plaisir de découvrir quinze
villes différentes, discuter de thématiques inconnues dans une langue étrangère, approcher de
près des infrastructures portuaires, et en particulier des cuves de béton de 90 mètres de diamètre
en construction et une forme de radoub de quinze mètres de haut, déguster une crèpe en face de
l’océan et traverser un pont sur l’Oise quatre fois par jour pendant trois mois en regardant passer
les cygnes et les péniches.
Toute ma reconnaissance sincère à l’équipe du deuxième étage du site de Compiègne
pour avoir égayé mon stage de pauses café animées et m’avoir beaucoup appris sur la vie d’un
service de l’État, et en particulier mes colocataires d’open space Stéphane et Vanessya pour avoir
supporté mes clics de clavier et mon stress de dernière minute, ainsi qu’Alain Chambreuil pour
sa patience à m’expliquer le fonctionnement d’une écluse, et sa gentillesse.
Un remerciement tout particulier à Chantal pour avoir géré mes missions avec une
patience et un dévouement sans faille et agraphé une cinquantaine de billets de train et de bus à
des états de frais, ainsi qu'à l'ensemble des agents du siège de Compiègne.
Enfin, merci à Navarith pour avoir offert un cadre idéal à cette mission, et bien plus.
Résumé :
Le centre d’études techniques maritimes et fluviales (Cetmef), service technique central
du ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, développe des outils
d’aide à la décision venant en appui aux maîtres d’ouvrage publics que sont l’État, les
collectivités locales, Voies navigables de France et les grands ports maritimes, dans des domaines
tels que la prévention des risques naturels, le développement et la sûreté des infrastructures de
navigation ou encore l'aménagement du territoire. Cette étude s’intéresse particulièrement aux
stratégies de développement et de diffusion des outils de modélisation hydraulique et de
simulation d’exploitation des ports maritimes et des voies navigables du Cetmef. L’objectif est
de proposer des pistes d’actions pour l’évolution future de ces outils, en fonction des besoins des
partenaires du Cetmef et des autres outils existants, et en prenant en compte l’entrée prochaine
du service au sein du centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité
et l’aménagement (Cerema).
La rencontre de plusieurs utilisateurs actuels des outils du Cetmef ou d’outils similaires et
des bénéficiaires d’études réalisées avec ces outils a permis de faire remonter un certain nombre
de besoins techniques, dans chacun des deux domaines étudiés. Mais les choix de développement
et de diffusion qui peuvent être faits nécessitent avant tout de clarifier le positionnement du
Cetmef par rapport aux missions de recherche, d’ingénierie, d’expertise et d’accompagnement
des maîtres d’ouvrage qui sont attendues de lui.
Abstract :
Cetmef is a central technical department which comes under the Minister for Sustainable
Development. It forms a crossroads for research, engineering and technical solutions. It provides
software to the national community (State, public entities, local authorities, etc.), in the field of
flood risk management, navigation safety, capacity assessment of navigation infrastructure. This
study focuses on Cetmef software development and distribution processes, in the areas of
hydraulic modelling (free-surface flows, waves and sediment transport) and traffic simulation in
ports and inland waterways. The aim of the study is to propose some measures to improve these
processes according to the needs of its main partners, its forecoming institutional framework and
the other available software.
The results of our interviews provided scope for future software development.
Nonetheless, it is important to clarify the expectations of both Cetmef and its partners before
developing new strategies related to software production and distribution.
Synthèse
Le centre d’études techniques maritimes et fluviales (Cetmef) est un service à compétence
nationale du ministère de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie (MEDDE), créé
en 1998. Son siège est à Compiègne, avec deux implantations importantes à Brest et Bonneuilsur-Marne, ainsi que deux agences à Nantes et Aix-en-Provence.
Les missions du Cetmef couvrent plusieurs thèmes d’actualité, comme le développement
du transport fluvial et maritime, l’optimisation des infrastructures de transport et la sécurité de la
navigation, mais aussi la prévention des risques d’inondation et le développement des énergies
marines. Sur ces sujets, le Cetmef réalise plusieurs types de mission, de l’ingénierie à la
recherche en passant par la production méthodologique, la conduite d’expertise et
l’accompagnement des maîtres d’ouvrage publics. En particulier, il assure le développement et la
diffusion d’outils techniques d’aide à la décision, à destination des services de l’État et des
gestionnaires publics d’infrastructures de transport maritime et fluvial.
Son rôle a évolué suite aux réformes successives affectant les missions de ses partenaires
historiques – grands ports maritimes, voies navigables de France. Un nouveau changement
majeur est en cours aujourd’hui, avec la création au 1er janvier 2014 du centre d’études et
d’expertise pour les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), qui
regroupera à partir du 1er janvier 2014 les huit centres d’études techniques de l’équipement
(CETE) et trois services à compétence nationale (Cetmef, Sétra et Certu). À ce moment
charnière, il semble opportun de mener une réflexion sur le rôle du Cetmef et sa contribution à
son environnement institutionnel et scientifique dans ses domaines de compétence. Les activités
de production et de diffusion d’outils techniques nécessitent en particulier d’avoir une vision à
moyen terme des ressources humaines permettant le maintien et la promotion d’outils
complexes.
Cette étude vise à formuler des propositions pour l’amélioration des processus de
développement et de diffusion des outils techniques du Cetmef, dans les domaines de la
simulation d’exploitation des ports maritimes et des voies navigables et de la modélisation
hydraulique. Nous avons cherché en particulier à évaluer l’importance de ces outils pour l’action
publique dans les champs de compétences du MEDDE et à identifier des opportunités pour leur
développement et leur diffusion futurs, selon les besoins exprimés par les utilisateurs des
logiciels et les bénéficiaires d’études mobilisant ces outils.
1. Maintenir des outils pour l'optimisation des infrastructures de transport maritime et
fluvial
Dans le domaine du transport maritime et fluvial, les études de simulation d’exploitation
permettent d’évaluer la capacité d'un réseau d'infrastructures à écouler un trafic actuel ou futur.
Ces études peuvent intéresser aussi bien les gestionnaires, les exploitants, les usagers et les
financeurs d’une infrastructure de transport. Le logiciel Sinavi a été développé par le Cetmef
pour la simulation d’exploitation des voies navigables ; le logiciel Sipor pour celle des ports
maritimes. Les deux logiciels reposent sur la théorie mathématique des files d’attente et
permettent de simuler les différentes étapes du trajet d’un bateau dans un port ou dans une voie
navigable. Plusieurs scénarios d’évolution des infrastructures et des règles de navigation peuvent
ainsi être simulés et comparés en termes d’impact sur l’écoulement du trafic.
Les études ont été menées jusqu’à maintenant en interne au Cetmef, pour le compte des
autorités portuaires et de VNF principalement. Elles ont ainsi permis d’évaluer les besoins en
déroctage du grand port maritime de La Rochelle en 2010, de comparer plusieurs scénarios
d’agencement des futurs terminaux du port du Havre en fonction des contraintes engendrées sur
l’écoulement du trafic, ou encore de dimensionner le recalibrage des tronçons à grand gabarit des
voies navigables du Nord-Pas de Calais. Les outils de simulation d’exploitation se révèlent un
outil particulièrement utile à l’optimisation des infrastructures de transport maritime et fluviale,
afin de répondre à la volonté politique actuelle de développement de ces modes de transport,
dans un contexte de restriction budgétaire.
Aujourd’hui, le développement du noyau de calcul repose exclusivement sur le travail du
développeur historique de l’outil, en collaboration étroite avec les deux utilisateurs du logiciel
qui apportent leur expertise dans le domaine fluvial et portuaire. La question du maintien des
compétences après les départs à la retraite de l’unique développeur et de l’utilisateur principal en
2014, n’a toujours pas été résolue. L’équilibre entre des compétences en programmation et une
expertise sur l'exploitation portuaire et fluviale semble pourtant indispensable à la pérennisation
de ce logiciel évolutif. Face à ce constat de fragilité des ressources dédiées aux outils du Cetmef,
nous avons cherché d'une part à identifier les besoins à venir en matière de simulation
d'exploitation, et d'autre part à recenser les autres outils existants, dans le domaine des transports
maritime et fluvial, mais également routier et aérien.
Les besoins proviennent à la fois des gestionnaires d'infrastructures – VNF et la
Compagnie nationale du Rhône, les grands ports maritimes – mais également de l'État, plus
particulièrement la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM),
qui doit juger de la pertinence des investissements publics. Les compétences sont encore peu
développées dans les bureaux d'études privés ; néanmoins, quelques outils commerciaux existent
déjà, qui disposent pour certains de fonctionnalités intéressantes, dont peuvent s'inspirer les
logiciels du Cetmef. Les services techniques du MEDDE dans le domaine routier et aérien
disposent également de logiciels privés de simulation de transport privés ; le Sétra a même
développé un certain nombre de modules afin d'adapter ces outils à l'évaluation de projets.
Les outils de simulation de transport reposent cependant tous sur la qualité des données
d'entrée des modèles, à savoir les prévisions futures du trafic de marchandises. Or celles-ci sont
aujourd'hui réalisées sur des outils privés, qui donnent parfois des résultats contradictoires. Il y a
ainsi un besoin fort de développer une méthodologie de référence pour la prévision de trafic. La
réunion des services chargés de différents modes de transport au sein du Cerema peut être
l'occasion d'envisager un partenariat pour le développement des méthodologies et des outils de
modélisation, en continuité du travail des pôles de compétences et d'innovation (PCI) existants.
2. Relier la recherche aux besoins opérationnels dans le domaine de la modélisation
hydraulique
La modélisation hydraulique est un domaine très différent ; elle est en effet mobilisée
pour représenter un grand nombre de milieux – fluvial, littoral, maritime, estuarien – dans le
cadre d’études visant à guider l’action d’une diversité d’acteurs publics et privés, dans les
domaines de la prévision et de la prévention des risques naturels, de la sécurité de la navigation
ou encore de la préservation des milieux aquatiques. Elle est également utilisée dans le cadre de
projets de recherche visant une meilleure compréhension des phénomènes complexes représentés
ainsi qu’une amélioration des outils.
Les compétences en hydraulique sont à la fois nombreuses et inégalement réparties sur le
territoire français. Les services déconcentrés de l’État, les établissements publics comme VNF et
les grands ports maritimes et les collectivités territoriales sont les principaux commanditaires
d’études hydrauliques dans le domaine de la prévention des risques naturels, de la préservation
des milieux aquatiques et de la sécurité de la navigation, auxquels s’ajoutent les aménageurs
privés soumis à l’obligation de réaliser des études d’impact. Les services de l’État s'appuient sur
les compétences du réseau scientifique et technique (RST), et principalement des CETE. Les
ressources de ces derniers diminuant, ils reposent de plus en plus sur les bureaux d’études privés,
tout comme les collectivités territoriales. Les établissements de recherche du RST, comme
l’Irstea, le BRGM ou l’Ifsttar, mènent des activités de recherche en partenariat avec des
universités, tout en transmettant un certain nombre de savoirs aux services principalement
opérationnels que sont les CETE.
Le Cetmef, parmi ces acteurs, s’est positionné comme un organisme hybride entre la
recherche et l’opérationnel. Cela le conduit à mener des activités de recherche et de
développement d'outils publics, au sein des laboratoires qu'il a créé en partenariat avec des
établissements de recherche. Il mène également des études d'ingénierie innovantes pour le
compte de maîtres d’ouvrage publics, mais également des expertises, aussi bien dans les
domaines dans lesquels des compétences toujours plus importantes sont transférées aux
collectivités territoriales et aux établissements publics – aménagement du territoire, construction
d’ouvrages ; que dans les domaines qui restent de la compétence de l’État – sécurité de la
navigation, risques naturels. Sur l’ensemble de ces thématiques, n’ayant pas les ressources
internes suffisantes, le Cetmef joue le rôle de tête de réseau auprès des CETE ; il peut également
intervenir en accompagnement des maîtres d'ouvrages lorsque ceux-ci s'adressent aux bureaux
d'études privés. Par ailleurs, le Cetmef contribue au développement et diffuse aux services de
l’État les outils de la chaîne Telemac-Mascaret, en partenariat avec EDF et ses partenaires
européens.
Le Cetmef s'est ainsi positionné à l’interface entre recherche et ingénierie. Mais
l'excellence scientifique, nécessaire à l'expertise de pointe pour le compte de l'État, est-elle
facilement compatible avec les besoins opérationnels des autres acteurs : services de l'État,
collectivités territoriales et bureaux d'études privés ? Des éléments d’évaluation de l’efficacité de
ce positionnement peuvent être apportés par le biais de la satisfaction des services de l’État et
des bureaux d’études vis-à-vis des outils que le Cetmef diffuse.
La chaîne Telemac-Mascaret qui est aujourd’hui libre, semble une opportunité pour les
services de l’État, dont les ressources budgétaires sont diminuées d’année en année. Néanmoins,
ces outils sont développés par des chercheurs, et nécessitent pour leur utilisation des
compétences solides en hydraulique, mais également en programmation. Or ces compétences,
dans le contexte français de forte dispersion des missions relatives à l’hydraulique, semblent
difficiles à acquérir. Il y a donc un besoin fort aujourd'hui pour des outils d'interface, d'entrée des
données et de valorisation des résultats des logiciels de calcul, afin de faciliter leur utilisation et
concurrencer les logiciels commerciaux existants.
3. De la redéfinition des stratégies de production des outils à une réaffirmation du rôle
du Cetmef
La simulation d’exploitation appelle ainsi au maintien d’un outil encore assez confidentiel
et anecdotique en termes d’usages actuels et potentiels, mais dont l’importance est reconnue par
les gestionnaires des ports et des voies navigables, et par leurs tutelles. Le bilan des ressources
aujourd’hui consacrées à ce logiciel impose une redéfinition des stratégies de développement et
de diffusion. Or cela nécessite d’opérer des choix pour chacune des étapes du processus –
développement, diffusion, utilisation – qui sont inextricablement liées. De l’autre côté, la
modélisation hydraulique est un domaine foisonnant d’outils, d’usages et d’acteurs concernés. Le
Cetmef y tient une place particulière, à l’interface entre recherche et opérationnel, et semble ainsi
condamné à concilier des postures tout à fait différentes, parmi une diversité d’acteurs de part et
d’autre.
Ces deux thématiques soulèvent néanmoins des problématiques communes, comme la
fragilité des ressources sur lesquelles reposent de nombreux outils techniques et la difficulté à
gérer à long terme les compétences nécessaires à leur maintien. Une voie prometteuse pour
l'avenir semble être l'établissement de partenariats, que ce soit de manière verticale avec le
monde de la recherche et les gestionnaires publics, ou de manière horizontale, avec les
homologues du Cetmef – services techniques centraux bientôt réunis au sein du Cerema, ou
homologues européens. En effet, de nombreuses thématiques sont transversales – prévention des
inondations en milieu rural et urbain, gestion des transports – et internationales, du fait de la
réglementation européenne, de la mondialisation des transports en particulier maritimes et de
l'existence de cours d'eau transfrontaliers.
Les deux thématiques étudiées soulignent également la complexité des processus de
développement et de diffusion des outils, qui nécessitent de s’interroger sur la posture à adopter
face aux différents commanditaires et vis-à-vis des acteurs privés. Ainsi, le besoin d'expertise
provient à la fois de la part des gestionnaires publics, mais également de la part de l'État. Le cas
singulier des concessionnaires privés d'infrastructures publiques pose également question : à
quelles conditions un outil peut-il trancher entre des intérêts contradictoires ? Peut-on utiliser un
même outil pour une expertise et une contre-expertise ?
Au final, l’amélioration des stratégies de développement et de diffusion des outils
techniques du Cetmef semble passer par la mise en place de partenariats et de procédures
permettant de recueillir et d’intégrer les besoins des utilisateurs et des bénéficiaires des études
aux développements. Elle nécessite également d’élargir toujours plus la réflexion sur l’évolution
des outils au contexte thématique et institutionnel de leur utilisation. Cela permet de ne pas
oublier la place qu’a la modélisation au sein des procédures de décision, et les réels déterminants
de la qualité d’une modélisation, vis-à-vis de sa capacité à représenter la réalité et de son
influence sur la décision finale.
Sommaire
Introduction......................................................................................................................................1
Partie 1 : Enjeux de la simulation d’exploitation portuaire et fluviale et place du Cetmef.............3
I.Des outils au service des ports maritimes et des voies navigables...........................................3
A)Contexte des études de simulation d’exploitation..............................................................3
B)Présentation des outils du Cetmef et leurs applications.....................................................4
C)Un outil de dialogue à manipuler avec précaution.............................................................8
II.Historique de développement et de diffusion des logiciels de simulation d’exploitation du
Cetmef.......................................................................................................................................10
A)Des outils développés en interne, pour répondre aux besoins des partenaires historiques
du Cetmef.............................................................................................................................10
B)Des outils en amélioration continue.................................................................................11
C)Des tentatives timides de diffusion à des bureaux d’études.............................................11
III.Les besoins contrastés des commanditaires.........................................................................12
A)Des pistes d’amélioration des outils du Cetmef...............................................................12
B)Les usages potentiels futurs des outils du Cetmef............................................................13
C)Les autres attentes des partenaires vis-à-vis du Cetmef...................................................15
IV.Autres outils et stratégies pour la simulation des infrastructures de transport.....................18
A)Les autres outils de simulation d’exploitation dans les domaines portuaire et fluvial.....18
B)Des besoins similaires chez les autres services techniques centraux...............................21
Partie 2 : Enjeux de la modélisation hydraulique et positionnement du Cetmef...........................25
I.La modélisation hydraulique : outils et usages.......................................................................25
A)Principe de la modélisation hydraulique numérique........................................................25
B)La modélisation hydraulique en milieu terrestre..............................................................26
C)La modélisation hydraulique en milieu maritime et littoral.............................................32
II.Les processus de développement et de diffusion des outils de modélisation hydraulique....37
A)Historique de développement et de diffusion des outils du Cetmef.................................37
B)Une nouvelle stratégie de développement et de diffusion................................................38
C)État des lieux des compétences en hydraulique en France...............................................41
III.Les besoins exprimés des utilisateurs et de l’administration centrale..................................48
A)Besoins des utilisateurs et facteurs de choix des outils....................................................48
B)Attentes de l’administration centrale................................................................................52
C)Autres politiques de développement et de diffusion........................................................53
Partie 3 : Vers une redéfinition des stratégies de production des outils du Cetmef.......................57
I.Evolution des missions du Cetmef : des statuts qui changent et des relations qui subsistent 58
A)Historique des missions du Cetmef et relations avec ses commanditaires......................58
B)Perspectives d’évolution avec le Cerema.........................................................................61
II.Attentes actuelles des partenaires..........................................................................................63
A)Besoin des commanditaires et positionnement face au privé...........................................64
B)Besoins des tutelles..........................................................................................................65
C)Besoins des CETE............................................................................................................66
III.Éléments de réflexion pour de nouvelles stratégies.............................................................67
A)Ancrer la simulation d’exploitation dans un ensemble plus large...................................67
B)Créer des ponts dans le domaine de la modélisation hydraulique....................................69
C)Recommandation générales..............................................................................................71
Conclusion.....................................................................................................................................73
Références......................................................................................................................................75
Liste des annexes...........................................................................................................................76
Introduction
Introduction
1
Contexte
Le centre d’études techniques maritimes et fluviales (Cetmef) est un service à compétence
nationale du ministère de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie (MEDDE). Créé en
19981, il résulte de la fusion entre le service technique central des ports et des voies navigables
(STCPMVN) et le service technique de la navigation maritime et des transmissions de l’équipement
(STNMTE), anciennement service technique des phares et balises (STPB). Son siège est à Compiègne,
avec deux implantations principales à Brest et Bonneuil sur Marne, ainsi que deux agences à Nantes et
Aix en Provence.
Les missions du Cetmef couvrent plusieurs thèmes d’actualité : le développement du transport
fluvial et maritime, l’optimisation des infrastructures de transport et la sécurité de la navigation, mais
aussi la prévention des risques d’inondation et le développement des énergies marines. Sur ces sujets, le
Cetmef réalise plusieurs types de missions, de l’ingénierie à la recherche en passant par la production
méthodologique, la conduite d’expertise et l’accompagnement des maîtres d’ouvrage publics. En
particulier, il assure le développement et la diffusion d’outils techniques d’aide à la décision, à destination
des services de l’État et des gestionnaires publics d’infrastructures de transport maritime et fluvial.
Son rôle a évolué suite aux réformes successives affectant les missions de ses partenaires
historiques – grands ports maritimes, voies navigables de France. Un nouveau changement majeur est en
cours aujourd’hui, avec la création par la loi n°2013-431 du 28 mai 2013 du centre d’études et d’expertise
pour les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), qui regroupera à partir du 1er
janvier 2014 les huit Centres d’études techniques de l’équipement (CETE) et trois services à compétence
nationale (Cetmef, Sétra et Certu). À ce moment charnière, il semble opportun de mener une réflexion sur
le rôle du Cetmef et sa contribution à son environnement institutionnel et scientifique dans ses domaines
de compétence. Les activités de production d’outils techniques nécessitent en particulier d’avoir une
vision à moyen terme des ressources humaines permettant le maintien et la promotion d’outils complexes.
2
Problématique
Ainsi, ce rapport cherchera à répondre à la question suivante :
Comment le Cetmef, dans le cadre du futur Cerema, peut-il améliorer les processus de
production et de diffusion de ses outils techniques ?
Il s’agira en particulier d’évaluer l’importance de ces outils pour l’action publique dans les
champs de compétences du MEDDE, et d’identifier des opportunités pour leur développement et leur
diffusion future, selon les besoins exprimés par les utilisateurs et les bénéficiaires d’études mobilisant ces
outils.
Nous restreindrons l’étude à deux familles d’outils : les outils de simulation d’exploitation des
ports et des voies navigables et les outils de modélisation hydraulique. Ces deux thématiques sont très
différentes à plusieurs égards – celui de la diversité des usages et des utilisateurs de ces outils, du nombre
d’outils alternatifs existants, et des stratégies de développement et de diffusion qui ont été suivies par le
Cetmef. Leur analyse croisée permettra ainsi de tirer des enseignements plus généraux.
1Décret n°98-980 du 2 novembre 1998 portant création du centre d’études techniques maritimes et fluviales
1
Introduction
3
Méthodologie
La formulation de pistes d’amélioration s’appuiera sur le retour d’expérience des agents du
Cetmef et de ses partenaires, sur le recueil des attentes et des ressentis des utilisateurs des outils et des
bénéficiaires des études, ainsi que sur l’analyse d’autres stratégies de développement et de diffusion
existantes. À cette fin ont été menés :
4
•
Une série d’entretiens auprès de développeurs et d’utilisateurs des logiciels du Cetmef et d’autres
outils ; des bénéficiaires actuels et potentiels des études ; de personnes ayant encadré les
processus de développement et de diffusion des outils ; enfin, des tutelles du Cetmef au sein de
l’administration centrale. La liste des personnes rencontrées est en annexe 1.
•
La lecture de rapports techniques sur l’hydraulique et la gestion portuaire et fluviale, les notices
théoriques et d’utilisation des logiciels, des mémoires d’étudiants et des guides méthodologiques
amorçant un premier état des lieux des outils existants.
•
La consultation de la réglementation relatives à l’ingénierie publique et les évolutions
institutionnelles du Cetmef (lois et arrêtés de création), des documents stratégiques du Cetmef et
des différentes conventions signées avec les partenaires, et des rapports rédigés par des
inspecteurs généraux.
•
Une comparaison à l’international, incomplète faute de temps, ainsi qu’auprès d’autres services
techniques centraux opérant sur des sujets proches.
Déroulement du rapport
Dans les deux premières parties sont traitées successivement les deux familles d’outils étudiées,
en présentant pour chacune d’elles un panorama des outils existants et de leurs usages en appui à l’action
publique, un historique de développement et de diffusion jusqu’à aujourd’hui et enfin un bilan des
besoins exprimés de la part des différentes parties prenantes et des autres stratégies existantes.
La troisième partie se penche sur l’évolution du rôle et du positionnement du Cetmef vis-à-vis de
ses partenaires, et sur les perspectives qui s’offrent aujourd’hui à lui. Des recommandations seront ainsi
formulées sur l’évolution des deux familles d’outils.
2
Partie 1 : Enjeux de la simulation d’exploitation portuaire et fluviale et place du Cetmef
Partie 1 : Enjeux de la simulation d’exploitation
portuaire et fluviale et place du Cetmef
Cette partie traite des politiques de développement et de diffusion des outils de simulation
d’exploitation du Cetmef, développés à partir des années 80 pour simuler le trafic dans les ports
maritimes et les voies navigables. Après une brève présentation des outils et des usages qui en sont faits,
ainsi qu’un rappel de l’histoire de développement et de diffusion de ces outils, un certain nombre
d’éléments seront analysés, permettant de guider une révision des stratégies : les besoins actuels des
bénéficiaires des études, une revue des outils analogues existants et un aperçu des stratégies des autres
services techniques centraux oeuvrant dans le domaine des transports.
I. Des outils au service des ports maritimes et des voies
navigables
A)
Contexte des études de simulation d’exploitation
Dans le domaine du transport maritime et fluvial, les études de simulation d’exploitation
permettent d’évaluer la capacité du réseau à écouler un trafic actuel ou futur. Ces études peuvent ainsi
intéresser aussi bien les gestionnaires, les exploitants, les usagers et les financeurs d’une infrastructure de
transport.
1
Dans le domaine portuaire
Les études visent à répondre aux besoins des autorités portuaires, d’évaluer la pertinence de
nouveaux projets d’infrastructures ou de l’optimisation des ouvrages existants. Il peut s’agir d’études
prospectives à long terme afin d’adapter les ouvrages aux prévisions de trafic, ou d’une réponse à court
terme à un problème d’exploitation ponctuel.
Les grands ports de commerce accueillent de nombreux trafics différents : ferry, porte-conteneurs,
pétroliers, minéraliers, vraquiers, dont l’évolution est fortement tributaire de la conjoncture économique.
Le développement rapide du trafic de conteneurs a accentué la mise en concurrence des ports à l’échelle
mondiale. Les autorités portuaires doivent ainsi répondre à la demande des armateurs en matière de
rapidité du service. À cela s’ajoute l’agrandissement continu des navires qui rend plus difficile leur
accueil dans les ports. Enfin, une problématique actuelle est le développement de la desserte fluviale des
ports, qui nécessite aussi de repenser l’organisation des trafics au sein du port.
L’augmentation en volume d’un trafic ou l’accueil d’un nouveau trafic affecte l’ensemble des
activités du port. Par le passé, les autorités portuaires privilégiaient l’agrandissement du port et la
construction de nouveaux quais. Dans le contexte actuel de restriction budgétaire et de diminution de
l’espace disponible pour étendre le port, du fait de la proximité de la ville ou la présence d’espaces
naturels protégés, c’est aujourd’hui l’optimisation des aménagements existants qui est recherchée. À
surface égale, on peut ainsi changer l’affectation des différents quais.
Les conséquences de ces modifications sur le fonctionnement global du port peuvent être mises
en évidence par une étude de simulation d’exploitation.
Suite à la réforme des ports français définie par la loi du 04 juillet 2008 2, les ports autonomes,
devenus grands ports maritimes, ont cédé les outillages de manutention (grues et portiques) aux
2
Loi n° 2008-660 du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire
3
Partie 1 : Enjeux de la simulation d’exploitation portuaire et fluviale et place du Cetmef
opérateurs privés de terminaux. Les études de simulation peuvent donc également intéresser ces
opérateurs pour évaluer leurs besoins propres en termes de structure de flotte, d’outillage et
d’appontement.
2
Dans le domaine fluvial
La simulation d’exploitation intéresse également les établissements en charge de la gestion des
voies navigables. Le territoire français dispose ainsi de 8.500 km de voies navigables, dont 6.700 km ont
été confiés à l’établissement public Voies navigables de France (VNF) et ses sept directions territoriales.
La gestion du Rhône a, quant à elle, été concédée à la Compagnie Nationale du Rhône en 1934, tandis
que les grands ports maritimes du Havre, de Marseille et de Dunkerque, ainsi que les ports fluviaux de
Paris et de Strasbourg gèrent le réseau fluvial situé à l’intérieur de leur domaine portuaire. Enfin, les
collectivités territoriales sont parfois gestionnaires de portions du réseau fluvial.
Ces établissements ont pour mission le développement et la modernisation de la voie d’eau et des
ouvrages de navigation – écluses, ponts-canaux, tunnels. Les études de simulation peuvent permettre
d’identifier les besoins futurs de développement en fonction de la capacité du réseau à écouler le trafic et
évaluer l’impact sur cette capacité de différents investissements – doublement des écluses, recalibrage de
biefs – ou de modifications des règles d’exploitation – optimisation des éclusées, mise en place
d’alternats.
B)
Présentation des outils du Cetmef et leurs applications
Le logiciel Sinavi a été développé par le Cetmef pour la simulation d’exploitation des voies
navigables ; le logiciel Sipor pour celle des ports maritimes. Les deux logiciels reposent tous deux sur la
théorie mathématique des files d’attente et permettent de simuler les différentes étapes du trajet d’un
bateau dans un port ou dans une voie navigable. Plusieurs scénarios d’évolution des infrastructures et des
règles de navigation peuvent ainsi être simulés et comparés en termes d’impact sur l’écoulement du trafic
(annexe 2).
1
a)
Fonctionnement du logiciel
Modélisation du réseau et de la flotte
La première étape de la modélisation consiste à représenter le réseau considéré. Celui est découpé
en segments uniformes, séparés par des gares, auxquels s’ajoutent des points remarquables : dans le
domaine fluvial, les écluses, tunnels, ponts-canaux ; dans le domaine portuaire, les cercles d’évitage qui
permettent aux navires de réaliser des manoeuvres à l’approche du quai, les bassins dans lesquels se
trouvent un ou plusieurs quais de chargement-déchargement et les écluses, qui permettent de maintenir
certains bassins à une hauteur d’eau constante, malgré la marée. La deuxième étape consiste à décrire la
flotte qui sera simulée ainsi que les règles de navigation et d’exploitation qui s’appliquent aux différentes
unités.
b)
Simulation
Lors de la simulation dans Sinavi, le bateau est généré à sa gare de départ, puis parcourt les
différents biefs, ponts-canaux et tunnels et franchit les écluses qui se trouvent sur son trajet, jusqu’à sa
gare de destination. Le bateau navigue selon la vitesse maximale autorisée par la réglementation ou par
les caractéristiques physiques de la voie d’eau. Il respecte les conditions de croisement et de trématage, et
4
I.Des outils au service des ports maritimes et des voies navigables
n’est pas contraint par les conditions de vent ni de courant. La règle principale de gestion des files
d’attente est le principe du premier arrivé, premier servi, que l’on peut nuancer par la définition de règles
de priorité.
Dans Sipor, le navire généré à l’entrée du port franchit les différents chenaux, zones de manœuvre
et écluses qui le mènent à son quai d’affectation. Tout au long du trajet sont prises en compte les règles de
navigation et de croisement, les conditions de marée et les durées de parcours. Une fois le chargement ou
déchargement au quai terminé, le navire prend le trajet inverse vers la sortie et subit ainsi les mêmes
conditions de navigation qu’à l’aller.
c)
Résultats
Les deux logiciels génèrent un fichier d’historique reprenant l’ensemble des passages de bateaux
aux différentes gares du réseau. Des traitements statistiques de cet historique permettent d’évaluer les
indicateurs d’écoulement de trafic qui ont été jugés pertinents : nombre de bateaux générés, durées de
parcours, taux d’occupation des écluses et des quais, temps d’attente dans chaque gare, et temps d’attente
total par catégorie de bateaux.
Les logiciels permettent ainsi d’identifier des points éventuels d’engorgement sur le réseau ainsi
que les causes principales des attentes. Sont en effet distinguées :
– les attentes de sécurité, du fait des règles d’interdiction de croisement ou de trématage,
– les attentes d’accès, du fait des créneaux de navigation ou d’accès aux ouvrages,
– les attentes d’occupation, liées à l’occupation des écluses ou des quais,
– les attentes d’indisponibilité, du fait des pannes et des travaux,
– dans Sipor uniquement, les attentes liées à la marée.
2
Déroulement d’une étude en partenariat
Les études ont été menées jusqu’à maintenant en interne au Cetmef, pour le compte des autorités
portuaires et de VNF principalement. Voici les principales étapes de déroulement d’une étude.
a)
Conception du modèle et collecte des données d’entrée :
La première étape est la définition du problème auquel veut répondre le maître d’ouvrage, et
l’identification des leviers qui peuvent être mobilisés pour y répondre. Cela détermine les frontières du
système à modéliser ainsi que les différentes caractéristiques à représenter : structure de la flotte 3, règles
d’exploitation, caractéristiques techniques des ouvrages. À ces éléments correspondent des données
quantitatives et qualitatives à recueillir et à entrer dans le modèle.
Les étapes de collecte, de centralisation, de structuration et de synthèse des données d’entrée sont
les plus lourdes. Elles incombent le plus souvent au commanditaire, et peuvent nécessiter, du fait de la
spécificité de chaque étude, des ajustements en cours de route.
– Modélisation du réseau
Dans un premier temps, le réseau doit être modélisé dans la logique du logiciel, c’est-à-dire par
une succession de biefs caractérisés par des règles de navigation ou des dimensions particulières. Par
exemple, les 80 km de voies navigables à grand gabarit allant de Comines à Arleux, dans le Nord, ont été
représentés en 20 tronçons dans Sinavi.
Les durées d’éclusée en milieu portuaire ou fluvial sont des données qui affectent sensiblement
3
La structure de flotte est la répartition du nombre de bateaux par type
5
Partie 1 : Enjeux de la simulation d’exploitation portuaire et fluviale et place du Cetmef
les résultats du modèle. Elles doivent être obtenues par des mesures de terrain et le retour d’expérience
des éclusiers. Il est à noter qu’elles dépendent souvent à la fois de l’écluse et du type de bateau considéré.
Il faut distinguer le temps de vidange ou de remplissage du sas, qui est le même quelque soit le type de
bateau ainsi que dans le cas d’une fausse bassinée4, mais varie selon les caractéristiques de l’écluse
(dimensions, âge, type de vannes) ; et le temps de manoeuvre en entrée et en sortie de sas, qui dépend lui,
à la fois du bateau (manoeuvrabilité) et de l’écluse considérée (manoeuvrabilité des portes, distance de
l’aire d’attente au sas).
– Données et prévisions de trafic
Le modèle est calé à partir des données historiques et actuelles de trafic. Dans le domaine
portuaire, ces données sont recueillies auprès de la capitainerie, qui recense dans une base de données les
caractéristiques des navires, leur quai de destination ainsi que les horaires des différentes étapes du trajet
du navire dans le port : montée à bord du pilote à l’entrée du port, passage aux digues et aux écluses,
accostage, appareillage, passage de retour aux digues.
Dans le domaine fluvial, qu’il s’agisse du domaine géré par un port maritime ou par VNF, les
données de trafic sont recueillies de manière plus dispersée ; on retrouve les horaires de passage des
bateaux dans les cahiers d’éclusiers, mais le nombre total de bateaux est le plus souvent estimé à partir du
tonnage annuel transporté sur la voie d’eau et de la structure de flotte. On tient également compte dans le
calcul du taux de chargement des unités : une partie d’entre elles sont lèges, et les autres ne sont pas
remplies au maximum de leur capacité d’emport. On obtient au final le nombre de bateaux de chaque
catégorie qui naviguent sur la liaison considérée. Des hypothèses fortes doivent encore être prises sur le
trajet emprunté par ces bateaux, c’est-à-dire leur point d’entrée et de sortie sur le réseau. En ce qui
concerne les prévisions de trafic, la Direction de la Prospective, du Budget et Systèmes d’Information de
VNF réalise des études sur la structure de flotte future.
Les estimations du trafic futur permettant d’alimenter le modèle, sont produites dans certains
ports par le service chargé de la prospective, et par la Direction de la Prospective, du Budget et Systèmes
d’Information de VNF. Elles proviennent parfois aussi d’études réalisées par des prestataires extérieurs
(voir section C).
– Règles de navigation
Dans le domaine fluvial, les fenêtres de navigation des différentes catégories de bateaux doivent
être recueillies auprès des navigants ou des services de VNF expérimentés. Par exemple, les bateaux de
petite dimension, qui sont souvent des artisans soumis au code du travail, s’arrêtent la nuit, tandis que les
gros bateaux circulent 24h/24 avec un système de relais.
