interaction entre acteurs de la coopération internationale

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interaction entre acteurs de la coopération internationale
INTERACTION ENTRE ACTEURS DE LA
COOPÉRATION INTERNATIONALE
VERS LA CONFIANCE ET LA FLEXIBILITÉ
N° 82, février 2013
CONSEIL CONSULTATIF POUR LES QUESTIONS INTERNATIONALES
ADVIESRAAD INTERNATIONALE VRAAGSTUKKEN
AIV
Membres du Conseil consultatif pour les questions internationales
Président
F. Korthals Altes
Vice-président
W.J.M. van Genugten
Membres
Mme J. Gupta
Mme P.C. Plooij-van Gorsel
A. de Ruijter
Mme M. Sie Dhian Ho
A. van Staden
Général (e.r.) M.L.M. Urlings
Mme H.M. Verrijn Stuart
J.J.C. Voorhoeve
Secrétaire
T.D.J. Oostenbrink
Boîte postale 20061
NL - 2500 EB La Haye
Les Pays-Bas
Téléphone +31 70 3485108/6060
Télécopieur +31 70 3486256
Courriel [email protected]
www.AIV-Advice.nl
Membres de la Commission sur la complémentarité
des canaux de l’aide
Président
A. de Ruijter
Membres
F.A.J. Baneke
B.S.M. Berendsen
B. de Gaaij Fortman
J. van Ham
Mme N. Tellegen
Secrétaire
Mme D.E. van Norren
Sommaire
Avant-propos
Résumé
I
II
8
Contexte, complexité, cohérence
14
I.1
Des défis partagés à l’échelle mondiale
I.2
Les nouveaux acteurs
I.3
Besoin de cadres
I.4
Volonté de cohérence
15
16
16
I.5
Gouvernance mondiale
I.6
Biens publics mondiaux (BPM)
I.7
Évolution de la pauvreté
I.8
Rôle et responsabilité des pouvoirs publics néerlandais
17
17
18
Des canaux de l’aide aux acteurs : capitaliser la plus-value
II.1
II.2
II.3
Des canaux de l’aide aux acteurs
II.6
20
II.1.2
Les canaux de l’aide tels que définis par le CAD-OCDE
II.1.3
Des canaux de l’aide aux acteurs
20
20
21
Les pouvoirs publics en tant qu’acteur de la coopération internationale
II.2.1
Plus-value potentielle des pouvoirs publics en tant qu’acteur
II.2.2
Limites des pouvoirs publics en tant qu’acteur
22
22
23
Plus-value potentielle des institutions multilatérales en
23
II.3.2
Limites des institutions multilatérales en tant qu’acteur
II.3.3
Plus-value potentielle de l’UE en tant qu’acteur
II.3.4
Limites de l’UE en tant qu’acteur
23
24
25
Les entreprises en tant qu’acteur de la coopération internationale
II.4.1
Plus-value potentielle des entreprises en tant qu’acteur
II.4.2
Limites des entreprises en tant qu’acteur
27
Les ONG en tant qu’acteur de la coopération internationale
II.5.1
Plus-value potentielle des ONG en tant qu’acteur
II.5.2
Limites des ONG en tant qu’acteur
Centres d’expertise et réseaux
28
28
29
29
Coopération bilatérale intergouvernementale
III.1.1
26
26
Synergie : comment la combinaison des acteurs génère de la valeur ajoutée
III.1
22
Les institutions multilatérales et l’UE en tant qu’acteurs de la
tant qu’acteur
II.5
20
Les canaux de l’aide tels que définis par l’État néerlandais
II.3.1
II.4
18
II.1.1
coopération internationale
III
14
30
30
Modalités : projet, programme, aide budgétaire et
plans pluriannuels
30
III.1.2
Politique des pays cibles
32
III.1.3
Synergie entre la coopération bilatérale et les autres acteurs
33
III.2
III.3
Coopération avec les institutions multilatérales
III.2.1
Les Pays-Bas et les institutions multilatérales
33
III.2.2
Rapports entre les institutions multilatérales
34
III.2.3
Institutions multilatérales, autres donateurs et acteurs locaux
III.2.4
Coopération entre organisations multilatérales et ONG
Coopération entre les institutions multilatérales et les entreprises
36
Coopération entre les États membres et l’Union européenne
Complémentarité entre les coopérations au développement
III.3.2
Cohérence au sein de l’UE entre politique générale et de
37
38
III.3.3
Le rôle de l’UE dans la coordination des donateurs
III.3.4
L’UE et les acteurs de la société civile
41
Synergie entre les entreprises et les organisations
de la société civile
III.4.3
41
Synergie entre les entreprises et entre ces dernières et les
pouvoirs publics
III.4.2
39
40
Synergie entre les entreprises et les autres acteurs
III.4.1
42
Soutien par l’État de la valeur ajoutée des entreprises en tant
qu’acteurs de la coopération au développement
III.5
Synergie avec les centres d’expertise
III.6
Synergie avec les organisations de la société civile
44
46
47
III.6.1
Coopération civilatérale Nord-Sud
III.6.2
Mise à profit par les pouvoirs publics de la valeur ajoutée des ONG
47
48
Interaction entre acteurs dans les pays à revenu faible et intermédiaire et dans les
États fragiles en matière de biens publics mondiaux
52
IV.1
Budget structurel pour la sécurité internationale : l’approche intégrée
IV.2
Cohérence entre politique commerciale et coopération
au développement
IV.3
IV.4
52
53
Sélection des acteurs chargés d’aspects particuliers de la
coopération internationale
58
Valeur ajoutée et synergie des différents acteurs du point de vue de
quatre perspectives stratégiques : États fragiles, pays à faible revenu,
pays à revenu intermédiaire et biens publics mondiaux
V
37
37
III.3.1
développement
IV
35
III.2.5
néerlandaise et européenne
III.4
33
58
La complexité de gérer un monde en proie aux turbulences – exploration des
notions de flexibilité et de confiance
64
V.1
Les limites du système actuel
64
V.2
Le mythe de la maîtrise face aux complexités émergentes
V.3
Nouvelles approches : vers davantage de confiance et de flexibilité
64
66
VI
Conclusions et recommandations
69
VI.1
Avenir de la coopération bilatérale
70
VI.2
Avenir de la coopération avec les acteurs multilatéraux
VI.3
Avenir du soutien aux entreprises
VI.4
Avenir du soutien aux organisations de la société civile
VI.5
Budget structurel pour la sécurité internationale :
l’approche intégrée
VI.6
70
71
73
73
L’importance de la mise en œuvre par les pouvoirs publics et
de la préservation du réseau des postes
Annexe I
Demande d’avis
Annexe II
Spécialistes consultés
Annexe III
Abréviations utilisées
Annexe IV
Complémentarité et synergie : définitions
74
Avant-propos
Le Conseil consultatif pour les questions internationales (AIV) a été prié en mars
2012 d’émettre un avis sur la complémentarité et la synergie des canaux de l’aide
(cf. annexe I), lequel fait suite à l’avis sur la modification des profils de pauvreté,
récemment publié sous le titre « Des mondes inégaux – Pauvreté, croissance,
inégalités et le rôle de la coopération internationale » (avis no 80).
Le présent avis propose sur deux points une analyse plus approfondie qu’il n’a été
demandé.
1. Premièrement, la demande d’avis portant davantage que les précédentes sur
les modalités de mise en œuvre de la coopération au développement, l’AIV s’est
largement appuyé sur la consultation d’experts des différents acteurs de l’aide
(cf. annexe II), et souhaite ici adresser des remerciements particuliers à Jan
Gruiters. Le constat qui en ressort est double : d’une part, un fléchissement
de la conviction qu’il est possible de tout modeler, mesurer, planifier et
réglementer, et, d’autre part, un appel croissant à la flexibilité et à la confiance
dans les limites de cadres stratégiques larges mais clairs. L’AIV a rassemblé ces
données dans le chapitre V, qui a pour objet d’explorer la nécessité de modifier
les thèses actuellement reconnues.
2. Deuxièmement, il faut rappeler que le présent avis a été demandé par un
gouvernement antérieur. Le nouveau gouvernement se voyant confronté à
de nouvelles questions sur lesquelles le ministre a indiqué qu’il souhaitait
connaître à court terme le point de vue de l’AIV, les recommandations formulées
au chapitre VI dépassent la réflexion menée dans le reste de l’avis, tout en s’y
accordant sur le fond.
L’avis a été rédigé par une commission composée des personnes suivantes :
MM. A. de Ruijter, F. Baneke, B. Berendsen, B. de Gaay Fortman, J. van Ham,
Mme N. Tellegen, Mme D. van Norren (secrétaire) et Mme E. Wielders (stagiaire).
Le présent avis a été adopté par l’AIV durant sa réunion du 1er février 2013.
Résumé
« Doubt requires more courage than conviction does, and more energy; because conviction is
a resting place and doubt is infinite; it is a passionate exercise.
We’ve got to learn to live with a full measure of uncertainty. There is no last word: that’s the
silence under the chatter of our time », John Patrick Stanley, Play: Doubt, a parable (2004).
« The remaining membrane that held Dutch culture together for more than a century was a
marvel of elasticity. Responding to appropriate external stimuli, it could expand or contract
as the conditions of its survival altered », S. Schama, The Embarrassment of Riches, p. 596.
Contexte et complexité
La coopération internationale actuelle est confrontée à la complexité des questions du
monde d’aujourd’hui et à l’hétérogénéité des relations internationales. Cela transparaît
tout d’abord dans l’enchevêtrement des problématiques et dans leur caractère indéfini
et illimité, ce que l’on pourrait appeler les problèmes irréductibles de la complexité
organisée, ainsi que dans la multiplication des acteurs non étatiques. Si l’État reste un
point de référence primordial, il est aussi dans une mesure croissante l’une des mailles
d’un réseau peu structuré reliant des acteurs et des scènes en constante permutation1.
Le chapitre I retrace brièvement l’histoire d’un certain nombre de changements, y compris
leurs corrélations et leur complexité, dans le domaine spécifique de la coopération
internationale, en se référant aux précédents avis de l’AIV.
Des canaux aux acteurs
Contrairement au souhait exprimé dans la demande d’avis, l’AIV ne s’est pas intéressé
aux canaux de l’aide mais aux acteurs de la coopération internationale. En effet, la
définition habituelle des canaux de l’aide pose problème tandis que les acteurs concernés
ne se contentent pas d’être un maillon de la chaîne de l’aide (à sens unique du donateur
vers le bénéficiaire) mais sont aussi des agents du changement social contribuant chacun
selon son propre mandat au travail international de coopération. C’est l’objet de la
première partie du chapitre II.
Plus-value des acteurs
L’avis distingue quatre catégories d’acteurs : les acteurs bilatéraux, multilatéraux, civils
(organisations de la société civile2 et centres d’expertise) et privés (entreprises), dont la
plus-value et les limites sont analysées de façon générique au chapitre II. L’exploitation de
cette valeur ajoutée par les pouvoirs publics peut ainsi être abordée en termes généraux.
Le chapitre IV propose dans deux tableaux une analyse plus spécifique de la valeur
ajoutée des acteurs sur certains terrains donnés.
1
Aan het buitenland gehecht. Over verankering en strategie van Nederlands buitenlands beleid [Attaché à
l’international. Ancrage et stratégie de la politique étrangère des Pays-Bas], Conseil scientifique de la
politique gouvernementale (WRR), Amsterdam, 2010.
2
La notion de société civile correspond à la structure sociale composée des groupes et organisations
− dont le degré de formalisation peut fortement varier − qui occupent l’espace social entre les ménages,
les pouvoirs publics et le secteur privé. Elle recouvre les ONG, les centres de réflexion, les organisations
commerciales, les groupes religieux, les mouvements sociaux, les leaders traditionnels et religieux, les
groupements sociaux, de jeunes et de femmes. Ce sont des acteurs qui défendent des intérêts publics ou
communs. Les organisations de la société civile remplissent différentes fonctions dans divers contextes
et sont incontournables pour parvenir à un développement social, économique et politique.
8
Le chapitre II comporte également une analyse des inconvénients du système actuel de
cofinancement des organisations de la société civile et ouvre le débat sur l’application
d’une autre méthode de financement des ONG par les pouvoirs publics, sur le modèle
suédois. Il fournit en outre des conseils concernant les critères auxquels les programmes
publics de cofinancement des activités commerciales devraient répondre en vue
d’exploiter au mieux la valeur ajoutée des entreprises dans le cadre de la coopération
internationale.
Coopération et synergie entre les acteurs
La synergie est définie de façon simple comme la somme « 1+1=3 ». Étant donné que
d’autres acteurs sont identifiables (UE, centres d’expertise), que des combinaisons
d’acteurs sont possibles au sein des différentes catégories (pouvoirs publics-pouvoirs
publics) et qu’une combinaison peut être constituée de trois ou quatre acteurs, la
liste des combinaisons génératrices de valeur ajoutée dressée au chapitre III est
particulièrement hétéroclite. Cela permet de parvenir à la conclusion positive que les
acteurs, en premier lieu les entreprises et les ONG, font preuve d’un respect mutuel
croissant et travaillent de plus en plus souvent en collaboration. Il apparaît de plus que
les pouvoirs publics ont la possibilité de stimuler cette évolution au moyen de partenariats
public-privé (PPP), un modèle qui gagne rapidement en popularité, à condition de satisfaire
à certaines conditions.
Suggestions pour un engagement complémentaire des acteurs sur certaines questions
actuelles
À la demande du nouveau ministre, l’AIV fait au chapitre IV des suggestions succinctes
– anticipant le cas échéant sur un approfondissement futur des questions concernées –
sur la complémentarité des différents acteurs relativement à certaines questions
actuelles et les possibilités dont disposent les pouvoirs publics pour la soutenir. Les
questions abordées sont notamment :
- Le budget pour la sécurité internationale : l’approche intégrée.
L’AIV constate que le choix de donner une interprétation large à l’accord de coalition
correspond à un choix politique. L’accord précise que « l’importance des opérations
de paix et de gestion de crise pour les pays en développement sera soulignée par
l’institution, à compter de 2014, d’un nouveau budget structurel Sécurité internationale
de 250 millions d’euros. Il couvrira les dépenses liées à la sécurité internationale
qui grèvent à l’heure actuelle le budget de la Défense » (p. 15) et « sera utilisé par
la Défense pour couvrir ses dépenses liées à la sécurité internationale. » (p. 73).
Il importe cependant que ce ministère, qui a renoncé à son budget opérationnel,
continue à disposer de moyens suffisants pour ce type d’opérations dans les États
fragiles mais aussi pour la défense des alliés des Pays-Bas. À l’instar de l’accord
de coalition, l’AIV souligne l’importance d’une approche intégrée, dont la dimension
développement est abordée dans la lettre à la Chambre « Axe prioritaire : sécurité et
ordre juridique ». En cas de participation à une opération de paix ou de gestion de
crise, l’AIV conseille de consacrer une attention explicite, dans le cadre d’évaluation
de la mission ainsi que dans la lettre à la Chambre la concernant (lettre exigée par
l’article 100 de la Constitution), à la sécurité humaine et à la protection des civils en
termes d’objectif, d’approche et de moyens. Le document d’évaluation doit par ailleurs
stipuler la mise en œuvre immédiate d’un suivi indépendant des victimes civiles et
d’un rapport public à ce sujet.
- La cohérence entre la politique commerciale et la coopération au développement :
l’avis se penche sur l’aide au commerce, les chaînes d’importation, l’exportation et le
fonds renouvelable au profit des PME (plus-value des petites entreprises). Le fonds au
profit des PME doit satisfaire à divers critères en matière de réponse à la demande,
9
de flexibilité, d’effet catalyseur, d’accès au financement, d’atténuation des risques,
d’examen au regard des objectifs de développement, de qualité des comptes rendus et
d’expertise du cadre d’exécution.
Conclusions relatives au pilotage
L’analyse effectuée dans les premiers chapitres montre qu’il est de plus en plus délicat
de gérer – sans parler de modeler – les questions complexes et les relations plurilatérales
composites qui en découlent. Les dirigeants et les décideurs concluent de plus en
plus fréquemment à l’inefficacité stratégique de l’instrumentaire classique, axé sur la
coordination, la constance et la cohérence. Pire encore, les tentatives de simplification ont
plutôt l’effet inverse, du fait de l’interdépendance et de l’interaction entre les différents
problèmes et acteurs, mais aussi de l’effet pervers des politiques. Il n’existe pas de
remède universel ni de recette miracle contre la complexité des questions en jeu. La seule
voie possible est d’accepter l’incertitude, ce qui signifie éviter d’adopter directement le
mode « analyse-instruction » qui donne des œillères. Cela exige une certaine modestie
ainsi qu’une ouverture d’esprit face à la diversité et à la pluralité de l’approche multiacteurs.