Par ailleurs, le recueil précis des conditions de croisement et de trématage dans chaque tronçon,
nécessaire pour une étude de recalibrage, nécessite dans le domaine fluvial une étude spécifique de
géométrie du réseau. Dans le domaine portuaire, les règles de sécurité sont érigées pour l’ensemble du
port par la capitainerie.
La modélisation du réseau nécessite donc une connaissance fine du réseau, qui est encore loin
d’être acquise dans le domaine fluvial. La collecte des données nécessaires au modèle a néanmoins le
mérite de faire communiquer les différentes entités et de soulever parfois des problèmes jusque-là éludés.
b)
Calage et validation du modèle
Des premières simulations sont réalisées à partir de données de trafic historiques et actuelles, de
4
6
Vidange ou remplissage d’une écluse sans bateau, de manière à remettre l’écluse dans le sens de navigation
souhaité
I.Des outils au service des ports maritimes et des voies navigables
manière à ajuster les différents paramètres pour que le modèle reproduise bien la situation actuelle ; c’est
l’étape de calage, qui nécessite souvent une forte interaction entre le commanditaire et le prestataire. Ces
premiers résultats en termes de nombre de bateaux, de temps de trajet et de temps d’attente sont en effet
vérifiés selon les données disponibles et l’expertise conjointe du prestataire et du commanditaire. Les
résultats peuvent également être soumis pour validation à un autre service, comme dans le domaine
fluvial le service chargé des relations clients, qui dispose d’une forte expertise sur les trafics, les bateaux,
les filières et les horaires de navigation, ou la capitainerie dans le domaine portuaire ; ou encore à des
acteurs extérieurs, transporteurs fluviaux ou armateurs.
c)
Simulation et résultats
Après validation du modèle, les différents scénarios sont simulés, en intégrant les données projet
concernant la structure de la flotte future, les nouvelles configurations de quai, de chenaux ou de biefs ou
encore les nouvelles règles de navigation. Les résultats du modèle n’ont pas vocation à prédire un niveau
de service futur, mais bien à fournir des ordres de grandeurs permettant de comparer plusieurs scénarios
et d’évaluer l’impact de décisions d’aménagement et d’exploitation.
La comparaison des scénarios s’appuie sur un certain nombre d’indicateurs choisis par le
commanditaire parmi ceux fournis par le logiciel. Ainsi, un projet d’approfondissement des chenaux
d’accès aux quais fera principalement varier les temps d’attente liés à la marée ; une modification des
règles d’exploitation des quais ou de leurs dimensions, entraînera une variation des attentes d’occupation
des quais.
À l’issue de ces comparaisons, le modélisateur émet des recommandations en termes
d’investissement ou de modification des règles d’exploitation, selon un optimum recherché entre coûts
d’investissement et coûts de fonctionnement, liés à l’attente des bateaux.
3
a)
Des études permettant de traiter différents thèmes
Estimation des besoins de déroctage pour l’accès aux quais dans le port
de La Rochelle
L’étude conduite pour le Port de la Rochelle en 2010 s’inscrivait dans le projet d’extension du
port dans l’Anse Saint-Marc (voir illustration en annexe 2). Ce projet nécessitait d’améliorer les accès
nautiques par des travaux de déroctage. Au vu du coût de la mobilisation du matériel de déroctage, le port
a voulu réaliser en amont une étude prospective pour identifier les besoins à long terme de développement
du port et donc de déroctage.
L’objectif de l’étude était donc d’évaluer l’impact du déroctage sur les temps d’attente des navires
en fonction d’hypothèses d’évolution du trafic à l’horizon 2025. Le but était d’optimiser les coûts de
déroctage par rapport à l’attente évitée. L’étude a permis d’identifier les zones qu’il était nécessaire
d’approfondir et la profondeur optimale au vu des deux indicateurs : gain de temps et coût des travaux.
L’étude a ainsi apporté une justification économique du projet et a permis d’appuyer le dossier
auprès des tutelles et des financeurs. L’étude a été reprise dans le dossier de prise en considération du
projet.
b)
Faisabilité de différentes configurations d’aménagement des terminaux
dans le port du Havre
L’étude réalisée en 2012 pour le port du Havre avait pour objectif d’identifier l’impact de
7
Partie 1 : Enjeux de la simulation d’exploitation portuaire et fluviale et place du Cetmef
différents scénarios à long terme d’aménagement du port sur l’écoulement du trafic. Ces projets
s’inscrivent dans la volonté du port de développer le trafic de conteneurs, tout en maintenant le rythme de
croissance des activités de pétrochimie et de roullier. L’étude a permis de mettre en évidence des risques
de saturation non seulement de l’écluse François 1er, que le port souhaite doubler, mais également du
chenal d’accès à cette écluse, qui dessert également plusieurs terminaux. La comparaison des temps
d’attente des différentes catégories de navires a permis de hiérarchiser les différents projets
d’aménagement.
c)
Estimation des besoins de recalibrage d’un tronçon de VNF Nord
La direction territoriale Nord-Pas de Calais de VNF mène une réflexion sur la modernisation de
son réseau grand gabarit, situé au débouché du projet de canal Seine Nord Europe. Ce réseau de 250 km
est divisé en trois branches à partir de la ville d’Arleux :
– une prenant la direction d’Escaut,
– l’autre de Dunkerque,
– et la dernière permettant de rejoindre les ports de Gand et d’Anvers par la Lys mitoyenne et
Comines.
Dans le passé, des simulations ponctuelles ont été réalisées par le Cetmef, sur des problématiques
spécifiques appelant des solutions à court terme, comme la traversée de la ville de Douai ou la mise en
place de surlargeurs afin de faciliter la navigation dans les courbes de la Lys.
Néanmoins, ces études couvrant des linéaires restreints sont insuffisantes. VNF aimerait avoir une
vision systémique et à plus long terme de son réseau, avec un modèle couvrant chacune des trois branches
du réseau. Dans le cadre des études stratégiques de VNF à l’horizon 2020-2050, les résultats de l’étude de
simulation ont ainsi pour but d’aider la direction territoriale à prioriser les projets de doublements des
écluses et de relèvement de ponts, en anticipation du projet du canal Seine Nord Europe.
La première branche sélectionnée pour ce modèle à grande échelle a été celle allant de Comines à
Arleux, afin de répondre par la même occasion aux problématiques plus spécifiques de surlargeurs
auxquelles est confronté le secteur des courbes de Deulémont.
La question spécifique à laquelle doit répondre l’étude est la suivante. Faut-il recalibrer le tronçon
considéré pour des bateaux de 135 m de long, ou peut-on le recalibrer uniquement pour des bateaux de
110m, et maintenir l’alternat pour des bateaux plus longs, sans entraîner de temps d’attente inacceptable ?
C)
1
Un outil de dialogue à manipuler avec précaution
La simulation, un outil de dialogue et de mobilisation des parties
prenantes
Les études de simulation d’exploitation sont souvent utilisées pour justifier et objectiver une
décision d’aménagement vis-à-vis des financeurs mais également des autres interlocuteurs du maître
d’ouvrage publique : opérateurs privés, armateurs, navigants, police de la navigation, qui ont tous leurs
exigences sur les conditions de navigation à l’intérieur de la voie d’eau.
L’étude a un poids variable dans la procédure de décision, en fonction des cas. Elle permet
parfois de trancher entre deux caractéristiques techniques, comme une profondeur de déroctage ou une
largeur de bief, mais s’ancre toujours dans un programme d’études techniques – trajectographie, tenue à
poste des navires – ou financières bien plus large.
8
I.Des outils au service des ports maritimes et des voies navigables
Néanmoins, son principe de représentation systémique d’une entité complexe, port maritime ou
voie navigable, fait d’elle un outil privilégié de dialogue et de mobilisation des différentes parties
prenantes. En tant qu’objet intermédiaire, elle permet de faire communiquer, dans le cas des ports,
l’autorité portuaire, responsable des aménagements, la capitainerie, du fait de son expérience de la gestion
du trafic, les pilotes, qui connaissent les conditions de navigation dans le port ainsi que les clients du port,
qui dans le contexte économique actuel ont un fort pouvoir de négociation croissant du fait des emplois
qu’ils représentent.
L’étude de simulation s’ancre ainsi dans un processus de concertation qui réunit des acteurs ayant
des expertises complémentaires mais également des intérêts parfois contradictoires et des horizons de
temps différents. Dans un tel contexte, quelle est la capacité de l’outil technique à apporter des éléments
objectifs ? Comme dans tout travail de modélisation, la qualité de la simulation, entendue au sens de
fiabilité des résultats vis-à-vis de la réalité, dépend à la fois de la qualité des données d’entrée et de
l’expertise mobilisée dans l’interprétation des résultats.
2
Importance des estimations du trafic futur
Si les données historiques et actuelles de trafic et les caractéristiques du réseau sont difficiles à
récolter et nécessitent un travail d’investigation important, les données futures de trafic se placent à une
toute autre échelle de complexité. Les niveaux futurs de trafic de marchandises dépendent en effet de
nombreux facteurs et varient fortement en fonction de la conjoncture économique. Or, ces données
déterminent grandement la fiabilité des résultats du modèle ; lorsqu'il s’agit d’évaluer la pertinence d’un
investissement à long terme, une estimation fiable du trafic futur se révèle donc indispensable.
Dans le domaine fluvial, plusieurs outils d’évolution du trafic ont pu être mobilisés dans le cadre
du projet Seine Nord Europe. L’étude de simulation d’exploitation, menée par le Cetmef sur le projet de
canal, a ainsi utilisé les estimations de trafic issus d’une étude réalisée dans le cadre des études
préliminaires de Seine Nord Europe, par le bureau d’études Catram consultants, spécialisé dans
l’économie et l’organisation des transports. Afin d’améliorer la fiabilité des résultats de l’étude de
simulation, des tests de sensibilité ont été effectués à partir des résultats issus d’une deuxième étude,
réalisée cette fois par la société Belconsulting5, sur le secteur voisin de la Lys. Celle-ci prévoyait ainsi une
évolution différente de la structure de flotte.
Dans le cadre du même projet, le bureau d’études Stratec a mené d’autres études de trafic à partir
du logiciel Nodus, amenant à des résultats encore différents. Nodus un logiciel graphique conçu pour la
modélisation des réseaux multimodaux de transport de marchandises : chemins de fer, routes, canaux et
transport maritime à courte distance. À partir d’une matrice origine-destination et par la minimisation des
coûts de transport, l’outil donne les solutions de transport les plus avantageuses. Nodus a été développé
par le groupe Transport et Mobilité des Facultés Universitaires Catholiques de Mons6.
Plusieurs outils commerciaux existent donc ; mais le Cetmef n'a pas pu avoir accès aux données
utilisées par ces logiciels, ni à leur fonctionnement. Par ailleurs, il n'existe pas encore de méthodologie de
référence, permettant de juger de la qualité de ces études de trafic. Les modélisateurs contournent
aujourd'hui ce problème en définissant plusieurs scénarios de trafic, suivant différentes hypothèses, ce qui
permet d’avoir une bonne idée du comportement futur du réseau. Une autre possibilité est de prendre le
problème par l'autre sens, et de déterminer par itération le trafic qui amènerait à saturation les ouvrages
considérés, sans préjuger de la date à laquelle il adviendrait.
5
6
Qui appartient aujourd’hui à Antea Group
www.stratech.be/fr/Traitement_de_l_information-3.2.htm
9
Partie 1 : Enjeux de la simulation d’exploitation portuaire et fluviale et place du Cetmef
3
Interprétation délicate des résultats
Si l’outil a pour but de quantifier des tendances dont on a a priori l’intuition, son intérêt est
également de faire émerger parfois des résultats suprenants. Or il faut une certaine expertise, à la fois dans
le domaine de la programmation informatique que dans le domaine de l’exploitation fluviale ou portuaire,
pour évaluer si ces résultats proviennent d’une erreur de paramétrage ou bien d’une caractéristique
particulière du système étudié. De même, les résultats obtenus doivent être mis en regard des temps
moyens d’attente dans d’autres contextes, afin d’éclairer au mieux la décision du maître d’ouvrage.
Les outils de simulation d’exploitation se révèlent donc un outil particulièrement utile à
l’optimisation des infrastructures de transport maritime et fluviale, afin de répondre à la volonté politique
actuelle7 de développement de ces modes de transport, dans un contexte de restriction budgétaire. Avant
de se pencher sur les perspectives d’évolution de ces outils, un retour sur leur historique et l’état actuel
des ressources s’impose.
II. Historique de développement
développement et de diffusion des
logiciels de simulation d’exploitation du Cetmef
A)
Des outils développés en interne, pour répondre aux besoins des
partenaires historiques du Cetmef
C’est au début des années 80 que le développeur actuel des outils de simulation d’exploitation,
Alain Pourplanche, entreprend le développement d’un programme qui simule le fonctionnement d’un
ensemble de quais dans un port maritime. Cet outil, appelé Sipor, permet de calculer le taux d’occupation
d’un quai en fonction du trafic et du temps de chargement et de déchargement des navires. Le temps de
navigation du navire, de l’entrée du port jusqu’au quai, est calculé en amont de la simulation et considéré
comme fixe. Cet outil est alors utilisé dans de nombreuses études pour le compte des ports autonomes et
des ports d’intérêt national, comme le port de Sète en 1988. À l’époque, tous les projets d’investissement
des ports étaient soumis à l’avis du Cetmef. L’outil est également utilisé auprès d’un opérateur privé,
SeaBulk, installé dans le port de Dunkerque, pour quantifier son besoin d’appontement.
À l’occasion du projet Port 2000 d’extension du port autonome du Havre, le modèle SIM 2000 est
développé, qui permet d’évaluer les conséquences des conflits de navigation dans les chenaux portuaires
sur l’écoulement du trafic. En effet, la problématique au Havre est l’installation d’un nouveau terminal
dans un port qui accueille déjà de nombreux trafics différents, employant pour certains les mêmes
chenaux d’accès aux quais ainsi que l’écluse François 1er, à l’entrée du bassin amont. Il devient alors
évident que le temps que le navire met pour aller de l’entrée du port jusqu’au quai varie en fonction du
trafic existant dans le port. Des temps d’attente considérables peuvent être causés par la saturation de
l’écluse ou l’emprunt de cercles d’évitage.
À la fin des années 90, débute le projet FUDAA, qui vise à développer une interface hommemachine adaptée aux programmes du Cetmef. Dans les années qui suivent, de nouvelles fonctionnalités
sont développées sur le noyau de calcul au fur et à mesure des demandes des Ports, tandis que l’interface
est développée en parallèle par deux agents du Cetmef, puis par une seule personne, Frédéric Deniger,
aidée de plusieurs stagiaires issus de l’Université Technologique de Compiègne.
Au milieu des années 2000, les deux logiciels du domaine portuaire, Sipor et Sim2000, sont
couplés dans Fudaa-Sipor. Ce nouvel outil est alors testé et optimisé sur trois études successives : La
7
10
http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/CP_developpement_transport_fluvial_-_16-04-2013.pdf
II.Historique de développement et de diffusion des logiciels de simulation d’exploitation du
Cetmef
Rochelle, Le Havre et Nantes-Saint Nazaire.
En parallèle, le développement d’un outil similaire est lancé sur le domaine fluvial, pour le
compte de VNF et des services de navigation. Une des premières études est celle des écluses de
Méricourt, sur le bassin de la Seine. Le but était alors de savoir si une ancienne écluse devait être remise
en service le temps de réparer l’écluse actuelle. Depuis, Sinavi a été utilisé dans le cadre de plusieurs
études pour le compte de VNF, dans le cadre du projet Seine Nord Europe, de la modernisation du réseau
de la direction territoriale Nord-Pas de Calais ou encore de l’automatisation des écluses du canal de SaintQuentin.
B)
Des outils en amélioration continue
Le noyau de calcul des deux logiciels est amélioré à chaque nouvelle étude, afin de l’adapter aux
attentes des bénéficiaires et au contexte étudié. En parallèle, deux aspects des outils sont aujourd’hui
développés au sein de la direction scientifique du Cetmef.
D’une part, les utilisateurs du logiciel recensent les améliorations qui doivent être apportées à
l’interface Fudaa afin de faciliter la prise en main des outils. Un cahier des charges est en construction
aujourd’hui afin d’externaliser ces développements. En effet, depuis le départ de Frédéric Deniger dans la
société d’informatique Génésis, le développement de l’interface a été externalisé à plusieurs reprises,
auprès de Génésis et de la société DeltaCAD, située à Compiègne. Le recrutement récent d’un agent au
sein de la division Informatique a pour but de relancer cette activité en interne.
D’autre part, le département Simulation Informatique Modélisation cherche à améliorer les lois
d’arrivée et de service théoriques sur lesquelles repose le logiciel. L’analyse des échantillons de dates
d’arrivée diponibles permet de déterminer une loi de probabilité d’arrivée empirique. Une des difficultés
des logiciels de simulation est d’obtenir une loi de probabilité théorique, qui approche mieux la réalité.
Les fonctions de répartition théorique utilisées sont des lois d’Erlang d’ordre i. Le choix de
l’ordre de la loi d’Erlang est conditionné par la valeur du rapport écart-type sur moyenne (s/m) de la loi
empirique. Afin que chaque rapport s/m corresponde une loi théorique, une combinaison de lois d’Erlang
d’ordres différents a récemment été mise au point. Les travaux du service ont également permis d’obtenir
l’estimation de l’erreur entre les lois générées et les lois d’Erlang, en fonction du nombre de navires.
C)
Des tentatives timides de diffusion à des bureaux d’études
Si les outils ne font pas l’objet d’une communication particulière, ils ont tout de même été
présentés à deux Journées scientifiques et techniques du Cetmef, l’une concernant les voies navigables,
l’autre le domaine portuaire.
La politique de diffusion des outils a évolué au cours du temps au Cetmef. La réduction des
moyens humains a poussé les services à promouvoir la diffusion gratuite des outils aux structures
demandeuses. Ainsi, le fichier exécutable – et non les codes sources – de Sinavi a été fourni à deux
bureaux d’études, Stratech et Bief, qui en avaient fait la demande ; il s'agissait alors d'une version
antérieure du logiciel. Le Cetmef leur a offert une journée de formation et un contrat de support donnant
droit à une autre journée d’assistance à l’utilisation du logiciel.
Le bureau d’études belge Stratech a testé Sinavi sur le projet Mageo de mise à gabarit européen
de l’oise aval, pour le compte de VNF. Le logiciel a également été diffusé en 2007 au bureau d’études
Bief8, spécialisé dans le domaine de l’eau et basé à Paris. Celui-ci s’en est servi sur l’étude du relèvement
8
http://www.caricaie.fr/
11
Partie 1 : Enjeux de la simulation d’exploitation portuaire et fluviale et place du Cetmef
d'une route nationale franchissant le canal de Beaulieu situé sur la liaison Bray sur Seine - Nogent sur
Seine, sur le secteur de la Seine amont. Il a été réutilisé en 2009 afin d'actualiser les données de trafic,
toujours avec l'aide du Cetmef. Il n'a pas été réutilisé depuis, tout simplement par manque d'opportunité.
Le Cetmef n’a pas suivi le déroulement des études, ni eu en main les rapports conclusifs. La
diffusion n’a pas été tentée une nouvelle fois en raison des besoins de maintenance qu’impliquait cette
stratégie, qui plus est dans une période de rapide évolution du logiciel. En outre, à l’époque de ces
diffusions, une personne de plus qu’aujourd’hui était disponible pour la maintenance du logiciel et
l’assistance auprès des utilisateurs. Cela serait impossible aujourd’hui, dans l’état actuel des moyens
humains consacrés au développement du logiciel.
Aujourd’hui, le développement du noyau de calcul repose exclusivement sur le travail d’Alain
Pourplanche, en collaboration étroite avec les deux utilisateurs du logiciel, Alain Chambreuil et Arnaud
Bana, qui apportent leur expertise dans le domaine fluvial et portuaire. La question du maintien des
compétences après les départs à la retraite d’Alain Pourplanche et d’Alain Chambreuil en 2014, n’a
toujours pas été résolue. L’équilibre entre des compétences en programmation et une expertise sur les
contextes portuaire et fluvial semble pourtant indispensable à la pérennisation de ce logiciel évolutif.
Face à ce constat de fragilité des ressources dédiées aux outils du Cetmef, et afin d’envisager des
pistes d’actions pour l’avenir des études de simulation d’exploitation, il est important de recenser les
besoins des bénéficiaires des études et de s’inspirer des autres outils existants dans le domaine des
transports maritime et fluvial, mais également routier et aérien.
III. Les besoins contrastés des commanditaires
Dans le cadre de cette étude, les besoins des commanditaires actuels et potentiels des études de
simulation d’exploitation ont été recueillis, afin de guider le développement futur des outils. Ont ainsi été
rencontrés les bénéficiaires récents et actuels des études, ainsi qu’un bénéficiaire potentiel dans le
domaine fluvial, la commission nationale du Rhône (CNR) et la tutelle de VNF au sein de la DGITM. Ils
ont soulevé des pistes d’amélioration des outils du Cetmef, de nouveaux usages possibles ainsi que
plusieurs visions du rôle du Cetmef.
A)
1
Des pistes d’amélioration des outils du Cetmef
Une représentation plus fine du système
La représentation de situations particulières nécessite parfois de trouver quelques astuces de
modélisation – simplifications, détournement de certaines fonctionnalités. Ces astuces permettent de
représenter de manière appropriée la réalité et reposent sur l’expertise du modélisateur. Néanmoins, elles
sont difficiles à justifier auprès du client qui ne connaît pas les subtilités du logiciel.
Ainsi, l’amélioration de la desserte fluviale des ports conduit à modéliser des bateaux fluviaux au
sein d’un modèle portuaire. Or ce dernier est basé sur des allers-retours de navires entre la rade et le quai,
tandis que les barges ne réalisent qu’un aller simple, du quai vers l’amont du port. Sur le cas du port du
Havre, des astuces ont été utilisées pour simuler le passage des barges à l’écluse François 1er : le nombre
de barges générées a été divisé par deux pour représenter les deux sens de navigation, avalant et montant.
De même, les navires sont artificiellement allongés à la fois pour prendre en compte la présence de
remorqueurs de part et d’autre du navire et pour assurer une distance suffisante entre deux navires à quai,
afin de tenir compte des amarres.
12
III.Les besoins contrastés des commanditaires
Par souci de simplification, le modèle utilise également des données moyennes. En l’absence
d’analyse de sensibilité sur ces données, le bénéficiaire peut craindre que les résultats s’en trouvent tout
aussi approximés. Par exemple, le modèle n’exploite pas complètement les données de trafic très précises
de la capitainerie, en regroupant les différents navires par catégories de même destination.
Certaines simplifications entraînent parfois des erreurs non négligeables. Ainsi, le nombre de
remorqueurs n’est pas limitant dans le modèle, or il l’est dans la réalité.
2
Des indicateurs supplémentaires pour répondre à de nouvelles
problématiques
La direction territoriale Nord-Pas de Calais a la volonté de réduire la consommation en eau de ses
ouvrages et pour cela optimiser le nombre de bassinées réalisées. Le logiciel Sinavi pourrait servir d’outil
d’aide à la décision sur ce sujet, à condition de réaliser plusieurs modifications.
Dans un premier temps, de nouveaux indicateurs déjà existants dans Sinavi pourraient être mis en
avant, comme le nombre de bassinées par an et par écluse ainsi que le nombre de fausses bassinées,
permettant de calculer une consommation en eau annuelle. Le suivi du nombre de bassinées annuel et par
ouvrage aurait d’ailleurs une autre utilité : il pourrait inciter à la vigilance si les bassinées sont plus
nombreuses sur des ouvrages anciens. La répartition dans le temps du passage des bateaux par ouvrage
est également intéressante, afin d’identifier des pics éventuels.
Dans un second temps, afin de tester des stratégies d’optimisation du nombre de bassinées, que ce
soit pour les économies d’eau ou pour améliorer la fluidité du trafic, il faudrait pouvoir déroger à la règle
du premier arrivé – premier servi qui régit le modèle. Ainsi, dans la réalité, l’éclusier attend 4-5 min
qu’un bateau arrive dans le sens inverse, plutôt que de réaliser une fausse bassinée qui prendra environ le
même temps.
Les thématiques de consommation énergétique prennent également de l’importance dans le
domaine fluvial, qui est en effet un argument aujourd’hui employé pour valoriser le transport fluvial par
rapport au transport routier. À partir du nombre de bassinées et en connaissant la consommation
énergétique d’une bassinée, on pourrait estimer le bilan énergétique de l’écluse, ainsi que son bilan
carbone. Le bilan des bateaux, en termes d’énergie consommée et d’émission de polluants, pourrait être
déterminé à partir du tonnage transporté, de la distance parcourue et de leur vitesse.
Enfin, même si ce thème n’est pas prioritaire aujourd’hui, le logiciel pourrait éventuellement
estimer l’impact sonore de la navigation en traversée de ville à partir de la structure de flotte.
Il est important de noter que l’amélioration de l’outil repose essentiellement sur une amélioration
des données d’entrée ; de même, l’ajout de nouvelles fonctionnalités demande de la part du
commanditaire le recueil de données supplémentaires.
B)
1
Les usages potentiels futurs des outils du Cetmef
De nouvelles études déjà envisagées
La direction territoriale Nord-Pas de Calais de VNF souhaite modéliser l’ensemble de son réseau,
afin de répondre par la suite à des problématiques globales ou ponctuelles. La démarche qui est entreprise
actuellement sur l’axe Comines – Arleux sera ainsi appliquée aux deux autres axes du réseau.
Le port du Havre aimerait mener une nouvelle étude de simulation, dans le cadre des perspectives
d’augmentation du trafic fluvial en lien avec le projet du canal Seine Nord Europe. Le port est connecté à
13
Partie 1 : Enjeux de la simulation d’exploitation portuaire et fluviale et place du Cetmef
la Seine par le canal de Tancarville. L’étude aurait pour objectif d’évaluer la capacité des écluses de
Tancarville, situées à l’extrémité du canal qui touche la Seine, afin de déterminer à quel trafic elles
arriveront à saturation. Plusieurs contraintes particulières de gestion sont à considérer :
– l’entretien des écluses lié à l’envasement, qui implique l’existence de créneaux d’accès
– la présence de deux sas qui peuvent fonctionner simultanément
– la concentration des bassinées à certaines heures, du fait du comportement des bateliers qui
cherchent à remonter la Seine avec l’onde de marée afin d’économiser du carburant. Est-ce
qu’une meilleure répartition des bassinées permettrait d’éviter la saturation de l’écluse ?
Le port de Dunkerque, qui a déjà fait réaliser plusieurs études de simulation par des bureaux
d’étude privés, avec le Cetmef comme assistance à maîtrise d’ouvrage, aimerait à l’avenir rendre ce genre
d’études plus systématique.
2
Un nouveau bénéficiaire potentiel des études
La Compagnie Nationale du Rhône (CNR) est une entreprise à capital majoritairement public,
avec GDF Suez pour actionnaire industriel de référence. Créée en 1933, elle reçu en 1934 la concession
du Rhône pour l’aménager et l’exploiter selon trois objectifs : la production d’hydroélectricité (19 usines
de production aujourd’hui), l’amélioration de la navigation (en particulier de Lyon à la Méditerranée),
l’irrigation et les autres usages agricoles.
À côté de ces missions de service public, la CNR est également un bureau d’études en ingénierie.
Elle a notamment réalisé un certain nombre d’études d’avant-projet pour le compte de VNF, en
s’associant à la filiale belge de GDF Suez Tractebel.
La CNR s’est vue demander par les chambres de commerce et d’industrie (CCI) d’investir dans la
modernisation du réseau d’ici la fin de la concession en 2023. Notamment, le doublement des écluses sur
le réseau grand gabarit représenterait un investissement de 3 milliards d’euros, alors qu’il n’est pas jugé
utile par la CNR.
Une étude de simulation permettrait de confirmer ou non cette impression en estimant la capacité
des écluses suivant plusieurs scénarios plus ou moins optimistes d’évolution du trafic. L’étude devrait
également dégager des pistes d’amélioration de la fluidité du trafic à équipement constant.
La CNR dispose aujourd’hui d’un système centralisé de téléconduite des 14 écluses de son réseau
à grand gabarit, à partir du centre de gestion de la navigation basé à Châteauneuf-du-Rhône. En 2014 est
prévue la mise en place d’un outil de suivi en temps réel de la navigation qui, couplé au Système
d’identification automatique des bateaux9, permettra d’optimiser les temps de passage aux écluses.
L’objectif est d’améliorer la fluidité du trafic en préparant les écluses dans le sens avalant ou montant et
en organisant des éclusages groupés en fonction des bateaux présents sur le bief.
Les bateaux sont enregistrés lors de leur passage aux écluses, ainsi que leur cargaison et leur
destination, et sont entrés dans la base de données Sardine gérée par le CGN. Ces données sont d’ailleurs
publiées en temps réel sur le site InfoRhône. On peut ainsi obtenir la vitesse moyenne de navigation dans
le sens montant et dans le sens descendant, ainsi que le volume de marchandises transportées, même si
cela ne permet pas d’identifier d’éventuelles escales entre deux écluses. Ces données pourraient alimenter
un modèle développé sur Sinavi.
9
14
ou Automatic Identification System (AIS), un système d’échanges automatisés de messages entre bateaux par
radio VHF qui permet de connaître l’identité, le statut, la position et la route des bateaux se situant dans une
zone de navigation
III.Les besoins contrastés des commanditaires
3
Des demandes différentes vis-à-vis de la diffusion du logiciel
La plupart des personnes rencontrées dans les ports autonomes ont déclaré ne pas avoir les
ressources humaines suffisantes pour pouvoir utiliser le logiciel en interne. En effet, les occasions pour un
port d’utiliser le logiciel sont peu fréquentes, et donc ne justifient pas d’investir dans une formation au
logiciel, qui devrait être renouvelée à chaque utilisation.
À l’inverse, la direction territoriale Nord-Pas de Calais de VNF a clairement émis le souhait de
disposer du logiciel, une fois que l’ensemble de son réseau aura été modélisé par le Cetmef. L’objectif
serait qu’un de ses agents devienne autonome pour réaliser des études ponctuelles. Ce transfert de
compétences nécessite des formations en plusieurs temps (présentation du logiciel puis modules plus
poussés) ; de l’aide à l’installation du logiciel ; de l’assistance continue par la suite ; des supports de
formation afin de pérenniser la compétence en cas de turn-over au sein de VNF. De même la CNR, dans
la perspective d’un partenariat avec le Cetmef, aurait les ressources nécessaires pour prendre en main le
logiciel en interne.
Sans réellement acquérir le logiciel, un commanditaire a néanmoins émis le souhait de recevoir
les résultats de la simulation sous la forme d’une page d’interface, où il pourrait sélectionner certaines
configurations d’aménagement et obtenir les temps d’attente correspondants.
C)
1
Les autres attentes des partenaires vis-à-vis du Cetmef
Des besoins techniques plus larges et variés de la part des gestionnaires
La direction territoriale Nord-Pas de Calais aimerait que le Cetmef aille au-delà de la simulation
d’exploitation et propose des pistes d’amélioration technique permettant de répondre aux problèmes
soulevés par l’étude de simulation, en l’occurence l’optimisation du temps d’éclusée. Le maître d’ouvrage
aimerait ainsi disposer d’un état de l’art des solutions techniques existantes.
Le grand port maritime de Dunkerque a pour projet de développer des méthodes d’analyse socioéconomique plus larges que les études de simulation, permettant d’évaluer les externalités des projets
publics. Par exemple, l’évaluation du projet Baltique-Pacifique pourrait considérer l’impact sur le temps
de trajet moyen des habitants de l’augmentation du trafic routier lié à l’installation de nouvelles activités.
L’impact en termes de consommation de carburant et d’émissions de gaz à effet de serre de la part des
navires accueillis dans le port n’est, lui, pas un sujet pertinent du point de vue du port maritime, tout du
moins à l’échelle locale. En effet, l’augmentation locale de trafic permet sans doute de réduire le trafic à
un autre endroit.
Globalement, les thématiques environnementales (assainissement, dragage, conservation des
zones humides, consommation énergétique) sont d’actualité dans le domaine portuaire et fluvial, comme
en témoigne la mise en place d’équipes dédiées par les gestionnaires.
Par ailleurs, les ports sont aujourd’hui préoccupés par d’autres thématiques. Au port du Havre, il
s’agit de la capacité des terminaux en lien avec leur desserte terrestre. Des études sont ainsi sous-traitées
au CRITT, le centre de recherche et d’innovation en logistique, basé au Havre. Cette association, soutenue
par des acteurs régionaux comme les autorités portuaires et unions maritimes et portuaires de Rouen et du
Havre ou les chambres de commerce et d’industrie., mène des activités de recherche et développement
dans les domaines du transport et de la logistique. Elle a été mobilisée par le port du Havre dans le cadre
de plusieurs projets – projet Roromax de doublement du trafic roullier, plateforme multi-modale. Elle
dispose notamment du logiciel Flexsim, outil de simulation de flux et de stocks permettant d’optimiser la
surface des terminaux en fonction de la capacité de production des industriels.
15
Partie 1 : Enjeux de la simulation d’exploitation portuaire et fluviale et place du Cetmef
Dans le port de La Rochelle, deux questions sont soulevées aujourd’hui. Le port va ainsi lancer
une campagne de mesures de l’effort d’amarrage généré par les navires sur l’appontement pétrolier,
comme l’a fait auparavant le port de Nantes. Le but est de déterminer l’effort qui s’exerce sur les amarres
en fonction du type de navire, du courant, de la houle et du vent. D’autre part, le port aimerait rendre
possible le raccordement électrique des navires à quai, mais cela oblige à affecter les quais et donc
sacrifier à la souplesse d’exploitation du port qui est un avantage comparatif.
2
Le rôle du Cetmef selon les gestionnaires : capitalisation de savoirs et
animation
Il y a globalement une méconnaissance des prestations que peut encore réaliser le Cetmef, et des
procédures permettant d’y avoir accès – appels d’offres, partenariat. Par ailleurs, si les délais sont
toujours évoqués comme un frein à la mobilisation du Cetmef sur des études ponctuelles, sa valeur
ajoutée sur des études de prospective à long terme est par contre reconnue.
De l’avis de l’ensemble des bénéficaires, la position nationale du Cetmef lui permet de capitaliser
un savoir global qui est utile à l’ensemble des ports et services des voies navigables. Certains
bénéficiaires aimeraient d’ailleurs voir ce rôle de capitalisation et d’animation renforcé.
Ainsi, il serait profitable selon eux que le Cetmef communique davantage, par exemple par mail,
à chaque nouvel outil ou publication disponible, et à chaque action du club ouvrages maritimes. En effet,
les partenaires du Cetmef ne vont pas tous régulièrement sur son site internet.
D’autre part, cette production de savoir devrait davantage anticiper les nouvelles réglementations,
par le développement d’une veille, sur la question notamment des séismes, ou sur l’évolution à venir des
navires. Les différents guides techniques produits devraient ainsi être mis à jour régulièrement en fonction
des avancées techniques et réglementaires.
Certaines personnes rencontrées ont exprimé la crainte que les liens historiques qui lient le
Cetmef aux différents établissements publics se fragilisent bientôt du fait du départ des principaux
interlocuteurs, ce qui renforce le besoin d’une communication active de la part du Cetmef auprès des
différents acteurs du domaine maritime et fluvial.
3
Le rôle du Cetmef selon l’administration centrale : une expertise reconnue
et indépendante
L’État n’est plus maître d’ouvrage des projets de modernisation de la voie d’eau. En revanche, il
finance encore largement les gestionnaires de voies navigable et contrôle ainsi les investissements de
VNF de plusieurs manières :
• Des agents de l’administration centrale peuvent être associés aux réunions techniques des projets.
• Le commissaire du gouvernement est membre du conseil d’administration de VNF, qui est
obligatoirement consulté pour les investissements supérieurs à 25 millions d’euros.
• L’État peut enfin faire valoir son point de vue lors de la commission des marchés de VNF, qui
pilote les appels d’offres, mais n’a qu’un avis consultatif.