Interaction entre acteurs pour le futur programme de coopération internationale
Compte tenu de ce contexte, il est impossible de fournir d’emblée une réponse adaptée
à l’ensemble des questions posées par la demande d’avis. Les autres donateurs
partageant les vues des Pays-Bas n’y sont pas non plus parvenus. C’est pourquoi
l’AIV a élaboré un avis visant à offrir des pistes et des références pour faciliter la
complémentarité des acteurs.
Ce choix a également été dicté par le fait que le nouveau gouvernement, et plus
particulièrement la nouvelle ministre du Commerce extérieur et de la Coopération au
développement, doit à court terme parvenir à mettre en pratique une nouvelle stratégie,
dans les limites de nouveaux cadres politiques et financiers, selon un mandat élargi.
L’AIV conseille par ailleurs de définir les orientations en matière de complémentarité en
répondant à deux questions stratégiques :
- Quels acteurs possèdent la plus-value et la force d’innovation nécessaires pour fournir
une contribution stratégique à la mise en œuvre efficace du futur programme de
coopération internationale ?
- Comment les pouvoirs publics peuvent-ils offrir les conditions et le soutien permettant
à ces acteurs de réaliser leur contribution stratégique ?
Les deux tableaux du chapitre IV récapitulent pour chaque acteur les aspects les plus
évidents de la plus-value ainsi que les combinaisons génératrices de synergie, sur les
terrains stratégiques suivants :
- développement durable dans les pays à faible revenu ;
- développement durable et sécurité dans les États fragiles ;
- développement durable et redistribution dans les pays à revenu intermédiaire ;
- gestion légitime et équitable des biens publics mondiaux.
Une nouvelle façon de penser
Le chapitre V montre que les Pays-Bas doivent modifier leur façon de penser la
coopération s’ils veulent continuer à jouer un rôle prépondérant sur ce terrain. Le New
Public Management et les théories SMART sont obsolètes. La société se dirige vers une
méthode de travail en réseau caractérisée par la flexibilité, la diversité, la résilience, la
10
vitalité et l’agilité. Les pouvoirs publics doivent en tenir compte car, dans la réalité indocile
d’un monde complexe, il est bien plus crucial de posséder des capacités d’adaptation
que de savoir planifier, de même qu’agilité et résilience sont plus efficaces que résistance
(des structures fixes) et uniformité. Les maîtres mots sont confiance a priori, et
redevabilité et contrôle effectif a posteriori, ce qui revient dans une mesure croissante,
en termes d’efficacité de l’État, à régir, relier et faciliter plutôt que surveiller et contrôler.
Ce changement de conception est essentiel pour faciliter les relations hétérogènes avec
des acteurs présentant des avantages comparatifs en fonction de leur valeur ajoutée.
L’AIV conseille par conséquent au gouvernement de continuer à peser les conséquences
politiques d’un tel changement et à leur donner une traduction opérationnelle.
Première conséquence possible : la remise en question des modalités de l’APD, pour
autant que la définition actuelle freine l’efficacité de la coopération internationale. Cela
pourrait aboutir à la redéfinition des critères APD ou à l’agrégation du financement externe
pour le développement, qui recouvre tant l’APD que d’autres formes innovantes d’aide3.
Un rapport conjoint sur la définition de l’APD sera prochainement présenté par le ministère
des Finances et celui des Affaires étrangères. L’AIV recommande de réserver l’APD aux
biens publics mondiaux dans le domaine social et les financements innovants aux autres
types de biens publics mondiaux, en veillant à ce que ces financements soient réellement
employés dans le cadre de leur but premier, la coopération internationale, et ne soient pas
versés aux ressources générales. Le maintien, dans la mesure du possible, de la norme
de 0,7 % pour l’APD contribue à la stature internationale des Pays-Bas et pourrait faire
l’objet d’un nouvel avis de l’AIV.
Seconde conséquence du changement de vision : l’importance accrue de la motivation, de
l’expertise et de la fiabilité des décideurs et des acteurs de la mise en œuvre. L’actuelle
tendance à la diminution du cadre d’expertise, consécutive aux mesures d’économie, va à
l’encontre de cette évolution.
Conclusions
Enfin, le chapitre VI présente des conclusions concernant :
- l’avenir de la coopération entre acteurs bilatéraux ;
- l’avenir de la coopération avec les acteurs multilatéraux ;
- l’avenir du soutien aux entreprises et de la cohérence entre aide et commerce ;
- l’avenir du soutien aux organisations de la société civile ;
- le budget pour la sécurité internationale : l’approche intégrée ;
- l’importance de la mise en œuvre par les pouvoirs publics et de la préservation du
réseau des postes.
Grille de lecture
De façon résumée, la demande d’avis pose les questions suivantes (références de la
réponse dans l’avis entre parenthèse) :
1. Aux fins d’une argumentation solide, je prie l’AIV de donner une définition
conceptuelle des notions de complémentarité et de synergie (cf. annexe IV
Complémentarité et synergie : définitions).
2. Quelles opportunités de synergie peut-on identifier, tant au niveau des pays
partenaires qu’au niveau thématique ? Quels sont les facteurs restrictifs à prendre en
compte ? (Cf. chapitre III Synergie : comment la combinaison des acteurs génère de
la valeur ajoutée).
3
ECDPM, Reporting for Development: ODA and Financing for Development, Maastricht, avril 2012.
11
3.
Où se situent les limites de la complémentarité entre les divers canaux ? (Cf. chapitre
II Des canaux de l’aide aux acteurs : capitaliser la plus-value, paragraphes sur les
limites.
4. Quelles implications la recherche de complémentarité pourrait-elle avoir pour le
pilotage, centralisé ou non, de la mise en œuvre des politiques ? (Cf. chapitre V La
complexité de gérer un monde en proie aux turbulences – exploration des notions de
flexibilité et de confiance).
5. De quelles expériences des autres donateurs la coopération néerlandaise pourraitelle tirer les enseignements ? Y a-t-il eu des tentatives en vue d’identifier les
effets positifs (augmentation de l’efficacité et de l’efficience) et les complications
(bureaucratisation croissante) ? (Cf. notamment chapitre III.6.2 Mise à profit par
les pouvoirs publics de la valeur ajoutée des ONG (modèle suédois de soutien à la
société civile), chapitre III.2.3 Institutions multilatérales, autres donateurs et acteurs
locaux et chapitre IV.3 Sélection des acteurs chargés d’aspects particuliers de la
coopération internationale (DFID et autres donateurs)).
6. À cet égard, quelles possibilités et limites l’AIV distingue-t-il en vue de poursuivre le
renforcement du pilotage thématique (note sur les axes prioritaires de la coopération
au développement de M. Knapen) ? Quels canaux entrent en jeu pour réaliser les
résultats attendus ? (Cf. notamment chapitre III.1.1 Coopération bilatérale et III.1.3
Synergie entre la coopération bilatérale et les autres acteurs).
7. Quelle est la valeur ajoutée spécifique, typique de ces différents canaux (atouts
mais aussi points faibles) ? Comment ces canaux se complètent-ils mutuellement
et quels effets de synergie peut-on rechercher ? (Cf. chapitre II Des canaux de l’aide
aux acteurs : capitaliser la plus-value, paragraphes sur la plus-value potentielle des
acteurs).
8. Quel rapport y a-t-il entre le pilotage thématique et la politique relative aux canaux ?
La politique relative au canal multilatéral, par exemple, est en partie orientée par la
stratégie en matière de gouvernance mondiale. (Cf. chapitre I.3 Besoin de cadres,
I.5 Gouvernance mondiale, I.6 Biens publics mondiaux, en lien avec chapitre II.1
Des canaux de l’aide aux acteurs et chapitre III.2 Coopération avec les institutions
multilatérales). Le canal entreprises, lui, est actuellement influencé par le fait que
le renforcement de l’action dans ce domaine constitue une priorité stratégique pour
l’ensemble des thèmes. (Cf. chapitre IV.2 Cohérence entre la politique commerciale
et la coopération au développement). L’influence active et la pertinence des différents
canaux varient d’un thème à l’autre. L’AIV a reformulé la question en l’orientant sur
la coopération entre acteurs équivalents au service de divers thèmes et en renvoyant
à l’évaluation de la sélection des canaux prochainement présentée par l’IOB. (Cf.
chapitre IV.3 Sélection des acteurs chargés d’aspects particuliers de la coopération
internationale ; pour la perspective États fragiles, pays à faible revenu, pays à revenu
intermédiaire et biens publics mondiaux, cf. chapitre IV.4).
9. Dans quelle mesure la recherche de complémentarité et de synergie entre canaux
et à l’intérieur d’un même canal rejoint-elle le modèle délégatif néerlandais et le
souhait des organisations multilatérales ou privées et des entreprises de déterminer
elles-mêmes le lieu et les modalités de leur travail ? (entre canaux : cf. chapitre
III Synergie : comment la combinaison des acteurs génère de la valeur ajoutée ; à
l’intérieur d’un même canal : cf. chapitre III.1 (pouvoirs publics), III.2.2 (institutions
multilatérales), III.6.1 (organisations de la société civile) et III.4.1 (entreprises)).
10. Est-il recommandé, en vue de parvenir à une définition plus concrète et à une
meilleure réalisation de la complémentarité et de la synergie, de se placer dans la
perspective des bénéficiaires (pays partenaires) plutôt que dans celle du donateur
12
(en prenant en compte les principes tels que l’harmonisation, etc.) ? (Cf. notamment
chapitre II.1 Des canaux de l’aide aux acteurs : capitaliser la plus-value, chapitre
III.1.3 Synergie entre la coopération bilatérale et les autres acteurs et chapitre VI.6
Importance de la mise en œuvre par les pouvoirs publics et de la préservation du
réseau des postes). L’AIV s’est basé sur l’idée que la synergie doit de préférence
être favorisée entre acteurs équivalents dans le pays bénéficiaire, par les experts des
postes.
13
I
Contexte, complexité, cohérence
I.1
Des défis partagés à l’échelle mondiale
Les problèmes mondiaux sont tous liés les uns aux autres. Tel est le cas de la croissance
de la population (9,2 milliards en 2075)4, de l’augmentation de la consommation et
de la pénurie de nourriture, d’énergie et de matières premières qui en découle, de
l’accroissement de l’empreinte écologique (climat, environnement et ressources en
eau), tout comme de la pauvreté, des inégalités ou de la sécurité et de l’ordre juridique.
Les Pays-Bas ne peuvent résoudre leurs problèmes seuls, ils ont besoin des autres
pays. Le changement climatique en est un des exemples les plus clairs. Les effets
du développement économique et de la pauvreté dans les pays à revenu faible ou
intermédiaire nous touchent par le biais de la migration et de l’instabilité (comme la
piraterie en Somalie), de l’emploi dans les chaînes de production, de l’ouverture possible
de nouveaux débouchés et de la croissance de la population. Dans un proche avenir, la
population de l’Afrique sera la plus jeune au monde ; dépourvus de perspective d’emploi,
ces jeunes décideront d’émigrer, en dépit de la croissance économique accrue de ces
dernières années. Par ailleurs, l’Afrique fournit au reste du monde d’importantes matières
premières, du pétrole et depuis peu des terres agricoles.
Les Pays-Bas visent depuis 1995, date du recalibrage de leur politique étrangère,
une approche plus intégrée, « qui permette à la société et à l’économie néerlandaise
d’exploiter les possibilités et les chances qui s’offrent à elles5 ».
Citons quelques exemples : parmi les priorités retenues figure la promotion de la sécurité
alimentaire. Sous l’effet des déficiences de l’agriculture, de la crise économique, de
la spéculation sur les marchés internationaux et de l’introduction des biocarburants,
le prix des denrées alimentaires augmente, ce qui entraîne régulièrement la révolte
des populations. Les Pays-Bas favorisent le libre-échange par l’intermédiaire de l’UE
et de l’Organisation mondiale du commerce, notamment pour s’assurer des marchés
d’exportation. Ils coopèrent à la maîtrise des dettes des pays développés ainsi que des
pays en développement afin de garantir la stabilité financière internationale. Le transfert
de connaissances et de technologies favorise l’ouverture de nouveaux marchés et de
nouvelles possibilités d’exportation. Sous l’effet de la mondialisation, les chaînes de
production de l’industrie impliquent des entreprises établies dans plusieurs pays, dont la
situation a une influence encore plus directe sur notre économie. Les Pays-Bas plaident en
outre pour l’égalité hommes-femmes et pour le droit à l’accès à la contraception, afin de
permettre à chacun de décider du nombre d’enfants qu’il souhaite. C’est là une évolution
cruciale dans le cadre de la lutte contre la croissance de la population et l’utilisation
toujours plus importante de ressources limitées.
4
ONU, World Population to 2300, cf. : <http://www.un.org/esa/population/publications/longrange2/
WorldPop2300final.pdf>.
5
Chambre des représentants, Nota Herijking van het Buitenlands Beleid [Note sur le recalibrage de la
politique étrangère], référence 24337, no 2, La Haye, 11 septembre 1995.
14
I.2
Les nouveaux acteurs
La coopération internationale concerne un éventail de plus en plus large d’acteurs
opérant au niveau national comme à l’étranger. Depuis les années quatre-vingt-dix
du siècle dernier, l’interaction entre la société civile, les organisations multilatérales,
les entreprises et les pouvoirs publics ne cesse de s’intensifier. Pour être efficace, la
politique doit être composée d’éléments cohérents et, le cas échéant, impliquer tous
les acteurs dans les limites de leur mandat. À mesure que les thèmes se diversifient, la
participation d’intervenants non traditionnels augmente. Parmi les acteurs figurent par
exemple les ministères de l’infrastructure, de l’environnement, de la sécurité et de la
justice, les syndicats, les défenseurs de l’environnement, les mouvements pour les droits
de l’homme et pour la paix, les organisations de développement, les multinationales,
mais aussi les entrepreneurs locaux et les simples individus en tant que consommateurs,
sans oublier un nombre croissant de grandes fondations privées. Par ailleurs, le G20 joue
un rôle accru, les pays émergents BRIC occupent une place grandissante tandis que la
coopération Sud-Sud se développe, tout comme la coopération trilatérale.
La complexité croissante de l’aide a conduit à la Déclaration de Paris pour une meilleur
efficacité en la matière et aux déclarations d’Accra et de Busan qui ont suivi. Dans une
publication antérieure, l’AIV a déjà recommandé de prendre en compte l’existence de cette
« société de réseau », qui ne se laisse pas gouverner par le haut6.
Augmentation de l’aide et du nombre d’acteurs
La complexité croissante s’explique en partie par l’augmentation de l’aide. D’un
montant de plus de 30 milliards de dollars il y a cinquante ans, le flux total est passé
à quelque 80 milliards en 2000 pour atteindre environ 130 milliards en 2011 pour
l’ensemble des membres du CAD (Comité d’aide au développement de l’OCDE), soit
une hausse de 50 % en 10 ans. Si l’on inclut les pays non membres du CAD, ce chiffre
est estimé pour 2011 à quelque 200 milliards de dollars, la part des ONG et des
grandes fondations privées étant évaluée à un tiers. Selon une étude de la Banque
mondiale (IDA, Aid architecture: an overview of the main trends in official development
assistance flows, 2007), le nombre de donateurs bilatéraux est passé de 12 au début
des années soixante à plus de 60 aujourd’hui et on compte actuellement environ
225 agences de donateurs bilatérales. Le nombre d’organisations, de fonds et de
programmes internationaux a également connu une envolée spectaculaire et dépasse
les 240. Mais ce sont les ONG étrangères qui enregistrent l’augmentation la plus
importante : elles seraient aujourd’hui plus de 18 000 à déployer des activités dans le
domaine du développement. Pour les pays bénéficiaires, cette évolution signifie que le
nombre de donateurs avec lesquels ils sont engagés dans une relation de coopération
a triplé en cinquante ans, s’élevant en moyenne à environ 33 par pays en 2005, sans
compter les organisations privées qui y sont actives.7
6
AIV, Agenda du développement après 2015 : les objectifs du Millénaire en perspective, avis no 74, La
Haye, avril 2011, p. 78-80.
7
A. van der Wiel et D.E. van Norren, Landenbeleid: meer realisme, minder idealisme [Politique par pays :
plus de réalisme, moins d’idéalisme], dans W. Elbers, L. Schulpen, R. Visser (Eds.), De Hulp Voorbij? Op
zoek naar internationale samenwerking [Fin de l’aide ? À la recherche de la coopération internationale],
Amsterdam, décembre 2012, p. 114.
15
I.3
Besoin de cadres
Définir des objectifs avec des acteurs si nombreux et si divers nécessite un cadre
normatif. D’abord fourni en dépit de leurs insuffisances par la Déclaration et les Objectifs
du Millénaire, ce cadre doit maintenant être redéfini pour les années à venir. Dans son
avis sur l’agenda de l’après-2015, l’AIV examine les sujets suivants qui ressortent du
débat international, en recommandant de considérer les droits de l’homme comme thème
transversal :
- production économique et répartition des richesses (y compris sécurité alimentaire,
accès à l’énergie, aux matières premières et aux terres agricoles) et évolution
démographique ;
- éducation et alphabétisation ;
- égalité des genres et non-discrimination des groupes vulnérables ;
- santé ;
- paix et sécurité, sécurité sociale ;
- efficacité des organes publics et sécurité juridique ;
- durabilité (environnement/climat/énergie) ;
- partenariat mondial (commerce, allègement de la dette, aide (APD), échange de savoir
et de technologie, infrastructure)8.
Qui dit fixation de cadres normatifs, dit consensus. Or, l’expérience montre que la
réalisation d’un tel consensus entraîne une bataille politique, dont l’issue est en grande
partie déterminée par les intérêts nationaux et les rapports de force internationaux.
L’opération s’avérera d’autant plus difficile que les thèmes seront politiquement
sensibles.
I.4
Volonté de cohérence
Pour être efficaces, les stratégies de développement axées sur la lutte contre la
pauvreté doivent prendre en compte tous les aspects énumérés ci-dessus. Ces thèmes
sont également tous étroitement liés. L’économie d’un pays ne peut fonctionner
convenablement si elle ne s’appuie pas sur des personnes en bonne santé et ayant reçu
une formation correcte, sur un environnement politique stable et des pouvoirs publics
efficaces. La réussite de la politique de développement passe par la volonté de mener
une action cohérente. Ce qui suppose de veiller à une bonne articulation entre les
différents domaines de la politique, à la coordination, la complémentarité et la synergie
entre les divers acteurs et activités ainsi qu’à l’harmonisation de l’aide entre les Pays-Bas
et les autres pays donateurs. Si la cohérence entre l’aide et le commerce est un sujet très
actuel, les acteurs de la coopération internationale se contentent souvent d’en reconnaître
l’importance sans déployer d’efforts en ce sens9. Mener une action cohérente n’est pas
une question de compétence technique, mais de volonté politique, dans les relations tant
nationales qu’internationales. Si l’importance de cet objectif reste inaltérée, la complexité
du contexte international actuel fait que sa réalisation demande une nouvelle approche.
8
AIV, Agenda du développement après 2015 : les objectifs du Millénaire en perspective
(Ontwikkelingsagenda na 2015:Millennium Ontwikkelingsdoelen in perspectief), avis no 74, La Haye,
avril 2011.
9
Voir par exemple l’interview de Kathleen Ferrier et de Bram van Ojik dans Vice Versa, no 4, septembre/
octobre 2012.
16
I.5
Gouvernance mondiale
La mise en œuvre de l’agenda de l’après-2015 nécessite de respecter certaines
conditions en vue d’une gouvernance mondiale flexible et cohérente. Dans son avis
précité, l’AIV fait quelques suggestions à cet égard :
- Collecte de données sur l’avancement du développement, au lieu de publication de
pourcentages sur la réalisation d’un objectif fixé à l’avance.
- Formulation d’engagements relatifs au respect des principes de bonne administration
(participation, non-discrimination, redevabilité) lors de la collecte des données et de
la mise en œuvre des programmes. L’AIV faisait à cet égard référence au système
d’autogestion des ressources communes développé par Ostrom, qui définit sept
principes afin d’en garantir le succès : (i) établir des règles régissant le droit à l’usage
de la source, (ii) résoudre les conflits de façon appropriée, (iii) proportionner la
responsabilité de l’entretien aux revenus de l’usage, (iv) laisser les usagers assumer
la responsabilité du suivi et des sanctions, (v) graduer les sanctions en fonction de la
fréquence de l’infraction, (vi) décider démocratiquement des règles et (vii) obtenir la
reconnaissance explicite de la gestion autonome par les autorités.
- Inventaire des besoins et des moyens disponibles, l’APD ne devant être utilisée
que pour les « biens publics sociaux » ce qui implique de trouver des formes de
financement complémentaires et novatrices pour les autres biens publics mondiaux.
Il importe toutefois que ce financement innovant soit réservé à la coopération
internationale sous la responsabilité du ministre du Commerce extérieur et de la
Coopération internationale (et ne soit pas inclus dans les ressources générales).
- Promotion une structure administrative offrant aux différents acteurs de la société
de réseau des cadres stratégiques ainsi que des normes et donnant la préférence à
l’autonomie de décision plutôt qu’au pilotage par le haut.
Dans une publication antérieure, l’AIV a déjà plaidé pour poser en principe directeur le
respect de la norme des 0,7 % pour l’APD. Cela permet aux Pays-Bas de se donner un
profil bien marqué sur la scène internationale.
I.6
Biens publics mondiaux (BPM)
La conscience de l’interdépendance mondiale a fait ressentir le besoin d’une approche
commune des biens publics mondiaux10. Bien que ce concept ne fasse pas l’unanimité
à l’international (il n’apparaît par exemple pas dans la Déclaration du sommet Rio+20, ni
dans celle du sommet 2010 des OMD), il permet toutefois de mettre en évidence dans
le débat au niveau national l’interconnexion politique de plusieurs questions mondiales.
L’AIV a déjà recommandé ailleurs de donner une définition normative des BPM en ne
considérant pas seulement les biens dont personne ne peut être exclu, mais également
ceux dont personne ne doit l’être (principe de non-exclusion) et dont l’usage par l’un ne
nuit pas à l’usage par les autres (principe de non-rivalité), appelés les « biens d’intérêt
social11 ». Le caractère public de ces biens et services tient dans ce cadre aux aspects
de la consommation, de la prise de décision (participative) et de la répartition des
revenus. L’agenda des BPM se présente comme suit :
10 Certains sont hostiles au terme de biens qui introduirait une réduction aux objets économiques soumis
aux lois de l’offre et de la demande et lui préfèrent celui de défis mondiaux. Le concept de BPM s’étant
cependant vu confirmer dans les débats internationaux, l’AIV s’en tient pour le moment à ce terme.
11 AIV, Agenda du développement après 2015 : les objectifs du Millénaire en perspective, avis no 74, La Haye,
avril 2011.
17
-
BPM sociaux (lutte contre la pauvreté, accès à l’enseignement, santé, etc.) ;
BPM économiques ;
BPM environnementaux ;
autres.
L’AIV précise son avis à cet égard dans son rapport sur les biens publics environnementaux internationaux, qui doit paraître sous peu12.
I.7
Évolution de la pauvreté
Tout comme l’influence politique, la pauvreté se déplace vers les pays à revenu
intermédiaire. La majorité des pauvres vit en effet dans des États qui relèvent de
cette catégorie, et la plupart sont des femmes. C’est pourquoi, se concentrer sur les
pays à faible revenu et les États fragiles ne suffit plus. Il importe également de venir
en aide aux groupes de population marginalisés dans les pays à revenu intermédiaire
afin qu’ils puissent eux aussi profiter de la croissance de la prospérité. Les inégalités
grandissantes que connaissent ces pays peuvent être combattues en mettant l’accent sur
la responsabilité sociale des entreprises, le respect des droits de l’homme et des normes
de travail et sur la mise en place d’un revenu minimum et d’un filet social. En coopération
avec eux et avec d’autres pays donateurs, les Pays-Bas peuvent favoriser la cohérence des
politiques de développement, l’approvisionnement commun en biens publics mondiaux et
la coopération trilatérale13.
I.8
Rôle et responsabilité des pouvoirs publics néerlandais
La responsabilité des Pays-Bas en matière de lutte contre la pauvreté dans le monde
en général, et le rôle des pouvoirs publics dans la coopération au développement en
particulier sont de plus en plus remis en question. Cette dernière reste insuffisamment
intégrée dans la politique gouvernementale, malgré les tentatives de renforcement de
son assise institutionnelle. Une réorientation vers la coopération internationale et une
approche multidimensionnelle14 s’appuyant par exemple sur les cinq libertés15 d’Amartya
Sen, peut fournir ce soutien institutionnel et social. La lutte contre la pauvreté en tant
12 On peut également faire une distinction entre les biens publics mondiaux, internationaux, régionaux ou
locaux.
13 AIV, Des mondes inégaux - Pauvreté, croissance, inégalité et le rôle de la coopération internationale, avis
no 80, La Haye, octobre 2012.
14 Pour la pauvreté multidimensionnelle, voir AIV, Samenhang in Internationale samenwerking, [Cohérence
de la coopération internationale], réaction au rapport du WRR Moins de prétention, plus d’ambition,
avis no 69, La Haye, mai 2010, p. 7 : « Il s’agit ici notamment de la pensée d’Amartya Sen, qui définit
le développement comme un processus d’expansion des libertés (entre autres sur les plans politique,
économique et social). La prise de conscience que la croissance macroéconomique incontrôlée n’est
pas toujours la solution aux problèmes fondamentaux que sont les ressources alimentaires, la pauvreté
et la privation de tous les droits pour d’importants groupes de la population a donné une importance
considérable à ses idées. Elles ont servi de fondement à des notions telles que les besoins de base et à
la rédaction des objectifs de développement pour le Millénaire (OMD). »
15 À savoir : les libertés politiques et civiles, les potentialités sociales et économiques, la transparence de la
gouvernance et de la vie économique et les libertés protectrices (sécurité sociale et application des lois).
18
que telle doit être considérée comme un défi qui ne se manifeste pas seulement dans
les pays « pauvres », mais partout où les inégalités socioéconomiques et le sentiment
d’aliénation se développent, y compris dans notre propre pays16.
16 Le discours de Robert Chambers à l’occasion du 60e anniversaire de l’Institut des Études sociales de La
Haye (11 octobre 2012) était intitulé From Voices of the Poor to Choices of the Rich.
19
II
Des canaux de l’aide aux acteurs : capitaliser la plus-value
II.1
Des canaux de l’aide aux acteurs
II.1.1
Les canaux de l’aide tels que définis par l’État néerlandais
Selon les termes de l’exposé des motifs du budget 2013 du ministère des Affaires
étrangères : « Les canaux se répartissent en quatre catégories : bilatérale, multilatérale,
organisations de la société civile et entreprises, auxquelles vient s’ajouter une catégorie
indéterminée rassemblant les flux hors canaux. » Ces définitions ont été actualisées. La
nouvelle classification se base sur l’acteur qui peut être identifié comme bénéficiaire en
premier lieu des fonds concernés. Le canal bilatéral comporte notamment les budgets
délégués aux ambassades. Les contributions aux organisations internationales sont
regroupées sous le canal multilatéral pour les organisations intergouvernementales, et
sous le canal société civile pour les ONG. En revanche, la classification sous le canal
entreprises n’est pas déterminée par la nature du bénéficiaire mais par le fait que les
fonds engagés ont pour objectif de soutenir le secteur privé de pays en développement.
À peine un quart des montants engagés dans ce canal est octroyé directement aux
entreprises. La catégorie hors-canaux comporte des dépenses non-APD (y compris les
contributions à l’UE) ainsi que quelques montants APD exclus des autres canaux17.
Comme dans toute classification, les doublons et les cas limite n’ont pu être évités. Ainsi,
les moyens délégués aux postes, catégorisés bilatéraux, peuvent sur place être finalement
octroyés à une ONG ou à une organisation multilatérale. De la même manière, une grande
partie des fonds désormais attribués au canal entreprises étaient précédemment classés
sous d’autres canaux.
II.1.2
Les canaux de l’aide tels que définis par le CAD-OCDE
La classification appliquée par le CAD-OCDE prend en compte le type d’organisation
qui bénéficie de l’aide en premier lieu. L’OCDE ne considère pas les dépenses
gouvernementales visant à renforcer d’autres organisations (contributions de base)
comme une aide bilatérale, contrairement aux dépenses en faveur des projets de ces
organisations. L’Initiative internationale pour la transparence de l’aide (IATI) s’appuie sur
les définitions suivantes18 :
17 Établissement des états budgétaires du ministère des Affaires étrangères pour l’année 2013, document
parlementaire 33, 400 V, septembre 2012.
18 Voir : <http://iatistandard.org/codelists/collaboration_type>.
20
Code
Définition
1. Bilatéral
Transactions bilatérales effectuées par un donateur, hors
contributions de base aux autres organisations (codes 2 et
3 ci-dessous). Transactions passant par le canal d’autres
organisations incluses.
2. Multilatéral
Contributions multilatérales à une institution bénéficiaire
répondant aux critères suivants : i. ses activités sont
entièrement ou en partie consacrées au développement ; ii. il
s’agit d’une agence, institution ou organisation internationale
dont les membres sont des gouvernements, ou d’un fonds géré
de façon autonome par une telle agence ; iii. elle intègre les
contributions de façon anonyme à ses actifs financiers.
3. Contributions
bilatérales de base
aux ONG et autres
organismes privés /
partenariats publicprivé (PPP)
Fonds bilatéraux versés sans affectation préalable à
des organisations non gouvernementales nationales et
internationales, des PPP ou d’autres organismes privés.
4. Dépenses
multilatérales
Activités d’aide financées à partir des budgets réguliers des
institutions multilatérales.
Tout comme la nouvelle classification néerlandaise, les définitions du CAD connaissent
des cas limite et des doublons. La notion de canal bilatéral, par exemple, apparaît comme
confuse et sert de fourre-tout pour l’aide versée à toutes sortes d’instances. Pourquoi les
contributions versées par l’État aux ONG et aux organismes multilatéraux ne sont-elles
pas répertoriées comme aide multilatérale ou comme aide à la société civile ? Le terme
de bilatéral devrait en effet être réservé à l’aide de gouvernement à gouvernement.
II.1.3
Des canaux de l’aide aux acteurs
Étant donné le manque d’uniformité de la définition des canaux, l’AIV préfère s’appuyer
sur la notion d’acteurs du développement. Ce choix découle également du fait que la
demande d’avis se base, aux yeux de l’AIV, sur une approche obsolète de la Coopération
au développement. Les termes d’aide et de canal renvoient à une relation à sens unique
entre pays développés et pays en voie de développement, et laisse supposer que les
acteurs, réduits au rôle d’intermédiaire pour les flux financiers, ne disposent d’aucune
liberté d’action stratégique propre.
L’avis distingue les types d’acteurs suivants :
- pouvoirs publics, des contributeurs et des bénéficiaires ;
- organisations multilatérales des Nations unies, des institutions financières
internationales (IFI) et de l’UE ;
- organisations de la société civile, y compris les centres d’expertise ;
- entreprises.
Le chapitre II s’attachera à déterminer, pour chaque acteur :
la valeur ajoutée (complémentarité) de celui-ci par rapport à un autre au vu des objectifs
de la coopération internationale ;
quelle peut être l’action des pouvoirs publics afin d’accroître cette valeur ajoutée.
21
Au chapitre III, plusieurs combinaisons d’acteurs sont examinées pour identifier les
synergies possibles (1+1=3), en déterminer les modalités ainsi que l’action à mener par
les pouvoirs publics en vue de les favoriser.
Elles sont étudiées au chapitre IV à la lumière des perspectives stratégiques Fragilité des
États, Pays à faible revenu, Pays à revenu intermédiaire et Biens publics mondiaux. Le
chapitre V, enfin, montre les limites du pilotage de cet inventaire d’acteurs et d’objectifs.
Sont examinées la caducité des thèses actuelles (New Public Management et SMART) et
les approches qui devraient les remplacer (réseau, flexibilité, variation, résilience, vitalité
et agilité). Plus la complexité croît, moins les efforts d’harmonisation et de coordination
sont suffisants pour garantir l’efficacité.