• La subvention de l’État à VNF est attribuée lors de l’établissement du budget annuel. Il s’agit
d’un financement global des activités de VNF, où l’État n’a pas accès au détail des projets.
L’État a besoin d’un appui technique du Cetmef pour évaluer la pertinence de projets publics
d’investissement sur la voie d’eau. Cependant le Cetmef serait à la fois juge et partie, s’il intervenait à la
fois pour le compte des établissements publics ou des collectivités territoriales par des études
d’ingénierie, et en tant qu’expert indépendant pour le compte de l’État.
16
III.Les besoins contrastés des commanditaires
Deux sujets intéressent particulièrement le bureau des voies navigables qui, à la direction des
infrastructures de transport (DIT) de la DGITM, assure la tutelle des gestionnaires de voies navigables.
a)
Prévision des trafics
Un sujet qui préoccupe beaucoup la DIT est la prévision des trafics futurs. Cette question rejoint
tout à fait les réflexions du Cetmef sur la validité des données d’entrée de ses modèles. Lors de grands
projets d’investissement, VNF sous-traite à des bureaux d’études ses prévisions de trafic. Or il manque à
l’heure actuelle une méthodologie de référence qui puisse permettre de juger du bien-fondé d’une
méthode employée ou de certaines hypothèses effectuées lors d’une étude de trafic. Cela existe pourtant
dans le domaine autoroutier. En effet, l’évaluation socio-écononomique des projets est définie par
l’Instruction cadre du 25 mars 2004, mise à jour le 27 mai 2005, relative aux méthodes d’évaluation
économique des grands projets d’infrastructures de transport.
La question de la saturation du Rhône, par exemple, est représentative de l’aspect hautement
sensible de ces questions. Des rapports ministériels prévoient une saturation des ouvrages d’ici à 2030 ou
2040. Or la concession du Rhône à la CNR prend fin en 2023. Faut-il doubler ou non les écluses d’ici là,
ce qui représente un investissement de 20 milliards d’euros ? Il est important pour répondre à cette
question, de développer une méthode reconnue de prévision de la demande de fret, en amont d’une
simulation d’exploitation.
Le CGDD dispose d’un outil nommé MODEV, qui décrit une demande en transport et affecte un
trafic sur un réseau (CGDD, 2011). S’il est bien adapté au transport de personnes, il semble de l’avis de la
DIT moins performant sur les trafics de marchandises. Par ailleurs, le logiciel TransCAD, de la société
Caliper, permet de modéliser les flux de trafic multimodaux. Le Sétra a développé en interne des modules
spécifiques permettant d’évaluer la pertinence des projets de transport routier, par des analyses coûtsavantages intégrant l’impact des projets sur la sécurité, le temps de trajet des poids lourds, etc.
b)
Simulation de la navigation
La simulation de la navigation est aussi un sujet important pour la DIT. Ainsi, dans le projet Seine
Nord Europe, des débats techniques ont eu lieu sur le comportement d’un bateau face au vent, au sujet du
pont-canal qui franchit la Somme. Dans ce cas précis, la prise en compte du vent nécessitait une
surlargeur de l’ouvrage ou la construction de protections le long des bords, soit un renchérissement
conséquent du projet. Il aurait été très intéressant de connaître l’impact de mesures organisationnelles,
comme l’arrêt de la navigation à certaines conditions de vent, sur l’écoulement du trafic et donc le coût de
ces mesures en comparaison aux investissements ainsi évités.
Il y a donc un besoin fort, de la part à la fois des gestionnaires de ports et de voies navigables et
de leurs tutelles. Ces besoins de part et d’autre font d’ailleurs émerger un dilemme de positionnement
pour le Cetmef, sur lequel nous reviendrons dans la partie 3 de ce rapport. Le Cetmef peut-il répondre à
l’ensemble de ces attentes ? Doit-il se positionner en amont de la conception des projets en appui aux
gestionnaires, ou doit-il aider l’État à juger de la pertinence des projets en tant qu’arbitre indépendant ?
Pour répondre à ces questions, il est intéressant de savoir si d’autres outils analogues existent, et comment
les homologues du Cetmef dans le domaine des transports routier et aérien, se positionnent sur ces sujets.
17
Partie 1 : Enjeux de la simulation d’exploitation portuaire et fluviale et place du Cetmef
IV. Autres outils et stratégies pour la simulation
d’exploitation des infrastructures de transport
A)
Les autres outils de simulation d’exploitation dans les domaines
portuaire et fluvial
Le Cetmef dispose, dans le domaine de la simulation d’exploitation, d’un savoir-faire original,
encore peu répandu dans les bureaux d’études, particulièrement dans le domaine portuaire. L’offre
d’outils de simulation d’exploitation est elle-même beaucoup moins étendue que dans le domaine de la
modélisation hydraulique. Il existe cependant quelques outils récemment développés par des sociétés
privées, qui témoignent de l’importance de ce type d’approche et d’éventuels partenariats possibles pour
l’avenir.
1
Un logiciel maritime et fluvial : Arena
Artelia utilise depuis 2004 un outil développé à partir du logiciel de simulation Arena, de
Rockwell Automation, et une interface spécifique, nommée Scenario Navigator, développée par
l’entreprise hollandaise Systems Navigator, basée à Delft.
Lors de chaque étude, Artelia et Systems Navigator présentent une offre commune au
commanditaire. Artelia se charge de recueillir l’ensemble des données sur le système portuaire ou fluvial
à modéliser et les objectifs de l’étude, et les transmet à Systems Navigator qui construit alors le modèle et
l’interface correspondante. Puis ils valident ensemble le modèle et c’est l’équipe d’Artelia qui réalise la
simulation. L’interface est très ergonomique ; elle est aujourd’hui disponible sur internet, où sont stockées
également les données de chaque étude. Artelia paie donc une license Arena et une license Scenario
Navigator, auxquelles s’ajoute un forfait de maintenance avec Systems Navigator.
L’outil simule les opérations portuaires et le trajet des navires dans le port. Il représente le
fonctionnement des terminaux gaziers et pétroliers, mais est moins adapté à celui des terminaux à
conteneurs. D’autres logiciels, développés par TBA à Delft et ISL (Institut für Seeverkehrswirtschaft und
Logistik) à Brême, traitent spécifiquement de la gestion et du design des parcs à conteneurs. Par ailleurs,
Artelia réalise parfois, pour de petits projets, des études de trafic sur un simple fichier Excel, par exemple
pour dimensionner un terminal à conteneurs.
a)
Contexte des études
L’étude vise le plus souvent à évaluer la pertinence d’une nouvelle infrastructure, en comparant le
coût de l’investissement initial et les coûts de fonctionnement induits en l’absence d’infrastructure, et à
dimensionner cette infrastructure en fonction des caractéristiques locales et des besoins du projet.
L’outil peut être utilisé pour répondre à différents besoins. Le client est souvent un opérateur
privé qui veut dimensionner son terminal en particulier, en fonction des trafics qu’il prévoit et des
contraintes de navigation. C’est le cas de nombreuses études réalisées par Artelia en France et à
l’international. L’outil est parfois aussi utilisé pour le compte d’une autorité portuaire, qui cherche à
évaluer la capacité des infrastructures de son port, en fonction de l’ensemble des activités présentes et
envisagées. Quelles nouvelles activités peut-elle accueillir sur son port ? Doit-elle recalibrer son chenal
d’accès ? Artelia a ainsi mené plusieurs études à l’échelle d’un port entier à l’international, mais une seule
fois en France, auprès du Port de Dunkerque.
De même, l’outil peut être utilisé à la fois dans le domaine maritime et dans le domaine fluvial.
18
IV.Autres outils et stratégies pour la simulation d’exploitation des infrastructures de transport
Artelia a ainsi mené des études pour le canal Seine Nord Europe et le canal du Rhône à Sète. L’objectif
est alors de définir la capacité maximale du canal. Les études techniques des écluses fournissent les
durées de bassinées qui sont entrées dans le modèle, mais les conditions météorologiques ne sont alors
pas prises en compte.
b)
Fonctionnement du logiciel
L’outil prend en compte plusieurs contraintes à la navigation et aux opérations portuaires, que le
simulateur peut faire varier d’un scénario à l’autre afin d’évaluer leur impact sur les résultats :
• La configuration de la flotte : nombre et dimensions des navires
• Les délais de retard ou d’avance des navires, déterminés par le client, ainsi que le % de navires
concernés.
• Les conditions de production prévues par le client : volume et lois aléatoires de pannes
• La capacité et le nombre des quais, de l’outillage et des réservoirs
• Les données météorologiques sur plusieurs dizaines d’années, recueillies par le client
• Les seuils de navigation, c’est-à-dire les fenêtres de valeurs météorologiques permettant l’entrée
du navire dans le port, son approche dans le chenal de navigation et son amarrage, dans des
conditions d’agitation acceptables. Ces seuils sont issus d’études de courantologie, de
trajectographie et de tenue à poste réalisées en interne.
• Les temps de navigation, pour chaque type de navire, depuis la montée à bord du pilote à l’entrée
du port jusqu’au quai. Il est déteminé en interne d’après des études de trajectographie, qui
modélisent le chenal d’accès et les conditions de houle et de vent.
Le modèle de simulation d’exploitation repose ainsi sur un outil de trajectographie, utilisé en
amont. La structure des chenaux d’accès est intégrée dans cet outil, qui fournit ainsi pour chaque type de
navire un temps de navigation moyen, de l’entrée du port jusqu’au quai. Les conditions de vent, de houle
et de marée sont également intégrées dans les logiciels de trajectographie et de tenue à poste, qui
déterminent les seuils de navigation du modèle de simulation d’exploitation.
Les navires sont générés à l’entrée du port de manière à représenter au mieux les données projet
fournies par le commanditaire – tonnage annuel, taille moyenne de navire et heure moyenne d’arrivée.
Une loi statistique est construite autour de la date d’arrivée, de type Gaussienne ou triangulaire, en
concertation avec le commanditaire. Ensuite, le logiciel réalise une série de tests logiques afin de
déterminer si la navigation est possible dans le chenal selon l’ensemble des paramètres entrés. Si toutes
les conditions sont réunies, le logiciel simule le trajet du navire, l’amarrage et le chargement et le
déchargement, selon les durées entrées au préalable dans le modèle.
c)
Résultats
En résultat, le logiciel produit une petite animation en 2D, qui simule l’arrivée des navires et le
remplissage des stocks. Celle-ci permet de vérifier que le modèle fonctionne et de communiquer auprès
du client. Le logiciel fournit également des résultats statistiques – graphiques, tableaux – représentant les
indicateurs-clés qui ont été sélectionnés pour comparer les différents scénarios simulés, qui correspondent
aux coûts d’exploitation suivants.
•
Les temps d’attente et de séjour sont ainsi calculés (valeurs moyennes et maximales, par saison et
par année) et leurs causes sont déterminées : exposition au vent et à la houle ou occupation du
quai. Ces résultats sont ensuite comparés à des standards. On obtient également le nombre
maximal de navires en attente, permettant de dimensionner la zone d’attente.
19
Partie 1 : Enjeux de la simulation d’exploitation portuaire et fluviale et place du Cetmef
•
On calcule les pertes de production, liées par exemple à un réservoir de gaz liquide ou de pétrole
qui se trouverait rempli lors de l’arrivée d’un nouveau navire.
Ces coûts d’exploitation sont mis en regard au montant des investissements, afin d’évaluer la
pertinence du projet d’infrastructure. Le logiciel est le plus souvent laissé au client, après une courte
formation.
En conclusion, deux points importants semblent différencier Arena de Sinavi et Sipor.
Le premier est la prise en compte des conditions de vent et de houle en milieu portuaire. Cette
finesse dans la modélisation se justifie à l’échelle fine à laquelle intervient Artelia : le logiciel est en effet
adapté aux besoins des opérateurs privés voulant dimensionner leur terminal afin d’écouler leur
production dans une nouvelle région. Par ailleurs, Sipor pourrait également intégrer ces données, en cas
de besoin, par la définition de fenêtres d’indisponibilité pour les chenaux d’accès concernés.
Le second point est la prise en compte des conflits de navigation pouvant survenir dans les
chenaux d’accès aux quais, qui n’apparaît pas dans Arena. Sipor, lui, avait intégré cette fonctionnalité
spécifiquement pour répondre aux attentes des autorités portuaires, qui ont à gérer plusieurs trafics
différents. Il est au final plutôt logique que l’outil du Cetmef soit plus adapté aux acteurs publics en
charge de l’aménagement global du port, puisque ce sont leurs attentes qui ont guidé ses développements
successifs.
2
Un outil fluvial : IMDC
Dans le cadre du projet Baltique Pacifique du grand port maritime de Dunkerque, une étude de
simulation a été réalisée par Tractebel Engineering, filiale belge de GDF Suez, afin d’évaluer la capacité
actuelle des infrastructures de desserte fluviale du port. L’étude s’est basée sur deux logiciels développés
par IMDC (International Marine Dredging Company), filiale du groupe Tractebel Engineering : IMDCLocks (Integrated Model for Design and Capacity analysis of Locks) et IMDC-Waterways.
Un modèle a été développé, comprenant le canal des dunes, l’écluse des dunes, le bassin de
Mardyck, l’écluse de Mardyck et le canal fluvial (voir Figure 1). Le canal de Bourbourg, géré par VNF,
n’a pas été modélisé. Tractebel a ainsi émis des recommandations pour réduire les durées de bassinée,
paramètre ayant été identifié comme influant grandement la capacité des écluses.
a)
Simulation des écluses
Le logiciel IMDC-Locks est permet d’évaluer la capacité d’une écluse, c’est-à-dire l’évolution
des temps d’attente à l’écluse en fonction de l’intensité du trafic. Le logiciel calcule ainsi les temps
d’attente à l’écluse en fonction de ses caractéristiques (nombre et dimensions des sas, distances de
sécurité entre les unités, durée de sassée, fenêtre de signalement, durée de manoeuvre, indisponibilité), du
trafic (heures d’arrivée des bateaux et dimensions) et des règles d’exploitation. Le principe dominant est
celui du «first in, first out» ou premier arrivé, premier servi. Il est possible toutefois de faire une entorse à
cette règle en définissant un type de marchandises prioritaire, mais également en fixant un temps pour
lequel il est jugé acceptable d’attendre un bateau arrivant en sens inverse. Le logiciel se place ainsi du
point de vue de l’éclusier qui établit le planning de l’écluse en fonction du trafic, de la manière à
optimiser son fonctionnement.
Le logiciel donne également le degré de saturation de l’écluse, c’est-à-dire la fraction de bateaux
qui attendent plus longtemps qu’un certain seuil. IMDC a fixé ce seuil de temps selon les
recommandations de la Commission européenne, soit la durée de bassinée de l’écluse, à laquelle a été
ajoutée une marge supplémentaire d’une heure en raison des mesures d’épargne d’eau menées par le port.
20
IV.Autres outils et stratégies pour la simulation d’exploitation des infrastructures de transport
b)
Génération du trafic
IMDC a développé un module de pré-traitement qui génère les bateaux à l’entrée de l’écluse
selon les données de trafic disponibles. Il combine deux générateurs stochastiques de données : un
générateur de navires et un générateur de temps d’arrivée.
Le générateur de navires intègre, pour chacun des sens de navigation, un nombre total de bateaux,
la répartition du trafic entre les différentes catégories de bateaux (ou structure de flotte) caractérisées par
une fourchette de longueur, largeur et tonnage, ainsi qu’un taux de chargement (qui déterminera leur
vitesse).
Le générateur de temps d’arrivée intègre une matrice tridimensionnelle permettant d’indiquer une
répartition temporelle de la densité de trafic par mois, par jour de la semaine et par créneaux horaires.
Pour chacun des éléments de cette matrice ou pour l’ensemble de la matrice, on peut entrer une loi de
distribution probabiliste des intervalles de temps d’arrivée, illustrant le caractère uniforme ou groupé des
arrivées de bateaux.
c)
Modélisation du réseau
Le logiciel IMDC-Waterways, lui, calcule les temps d’attente et de transit des bateaux à l’échelle
d’un réseau, dont chaque tronçon peut être un bief ou une écluse, simulée alors selon les principes de
IMDC-Locks.
La différence notable de ce logiciel avec Sinavi est la possibilité d’intégrer des stratégies
d’optimisation des écluses, soit la capacité pour l’éclusier d’attendre l’arrivée d’un autre bateau avant de
démarrer la sassée. Cette fonctionnalité, importante pour optimiser la consommation en eau des
gestionnaires, a été intégrée un temps à Sinavi, puis supprimée du fait qu’elle causait des instabilités du
logiciel.
3
Autres logiciels existants
Le Port de Dunkerque a commandité une étude à Royal Haskoning, qui sous-traitait l’étude de
simulation de trafic à l’entreprise hollandaise TBA. Cependant, le Cetmef n’a pas encore eu accès aux
rapports d’étude lui permettant d’analyser les différences entre les deux logiciels. L’entreprise allemande
DST10, spécialisée dans les techniques navales et les systèmes de transport, avait également répondu à cet
appel d’offres en qualité de sous-traitant ; il serait intéressant d’étudier de la même manière les outils
qu’elle pouvait proposer pour la simulation d’exploitation.
B)
1
Des besoins similaires chez les autres services techniques centraux
Dans le domaine routier
Le Setra pilote un réseau dans le domaine de la simulation dynamique des réseaux routiers. Ce
réseau comprend le Setra, le Certu et 5 CETE : le CETE de Lyon, Ouest, Normandie-Centre, NordPicardie et Méditerranée. Le Setra n’utilise pas directement les logiciels mais a pour rôle de développer
des méthodologies communes pour les CETE, dont les équipes réalisent des études pour le compte des
collectivités territoriales et ponctuellement, de l’administration centrale. Le pilotage effectué par le Setra
passe par l’organisation de Journées techniques – du même type de celles organisées par le Cetmef – qui
rassemblent le Setra, le Certu, les CETE, ainsi que des bénéficiaires potentiels des études –
10 http://www.dst-org.de/intro.htm
21
Partie 1 : Enjeux de la simulation d’exploitation portuaire et fluviale et place du Cetmef
concepteurs/aménageurs, gestionnaires et exploitants de voirie urbaine, les autorités organisatrices des
transports en commun, exploitants des réseaux de transports en commun, organisateurs d’évènements – et
des bureaux d’études utilisant également ces logiciels.
–
–
–
Les CETE utilisent plusieurs logiciels privés, qui se partagent aujourd’hui le marché :
Aimsun, développé par la société espagnole Transport simulation systems (TSS) et distribué en
France par TSS SARL, basée à Paris,
Dynasim, développé par Dynalogic, société française créée en 1994,
TransModeler11, développé par Caliper, qui développe également le logiciel de planification des
transports TransCAD, utilisé par le Sétra
Les données d’entrée de ces simulateurs sont les données de trafic – les vitesses et débits à
certains points d’un axe routier, les plans de feux tricolores en milieu urbain, ainsi que des données sur les
comportements des automobilistes, comme la tendance à forcer un passage.
Certains de ces logiciels sont développés en partenariat avec des universités ; ce n’est pas le cas
du logiciel français, Dynasim, qui souffre ainsi d’une moindre force de développement. Les logiciels
étrangers, cependant, nécessitent d’être adaptés au contexte local. Les CETE sont ainsi en relation
continue avec les sociétés de développement, par des contrats d’assistance. Leur réactivité est d’ailleurs
un critère de choix des logiciels.
Le laboratoire Ingénierie Circulation Transports (LICIT) de l’IFSTTAR et de l’ENTPE
développent également un logiciel de simulation dynamique nommé SymuVia12. L’outil Symubruit
permet d’estimer les nuisances sonores générées par le trafic simulé. Des travaux de recherche sont en
cours actuellement pour intégrer le moteur de calcul au sein d’un environnement virtuel enrichi, et pour
développer des modules permettant d’estimer d’autres nuisances environnementales du trafic. Ce logiciel
n’est cependant pas encore utilisé par les CETE, qui ne le jugent pas encore opérationnel.
Ces différents outils sont mobilisés dans le cadre de projets d’aménagement ou d’évènements
susceptibles d’avoir un impact sur la circulation automobile. Dans le cas d’une étude présentée lors des
Journées techniques de 2011, l’agglomération de Metz Métropole s’intéresse à l’impact de ses projets
d’aménagement urbain sur le trafic routier : la mise en place de Mettis, une nouvelle ligne de transport en
commun en 2013, et l’aménagement de deux sites du centre-ville, la place Mazelle en 2012 et la ZAC de
l’Amphithéâtre en 2015. Les études de simulation dynamique, réalisées en partenariat entre un maître
d’oeuvre privé et le CETE de l’Est, visent à estimer l’impact de deux variantes envisagées du projet
Mettis sur les temps de parcours de la nouvelle ligne de transport en commun, les réserves de capacité de
certains carrefours et les caractéristiques de la circulation générale : temps de trajet des automobilistes,
longueurs des files d’attente, etc.
Cette thématique est traitée dans le PCI «Régulation dynamique des réseaux de transports», qui
associe le CETE de Lyon et le CETE d’Ile de France. Il inclut une équipe de recherche associée avec le
laboratoire LICIT.
La stratégie du Setra se distingue ainsi de celle du Cetmef par l’emploi de logiciels extérieurs
payants, et la répartition des fonctions de production méthodologique et de réalisation des études entre le
service technique central et les CETE. Du fait de la similarité des problématiques et des outils, un
rapprochement entre les deux domaines de transports serait intéressante, et favorisée par l’intégration
prochaine des deux services au sein du Cerema.
11 (12 000$ la première license)
12 Responsable des projets de recherche : Ludovic Leclercq
22
IV.Autres outils et stratégies pour la simulation d’exploitation des infrastructures de transport
2
a)
Dans le domaine aérien
Études
Le service technique de l’aviation civile (STAC), en particulier sa division capacité et simulation,
réalise en interne deux grands types d’études.
D’une part, des études de capacité d’aéroport sont menées pour le compte de la direction du
transport aérien (DTA) et de la direction des services de la navigation aérienne (DSNA), sur les aéroports
pour lesquels l’État intervient encore (voir encadré) et sur les espaces aériens terminaux gérées par la
DSNA. Ces études visent à évaluer le niveau de saturation des différentes infrastructures aéroportuaires –
pistes, voies de circulation, aires de stationnement des avions, aérogares, ainsi que l’espace aérien
nécessaire à l’approche et au départ des avions (TMA ou Terminal Manoeuvring Area en anglais) et les
aménagements et/ou modifications d’exploitation permettant de palier aux saturations constatées.
D’autre part, le STAC réalise des analyses d’impact pour le compte d’un panel plus large de
bénéficiaires. Par exemple, une étude menée avec Airbus et Aéroports de Paris s’est intéressée à l’impact
du système de traction des avions le long des voies de circulation sur l’écoulement du trafic et sur la
consommation en carburant dans l’aéroport Charles de Gaulle. Ces études font l’objet de conventions de
partenariat qui sont aujourd’hui gratuites.
Par ailleurs, le STAC travaille avec Eurocontrol, l’Agence européenne pour la sécurité de la
navigation aérienne, dans le but de conduire des études prospectives sur des problématiques
d’optimisation des flux de trafic.
Le transfert de propriété des aéroports de l’État vers les collectivités territoriales a débuté avec la loi
du 20 avril 2005 relative aux Aéroports et la création de la société anonyme Aéroports de Paris, dont le capital
a été ouvert aux investisseurs privés en 2006. Aujourd’hui, la réforme se poursuit avec la décentralisation de
150 aéroports à vocation locale ou régionale et la création des premières sociétés aéroportuaires. À l’issue du
processus, douze grands aéroports régionaux restent de la compétence de l’État : Nice, Toulouse, Lyon,
Marseille, Bordeaux, Nantes, Strasbourg, Montpellier, Pointe-à-Pitre, Fort-de-France, Saint-Denis de La
Réunion et Cayenne. Ils sont exploités par les Chambres de commerce et d’industrie (CCI) dans le cadre de
concessions délivrées par l’État (Source : Site du MEDDE)
b)
Outils de simulation
L’équipe, composée de trois agents permanents, utilise deux logiciels.
Le premier, MACAO, est un logiciel de calcul analytique qui a été développé il y a longtemps par
le service, en partenariat avec le CETE Méditerranée. Il permet d’évaluer de manière simple et rapide la
capacité d’une piste.
Le deuxième est le logiciel CAST, développé par la société allemande Airport Research Center
GmbH (ARC), basée à Aix-la-Chapelle. Il permet de créer un modèle complet d’aéroport en dessinant les
infrastructures et en paramétrant le comportement des avions et des autres véhicules. Les avions sont
générés selon des horaires particuliers ou selon une loi statistique définie par l’utilisateur. En sortie, on
obtient l’ensemble des événements simulés, ce qui rend possible le calcul les différents temps d’attente et
tout autre indicateurs définis par l’utilisateur. Des simulations 3D permettent de rendre compte aux
différents opérateurs des résultats de la simulation. C’est un logiciel payant, dont le STAC a acquis
quelques licences ainsi qu’un contrat d’assistance annuel.
23
Partie 1 : Enjeux de la simulation d’exploitation portuaire et fluviale et place du Cetmef
c)
Positionnement et stratégie
Jusqu’à aujourd’hui, le STAC n’a pas réalisé d’études de capacité ou d’assistance à maîtrise
d’ouvrage directement pour le compte d’un aéroport privé. Il n’a pas vocation à se mettre en concurrence
avec des bureaux d’études privés, qui sont d’ailleurs peu nombreux sur ce champ d’activité. La branche
Ingénierie d’Aéroports de Paris (ADPi) utilise également le logiciel CAST, mais sur des projets étrangers
majoritairement.
Le STAC est en train de mettre au point son plan stratégique pour les trois années à venir. Suivant
l’évolution qui sera donnée aux activités, il fera le point sur les ressources à mobiliser pour y répondre.
d)
Réseau
Le STAC organise tous les deux ans une journée de conférence lors de laquelle il présente ses
activités. Y sont conviés les exploitants d’aéroports, les services de la DGAC intéressés, des bureaux
d’études ainsi que des constructeurs d’avions. L’équipe capacité et simulation aimerait initier un réseau
d’utilisateurs d’outils de simulation aéroportuaire. Elle n’est pour l’instant pas en relation avec des
acteurs de la recherche, ni avec des homologues étrangers, le STAC étant un des seuls services techniques
publics dans ce domaine à l’échelle européenne.
Le positionnement du STAC se différencie ainsi de celui du Cetmef en cela qu’il réalise les études
directement pour le compte de l’État, ce qui s’explique peut-être par la différence de statut qui existe
entre les aéroports et les ports maritimes. Son partenariat avec Eurocontrol à l’échelon européen, lui
permet d’être au fait des innovations en matière de prévisions du trafic aérien.
Conclusion partielle de la partie 1
Les outils de simulation d’exploitation des ports et des voies navigables développés et utilisés par
le Cetmef répondent donc à un besoin fort, de la part des gestionnaires et de l’État, d’optimiser les
infrastructures actuelles de transport tout en répondant au mieux aux attentes de leurs clients. La faiblesse
des ressources aujourd’hui dédiées à cette activité au Cetmef ne permettra cependant pas, dans un futur
proche, de maintenir ces outils publics, développés et améliorés depuis 30 ans. De nouvelles stratégies de
développement et de partenariat sont donc nécessaires, qui devront s’appuyer dans le cadre du Cerema,
sur un positionnement clair vis-à-vis de l’État d’une part et des gestionnaires d’infrastructures de
transport d’autre part. Nous en présenterons les différentes éventualités dans la troisième partie de ce
rapport.
Avant cela, la deuxième partie traite du deuxième domaine d’activités dans lequel le Cetmef
contribue au développement et à la diffusion de logiciels : la modélisation hydraulique. Quels sont les
usages de la modélisation hydraulique en appui à la décision publique ? Quel est le rôle du Cetmef dans la
production de ces outils et comment peut-on l’améliorer ?
24
Partie 2 : Enjeux de la modélisation hydraulique et positionnement du Cetmef
Partie 2 : Enjeux de la modélisation hydraulique
et positionnement du Cetmef
I. La modélisation hydraulique : outils et usages
La modélisation hydraulique a pour but de représenter le comportement physique de l’eau ; elle
permet d’améliorer la compréhension des phénomènes naturels et anthropiques qui influencent de
nombreux domaines de l’action publique sur les territoires.
Après avoir abordé les grands principes d’une étude de modélisation hydraulique, nous passerons
en revue les différents outils existants et leurs applications auprès des commanditaires publics et privés.
Ce chapitre ne constitue pas un recensement exhaustif ni des études en général, ni des missions du Cetmef
en particulier, mais un essai de typologie afin d’illustrer la diversité des applications de la modélisation
hydraulique et des acteurs concernés. La liste des outils existants est présentée en annexe 3.
A)
Principe de la modélisation hydraulique numérique
La modélisation hydraulique permet de comprendre le comportement d’un système physique,
d’étudier l’influence des différents paramètres et éventuellement d’optimiser la conception du système.
Elle peut s’appuyer sur des modèles physiques, c’est-à-dire des maquettes, sur des modèles numériques,
qui reposent sur la mise en équation des processus considérés, ou encore sur de simples feuilles de calcul
permettant de donner de premières estimations des phénomènes.
La modélisation numérique, qui nous intéresse ici, passe par une description du système
physique, une mise en forme mathématique et une méthode de résolution numérique. La construction du
modèle repose sur un certain nombre de simplifications, choisies en fonction des objectifs de l’étude
après une première analyse des mécanismes étudiés. La première étape de l’étude vise ainsi à sélectionner
les processus à représenter en fonction du poids des différents facteurs d’évolution du système. Le
système étudié est ensuite délimité ; le choix de ses frontières a des implications sur les conditions que
l’on impose à ses limites, et donc aux données d’entrée du modèle. Il faut ensuite définir la géométrie du
système, et le nombre de dimensions à considérer.
On associe à cette description physique un modèle mathématique. Dans les cas les plus simples,
les équations ont une solution analytique. Dans les cas plus complexes, on recherche des solutions
approchées, selon une méthode de discrétisation des données et des inconnues en espace (utilisation d’un
maillage) et en temps (utilisation de pas de temps). Il existe trois grandes familles de discrétisation
spatiale : la méthode des différences finies, des volumes finis et des éléments finis.
Les résultats de la simulation sont confrontés aux mesures faites sur le terrain, afin d’évaluer la
capacité du modèle à représenter la réalité. Deux phases successives peuvent être distinguées : une phase
de calibration, où l’on ajuste les différents paramètres du modèle et les conditions aux limites selon un
premier jeu de données mesurées, afin d’optimiser la qualité de la simulation ; et une phase de validation,
où l’on vérifie la qualité du modèle ajusté sur un deuxième jeu de données.
L’étape d’analyse et d’interprétation des résultats est primordiale. Elle vise à apprécier la
validité des hypothèses, la représentativité des conditions naturelles et anthropiques simulées et la marge
d’incertitude des résultats en fonction d’analyses de sensibilité. L’apport à la décision provient le plus
souvent de la comparaison de plusieurs scénarios simulés.
25
Partie 2 : Enjeux de la modélisation hydraulique et positionnement du Cetmef
Un modèle répond à un objectif précis ; l’utilisation qui en est faite détermine ainsi sa
construction. En raison du grand nombre de phénomènes qui peuvent être représentés par des modèles
hydrauliques, du grand nombre d’outils existants pour simuler chacun de ces phénomènes et de la
diversité des applications d’ingénierie et de recherche qui en sont faites, il est intéressant d’en dresser un
panorama d’ensemble. Nous excluons de ce panorama les modèles hydrologiques, de type pluie-débit,
dont les résultats vont alimenter les modèles hydrauliques, ainsi que les modèles d’hydraulique en charge,
qui permettent de représenter le fonctionnement des réseaux d’eau et sont particulièrement adaptés à la
gestion de l’eau en milieu urbain. Les milieux qui nous intéressent sont principalement les milieux
fluviaux, maritimes et littoraux, qui seront traités successivement.
B)
1
La modélisation hydraulique en milieu terrestre
Hydrodynamique et écoulements dans les cours d’eau
Les études hydrauliques en milieu terrestre s’intéressent principalement aux écoulements à
surface libre, particulièrement dans les rivières accueillant des ouvrages de type barrages, ponts ou
digues. Ces modèles sont basés sur les équations mathématiques de Navier-Stokes et de Saint-Venant.
a)
Les outils de modélisation hydrodynamique 1D, 2D et 3D
Les modèles monodimensionnels (1D), ou filaires, sont utilisés lorsque le cours d’eau et son lit
majeur présentent une direction d’écoulement privilégiée. La géométrie du chenal est alors définie par
une succession de sections perpendiculaires à l’axe, appelés profils en travers (Figure 1). L’écoulement
est décrit par un débit et un niveau d’eau en chaque point du linéaire. Les données d’entrée de ce modèle
sont les profils en travers aux points choisis par le modélisateur, les conditions limites (débit à l'amont et
cote à l'aval si l'écoulement est fluvial sur le tronçon étudié) et les vitesses ou débits à propager. Ces
modèles peuvent être enrichis d’abaques qui calculent l’impact sur la hauteur d’eau d’ouvrages en travers
du cours d’eau (barrages, seuils, ponts) ou latéraux (digues).
Les modèles 1D à casiers permettent de représenter une vallée endiguée dont le lit majeur possède
une topographie particulière, composé de digues latérales, de talus, de haies, qui génèrent en cas de
débordement des phénomènes de stockage. C’est le cas à certains endroits de la Loire et de la Somme
notamment. La plaine inondable est alors décrite par une série de casiers, régis par des lois de transfert.
Figure 1: Exemple de schématisation d’une
rivière en 1D ; Source : Site Telemac
26
I.La modélisation hydraulique : outils et usages
Dans le cas d’écoulements allant dans plusieurs directions horizontales, comme dans une plaine
d’inondation, ou des écoulements localisés aux abords d’un ouvrage, on utilise des modèles 2D. A l’aide
de la méthode des éléments finis ou des volumes finis, on calcule la hauteur d’eau ainsi que les deux
composantes horizontales de la vitesse en tous points d’une grille de calcul appelée maillage. Ces
modèles nécessitent des données topographiques et bathymétriques plus précises, ainsi que des données
sur le couvert des sols dans le lit majeur. Ils ont l’avantage de ne demander aucune hypothèse a priori sur
les écoulements, et de permettre de représenter des milieux à géométrie et topographie complexes. De
plus, ils simulent les écoulements de manière intuitive, ce qui facilite la communication au public.
Lorsque la vitesse de l’écoulement n’est pas constante sur l’axe vertical, et que le milieu est
soumis à des phénomènes de densité liés à la salinité ou la température, on utilise des modèles 3D, basés
sur les équations de Navier-Stokes. C’est le cas par exemple lorsqu’on a un entraînement en surface lié au
vent, ou qu’on s’intéresse à la propagation de rejets thermiques dans une eau froide.
b)
Les données d’entrée des outils : débits, hauteurs d’eau et topographie
Les modèles reposent sur les données de hauteur d’eau (limnigramme) et de débit
(hydrogramme), qui sont issus de modèles hydrologiques pluie-débit ou de mesures in situ.
La banque HYDRO est une base de données qui recueille les mesures de hauteur d’eau issues de
2400 stations de mesure implantées sur les cours d’eau français par différentes institutions, ainsi que les
caractéristiques des stations (finalité, localisation précise, qualité des mesures, historique, données
disponibles, etc.). HYDRO calcule sur une station donnée les débits instantanés et moyens à partir des
valeurs de hauteur d’eau et des courbes de tarage (qui donnent la relation entre les hauteurs et les débits).
Le Service Central d’Hydrométéorologie et d’Appui à la Prévision des Inondations (SCHAPI) administre
la banque, mais ce sont les gestionnaires de stations de mesure qui sont responsables de la qualité des
données. Ces gestionnaires sont les services de l’État – DREAL, services de prévision des crues, DDT –
mais aussi EDF, des organismes de recherche (IRSTEA, universités,...), ainsi que des compagnies
d’aménagement (la Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne, la Compagnie nationale du
Rhône, la Société du canal de Provence, la Compagnie d’aménagement du Bas-Rhône-Languedoc) et les
Agences de l’eau. Ils assurent la maintenance des stations, recueillent les données, les vérifient,
établissent les courbes de tarage et en alimentent la banque.