II.2
Les pouvoirs publics en tant qu’acteur de la coopération internationale
II.2.1
Plus-value potentielle des pouvoirs publics en tant qu’acteur
-
-
-
-
Les pouvoirs publics sont tenus de fournir un contexte stratégique clairement défini,
permettant une approche structurelle.
Les pouvoirs publics, nommés ou choisis dans une perspective de durée, doivent
présenter des comptes au sujet de la politique menée et ont donc une légitimité
démocratique.
Les pouvoirs publics disposent d’un budget raisonnablement prévisible.
En matière de coopération, les pouvoirs publics sont en mesure de prendre des
engagements, de signer des accords et d’entretenir des relations formant le cadre
dans lequel s’inscrit cette coopération. Une coopération sur le long terme offre les
meilleures perspectives de résultats durables et structurels ainsi que la garantie qu’ils
seront conformes aux souhaits des deux parties (appropriation).
De telles relations durables constituent en outre une base solide pour prendre avec
les autres parties (États, organisations internationales, entreprises et ONG) des
engagements clairs dont l’ensemble des parties tiennent compte (coordination).
La coopération entre pouvoirs publics de différents États permet par ailleurs
d’envisager un transfert de responsabilité, pour tout ce qui concerne les activités
qu’elle génère, du pays contributeur vers le pays bénéficiaire, ce qui augmente
également les chances d’obtenir des résultats structurels.
Les pouvoirs publics locaux et les communes comptent eux aussi parmi les
acteurs de la coopération, avec un important atout puisqu’ils peuvent échanger des
connaissances spécifiques sur certains problèmes à leur niveau.
Enfin, les activités entreprises ont l’avantage d’être reconnaissables tant par le
contributeur que par le bénéficiaire : tous deux s’y sont explicitement engagés, ils
peuvent garantir que les activités choisies correspondent à leur politique et que les
citoyens des deux pays les reconnaîtront comme telles. La coopération peut ainsi
bénéficier d’un soutien populaire.
Les pouvoirs publics ont pour mission de faciliter la fourniture de biens publics
mondiaux ou d’assurer leur mise à disposition.
II.2.2
-
-
Limites des pouvoirs publics en tant qu’acteur
Les capacités de mise en œuvre de l’une des deux parties, en particulier le pays le
moins développé, sont par définition restreintes. Cela constitue un obstacle d’autant
plus grand que le nombre des partenaires de la coopération et de leurs activités est
important : la charge devient trop lourde pour les faibles capacités du partenaire
concerné.
L’insuffisance des capacités de gestion accroît en outre le risque de dilapidation ou
d’affectation inefficace des moyens disponibles, de corruption et d’utilisation de l’aide
à des fins politiques possiblement contraires aux objectifs visés.
22
-
La contribution que peuvent apporter les pouvoirs publics à la résolution des
problèmes mondiaux est entravée par le fait qu’ils défendent des intérêts avant tout
nationaux et accordent une priorité moindre aux questions internationales.
Les gouvernements possèdent dans certains cas une légitimité insuffisante, se
préoccupent trop peu de l’intérêt public, favorisent certains groupes et restreignent les
libertés.
Le pouvoir étatique s’est pour une grande part déplacé vers la sphère mondiale,
encore incontrôlable politiquement. On constate un transfert des compétences
formelles et des responsabilités d’exécution de l’État vers les alliances continentales
et des entités régionales ou locales (cf. chapitre V).
II.3
Les institutions multilatérales et l’UE en tant qu’acteurs de la coopération
internationale
II.3.1
Plus-value potentielle des institutions multilatérales en tant qu’acteur
-
-
-
-
-
Les organisations multilatérales bénéficient d’une légitimité, d’un mandat clair et d’une
structure basée sur des accords internationaux.
Elles assument une fonction essentielle de plateforme pour la concertation
internationale sur leurs terrains d’action, tels que le commerce international, la
stabilité financière, la conjoncture agroalimentaire dans le monde, ou encore la
biodiversité, le climat et la problématique énergétique.
Elles peuvent contribuer à atteindre des objectifs communs, par exemple dans le
domaine du maintien de la paix, en permettant la répartition des coûts et des risques
entre les différents États.
La coopération multilatérale offre aux pouvoirs publics nationaux et aux organisations
internationales le cadre le plus adapté à une approche des thèmes mondiaux tels que
la paix et la sécurité, l’ordre juridique, la stabilité financière internationale, l’équilibre
des flux commerciaux, les questions sanitaires transfrontières, les ressources
alimentaires, le climat et la biodiversité.
Les organisations multilatérales ne servent au titre de leur mandat aucun intérêt
politique national, et sont par conséquence moins accessibles à de telles
préoccupations. Elles sont des enceintes particulièrement indiquées lorsque la
neutralité politique est requise.
Elles sont en mesure de développer, de favoriser et de diffuser l’expertise relative aux
différents domaines de la coopération internationale, notamment l’éducation et la
santé, dans lesquels elles excellent également à fournir une assistance technique aux
États et à définir les normes de politique et de mise en œuvre.
Enfin, les organisations multilatérales peuvent réaliser des activités à une échelle
supérieure à celle que les capacités des États leur permettent d’atteindre
individuellement.
II.3.2
-
-
Limites des institutions multilatérales en tant qu’acteur
Les organisations internationales sont parfois moins attentives aux sensibilités
politiques nationales.
Les intérêts institutionnels et financiers qu’elles représentent forment parfois un
obstacle à la flexibilité et à l’efficacité des méthodes. Elles ont tendance à adopter une
attitude technocratique au détriment d’une solution politique ou économique.
Leurs modèles de gouvernance sont divers. Les organes des Nations unies se
conforment au principe d’« un pays, une voix », tandis que la participation aux
institutions financières internationales est fonction de la contribution financière : deux
modèles qui possèdent chacun des avantages et des inconvénients.
Procédant des relations internationales de l’après-guerre, la composition du Conseil de
sécurité de l’ONU ne reflète plus, quant à elle, les rapports de force actuels.
23
-
En 2011, Easterly et Williamson ont signalé que la transparence des agences de l’ONU
et des organisations internationales était moindre que celle des donateurs bilatéraux,
pour un coût global supérieur19.
Complexe et fragmenté, le système multilatéral connaît des problèmes de coordination
et un chevauchement des mandats. Malgré les éloges que recueillent certaines
organisations pour la qualité de leurs programmes, l’action qu’elles mènent dans des
conditions difficiles en faveur des plus démunis ou la rapidité de leur réponse aux
besoins locaux, on ne peut ignorer les critiques qui en visent d’autres en raison de leur
lenteur de réaction, de leur incapacité à venir en aide aux pauvres et du gaspillage de
leurs moyens20.
II.3.3
-
-
Plus-value potentielle de l’UE en tant qu’acteur
L’UE coordonne, dirige et élabore des politiques.
Le Programme pour le changement21, défini par l’Union pour adapter sa politique de
développement, prévoit que la Commission concentre ses efforts sur deux piliers : (1)
démocratie, droits de l’homme et bonne gouvernance, et (2) développement inclusif
et durable. Il a également été décidé que la Commission continuerait de consacrer
20 % de ses dépenses à l’intégration sociale dans les pays en développement22 et au
développement humain23, en particulier dans les secteurs sociaux. Les Pays-Bas ont
apporté leur soutien à cette complémentarité24.
L’influence de l’Union sur les gouvernements locaux se révèle parfois plus forte que
celle exercée séparément par les États membres.
De plus, en matière de coopération régionale, l’UE représente une plus-value
particulière et un exemple pour les pays en développement. Pourtant, les programmes
19 W. Easterly, C.R. Williamson, Rhetoric versus Reality: The Best and Worst of Aid Agency Practices, World
Development, vol. 39, p. 1930-1949, 2011.
20 DFID, Multilateral Aid Review Ensuring maximum value for money for UK aid through multilateral
organisations, mars 2011.
21 Commission européenne, Accroître l’impact de la politique de développement de l’UE : un programme
pour le changement, Bruxelles, 13 octobre 2011. Voir aussi : <http://www.dev-practitioners.eu/fileadmin/
Redaktion/Documents/Post-Busan_03_2012/agenda_for_change_en.pdf?PHPSESSID=f771204b2e3119
4c50904500b3aafbfc>, consulté le 29 octobre 2012.
22 L’intégration sociale recouvre le développement régional et l’intégration des pays en développement
aux marchés mondiaux de sorte à impulser le commerce et les investissements et à concrétiser la paix
et la stabilité. Cela implique par exemple le développement des secteurs privés locaux compétitifs,
des investissements dans des fonds existants ou nouveaux, et des investissements privés nationaux
ou étrangers dans les infrastructures (Commission européenne, Accroître l’impact de la politique de
développement de l’UE : un programme pour le changement, 13 octobre 2011, p. 8).
23 Contribuer à la qualité de l’éducation et du système de santé, former les travailleurs conformément à
la demande du marché, assurer la protection sociale et réduire l’inégalité des chances (Commission
européenne, Accroître l’impact de la politique de développement de l’UE : un programme pour le
changement, 13 octobre 2011, p. 7).
24 Dans la version annotée de l’ordre du jour de la réunion du Conseil des Affaires étrangères et de la
Coopération au développement du 14 novembre 2011, le gouvernement néerlandais a indiqué qu’il
approuvait cette complémentarité.
24
-
-
européens montrent dans ce domaine une insuffisance des capacités de mise en
œuvre ainsi qu’une sous-utilisation des fonds25.
L’Union européenne joue un rôle central en faveur de la cohérence des politiques de
développement, déjà mentionné dans le traité de Maastricht de 1992, et dispose des
instruments lui permettant de l’assumer. Il reste néanmoins nécessaire d’accorder une
attention soutenue à la cohérence ainsi qu’aux conséquences de ses défaillances (en
particulier pour les politiques en matière d’agriculture et de pêche), comme l’exige le
document sur la cohérence des politiques pour le développement et l’établissement du
cadre politique pour une approche « de toute l’Union26 ».
Présence mondiale de l’UE, y compris dans les pays où les Pays-Bas ne sont pas
activement représentés, les pays à faible revenu et tout particulièrement les États
fragiles.
II.3.4
-
-
-
-
-
Limites de l’UE en tant qu’acteur
En matière de coopération internationale, l’élaboration des politiques s’appuie
dans une large mesure sur le consensus et les compromis. Bien que les priorités
néerlandaises trouvent un écho certain dans les politiques de l’Union européenne,
l’adéquation n’est jamais totale. En outre, les engagements pris au niveau politique
ne sont pas juridiquement contraignants, ainsi qu’il en va du reste dans toutes les
institutions multilatérales.
Malgré des efforts répétés, les procédures appliquées par la Commission restent lentes,
bureaucratiques, et divergent parfois selon les instruments de politique étrangère. Une
situation en grande partie à mettre au compte des États membres, qui considèrent la
prise de décision européenne comme un assemblage dans lequel chacun veut retrouver
un aspect de ses propres pratiques nationales, ce qui aboutit à des procédures parfois
encore plus contraignantes au niveau européen qu’au niveau national.
La pléthore de procédures risque de nuire à une utilisation efficiente des moyens
et de détourner l’attention des membres de la Commission des questions de fond
de la coopération internationale. Cela peut avoir pour conséquence une efficacité
moindre que prévu. Les Pays-Bas doivent agir en faveur de la poursuite du processus
d’amélioration et de rationalisation des procédures et s’opposer aux modifications trop
fréquentes.
Les actuelles procédures décisionnelles de la Commission, en concertation avec les
États membres (comitologie), ne contribuent pas toujours à une mise en œuvre flexible
et efficace des moyens. Les réformes annoncées n’ont pas encore été lancées, en
raison notamment des freins mis par les États membres eux-mêmes.
Bien que le suivi et les évaluations aient été améliorés dans la pratique, l’observation
des résultats et de l’impact reste imprécise. Les Pays-Bas doivent insister pour que
cela progresse et que les moyens nécessaires à cet effet soient réservés au niveau
central mais surtout local (délégations UE).
Pour une étude approfondie des efforts de l’UE en matière de développement, se reporter
à l’évaluation de l’IOB sur ce sujet27.
25 Cour des comptes européenne, Rapport spécial sur l’efficacité de l’appui du FED à l’intégration
économique régionale en Afrique de l’Est et de l’Ouest, rapport spécial n o 18, 2009.
26 C(2009)458 final, 15 septembre 2009.
27 IOB, The Netherlands and the European Development Fund: Principles, practices, myths and merits, à
paraître.
25
II.4
Les entreprises en tant qu’acteur de la coopération internationale
II.4.1
Plus-value potentielle des entreprises en tant qu’acteur
-
-
-
Principales productrices de biens et de services, les entreprises sont de ce fait les
acteurs majeurs en matière d’emploi, de revenus, de prospérité et de croissance
économique.
Elles peuvent par conséquent apporter une contribution réelle à la croissance durable,
sous réserve du respect de certaines conditions.
Institutions durables de la société, les entreprises doivent garantir leur existence dans
des conditions de concurrence suffisantes.
Elles génèrent et diffusent les innovations, les technologies et les connaissances.
Une concurrence suffisante doit en principe assurer une utilisation efficiente et efficace
de toutes les ressources, y compris la main d’œuvre.
Les entreprises disposent de capacités financières pouvant être exploitées comme
financements innovants dans le cadre de la coopération internationale.
Les entreprises sont d’importants agents du changement : elles exercent une
influence sur la société en modifiant les comportements des consommateurs par
l’offre de nouveaux produits, le marketing et la publicité, et en participant activement à
l’élaboration des politiques.
Les entreprises pionnières sont conscientes de leur responsabilité sociale, qui
dépasse la simple évocation de la citoyenneté d’entreprise. Elles sont de plus
en plus nombreuses à percevoir qu’il s’agit de leur propre intérêt et à intégrer les
principes de la durabilité à leurs méthodes de gestion. Il devient ainsi plus facile de
permettre un renforcement réciproque entre les priorités du secteur privé, telles que
la responsabilité sociale ou la sécurité de l’approvisionnement en matières premières,
et celles des pouvoirs publics, par exemple la lutte contre la pauvreté, la protection
de la biodiversité ou le développement du secteur privé local. En matière de durabilité
climatique, les entreprises devancent largement les pouvoirs publics. Elles mettent au
point - parfois en collaboration avec des ONG - des modèles inclusifs pour s’adresser
aux pauvres, aux exclus et aux personnes ayant un pouvoir d’achat faible. Toutefois, de
nombreuses entreprises doivent encore fournir un effort, comme le relève par exemple
l’étude sur les PME réalisée par l’Organisation œcuménique pour la coopération au
développement (ICCO)28.
Les entreprises sont habituées à agir dans un contexte de marchés en constante
évolution. Elles sont tenues de s’y adapter avec flexibilité et efficacité sous peine de
disparaître. À leur échelle elles se développent en fonction des circonstances pour
trouver les ressources conditionnant leur survie et favorisant leur rentabilité. Cela
amène les plus avancées d’entre elles à mettre au point des technologies de la
durabilité afin de lutter contre le transfert des coûts et de transformer cet inconvénient
en avantage compétitif. Tandis que les entreprises internationales ont accès aux
connaissances et aux techniques disponibles au niveau mondial, les entreprises locales
connaissent les spécificités des marchés locaux, notamment en termes d’offre et de
demande.
28 ICCO et TNS, Internationaal Maatschappelijk Verantwoord Ondernemen, De kansen en belemmeringen
[La responsabilité sociale des entreprises à l’international, opportunités et obstacles], octobre 2012,
consulter aussi <http://www.icco.nl/nl/participeer/sociaal-ondernemen/?CFID=11611222&CFTOKEN
=549121 60>.
26
Dans ses avis précédents, l’AIV a déjà souligné l’importance des activités du secteur privé
et de la création d’emploi dans la lutte contre la pauvreté29. La création de richesses,
processus au cours duquel l’entreprise réalise non seulement des bénéfices mais aussi
des objectifs sociaux, concrétise parfaitement la complémentarité entre acteurs.
II.4.2
-
-
-
-
-
Limites des entreprises en tant qu’acteur
Le monde de l’entreprise vise un horizon à plus court terme que l’État et assume
des responsabilités plus limitées. Il n’est pas directement responsable des objectifs
sociaux à large portée ni des changements structurels. Cette tâche revient en premier
lieu aux pouvoirs publics qui posent les cadres nécessaires, notamment dans les
domaines du climat social, de la lutte contre la pauvreté et du partage des revenus.
Les questions mondiales échappent également, à première vue, au champ d’action
des entreprises, en particulier locales. Pourtant, celles-ci, mais aussi et surtout
les multinationales, sont de plus en plus enclines à reconnaître qu’elles ont une
responsabilité sociale et qu’elles se doivent de favoriser le développement durable et
la justice sociale, au niveau national et international. (People-Planet-Profit, Inclusive
Business Models).
Au service de leurs propres intérêts, les entreprises ont pour objectif la réalisation de
profits. Cela nécessite une définition stricte du rôle des acteurs concernés.
Le souci d’alléger leurs charges fiscales pousse les entreprises, surtout
internationales, à élaborer des dispositifs qui privent les pays développés et en
développement d’importantes recettes30.
Les entreprises s’établissent de préférence dans des pays où les conditions de
production leur sont avantageuses, y compris en ce qui concerne les matières
premières, la terre, l’eau, etc., et paient le prix nécessaire pour la main d’œuvre la plus
qualifiée. Cela peut aggraver les inégalités de revenu entre pays, régions et villes, entre
zones urbaines et zones rurales ou entre différents groupes sociaux.
Une partie des coûts sociaux et écologiques n’est pas répercutée sur les
consommateurs mais sur d’autres postes, ce qui n’est pas sans conséquence pour
l’environnement.
Les entreprises doivent rapidement saisir les chances qui s’offrent à elles et suivre
les évolutions afin de ne pas être supplantées par leurs concurrentes. Cela crée une
tension face à la réglementation et aux cadres d’action des pouvoirs publics. Les
entreprises se soumettent toutefois aux règles à la condition que celles-ci garantissent
une concurrence équitable et que le contrôle administratif soit bien effectué.
De nombreuses entreprises font insuffisamment preuve de transparence en ce qui
concerne leur politique en matière de RSE, leurs choix d’investissement, leurs modèles
de risque, etc. La qualité des comptes rendus sur ces thèmes, qui diffère fortement
d’une entreprise à l’autre, est globalement très insuffisante, comme le signale
notamment l’Indice de transparence.
29 AIV, Private sector ontwikkeling en armoedebestrijding [Développement du secteur privé et lutte contre la
pauvreté], avis no 50, La Haye, octobre 2006.
30 Certains estiment à 1 milliard de dollars par an le montant détourné illégalement des caisses des pays en
développement (Global Financial Integrity), dont deux tiers par suite de l’évasion et de la fraude fiscales
pratiquées par des acteurs financiers tirant profit des paradis fiscaux et des législations avantageuses.
27
II.5
Les ONG en tant qu’acteur de la coopération internationale
II.5.1
Plus-value potentielle des ONG en tant qu’acteur
L’OCDE mentionne comme atout principal des ONG le lien qu’elles établissent avec la
société civile dans les pays en développement (cf. paragraphe III.6), ainsi que :
- leur contribution à la prise de conscience des sociétés occidentales et à l’aide
apportée par celles-ci aux processus de changement ;
- la facilitation des mouvements sociaux mondiaux et le renforcement de la solidarité
internationale ;
- la création d’opportunités pour le changement politique au Nord, condition de relations
internationales pacifiques et justes31.
En outre, les ONG :
- connaissent la situation locale et les problèmes existant dans les pays où elles sont
actives ;
- peuvent établir de bonnes relations avec les groupes locaux dont dépend la solution
des problèmes ;
- peuvent faire profiter de leur connaissance du contexte local et de leurs réseaux
d’autres organisations du secteur privé ou public qui ne disposent souvent pas des
mêmes atouts ;
- sont particulièrement désignées pour entreprendre à petite échelle des activités
politiquement sensibles auxquelles les pouvoirs publics, les entreprises ou les
organisations internationales ne souhaitent pas contribuer ;
- offrent, en tant que centres d’expertise et de recherche, des perspectives pour
l’élaboration de nouvelles techniques et de nouveaux savoirs ainsi que pour
l’engagement de partenariats avec d’autres organisations qui n’y ont pas encore
accès ;
- possèdent une valeur ajoutée intrinsèque compte tenu de leur capacité à effectuer
des missions sociales à des coûts plus bas et de façon plus humaine que l’État ou le
marché32 ;
- ont, sur le long terme, une influence positive en matière de démocratisation dans les
pays partenaires, parce qu’elles contribuent à mobiliser la société civile et encouragent
les organisations partenaires à s’affranchir des pouvoirs publics, y compris en
développant la levée de fonds auprès de particuliers et d’entreprises dans les pays en
développement ;
- peuvent, comme les entreprises, s’adapter avec davantage de souplesse aux
circonstances mouvantes et réagir plus rapidement face aux catastrophes
humanitaires que de nombreux acteurs étatiques ou multilatéraux, étant donné
qu’elles ne sont liées par aucun traité dont la moindre modification est soumise à
l’accord d’un grand nombre d’États et à des procédures de ratification, et conservent
ainsi toutes leurs capacités d’adaptation ;
- exercent, dans l’actuelle société de réseaux, une influence croissante sur la scène
internationale ainsi que sur les politiques et les positions des États, les ONG
internationales étant dans certains cas mieux à même que les pouvoirs publics
d’influencer les processus internationaux (tels que l’ordre du jour du G20) par la
concertation avec des représentants publics cruciaux.
31 OCDE-DAC, Valeur ajoutée des ONG du Nord à partir du rapport de Synthèse du Groupe consultatif sur la
société civile et l’efficacité de l’aide, 2008.
32 Amati Etzioni, The Third Way to a Good Society, Londres, 2000: « because they can fulfill social missions at
lower costs and with greater humanity than either the state or the market ».
28
II.5.2
-
-
-
Limites des ONG en tant qu’acteur
Certains problèmes dépassent les capacités individuelles des ONG et exigent, pour
obtenir des résultats structurels, une approche à plus grande échelle, nationale ou
internationale. En revanche, les ONG de stature internationale sont en mesure de
recueillir l’expertise et de développer des stratégies en vue de résoudre des problèmes
mondiaux et de mettre à profit les possibilités actuellement offertes à cet effet par
les enceintes internationales. Certaines ONG, par exemple la Fondation Bill Gates,
possèdent de tels moyens financiers qu’elles sont parfaitement capables de contribuer
efficacement à la solution de problèmes à l’échelle mondiale, tout en veillant, comme
tout donateur, à ne pas éclipser le budget public national.
Les ONG connaissent diverses structures de comptabilité et manquent parfois de
transparence. Il n’est pas toujours évident de déterminer à qui elles doivent rendre
compte. Un fonctionnement insuffisamment transparent empêche de les considérer
comme des représentants ou des interlocuteurs légitimes. Il est donc essentiel que les
ONG rendent des comptes publics et complets.
Les moyens financiers de nombreuses ONG sont limités et rarement prévisibles
sur le long terme. Sans précaution préalable, la sujétion aux fonds privés et aux
subventions peut nuire à l’indépendance des organisations. Pour éviter cette situation,
les ONG peuvent préserver leur intégrité et leur autonomie politique en prenant des
engagements avec leurs contributeurs concernant l’indépendance du choix des
programmes et des pays où elles agissent, et en s’accordant avec leurs partenaires de
coopération sur les possibilités de révision des programmes en cours en cas de pertes
importantes de revenu ainsi que sur la budgétisation préalable des frais de personnel
pour une durée de 3 ou 6 mois.
II.6
Centres d’expertise et réseaux
Institutions semi-gouvernementales, les centres d’expertise forment une catégorie
à part possédant potentiellement une importante valeur ajoutée sous forme de
réseaux internationaux, d’experts, de bases de données et d’analyses. L’approche
par pays peut offrir un cadre permettant de déclencher de telles synergies. Les larges
capacités d’analyse des centres d’expertise leur permettent de mieux identifier les
liens transversaux entre les différents domaines et les tendances constatées dans les
différents pays ou régions. Il est par conséquent fondamental que les Pays-Bas continuent
d’investir dans l’expertise, la recherche, l’innovation et l’enseignement.
Outre les études menées par les centres néerlandais, il faudrait s’intéresser au rôle
que les instituts locaux peuvent jouer dans les pays en développement et à la manière
dont ils peuvent coopérer avec d’autres acteurs sur place et au niveau international. Les
innovations technologiques pour la communication et l’exploitation rapide et simple des
connaissances et des expériences sont à cet effet primordiales.
Le paragraphe III.5 se penchera sur l’intégration des centres d’expertise à des formes de
coopération favorables aux synergies.
29
III
Synergie : comment la combinaison des acteurs génère de la
valeur ajoutée
L’analyse ci-dessous sur la combinaison des acteurs montre qu’il est de plus en plus
délicat de gérer – sans parler de modeler – les questions complexes et les relations
plurilatérales composites qui en découlent.
III.1
Coopération bilatérale intergouvernementale
III.1.1
Modalités : projet, programme, aide budgétaire et plans pluriannuels
À partir des années soixante-dix, la coopération bilatérale, axée sur la lutte contre la
pauvreté et l’indépendance économique, a pris la forme de l’assistance technique et
du soutien financier aux investissements en faveur du développement, principalement
par l’intermédiaire de projets indépendants les uns des autres. Elle se décomposait
en dons et en prêts concessionnels, ce dernier mode de financement étant à l’origine
exclusivement destiné aux investissements en faveur du développement. Plus tard, le
soutien technique et financier a quasiment toujours pris la forme de dons, à l’exception
des crédits mixtes.
En 1978, l’accent a été mis sur la cohérence entre ces deux formes d’aide et leur
recentrage sur des thèmes spécifiques (appelés aussi secteurs). L’aide projet a
progressivement cédé la place au financement pluriannuel de programmes. Puis, l’aide
budgétaire s’est imposée, que le gouvernement du pays bénéficiaire pouvait utiliser
librement dans les thèmes de son choix33, qui devaient toutefois correspondre aux
priorités édictées par les Pays-Bas, comme le développement rural, les soins de santé
primaires et l’enseignement.
Les ambassades ont vu graduellement leur rôle se renforcer dans la détermination de la
politique par pays et la concertation à ce sujet avec les autorités du pays en question. À
cet effet, on leur a adjoint des experts thématiques, puis, parallèlement au transfert de
compétences financières, du personnel administratif. La politique bilatérale déclinée par
pays a finalement pris la forme de plans stratégiques pluriannuels (PSP), détaillant pour
le moyen terme les thèmes de la coopération bilatérale, ses modalités, les montants
concernés et les partenaires dans le pays bénéficiaire.
Après le recalibrage de la politique étrangère et de développement en 1997, la
responsabilité budgétaire de la coopération bilatérale a été confiée aux directions
thématiques (et non plus aux directions par pays). La gestion des fonds de la politique
thématique dans les pays partenaires a été déléguée aux ambassades néerlandaises,
en complément de celle des moyens dédiés au soutien des balances de paiement et à
l’allégement de dette. Les autres fonds (non délégués) ont été mis à la disposition des
directions thématiques pour le financement de programmes mondiaux, impliquant d’autres
pays que les seuls pays cibles.
33 Concernant l’utilité de l’aide budgétaire, voir le rapport de la direction de l’Évaluation de la politique et
des opérations (IOB) du ministère néerlandais des Affaires étrangères, Begrotingssteun: resultaten onder
voorwaarden [Aide budgétaire : résultats sous conditions], no 369, La Haye, 2012.
30
On constate depuis quelques années que des moyens relevant officiellement de la
coopération bilatérale sont, dans la pratique, de plus en plus souvent versés à des
organisations multilatérales ou des organisations de la société civile par l’intermédiaire
des ambassades (cf. paragraphes II.1.1 et II.1.2). Cela s’explique par la multiplication des
critiques, en provenance de la Chambre des représentants et des médias, sur le maintien
de relations bilatérales avec des régimes répressifs. L’inconvénient, toutefois, est que le
pouvoir d’influence du gouvernement néerlandais sur les régimes concernés s’en trouve
diminué. Par ailleurs, les ambassades ont moins de contacts avec la société civile locale
que les ONG internationales.
Pays cibles
L’attribution des budgets aux directions thématiques en 1997 va totalement à l’encontre
de la politique des pays cibles poursuivie jusqu’alors, puisqu’une proportion croissante
des fonds peut être affectée à des thèmes spécifiques partout dans le monde, y compris
dans des pays autres que les pays cibles. Il est vrai que la liste de ces derniers a été
sujette à de nombreux changements. Si les Pays-Bas axent au départ leur action sur leurs
colonies (ou anciennes colonies), comme le Suriname, les Antilles et l’Indonésie, ainsi que
sur le poids lourd économique qu’est l’Inde, en 1967 le ministre chargé de la Coopération,
Berend Udink, ajoute neuf pays à cette liste : le Pakistan, le Soudan, la Tanzanie, le
Kenya, l’Ouganda, le Nigéria, la Tunisie, la Colombie et le Pérou. Les critères de sélection
sont les suivants : la lutte contre la pauvreté, l’intérêt économique propre, les relations
historiques et la répartition géographique. Après l’adoption de la norme de 0,7 % et la
hausse du budget consécutive, Jan Pronk porte le nombre de pays cibles à 18 (Note sur la
coopération bilatérale au développement, 1976), les nouveaux-venus étant principalement
situés en Amérique latine et en Afrique et ayant adopté une politique économique et
sociale progressiste. Les principaux critères sont la pauvreté et le besoin d’aide étrangère,
et le principe directeur la réponse aux besoins de base. Son successeur, Jan de Koning,
supprime quatre pays de la liste, officiellement pour cause de manque de capacité de
mise en œuvre au ministère et du fait d’un revenu par habitant trop élevé, mais des
motifs d’ordre politique entrent également en jeu dans cette décision, notamment en ce
qui concerne Cuba et la Jamaïque. Partisane d’un État plus compact et du primat de la
politique macroéconomique, Eegje Schoo introduit une nouvelle distinction par programme
(10 pays), région (25) et secteur (20), pour remplacer les 110 pays dans lesquels les
Pays-Bas intervenaient jusqu’alors (Note sur la révision de la politique bilatérale, 1984).
Les trois zones d’intervention sont l’Afrique australe, le Sahel et l’Amérique centrale. Son
successeur, Piet Bukman, y rajoute les Andes, comprenant 5 pays. Au final, l’approche
régionale se concentre sur un nombre restreint de pays dans les quatre zones désignées
et, vers la fin des années quatre-vingt, une relation structurelle existe avec 27 pays.
Beaucoup considèrent qu’une nouvelle ère s’ouvre pour la coopération au développement
avec la chute du Mur de Berlin et la fin de la Guerre froide au début des années quatrevingt-dix. Les priorités s’étendent à cette époque à la notion de bonne gouvernance. Dans
sa note « Un monde de différences » (1990), le ministre, Jan Pronk, rajoute trois régions
à la liste, à savoir l’Afrique de l’Est, le Nil-Mer rouge et le Mékong. Quelques années
plus tard, cependant, l’optimisme est balayé par le nombre croissant de conflits. Dans la
nouvelle note sur la politique de développement de Jan Pronk, « Un monde en différend »
(1993), les concepts de gestion des conflits et de stabilité politique occupent une place
centrale. L’accent porte plus que jamais sur l’approche supranationale : la volonté de
rechercher des solutions davantage dans une perspective régionale. Jusqu’en 1996, les
31
listes des pays cibles sont régulièrement révisées. Ainsi, 15 en sont supprimés en 1992
et, en 1994, une nouvelle répartition est introduite, qui distingue les pays habituels de
coopération ou partie intégrante d’une région cible, ceux avec lesquels a été conclue une
convention durable de développement, les pays en conflit ou en reconstruction et, enfin,
les pays en transition. En 1996, le ministre supprime la liste de pays, car il désire mettre
davantage en avant les objectifs concrets de la coopération au développement (sécurité
alimentaire, réduction de la mortalité infantile, etc.). Les Pays-Bas entretiennent alors une
relation structurelle avec 34 pays.