Les autres données nécessaires sont les données topographiques et bathymétriques ; que ce soit
des profils en travers, dans le cas des modèles 1D, ou des modèles numériques de terrain, dans le cas des
modèles 2D. Ces données proviennent des bases de données de l’Institut géographique national (IGN) ou
faire l’objet de campagnes de mesure spécifiques. C’est souvent un problème épineux en milieu terrestre.
2
Le transport sédimentaire
Les modèles prenant en compte le transport solide, voire la mobilité du fond, permettent
d’appréhender les problématiques de méandrement, d’enfoncement du lit mineur, d’érosion ou encore de
transport de polluants. Du fait de la complexité de ces phénomènes, ces modèles nécessitent un grand
nombre de données d’entrée, le choix d’hypothèses discutables et de simplifications mathématiques. Dans
ces cas précis, les études historiques et de terrain sont parfois plus adaptées qu’une modélisation
numérique (MEDDE, 2010).
27
Partie 2 : Enjeux de la modélisation hydraulique et positionnement du Cetmef
3
a)
Applications : enjeux, acteurs et contexte réglementaire
La sécurité de la production d’électricité
La modélisation hydraulique en France a trouvé son essor dans les années 60 pour répondre aux
besoins des gestionnaires de barrages hydrauliques, principalement Electricité de France (EDF) et la
Compagnie nationale du Rhône (CNR).
En réaction à la rupture du barrage de Malpasset, qui a causé plus de quatre cents morts et
disparus dans la région de Fréjus en 1959, a été institué un Comité technique permanent des barrages en
1966, qui examine tout nouveau projet de barrage dont la hauteur est supérieure à 20m. Les calculs
d’onde de submersion en cas de rupture sont donc obligatoires : ils déterminent le temps d’arrivée de
l’onde à différents points et la carte des zones inondées.
C’est pour répondre à ces besoins réglementaires qu’ont été développés la plupart des modèles
hydrauliques 1D. Les outils et méthodologies ont ensuite suivi l’évolution de la législation, comme la loi
sur l’eau de 1992 qui a imposé des études d’impact plus fines (Barthelemy, 2004).
Aujourd’hui, les modèles 3D permettent d’évaluer les phénomènes de circulation thermique qui
résultent du refroidissement des centrales nucléaires. Les besoins en eau de refroidissement des centrales
thermiques, qu’elles soient nucléaires (19 sites en France) ou à flamme (15 sites) représentent 71% de
l’eau prélevée en surface, dont 97,5% est restituée aux cours d’eau. Cette restitution implique, selon le
type de circuit de refroidissement utilisé, des rejets thermiques ou chimiques (Vicaud, 2007). La
caractérisation de l’impact de ces rejets sur le milieu fait l’objet de travaux de recherche à EDF.
b)
Les risques naturels d’inondation
Un autre domaine d’application, qui a été relancé ces dernières années par la réglementation
européenne, est la lutte contre les risques d’inondation. Celle-ci comporte plusieurs dimensions. Un
risque naturel est en effet la combinaison d’un aléa naturel et d’enjeux physiques et humains. La
modélisation hydraulique vient en appui à la connaissance de l’aléa inondation, qui a plusieurs volets : la
cartographie des aléas sur la base de données historiques, la prévision à court terme des aléas et la
vigilance et l’évaluation de l’impact des ouvrages sur l’aléa, qu’il s’agisse d’ouvrages de protection, de
transport ou de production d’énergie.
i.
Cartographie de l’aléa inondation
Pusieurs textes réglementaires ont imposé l’élaboration de cartes de l’aléa inondation, d’après des
données historiques.
En réponse à la directive inondation de 200713 – qui traite des risques d’inondation par
débordements de cours d’eau, par submersion marine, par remontée de nappe et par ruissellement –
l’évaluation préliminaire des risques d’inondation (EPRI) a été réalisée en 2012 sur chaque grand bassin
hydrographique et a permis d’identifier à l’échelle de la France 122 territoires à risques importants
d’inondation (TRI), pour lesquels une cartographie plus précise du risque ainsi qu’une stratégie locale de
gestion des inondations doivent être établies. Ce dispositif prendra ainsi le relais des programmes
d’actions de prévention des inondations (PAPI), outils de contractualisation entre l’État et les collectivités
locales qui avaient été lancés en 2003 à la suite de crues importantes.
13 Transposée en droit français par l’article 221 de la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010 et le décret n° 2011-227 du 2
mars 2011, relatif à l’évaluation et à la gestion des risques d’inondation
28
I.La modélisation hydraulique : outils et usages
A cette fin a été lancé le projet de cartographie automatique des zones inondables dit Cartino. Le
Cetmef et le CETE Méditerranée développent ainsi des outils qui, à partir des données de débit et de
l’enveloppe des cours d’eau, placent automatiquement les profils en travers et produisent une carte des
zones inondables.
Auparavant, la loi Barnier du 2 février 1995 avait prévu, sous la responsabilité de l’État,
l’élaboration de plan de prévention des risques (PPR), qui imposait la prise en compte des risques, dont le
risque inondation, dans l’occupation du sol, par la réalisation d’atlas de zones inondables. La méthode
retenue en 2002 était la démarche géomorphologique associée à l’analyse des crues historiques. Certains
atlas ont été élaborés à partir de modélisation hydraulique, calée sur les événements historiques,
permettant de simuler des crues de périodes de retour précises, centennale ou millénale.
A ces études s’ajoutent celles commandées par l’Autorité de Sécurité Nucléaire pour l’évaluation
spécifique du risque d’inondation concernant les centrales nucléaires.
ii.
Prévisions des crues et des inondations
La réforme du dispositif français de prévision des crues, réorganisé en 2011, a conduit à la mise
en place d’une vingtaine de services de prévision des crues (SPC) dans toute la France (cf. carte en
annexe 4) en lien avec les services d’hydrométrie et sous la coordination du service central
d’hydrométéorologie et d’appui à la prévision des inondations (SCHAPI), situé à Toulouse. Celui-ci
publie la carte de vigilance Vigicrue, mise à jour deux fois dans la journée.
La prévision des inondations peut reposer sur la modélisation à plusieurs niveaux. Elle nécessite
d’une part la construction d’une courbe de tarage, qui donne la relation entre la hauteur d’eau mesurée par
une station hydrométrique et le débit dans le cours d’eau ; cette courbe s’appuie sur des mesures de débit,
dites jaugeages, qui sont réalisées en période de faible débit. Un modèle hydraulique, calé sur ces
jaugeages, permet une extrapolation de la courbe de tarage à des débits de crue.
D’autre part, le développement de méthodes d’assimilation des données météorologiques a
permis l’utilisation en temps réel de modèles hydrauliques permettant de prévoir les débits sur un certain
nombre de cours d’eau. Néanmoins, de nombreux SPC utilisent des modèles statistiques de propagation
de débit. Enfin, le but aujourd’hui est d’associer à chaque débit de crue une carte des zones inondées. Ces
cartes sont élaborées à partir de données historiques de crues, pour des périodes de retour de 10 à 50 ans.
iii.
Etudes de danger des ouvrages
Les digues sont des ouvrages destinés à guider les eaux afin d’éviter la submersion de certaines
zones à enjeux. Leur rupture peut entraîner des dégâts considérables en raison des quantités importantes
d’énergie qui sont accumulées du fait de la rétention de l’eau. Le Code de l’environnement (art. R. 214115), introduit par le décret 2007-1735 du 11 décembre 2007 rend ainsi obligatoire la réalisation d’une
étude de danger pour les digues de classe A, B, ou C, c’est-à-dire les digues de hauteur supérieure ou
égale à un mètre et protégeant une population supérieure ou égale à 10 habitants, ainsi que pour les
barrages de classe A ou B, c’est-à-dire de hauteur supérieure ou égale à 10 mètres 14 ; elle doit être mise à
jour au moins tous les dix ans et transmise au préfet (Prim.net). L’État est concerné soit en tant que maître
d’ouvrage, par exemple sur les digues domaniales de la Loire, soit au titre de la police de l’eau. Les autres
maîtres d’ouvrage sont les concessionnaires de barrages, comme EDF, GDF-Suez ou la CNR.
Une étude de danger consiste à identifier les scénarios possibles de défaillance ainsi que leurs
incidences. Elle nécessite d’étudier la cinématique et l’intensité d’une onde de rupture de l’ouvrage.
Certains logiciels ont été spécifiquement conçus pour ce type d’études ; c’est le cas des logiciels Castor et
14 Plus exactement dont H ≥ 10 m et H² √V ≥ 200, avec H la hauteur de l’ouvrage et V le volume retenu
29
Partie 2 : Enjeux de la modélisation hydraulique et positionnement du Cetmef
Castordigue de l’Irstea.
iv.
Impact sur l’aléa inondation des ouvrages construits sur la voie d’eau
La réglementation prévoit qu’un nouvel ouvrage construit sur la voie d’eau ne doit pas aggraver
le risque d’inondation. L’étude hydraulique permet d’évaluer les incidences de plusieurs variantes du
projet, et ainsi définir le meilleur tracé ou encore déterminer la forme et la position de piles de ponts, pour
minimiser les incidences. Ces études peuvent nécessiter des modèles 1D ou 2D, selon la précision de
l’impact recherché. Les modèles 1D déterminent ainsi la surélévation du niveau de l’eau en amont d’un
nouvel ouvrage, tandis que les modèles 2D peuvent permettre de dimensionner les enrochements autour
de piles de pont.
C’est dans ce cadre que les projets de développement de VNF et de ses directions territoriales
nécessitent des études hydrauliques. De même, les conseils généraux, en charge des routes
départementales, les directions interdépartementales des routes, en charge des routes nationales, ainsi que
les concessionnaires d’autoroutes doivent réaliser une étude d’impact permettant de caractériser l’impact
de nouveaux ouvrages sur le risque inondation, en cas de franchissement d’un cours d’eau.
Ces études peuvent concerner également l’impact de projet d’aménagement en zone inondable,
pour le compte d’un promoteur immobilier, d’un syndicat de rivière, d’une commune ou d’une
intercommunalité.
c)
Sécurité et impacts de la navigation fluviale
La navigation fluviale est soumise au réglement général de police de la navigation intérieure,
adopté en 197315, qui est adapté localement par les réglements particuliers de police, signés par les préfets
et prenant en compte les caractéristiques locales de la voie d’eau et de ses usages. Ces réglements peuvent
être modifiés temporairement par des avis à la batellerie, qui sont proposés par VNF et signés par le préfet
également. Par exemple, le service technique de la voie d’eau, de la direction territoriale de VNF du
bassin de la Seine, est sollicité par les usagers lorsqu’ils identifient des contraintes pour la navigation
causés par des pieux en rivière ou un barrage.
L’établissement de ces règles de navigation, ou la conception d’un nouvel ouvrage de navigation,
s’appuie le plus souvent sur des études de trajectographie. Celles-ci consistent à simuler la trajectoire
d’un bateau en fonction de la bathymétrie, des conditions environnementales – courant, vent, berges,
infrastructures, des caractéristiques du bateau et des ordres du pilote. Elles nécessitent ainsi en amont la
réalisation d’études de courantologie par des outils de modélisation hydraulique 2D.
Par exemple, le Cetmef a été mobilisé en 2009-2010 dans le cadre du programme interrégional
d’aménagement de l’Oise, dont VNF assure la maîtrise d’ouvrage, et qui vise à moderniser les ouvrages
de navigation situés entre Compiègne et la confluence avec la Seine, en perspective des trafics attendus
avec le futur Canal Seine-Nord Europe. A la demande de la DRAC, un des sept barrages concernés a été
conservé à titre patrimonial. Pour des raisons techniques, le choix du barrage de Sarron a été fait. Le
Cetmef a été sollicité pour évaluer l’impact du maintien du barrage historique pour la navigation, par une
étude de courantologie et de trajectographie. Sur la base de cette étude, la navigation a été interdite sur le
site, par un avis à la batellerie, proposé par VNF et signé par le préfet.
L’outil de trajectographie du Cetmef, NAVMER, est également utilisé dans le cadre du simulateur
de conduite SIMNAV, aujourd’hui utilisé pour la formation des conducteurs sur la Seine, au centre de
formation d’apprentis de la navigation intérieure. Il pourrait dans le futur devenir le support des examens
15 Décret n° 73-912 du 21 septembre 1973 portant Règlement Général de Police de la navigation intérieure
30
I.La modélisation hydraulique : outils et usages
de conduite à l’échelle européenne. Des discussions sont en cours à ce sujet au sein de la commission
centrale pour la navigation du Rhin (CCNR), l’organisation internationale créée en 1818 pour promouvoir
la navigation fluviale sur le Rhin. En parallèle, des améliorations sont encore apportées au simulateur.
Enfin, les études hydrauliques peuvent également évaluer les impacts de la navigation sur les
berges, qui sont des écosystèmes riches et importants dans le cycle de vie de nombreuses espèces
aquatiques. Les modèles hydrodynamiques, couplés à des modèles d’équilibre des bateaux, peuvent ainsi
étudier le phénomène de batillage16 et la remise en suspension des sédiments au passage des bateaux
(LHN, 2006).
d)
Transport de polluants et qualité de l’eau
L’évaluation des impacts d’un projet d’aménagement sur la faune, la flore et la qualité des eaux
d’une rivière fait parfois appel à l’utilisation de logiciels de modélisation hydraulique, pour simuler des
phénomènes biochimiques comme la diffusion de polluants, l’oxygénation et l’eutrophisation des milieux.
La modélisation de rejets de stations d’épuration, très courante, peut être fait sur Telemac 2D, qui possède
un modèle de qualité de l’eau encapsulé très simple.
Les phénomènes plus complexes de pollution de l’eau nécessitent néanmoins l’emploi de modèles
3D. C’est le cas par exemple d’une étude réalisée dans l’étang de Berre, à l’ouest de Marseille (Figure 2).
L’étang de Berre est un hydrosystème particulièrement complexe à modéliser. C’est une masse
d’eau peu profonde, située à proximité de la mer et soumise à divers phénomènes physiques : le vent, la
marée, les apports d’eau douce et la pluviométrie. Les effets 3D sont importants du fait de la circulation
de l’eau et de la salinité (Durand et. al, 2011). Sa modélisation, par le LNHE, le laboratoire national
d’hydraulique et d’environnement d’EDF, avait pour but d’identifier des stratégies de réhabilitation de la
qualité de l’eau. Un module de qualité de l’eau a été utilisé afin de représenter et suivre dans le temps le
phénomène d’eutrophisation de l’étang.
Apports d’eau douce
Pluie / Évaporation
Vent
Marée
Figure 2: Les phénomènes en jeu dans l’étang de Berre (Source : Durand et al., 2011)
16 Le batillage est le battement de l’eau sur les berges dû au déplacement des bateaux (Source : Lexique de la DT
Nord-Est http://www.sn-nord-est.developpement-durable.gouv.fr/spip.php?article3107)
31
Partie 2 : Enjeux de la modélisation hydraulique et positionnement du Cetmef
C)
La modélisation hydraulique en milieu maritime et littoral
Les modèles hydrauliques construits sur les estuaires, ou le littoral en général, nécessitent la prise
en compte des phénomènes maritimes tels que la marée, les courants et la houle, et donc le recueil des
observations qui sont faites de ces phénomènes.
1
Mesure et modélisation de la marée
Le service hydrographique et océanographique de la marine (SHOM) est un établissement public
administratif dont le siège est à Brest. Il a été désigné en 2010 comme référent national sur l’observation
du niveau de la mer, et coordonne ainsi les différents producteurs de données : grands ports maritimes,
services maritimes, universités, entreprises, etc., qui s’ajoutent au réseau d’observatoires permanents du
SHOM, RONIM, présents dans un grand nombre de ports de métropole et d’outre-mer. Ces mesures en
temps réel et en temps différé sont disponibles sur le portail internet Refmar.
L’observation du niveau de la mer a permis de développer des modèles de prédiction de la marée
astronomique. Ainsi, depuis 1996, les modèles de marée sont calculés par le SHOM à l’aide du code de
calcul Telemac. La différence entre la hauteur de la mer observée et la hauteur prédite par les modèles, est
nommée surcote (ou décote lorsque la différence est négative). Celle-ci est souvent liée à la météo (vent,
pression atmosphérique) mais peut également être causée par des vagues ou des tsunamis. Le SHOM
dispose également depuis 1995 d’une base de données bathymétriques.
L’observation du niveau de la mer par les marégraphes permet de calibrer des outils d’altimétrie
satellitale, comme ceux utilisés par le laboratoire d’études en géophysique et océanographie spatiales
(LEGOS)17, au large de la côte Atlantique, de la Mauritanie à la Norvège. Ces données sont gratuites pour
les universitaires et chercheurs. D’autres bases de données existent à l’échelle mondiale, comme celle de
l’université de l’Oregon (Oregon state university, OSU), aux États-Unis, qui est mise en ligne18.
Ces données sont essentielles pour entrer les conditions aux limites des modèles
hydrodynamiques construits sur les estuaires – comme celui qui a été construit sur l’estuaire de la
Gironde, dans le cadre du projet Theseus (voir paragraphe 3.). Si le modèle hydrodynamique est délimité
par une frontière au large, ce sont les données du LEGOS qui vont être utilisées ; si la frontière est placée
près des côtes, ce sont les données du SHOM.
2
La houle : génération, propagation, déferlement
Les vagues sont générées par le vent, puis se propagent librement en formant la houle. Celle-ci est
caractérisée par des valeurs moyennes de direction, de hauteur et de période. Aux abords des côtes, la
houle est modifiée par la présence du fond, qui donne lieu à des processus de dissipation d’énergie. A
l’approche des plages ou des hauts fonds, les vagues déferlent et transmettent ainsi une partie de leur
énergie aux courants. Les vagues et les courants sont les principales causes des mouvements de sédiments
sur les plages.
Le Cetmef pilote CANDHIS (Centre d’Archivage National de Données de Houle In-Situ), un
réseau national côtier de mesure de houle, dont les données sont ensuite archivées et disponibles sur
internet.
17 Laboratoire mixte avec une quadruple tutelle : le Centre National d’Etudes Spatiales (CNES), le Centre National
de la Recherche Scientifique (CNRS, Département des Sciences de l’Univers), l’Institut de Recherche pour le
Développement (IRD) et l’Université Paul Sabatier (UPS)
18 http://volkov.oce.orst.edu/tides/global.html
32
I.La modélisation hydraulique : outils et usages
a)
La modélisation de la houle et des courants
Il y a plusieurs méthodes permettant de décrire les vagues. La première est l’analyse vague par
vague qui décrit les propriétés individuelles des vagues ; la deuxième est l’analyse spectrale, qui décrit la
forme de la surface comme une superposition de composantes de formes simples.
Ce deuxième type de modèle permet de simuler la génération et la propagation de la houle en
fonction des champs de vent, de la bathymétrie et des courants. La houle enregistrée par une bouée en
mer peut être décomposée en une somme d’ondes simples sinusoïdales d’amplitudes et de périodes
variées, se propageant dans des directions différentes. L’ensemble de ces données peut être restitué dans
un spectre de houle directionnel, qui représente la fréquence (distance à l’origine) et la densité d’énergie
normalisée (en couleur) en fonction de la direction de ces ondes. Dans le modèle, chaque noeud du
maillage est ainsi caractérisé par une grille spectro-angulaire (Figure 3).
Figure 3: Maillage et grille spectro-angulaire utilisés pour l’atlas des états
de mer de la Manche
Les courants marins peuvent être simulés par des logiciels hydrodynamiques 2D.
b)
L’agitation de la houle dans les domaines côtiers et portuaires
A l’approche des domaines côtiers et portuaires, la houle est soumise à des phénomènes de
réfraction, diffraction et réflexion sur les ouvrages, qui peuvent être représentés par l’équation de pente
douce, dite de Berkhoff.
Les données d’entrée de ces modèles sont les caractéristiques de la houle aux frontières du
modèle, ainsi que les caractéristiques des ouvrages – digues submersibles ou ouvrages perforé, commes
les caissons atténuateurs de houle. Des recherches sont en cours aujourd’hui pour améliorer les
interactions fluide-structure à l’échelle locale.
33
Partie 2 : Enjeux de la modélisation hydraulique et positionnement du Cetmef
3
a)
i.
Applications : enjeux, acteurs et contexte réglementaire
Le risque de submersion marine
Vigilance submersion marine
Les mesures en temps réel des niveaux de la mer, collectées par le SHOM, alimentent les centres
d’alertes aux tsunamis et aux submersions marines, en partenariat avec le commissariat à l’énergie
atomique et aux énergies alternatives (CEA) et Météo France.
Les niveaux marins extrêmes, correspondant à des temps de retour déterminés, ont été estimés par
des approches statistiques sur les côtes françaises de la Manche et de l’Atlantique. La méthodologie
employée, issue d’un partenariat entre le SHOM et le Cetmef, repose sur une hypothèse d’indépendance
des phénomènes de surcote et de marée, qui en s’additionnant forment des niveaux de mer exceptionnels.
ii.
Elaboration des plans de prévention des risques littoraux (PPRL)
Suite à la tempête Xynthia de février 2010, qui a causé 53 décès et a touché plus particulièrement
la Charente-Maritime, la Vendée et les Côtes-d’Armor, l’État français a accéléré les actions de lutte
contre le risque de submersion marine. Des plans de prévention des risques naturels littoraux ont ainsi été
mis en place dans les communes jugées prioritaires. Depuis mai 2011, la DGPR pilote la révision du
guide d’élaboration des PPRL, qui donne l’état de l’art et les bonnes pratiques à destination des bureaux
d’études et des services de l’État. Le Cetmef anime le groupe de travail composé des CETE NordPicardie, Méditerranée, Normandie-Centre, Ouest et Sud-Ouest. Au total, 303 communes doivent se doter
d’un PPRL d’ici 2013, sous la responsabilité des services de l’État.
La modélisation hydraulique permet de simuler les évènements de submersion marine en prenant
en compte à la fois le débit des fleuves, les conditions météorologiques et les signaux de marée. Le
Cetmef a d’ailleurs été mobilisé pour simuler la tempête Xynthia et ainsi mieux comprendre le rôle des
aménagements côtiers au cours de l’évènement.
iii.
Dimensionnement, renforcement et impact des ouvrages de protection
Comme pour la plupart des digues fluviales, les collectivités locales – conseils généraux,
syndicats mixtes – sont maîtres d’ouvrage des digues de protection vis-à-vis des risques littoraux. C’est le
service technique de l’énergie électrique, des grands barrages et de l’hydraulique (STEEGBH) au sein de
la DGPR qui est en charge de l’instruction des projets de renforcement des ouvrages de protection. Dans
ce cadre, il peut faire appel à l’expertise du Cetmef, qui a par ailleurs contribué à la rédaction du guide
International Levee Handbook à l’échelle internationale, sur les ouvrages de protection dans le domaine
fluvial et littoral.
iv.
Anticipation du changement climatique
Le BRGM d’un côté, le Cetmef et EDF de l’autre, sont impliqués dans l’élaboration d’atlas de
vagues, qui référencent les hauteurs, périodes et directions des vagues sur des périodes historiques et sur
des périodes futures, afin d’estimer l’impact du changement climatique sur les états de mer, en utilisant
les modèles de projection de Météo France.
Le projet de recherche Theseus, qui a débuté en décembre 2009, est un projet européen qui
mobilise 31 instituts de recherche. Dans ce cadre, le Cetmef a construit un modèle avec débordement de
l’estuaire de la Gironde, afin d’évaluer les niveaux d’eau du futur.
34
I.La modélisation hydraulique : outils et usages
b)
La gestion du trait de côte
La stratégie nationale de gestion du trait de côte vise à anticiper les conséquences de l’érosion du
littoral, qui a un impact sur les activités humaines, en matière de développement économique,
d’urbanisation du littoral, de tourisme et de protection de la biodiversité. Estuaires, deltas, plages,
falaises, lagunes ou marais sont des milieux dont l’érosion est le résultat de phénomènes complexes ;
principalement des processus mécaniques liés aux mouvements de l’eau.
Le Cetmef a participé à l’élaboration du guide technique pour la gestion du trait de côte, publié en
2010 aux éditions Quae, à destination des services de l’État et des collectivités territoriales (MEDDE,
2010). Il détaille la place de la modélisation hydraulique, qui peut permettre de tester les différentes
options de gestion qui sont issues d’une étude de caractérisation géomorphologique du milieu étudié.
En 1995, l’État s’est engagé à réaliser des études pour la reconquête du caractère maritime du
Mont Saint-Michel, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. Au début des années 2000, un modèle
physique de sédimentologie a été développé par le bureau d’études Sogreah, qui a proposé les pistes
d’aménagement suivantes :
– Remplacer la digue-route, qui bloque les flux sédimentaires, par un pont-passerelle,
– Mettre en place un système de chasse sur le barrage du Couesnon, un des cours d’eau se jetant
dans la baie, afin d’évacuer les sédiments,
– Construire un seuil de partage en enrochement, afin de maîtriser la divagation du fleuve.
En 2008, un modèle numérique a été développé par le bureau d’études pour le compte du syndicat
mixte du Mont Saint-Michel19, à partir de données mesurées de hauteur d’eau, de vitesse et de
concentration de matière en suspension. Le modèle a été finalisé début 2010 et transféré au Cetmef, qui
utilise aujourd’hui le modèle pour répondre aux questions ponctuelles du syndicat mixte, concernant par
exemple l’influence des chasses du barrage sur l’érosion en aval.
c)
Le dimensionnement d’ouvrages portuaires
Les modèles hydrauliques permettent de simuler l’agitation et les courants s’exerçant à l’intérieur
de bassins portuaires, et ainsi déterminer des fenêtres d’indisponibilité des ouvrages. Ces résultats
alimentent également des études de trajectographie ou de tenue à poste de navires, qui visent à optimiser
la navigabilité du port et les ouvrages de protection et d’amarrage des navires.
Un modèle d’agitation et de courantologie a ainsi été construit par le Cetmef pour le compte du
grand port maritime du Havre, afin de déterminer les fenêtres d’accès possibles des barges fluviales au
projet d’aménagement la Chatière. Ce modèle a d’ailleurs été repris dans le cadre du projet de recherche
CTeeSMES (commission technique d’étude et d’évaluation des surcotes marines dans l’estuaire de la
Seine) de l’office des risques majeurs de l’estuaire de la Seine (ORMES).
De même, le port de Dunkerque a commandé en 2012 une série d’études dans le cadre de son
projet de construction d’un nouveau bassin maritime Baltique-Pacifique. Les différents marchés
comprenaient des études d’agitation et de courantologie, de trajectographie et de tenue à poste qui,
ajoutées à des études de trafic et de simulation d’exploitation, visaient à proposer des configurations
optimales du bassin du point de vue de la sécurité et de la facilité des opérations portuaires.
Les phénomènes de transport sédimentaire peuvent également être inclus dans les modèles
d’agitation, afin d’anticiper les besoins en dragage qui permettront de maintenir la profondeur des
chenaux d’accès au port (GEODE, 2012).
19 Qui regroupe la Région de Basse-Normandie et le Département de la Manche, la Région Bretagne et les
communes du Mont-Saint-Michel, de Beauvoir et de Pontorson.
35
Partie 2 : Enjeux de la modélisation hydraulique et positionnement du Cetmef
d)
Les énergies marines
Les phénomènes marins – houle, marée, courants – sont susceptibles d’être utilisés pour produire
de l’énergie. A la suite du Grenelle de l’environnement, un objectif d’installation de 6000 MW d’énergies
marines d’ici à 2020 a été fixé. Plusieurs filières énergétiques sont ainsi envisagées : énergies
houlomotrice (vagues), hydrolienne (courants), marémotrice (marées), éolienne, solaire, thermique, liée
aux gradients de salinité ou encore à la biomasse algale20. L’implantation des différents dispositifs de
récupération requiert une connaissance fine des phénomènes marins dans les zones potentiellement
intéressantes.
Le Cetmef a ainsi piloté l’étude « SIG Energies marines renouvelables », qui visait à identifier
des zones d’intérêt pour la mise en place des énergies marines, à partir d’une cartographie des enjeux et
usages de la mer et du littoral, afin de construire un outil d’aide à la concertation. Le projet associait les
CETE Normandie-Centre et Méditerranée, ainsi que l’Ifremer et l’ADEME.
Le Cetmef contribue également au projet national de recherche EMACOP sur les énergies
marines, côtières et portuaires, piloté par le CGEDD. Ce projet, lancé en septembre 2011 pour une durée
de quatre ans, associe le Cetmef et l’université de Nantes. Il a pour objectif de mieux caractériser le
potentiel exploitable de l’énergie de la houle, de la marée et des courants (rendement et survivabilité des
installations) sur une série de sites, de sélectionner et d’adapter des technologies de récupération
d’énergie et d’évaluer leur coût ainsi que leur impact sur la protection de la côte.
Dans un premier temps, des méthodes empiriques ont permis de calculer la propagation de la
houle du large vers la côte, pour obtenir sur chaque site une matrice de puissance : hauteur de houle et
énergie. Ces critères ont permis de sélectionner 9 sites. Une deuxième phase a débuté en mai 2013, qui
comportera un véritable travail de modélisation, afin de prendre en compte les phénomènes de diffraction
liés à la présence d’obstacles sur certains sites. Les modèles de propagation de la houle utiliseront des
données issues d’atlas de vagues et seront calés à partir de mesures réalisées spécifiquement sur les
différents sites.
La modélisation hydraulique est ainsi mobilisée pour représenter un grand nombre de milieux –
fluvial, littoral, maritime, estuairien – dans le cadre d’études visant à guider l’action d’une diversité
d’acteurs différents : services de l’État (service de prévision des crues, DDT), établissements publics
(VNF, Grands ports maritimes), collectivités territoriales, mais également constructeurs privés, dans les
domaines de la prévision et de la prévention des risques naturels, de la sécurité de la navigation ou encore
de la préservation des milieux aquatiques. Elle est également utilisée dans le cadre de projets de recherche
visant une meilleure compréhension des phénomènes complexes représentés ainsi qu’une amélioration
des outils.
Le Cetmef a ainsi mobilisé des outils de modélisation hydraulique sur chacun de ces thèmes.
Nous allons maintenant nous intéresser de plus près aux processus de développement et de diffusion de
ces outils, et à la place qu’occupe le Cetmef dans ces processus.
20 http://www.geolittoral.developpement-durable.gouv.fr/energies-marines-renouvelables-emr-r153.html
36
II.Les processus de développement et de diffusion des outils de modélisation hydraulique
II. Les processus de développement et de diffusion des
outils de modélisation hydraulique
A)
Historique de développement et de diffusion des outils du Cetmef
La modélisation hydraulique est une activité aujourd’hui très répandue en France.
Historiquement, les principaux acteurs étaient la société Sogreah, depuis peu acquise par Artelia et
Électricité de France (EDF).
Dès 1946, quelques mois après la création d’EDF, un accord est signé entre l’État, représenté à
l’époque par l’office national de la navigation, et EDF, afin de mettre en commun des moyens techniques
et financiers pour la création d’un laboratoire national d’hydraulique, devenu depuis le laboratoire
national d’hydraulique et d’environnement (LNHE). Cet accord a été prolongé en 1965 avec la signature
d’une convention bipartite. En contrepartie du prêt du site de Chatou, qui accueille le laboratoire, l’État
n’avait à payer que la moitié des activités de recherche et développement réalisées par EDF. Ce
laboratoire a ainsi réalisé, des années 50 à 80, de nombreuses études hydrauliques pour la production
d’électricité d’EDF, mais également pour les grands équipements maritimes. A partir des années 90, le
LNHE s’est concentré sur les besoins propres d’EDF (Loudière et Pierron, 2006).
En parallèle, le service technique central des ports maritimes et des voies navigables
(STCPMVN) a été créé en 1967, mais n’a pas été doté de moyens suffisants pour participer pleinement à
la construction d’ouvrages. Il s’est donc chargé essentiellement de production méthodologique et
d’assistance à maîtrise d’ouvrage. Dans le domaine de l’hydraulique, il a créé avec l’Université
technologique de Compiègne (UTC) le groupe d’hydraulique numérique en 1991, devenu laboratoire
d’hydraulique numérique (LHN) en 2002. Cette équipe commune réunit des chercheurs du laboratoire de
mécanique Roberval de l’UTC et des ingénieurs-chercheurs du Cetmef. Plusieurs codes de calcul
hydrodynamiques y ont été développés et utilisés pour des objectifs de recherche. Plus récemment ont été
créés le laboratoire génie côtier et environnement (LGCE), qui étudie les interactions entre
l’hydrodynamique, la morphodynamique et les écosystèmes en zones côtière et littorale, et le laboratoire
d’hydraulique de Saint-Venant (LHSV), spécialisé en hydraulique à surface libre, qui associe le LNHE, le
Cetmef et l’Ecole nationale des ponts et chaussées. Michel Benoit est aujourd’hui son directeur.
1
L’outil 1D Mascaret
Dans les années 80, plusieurs codes ont été développé dans le cadre de la convention bipartite
entre le LNHE et le Cetmef :
• Le code Lido représentait les écoulements transitoire et permanent, sur un bief uniquement.
• Le code Sara représentait les régimes permanents fluviaux.
• Le code Rezo représentait les écoulements transitoires fluviaux, avec un réseau maillé ramifié,
selon la méthode des différences finies.
Aucun ne permettait de traiter les régimes transcritiques, permettant de représenter le passage
d’un régime fluvial à torrentiel, à l’occasion d’une vague de submersion ou de la rupture d’un barrage.
L’évolution de la réglementation et des méthodes numériques poussent au développement d’un nouvel
outil intégrant un noyau transcritique, appelé Mascaret, par Nicole Goutal du LNHE. Dans les années
2000, les différents codes 1D sont fusionnés dans Mascaret, qui devient un outil complet composé d’un
noyau transcritique, le noyau transitoire Rezo et le noyau permanent Sara. Le logiciel utilise l’interface
Fudaa, développée par le Cetmef (voir partie 1).
Le logiciel a été commercialisé de 2000 à 2002, notamment auprès d’HydroQuébec. Les
37
Partie 2 : Enjeux de la modélisation hydraulique et positionnement du Cetmef
nouvelles versions étaient diffusés à Sogreah qui les testait au cours de stages, en parallèle de ses études,
et faisait remonter ses remarques au LNHE. Il est gratuit depuis 2008 et, depuis 2011, libre au sein de la
chaîne Telemac (voir paragraphe suivant). Aujourd’hui, l’équivalent d’une personne le développe au sein
du LNHE. Le code est en effet arrivé à maturité. Les études de submersion, qui ont généré une forte
activité de 1991 à 2004, suivent aujourd’hui une méthodologie bien établie, et sont donc directement
réalisées au Centre d’ingénierie hydraulique (CIH) d’EDF.
Les enjeux actuels concernant Mascaret se situent au niveau de l’assimilation de données
mesurées, permettant d’utiliser le logiciel pour l’annonce des crues par le SCHAPI. Cet algorithme de
mathématiques appliquées est issu d’une collaboration entre le LNHE, qui offert son expérience de
l’utilisation de Mascaret, le CERFACS21, spécialisé en méthodes de simulation numérique et le SCHAPI,
utilisateur final. Cette méthode pourrait également être utilisée pour la téléconduite des ouvrages. Par
ailleurs, des travaux de recherche ont été menés ces dernières années sur le couplage de modèles 1D et
2D, notamment par un post-doctorant financé par le Cetmef et l’institut anglais HR Wallingford.
2
La chaîne Telemac
Le code de calcul hydrodynamique bidimensionnel Telemac 2D a été créé en 1987 par JeanMichel Hervouet, du LNHE. L’espace y est discrétisé sous la forme d’un maillage non structuré à
éléments triangulaires, ce qui permet en particulier d’affiner le maillage dans certaines zones
particulières.
•
•
•
Différents modules 2D ont été développés et intégrés dans la chaîne dite Telemac :
Sysiphe, pour le transport sédimentaire, qui a intégré le module Subief de transport en suspension
Tomawac, pour la génération et la propagation de la houle,
Artemis, pour l’agitation de la houle.
Ont également été développés un outil hydrodynamique 3D, Telemac 3D. Le LNHE n’a pas
développé de modules de calcul de la qualité de l’eau proprement dit, mais utilise celui de l’institut
hollandais Deltares, Delwac. Celui-ci est d’ailleurs devenu libre en 2013.