Sous le mandat d’Eveline Herfkens, la distinction entre pays et thèmes est rétablie et
le recentrage s’effectue au profit de l’aide budgétaire, une approche sous-tendue par le
souhait d’encourager l’appropriation (ownership) des projets par le pays bénéficiaire. La
ministre sélectionne 19 pays partenaires, auxquels s’ajoute une liste thématique de pays
pouvant bénéficier d’une relation de coopération plus limitée (Évaluation interministérielle
des politiques publiques, Efficacité et cohérence de la coopération au développement 20022003 (2002)). Au total, 51 pays sont concernés. Agnes van Ardenne fait disparaître cette
distinction entre liste de pays partenaires et liste thématique (note « Un devoir réciproque
», 2003) et les fait fusionner pour obtenir au final 36 pays partenaires. Si la moitié environ
se trouve sur le continent africain, l’opération se traduit aussi par l’élargissement à de
nouvelles régions comme les Balkans (Albanie, Bosnie-Herzégovine et Macédoine) et
d’anciens États soviétiques (Mongolie, Géorgie, Arménie et Moldavie). Bert Koenders réduit
à 33 le nombre de pays partenaires et opte pour les thèmes prioritaires États fragiles,
croissance et répartition, égalité des droits pour les femmes, et environnement, énergie et
changement climatique (note « Une obligation partagée », 2007).
Suivant les conclusions et recommandations du rapport du Conseil scientifique de la
politique gouvernementale (WRR), Ben Knapen apporte des modifications radicales à la
liste (« Note sur les axes prioritaires de la coopération au développement », 2011), qui est
diminuée de plus de la moitié et ne compte plus que 15 pays. Ces derniers sont importants
soit en termes de lutte contre la pauvreté (OMD), soit pour les entreprises (pays à revenu
intermédiaire), soit dans une optique de stabilité politique régionale (États fragiles). Les deux
tiers d’entre eux sont situés en Afrique, et un tiers en Asie et au Moyen-Orient, l’Amérique
latine ayant totalement disparu de la liste. Le canal de la société civile, celui des entreprises,
ainsi que certains programmes et fonds centraux travaillent avec leurs propres listes de
pays. Le nombre de thèmes stratégiques est limité à quatre :
sécurité alimentaire, sécurité et ordre juridique, eau, et santé et droits reproductifs et
sexuels. Enfin, le ministère se veut plus sélectif dans l’activation du canal multilatéral, dont
il évaluera la pertinence et l’efficacité, sachant que la part de ce canal dans l’APD devrait en
principe rester la même34.
III.1.2
Politique des pays cibles
Concentrer l’aide peut renforcer son efficacité en réduisant la fragmentation, comme le
souligne la Déclaration de Paris, qui prône une meilleure division du travail entre donateurs.
Toutefois, poussée à l’extrême, la concentration peut aussi nuire à la complémentarité.
Aussi convient-il de se baser sur les indices de concentration et de fragmentation de
l’OCDE afin de déterminer si les Pays-Bas peuvent jouer un rôle significatif dans un
34 A. van der Wiel et D.E. van Norren, Landenbeleid: meer realisme, minder idealisme [Politique par pays :
plus de réalisme, moins d’idéalisme], dans W. Elbers, L. Schulpen, R. Visser (Eds.), De Hulp Voorbij? Op
zoek naar internationale samenwerking [La fin de l’aide ? À la recherche de la coopération internationale],
Amsterdam, décembre 2012, p. 116.
32
pays donné. Le dossier des biens publics mondiaux requiert une large implication de
la part des Pays-Bas35. Opter pour un nombre trop réduit de pays risque d’entraîner
des problèmes de mise en œuvre (dus au manque de capacité d’absorption ou à des
circonstances politiques imprévues), tandis que modifier les listes de pays introduit
un facteur d’incertitude dans la coopération. C’est pourquoi l’AIV est favorable à une
politique de flexibilité, qui conjugue la recherche d’un certain degré de cohérence dans le
programme au niveau national et la possibilité de déployer les programmes thématiques
dans un grand nombre de pays à revenu intermédiaire ou faible. Une fois que la décision
de s’engager avec un pays a été prise – au vu de ses besoins, des intérêts régionaux
ou économiques ou des liens historiques –, l’ambassade doit favoriser une meilleure
coopération entre les acteurs.
À cette fin, le cadre bilatéral de la politique par pays reste déterminant. Citons à titre
d’illustration les programmes d’eau potable axés sur la privatisation au Ghana et au
Mozambique, dans le cadre desquels la société néerlandaise Vitens/Evides travaille avec
des entreprises locales, les pouvoirs publics locaux, la Banque mondiale et des ONG (cf.
III.4.2). Les plans stratégiques pluriannuels des postes doivent se fonder sur une analyse
du pouvoir et du changement (power and change analysis) et peuvent servir de cadre
subsidiaire d’évaluation a priori et a posteriori, tout en laissant une marge de flexibilité
suffisante.
III.1.3
Synergie entre la coopération bilatérale et les autres acteurs
Dans la pratique, la coordination des efforts des différents acteurs de l’aide dans les pays
cibles est quasiment restée lettre morte, à l’exception de la coopération multi-bilatérale et
du cofinancement, qui ont permis l’engagement de moyens bilatéraux au profit de projets
et programmes d’organisations multilatérales.
La coopération avec les entreprises néerlandaises s’est concrétisée uniquement dans les
cas où l’usage des fonds était subordonné à l’acquisition de biens et services néerlandais,
ce qui ne s’appliquait qu’aux projets financés à l’aide de prêts concessionnels, de plus en
plus rares, et à certains programmes spécifiques comme les crédits mixtes.
La coopération avec les ONG n’a pas connu davantage de succès, ces dernières n’étant
pas liées, pour leurs dépenses, aux principes formulés pour les programmes bilatéraux
par pays. Les ONG ont même nettement préféré ne pas se laisser enfermer par les
cadres de la coopération bilatérale. Le paragraphe sur le programme de cofinancement
(III.6.2) décrit les efforts des ministres successifs pour renforcer la cohérence entre la
coopération bilatérale et les interventions des ONG dans les pays cibles.
III.2
Coopération avec les institutions multilatérales
III.2.1
Les Pays-Bas et les institutions multilatérales
Les Pays-Bas ont toujours fait un usage intensif des possibilités offertes par les
organisations internationales. C’est même par elles que passait une grande partie des
moyens dévolus à la coopération au développement dans les années soixante-dix, du
fait du manque de capacités de mise en œuvre propres (jusqu’au milieu des années
soixante, seuls le Suriname et l’Indonésie bénéficiaient d’une aide bilatérale). À l’époque,
les organisations multilatérales ont donc permis de pallier le déficit de capacités dans un
35 AIV, Des mondes inégaux – Pauvreté, croissance, inégalités et le rôle de la coopération internationale, avis
no 80, La Haye, octobre 2012.
33
contexte d’augmentation rapide de l’aide au développement. La part du canal multilatéral
a depuis considérablement diminué et représente aujourd’hui moins de 30 % du budget
total. À cela deux raisons : le renforcement des capacités de mise en œuvre de la
coopération bilatérale au développement et l’entrée en scène des ONG par l’intermédiaire
du programme de cofinancement (voir encadré au paragraphe III.6.2).
Les organisations multilatérales ont malgré tout continué à jouer un rôle important,
y compris du point de vue qualitatif, dans la politique néerlandaise de coopération
au développement. Elles ont ainsi largement contribué à analyser et à résoudre les
problèmes des pays en développement dans des domaines spécifiques comme la gestion
macroéconomique et financière, le commerce international et la problématique de la
dette. Elles ont donné aux pays concernés une voix au chapitre dans la détermination de
la politique dans ces domaines. Aujourd’hui encore, il paraît de plus en plus évident qu’un
rôle majeur leur est dévolu pour la résolution des problèmes mondiaux en matière de
biodiversité, d’énergie, de ressources alimentaires et de climat.
La structure du système des Nations unies
Les organisations multilatérales vivent principalement grâce aux contributions volontaires
des pays donateurs, dont les Pays-Bas, qui permettent de financer, via le budget
général, les frais de structure et les programmes centraux. Les pays mettent en outre
à disposition des moyens supplémentaires pour le financement de programmes et de
projets spécifiques.
Les organisations des Nations unies se répartissent en trois catégories : (1) les fonds et
programmes de l’ONU, (2) les institutions bancaires et financières multilatérales, et (3)
les organisations spécialisées. La première catégorie regroupe les organisations faisant
officiellement partie intégrante de la structure centrale des Nations unies et soumises
au principe un pays une voix. Les donateurs peuvent toutefois renforcer leur influence
sur la politique d’une organisation donnée en versant des contributions volontaires plus
importantes. Dans cette catégorie entrent notamment le PNUD, le FNUAP, l’UNICEF, le
HCR et le PAM. La deuxième catégorie comprend les banques multilatérales et le FMI,
les banques régionales de développement, ainsi que les fonds concessionnels IDA et
FIDA, l’ensemble de ces acteurs pouvant accorder des prêts sous conditions (pour ce qui
est des fonds, uniquement aux pays ou groupes cibles pauvres). Ils sont financés par
les pays donateurs, parmi lesquels aujourd’hui de nombreux pays en développement,
au moyen de contributions triennales dont le montant cumulé est déterminant pour le
droit de vote. Pour les banques et le FMI, le droit de vote dépend de l’apport cumulé aux
moyens propres, qui est en grande partie basé sur le poids du pays dans l’économie
mondiale. La troisième catégorie englobe les organisations spécialisées, qui n’ont pas
été créées en premier lieu dans un objectif de développement mais pour analyser et
résoudre certains problèmes mondiaux, introduire des réglementations, des normes et
des standards dans la coopération internationale et prodiguer de l’assistance technique
sur ces terrains. Ce sont notamment la FAO, l’OMS, l’ONUDI, l’UNESCO, la CNUCED et
les commissions régionales.
III.2.2
Rapports entre les institutions multilatérales
Les organisations multilatérales réfléchissent plus que jamais à la répartition des
tâches et aux possibilités de coopération avec d’autres acteurs, notamment dans les
efforts de résolution des problèmes mondiaux et la formulation de nouveaux objectifs de
34
développement. Elles sont conscientes que la pauvreté n’est plus l’apanage des pays les
plus défavorisés mais se manifeste aussi dans les pays à revenu intermédiaire, ce qui
élargit la problématique du développement et impose une approche axée sur la prise de
mesures en matière de politique sociale, de droit et de législation dans les pays à revenu
intermédiaire. Dans l’actuelle société de réseaux, les institutions multilatérales ont une
tâche de plus en plus normative36 (cf. II.3.1 et ci-dessous).
III.2.3
Institutions multilatérales, autres donateurs et acteurs locaux
La valeur ajoutée des organisations multilatérales, telle que décrite dans le chapitre II,
n’est pas un phénomène isolé mais le résultat de la coopération avec d’autres acteurs.
Ainsi les pays peuvent-ils faire appel aux institutions financières internationales pour
favoriser la stabilité financière et à l’OMS pour lancer et organiser des programmes de
lutte contre les épidémies. Les gouvernements, comme les entreprises, peuvent se
tourner vers l’OMC en vue de faire respecter les accords commerciaux, et les syndicats
vers l’OIT afin de veiller au respect des normes relatives aux conditions de travail. Les
ONG humanitaires peuvent quant à elles compter sur le HCR pour l’accueil des flux de
réfugiés et, dans ce cadre, jouer leur propre rôle.
Il revient aussi aux Nations unies de coordonner les interventions d’aide humanitaire et,
à un rythme quinquennal, d’harmoniser la coopération entre l’ensemble des donateurs et
les pouvoirs publics locaux.
Dans les pays à revenu faible et intermédiaire qui connaissent la stabilité, les
organisations multilatérales pourraient se concentrer sur une fonction de conseil et
d’organisation37 et laisser les missions d’exécution à d’autres donateurs. C’est un
point auquel les Pays-Bas sont attentifs lors de leur examen des plans stratégiques des
organisations multilatérales, car il permet d’éviter la concurrence entre les organisations
onusiennes et de toujours se laisser guider en priorité par les besoins locaux. En outre,
les pays donateurs peuvent ainsi se partager les risques, tandis que les organisations
humanitaires spécialisées ont la possibilité de déployer leur expertise et leurs capacités
de façon coordonnée. Les organisations multilatérales peuvent aider à établir le soutien
en faveur de l’implication des entreprises et des ONG dans la mise en œuvre des
programmes. Dans les pays à faible revenu instables, les institutions des Nations unies
jouent parfois le rôle de fournisseur de dernier recours en matière de services sociaux.
L’action multilatérale requiert aussi bien une approche thématique qu’une intervention
spécifique par pays. Si les instances onusiennes et les organisations internationales
spécialisées sont les dépositaires par excellence de l’expertise thématique, sur le terrain
la connaissance du pays et de la région est indispensable lors de l’action pour mettre en
œuvre une approche intégrée, tenant compte des circonstances locales et régionales et
en mesure de renforcer l’appropriation. Ce principe vaut, par exemple, pour un État fragile
comme le Congo. Les organisations multilatérales présentes dans tous les pays ont sur
ce point un rôle à jouer, à travers leur fonction de plateforme.
De plus en plus, les organisations multilatérales seront appelées à apporter leur
contribution aux nouvelles priorités qui exigent une approche internationale (comme la
36 Cf. AIV, Agenda du développement après 2015 : les objectifs du Millénaire en perspective, avis no 74, La
Haye, avril 2011.
37 Ibid.
35
résolution des problèmes mondiaux) ; et elles seront jugées à l’aune de ce critère. La
valeur ajoutée des organisations des Nations unies réside principalement dans leur
légitimité démocratique (tous les pays y sont représentés), leur fonction de plateforme,
le partage des risques, notamment dans les États fragiles, et l’effet multiplicateur de
leur action. Elles peuvent en outre convaincre les pouvoirs publics locaux de l’intérêt
d’impliquer les ONG et les entreprises dans la mise en œuvre des programmes. Grâce à
leur perspective transnationale, les organisations multilatérales, et en particulier celles de
portée régionale, peuvent avoir une plus-value au niveau régional.
Par ailleurs, les rendez-vous multilatéraux comme le G20 prennent une importance
croissante et vont même jusqu’à faire de l’ombre aux Nations unies. Ils ont certes moins
de légitimité, mais davantage de pugnacité. Les pays émergents y auront un poids de
plus en plus important. L’AIV estime que la mesure des performances individuelles des
organisations multilatérales (telle que réalisée récemment par le ministère britannique du
Développement international, le DFID38), doit obligatoirement s’accompagner d’une vision
d’ensemble cohérente des donateurs sur le rôle de ces dernières et leur valeur ajoutée.
Ce point fera l’objet d’avis futurs de l’AIV, comme indiqué dans le programme pour 2013.
III.2.4
Coopération entre organisations multilatérales et ONG
Des études confirment la hausse lente mais régulière de l’influence des organisations
de la société civile au sein des Nations unies et qualifient les ONG de « troisième
ONU », après celle des gouvernements et celle des secrétariats internationaux39. Cette
évolution se traduit par l’élargissement du droit de parole des ONG lors des négociations
multilatérales telles que le sommet de 2010 sur les OMD et la conférence Rio+20 de
2012. La question de leur influence réelle sur le résultat final reste cependant entière.
L’organisation intergouvernementale UNITAID, qui achète des médicaments contre le
sida, la tuberculose et le paludisme grâce à un financement innovant, constitue un
exemple intéressant de coopération entre des institutions multilatérales, une ONG et
des gouvernements. Une modique taxe aérienne est prélevée par un certain nombre de
gouvernements et directement reversée à UNITAID, qui travaille sur le terrain avec l’OMS
(définition des normes), l’UNICEF (achats), le Fonds mondial (financement) et la Fondation
Gates (financement de la recherche). Il s’agit d’une forme de coopération Sud-Sud, un
exemple qui mérite d’être suivi pour la réalisation d’autres OMD.
Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (FMLSTP) est
devenu une structure très importante dans laquelle coopèrent une multitude d’acteurs
– organisations multilatérales, gouvernements, ONG et entreprises – aussi bien au niveau
central qu’au sein d’un grand nombre de pays en développement.
Il existe en matière de droits reproductifs et sexuels une alliance qui rassemble depuis
longtemps déjà des intervenants comme le FNUAP, l’International Population Control
Committee (IPCC) et Rutgers WPF, ainsi qu’une Coalition pour les produits de santé de la
reproduction, regroupant le FNUAP, des ONG, des fondations et des donateurs bilatéraux.
38 DFID, Multilateral Aid Review Ensuring maximum value for money for UK aid through multilateral
organisations, mars 2011.
39 O. Stokke, The UN and development from aid to cooperation, United Nations Intellectual History Projects,
Bloomington, 2009.
36
III.2.5
Coopération entre les institutions multilatérales et les entreprises
Les organisations multilatérales dans les domaines de la santé, de l’environnement, de
l’agriculture et des ressources alimentaires ne cessent d’intensifier leur coopération avec
les multinationales en vue de réaliser leurs programmes et de développer des normes
internationales relatives aux médicaments, aux produits agricoles, aux conditions de
travail ou encore à la consommation énergétique. C’est une évolution que les Pays-Bas
appellent avec insistance au sein des conseils d’administration de ces organisations.
Le sujet est sensible pour certains pays en développement. Ils doivent être disposés
à transférer certaines missions à des tiers et à tenir compte de cette possibilité en
amont par l’intermédiaire de stratégies d’entrée et de sortie. Des pays peuvent ainsi
à un moment donné se charger de tâches remplies jusqu’alors par des organisations
multilatérales, ou payer des services fournis par ces dernières.
La synergie peut aussi naître des efforts des pouvoirs publics en faveur de l’application
des conventions internationales des institutions multilatérales, comme les directives
de l’OIT en matière de conditions de travail ou celles du PNUE dans le domaine de
l’environnement. Le gouvernement peut ainsi encourager l’implication des organisations
professionnelles (programmes pour le patronat et les syndicats) dans l’élaboration de
conventions pertinentes. À cette fin, l’AIV recommande de favoriser la concertation
systématique, au sein de l’appareil d’État, entre les personnes chargées de la conception
de telles conventions multilatérales et celles chargées du développement et de la mise en
œuvre d’instruments en faveur des entreprises.
Les pouvoirs publics peuvent également stimuler la participation des institutions
multilatérales à des PPP cofinancés par les Pays-Bas (cf. paragraphe III.4.3), sachant
toutefois qu’en général les partenaires pertinents savent d’eux-mêmes établir les contacts
utiles. L’État peut enfin tâcher de faire en sorte que les institutions multilatérales, par
exemple la Banque mondiale, confient des missions à des entreprises néerlandaises,
ce qui rejoint les intérêts des Pays-Bas40. Le placement de fonds fiduciaires à l’IFC,
par exemple, peut nécessiter l’intervention de bureaux de conseil néerlandais, ce qui
renforce l’expertise néerlandaise, susceptible d’être utile pour d’autres activités de
développement.
III.3
Coopération entre les États membres et l’Union européenne
III.3.1
Complémentarité entre les coopérations au développement néerlandaise et
européenne
Dans son avis « Les Pays-Bas et la coopération au développement européenne41 », l’AIV
souligne que les Pays-Bas doivent définir le rôle complémentaire de l’UE en fonction
de leurs propres priorités, étant entendu que les États membres souhaiteront toujours
jouer un rôle indépendant dans la coopération au développement. Le Conseil suggère
que l’UE intervienne en tant que donateur principal dans ses domaines de compétence
exclusive, comme le commerce international, mais pas obligatoirement sur tous les
terrains. Il estime qu’il revient à l’UE, outre son rôle susmentionné dans la promotion de
la démocratie, une mission spécifique concernant l’approche 3D dans les États fragiles,
40 Cf. Een Wereld in Beweging [Un monde en mouvement] du Groupe de travail de haut niveau sur le
financement des exportations, juillet 2012.
41 AIV, Nederland en de Europese Ontwikkelingssamenwerking [Les Pays-Bas et la coopération au
développement européenne], avis no 60, La Haye, mai 2008.
37
car elle a plus que toute autre institution multilatérale la capacité de relier les domaines
d’action stratégiques entre eux et de conserver sa neutralité. Par ailleurs, l’Europe mise
désormais davantage sur la synergie entre programmes humanitaires et programmes
de développement. L’AIV propose que les Pays-Bas choisissent, à terme, de donner un
rôle moteur à l’UE en matière de lutte contre la pauvreté dans les États fragiles, avec
lesquels la coopération intergouvernementale est difficile et dont les institutions ne
doivent pas être surchargées. Comme indiqué au paragraphe II.3.3, l’Union européenne
se doit également d’assumer un rôle spécifique dans la coopération régionale. Les PaysBas doivent plaider pour le renforcement des capacités européennes en la matière et
l’ouverture de représentations régionales de l’UE.
III.3.2
Cohérence au sein de l’UE entre politique générale et de développement
Outre l’aide, diverses politiques internes et externes de l’UE ont une grande influence sur
les pays en développement (en matière par exemple de commerce, de climat, de sécurité
alimentaire, d’agriculture et de climat d’investissement). Aussi le traité de Lisbonne
(2009) mentionne-t-il la nécessité de tenir compte des pays en développement lors de
l’élaboration et de la mise en œuvre de la politique européenne.
L’UE et ses États membres ont décidé de renforcer l’efficacité de l’aide en
favorisant la synergie et la cohérence entre la politique européenne et les objectifs
de développement42. La politique au cœur de ce rapport, ancrée dans le traité de
Maastricht (1992), a été précisée au début du nouveau millénaire, dans la perspective
de la réalisation des OMD43. Ce rapport vise à favoriser la prise de conscience et
le débat concernant l’impact de la politique européenne au sens large sur les pays
en développement, et ce avec toutes les parties prenantes (instances européennes,
gouvernements nationaux, organisations de la société civile).
Renforcer la cohérence, l’efficacité et la visibilité dans le cadre du programme « L’Europe
dans le monde44 » demande une grande implication politique.
Cela passe par la prise de conscience de l’intérêt propre de l’Europe s’agissant du
développement et de la réduction de la pauvreté. Le Service européen pour l’action
extérieure (SEAE) est l’instrument par excellence pour renforcer la cohérence au sein
de l’UE ; il dispose à cet effet d’une force d’action potentiellement supérieure à celle
de la Commission, puisqu’il peut en principe relier les différents domaines stratégiques
européens. L’AIV recommande de miser sur la consolidation du rôle de la Haute
représentante, Catherine Ashton, sur la cohérence et sur le renforcement des capacités
de la division Questions mondiales du SEAE.
42 « Rapport de l’UE sur la cohérence des politiques pour le développement », Document de travail de
la Commission 545, 2007. Voir : <http://ec.europa.eu/development/icenter/repository/Publication_
Coherence_DEF_fr.pdf>, consulté le 26 octobre 2012.
43 Communication de la Commission « Cohérence des politiques au service du développement – Accélérer
la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement », COM(2005)134 final du 12 avril 2005,
et conclusions du conseil Affaires générales et Relations extérieures (CAGRE) relatives aux objectifs du
Millénaire pour le développement (Doc. 9266/05).
44 COM (2006) 278.
38
L’AIV suggère que les Pays-Bas accordent des financements à des ONG nationales
et internationales et à des instituts de recherche afin qu’ils signalent et étudient,
avec leurs partenaires dans les pays en développement, les incohérences entre les
politiques européennes (par exemple entre politique commerciale et de développement)
et proposent des solutions, notamment dans le cadre de la PAC et des accords de
partenariat économique45 (APE).
III.3.3
Le rôle de l’UE dans la coordination des donateurs
La Commission européenne et les États membres ont mis en place l’initiative accélérée
en vue d’aider les pays partenaires à répartir le travail entre les donateurs46 (2008), en se
basant notamment sur des stratégies communes pluriannuelles et l’analyse des avantages
comparatifs des donateurs. Le Code de conduite de l’UE sur la division du travail dans la
politique de développement47 (2007) a posé le concept de complémentarité (cf. annexe
IV), pour lequel il n’existe pas encore de définition reconnue au niveau international. Le
Code de conduite souligne l’ordre des étapes à suivre, à savoir : analyser les expériences
antérieures et s’en inspirer, formuler un mandat politique, établir des modalités
opérationnelles appropriées et élaborer des systèmes de suivi efficaces.
En 2004, les services d’évaluation de l’UE, réunis au sein du groupe EUHES48, ont
mené six évaluations afin d’examiner l’application, dans la politique de développement
européenne, des principes de coordination, de complémentarité et de cohérence (3C)
consacrés par le traité de Maastricht. Les principales conclusions sont les suivantes :
1. Les États membres de l’UE reconnaissent de plus en plus l’importance de la
cohérence des politiques pour le développement.
2. Bien que la coordination des initiatives des États membres sur le renforcement des
capacités commerciales ait été améliorée, les effets sur la complémentarité et la
cohérence restent limités du fait de l’absence d’approche européenne commune.
3. Les États membres ne parviennent pas à se mettre d’accord sur le sens et la mise
en pratique du principe de complémentarité. Le manque de coordination empêche de
prendre au niveau européen des accords contraignants pour l’ensemble des acteurs.
4. Le déficit de coordination, de complémentarité et de cohérence réduit l’impact des
programmes d’aide humanitaire et de développement de l’UE, laissant inutilement les
pays développement dépendre en grande partie de leurs sources d’aide humanitaire et
financière.
45 Voir notamment K. van Hoestenberghe in Internationale Spectator, année 62, juin 2008 et L. Drieghe &
J. Orbie, Internationale Spectator, année 62, février 2008.
46 OCDE-CAD, Initiative accélérée pour la division du travail, juin 2008, mise à jour décembre 2010.
Voir : <http://www.oecd.org/dac/aideffectiveness/46836584.pdf> (en anglais), consulté le 29 octobre
2012.
47 Union européenne, Code de conduite sur la division du travail dans la politique de développement,
Bruxelles, 28 février 2007. Voir : <http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2007:007
2:FIN:FR:PDF>, consulté le 29 octobre 2012.
48 EUHES est le groupe des responsables des services d’évaluation de la coopération au développement
des États membres et de la Commission européenne (Services d’évaluation de l’Union européenne,
Evaluating Co-ordination, Complementarity and Coherence in EU development policy: a synthesis, Triple C
Evaluations, numéro 8, 2007, p. 11).
39
5. Un large soutien politique est nécessaire pour réaliser des progrès en matière de 3C.
L’EUHES formule les recommandations suivantes :
1. La fragmentation institutionnelle au sein de l’UE entrave l’action commune en ce
qui concerne les 3C et, par là, le renforcement de l’efficacité des efforts joints de la
Commission et des États membres dans le domaine du développement. C’est pourquoi
l’harmonisation européenne est nécessaire afin d’éviter les frictions répétées.
2. Il convient d’établir des cadres et des protocoles pour la coordination européenne, de
fixer un agenda commun et de veiller à une mise en œuvre concertée des décisions
par les États membres.
3. Les États membres doivent partager les meilleures pratiques et les enseignements
tirés de l’expérience concernant l’intégration de la politique de développement.
4. Il faut étendre les possibilités de recherche et de formation afin de pouvoir effectuer
des études de suivi et d’évaluation relatives aux processus et aux effets de la
coordination institutionnelle sur la cohérence des politiques et la complémentarité
au niveau européen. Pour ce qui est de la problématique des 3C, le rôle de pays
partenaires tels que la Tanzanie, l’Inde et l’Afrique du Sud est important.
Malheureusement, la pratique a peu évolué, du fait de la difficulté à mettre en place une
véritable coopération au niveau politique entre les États membres, enclins à ne collaborer
qu’avec les pays partageant les mêmes vues. La Commission remplit toutefois de plus
en plus un rôle de coordination dans les domaines de l’énergie, de la démocratie et du
soutien budgétaire. Et, sur le terrain, des exemples intéressants de systèmes de suivi
communs sont signalés. Mais l’harmonisation au niveau central reste lente, comme en
témoignent les négociations sur la mise en œuvre du cadre stratégique de l’UE en matière
de sécurité alimentaire.
La nouvelle structure de la Commission européenne et du SEAE permet de créer les
conditions favorables à une action extérieure efficace de l’Union, principalement dans les
pays en développement. En cette période de restriction des moyens, les Pays-Bas peuvent
jouer un rôle de premier plan en s’engageant à cette fin aux côtés de la Commission et
du SEAE, activement mais avec un esprit critique. Un tel engagement devrait avoir un
important effet positif sur l’efficacité de la coopération européenne et la cohérence de la
politique de l’UE.
III.3.4
L’UE et les acteurs de la société civile
L’appui de l’UE à la société civile dans les pays en développement est consigné dans
l’Accord de partenariat de Cotonou. Dans sa communication sur le tracé d’une position
commune pour l’après-2015, la Commission souligne l’importance des organisations de la
société civile pour la cohésion sociale et le système démocratique. Leur participation aux
processus politiques favorise une politique inclusive et efficace. Vu le contexte changeant
dans lequel elles opèrent – qui se caractérise notamment par l’émergence de nouvelles
formes d’action, moins structurées, des citoyens et des jeunes –, la Commission établit
trois priorités : (1) appui aux efforts en faveur d’un environnement favorable (enabling
environment) aux organisations de la société civile dans les pays partenaires ; (2)
promotion d’une participation significative et structurée de ces organisations à la politique
intérieure des pays partenaires, au cycle de programmation de l’UE et aux processus
internationaux ; et (3) renforcement des capacités des organisations locales de la société
civile aux fins de consolider l’efficacité de leur rôle en tant qu’acteur indépendant.
En accord avec le souci de ciblage et de différenciation indiqué dans le « Programme pour
40
le changement », l’UE souhaite décliner ces priorités dans l’ensemble des instruments et
des programmes de tous les secteurs de coopération avec des pays tiers. L’accent porte
ici expressément sur l’action au niveau des pays. L’UE va ainsi davantage investir dans un
dialogue axé sur les résultats et impliquant toutes les acteurs concernés : organisations
de la société civile, mais aussi secteur privé, gouvernements partenaires, autorités
locales, parlements et autres instances nationales. La Commission propose que l’UE
et les États membres établissent par pays une feuille de route relative à la coopération
avec les organisations de la société civile, en vue de renforcer l’impact, la prévisibilité et
la visibilité des efforts européens, et de garantir la cohérence et la synergie. Il faudrait
aligner ces feuilles de route, à propos desquelles les organisations de la société civile
auront leur mot à dire, sur la programmation de l’aide européenne. Outre le soutien
des organisations de la société civile au niveau des pays, l’UE apportera son appui aux
organisations actives sur le plan international et axées sur la résolution des problèmes
transnationaux et mondiaux.
L’AIV estime que les Pays-Bas peuvent exercer une influence non négligeable sur le
fonctionnement de ce programme. Ils disposent en effet d’un réseau d’organisations de
la société civile fortement orientées vers l’international, en mesure de marquer de leur
empreinte un programme européen en faveur de la société civile car (a) seuls six pays
européens environ disposent d’un programme bien construit dans ce domaine (les ONG
néerlandaises obtiennent des contrats européens et sont influentes à Bruxelles) et (b)
elles agissent, par l’intermédiaire de leurs partenaires, dans des pays en développement
dont l’UE soutient la société civile. Les priorités formulées par les ONG néerlandaises
trouvent donc un écho bien au-delà de nos frontières. Enfin, ces ONG exercent des
activités de lobbying soutenues et souvent très efficaces en faveur de dossiers
importants pour les Pays-Bas comme la cohérence des politiques, l’efficacité de la
politique européenne de développement, la paix et la sécurité, le commerce et la sécurité
alimentaire.
III.4
Synergie entre les entreprises et les autres acteurs
III.4.1
Synergie entre les entreprises et entre ces dernières et les pouvoirs publics
Nous avons indiqué plus haut comment l’État peut mobiliser et canaliser la valeur ajoutée
des entreprises au profit de la coopération internationale, et comment il peut favoriser des
modes de financement innovants.
Dans le chapitre IV, l’AIV explorera les moyens de faire en sorte qu’aide et commerce se
renforcent mutuellement, en prenant en compte les capacités de l’économie néerlandaise
et l’annonce du nouveau fonds renouvelable à destination des PME. Si les entreprises
sont en mesure de réaliser de grands projets d’infrastructures favorables au climat
d’investissement, à la croissance économique ou à la prestation de services publics,
les États peuvent les soutenir en combinant divers canaux d’intervention : coopération
bilatérale et multilatérale (Banque mondiale), aide aux exportations et financement privé.
La question de la liaison de l’aide est toujours présente dans ce contexte, mais elle
n’entre pas dans le cadre du présent avis.
Les partenariats public-privé (PPP) sont une forme de coopération en essor entre
entreprises et pouvoirs publics. Des ONG y étant souvent également intégrées, les PPP
sont décrits au paragraphe III.4.2 ci-dessous.