Le LHN, en parallèle, a développé les modèles Reflux, pour l’hydraulique de surface, et Refonde,
pour l’agitation de la houle. Il a été décidé en 2004 de faire converger les codes du Cetmef et du LNHE,
afin d’en mutualiser les développements.
EDF a commencé la commercialisation de la chaîne Telemac en 1993 ; le laboratoire hydraulique
de France, filiale de Sogreah à Grenoble, assurait d’abord la partie technique de cette distribution, avant
de prendre en charge en 1998 l’ensemble de la commercialisation, qui revient en 2003 à la société
Sogreah. Jusqu’en 2009, elle était distribuée en France par Sogreah, au Royaume-Uni par HR
Wallingford, en Allemagne par BAW et au Canada par Hydroquébec. Elle était diffusée librement auprès
des partenaires historiques qui contribuaient à son développement : le Cetmef, Sogreah. La chaîne a ainsi
été développée conjointement par le LNHE et ses partenaires, principalement selon les besoins
opérationnels d’EDF, en lien avec la réglementation.
B)
1
Une nouvelle stratégie de développement et de diffusion
Justifications du passage en open-source
En 2009, une nouvelle stratégie de diffusion est adoptée par le LNHE pour la chaîne Telemac, à
laquelle est intégré Mascaret en 2011. La chaîne Telemac est diffusée librement sous une licence publique
21 Centre Européen de Recherche et de Formation Avancée en Calcul Scientifique
38
II.Les processus de développement et de diffusion des outils de modélisation hydraulique
générale GNU (GPL), à l’exception de la bibliothèque des éléments finis BIEF, qui est sous licence
publique générale GNU amoindrie (LGPL). Le LNHE en reste propriétaire, à l’exception du module
Sysiphe qui possède plusieurs propriétaires, dont le Cetmef.
Ce choix du LNHE avait deux objectifs principaux :
2
•
d’une part, fédérer une communauté de développeurs autour de la chaîne, de manière à
démultiplier les ressources de développement
•
d’autre part, diffuser plus largement le code afin d’augmenter le nombre d’utilisateurs. La
position de Sogreah en tant que distributeur unique pour la France était ainsi devenu contreproductif du point de vue de la diffusion. En effet, sa position la poussait naturellement à freiner
l’assistance auprès des utilisateurs, qui étaient ses clients en tant que distributeur de logiciel, mais
également ses concurrents en tant que bureau d’études22. Or, l’augmentation du nombre
d’utilisateurs permet d’une part d’acquérir une puissance de déboguage du logiciel, par les
nombreux retours qu’en font les utilisateurs, mais également d’augmenter la notoriété du code, et
ainsi sa crédibilité vis-à-vis notamment de l’agence de sûreté nucléaire.
Stabilité de la communauté de développement
Aujourd’hui, la chaîne Telemac-Mascaret est gérée par un consortium qui comprend : Artelia (exSogreah), le Bundesanstalt für Wasserbau (BAW) en Allemagne, le Cetmef, Daresbury Laboratory, un
laboratoire anglais, EDF et HR Wallingford en Angleterre. Il y a une répartition des rôles au sein du
consortium. Le travail du Cetmef est plus orienté vers l’interface Fudaa, celui de HR Wallingford vers les
thématiques d’environnement et de sédimentologie, celui du BAW dans le domaine de la sédimentologie,
celui de Daresbury sur le parallélisme et le calcul de performance, et enfin Artelia se charge
principalement de l’assistance aux utilisateurs.
Chacun des partenaires s’est engagé à participer à l’amélioration de la chaîne ; les
développements sur Telemac sont recueillis par le LNHE fin juin, pour une campagne de validation en
juillet-août, et la publication en septembre de la nouvelle version. C’est cependant le LNHE qui y
participe majoritairement. Un système de gestion des versions (SVN) vérifie tous les soirs les
développements réalisés dans la journée sur une batterie de cas-tests et contrôle le respect des normes de
programmation.
Les développements des partenaires, comme ceux du Cetmef, nécessitent plusieurs relectures,
dont en dernier lieu celle de Jean-Michel Hervouet, le créateur de Telemac, qui vérifie notamment que les
développements proposés ne remplissent pas des fonctions déjà existantes au sein de la chaîne. Son départ
prochain à la retraite sera sans doute un moment difficile pour la communauté. C’est en effet lui qui sait
comment corriger, optimiser et intégrer un développement sur la chaîne, afin qu’il ne perturbe pas
d’autres fonctions. Son savoir-faire reste cependant décrit dans des publications.
Un souci de former une communauté de développeurs dans un domaine si concurrentiel que celui
des bureaux d’études, est que ceuxi-ci pourraient être tentés de garder leurs développements pour eux, et
se placer en «cavalier seul» de la communauté ; laisser les autres apporter leurs améliorations, et
conserver les leurs pour eux seuls, afin de garder les bénéfices que ces améliorations peuvent apporter à
leurs études et donc à leurs clients. Mais dans les faits, les bureaux d’études peuvent garder pour eux les
développements qui ont été faits dans le cadre d’une étude ; ils peuvent ainsi conserver un pas d’avance
sur la concurrence, et verser ce développement dans une version suivante du logiciel. C’est le cas
22 Remarquons que le problème ne semble pas se poser aujourd’hui pour d’autres sociétés comme DHI qui sont
dans la même position (voir paragraphe 4), peut-être en raison d’un équilibre différent entre recettes de la
distribution et activités de bureau d’études.
39
Partie 2 : Enjeux de la modélisation hydraulique et positionnement du Cetmef
d’Artelia, qui est engagée au développement de Telemac à hauteur de deux équivalents temps plein par
an. Il se passe d’ailleurs le même phénomène de rétention temporaire d’information sur les forums
d’utilisateurs des outils privés, comme ceux de DHI (voir paragraphe 4.).
3
Augmentation du nombre d’utilisateurs
Si le passage au libre n’a donc pas encore véritablement démultiplié les ressources de
développement, puisque celles-ci restent principalement cantonnées aux partenaires historiques, il a par
contre augmenté sensiblement le nombre d’utilisateurs. Si les chiffres sont incertains, du fait de la gratuité
de l’acquisition du logiciel, on peut se baser sur le nombre de téléchargements et surtout le nombre de
participations au forum d’utilisateurs (9000 aujourd’hui).
Le site internet Telemac-Mascaret propose ainsi un forum pour les utilisateurs. Ce fut d’ailleurs
un vrai problème au début pour l’équipe du LNHE. Ils avaient anticipé, du fait du retour d’expérience du
passage en libre d’un autre logiciel, Aster23, une croissance progressive de la communauté d’utilisateurs.
Mais les premiers instants, Jean-Michel Hervouet a dû consacrer une heure par jour de son temps pour
répondre aux questions portant sur le numérique, tandis que Christophe Coulet, d’Artelia, répondait aux
questions portant sur l’installation du logiciel, souvent difficile. La décision a donc été prise de dédier une
personne à plein temps au forum. Aujourd’hui, les utilisateurs commencent à répondre aux questions des
autres.
A côté du forum, qui est gratuit, des contrats d’assistance payants sont toujours proposés par
Artelia et Ingerop. Si les besoins ont sensiblement diminué du fait du forum, les contrats offrent des délais
de réponse tout de même inférieurs. Par ailleurs, le LNHE a débuté des formations en interne à EDF. Au
sein des services de l’État, le Cetmef apporte une assistance aux utilisateurs ; le CETE Méditerranée
anime le club d’utilisateurs Mascaret-Telemac depuis 2012, et une formation annuelle d’une semaine est
organisée par le SCHAPI avec l’institut de formation de l’environement (IFORE). Enfin, l’institut
national polytechnique de Toulouse (INPT) propose deux formations par an de trois jours.
Si le passage au libre représente donc un travail conséquent pour le LNHE – fédérer les
développements, répondre au forum – il apporte aussi des informations précieuses sur les problèmes
rencontrés par les utilisateurs, ainsi que leurs centres d’intérêt. Par exemple, un thème en vogue
aujourd’hui dans la communauté est la pollution par les hydrocarbures. Ce n’est pas un thème qui
intéresse EDF a priori, mais cela pourrait le devenir à l’avenir pour la protection des centrales. Par
ailleurs, les tests effectués par les différentes structures poussent le LNHE a toujours améliorer son
logiciel. Du point de vue d’Artelia néanmoins, le passage en libre a entraîné une plus grande concurrence
sur les études.
4
Les autres politiques de développement et de diffusion
Parmi les outils 1D, il existe plusieurs logiciels gratuits, comme la version 1D de Infoworks ou
HEC-RAS (Hydrologic Engineering Centers River Analysis System), développé par l’US army corps of
engineers, qui distribue gratuitement le logiciel mais n’offre aucune assistance. En 2D et 3D, les logiciels
développés par l’institut hollandais Deltares, Delft 3D et Delwac, sont devenus libres respectivement en
2011 et 2013. Les deux grandes chaînes privées concurrentes de Delft et Telemac sont Mike, développé
par la société danoise DHI et Infoworks, développé en partie par HR Wallingford.
La chaîne Mike est développée par la société DHI et distribuée en France par sa filiale DHI
23 Logiciel de simulation numérique en calcul des structures développé depuis 20 ans par EDF R&D pour les
besoins de recherche et les études des installations de production et de transport d’électricité, libre depuis 2001
(http://innovation.edf.com/recherche-et-communaute-scientifique/logiciels/code-aster-41195.html).
40
II.Les processus de développement et de diffusion des outils de modélisation hydraulique
France, qui est aussi un bureau d’études. Jusqu’en 2008, la société soeur de HR Wallingford, Wallingford
Software, développait le logiciel de modélisation hydraulique ISIS en partenariat avec la société anglaise
Halcrow. Ce partenariat a été rompu et Wallingford Software, devenu Innovyze, développe aujourd’hui
Infoworks, sur la base du moteur de calcul ISIS. Il est distribué en France par l’entreprise Geomod.
Ces deux logiciels sont payants ; ils proposent une licence ainsi qu’un contrat d’assistance
annuels. Il y a 3 types d’assistance : l’assistance téléphonique, la prise de contrôle de l’ordinateur à
distance et l’envoi d’un modèle à deboguer. Les deux logiciels possèdent enfin un forum utilisateurs. En
2012, DHI y a lancé un jeu-concours pour recueillir les besoins en développement des utilisateurs ; ceuxci devaient ainsi proposer des idées de développement et voter pour les idées des autres.
Dans un domaine proche, un autre exemple de stratégie de développement et de diffusion est celle
de l’outil Canoe, logiciel de conception et de diagnostic des réseaux d’assainissement24. Canoe est une copropriété d’Artelia (équipe Ville&Transport), qui a développé les aspects relatifs à l’hydraulique urbaine,
et du laboratoire de génie civil et d'ingénierie environnementale de l’INSA de Lyon, qui s’est chargé du
développement de l’interface et de la partie hydrologie. Ce partenariat est toujours actif pour le
développement et la maintenance du logiciel, qu’il s’agisse du noyau de calcul ou de l’interface. Ce
développement est financé par les ressources issues de la vente du logiciel auprès d’un grand nombre
d’agglomérations et de bureaux d’études. Afin que ces ressources soient stables, l’Insa a formé un
partenariat avec quelques-uns des utilisateurs – les départements de Seine-Saint Denis et du Val de
Marne, la communauté urbaine de Lyon, la ville de Rennes – qui, en contrepartie du financement pérenne
du logiciel, guident les développements et bénéficient d’un contrat d’assistance pour son utilisation.
Régulièrement sont listés les besoins des partenaires, des développeurs et des autres clients, afin de
prioriser les développements (Entretien).
C)
État des lieux des compétences en hydraulique en France
Les compétences en modélisation hydraulique sont très dispersées sur le territoire français ; les
villes qui concentrent un grand nombre d’acteurs important de la recherche et de l’ingénierie sont
Grenoble (INPG, Artelia, EDF), Lyon (CNR, Insa Lyon), Toulouse (Météo France, CERFACS, IMFT et
INPT) et Brest (Ifremer) (Loudière et Pierron, 2006). Historiquement, les compétences en hydraulique ont
été développées dans deux grandes entreprises, EDF et Sogreah.
1
a)
Des compétences dans le privé
LNHE et LHSV
La division R&D d’EDF compte une quinzaine de départements, en mathématiques,
informatique, etc. Le département en charge du développement de Telemac est le LNHE, qui comprend
115 agents dont 88 ingénieurs chercheurs et cadres, 16 techniciens et 18 doctorants. Il traite de quatre
thèmes : l’hydraulique à surface libre, la sédimentologie, l’écotoxicologie et la microbiologie. Une
vingtaine de développeurs travaillent sur l’ensemble de la chaîne Telemac. Des recrutements ont eu lieu
dernièrement en réaction à la catastrophe de Fukushima. De même, les énergies alternatives sont un
thème porteur aujourd’hui.
Le laboratoire LNHE partipe à des projets de recherche ANR et réalise des études pour le compte
des unités de production et d’ingénierie d’EDF. Les études qui sont confiées au LNHE sont des cas
complexes, pour lesquels la méthodologie n’est pas encore établie. Dans les autres cas, les études sont
24 Ses concurrents sont Mike urban, Infoworks CS (qui serait utilisé par Veolia, la Lyonnaise des Eaux et les
collectivités de Brest, Saint Etienne, Nîmes) et Papyrus.
41
Partie 2 : Enjeux de la modélisation hydraulique et positionnement du Cetmef
sous-traitées à des bureaux d’études extérieurs (Ingerop ou Sogreah) via des contrats-cadres, les services
d’ingénierie utilisant alors le modèle ainsi construit ou uniquement les résultats de l’étude.
b)
i.
Les bureaux d’études privés
Artelia
Au sein d’Artelia, il y avait historiquement un seul noyau d’utilisateurs de Telemac à Grenoble,
qui est aujourd’hui dispersé. Depuis que le logiciel est libre, il est plus difficile de savoir qui l’utilise.
Néanmoins, il y a deux référents Telemac dans la région sud-ouest, qui couvre les trois agences de
Bordeaux, Toulouse et Pau. Les autres personnes de la région 25 ne sont qu’utilisateurs finaux de Telemac,
c’est-à-dire qu’ils ne modifient pas le code : il y en a deux à Toulouse, deux à Pau et cinq à Bordeaux. Il y
a très peu de personnes qui utilisent Telemac dans les régions Méditerranée et Est. A Nantes, une
personne utilise Telemac ainsi que Mike. Dans les régions Ile-de-France et Nord, il y a deux ou trois
anciens de l’équipe de Grenoble. Il y a enfin quelques personnes formées dans les agences à
l’international, comme aux Emirats. Globalement, la majeure partie des études d’hydraulique sont
réalisées à Bordeaux (Entretien).
Une licence Mike a été achetée à Grenoble, afin de réaliser des comparatifs, pour des études où le
logiciel doit être utilisé de manière plus ou moins imposée, ou lorsqu’un couplage 1D-2D est nécessaire
(voir chapitre suivant). La question d’être plus généraliste sur les outils est toujours ouverte à Artelia.
ii.
Ingerop
Au sein d’Ingerop, le pôle principal d’hydraulique fluviale est l’agence d’Aix-en-Provence, qui
était auparavant le bureau d’études IPSEAU, créé en 1992 par Laurent Savouyaud, l’actuel responsable
d’agence. L’entreprise a été rachetée en 2005-2006 par Ingerop, mais l’équipe a été conservée ; 20
personnes utilisent les logiciels hydrauliques, dont cinq régulièrement. Il y a cinq à six modélisateurs au
siège d’Ingerop, situé à Courbevoie. Dans les autres agences ne sont utilisés que des logiciels 1D, à
l’exception de l’agence de Rennes, qui fait de la modélisation 2D dans le domaine maritime.
À l’agence Aix-en-Provence, le service qui construit les modèles hydrauliques est celui qui réalise
les études venant en amont des projets de construction ; le service qui réalise les études avant-projet, la
conception de projets, la maîtrise d’oeuvre et le suivi de travaux ont besoin des modèles réalisés dans les
études amont, mais ne font qu’en utiliser les résultats.
iii.
Les autres bureaux d’études
Egis Eau, BRL ingénierie ainsi que d’autres bureaux d’études de moindre envergure utilisent
également les outils de la chaîne Telemac. Les bureaux d’études disposent souvent de plusieurs outils
différents. Ils peuvent s’associer dans le cadre d’études importantes ; par ailleurs, ils sous-traitent souvent
la prise de mesures servant à l’alimentation ou à la validation du modèle.
Par exemple, l’agence Egis Eau de Nantes utilise dans 80% des études hydrauliques le logiciel
Infoworks, pour des commanditaire publics essentiellement. Son service maritime utilise Telemac pour la
courantologie et l’agitation (Entretien).
Plusieurs lieux d’échanges existent sur l’hydraulique, à l’échelle nationale et internationale. À
titre d’exemple, la société hydrotechnique est une association créée en 1912 pour fédérer les acteurs de
l’eau. Elle vise ainsi à favoriser les échanges scientifiques et techniques et la diffusion des connaissances.
Elle organise tous les deux ans la conférence SimHydro, avec l’université de Nice-Sophia Antipolis,
25 Au sens de l’organisation territoriale d’Artelia.
42
II.Les processus de développement et de diffusion des outils de modélisation hydraulique
l’association internationale pour la recherche en hydraulique (AIRH) et l’association française de
mécanique, qui accueille un large public de bureau d’études, de chercheurs, de collectivités et de
membres de l’administration.
2
a)
Dans les établissements de recherche publics
Le réseau scientifique et technique du MEDDE
Plusieurs établissements mènent des travaux de recherche en utilisant des outils de modélisation
hydraulique au sein du réseau scientifique et technique du MEDDE : dans le domaine fluvial, l’Irstea, et
dans le domaine maritime, le BRGM et l’Ifremer. Ils utilisent souvent leurs propres codes de calcul, dans
le cadre de projets de recherche ou d’études d’expertise pour le compte de l’administration centrale, des
collectivités territoriales ou encore des bailleurs de fonds internationaux.
Ainsi, l’Irstea utilise, en plus de Telemac, des logiciels développés en interne comme la suite
Rubar, pour l’hydrodynamique et le transport sédimentaire.
Le BRGM utilise des codes libres ou qui le deviennent dans le cadre de convention de recherche.
La submersion à terre est modélisée par un code de recherche, SurfWB, développé par l’université de
Bordeaux et de Montpellier. La modélisation du tsunami s’appuie sur le logiciel américain Topics, puis
les vagues sont propagées par un code vague à vague, peu utilisé en France, appelé Sunwave.
Par ailleurs, le BRGM et l’Ifremer co-développent Mars (Model for Applications at Regional
Scales) pour l’hydrodynamique, le transport sédimentaire et la biogéochimie. Pour l’agitation de la houle
est utilisé le logiciel libre SWAN, développé par l’université technologique de Delft. Le BRGM a son
propre modèle de génération des champs de vent et de pression pour modéliser les cyclones.
b)
Universités
Plusieurs universités et laboratoires utilisent maintenant le système Telemac, comme l’institut
national polytechnique de Toulouse (INPT) et l’institut de mécanique des fluides de Toulouse (IMFT).
Le laboratoire de mécanique des fluides de l’école Centrale Nantes (UMR ECN / CNRS) a fondé
la start-up HydrOcean, qui a notamment développé ICARE, un logiciel hydraulique à surface libre basé
sur les équations de Navier-Stokes, permettant de calculer la résistance à l’avancement des bateaux, leur
tenue à la mer, leur manoeuvrabilité, etc.26.
Plusieurs unités de recherche en hydraulique et en mécanique des fluides existent au sein de
l’institut national polytechnique de Grenoble (INPG), de l’ENGEES, de l’ENSTA ou des universités de
Tours, Caen, La Rochelle ou du Havre.
3
a)
Dans les services de l’État et les collectivités locales
Les centres d’études techniques de l’équipement, des bureaux d’études
publics
Les activités de modélisation hydraulique sont très inégalement réparties entre les différents
centres d’études techniques de l’équipement (CETE). Les CETE réalisent des études hydrauliques
principalement pour le compte des services de l’État situés sur leur territoire, mais aussi parfois des
collectivités territoriales ; ils viennent également en appui les uns des autres et contribuent ensemble à des
26 http://www.hydrocean.fr/outils-icare.html
43
Partie 2 : Enjeux de la modélisation hydraulique et positionnement du Cetmef
pôles de compétences et d’innovation (PCI) thématiques.
i.
Le CETE Méditerranée
Les compétences en hydraulique du CETE Méditerranée sont regroupées dans le service Risques
inondations littoraux et hydrauliques, au sein du département d’études Risques, eau et construction, situé
à Aix-en-Provence. Le service, dirigé par José-Luis DELGADO, comprend dix agents, dont la plupart
sont des spécialistes ou experts au titre du comité de domaine Géotechnique et risques naturels. L’équipe
est intégrée au sein du PCI «Inondations et aléas côtiers» avec le CETE Sud-Ouest et le CETE Ouest.
L’équipe réalise des prestations pour l’État – le Cetmef pour 50 K€/an et 10% des équivalents
temps plein (ETP), les services déconcentrés et la DGPR – et pour le RST – l’Ifsttar, l’Irstea, le BRGM,
l’IGN et MétéoFrance. Il s’agit d’activités d’expertise, d’ingénierie, d’assistance à maîtrise d’ouvrage et
de recherche. A titre d’exemple, le CETE Méditerranée a rendu un avis d’expertise, à partir d’un modèle
1D, sur l’impact de l’agrandissement de l’aéroport de la Réunion, pour le compte de la DGAC et de la
DGITM. Il mène des activités de recherche avec l’Irstea sur l’érosion des digues en cas de surverse, et
avec l’Ifsttar sur le projet de Cartino de cartographie automatique des zones inondables. Les activités
d’ingénierie concernent des modèles de prévision des crues, des PPR ou des études d’impact d’ouvrages.
Les études d’ingénierie visent à ne pas perdre la main ou à tester des outils, mais elles se raréfient
(20% aujourd’hui des activités du service) au profit de l’assistance à maîtrise d’ouvrage. Aujourd’hui, le
CETE Méditerranée ne répond pas à l’ensemble des besoins des ministères. A titre d’illustration, sur les
120 TRI (Territoires à risques d’inondation) identifiés à l’échelle française, de 60 à 70 sont appuyés par
les CETE, et seuls une trentaine disposent d’un modèle hydraulique. Le CETE Méditerranée ne se
positionne plus sur des appels d’offres, car il n’est souvent pas compétitif. Confronté à des besoins
opérationnels concernant les outils de modélisation, il peut être amené à réaliser des développements, par
exemple sur des outils de pré- et post-traitement adaptés aux services opérationnels.
Le CETE Méditerranée est par ailleurs impliqué, à la demande de l’office international de l’eau,
dans les projets de jumelages européens qui ont été mis en place suite à la directive inondation et la
directive cadre sur l’eau : la France paraine ainsi la Turquie avec la Roumanie, et la Croatie avec les PaysBas. La DRI, la DGPR, l’Irstea et certaines DREAL sont également mobilisées. Le service a également
des partenariats avec l’Onema, l’Agence de l’eau, le CPII – qui diffuse QGIS et MapInfo.
ii.
Le CETE Normandie-Centre
La division en charge des études hydrauliques au CETE Normandie-Centre appartient au
laboratoire régional de Blois (LRB), au sein du groupe « environnement et risques », dirigé par Stéphane
PINEY. Le groupe contient une unité bathymétrie, une unité courantologie et morphologie et une unité
risques hydrauliques.
- L’unité Risques hydrauliques
Les deux modélisateurs de l'unité réalisent, pour 10 % de leur temps, des études d’impact pour le
compte du conseil général 61, qui est gestionnaire des routes départementales, ou pour le compte de
l’État, dans le cas des routes nationales, avec des outils 1D la plupart du temps. Si l’ouvrage a un impact
trop important, le laboratoire propose des pistes d’action, sur la géométrie de l’ouvrage ou des ouvrages
de décharge, des zones d’expansion des crues. L’équipe réalise également des atlas des zones inondables,
pour 40 % du temps, à partir de la crue centennale ou de la plus forte crue connue. Ces études sont
menées pour le compte des DDT de la région Centre et des deux Normandie, dans le cadre des plans de
prévention des risques. Enfin, l’unité réalise depuis deux ans des extrapolations de courbes de tarage pour
le compte du SPC Auvergne, pour environ 40 % de son temps, à partir de modèles 1D (voir chapitre I).
44
II.Les processus de développement et de diffusion des outils de modélisation hydraulique
Le LRB s’appuie sur leur unité de bathymétrie et de topographie pour récolter les données de
terrain nécessaires à la construction des profils en travers entrés dans les modèles 1D, sur HEC-RAS. En
effet, seules des mesures de terrain permettent de repérer de manière précise les circonvolutions ou les
seuils qui pourront influer sur l’écoulement de l’eau. Des enquêtes sont également menées pour recueillir
le témoignage des habitants au sujet des crues passées.
- L’unité Courantologie et morphologie
Les deux modélisateurs de l'unité réalisent des études qui nécessitent l’utilisation de modèles 2D,
sur les logiciels Mike 21 et récemment Telemac. Par exemple, des études d’aménagements sur la
Francilienne, pour la direction interdépartementale des routes d’Ile de France, de dimensionnement d’un
déversoir, ou encore de courantologie en aval d’écluses, pour guider la gestion des vannes des barrages et
la prévention des fosses d’érosion. L’équipe réalise également des études de danger, pour le compte de la
DDT – maître d’ouvrage – et de la DREAL Centre – assistant à maîtrise d’ouvrage. La partie
géotechnique de l’étude de danger peut être réalisée en interne, par une autre équipe du LRB. Enfin, la
participation à l’établissement du PPR submersion marine, pour le compte de la DDT 80, a permis à
l’équipe d’acquérir des compétences en calcul de propagation de la houle sur Tomawac.
Le LRB réalise une veille sur les appels d’offre. Mais depuis les cinq dernières années, la
demande issue de l’État est forte, concernant la prévention des risques d’inondation et les études de
danger de digues. Le LRB réalise des études en propre, mais se positionne parfois aussi en assistance à
maîtrise d’ouvrage, lorsque la charge du service ne lui permet pas de réaliser l’étude. Son objectif est de
trouver un équilibre entre des assistances à maîtrise d’ouvrage techniquement intéressantes et la
réalisation d’études en interne, afin de pérenniser des compétences stratégiques à moyen terme.
iii.
CETE Sud-Ouest
Les compétences en hydraulique du CETE Sud-Ouest se trouvent dans le groupe Eau, Risques et
Environnement du laboratoire de Bordeaux. Quatre personnes en particulier manient les outils de
modélisation hydraulique. Le volet risque est une des problématiques principales du CETE Sud-Ouest. La
ville de Bordeaux est particulièrement concernée par le risque inondation, du fait du régime hydraulique
fluvio-maritime de l’estuaire de la Gironde. Le volet modélisation hydraulique s’insère cependant dans
des études hydromorphologiques plus larges.
En ce qui concerne ses activités de modélisation, le groupe réalise des études d’ingénierie pour le
compte des services déconcentrés de l’État – DREAL, DDT, DIR – au sujet de l’impact d’ouvrages
routiers, ou de l’impact de mesures d’aménagement sur le risque submersion marine, dans le cadre du
retour d’expérience sur la tempête Xynthia.
Le CETE se positionne également en assistance à maîtrise d’ouvrage, en donnant par exemple un
avis technique sur des PPR. Il suit de cette façon, pour le compte de la DDT, l’élaboration du référentiel
inondation Gironde menée par Artelia dans le cadre d’un projet réunissant les services de l’État et les
collectivités locales. Cet outil de connaissance du territoire a permis de proposer un PAPI d’intention, qui
permettra d’affiner la stratégie d’aménagement des collectivités et éventuellement de déboucher sur des
travaux de protection des zones inondables.
L’équipe suit par ailleurs le projet de recherche Theseus, afin de l’alimenter de connaissances sur
le territoire et de faire en sorte que les résultats du projet soient réutilisés par la suite localement.
b)
Les services de l’État chargés de la prévention et de la prévision des
inondations
Il existe plusieurs services de l’État compétents dans le domaine de la lutte contre le risque
45
Partie 2 : Enjeux de la modélisation hydraulique et positionnement du Cetmef
inondation, dont certains commencent à acquérir en interne des savoir-faire en modélisation hydraulique.
Le SCHAPI a pour mission de coordonner la prévision des crues et l’hydrométrie et de
développer la recherche pour améliorer les outils utilisés les SPC. Il est organisé en quatre pôles :
– Le pôle informatique, chargé du développement du site vigicrues,
– Le pôle acquisition des données – hydrométrie, qui est chargé de l’amélioration du matériel
(capteurs, radars, caméras) et du recueil des données de pluie et de débit de Météo France,
– Le pôle vigilance et prévision, chargé de l’organisation de la prévision,
– Le pôle modélisation, dirigé par Bruno JANET, chargé du développement des outils pour le
réseau de prévision des crues.
Ce dernier pôle, qui comprend trois personnes compétentes en modélisation, conseille les SPC sur
le choix de leurs outils de prévision. La stratégie de modélisation proposée aux SPC préconise ainsi
l’emploi d’un nombre limité d’outils, de préférence libres et qui fédèrent une communauté d’utilisateurs,
afin de pouvoir faire évoluer les outils en fonction des besoins des SPC tout en mutualisant les coûts.
L’objectif du SCHAPI est de développer un modèle en temps réel pour chacun des grands cours
d’eau, en appui à la prévision des crues. Tous les SPC ne disposent pas aujourd’hui d’un modèle
hydraulique (cf. carte en annexe 5) ; certains calculent la propagation des débits à partir d’abaques. Pour
ceux qui en disposent, il s’agit souvent de logiciels 1D, à l’exception du SPC Gironde Adour Dordogne
qui dispose depuis 2010 d’un modèle sur Telemac développé par le LNHE, le Cetmef et Artelia. Certains
SPC ont un modèle clé en main, d’autres ont accès aux codes, certains l’ont fait développer par un
stagiaire, d’autres ont fait appel au CETE ou à un bureau d’études. D’autres enfin s’appuient sur des
modèles déjà existants auprès d’autres structures. Sur le Rhône, c’est le modèle Crue de la CNR qui a été
choisi ; sur la Seine et l’Oise, les outils Mike et Hydrariv. Les établissements publics territoriaux de
bassins (EPTB) disposent souvent d’outils : c’est le cas de l’EPAMA sur la Meuse, et de l’Entente Oise
Aisne.
Les services déconcentrés de l’État, chargés de la réalisation des PPR et des TRI, mais également
de la coordination locale des services de prévention des crues, reposent essentiellement sur les
compétences en modélisation hydraulique des CETE, des collectivités locales (voir point suivant) ou en
dernier ressort des bureaux d’études privés.
c)
Les collectivités locales en acquisition de compétences
L’établissement public d’aménagement de la Meuse et de ses affluents (EPAMA) est un EPTB,
c’est-à-dire un regroupement de collectivités territoriales chargé de la gestion équilibrée de la ressource
en eau à l’échelle d’un bassin hydrographique.
Les missions de l’EPAMA sont la maîtrise d’ouvrage d’un projet d’aménagement de la Meuse
amont, la cartographie des TRI définis sur son périmètre, pour le compte de la DREAL, et l’appui aux
collectivités adhérentes pour la commande de leurs propres études hydrauliques.
L’EPAMA cherche à acquérir un modèle hydraulique cohérent à l’échelle de son territoire, afin de
pouvoir réaliser en interne des études ponctuelles sur ses projets d’aménagement. Il s’appuie également
sur d’autres acteurs locaux compétents en hydraulique. Ainsi, EDF est invité au comité de pilotage de la
cartographie des TRI afin de donner son avis sur la méthodologie, notamment sur les lois d’extrapolation
nécessaires lorsque les mesures de débit et de hauteur d’eau ne sont pas disponibles sur un temps
suffisamment long.
46
II.Les processus de développement et de diffusion des outils de modélisation hydraulique
d)
Cetmef : un positionnement à l’interface entre recherche et opérationnel
Le Cetmef, au sein du RST, adopte aujourd’hui plusieurs postures différentes.
i.
Recherche et développement
Au sein du consortium de la chaîne Telemac-Mascaret, le Cetmef contribue au développement des
logiciels à hauteur de deux ETP par an. Par ailleurs, il mène des projets de recherche, dont certains
conjointement avec le LNHE par le biais du laboratoire d’hydraulique Saint-Venant, dans lequel le
Cetmef investit quatre agents. D’autres projets de recherche sont menés au sein du LGCE, sur la
morphodynamique côtière (sept agents Cetmef) ; au LHN, sur l’hydraulique maritime et fluviale (deux
agents) et au laboratoire ANGE, commun entre le Cetmef, l’INRIA et l’université Pierre et Marie Curie,
dans les domaines des écoulements géophysiques (deux agents).
ii.
Etudes pour le compte de ses partenaires et de l’État
Le Cetmef réalise des études pour le compte des établissements publics avec lesquels il a signé
des conventions, à savoir VNF et quelques grands ports maritimes (voir partie 3), notamment de
courantologie et de trajectographie pour la sécurité de la navigation et l’impact des ouvrages.
Mais il réalise de plus en plus d’études dans le domaine des risques naturels et de
l’environnement. C’est ainsi qu’il réalise également ponctuellement des études pour le compte de l’État,
en appui au SCHAPI par exemple. Par ailleurs, il réalise des missions plus atypiques, comme le cas de la
modélisation morphodynamique du Mont Saint-Michel (voir chapitre I), au service du syndicat mixte
local, qui constitue la contribution de l’État à la préservation du site inscrit au Patrimoine de l’Unesco.
iii.
Assistance à maîtrise d’ouvrage auprès des services de l’État
Le Cetmef prend également parfois une posture d’assistance à maîtrise d’ouvrage pour le compte
des services de l’État. Il les accompagne ainsi dans l’élaboration du CCTP et l’audition des prestataires,
participe aux réunions d’avancement du projet pour conforter des éléments de méthodologie, apporte son
analyse critique du rapport d’étude provisoire et enfin, participe à la valorisation et la diffusion des
résultats de l’étude. Il s’agit parfois aussi d’avis informels, sur l’opportunité d’une étude ou ses résultats.
iv.
Expertise en cas de contentieux
L'expertise de Patrick Chassé, chef de la mission «Expertise» au Cetmef, a été sollicitée pour la
réalisation d'une modélisation hydraulique des débordements sur les terres, dans le cadre de l’instruction
du procès de la Faute-sur-mer. Ce procès, à la suite de la tempête Xynthia, devrait débuter en 2014 et
oppose les familles des victimes aux personnes ayant construit ou autorisé la construction des maisons en
zone à risque.
v.
Pilotage des CETE et formation
Par le biais du titre IX, le Cetmef peut sous-traiter une partie de ses activités aux CETE. Il est
ainsi l’interlocuteur privilégié de l’administration centrale, qui lui adresse ses demandes, tout comme les
CETE sont les interlocuteurs privilégié des services déconcentrés.
Le Cetmef a également un rôle d’animation du réseau des CETE, à travers les sessions de
formation dans lesquelles il intervient et l’animation du club «Modélisation hydraulique» regroupant des
utilisateurs de Mascaret et Telemac, qu'il réalise avec le CETE Méditerranée depuis 2012 et qui remplace
le club «Cours d’eau et environnement» créé en 1998.
47
Partie 2 : Enjeux de la modélisation hydraulique et positionnement du Cetmef
vi.
Gestion de base de données et production méthodologique
Le Cetmef gère la base de données CANDHIS des mesures de houle (voir chapitre I), développe
des atlas des vagues avec le LNHE, et produit des guides méthodologiques à destination des services de
l’État, des collectivités locales et des bureaux d’études. A titre d’exemple, l’étude Vulnérabilité du
territoire national aux risques littoraux, qui a été publiée en décembre 2009 et en 2012 avec le CETE
Méditerranée et le CETE de l’Ouest, fait la synthèse des connaissances actuelles sur les risques littoraux.
La répartition des ressources du Cetmef sur l’une ou l’autre de ces activités ou postures est
difficile, puisque la plupart des agents en adoptent plusieurs. Globalement, hors laboratoires de recherche,
le Cetmef compte une dizaine de personnes ayant des compétences en modélisation hydraulique.
Les compétences en hydraulique en France sont à la fois nombreuses et inégalement réparties sur
le territoire. Les services déconcentrés de l’État, les établissements publics comme VNF et les grands
ports maritimes et les collectivités territoriales sont les principaux commanditaires d’études hydrauliques
dans le domaine de la prévention des risques naturels, de la préservation des milieux aquatiques et de la
sécurité de la navigation, auxquels s’ajoutent les aménageurs privés soumis à l’obligation de réaliser des
études d’impact. Les services de l’État s'appuient sur les compétences du réseau scientifique et technique
(RST), et principalement des CETE, mais les ressources de ces derniers diminuant, de plus en plus sur les
bureaux d’études privés. C’est le cas également des collectivités locales, qui du fait de leur statut ne
peuvent pas faire appel directement au RST. Les établissements de recherche du RST, comme l’Irstea, le
BRGM ou l’Ifsttar, mènent des activités de recherche en partenariat avec des universités, tout en
transmettant un certain nombre de savoirs aux services principalement opérationnels que sont les CETE.
Le Cetmef, au milieu de ces acteurs, s’est positionné comme un organisme hybride entre la recherche et
l’opérationnel. Cela le conduit à mener des activités de recherche, des études innovantes pour le compte
de maîtres d’ouvrage publics, des expertises auprès de l’administration centrale et enfin des activités
d’animation de réseau auprès des autres services de l’État.
Le chapitre suivant vise à apporter des éléments d’évaluation de l’efficacité de ce positionnement,
d’une part par le biais de la satisfaction des services de l’État et des bureaux d’études vis-à-vis des outils
que le Cetmef diffuse, et d’autre part, par le biais des besoins exprimés par les directions générales de
l’administration centrale qui assurent la tutelle du Cetmef. Enfin, d’autres exemples de positionnement de
la part des homologues du Cetmef seront présentés.
III. Les besoins exprimés des utilisateurs et de
l’administration centrale
A)
1
Besoins des utilisateurs et facteurs de choix des outils
Des utilisateurs aux besoins différents
Il existe différents types d’utilisateurs de modèles hydrauliques, qui ont des besoins différents en
termes de fonctionnalités des outils : les développeurs et les utilisateurs finaux.
Les développeurs – qui se trouvent dans les laboratoires de recherche principalement, mais aussi
au sein du Cetmef et dans quelques CETE – veulent pouvoir accéder au code, afin d’adapter l’outil de
calcul à leurs cas d’études. Ils développent également des routines, petits programmes personnels leur
permettant de traiter plus facilement leurs données d’entrée (pré-traitement) ou les résultats du modèle
(post-traitement). Ils apprécient donc le statut libre de Telemac et la qualité de son noyau de calcul.
48
III.Les besoins exprimés des utilisateurs et de l’administration centrale
Les utilisateurs finaux, eux, n’ont souvent pas le temps ou les compétences en programmation
nécessaires pour ajouter des lignes de calcul aux logiciels, programmés en Fortran et en Python. Ils
cherchent alors à avoir une interface la plus ergonomique possible, leur permettant de prendre en main de
manière intuitive le logiciel, et construire le plus vite possible leur modèle. Les utilisateurs finaux sont
présents dans les CETE, au Cetmef, dans les bureaux d’études et les collectivités locales. Ils réalisent
souvent des activités de modélisation dont la méthodologie est bien établie, en routine. Ceux-là sont
beaucoup plus réceptifs aux qualités des logiciels concurrents, Mike et Infoworks, et reprochent à
Telemac son manque d’interface et sa complexité d’utilisation.
2
Fonctionnalités techniques
a)
Comparaison logiciels 1D : Mascaret et HEC-RAS
Les utilisateurs finaux de logiciels 1D, dans les CETE et les bureaux d’études, ont souligné la
facilité d’utilisation de HEC-RAS. Il a ainsi plusieurs avantages.
•
Tout d’abord, il est gratuit, possède un site internet avec de la documentation (en anglais), même
si aucun contrat d’assistance n’est possible.
•
Ensuite, il contient de nombreuses abaques, permettant d’intégrer des ouvrages (buses, seuils,
ponts) dans le modèle selon une description géométrique et calculer les pertes de charge
correspondantes. Par ailleurs, il représente bien les confluences et la répartition des débits. Mascaret,
de son côté, nécessite d’entrer à la main des abaques.
•
Enfin, il est très bien couplé avec ArcGIS, le logiciel de cartographie. On peut ainsi localiser les
profils en travers, les extraire à partir d’un modèle numérique de terrain et représenter l’enveloppe
des zones inondables de manière presque instantanée, grâce à deux extensions payantes (10 000
euros) de ArcGIS, 3D Analyst et Spatial Analyst. Le logiciel QGIS, qui gère les mêmes formats de
fichier que ArcGIS, n’est pas encore couplé à HEC-RAS. Avec Mascaret, on peut entrer les profils
en travers à partir de Fudaa-Prepro (voir point suivant).
Certains défauts émergent cependant.
•
Ainsi, du fait qu’il n’est pas libre, HEC-RAS reste une boîte noire. On ne peut pas avoir une
confiance absolue en ses résultats, car il en donne toujours, même quand le régime passe de fluvial à
torrentiel, ce que le logiciel ne sait pas traiter normalement.
•
Ensuite, Mascaret est plus puissant sur certains points : il représente mieux les pertes de charge sur
les écoulements de débordement vers le lit majeur et permet de simuler des ruptures d’ouvrage du
fait de son module transcritique.
•
Enfin, HEC-RAS ne peut pas être utilisé en prévision des crues, car il n’est pas adapté au calcul en
temps réel.
Par ailleurs, Mascaret ne permet pas de simuler la régulation d’ouvrages, à l’inverse de Carima, le
logiciel 1D développé par Artelia, qui n’est plus maintenu.
D’autre part, Mascaret comme HEC-RAS ne permettent pas de faire évoluer les profils dans le
temps pour simuler les phénomènes d’érosion et de transport sédimentaire. Cela nécessite sous Mascaret
l’emploi de logiciels de calcul. L’évolution des fonds est prise en compte dans le logiciel HEC-6T 27, de la
firme américaine Mobile Boundary Hydraulics, qui est utilisé au BAW pour simuler les phénomènes
27 http://www.mbh2o.com/hec6t.html
49
Partie 2 : Enjeux de la modélisation hydraulique et positionnement du Cetmef
d’érosion sur de longs linéaires, ainsi que dans le modèle RubarBE de l’Irstea.
Certaines personnes ont testé Mascaret il y a plusieurs années, et ne sont donc pas toujours au
courant des améliorations qui ont pu avoir été faites depuis. Cela montre la nécessité de toujours
communiquer sur les nouveaux développements.
b)
i.
Comparaison logiciels 2D : Telemac, Mike et Infoworks
Les logiciels de pré- et post-traitement
La particularité des logiciels commerciaux est le fait que les différentes étapes de la modélisation
soient intégrées dans un même logiciel. Ainsi le pré-traitement, qui consiste à rassembler et mettre en
forme les données d’entrée et à construire le maillage, et le post-traitement, qui permet la mise en forme
et la visualisation des résultats, est intégré dans la même interface que le noyau de calcul. Mike a ainsi un
lien avec le SIG à travers un module spécifique de ArcGIS. Dans la chaîne Telemac, de nombreux outils
sont utilisés pour réaliser ces étapes.
Le maillage est une des étapes les plus longues de la construction du modèle 2D, et sa qualité
détermine celle du modèle.
Le LNHE a beaucoup investi dans le développement d’outils pré- et post-traitement. MATISSE
permet de créer différents fichiers utilisés pour les calculs de la chaîne Telemac : le maillage ainsi que la
bathymétrie en chaque point du maillage, ou les conditions aux limites. RUBENS permet de visualiser les
résultats du calcul, comme les vecteurs vitesse ou la bathymétrie. Les fichiers exécutables de ces deux
programmes sont encore disponibles, mais ils ne sont plus maintenus, le LNHE ayant considéré que ce
n’était pas son coeur de métier.
L’objectif aujourd’hui est d’être ouvert, de fonctionner avec toutes les interfaces. Aujourd’hui
sont utilisés pour construire le maillage : Janet, de l’entreprise allemande Smile Consult ; Blue Kenue28,
développé par le National Research Council du Canada, qui permet également de visualiser les résultats ;
ou Fudaa Modeleur, qui est en cours de développement au LNHE.
Pour le post-traitement peuvent être utilisés des logiciels de visualisation et d’analyse des
résultats d’une modélisation comme Paraview29, un logiciel libre américain, Tecplot qui est payant,
développé et distribué par la société américaine TecPlot, Inc. ou encore le logiciel Surfer, qui est lui aussi
payant et développé par la société Golden Software.
Enfin, le logiciel de pré- et de post-traitement Fudaa-Prepro a été développé par le Cetmef et est
compatbile à la fois avec Telemac et Rubar, de l’Irstea. Il ne permet pas de mailler, seulement d’imposer
des conditions limites.
Un inconvénient d’Infoworks est que le maillage est généré à partir du MNT ; en cas d’erreur
identifiée sur la topographie, il faut revenir sur le MNT et le modifier, plutôt que de ne corriger que le
maillage. Ce problème a été soulevé auprès du développeur. De même les outils cartographiques de Mike
s’améliorent progressivement. Par exemple, un utilisateur a diffusé un outil permettant de vectoriser de
manière automatique les parcelles d’un plan cadastral.
ii.
Couplage 1D-2D et réseaux urbains
On peut également coupler des modèles 1D, utilisés pour représenter les écoulements dans le lit
mineur, avec des modèles 2D qui représenteront les écoulements dans le lit majeur, en cas de
28 http://www.nrc-cnrc.gc.ca/eng/solutions/advisory/blue_kenue_index.html
29 http://www.paraview.org/paraview/project/about.html
50
III.Les besoins exprimés des utilisateurs et de l’administration centrale
débordement. Le couplage peut également être longitudinal, avec des tronçons de rivière modélisés en
1D, et quelques sites plus complexes, le long du cours d’eau, modélisés en 2D. Le calcul ayant tendance à
s’alourdir lorsqu’on passe à une dimension supplémentaire, cette astuce permet de bénéficier de la
précision du 2D sans allonger inutilement les temps de calcul ; c’est un réel besoin pour les études. Les
logiciels Mike et Infoworks permettent très facilement de coupler les logiciels 1D et 2D de manière
transversale. Néanmoins le couplage longitudinal est moins efficace, et entraîne des zones de transition
non réalistes ; les ouvrages qu’on ne peut représenter en 2D sont alors modélisés de manière implicite par
une loi hydraulique. Artelia et le LNHE travaille sur le couplage 1D-2D sur Telemac.
Le couplage avec un module d’hydraulique urbaine, possible sur Mike et Infoworks, permet le
déversement de l’eau quand le réseau est saturé, et à l’inverse l’avalement des écoulements dans le réseau
; c’est très utile pour l’étude du risque inondation en milieu urbain. Telemac est instable en cas
d’irrégularité topographique fine et brutale (par exemple, en milieu urbain, ou sur des bassins à parois
verticales). De même, une lame d’eau très faible sur tout un maillage est difficile à gérer. Sur Mike, on
applique la pluie, qui vient se disposer par ruissellement sur le MNT.
Les critères de choix des logiciels pour des usages opérationnels sont donc le confort
d’utilisation, fortement lié à l’ergonomie de l’interface et le couplage des différents modules et la rapidité
d’exécution, qui nécessite d’utiliser les outils adaptés à la complexité du cas d’étude.
Il semble donc que la chaîne Telemac-Mascaret ait des réelles faiblesses du point de vue des
usages opérationnels. Sa gratuiteté ne compense pas les coûts de formation nécessaires pour pouvoir
manipuler des outils aussi complexes.
c)
Et du point de vue de la recherche...
Il existe des querelles scientifiques autour des modèles à développer pour l’avenir. Certains
modélisateurs pensent que l’avenir est au 3D, au vu de l’augmentation de la puissance de calcul des
ordinateurs, ces logiciels ayant à émettre moins d’hypothèses discutables de simplication de la réalité ;
d’autres continuent à développer des outils basés sur des équations aux champs de validité plus restreints.
Plus globalement, deux logiques s’affrontent : celle de vouloir limiter l’effort de conceptualisation en
amont de la modélisation, et de se reposer sur la puissance de calcul du logiciel, et celle de valoriser
l’expertise de l’hydraulicien qui émet des hypothèses de simplification en fonction du contexte étudié.
Des débats existent aussi sur les méthodes de discrétisation et les maillages à utiliser.
Par ailleurs, une piste d’avenir pour la recherche sont les outils SPH (Smoothed-particle
hydrodynamics) qui, basés sur une méthode Lagrangienne de calcul des équations de Navier-Stokes, ont
pour principe d’assimiler le fluide à un grand nombre de particules en interaction. Ces codes, comme le
logiciel Spartacus développé par le LNHE, demandent une très grande puissance de calcul, mais
permettent de modéliser des écoulements complexes, rapides et turbulents.
3
Autres facteurs de choix des outils : modalités de diffusion et habitudes
individuelles
Globalement, que ce soit dans la recherche ou dans un bureau d’études, l’historique d’utilisation
d’un logiciel a un poids important sur son utilisation actuelle, en raison de l’investissement qui est
nécessaire pour changer de logiciel.
Un des arguments qui peut faire changer de logiciel un service opérationnel est son prix ; le
passage en libre de Telemac a ainsi poussé un certain nombre d’utilisateurs, sinon à l’adopter, tout du
moins à le tester. Néanmoins, l’assurance d’avoir une assistance réactive ainsi qu’une maintenance
51
Partie 2 : Enjeux de la modélisation hydraulique et positionnement du Cetmef
pérenne est également un facteur important de choix. Un logiciel libre peut permettre de fédérer une
communauté d’utilisateurs et surtout de développeurs, néanmoins les grandes entreprises privées peuvent
se permettre de faire payer leurs logiciels car ils ont beaucoup de ressources pour le développement et
l’assistance.
Au niveau des services de l’État, même si cela peut évoluer doucement, la barrière de la langue
est parfois encore rébarbative, sans être rédhibitoire. Or le site et le forum de Telemac sont en anglais ;
c’est le cas également des manuels de HEC-RAS ou Mike.
Au sein des bureaux d’études enfin, l’objectif est de pouvoir répondre à un maximum d’appels
d’offres, or les commanditaires cherchent aujourd’hui à imposer l’utilisation d’un outil dans les cahiers
des charges, afin de pouvoir réutiliser une ancienne étude ou construire un modèle cohérent à une échelle
plus globale ; ils peuvent ainsi imposer un format de fichier ou même un logiciel s’ils s’engagent à en
fournir une licence au prestataire. Les bureaux d’études cherchent donc à disposer de plusieurs outils
différents.
La fragilité des ressources de développement de certains outils posent également question quant
aux stratégies d’acquisition des logiciels. Doit-on utiliser le maximum d’outils possibles, afin de réduire
sa dépendance vis-à-vis d’un outil particulier et parer à la disparition de ceux dont le développement
cesserait ? Doit-on au contraire fédérer les ressources de développement sur un seul outil, afin de le
pérenniser ? Doit-on utiliser un outil privé, et donc être dépendant d’une entreprise extérieure, qui
présente l’avantage de disposer de ressources de développement ? Ces questions seront reprises dans la
partie 3. Intéressons-nous tout d’abord aux attentes émergeant des tutelles du Cetmef, avant d’analyser
d’autres stratégies existantes.
B)
Attentes de l’administration centrale
1
Dans le domaine de la navigation
Le bureau du transport fluvial, au sein de la direction des services de transport de la DGITM, est
en charge de l’élaboration de la réglementation relative au transport fluvial, dans les domaines suivants :
–
Sécurité du transport fluvial : le bureau élabore les règles de la police de la navigation, les normes
de construction des bateaux et les règles de conduite.
–
Régulation économique du marché du transport fluvial : le bureau définit les règles définissant les
obligations des différentes parties – transporteurs, chargeurs, courtiers.
–
Systèmes d’information fluviaux : un règlement impose des dispositions techniques pour
l’identification et la visualisation des bateaux.
En particulier, le règlement général de police de la navigation intérieure, adopté en 197330, a été
abrogé en 201331 dans le cadre de la modification récente du code des transports. Cela rendra caduque dès
octobre 2014 les règlements particuliers de police qui s’appliquent localement (voir chapitre I). Des
études techniques sont nécessaires dès aujourd’hui afin de réécrire ces réglements, pour le compte de
VNF ou des services déconcentrés de l’État. Il est donc important de conserver des compétences en
trajectographie au sein d’une organisation comme le Cetmef, capable de fournir une expertise
indépendante et reconnue, notamment auprès des préfets signataires des réglements, dans le domaine
régalien de la sécurité de la navigation.
30 Décret n° 73-912 du 21 septembre 1973 portant Règlement Général de Police de la navigation intérieure
31 Décret n°2013-253 du 25 mars 2013
52
III.Les besoins exprimés des utilisateurs et de l’administration centrale
Les compétences du Cetmef sont également utiles à l’administration pour apporter une expertise
lors de contentieux opposant l’État ou VNF à une collectivité territoriale. C’est le cas par exemple sur des
affaissements de berges qui ont été attribués à la navigation fluviale, donc à VNF, par la commune
riveraine. Des études hydrauliques peuvent permettre d’étudier le réel impact qu’a la navigation sur les
berges.
2
Dans le domaine des risques naturels
Enfin, dans le domaine des risques naturels, la DGPR est la commanditaire d’études de la part du
Cetmef et des CETE. Du point de vue de la DGPR, le Cetmef a deux compétences précieuses : son
expertise technique reconnue et sa compétence en pédagogie et en animation. Il a ainsi trois missions : la
construction de méthodologie, la conduite d’expertise – notamment dans le cadre de contentieux opposant
l’État aux collectivités territoriales – et l’accompagnement des services à la mise en oeuvre des
méthodologies, par exemple par l’animation du club littoral, qui réunit les services de l’État à l’échelle
des façades maritimes. Dans le domaine des risques d’inondation, la DGPR a plusieurs interlocuteurs au
sein du RST : l'Irstea, le BRGM, le Cetmef et le PCI «Inondations et aléas côtiers».
La maintien des compétences en hydraulique fluviale, maritime et littorale est donc nécessaire du
point de vue de l’administration centrale, afin d’apporter une expertise scientifique et technique reconnue
et indépendante face aux établissements publics et collectivités territoriales, et de constituer une tête de
réseau pour l’ensemble des CETE.
Quelle forme prend ces missions chez les homologues du Cetmef ? Nous nous pencherons sur le
cas du Certu, qui en plus d’avoir un statut identique au Cetmef et un avenir au sein du Cerema, travaille
sur un domaine proche, l’hydraulique urbaine. Ensuite, nous étudierons le cas de deux homologues
européens du Cetmef, travaillant sur les mêmes thématiques.
C)
1
Autres politiques de développement et de diffusion
Le CERTU et l’hydraulique urbaine
Un autre service technique central dispose de compétences en modélisation hydraulique, mais
dans le domaine de la gestion de l’eau en milieu urbain. Le Certu, future direction Territoires et ville du
Cerema, a ainsi développé avec le CETE de l’Est (Rémi WAGNER) deux logiciels, Hydrouti pour
l’hydrologie urbaine et Papyrus pour l’hydraulique urbaine. Le logiciel Papyrus était utilisé par plusieurs
CETE pour le dimensionnement de nouveaux ouvrages et le diagnostic d’ouvrages existants
d’hydraulique urbaine – réseaux de collecte des eaux pluviales et des eaux usées, déversoirs d’orage ou
bassin de retenue des eaux pluviales. Aujourd’hui, cette compétence est revenue aux collectivités locales,
communes et intercommunalités. Le logiciel n’est plus développé depuis environ trois ans. Néanmoins, il
est toujours diffusé, de manière payante, et Rémi WAGNER se charge encore de l’assistance et de la
formation des utilisateurs et des nouveaux acheteurs. Aujourd’hui, 180 licences de Papyrus et environ 600
de Hydrouti ont été vendues.
Un nouveau PCI, «Cité Eau», a d’ailleurs été créé le 27 février 2013 à l’initiative du CETE de
l’Est et du CETE Ile-de-France, dans le domaine de la gestion urbaine de l’eau ; il est sous tutelle de la
direction de l’eau et de la biodiversité (DEB).
53
Partie 2 : Enjeux de la modélisation hydraulique et positionnement du Cetmef
2
Un homogue étranger : le cas du BAW en Allemagne
Le ministère fédéral allemand du transport, de la construction et de la ville s’est doté de deux
grands services techniques, l’institut fédéral pour les ouvrages hydrauliques, BAW (Bundesanstalt für
Wasserbau) et l’institut fédéral d’hydrologie, BfG (Bundesanstalt für Gewässerkunde)32. Le BAW vient
en appui au ministère et à l’administration fédérale de l’eau et de la navigation (Wasser- und
Schifffahrtsverwaltung des Bundes, WSV), qui gère la façade maritime allemande et 7.350 km de voies
navigables, principalement l’Elbe, le Rhin et le Danube.
Le BAW est divisé en quatre départements – génie civil, géotechnique, ingénierie hydraulique
côtière, basé à Hambourg, et ingénierie hydraulique fluviale, à Karlsruhe.
a)
Des missions orientées vers les voies navigables
Le département d’hydraulique fluviale répond aux sollicitations de la WSV sur des questions
d’exploitation des biefs, de maintenance des écluses, d’impact de nouveaux ouvrages sur la sécurité de la
navigation ou encore de gestion de l’érosion. Un des thèmes actuellement étudié est le retour
d’expérience sur l’accident du TMS Waldhof du 12 janvier 2011, qui avait causé la fermeture du Rhin à la
navigation pendant deux mois. Une autre étude concerne la construction de nombreuses écluses en un
temps restreint, sur la rivière Neckar.
Le BAW ne traite pas de la gestion des risques d’inondation, qui n’est pas du ressort du ministère
fédéral, mais des Länder. Le BAW répond parfois aux sollicitations des Länder, sur des questions de
digues par exemple, mais dans le cadre d’un contrat rémunéré.
Par ailleurs, le BAW ne réalise aucune étude socio-économique des ouvrages de navigation. La
décision de construire est prise en amont ; le BAW se positionne uniquement sur la manière dont les
ouvrages doivent être construits. Ce n’est donc pas le BAW qui mène des études de trafic ou de
simulation d’exploitation des voies navigables. Ces études sont éventuellement réalisées à l’intérieur du
ministère, de la WSV ou d’un autre service technique.
Le BAW répond donc à des questions d’ingénierie innovantes et complexes, auxquelles un bureau
d’études privé ne pourrait pas répondre. Le BAW est également sollicité parfois pour donner son avis sur
des études réalisées par des bureaux d’études. Enfin, le BAW offre parfois son expertise sur des projets
d’envergure internationale, comme le canal de Panama ou le barrage des Trois Gorges.
Outre ses activités d’ingénierie, le BAW a augmenté ces dernières années sa contribution à la
recherche appliquée. Il a développé des liens étroits avec plusieurs universités et accueille une dizaine de
doctorants. Son conseil scientifique est composé de représentants des différentes disciplines couvertes par
le BAW, ainsi que des administrations de tutelle de l’organisme ; ils orientent les activités du BAW.
Enfin, le BAW est également investit dans la production méthodologique. D’une part, des
méthodes de modélisation numérique sont construites et diffusées en interne. D’autre part, le BAW
contribue à des groupes de travail de l’association DWA (Deutsche Vereinigung für Wasserwirtschaft,
Abwasser und Abfall), qui réunit les entreprises et universités dans le domaine de l’eau, des sols et des
déchets. Cette association publie régulièrement des guides techniques de référence sur ces sujets.
32 http://www.baw.de/de/die_baw/index.html
54
III.Les besoins exprimés des utilisateurs et de l’administration centrale
b)
Outils de modélisation hydraulique
Le département de l’ingénierie hydraulique fluviale utilise les outils de modélisation hydraulique
à surface libre Telemac et Untrim33, qui résout les équations de Reynolds en utilisant la méthode de calcul
aux différences ou volumes finis avec un maillage orthogonal irrégulier. Le code peut être couplé à un
module morphodynamique et un module spectral de houle. Il a été développé par le professeur Casulli, de
l’université de Trento en Italie. Une convention de partenariat a été établie avec le BAW qui, en échange
de l’utilisation gratuite du logiciel, s’est engagé à le développer. Le BAW a ainsi créé des modules
permettant notamment d’inclure des conditions aux limites, de manière à rendre l’outil opérationnel pour
ses propres besoins. Pr Casulli a passé des conventions avec quelques autres institutions dans le monde,
mais globalement son logiciel est encore peu connu. Le département utilise également de nombreux
logiciels de modélisation 1D, en particulier HEC-6T, ainsi que des modèles de fonctionnement d’écluse,
de simulation du comportement d’un bateau, ou encore des logiciels de mécanique des fluides
(OpenFOAM34, STAR-CCM+).
Un des critères de choix d’un logiciel est le fait de pouvoir entrer dans le code afin de l’adapter
aux problèmes particuliers traités par le BAW.
L’avantage du code Telemac est son ancienneté, qui fait qu’il a été testé sur de nombreux cas, la
plupart des problèmes ayant déjà été détectés et résolus. Il n’y a plus à valider ses résultats avec d’autres
logiciels. C’est un argument important, car dans le cadre de certains projets politiquement sensibles, le
BAW peut être amené à valider ses simulations avec des modèles internationalement reconnus, comme
Delft 3D. Plus globalement, le BAW valide souvent les résultats de ses simulations numériques sur des
modèles physiques.
Le département utilise des modèles 1D pour des simulations à long terme (environ 200 ans)
menées sur de longs linéaires (environ 200km ou plus), portant sur l’érosion des rivières. Les logiciels 3D
sont davantage utilisés dans le département d’ingénierie hydraulique côtière, pour la modélisation des
estuaires notamment.
c)
Ressources
Aujourd’hui, le département d’ingénierie hydraulique fluviale compte environ 80 personnes, dont
plus de la moitié utilisent des outils de modélisation numérique. Le nombre de développeurs est plus
restreint, moins d’une dizaine. Ce nombre est stable depuis une dizaine d’années, mais on observe une
transition dans les utilisateurs du 1D vers le 2D et le 3D.
Le BAW n’a pas vocation à diffuser les logiciels. Par ailleurs, en tant qu’agence fédérale, il
dépend uniquement des ressources de l’État allemand.
Ainsi, le service technique central allemand chargé des voies navigables et du domaine maritime
concentre un nombre beaucoup plus important de ressources, dédiées au thème plus restreint des ouvrages
hydrauliques. Il est intéressant de voir que dans deux pays soumis aux mêmes réglementations
européennes relatives à l’ingénierie publique, les stratégies de développement de compétences publiques
ne sont pas les mêmes. Non seulement la place donnée à l’ingénierie privée est beaucoup plus faible, mais
les compétences publiques sont concentrées à une échelle nationale, dans un pays pourtant fédéral.
33 http://www.baw.de/methoden/index.php5/UNTRIM
34 Logiciel libre développé par OpenCFD Ltd, de ESI group et distribué par la Fondation OpenFOAM. Le
développement, la maintenance et la diffusion du logiciel est financé par la vente de contrats d’assistance payants.
55
Partie 2 : Enjeux de la modélisation hydraulique et positionnement du Cetmef
3
Le papillon hollandais
L’établissement WL Delft Hydraulics, fondé en 1927, tenait un rôle central dans le secteur de
l’hydraulique. Il avait pour mission de réaliser un pont entre la recherche fondamentale et l’opérationnel,
en convertissant les modèles de la recherche en outils utilisables par les bureaux d’études. Il coopérait
ainsi à la fois avec les universités, en animant un réseau dédié à l’hydraulique fluviale et un à
l’hydraulique maritime, et avec les société d’ingénierie. Ce fonctionnement à l’interface entre recherche
et ingénierie a été jugé idéal en 2006 par le rapport de suivi de la convention EDF – Cetmef rédigé par le
CGAAER et le CGPC (Loudière et Pierron, 2006).
Depuis, l’établissement s’est encore élargi, en fusionnant en janvier 2008 avec GeoDelft, l’institut
équivalent dans le domaine du sol, une partie de TNO, dans le domaine des eaux souterraines, ainsi que
deux départements de recherche publique dans le domaine maritime et fluvial, pour créer Deltares, qui
garde les mêmes missions et statut que Delft Hydraulics. En janvier 2011, le modèle phare de Deltares,
Delft3D, devient libre. Il est téléchargeable gratuitement, tandis que des contrats d’assistance sont vendus.
Nous n’avons pas pu aller plus loin, faute de temps, dans l’analyse des stratégies de l’institut.
Certains homologues du Cetmef semblent ainsi avoir adopté une posture similaire, à l’interface
entre études, expertise et recherche, à la différence que les organismes étrangers semblent disposer,
historiquement, de ressources plus importantes. En France, la nationalisation des entreprises d’électricité
au lendemain de la seconde guerre mondiale, qui a entraîné la création de l’entreprise publique EDF, était
un cas unique en Europe. Alors que le thème moteur de la modélisation hydraulique était la sécurité et
l’efficience de la production électrique, il était en Allemagne la navigation, et aux Pays-Bas la prévention
des risques naturels dans les deltas35.
Conclusion partielle de la partie 2
Le Cetmef est aujourd’hui confronté à des besoins importants d’expertise en hydraulique, aussi
bien dans les domaines dans lesquels des compétences toujours plus importantes sont transférées aux
collectivités territoriales et aux établissements publics – aménagement du territoire, construction
d’ouvrages ; que dans les domaines qui restent de la compétence de l’État – sécurité de la navigation,
risques naturels. Pour l’ensemble de ces thématiques, n’ayant pas les ressources internes suffisantes, le
Cetmef joue le rôle de tête de réseau auprès des CETE, qui réalisent un grand nombre d’études
d’ingénierie et de recherche.
Par ailleurs, le Cetmef contribue au développement et diffuse aux services de l’État les outils de
la chaîne Telemac-Mascaret, en partenariat avec EDF et ses partenaires européens. Ces outils qui sont
aujourd’hui libres, semblent une opportunité pour les services de l’État, dont les ressources budgétaires
sont diminuées d’année en année. Néanmoins, ces outils sont développés par des chercheurs, et
nécessitent pour leur utilisation des compétences solides en hydraulique, mais également en
programmation. Or ces compétences, dans le contexte français de forte dispersion des missions relatives à
l’hydraulique, semblent difficiles à acquérir. D’autant plus que l’utilisation de modèles de plus en plus
complexes peut créer un fossé avec les décideurs publics qui utilisent à terme leurs résultats. Le rôle du
Cetmef, à l’interface entre recherche et ingénierie, semble alors à la fois plus nécessaire et plus difficile à
tenir pour éviter cet effet «boîte noire».
35 http://www.deltares.nl/en/about-deltares
56
Partie 3 : Vers une redéfinition des stratégies de production des outils du Cetmef
Partie 3 : Vers une redéfinition des stratégies de
production des outils du Cetmef
Les deux domaines d’activités étudiés soulèvent des problématiques différentes. La simulation
d’exploitation appelle au maintien d’un outil encore assez confidentiel et anecdotique en termes d’usages
actuels et potentiels, mais dont l’importance est reconnue par les gestionnaires des ports et des voies
navigables, et par leurs tutelles. Le bilan des ressources aujourd’hui consacrées à ce logiciel impose une
redéfinition des stratégies de développement et de diffusion. Or cela nécessite d’opérer des choix pour
chacune des étapes du processus – développement, diffusion, utilisation – qui sont inextricablement liées
(Figure 4). De l’autre côté, la modélisation hydraulique est un domaine foisonnant d’outils, d’usages et
d’acteurs concernés. Le Cetmef y tient une place particulière, à l’interface entre recherche et opérationnel,
et semble ainsi condamné à concilier des postures tout à fait différentes, parmi une diversité d’acteurs de
part et d’autre.
Développement
- en interne
- en partenariat
- externalisé
Diffusion
statut du logiciel
formation
assistance
maintenance
Utilisation
- en interne
- au sein du Cerema
- par les décideurs
- par des bureaux
d’études
Contrat
conventions
appels d’offres
Décision
- État
- établissements publics
- collectivités locales
Figure 4: Schéma des étapes de la production d'un logiciel d’aide à la décision et choix possibles
Ces deux thématiques révèlent la complexité des facteurs à prendre en compte pour définir des
stratégies de développement et de diffusion d’outils d’aide à la décision publique. Cette définition
nécessite avant tout de définir des objectifs auxquels doivent répondre les mesures de développement des
outils.
Le Cetmef s’est fixé des objectifs lors de l’établissement de sa vision stratégique pour 2020,
intitulée CAP 2020, néanmoins, un seul concerne le développement des outils :
« Catalyser la recherche et l’innovation au bénéfice du maritime et du fluvial : Développer un
véritable continuum recherche, méthodologie, outils et applications au profit de la communauté
maritime, côtière, portuaire et fluviale. » (Cetmef, 2010)
Cet objectif a ensuite été précisé dans le contrat de progrès 2012-2013 :
« Organiser et valoriser la Recherche & le Développement à travers la production de guides,
notices, logiciels et innovations à destination des opérateurs publics et privés » (Cetmef, 2011)
On identifie ainsi une cible : « la communauté maritime, côtière, portuaire et fluviale », et une
activité, la production d’outils et de méthodologies, mais cela ne nous éclaire pas sur les objectifs
stratégiques du Cetmef et la cohérence entre ses différentes missions. Avant d’envisager différentes
stratégies possibles de développement, un retour préalable s’impose donc, d’une part sur l’évolution
historique des missions du Cetmef et de ses liens avec ses partenaires et sur ses perspectives d’évolution
avec la création du Cerema ; d’autre part, sur les attentes actuelles exprimées par ses partenaires.
57
Partie 3 : Vers une redéfinition des stratégies de production des outils du Cetmef
I. Evolution des missions du Cetmef : des statuts qui
changent... et des relations qui subsistent
A)
1
Historique des missions du Cetmef et relations avec ses
commanditaires
Historique du Cetmef
Le Cetmef a été créé en 1998 de la fusion de deux services techniques, le service technique
central des ports maritimes et des voies navigables (STCPMVN) et le service technique de la navigation
maritime et des transmissions de l’équipement (STNMTE). Ses missions actuelles de production d’outils
de modélisation numérique proviennent du STCPMVN, tandis que ses outils de mesure de la houle et de
simulation des manœuvres de navires sont issus du STNMTE.
Le STCPMVN est créé à l’initiative du service de navigation Belgique Paris Est par l’arrêté du 20
mars 1969. Il est alors chargé, comme le Cetmef aujourd’hui, de la production de documents techniques,
de la réalisation d’études générales et de la formulation d’avis sur des problèmes techniques. Il est, de
plus, chargé de réaliser des projets pour le compte des services maritimes et de la navigation. Les liens
entre le STCPMVN et le service local de navigation sont alors très forts : ils sont installés dans les mêmes
locaux à Compiègne, partagent les mêmes ressources de documentation et le service de navigation réalise
des travaux destinés à tester les résultats d’études du STCPMVN. Ce dernier devient autonome à la
disparition du service de navigation, en 1978. Il est organisé en deux entités – une division des voies
navigables et une division des ports maritimes – s’appuyant sur une unité fonctionnelle qui deviendra par
la suite le service de développement des outils informatiques.
Progressivement, le STCPMVN établit des relations avec le monde de la recherche et les bureaux
d’études privés. En raison de sa taille restreinte, le service se positionne ainsi en interface entre la
recherche et les services opérationnels d’exploitation des ports et des voies navigables (Cetmef, 2008).
Le STNMTE, lui, est constitué en 1990 en reprenant les missions du service technique des phares
et balises, créé par un arrêté du 25 avril 1945 : signalisation maritime et fluviale, gestion des réseaux
radio, océanographie et modélisation des mouvements de navires. Il dispose de deux sites à Bonneuil-surMarne et à Brest.
2
a)
i.
Financement et relation avec les bénéficiaires
L’établissement public VNF
Historique
VNF a été créé en 1991 sous un statut d’établissement public industriel et commercial (EPIC)
dans le but de pouvoir mobiliser des fonds pour investir dans la modernisation du réseau, qui avait connu
un sous-investissement important jusque-là. Ses principales ressources sont ainsi la taxe hydraulique, les
payages et les recettes domaniales. Les services de navigation de l’État étaient dans un premier temps mis
à disposition de VNF. En tant que services déconcentrés de l’État, ils faisaient alors très facilement appel
au Cetmef. En tant que service technique central dans le domaine de l’eau, le Cetmef apparaissait comme
une référence dans un grand nombre de domaines – hydraulique, mécanique, électrotechnique, génie civil
ou géotechnique. Disposant d’une capacité de réponse supérieure à aujourd’hui, il prenait en charge la
formation des agents de VNF et diffusait la doctrine en matière d’ouvrages de navigation.
58
I.Evolution des missions du Cetmef : des statuts qui changent... et des relations qui subsistent
La réforme de l’ingénierie publique dans le milieu des années 2000 marque un tournant dans les
missions des services de navigation. La maîtrise d’œuvre des ouvrages est alors externalisée auprès
d’entreprises multi-spécialistes et les moyens humains sont progressivement réduits. Ainsi, alors que les
services de navigation de la Seine disposaient de 1500 agents il y a quinze ans, ils en ont 1000
aujourd’hui.
Ces dernières années ont eu lieu un changement de répartition des missions entre l’État et VNF.
Ainsi, VNF se sépare de la police de l’eau en janvier 2010, et de la police de la navigation en janvier
2012. Le 1er janvier 2013, les services de navigation sont intégrés à VNF dans le cadre de la loi 2012-77
du 24 janvier 2012. VNF prend alors le statut d’établissement public administratif (EPA), ce qui lui
permet de maintenir les agents en position normale d’activité, tout en gardant la pleine gestion de ses
moyens humains et financiers. Ces services ont conservé leurs missions au quotidien, mais ils doivent
aujourd’hui monter des appels d’offres pour bénéficier des prestations des services de l’État comme le
Cetmef, ou élaborer des conventions de partenariat.
La structuration territoriale de VNF ; exemple du bassin de la Seine.
VNF est divisé en sept directions territoriales. La direction territoriale du bassin de la Seine est elle-même
découpée géographiquement en quatre arrondissements : Boucles de la Seine, Picardie, Champagne, et
Seine Amont, qui comportent chacun plusieurs subdivisions. Elle est composée de trois services
fonctionnels : le service technique de la voie d’eau (STV), qui prend en charge le développement de la voie
d’eau et la modernisation des ouvrages, le service gestion de la voie d’eau qui gère l’exploitation des
ouvrages, et le service du développement et des affaires domaniales, qui gère la relation aux ports et le
domaine public fluvial.
Chaque arrondissement dispose d’une agence de développement, sorte de bureau d’études techniques qui
gère des projets de moindre envergure que le STV, comme le remplacement de porte d’écluse.
ii.
Relation actuelle
Une convention de partenariat a été signée en janvier 2012 pour une durée de trois ans. Le Cetmef
s’engage ainsi à assurer la disponibilité de 10,5 équivalents temps plein pour mener à bien un programme
comprenant 47 actions selon un ordre de priorité défini, qui sont de cinq types :
–
production méthodologique,
–
contrôle technique,
–
expertise technique,
–
animation, capitalisation et diffusion de la connaissance – réunions de clubs, groupes de
travail, journées scientifiques et techniques, etc.,
–
recherche, développement et innovation.
Ces actions sont financées indirectement par VNF, à hauteur d’un montant annuel de 400 000
euros au titre du programme Infrastructures et Services de Transport, action 11, dédié à VNF.
La procédure de décision pour l’inscription d’une action dans le programme, est la suivante. Un
chef de service, au sein d’une des directions territoriales de VNF, contacte dans un premier temps de
manière informelle les chefs de département du Cetmef. Si ceux-ci pensent être disponibles, VNF lance
une demande d’action au comité de pilotage, composés de représentants de VNF, du Cetmef et de la
DGITM, qui se réunit tous les deux mois. Celui-ci a pour rôle d’examiner et de prioriser les projets en
fonction des moyens disponibles et des intérêts des deux parties. Chaque mission confiée au Cetmef fait
l’objet d’une fiche de suivi.
Le Cetmef participe également à des jurys de concours de maîtrise d’œuvre, par exemple dans le
cadre d’un projet pour équiper des barrages de dispositifs de sécurité.
59
Partie 3 : Vers une redéfinition des stratégies de production des outils du Cetmef
b)
Les ports maritimes
Afin de renforcer la compétitivité des ports français dans le trafic portuaire européen, marqué par
une augmentation rapide des tonnages transportés et le développement de la conteneurisation, le
gouvernement français s’est lancé dans une série de réformes relatives à la gouvernance des ports. À la
suite de la loi du 13 août 2004, les anciens ports d’intérêt national, dont l’exploitation était déléguée aux
chambres de commerce et d’industrie, ont ainsi été transférés aux régions, départements ou
regroupements de collectivités territoriales au 1er janvier 2007. À titre d’exemple, le port de Sète a été
transféré à la région Languedoc-Roussillon ; ceux de Brest, Lorient et Saint-Malo à la région Bretagne.
L’État a donc gardé sous sa tutelle uniquement les ports autonomes, devenus grands ports maritimes en
20.. – Marseille, Bordeaux, Nantes Saint-Nazaire, La Rochelle, Le Havre et Dunkerque – et les ports
d’outre-mer.
Depuis la décentralisation, le Cetmef n’effectue plus d’études pour le compte des ports d'intérêt
national, qui sont tout de même intégrés aux réseaux animés par le centre. Il a par contre conservé des
relations étroites avec certains grands ports maritimes, tissées à l’occasion de mutations de personnel
essentiellement. Il a ainsi établi avec le port du Havre, le port de Nantes et le port de la Guadeloupe des
conventions de partenariat, ouvrant droit à des prestations sur des dossiers complexes et innovants ainsi
qu’à une production méthodologique. Ces conventions ont été signées avec un nombre restreint de ports,
du fait des moyens humains limités du Cetmef.
La convention avec le port du Havre prévoit, pour un forfait annuel de 100 000 euros et pendant
trois ans, un ensemble de prestations, comme les études de simulation de trafic sur l’écluse François 1er,
les études de courantologie et d’agitation réalisée pour l’accès fluvial à Port 2000, et les études de
trajectographie dans le cadre du projet Emerhod d’aménagement des berges du Grand canal.
Le partenariat avec le port de Nantes Saint-Nazaire repose sur une convention tripartite avec le
CETE de l’Ouest, prévoyant un montant de 60 000 euros pour les deux centres, correspondant à 75 jours
de chargés d’études. Les activités sont réalisées dans le cadre du pôle de compétence et d’innovation
(PCI) « Infrastructures portuaires et maritimes, ouvrages de protection du littoral » (IPMOPL36) piloté par
le Cetmef. Ce PCI réalise entre autres une production méthodologique pour le compte de la DGITM et de
la DGPR.
L’établissement public du port de Guadeloupe, nommé « Guadeloupe Port Caraïbes », a été
institué par le décret n°2012-1103 du 1er octobre 2012. Il est demandeur d’expertise, sur des sujets qui
intéressent beaucoup le Cetmef, comme les séismes et la simulation des rejets de dragage. La convention
a été établie pour un montant de 20 000 euros et inclut notamment une étude de simulation portuaire
prévue pour 2013.
3
Les services de l’État et l’administration centrale
Comme indiqué dans la partie 2, le Cetmef répond à des sollicitations des services de l’État et de
l’administration centrale, que ce soit dans le domaine de la navigation, avec la DGITM, ou de plus en
plus, dans le domaine de la prévention des risques naturels et de l’aménagement du territoire, avec la
DEB et la DGPR.
Le Cetmef est un service à compétence nationale, placé directement sous le ministre chargé des
transports. Il est néanmoins financé par les programmes des différentes directions générales du MEDDE
(Tableau)
36 http://www.cete-ouest.developpement-durable.gouv.fr/presentation-du-pci-ipl-opl-r478.html
60
I.Evolution des missions du Cetmef : des statuts qui changent... et des relations qui subsistent
Tableau 1: programmes finançant le Cetmef
N° Tutelle
Nom du programme
Crédits AE37
(€) 2012
113 DEB
Paysages, eau et biodiversité
25 000
181 DGPR
Prévention des risques
143 740
190 DRI
Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de
l’aménagement durables
60 000
203 DGITM Infrastructures et services de transport
9 874 596
205 DAM
Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture
4 767 723
217 SG
Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, de l’énergie, du
développement durable et de la mer
12 033 729
Les logiciels de simulation d’exploitation et de modélisation hydraulique sont financés
exclusivement sur le programme 203, comme des opérations ponctuelles négociées chaque année avec la
DGITM. Ce programme contient également le budget de fonctionnement du Cetmef. Les logiciels
d’hydraulique pourraient logiquement être financés sur le programme 181, car ils sont aujourd’hui très
largement utilisés pour la prévention des risques d’inondation, ou sur le programme 113 pour la gestion
du trait de côte, mais ce n’est pas le cas.
La négociation des activités réalisées par le Cetmef pour le compte des services de l’État a donc
lieu au cours des dialogues de gestion auprès de chaque direction générale.
B)
Perspectives d’évolution avec le Cerema
Le projet de création du Cerema a été lancé dans le but de conforter les compétences techniques
et scientifiques nécessaires au soutien des politiques du MEDDE, en renforçant les synergies des
différents services techniques, en leur permettant de mener une gestion prévisionnelle des emplois,
effectifs, compétences et carrières et y en associant les collectivités territoriales (Cetmef, 2012). Défini
par la loi n° 2013-431 du 28 mai 2013, le Cerema sera mis en place le 1er janvier 2014 ; le processus de
préfiguration, mené par Bernard Larrouturou, n’est pas encore terminé.
1
Peu d’évolution des missions dans un premier temps
Dans un premier temps tout du moins, l’organisation du Cerema suivra au plus près la structure
actuelle des onze services fusionnés. Le centre sera ainsi composé de trois directions techniques :
« Territoires et ville » correspondant au Certu, « Eau, mer et fleuves » pour le Cetmef et « Infrastructures
de transport et matériaux » pour le Sétra. Les CETE deviendront des directions territoriales, selon leur
répartition géographique actuelle.
Les missions respectives des directions techniques et territoriales sont encore en cours de
définition précise. Il faut dire qu’une première version du projet de préfiguration du Cerema donnait aux
directions techniques un rôle d’animation, de pilotage et de production méthodologique sur leurs
différents champs d’activités. Cela revenait à transférer une partie des missions actuelles des services
techniques centraux aux directions territoriales, à savoir les activités de recherche, d’ingénierie innovante
et d’expertise. Dans un document suivant, ces missions ont été réparties de manière plus homogène entre
directions techniques et directions territoriales. Est-ce un simple recul devant l'opposition des agents,
37 Autorisation d'engagement
61
Partie 3 : Vers une redéfinition des stratégies de production des outils du Cetmef
annonçant une différenciation progressive des missions à l’avenir ? La répartition des rôles peut sembler
en effet un moyen d’allouer aux mieux les ressources, et d’accentuer la coordination et les échanges
d’expérience entre les différents praticiens de la modélisation, ou de toute autre étude technique.
Néanmoins, les défenseurs du statu quo estiment que les missions d’animation, d’accompagnement et de
production méthodologique ne peuvent être menées à bien que par des personnes ayant un savoir-faire
technique, qui ne peut être acquis que par la réalisation régulière d’activités d’ingénierie, d’expertise ou
de recherche.
En ce qui concerne les champs d’activités, la direction technique « Eau, mer et fleuves »
conservera l’ensemble des domaines actuels relatifs à la modélisation hydraulique : connaissance des
aléas naturels, gestion du trait de côte, sécurité de la navigation, auxquels s’ajouteront la qualité de l’eau.
Néanmoins, la conception des ouvrages maritimes et fluviaux et l’analyse économique des projets sont
transférées au Sétra, tandis que l’exploitation des ouvrages reste de la compétence du Cetmef. Est-ce à
dire que les outils de simulation d’exploitation vont être transférés au Sétra, et par conséquent aux CETE
qui collaborent avec le Sétra sur les études de capacité du réseau routier ? Les outils Sinavi et Sipor,
permettant de mettre en balance l’investissement dans un nouvel ouvrage et une modification des règles
d’exploitation, semblent s’ancrer précisément à l’interface entre les deux directions techniques.
2
Une collaboration renforcée entre les directions du Cerema
C’est précisément ces interfaces entre directions techniques qui pourront être développées dans le
cadre d’un établissement commun. Celles qui ont été identifiées dans les documents de préfiguration
offrent déjà quelques perspectives d’évolution pour les outils du Cetmef. Ainsi, l’interface entre ville et
eau peut laisser envisager un couplage entre les modèles hydrauliques à surface libre du Cetmef et les
outils d’hydraulique urbaine du Certu, en l’occurrence Papyrus. Ces couplages, déjà intégrés dans les
suites Mike et Infoworks, et utilisés par les bureaux d’études permettent en effet d’étudier le risque
inondation en milieu urbain, comme les phénomènes de débordement des réseaux d’eau. Dans le domaine
des transports, les outils de prévision de trafic de marchandises devraient sans doute être mutualisés, afin
d’étudier la répartition modale entre les transports routiers, fluviaux et ferroviaires. Quant aux logiciels
Sinavi et Sipor, les conditions de leur développement en partenariat sont étudiées dans le chapitre III.
Par ailleurs, la création du Cerema peut être l’occasion de redéfinir les relations entre CETE et
services techniques centraux, en particulier les modalités de transfert d’outils. Encore que l’intérêt de
définir des rôles figés puissent être remis en cause. Actuellement, alors que le Sétra est pour certains
outils dans la production méthodologique, pour d’autres dans le développement, tandis que les CETE les
utilisent, le Certu a entièrement délégué les activités de développement et de diffusion au CETE de l’Est,
et le Cetmef partage des activités de développement, de recherche et de formation avec le CETE
Méditerranée notamment.
Enfin, la nouvelle organisation pourra être l’occasion de repenser les activités de communication,
avec la création d’une « Direction de la communication et de la diffusion des connaissances » unifiée
pour le Cerema.
3
Une place plus importante des collectivités territoriales
Selon la loi portant création du Cerema, le conseil d’administration de l’établissement associera,
outre des représentants de l’État et du personnel, des représentants de collectivités territoriales et des
personnes qualifiées extérieures. Celui-ci étudiera les propositions de trois comités d’orientation, l’un
régional, l’autre thématique et le dernier, scientifique et technique.
Le Cerema a ainsi pour vocation de répondre aux besoins d’expertise technique et scientifique des
62
I.Evolution des missions du Cetmef : des statuts qui changent... et des relations qui subsistent
collectivités territoriales. Cela représente de nombreux utilisateurs potentiels des outils étudiés ici. La
simulation d’exploitation pourra en effet être utilisée par les ports décentralisés ; des études de
modélisation hydraulique pourront être réalisées pour le compte de syndicats de rivière ou
d’établissements publics de bassin. Mais dans les faits, les ressources actuelles du réseau scientifique et
technique ne lui permettent déjà pas de répondre à l’ensemble des demandes des services de l’État. Le
Cerema peut-il se donner les moyens de répondre à celles des collectivités ?
Les implications de cette nouvelle forme de gouvernance apportée par le Cerema ne sont pas
claires aujourd’hui. La réforme de l’ingénierie publique, telle que définie par la circulaire du 22 juillet
2008 (MEEDDAT et MAP, 2008) a ainsi identifié douze champs d’actions reliés au Grenelle de
l’environnement, dans lesquels l’ingénierie publique doit se renforcer tout en sortant du champ
concurrentiel. La connaissance et la prévention des risques naturels, l’évaluation environnementale,
sociale et économique des projets, la recherche d’énergies alternatives et le développement de modes de
transport plus respectueux de l’environnement en font partie. Les collectivités territoriales peuvent par
ailleurs bénéficier d’une dérogation « in house » au droit communautaire de la concurrence, si elles
remplissent deux critères définis par la cour de justice des communautés européennes ; la collectivité doit
« exerce[r] sur son cocontractant un contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services » et
ce cocontractant « réalise l'essentiel de son activité » avec la ou les collectivités qui le détiennent. La
place du RST – et a fortiori du Cerema – dans ce dispositif n’a pas été tranchée (Daudigny, 2010). Par
ailleurs, la loi de création du Cerema stipule que l’essentiel des missions de l’établissement seront menées
pour le compte de l’État.
4
Un nouveau mode de gestion des ressources humaines et financières
Les prestations du Cerema pour le compte de l’État seront programmées annuellement dans le
cadre d'un contrat d'objectifs pluri-annuel et soumises à l’approbation du conseil d’administration. Des
discussions sont aujourd’hui engagées avec chaque direction générale pour élaborer des conventions
pluriannuelles définissant les principales orientations des activités du Cerema. L’établissement pourra, en
plus de la subvention du MEDDE, recevoir des financements de la part des collectivités territoriales, et
réaliser des opérations commerciales rémunérées.
Le Cetmef recrutait jusqu'à aujourd'hui des fonctionnaires des corps techniques et administratifs
du MEDDE ou d'autres ministères par voie de détachement, des doctorants de l'ENTPE ainsi que des
chargés de recherche par voie de concours. Les modalités de recrutement du personnel pourraient être
facilitées, et autoriser le recrutement temporaire de personnels extérieurs au ministère pour réaliser des
missions spécifiques de courte durée.
La création du Cerema apporte ainsi des opportunités au développement et à la diffusion des
outils : nouveaux débouchés auprès des collectivités territoriales, nouvelles perspectives de partenariats
interdisciplinaires et possibilité de chercher de nouvelles ressources humaines et financières. Néanmoins,
toutes les précautions ont été prises pour que le changement institutionnel soit mineur, dans un premier
temps. Il aura ainsi des effets modérés, s’il n’est aussi l’occasion de faire le point sur le positionnement
du Cetmef vis-à-vis de ses partenaires.
II. Attentes actuelles des partenaires
Le Cetmef s'est doté en 2010 d'une vision stratégique à moyen terme. Mais ses actions visent
particulièrement à répondre aux besoins de ses commanditaires, négociés dans le cadre de conventions
pluriannuelles ou de dialogues de gestion annuels. En tant que service public, il est attendu que le Cetmef
œuvre en effet au service des usagers dans ses domaines de compétences. Néanmoins, cette logique de
63
Partie 3 : Vers une redéfinition des stratégies de production des outils du Cetmef
guichet induit un manque de visibilité à long terme, qui peut être déstabilisant pour les agents. Passons en
revue les attentes de chaque type de partenaires, et tentons d’en évaluer la cohérence, ainsi que les
implications pour les stratégies de développement et de diffusion des outils.
A)
Besoin des commanditaires et positionnement face au privé
Les établissements publics VNF et grands ports maritimes étaient jusqu’à il y a quelques années
les principaux commanditaires du Cetmef. Une des attentes du Cetmef vis-à-vis du Cerema est la
possibilité de trouver de nouvelles ressources financières, importantes en effet pour maintenir une taille
suffisante au service lui permettant de conserver et renforcer ses compétences et son expertise scientifique
et technique. Mais quelles sont les raisons qui poussent aujourd’hui ces commanditaires à s’adresser au
Cetmef ?
1
Un besoin d’expertise reconnue sur des sujets sensibles
Les études pour lesquelles l’expertise du Cetmef est mobilisée sont souvent sensibles
politiquement. Les projets d’ouvrages hydrauliques, par exemple, sont controversés ; les études de
modélisation ont donc pour but non seulement de guider la décision du maître d’ouvrage, mais également
de communiquer auprès du public et de convaincre les opposants par l’apport d’éléments objectifs. Elles
sont pour cela indispensables, mais ne règlent pas tout : la fiabilité des études est en effet remise en cause
par les opposants, qui s’appuient sur les incertitudes relatives à toute modélisation, et toute donnée
quantifiée en général.
Ainsi, si la construction de nouveaux ouvrages de navigation peut mobiliser les organisations de
navigants ou les différents opérateurs, les thématiques de prévention des inondations ou de gestion des
milieux concernent un public plus large encore de riverains, ayant des niveaux d'information différents.
Les associations et les collectivités locales sont d’ailleurs de plus en plus compétentes sur ces sujets.
Ainsi, des questions soulevées pendant les procédures d'enquête publique peuvent nécessiter de réaliser
de nouvelles études. Par ailleurs, des experts sont parfois mandatés par la Commission particulière du
débat public pour contrôler la qualité de ces nouvelles études ou des études antérieures.
À titre d’exemple, dans le cadre de la mise en grand gabarit de la petite Seine, des études
d’impact ont été réalisées par un bureau d’études, pour vérifier que le projet n’aggravait pas le risque
inondation. Pendant l'enquête publique, les opposants ont exigé une expertise sur ces études ; trois experts
internationaux ont donc été mandatés pour examiner à la fois le projet de mise à grand gabarit, mais
également celui, voisin, de La Bassée, porté par l’EPTB Seine Grands Lacs pour la réduction de l’aléa
inondation. Les résultats des deux modèles développés pour ces projets convergeaient, ce qui a donné du
crédit aux études.
La qualité reconnue des études est donc un facteur important de leur prise en compte dans la
décision. Une piste de solution est d'associer les personnes concernées par le projet à la phase de
modélisation, pour recueillir leur expertise mais également pour qu'ils s'approprient les méthodes
employées. Par exemple, l'expérience des navigants ou des pilotes est utilisée dans les études de
trajectographie pour paramétrer les modèles et vérifier leurs résultats.
2
Des prestations aujourd’hui gratuites, mais des délais trop longs
L’expertise reconnue du Cetmef dans le domaine fluvial et maritime donne ainsi une valeur
ajoutée aux études. Néanmoins, les entreprises privées ont également acquis des compétences et une
visibilité dans ces domaines. Par ailleurs, un défaut unanimement souligné concerne les délais proposés
64
II.Attentes actuelles des partenaires
par le Cetmef – des délais trop longs, et quelques fois non respectés. Le manque de visibilité à moyen
terme des disponibilités du Cetmef est également problématique. Récemment, le Cetmef s’est retiré d’une
mission de contrôle technique auprès de la direction du bassin de la Seine, car elle avait été retardée de
quelques mois, faisant ainsi défaut au service de VNF.
D’autres évolutions sont plus structurelles. La diminution des missions et des moyens humains
des services de navigation de VNF a ainsi entraîné une perte de compétences à la direction territoriale du
Bassin de la Seine sur les thématiques spécifiques de la voie d'eau, qui est renforcée par un turn-over
important parmi les agents. Les besoins vis-à-vis du Cetmef ont donc naturellement diminué, au profit
d’entreprises privées multi-spécialistes.
Par ailleurs, certains commanditaires reprochent au Cetmef de suivre une logique de recherche,
dans le domaine de la modélisation hydraulique tout du moins, qui est inadaptée aux besoins
opérationnels. Cette logique se traduit, outre des délais plus longs, par une demande importante de
données très précises et le maintien d’un grand nombre de nuances et de réserves dans la présentation des
résultats. Ceux-ci ne peuvent alors pas guider efficacement la décision.
Ces inconvénients sont compensés en partie par le mode de rémunération des prestations du
Cetmef, dont le prix fixé dans les différentes conventions pluriannuelles est forfaitaire. De plus, faire
appel à un service de l’État évite de lancer une procédure d’appel d’offres qui induit des procédures
internes de consultation et de notification durant en moyenne six mois. Le travail du Cetmef est ainsi
particulièrement apprécié pour des études visant à alimenter une réflexion sur le long terme ou à dégrossir
un problème et préciser un besoin d'études.
Le passage à une convention payante, depuis quelques années, a conduit à un meilleur cadrage du
plan de charge et un meilleur suivi des études. Néanmoins, les prestations continuent à s’étaler parfois
hors des délais, du fait du manque de ressources disponibles au Cetmef, mais également du fait des
commanditaires qui se permettent de modifier régulièrement leur commande au fur et à mesure de
l’étude. Aller aujourd’hui plus loin encore qu’une convention payante, en donnant un prix, même faible, à
chaque prestation du Cetmef, pourrait éventuellement faciliter le déroulement de l’étude. Ainsi, le
bénéficiaire pourrait imposer plus facilement un délai, mais serait également incité à bien préciser son
besoin et sa demande dès le début.
Cela pourrait-il également permettre de sortir de la logique de conventions, qui favorise certaines
structures plutôt que d’autres ? Le Cetmef, dont l’ancêtre a été créé il y a plus de quarante ans par un
service de navigation régional, continue à n’offrir ses prestations d’ingénierie qu’à un nombre restreint
d’acteurs : VNF plutôt que la CNR, mais surtout certains grands ports maritimes plutôt que d’autres. Le
choix de ces acteurs est souvent historique. Justifier ces choix permettrait d’améliorer la visibilité à long
terme pour les agents et pour les autres ports, qui ne savent pas aujourd’hui quelles prestations sont
possibles de la part du Cetmef.
B)
Besoins des tutelles
L’administration centrale identifie trois missions principales du Cetmef :
– Production méthodologique
– Expertise reconnue et objective face aux collectivités territoriales et établissements publics
– Animation de réseau et accompagnement des services de l’État
Il y a un besoin d’expertise technique et scientifique indépendante de la part de l’administration
centrale, afin d’arbitrer des contentieux ou donner son avis sur la pertinence d’un ouvrage.
L’indépendance de cette expertise nécessite de repenser les liens qui unissent le Cetmef aux
65
Partie 3 : Vers une redéfinition des stratégies de production des outils du Cetmef
maîtres d’ouvrage, afin qu’il ne soit pas juge et partie des projets. À titre d’exemple, le Cetmef a toujours
été amené à donner son avis technique sur les projets d’investissements des ports et des voies navigables
– auparavant de manière systématique – alors qu’il réalisait par ailleurs les études concernant certaines
parties de ces aménagements, en particulier dans le domaine fluvial.
Cependant, le maintien et le renforcement de cette expertise pointue, dans les domaines des
risques naturels, de la sécurité et de la durabilité de la navigation et de l’optimisation des ouvrages, passe
par la réalisation régulière d’activités de recherche appliquée ou d’ingénierie innovante, hors des
compétences des bureaux d’études privés et pour le compte des gestionnaires d’infrastructures.
Enfin, les missions de production méthodologique et d’accompagnement des maîtres d’ouvrage
nécessitent des talents pédagogiques, mais aussi une véritable compréhension des besoins opérationnels
des maîtres d’ouvrage, qui sont éloignés des préoccupations de la recherche ou de l’ingénierie de pointe.
Ces différentes missions semblent donc soulever quelques contradictions pratiques. Par ailleurs,
le Cetmef a-t-il vocation à réaliser des missions d’expertise pour le compte de l’État uniquement, alors
qu’il vient précisément d’acquérir une certaine autonomie en devenant un établissement public ?
C)
Besoins des CETE
Les CETE n’étant pas impliqués à l’heure actuelle dans les études de simulation d’exploitation,
leurs revendications ne s’appliquent qu’au domaine de la modélisation hydraulique. Elles sont les
suivantes :
–
orienter les développements vers les besoins opérationnels ; les CETE ayant un fonctionnement
de bureau d’études public, la contrainte des délais nécessite des outils relativement simples
d’utilisation.
–
construire un réseau entre les CETE au sujet de l’hydraulique ; les compétences en hydraulique
étant inégalement réparties entre les différents centres, il faudrait renforcer les réseaux
d’échanges d’expérience
–
avoir une doctrine claire d’utilisation des outils ; le choix d’un outil n’est pas anodin, au vu du
temps nécessaire pour se former et de la difficulté à changer d’outil lorsqu’un modèle existe déjà
sur le territoire d’étude.
Les différentes attentes des partenaires du Cetmef semblent porter en elles quelques
contradictions, liées aux postures différentes qu’impliquent des activités d’expertise, d’ingénierie, de
recherche, de production méthodologique et d’animation de réseau. Quelles sont les implications sur les
stratégies possibles d’évolution des outils ?
66
III.Éléments de réflexion pour de nouvelles stratégies
III. Éléments de réflexion pour de nouvelles stratégies
Le développement et la diffusion des logiciels étudiés se doivent de reposer sur les qualités
indéniables du Cetmef : la capacité à produire des outils innovants, et à animer des réseaux aussi bien de
recherche que dans le monde opérationnel.
A)
1
a)
Ancrer la simulation d’exploitation dans un ensemble plus large
Ressources de développement et perspectives de diffusion
Maintien d'un outil public pour une expertise publique
Si rien n'est fait pour maintenir en interne des ressources humaines suffisantes, l'évolution la plus
probable semble être l'abandon des outils Sinavi et Sipor. Or, la simulation d’exploitation répond à la
volonté de l’État de contrôler la pertinence des projets d’investissement de ses établissements publics. Il a
besoin de cette compétence au sein du réseau scientifique et technique. En cas d'abandon de Sinavi et
Sipor, cette expertise devra s’appuyer sur des outils privés ; c’est la stratégie adoptée par le STAC, après
avoir remarqué les insuffisances de son outil interne (voir partie 1). Mais à l’heure actuelle, la
comparaison de Sinavi et Sipor avec les autres outils existants dans le privé ne fait pas état d’avantages
indéniables de la part des outils du privé ; elle donne par contre quelques pistes d’amélioration pour les
outils publics : prise en compte des stratégies d’optimisation de l’éclusier, ergonomie de l’interface. Par
ailleurs, l'acquisition d'outils privés prive de la possibilité d'entrer soi-même dans le code de
programmation, pour en vérifier la pertinence, et pour l'ajuster aux problématiques spécifiques du
Cetmef ; or, la force de ces outils est bien d’être adaptés à chaque étude aux besoins des bénéficiaires.
L'acquisition d'outils privés induit donc une dépendance à une société de développement extérieure, ainsi
que des coûts d'acquisition et de maintenance.
Si la décision est de conserver l’outil du Cetmef, les conditions de son maintien sont à étudier. Il
nécessite de nouvelles ressources humaines, d’urgence – au vu du départ à la retraite du développeur en
2014. Celles-ci peuvent provenir du recrutement d'une nouvelle recrue, de la commande de prestations à
des sociétés extérieures, de l’établissement de partenariat de développement, ou encore de l'utilisation
d'outils libres de simulation38. La logique de partenariat, si elle peut être coûteuse à mettre en place dans
un premier temps, promet un enrichissement par l'ouverture à de nouvelles perspectives et la
multiplication des ressources de développement ; c'est donc elle que je retiendrai ici. Plusieurs pistes
peuvent être envisagées.
b)
Un partenariat vertical
La première s’inspire de la stratégie de développement de l’outil Canoë d’Artelia, qui correspond
à une logique de partenariat vertical avec un laboratoire de recherche appliquée et une série de clients
publics. Ce partenariat permet le financement pérenne du logiciel qui est vendu, et son adaptation
continue aux besoins des maîtres d'ouvrage. Cette stratégie est-elle adaptée au cas de Sinavi et Sipor ? La
direction territoriale de VNF Nord-Pas de Calais veut aujourd'hui acquérir le logiciel ; le port du Havre le
pourrait sans doute également. Mais pour la plupart des autres ports, les besoins en étude de simulation
sont trop peu fréquents.
38 Des outils libres de simulation existent en effet : OMNET++, SimPy Simulation Package, SimTool, le logiciel
multi-agent Fungus Agent Simulator . Ils n'ont pas été testés au cours de cette étude.
67
Partie 3 : Vers une redéfinition des stratégies de production des outils du Cetmef
Le logiciel doit-il être gratuit ou payant ? Vu le faible nombre d'utilisateurs potentiels, une licence
éventuelle ne couvrirait pas les frais de développement ; la diffusion pourrait éventuellement être intégrée
dans une convention de partenariat, qui excluerait de fait les ports n'ayant pas contracté de convention
avec le Cetmef. Par ailleurs, le prix peut être un frein à l'adoption du logiciel. L'investissement humain
correspondant à une première formation au logiciel est déjà conséquent, au regard du peu d'utilisations
qui peuvent être envisagées. Mais dans un second temps, une fois le logiciel approprié, les besoins
d'études peuvent augmenter ; on peut alors envisager de faire payer les services de maintenance et
d'assistance à plus long terme, ce qui favoriserait l'autonomie des utilisateurs en plus de ne pas pénaliser
le plan de charge du Cetmef.
Pour les ports et directions territoriales de VNF n'ayant pas les ressources nécessaires pour utiliser
en interne le logiciel, si les ressources du Cetmef ne sont pas maintenues à l’avenir de manière à répondre
aux besoins des commanditaires, il faut envisager de diffuser l’outil vers d’autres prestataires. La
perspective du Cerema peut alors favoriser la diffusion de l’outil aux CETE, déjà compétents en matière
de transport routier. L’outil pourrait également être diffusé plus largement vers les bureaux d’études
privés.
Notons tout de même que toute diffusion n'impliquant pas des partenaires de développement
nécessitera des besoins d’assistance et de formation sans doute insoutenables. Un partenariat pourrait
donc être envisagé avec les universités, ou les bureaux d'études disposant de compétences en
développement, comme Artelia.
Là se pose une première question stratégique. En effet, la question de la saturation des ouvrages
du Rhône (voir partie 1) est emblématique du souci de positionnement du Cetmef, et des implications que
cela a sur les stratégies de diffusion des outils. La CNR aimerait bénéficier des études du Cetmef pour
démontrer que les écluses du Rhône sont loin d’être saturées ; l’État également, pour démontrer que les
écluses doivent être doublées avant la fin de la concession du Rhône à la CNR. Le Cetmef doit-il diffuser
l'outil Sinavi à la CNR, qui aurait les moyens de l'utiliser, voire éventuellement de le développer ? L’outil
peut arbitrer le problème du doublement des écluses en objectivant le débat. Mais celui se déplacera sur
les données d’entrée du modèle, à savoir l’évolution du trafic dans les prochaines années.
2
a)
Élargissement du champ d’application des outils
Développer un outil plus large d'aide à la décision dans le domaine
maritime et fluvial
Le problème du doublement des écluses du Rhône illustre l’importance d’élargir le champ de
développement des outils de simulation, afin qu’il devienne un véritable outil d’aide à la décision multicritères et autonome. Cet élargissement peut se faire dans plusieurs directions.
La première piste est l’ancrage de l’outil dans une chaîne de prévision des trafics. En effet, l’avis
du Cetmef dépend toujours des données de trafic qu’on lui fournit, qu’elles proviennent d’études
antérieures réalisées par des bureaux d’études privés, ou d’estimations réalisées par le commanditaire.
Cette piste trouve toute sa pertinence dans le contexte du Cerema, puisque le Sétra a justement développé
des outils de prévision des transports de marchandises (voir partie 1). Une méthodologie pourrait ainsi
être élaborée et validée par l’État. Une première étape pourrait être de réaliser l’état de l’art des outils
existants, et d’envisager une adaptation des outils du Sétra aux problématiques fluviales et maritimes. Ce
rapprochement serait d’ailleurs un premier pas vers la diffusion éventuelle de l’outil au sein du Cerema.
La deuxième piste est l’ancrage de l’outil au sein d’une véritable analyse socio-économique des
projets. L’étude de capacité d’un ouvrage est en effet utilisée pour évaluer la pertinence d’un projet, au
68
III.Éléments de réflexion pour de nouvelles stratégies
sein d’autres critères importants, comme l’évaluation des impacts sociaux et environnementaux. Le grand
port maritime de Dunkerque réfléchit ainsi à une méthodologie d’analyse à l’échelle du port. Le Cetmef
pourrait se positionner sur ces champs, en profitant de l’expérience des autres directions techniques du
Cerema.
b)
Un partenariat horizontal dans le domaine des transports
Enfin, le Cetmef pourrait se rapprocher des autres services oeuvrant dans le domaine des
transports, afin d’intégrer la simulation d’exploitation dans une vision de transport multi-modal. Cette
dynamique a d’ailleurs déjà été amorcée, par la participation de Michel Maria, chef de la division
transport durable, aux Journées transport et déplacements du RST en juin 2013. Il serait intéressant de
suivre les travaux du PCI «Méthodes, outils et démarches pour la modélisation et l'organisation des
déplacements» piloté par le CETE Normandie-Centre et le Sétra. S'il n'est pas sûr que les autres services
et centres d'études techniques aient les compétences de programmation nécessaires pour développer les
codes de calcul Sinavi et Sipor, des questions communes émergent, comme celle des prévisions de trafic
de marchandises.
Ainsi, la perspective du Cerema ouvre de nouvelles pistes d’évolution des outils de simulation
d’exploitation. Il faut sans tarder intégrer ces outils au sein d’un ensemble plus vaste, que ce soit
verticalement, par l’implication plus importante des gestionnaires d’infrastructures et des laboratoires de
recherche dans le développement de l’outil, ou horizontalement, par son ancrage dans la problématique
plus vaste de gestion des transports de marchandises, voire de la mobilité au sens large.
B)
Créer des ponts dans le domaine de la modélisation hydraulique
1
Un outil fort ou une diversité d’outils ?
La modélisation hydraulique est un domaine caractérisé par des compétences nombreuses et
dispersées parmi les établissements de recherche et les bureaux d’études, et un grand nombre d’outils
concurrents. Les besoins des services publics sont très importants, dans les domaines de la prévention des
risques naturels, de la production énergétique ou de la sécurité de la navigation. Néanmoins, les personnes
compétentes au sein des services de l’État restent peu nombreuses. Face à ces ressources limitées, deux
stratégies opposées sont possibles : d’un côté, diversifier les logiciels utilisés, afin de réduire sa
dépendance à l’un d’entre eux ; de l’autre, fédérer une communauté de développeurs et d’utilisateurs
autour d’un nombre très faible d’outils, afin de mutualiser les forces.
a)
Amélioration des outils de la chaîne Telemac-Mascaret
Multiplier les outils et les partenariats de développement entraînerait un manque de lisibilité
auprès des services opérationnels. A l’inverse, préconiser un outil unique revient à s’engager sur son
maintien dans le temps et sur son confort d’utilisation. Or, quel est le bilan de la chaîne TelemacMascaret ? Son principal atout est d’être libre, donc de pouvoir être adapté aux besoins des différents
utilisateurs et aux cas d’études innovants. Néanmoins, les principaux développements sont aujourd’hui
réalisés au LNHE, c’est-à-dire dans une logique de recherche, d’une part, et pour satisfaire les besoins de
production d’énergie d’EDF, d'autre part. Quelques nuances peuvent être apportées néanmoins :
•
D’une part, les centres d’intérêts d’EDF rejoignent largement ceux des acteurs publics, dans le
domaine des risques naturels par exemple ; c’est moins vrai sur d’autres thématiques, comme
l’érosion du trait de côte ou l’impact d’ouvrages de franchissement de la voie d’eau, qui restent
69
Partie 3 : Vers une redéfinition des stratégies de production des outils du Cetmef
spécifiques aux acteurs publics.
•
D’autre part, les autres membres du consortium Telemac peuvent orienter les développements sur
d’autres thématiques , comme la sédimentologie ou la qualité de l’eau. On peut regretter que
l’institut Deltares, fortement positionné sur la gestion des zones de delta, ne fasse pas partie du
consortium.
Le Cetmef devrait s’assurer que les développements suivent bien les besoins des services de
l’État, d’une part en les intégrant dans les thématiques de recherche propres aux équipes du Cetmef, et
d’autre part par une traduction des logiciels pour les besoins de l’opérationnel, qui passe essentiellement
par le développement d’interfaces et de logiciels de pré- et post-traitement qui en facilitent l’utilisation.
En ce qui concerne Mascaret, les avis des services de l’État sont encore plus mitigés. Or les outils
1D sont encore souvent utilisés pour déterminer l’impact d’ouvrages de franchissement. Il y a un réel
travail à faire, si l’on veut favoriser un outil unique, pour concurrencer HEC-RAS, notamment sur :
–
le lien privilégié avec un outil SIG, en continuité avec le travail du CETE Méditerranée,
–
l’intégration d’ouvrages par une description géométrique plutôt qu’hydraulique,
–
la stabilité du logiciel.
Ces améliorations devront d’ailleurs faire l’objet de communications et de formations ; c’est déjà
le cas auprès des membres du club « Modélisation hydraulique », mais cela devrait également être fait par
un envoi de mails, de plaquettes, etc. auprès d’un public plus large.
b)
Ouverture aux autres outils de modélisation hydraulique
Par ailleurs, le mythe de l’outil unique se heurte à plusieurs contraintes. D’une part, le RST et
l’ensemble du monde de la recherche est soumis à des guerres de chapelles qui incite chacun à conserver
ses outils et éventuellement ses compétences. Par ailleurs, la diffusion des outils au sein des services de
l’État – services de prévision des crues, CETE – entraînera des coûts de formation qu’il faut mettre en
regard aux avantages offerts par le nouvel outil et l’homogénéisation des pratiques. Enfin, cette diffusion
sera encore plus difficile à l’extérieur, auprès des bureaux d’études privés, qui représentent pourtant une
grande partie des ressources d’études en appui aux décideurs publics. La chaîne Telemac est déjà
largement utilisée par Artelia, mais peu dans les autres bureaux d’études, surtout dans le domaine fluvial.
Un des moyens de la diffuser plus largement est d’imposer son usage dans les cahiers des charges
des appels d’offres. L’article 6 du code des marchés publics énonce cependant :
« Les spécifications techniques ne peuvent pas faire mention d'un mode ou procédé de fabrication
particulier ou d'une provenance ou origine déterminée, ni faire référence à une marque, à un brevet
ou à un type, dès lors qu'une telle mention ou référence aurait pour effet de favoriser ou d'éliminer
certains opérateurs économiques ou certains produits. »
Malgré cela, certaines collectivités territoriales ont réussi à imposer l’utilisation de logiciels dans
leurs appels d’offres, de deux manières : en imposant un certain format aux données de sortie des
modèles, et en fournissant la licence du logiciel au prestataire.
Toutefois, si ces contraintes peuvent être levées, est-on sûr que la communauté de modélisateurs
en sera récompensée ? En effet, la compétition entre plusieurs codes, comme l’a souligné le créateur de
Telemac, favorise l’émulation et l’amélioration constante des codes. Des idées différentes peuvent
émerger dans des contextes différents, dans des structures qui répondent à d’autres préoccupations.
Certaines différences fondamentales des outils (méthode de résolution numérique notamment) peuvent
par ailleurs offrir des avantages propres.
70
III.Éléments de réflexion pour de nouvelles stratégies
Au-delà de l’amélioration d’un outil commun, une piste d’action peut être l’ouverture à d’autres
outils. Afin de pouvoir conseiller les maîtres d’ouvrages, et contrôler les études, il ne faut pas que les
outils restent des boîtes noires ; les outils commerciaux le sont toujours. Néanmoins, des
intercomparaisons, des études, permettent de mieux comprendre l’outil et ses champs d’application. Au
BAW, l’outil Delft 3D est ainsi utilisé en plus de Telemac, dans une logique de comparaison et de
validation.
2
Une diversité d’activités et de compétences
Ces pistes d’actions imposent de conserver plusieurs activités au sein du Cetmef :
–
des activités de recherche appliquée, pour maintenir ses agents à la pointe de l’innovation et ainsi
assurer son rôle d’expert auprès de l’État, faire profiter les services de l’État de l’avancée des sciences et
des techniques et enfin favoriser les échanges entre instituts de recherche, par l'animation du GIS HED 2
(Groupement d’Intérêt Scientifique Hydraulique pour l’Environnement et le Développement Durable).
–
des activités spécifiques de développement pour répondre aux besoins de l’opérationnel. Cela
nécessite de mettre en place une procédure de recueil et de priorisation des besoins exprimés, de la part du
SCHAPI, des CETE et des bureaux d’études.
–
des activités de veille et d’intercomparaison concernant les autres outils existants, afin de
s’inspirer de leurs avancées et de pouvoir conseiller de la manière la plus objective les maîtres d’ouvrage.
Ces activités sont déjà toutes effectuées au Cetmef ; néanmoins, la répartition des agents sur
chacune d’elles n’est pas toujours claire ; et elle semble être le fruit de convictions personnelles plutôt
que d’une réelle décision collective.
Par ailleurs, il faut être conscient des incompatibilités qui peuvent exister entre ces différentes
missions ; être expert peut éloigner des préoccupations des profanes, qui n’ont ni le même niveau de
compétences ni les mêmes échéances de réalisation des études. Il est ainsi important d’inclure dans les
réseaux d’information et d’échanges les services qui ne maîtrisent pas la modélisation, voire qui n’en
voient pas l’intérêt premier. Chaque partie peut s’enrichir de ce genre d’échanges, qui font remonter des
besoins d’études ou de formation.
Enfin, la maîtrise d’un outil technique performant peut faire oublier qu’il n’est pas toujours
indispensable. Dans le domaine des risques naturels et de l’aménagement du territoire, une première étape
consiste ainsi à synthétiser la connaissance du milieu étudié, et à recueillir les données issues de mesures
et d’observations – données historiques, photos aériennes. Ces études permettent, en amont d’une
modélisation, d’identifier le problème et les enjeux à étudier, et de rassembler les données d’entrée du
modèle. Elles permettent également aux maîtres d’ouvrage de s’approprier les problématiques de leur
territoire ; en complément des vidéos souvent produites en sortie des logiciels 2D, elles peuvent ainsi
transformer aux yeux des élus et des résidents cet outil obscur qu’est l’outil informatique en un support
d’échange et de sensibilisation.
C)
1
Recommandation générales
Mieux communiquer sur les activités du Cetmef
De manière plus générale, il est important que le Cetmef communique de manière plus active sur
ses activités, ses savoir-faire et les prestations qu'il est capable de proposer ; auprès du RST, mais aussi de
ses commanditaires actuels et potentiels. Un bulletin d'information régulier pourrait être adressé à une
71
Partie 3 : Vers une redéfinition des stratégies de production des outils du Cetmef
liste de messagerie définie. Un outil intéressant de ce point de vue est également le Wikhydro, un outil
collaboratif lancé par la DRI en 2010, afin de favoriser les échanges d’expérience entre les membres du
RST et les acteurs de l’eau en général. Un bulletin d’information pourrait tenir informé le réseau des
nouvelles contributions. De même, le Cetmef devrait être plus présent au sein des écoles et des universités
afin de favoriser de nouveaux recrutements dans ses champs de compétences.
Un autre point important est de clarifier les prestations qui sont offertes par le Cetmef et les règles
de priorité qui sont données aux différentes études et activités de développement, que ce soit aux yeux des
bénéficiaires ou en interne, auprès des agents.
2
Se doter d'objectifs collectifs
Il pourrait être bénéfique que la future direction « Eau, mer et fleuves » clarifie ses objectifs pour
chacune de ses activités de développement et de diffusion, afin de vérifier la cohérence entre ses
différentes missions, d’assigner à chaque activité les ressources adéquates et d’évaluer périodiquement
l’efficacité de ses stratégies.
Aujourd'hui, le Cetmef dispose du document stratégique « Cap 2020 », donnant les grandes
orientations stratégiques du centre à moyen terme ; d'un contrat de progrès présentant les différents
projets structurants et leurs indicateurs de suivi, et enfin d'un plan d'actions triennal listant les actions
couvertes par ces projets. Il est difficile néanmoins d'extraire de ces trois documents les actions qui
concernent la production, la diffusion et l'utilisation des outils de modélisation et de simulation
d'exploitation ; celles-ci concernent par exemple les quatre orientations stratégiques du Cetmef.
Cela pourrait faire l’objet d’un travail collectif, avec l'ensemble des agents concernés de la future
direction technique, pour insuffler une nouvelle dynamique après la période actuelle qui a été marquée
par de fortes incertitudes et craintes pour l'avenir. Un nouveau document pourrait ainsi être élaboré, pour
un horizon de temps similaire aux autres documents stratégiques globaux, qui présenterait :
•
une méthode de recueil et de priorisation des attentes futures de chaque partenaire : celles de
l'administration centrale, des services déconcentrés de l'Etat et des établissements publics,
recueillies dans le cadre du renouvellement des conventions ; celles des directions territoriales et
éventuellement des collectivités territoriales,
•
le positionnement du Cetmef vis-à-vis de ces partenaires,
•
les objectifs du Cetmef, en fonction des attentes recueillies et du positionnement choisi, dans les
trois activités : développement, diffusion et utilisation (voir figure 4).
•
le bilan des ressources affectées à ces activités, y compris les partenariats de développement et de
diffusion, en précisant bien le rôle de chacune des directions scientifique et de l'ingénierie sur ces
questions,
•
la déclinaison des objectifs en actions précises,
•
des indicateurs permettant de suivre la réalisation des actions et évaluer la réponse aux attentes
des partenaires.
Un schéma du processus d'élaboration est présenté en annexe 6.
72
Conclusion
Conclusion
Le Cetmef, issu d’une longue histoire dédiée aux services de navigation et aux ports maritimes,
est aujourd’hui positionné sur plusieurs domaines du développement durable : prévention des risques
naturels, promotion du transport fluvial, développement des énergies renouvelables. Réservoir de
compétences techniques et scientifiques, il occupe, avec les autres services techniques centraux, une place
tout à fait particulière au sein du réseau scientifique et technique du ministère de l’Écologie, du
Développement durable et de l’Énergie. Comme l’a dit l’ancien directeur du Cetmef, Geoffroy CAUDE,
dans le document célébrant les 10 ans de l’établissement, « de par sa taille modeste sur un champ de
compétences extrêmement vaste, [le Cetmef] se doit avant tout d’être comme une passerelle entre le
monde scientifique et le monde de l’ingénierie ». Le Cetmef a ainsi adopté un fonctionnement en réseau,
en créant des liens avec différents établissements de recherche, mais aussi avec les centres d’études
techniques de l’équipement (CETE) et les autres services de l’État – services de prévision des crues,
directions interrégionales de la mer.
Le Cetmef est aujourd’hui confronté à un changement institutionnel important, qui voit les huit
CETE et les trois services techniques centraux que sont le Cetmef, le Sétra et le Certu, fusionner au sein
du centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema).
C’est l’occasion pour le Cetmef d’évaluer ses stratégies d’action, en particulier dans un domaine qui lui
reste réservé, à savoir la production de référentiels méthodologiques et d’outils techniques d’aide à la
décision. L’étude de deux familles d’outils, la simulation d’exploitation des ports maritimes et des voies
navigables, et la modélisation hydraulique, dessine deux domaines d’activités aux problématiques très
différentes.
La simulation d’exploitation appelle ainsi au maintien d’un outil encore assez confidentiel et
anecdotique en termes d’usages actuels et potentiels, mais dont l’importance est reconnue par les
gestionnaires des ports et des voies navigables, et par leurs tutelles. Le bilan des ressources aujourd’hui
consacrées à ce logiciel impose une redéfinition des stratégies de développement et de diffusion. Or cela
nécessite d’opérer des choix pour chacune des étapes du processus – développement, diffusion, utilisation
– qui sont inextricablement liées. De l’autre côté, la modélisation hydraulique est un domaine foisonnant
d’outils, d’usages et d’acteurs concernés. Le Cetmef y tient une place particulière, à l’interface entre
recherche et opérationnel, et semble ainsi condamné à concilier des postures tout à fait différentes, parmi
une diversité d’acteurs de part et d’autre.
Ces deux thématiques soulèvent néanmoins des problématiques communes, comme la fragilité
des ressources sur lesquelles reposent de nombreux outils techniques et la difficulté à gérer à long terme
les compétences nécessaires à leur maintien. Une voie prometteuse pour l'avenir semble être
l'établissement de partenariats, que ce soit de manière verticale avec le monde de la recherche et les
gestionnaires publics, ou de manière horizontale, avec les homologues du Cetmef – services techniques
centraux bientôt réunis au sein du Cerema, ou homologues européens. En effet, de nombreuses
thématiques sont transversales – prévention des inondations en milieu rural et urbain, gestion des
transports – et internationales, du fait de la réglementation européenne, de la mondialisation des
transports en particulier maritimes et de l'existence de cours d'eau transfrontaliers.
Les deux thématiques étudiées soulignent également la complexité des processus de
développement et de diffusion des outils, qui nécessitent de s’interroger sur la posture à adopter face aux
différents commanditaires et vis-à-vis des acteurs privés. Ainsi, le besoin d'expertise provient à la fois de
la part des gestionnaires publics, mais également de la part de l'État. Le cas singulier des concessionnaires
privés d'infrastructures publiques pose également question : à quelles conditions un outil peut-il trancher
73
Conclusion
entre des intérêts contradictoires ? Peut-on utiliser un même outil pour une expertise et une contreexpertise ?
Au final, l’amélioration des stratégies de développement et de diffusion des outils techniques du
Cetmef semble passer par la mise en place de partenariats et de procédures permettant de recueillir et
d’intégrer les besoins des utilisateurs et des bénéficiaires des études aux développements. Elle nécessite
également d’élargir toujours plus la réflexion sur l’évolution des outils au contexte thématique et
institutionnel de leur utilisation. Cela permet de ne pas oublier la place qu’a la modélisation au sein des
procédures de décision, et les réels déterminants de la qualité d’une modélisation, vis-à-vis de sa capacité
à représenter la réalité et de son influence sur la décision finale.
L’avenir des outils informatiques du Cetmef, qui est une question a priori très pointue, soulève en
réalité des questions très larges sur des champs divers – sur les justifications de la répartition actuelle de
l’ingénierie sur les champs publics et privés, sur l’impact de la modélisation sur un processus de décision,
et plus globalement sur la place des savoirs scientifiques et techniques au sein de l’action publique. Par
ailleurs, un séjour de quatre mois au sein d’un organisme public en pleine restructuration apporte de
nombreux enseignements sur la place des relations humaines au sein d’une structure hiérarchique et d’une
procédure de gestion des compétences.
74
Références
Références
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matière de sécurité des barrages et des digues, Conseil général des mines, Inspection générale de
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75
Références
Liste des annexes
Annexe 1 : Liste des personnes rencontrées..................................................................................90
Annexe 2 : Présentation des logiciels Sinavi et Sipor...................................................................92
Annexe 3 : Liste des outils de modélisation hydraulique rencontrés au cours de la mission........98
Annexe 4 : Carte des services de prévision des crues (actualisée pour décembre 2012)..............99
Annexe 5 : Carte des modèles hydrauliques des services de prévision des crues.......................100
Annexe 6 : Schéma d'élaboration du document de cadrage concernant le développement et la
diffusion des outils du Cetmef.....................................................................................................101
76
Annexe 1 : Liste des personnes rencontrées
Annexe 1 : Liste des personnes rencontrées
Nom
Organisme ou service
Type
Thématique
Cetmef
Direction Scientifique
LABORIE Vanessya
YATES-MICHELIN Marissa
Laboratoire Saint-Venant
Recherche
Hydraulique
ORCEL Olivier
Département Simulation
Informatique Modélisation
Développeur
Exploitation
POURPLANCHE Alain
Département Simulation
Informatique Modélisation
Développeur
Hydraulique –
Exploitation
Direction de l'ingénierie
CHAMBREUIL Alain
Département Multimodalité
Utilisateur
Exploitation
ETIENNE Dominique
Département Multimodalité
Cadre
Exploitation
MICHARD Bertrand
Département Environnement et
Aménagement
Utilisateur
Hydraulique
TIBERI WADIER Anne-Laure
Département Environnement et
Aménagement
Utilisateur
Hydraulique
TRICHET Jean-Jacques
Département Multimodalité
Cadre
Exploitation
Administration centrale (MEDDE)
BEAURAIN Didier
DGITM/DST - Bureau du transport Tutelle
fluvial
Hydraulique
LA CORTE Yoann
DGITM/DIT – Bureau des voies
navigables
Hydraulique Exploitation
RENAUD Amélie
DGPR/SRNH – Bureau des risques Tutelle
météorologiques
Hydraulique
TANGUY Jean-Michel
CGDD/DRI
Tutelle
Hydraulique
Tutelle
Autres services de l'État
PINEY Stéphane
PREL Pauline
KOPP Sébastien
BONTEMPS Arnaud
LAVAUD Emmanuel
LRB, CETE Normandie Centre
Utilisateur
Hydraulique
FELTS Didier
CETE Sud-Ouest
Utilisateur
Hydraulique
DELGADO José-Luis
ALQUIER Mathieu
LAROCHE Christophe
PAYA Elodie
PONS Frédéric
CETE Méditerranée
Utilisateur
Hydraulique
JANET Bruno
LEPAPE Etienne
PIOTTE Olivier
SCHAPI
Utilisateur
Hydraulique
77
Annexe 1 : Liste des personnes rencontrées
CHARLES Alain
BECHON Pierre-Marie
SPC Lyon
Utilisateur
Hydraulique
THURAT Paul-Emmanuel
STAC/ACE Division Capacité et
Simulation
Utilisateur
Exploitation
LY Boris
Sétra, Etudes de gestion de trafic
Réseau
d'utilisateur
Exploitation
Grand Port Maritime
DUJARDIN Julien
SANCHEZ Francisco
Port de Dunkerque
Bénéficiaire
potentiel
Exploitation
BOUTTEMY Vincent
Port du Havre
Bénéficiaire
Hydraulique Exploitation
MIGUET Christian
PERROUD Estelle
Port de La Rochelle
Bénéficiaire
Exploitation
RAULOT Pascal
Port de Nantes Saint Nazaire
Bénéficiaire
Exploitation
VNF
LACOURT Hugues
VNF – DT Bassin de la Seine
Bénéficiaire
Hydraulique
JACQUART Christine
THOREL Xavier
VNF – DT Nord-Pas de Calais
Bénéficiaire
Exploitation
Etablissements scientifiques
GOUTX David
Météo France
Utilisateur
Hydraulique
PAQUIER André
Irstea
Développeur
Hydraulique
PEDREROS Rodrigo
BRGM
Utilisateur
Hydraulique
Etablissement public territorial de bassin
LEPLUS Jérémy
GUILMIN Emmanuel
EPAMA
Utilisateur
Hydraulique
Organismes privés
ANGUIL Guilain
EGIS Eau
Utilisateur
Hydraulique
MAGHERINI Philippe
CNR
Utilisateur
Exploitation
SILVA Piero
Artelia
Utilisateur
Exploitation
LANG Pierre
Ingerop
Développeur
Hydraulique
GOUTAL Nicole
HERVOUET Jean-Michel
PHAM Chi Tuan
LHNE (EDF)
Développeur
Hydraulique
COULET Christophe
Artelia
Développeur
Hydraulique
HUARD Sébastien
FERRI Julien
Ingerop
Utilisateur
Hydraulique
Recherche
Hydraulique
Organismes européens
KOPMANN Rebekka
78
BAW
Annexe 2 : Présentation des logiciels Sinavi et Sipor
Annexe 2 : Présentation des logiciels Sinavi et
Sipor
Le logiciel Sinavi a été développé par le Cetmef pour la simulation d'exploitation des voies
navigables ; le logiciel Sipor pour celle des ports maritimes. Les deux logiciels reposent tous deux sur la
théorie mathématique des files d'attente et permettent de simuler les différentes étapes du trajet d'un
bateau dans un port ou dans une voie navigable. Plusieurs scénarios d'évolution des infrastructures et des
règles de navigation peuvent ainsi être simulés et comparés en termes d'impact sur l'écoulement du trafic.
1
a)
Fonctionnement du logiciel
Modélisation du réseau
La première étape de la modélisation consiste à représenter le réseau considéré. Celui est découpé
en segments uniformes, séparés par des gares, auxquels s'ajoutent des points remarquables : dans le
domaine fluvial, les écluses, tunnels, ponts-canaux ; dans le domaine portuaire, les cercles d'évitage qui
permettent aux navires de réaliser des manoeuvres à l'approche du quai, les bassins dans lesquels se
trouvent un ou plusieurs quais de chargement-déchargement et les écluses, qui permettent de maintenir
certains bassins à une hauteur d'eau constante, malgré la marée.
Dans le domaine fluvial (Figure 1)
Figure 1 : Schéma du fonctionnement de Sinavi
79
Annexe 2 : Présentation des logiciels Sinavi et Sipor
Le bief, ou tronçon de la voie d'eau, est caractérisé par ses dimensions – longueur, hauteur d'eau,
largeur au miroir –, ainsi que par des règles de navigation – vitesse maximale autorisée, fenêtre horaire
d'accès au bief. On peut y renseigner également une fréquence et une durée d'indisponibilité, selon des
lois aléatoires simulant des incidents ou selon des lois régulières pour mimer une période de chômage
(action de vider un bief pour y réaliser des travaux).
Les écluses sont, elles, caractérisées par leurs dimensions – hauteur de chute, largeur et longueur
– , la durée de bassinée, composée des durées de remplissage et de vidange de l'écluse ainsi que les durées
de manoeuvre d'entrée et de sortie des bateaux. On peut là aussi ajouter une loi d'indisponibilité
et un créneau horaire d'ouverture.
Ces éléments, une fois assemblés, permettent de représenter le réseau étudié (voir figure page
suivante).
Les bateaux sont regroupés par catégories suivant leurs dimensions et les règles de navigation qui
s'imposent à eux. On peut leur affecter des règles de priorité, qui s'appliqueront dans les files d'attentes
aux ouvrages, ainsi que des créneaux de navigation, permettant de simuler les escales des bateaux qui ne
naviguent pas 24h/24.
On peut, par catégories de bateaux, entrer des durées de manoeuvres spécifiques à l'entrée et à la
sortie des écluses. En effet, la durée de manoeuvre dépend non seulement des caractéristiques de l'écluse
(manoeuvrabilité des portes, distance de la zone d'attente au sas), mais aussi de la manoeuvrabilité du
bateau.
Les règles de croisement et de trématage39 sont entrées pour chaque couple de bateaux et pour
chaque tronçon considéré. On peut ainsi définir des alternats, c'est-à-dire des biefs qui sont en sens unique
de circulation. La vitesse maximale de navigation est également calculée par bief et par bateau, à partir de
leurs dimensions respectives. Si elle est moindre que la vitesse maximale autorisée instaurée dans le
tronçon, c'est elle que le logiciel utilisera.
Enfin, on définit les différents trajets empruntés dans le réseau, qui sont définis par une certaine
catégorie de bateaux, une gare de départ et une gare d'arrivée. On affecte à chaque trajet une loi de
génération du trafic, choisie afin de représenter au mieux la réalité des flux de trafic. L'utilisateur dispose
de trois types de lois :
–
une loi aléatoire de type loi d'Erlang, dont l'ordre est choisi après analyse des données de
dates d'arrivée des bateaux,
–
une loi journalière, qui génère un type de bateau tous les jours à la même heure (ce qui
convient bien à la simuation des ferry),
–
une loi déterministe, pour laquelle on entre chaque date et heure de départ souhaitée
Lors de la simulation, le bateau est généré à sa gare de départ, puis parcourt les différents biefs,
ponts-canaux et tunnels et franchit les écluses qui se trouvent sur son trajet, jusqu'à sa gare de
destination. Le bateau navigue selon la vitesse maximale autorisée par la réglementation ou par les
caractéristiques physiques de la voie d'eau. Il respecte les conditions de croisement et de trématage, et
n'est pas contraint par les conditions de vent ni de courant. La règle principale de gestion des files
d'attente est le principe du premier arrivé, premier servi, que l'on peut nuancer par la définition de règles
de priorité.
39 Dépassement d'un bateau
80
Annexe 2 : Présentation des logiciels Sinavi et Sipor
Figure 2 : Modélisation du réseau de voies navigables de Arleux à Dourges ; Source : étude Cetmef
81
Annexe 2 : Présentation des logiciels Sinavi et Sipor
Dans le domaine portuaire
Figure 3: Schéma de fonctionnement du logiciel Sipor
Dans Sipor, on retrouve l'équivalent des biefs – les chenaux, et des écluses (Figure 5). Les cercles
d'évitage sont également définis par une durée de parcours et des règles de croisement, mais induisent
également des contraintes de navigation spécifiques : si un navire réalise une manoeuvre sur ce cercle,
cela induit un temps d'attente au navire suivant.
Par ailleurs, à chaque catégorie de navires est affecté un ou plusieurs quais préférentiels ainsi
qu'une loi de chargement-déchargement au quai, qui est définie par un temps de service ou, de manière
plus détaillée, par un tonnage, une cadence de (dé)chargement et des horaires journaliers de travail.
Chaque catégorie de navires a sa propre loi de génération.
Enfin, la différence fondamentale de Sipor est la prise en compte de la marée. Celle-ci est
caractérisée de la façon suivante : sa période, sa période de vives eaux et de mortes eaux et les hauteurs
d'eau aux différentes périodes et amplitudes de marée (Figure 4).
Elle induit plusieurs contraintes sur les navires et les différents tronçons. On indique ainsi pour
chacun des chenaux si celui-ci est soumis ou non à la marée – certains secteurs du port peuvent en effet
être protégés de la marée par une écluse, qui reste ouverte à la pleine mer – et pour chaque catégorie de
navires si celle-ci a un créneau d'accès au port restreint autour des plus hautes eaux.
82
Annexe 2 : Présentation des logiciels Sinavi et Sipor
Figure 4 : Schéma des amplitudes de marée ; Source : Site du SHOM. VE : vive
eau ; ME : morte eau
Lors de la simulation, le navire généré à l'entrée du port franchit les différents chenaux, zones de
manœuvre et écluses qui le mènent à son quai d'affectation. Tout au long du trajet sont prises en compte
les règles de navigation, les conditions de marée et les durées de parcours. Une fois le traitement au quai
terminé, le navire prend le trajet inverse vers la sortie et subit ainsi les mêmes conditions de navigation
qu'à l'aller.
b)
Résultats
Les deux logiciels génèrent un fichier d'historique reprenant l'ensemble des passages de bateaux
aux différentes gares. Des traitements statistiques de cet historique permettent d'évaluer les indicateurs
d'écoulement de trafic tels que :
– le nombre de bateaux générés sur la période de simulation,
– les durées de parcours (ou temps de séjour au port) minimales, moyennes et maximales ainsi que
leur distribution,
– le taux d'occupation des écluses ou des quais ainsi que le nombre de bassinées effectuées par
chaque écluse,
– le temps d'attente dans chaque gare, permettant d'identifier les points d'engorgement sur le réseau,
– la durée d'attente par trajet effectué,
– par catégorie de bateaux et par types d'attente, les indicateurs suivants : attente totale, attente
moyenne par bateau, nombre de bateaux ayant attendu, attente moyenne par bateau ayant attendu.
On distingue ainsi :
– les attentes de sécurité, du fait des règles d'interdiction de croisement ou de trématage,
– les attentes d'accès, du fait des créneaux de navigation ou d'accès aux ouvrages,
– les attentes d'occupation, liées à l'occupation des écluses ou des quais,
– les attentes d'indisponibilité, du fait des pannes et des travaux,
– dans le domaine portuaire uniquement, les attentes liées à la marée.
Certains de ces indicateurs sont des données qui peuvent être récoltées par l'exploitant et
83
Annexe 2 : Présentation des logiciels Sinavi et Sipor
ainsi permettre de caler le modèle sur des valeurs historiques.
Figure 5: Vue aérienne et modélisation du port de La Rochelle. Source :
rapport d'étude du Cetmef
84
Annexe 3 : Liste des outils de modélisation hydraulique rencontrés au
cours de la mission
Nom
Diffusion
Développé par
Delft3D
libre
Deltares
2D, 3D
Site
Type
Transport
sédimentaire
X
http://www.deltaressystems.com/hydro/product/621497/delft3d-suite
HEC-6T
gratuit
1D
X
http://www.mbh2o.com/hec6t.html
HECRAS
Hydrariv
InfoWorks
gratuit
commercial
commercial
1D
1D / 2D
1D, 2D
X
X
http://www.hec.usace.army.mil/software/hec-ras/
http://hydratecsoft.free.fr/hydrariv_main.htm
http://geomod.fr/gmd-societe/ce-accueil/ce-logiciels/ce-log-suite-infoworks/
ISIS
Mascaret
commercial
libre
MIKE (11, 21, 3)
RUBAR (3, 20)
SOBEK
Stream
TELEMAC
WOLF 1D – 2D
commercial
commercial
commercial
libre
-
US Army Corps of Engineers
Hydrologic Engineering
Center, US Army Corps of
Engineers
Hydratec
HR Wallingford Ltd
HR Wallingford Ltd et Sir
William Halcrow and Partners
Ldt
LNHE (EDF) et consortium
Danish Hydraulic Institute
(DHI)
Irstea Lyon
Deltares
Egis Eau (ex BCEOM)
LNHE (EDF) et consortium
université de Liège
Mars
Mike SW
commercial
Ifremer
DHI
libre
libre
libre
TU Delft
LNHE (EDF) et consortium
NOAA, US administration
libre
LNHE (EDF) et consortium
commercial
DHI
Modèles Saint Venant
Swan
Tomawac
Wavewatch III
Artemis
Mike EMS, PMS et
BW
1D
http://www.halcrow.com/isis/
1D
Tsar, Courlis http://www.opentelemac.org/
1D, 2D,
3D
X
http://mikebydhi.com/Products/WaterResources.aspx
1D, 2D RubarBE
http://www.irstea.fr/rubar3
2D
http://www.deltaressystems.com/hydro/product/108282/sobek-suite
1D
2D, 3D Sysiphe
http://www.opentelemac.org/
2D
X
http://www.hach.ulg.ac.be/cms/wolf
Modèles de propagation de houle
http://wwz.ifremer.fr/mars3d/Presentation
http://mikebydhi.com/Products/CoastAndSea/Waves.aspx
http://www.citg.tudelft.nl/over-faculteit/afdelingen/hydraulicengineering/sections/environmental-fluidmechanics/research/swan/
http://www.opentelemac.org/
http://polar.ncep.noaa.gov/waves/wavewatch/
Modèles d'agitation
http://www.opentelemac.org/
http://mikebydhi.com/Products/CoastAndSea/Waves.aspx
Annexe 4 : Carte des services de prévision des crues (actualisée pour décembre 2012)
Annexe 4 : Carte des services de prévision des
crues (actualisée pour décembre 2012)
86
Annexe 5 : Carte des modèles hydrauliques des services de prévision des crues
Annexe 5 : Carte des modèles hydrauliques des
services de prévision des crues
87
Annexe 6 : Schéma d'élaboration du document de cadrage concernant le
développement et la diffusion des outils du Cetmef
Positionnement de la
direction technique
Administration centrale
Services déconcentrés
Établissements publics :
grands ports maritimes,
VNF
Directions territoriales
Recueil des
attentes
Objectifs pour
le développement,
la diffusion et
l’utilisation
des outils
Collectivités territoriales
cf. figure 4
Ressources et
partenariats
Actions
Indicateurs de
suivi des
actions
Table des sigles
AIRH
Association internationale pour la recherche en hydraulique
BAW
Bundesanstalt für Wasserbau
BRGM
Bureau de recherches géologiques et minières
CANDHIS
Centre d'archivage national de données de houle in-situ
Cerema
Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et
l’aménagement
Certu
Centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions
publiques
CETE
Centre d’études techniques de l’équipement
Cetmef
Centre d’études techniques maritimes et fluviales
CGDD
Commissariat général au développement durable
CGEDD
Conseil général de l'environnement et du développement durable
CNR
Compagnie nationale du Rhône
CTeeSMES Commission technique d’étude et d’évaluation des surcotes marines dans l’estuaire
de la Seine
DDT
Direction départementale des territoires
DGALN
Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature
DGITM
Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer
DGPR
Direction générale de la prévention des risques
DIT
Direction des infrastructures de transport
DST
Direction des services de transport
DREAL
Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement
DRI
Direction de la recherche et de l’innovation
EDF
Électricité de France
EPAMA
Établissement public d'aménagement de la Meuse et de ses affluents
EPTB
Établissement public territorial de bassin
IFORE
Institut de formation de l'environnement
Ifremer
Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer
Ifsttar
Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des
réseaux
IMFT
Institut de mécanique des fluides de Toulouse
INPG
Institut national polytechnique de Grenoble
INPT
Institut national polytechnique de Toulouse
Irstea
Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et
l’agriculture
INSA
Institut national des sciences appliquées
LGCE
Laboratoire de Génie Côtier et Environnement
LHN
Laboratoire d'hydraulique numérique
LHSV
Laboratoire d'hydraulique Saint-Venant
LNHE
Laboratoire national d'hydraulique et d'environnement
LRB
Laboratoire régional de Blois
MEDDE
Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie
ORMES
Office des risques majeurs de l'estuaire de la Seine
PCI
Pôle de compétences et d’innovation
RST
Réseau scientifique et technique du MEDDE
SCHAPI
Service central d'hydrométéorologie et d'appui à la prévision des crues
Sétra
Service d’études sur les transports, les routes et leurs aménagements
SHOM
Service hydrographique et océanographique de la Marine
SPC
Service de prévision des crues
STCPMVN Service technique central des ports maritimes et des voies navigables
STV
Service technique de la voie d’eau
TRI
Territoire à risques importants d'inondation
UTC
Université technologique de Compiègne
VNF
Voies navigables de France