Jouer sur la complémentarité peut aussi se traduire par l’engagement du dialogue
avec les pouvoirs publics locaux sur certains aspects de la réglementation ou sur des
41
problèmes spécifiques entravant le climat des affaires. La mise en œuvre des projets
en faveur du secteur privé offre de multiples occasions d’entamer une telle démarche, à
condition, encore une fois, de disposer des capacités d’expertise nécessaires dans les
postes.
Il existe une concertation institutionnelle à La Haye entre le gouvernement et les
instances chargées de l’application des instruments à destination des entreprises,
comme la FMO, le CBI, le PUM, l’IDH, FNV Internationaal, CNV Mondiaal, le DECP,
Agriprofocus et l’Agence NL. L’objectif est de favoriser l’échange de connaissances
et d’expériences, ainsi que la synergie entre les activités. L’IOB travaille actuellement
à une évaluation de l’instrumentaire en faveur du secteur privé, dont les conclusions
entraîneront peut-être la révision de certains éléments. Il est important d’encourager les
efforts d’harmonisation de ces différents instruments, tels qu’ils ont lieu au sein de la
plateforme de développement du secteur privé.
III.4.2
Synergie entre les entreprises et les organisations de la société civile
Dans son avis no 80, « Des mondes inégaux - Pauvreté, croissance, inégalités et le rôle
de la coopération internationale », l’AIV émet l’affirmation suivante : « La coopération des
entreprises avec les ONG peut permettre de prévenir ou d’atténuer les effets négatifs et
de renforcer les effets positifs [des activités commerciales]. Ces organisations, qui jouent
un rôle de surveillance, sont elles aussi de plus en plus engagées dans des activités
productives. Les contacts entre les deux secteurs sont nettement en train d’évoluer. Les
ONG engagent le dialogue avec les grandes entreprises sur la durabilité et signent parfois
des accords avec elles. Conscientes de l’influence des ONG sur leurs clients et leur
réputation, les entreprises se montrent, quant à elles, plus réceptives. » Les ONG jouent
un rôle toujours plus diversifié et complémentaire à l’égard des entreprises : partenariats,
relations de coopération ponctuelles ou durables, fonctions de dialogue, de conseil et de
contrôle.
Les entreprises, qu’elles soient locales mais aussi et surtout internationales, sont de
plus en plus enclines à reconnaître qu’elles ont une responsabilité sociale et qu’elles se
doivent de favoriser le développement durable et la justice sociale, au niveau national
et international. En vue de réaliser ces objectifs plus larges, elles devront précisément
chercher une coopération prenant la forme de PPP avec les ONG, les pouvoirs publics
locaux et les organisations internationales.
Les différences culturelles et le manque de confiance réciproque peuvent être déroutants.
Les entreprises se montrent parfois méfiantes face à des ONG coiffées de la double
casquette de contrôleur et de partenaire, tandis que certaines ONG n’ont ni les
connaissances ni l’expérience nécessaires pour entretenir une coopération fructueuse
avec les entreprises. Par ailleurs, certains thèmes, comme la santé et les droits
reproductifs et sexuels (SDRS), sont peu adaptés à la collaboration avec le secteur privé
(même s’il en existe quelques exemples) et les pays où interviennent les ONG, tels que
les États fragiles, ne sont pas toujours attrayants pour les entreprises. Les organisations
internationales se montrent régulièrement critiques à l’égard des grosses entreprises
qui opèrent dans le secteur minier ou l’agriculture à grande échelle dans les pays en
développement. Toutefois, les entreprises et les ONG sont de plus en plus nombreuses à
entamer le dialogue et à chercher – et trouver – ensemble des solutions. Le faisceau des
considérations en jeu est propice à la complémentarité : recentrage du canal civilatéral sur
les États fragiles et des entreprises sur les pays stables à revenu faible ou intermédiaire
(voir chapitre IV).
42
Ces deux types d’acteurs ont chacun leur valeur ajoutée, présentées dans cet avis, qui se
complètent : les entreprises apportent des capacités financières et économiques, ainsi
que la continuité par l’intermédiaire d’activités rentables, du transfert de connaissances
et de l’assistance technique. Les ONG fournissent quant à elles leur expertise en matière
de développement social et institutionnel durable et leur connaissance des spécificités
locales. De nos jours, elles participent de plus à l’élaboration de nouveaux modèles
économiques, dont l’entrepreneuriat inclusif49. Il est donc très intéressant, pour les
pouvoirs publics, de contribuer à jeter des ponts entre ces catégories d’acteurs.
Déjà évoqués plus haut, les PPP sont l’un des principaux instruments conçus pour
stimuler la synergie entre entreprises et ONG. Ils ont connu un essor notable suite à la
signature de l’accord de Schokland en juin 2007 (qui a accordé 50 millions d’euros de
financement public aux propositions innovantes faites conjointement par des entreprises
et des ONG). Depuis, cette forme de coopération s’est affirmée et a été utilisée
notamment dans les domaines de l’eau et de la nourriture, par exemple au Ghana et au
Mozambique, où la société néerlandaise Vitens/Evides assiste les pouvoirs publics dans
la fourniture d’eau potable. Les entreprises privées locales sont responsables de la mise
en œuvre, tandis que les ONG étudient les besoins des usagers et s’attachent à favoriser
leur implication sur le terrain. Il revient à l’État de fixer des règles pour la fourniture
d’eau potable et de veiller à leur respect, et aux organisations internationales d’apporter
conseils techniques et soutien financier lors des investissements matériels nécessaires.
L’efficacité des PPP fait l’objet d’un nombre croissant d’études, qui permettent d’identifier
les facteurs de succès. Il apparaît ainsi que les prestations du secteur privé coûtent en
général davantage au consommateur et que les procédures utilisées par les pouvoirs
publics restent trop complexes50.
Un autre domaine qui a déjà profité de financements publics est celui des chaînes
commerciales. Les supermarchés et grossistes néerlandais ont besoin d’un
approvisionnement constant en produits de qualité, y compris en provenance des pays
en développement. C’est pourquoi ils travaillent avec des ONG qui labellisent les produits
issus du commerce équitable ou qui forment les petits agriculteurs et producteurs,
les aident à s’organiser et veillent à qu’ils obtiennent un prix correct. Les Pays-Bas
ont contribué financièrement à ce type de projets, notamment par l’intermédiaire du
système de cofinancement (MSF) et du Programme d’investissement dans le secteur
privé (PSI). L’Initiative pour le commerce durable (IDH), un PPP réunissant pouvoirs
publics, entreprises et ONG, a ainsi reçu 100 millions d’euros pour contribuer à la lutte
contre la pauvreté, à la protection de l’environnement et au commerce équitable dans
un certain nombre de chaînes de produits. Au sein de la Plateforme néerlandaise pour
la microfinance, les grandes banques du pays collaborent avec la FMO, Oikokredit et
des ONG comme ICCO, Cordaid, Hivos et Oxfam-Novib. De nombreuses activités de ces
partenaires sont cofinancées par l’État néerlandais.
Si les sièges des diverses organisations aux Pays-Bas savent établir les contacts
nécessaires entre eux, dans les pays en développement règne encore une grande
ignorance concernant les activités réciproques, ce qui se traduit par un déficit
de coopération et de coordination. Ici encore, le renforcement des capacités des
49 ICCO, Civil Society paper, septembre 2012.
50 P. Farlam, Working together: Assessing Public Private Partnerships in Africa, NEPAD Policy Focus Report,
2005.
43
ambassades semble le moyen le plus efficace pour rassembler toutes les parties et
favoriser les synergies.
En conclusion, l’AIV constate que la coopération entre les entreprises et les organisations
de la société civile se renforce, en grande partie encouragée par les fonds publics qui
y sont consacrés, ce qui plaide en faveur de la poursuite de cette politique. Il remarque
également que la compréhension et le respect mutuel entre ces acteurs semblent
s’accroître.
III.4.3
Soutien par l’État de la valeur ajoutée des entreprises en tant qu’acteurs de la
coopération au développement
Suite à la redéfinition, évoquée plus haut, des canaux de l’aide, celui des entreprises
représente, en 2013, 9 % du budget néerlandais total de la coopération au
développement. 27 % des fonds concernés sont versés directement aux entreprises, le
reste, dédié au renforcement du secteur privé local, passant pour 22 % par l’intermédiaire
des institutions multilatérales comme l’IFC, pour 13 % par les organisations de la société
civile, et, pour le reliquat, par la FMO, le CBI et, de plus en plus, par des PPP51.
Au niveau international, une hausse exponentielle du financement public de parties
privées est manifeste. Selon les estimations, les IFI auraient investi plus de 40 milliards
de dollars dans le secteur privé en 2010, un montant qui devrait atteindre 100 milliards
en 2015, soit presque le tiers des financements publics externes dans les pays en
développement52.
Tous les instruments financés par le budget de la coopération au développement ont pour
objectifs le renforcement du secteur privé dans les pays en développement et la lutte
contre la pauvreté. Les entreprises néerlandaises peuvent jouer un rôle en la matière,
ce qui sera apprécié mais ne constitue nullement le but final de ces interventions53. Le
soutien au secteur privé doit viser les entreprises, les pays, les secteurs et les projets
qui ont les plus grandes difficultés d’accès au capital privé. Ce canal doit être choisi
lorsqu’il permet d’obtenir les effets les plus prononcés à l’égard des pauvres. Il est
souhaitable de l’utiliser pour des investissements qui créent des conditions favorables au
climat des affaires : établissement de chambres de commerce, de systèmes juridiques
opérationnels, de syndicats, etc. C’est seulement à ces conditions que le soutien aux
entreprises a un sens.
L’un des principaux apports des entreprises en tant qu’acteurs de la coopération
internationale est leur capacité à mobiliser des moyens pour financer ou cofinancer
de façon innovante des objectifs internationaux. Aussi l’État doit-il veiller à ce que sa
51 L’ensemble de l’instrumentaire à destination des entreprises est résumé dans la brochure « Van hulp naar
investeren » [De l’aide vers l’investissement], publiée par l’État néerlandais en octobre 2011. La plupart
de ces instruments sont financés grâce au budget de la coopération au développement.
52 EURODAD, Private profit for public good? Can investing in private companies deliver for the poor?, mai 2012.
53 Le rapport Een wereld in beweging [Un monde en mouvement], publié en juillet 2012 par le groupe de
travail de haut niveau sur le financement des exportations, formule plusieurs recommandations quant aux
programmes à destination des entreprises, dont ceux relevant du budget de la coopération au développement. Il vise, comme l’indiquent son titre et ses objectifs, l’accroissement des opportunités des entreprises néerlandaises et plaide pour une situation gagnant-gagnant.
44
propre contribution ait un effet de levier maximal. La part des subventions doit être juste
assez élevée pour lancer l’activité envisagée ou renforcer les effets désirés. Elle est
parfois nécessaire à la réalisation des objectifs gouvernementaux, quand le risque initial,
prohibitif, entrave l’investissement malgré des perspectives de rentabilité dans le futur.
Cette situation spécifique se produit en matière de biens publics mondiaux, d’activités
commerciales innovantes et de développement local par le biais d’un PPP. Cependant, les
règles de l’APD limitent parfois la marge de manœuvre s’agissant du dosage flexible des
subventions.
Dans la société complexe et en rapide mutation esquissée plus haut, les entreprises
repèrent en général plus rapidement les opportunités que les pouvoirs publics. C’est
pourquoi, pour profiter au maximum de leur dynamisme et de leur créativité, il est
préférable d’utiliser des instruments axés sur la demande et s’inscrivant dans le
cadre global de l’action en faveur du commerce et des investissements, plutôt que
des programmes planifiés à l’avance. Plus les critères sont larges, plus les chances
de sélectionner et de voir se réaliser des propositions intéressantes sont importantes.
Ce principe peut toutefois s’inscrire en contradiction avec le souhait d’orienter plus
systématiquement les programmes sur certains thèmes, pays ou groupes et de les relier
à d’autres programmes (liste de pays de la coopération bilatérale) et aux exigences de
l’APD.
À l’instar du Parlement, du WRR et du SER, l’AIV estime que les entreprises bénéficiaires
de fonds publics doivent au minimum appliquer les principes relatifs à la responsabilité
sociale des entreprises dans un contexte international, basés sur les nouvelles
directives de l’OCDE (y compris les principes de Ruggie)54. Il est préférable d’utiliser
un cadre unique pour la RSE, qui englobe à la fois le commerce, les investissements
et la coopération au développement, sachant que l’effet social doit primer. L’usage de
définitions claires et l’application uniforme des directives internationales permettent
de réduire le risque de confusion et la charge administrative chez les entreprises qui
sollicitent un soutien public.
Les règles doivent être appliquées de façon graduée, le degré de sévérité augmentant
avec la taille du projet. L’obligation de rendre des comptes se traduit par un
alourdissement de la charge administrative, qui peut conduire à une augmentation
relativement importante des coûts pour les petites entreprises. C’est pourquoi l’AIV
propose que les entreprises ne soient pas seules responsables des rapports sur la
RSE mais qu’elles puissent aussi toujours compter sur la présence de suffisamment
d’évaluateurs professionnels et fiables.
Afin de limiter le risque de distorsion du marché, il importe de prendre en compte les
règles du jeu convenues au sein de l’OCDE pour le financement des exportations.
En 2006, l’AIV a recommandé d’éviter de fournir un soutien direct aux activités des
entreprises sous la forme de subventions et d’y préférer des systèmes de garantie ou de
financement55. Il faut noter qu’il est rarement question d’un marché parfait et qu’il est
nécessaire de disposer d’un personnel qualifié, à La Haye et dans les ambassades, pour
mettre en œuvre les méthodes d’analyse du risque de distorsion, quelles qu’elles soient.
54 ICCO, Civil Society paper, septembre 2012.
55 AIV, Private sector ontwikkeling en armoedebestrijding [Développement du secteur privé et lutte contre la
pauvreté], avis no 50, La Haye, octobre 2006.
45
Récapitulatif des recommandations spécifiques :
- favoriser la complémentarité entre, d’une part, les ONG, les centres d’expertise et
les pouvoirs publics et, d’autre part, les entreprises, sans enfermer les propositions
dans le cadre imposé par les autres acteurs de l’aide ; exploiter à cette fin les études
d’évaluation des effets des PPP ;
- encourager la coordination entre les acteurs dans les pays en développement,
principalement en plaçant des spécialistes dans les ambassades et les organisations
de mise en œuvre et en faisant davantage appel à l’expertise locale (ONG, entreprises,
centres d’expertise) ;
- éviter les charges administratives excessives en utilisant davantage les services
d’experts – et en leur accordant la confiance nécessaire – pour l’évaluation et
l’accompagnement des projets des entreprises.
III.5
Synergie avec les centres d’expertise
Sous l’influence des nouveaux médias, l’échange de connaissances avec les acteurs
à l’étranger et avec les pays en développement revêtira une importance croissante. On
constate également que les échanges Sud-Sud se multiplient. Il est crucial d’avoir une
vue d’ensemble des personnes clés des centres d’expertise des pays non occidentaux,
d’autant qu’elles occupent souvent également d’autres positions d’influence.
Il est essentiel, en vue d’une meilleure exploitation des connaissances existantes,
d’avoir accès aux résultats des recherches. L’Institut royal des Tropiques dispose ainsi
de l’accès à d’importantes bases de données grâce à son large réseau mondial. Poser
des questions ciblées ou diffuser des informations sur des études publiées peut en
accroître l’accessibilité. À l’inverse, les centres d’expertise peuvent permettre un meilleur
partage au niveau international des enseignements tirés des programmes néerlandais.
Le décloisonnement des connaissances est grandement facilité par l’ouverture de
l’accès aux archives et aux données, qui rend les informations disponibles pour tous
et exploitables de façon efficace. Les bases sont ainsi posées pour la coopération
entre centres d’expertise et avec les autres acteurs. Soulignons que la transparence
(notamment par l’intermédiaire des données ouvertes) est une condition essentielle à
la complémentarité : il est nécessaire de savoir ce que les autres parties font ou ont
l’intention de faire pour engager des actions en conséquence et mesurer leur degré de
complémentarité.
Dans le cadre de la coopération internationale, l’AIV recommande d’explorer les
possibilités d’impliquer les centres d’expertise dans les activités communes aux
instances publiques et privées, par exemple les PPP. L’université de Wageningen, l’Institut
agricole et économique et le NWP (Netherlands Water Partnership) sont ainsi des
partenaires actifs sur les thèmes de l’eau et de la sécurité alimentaire. MVO Nederland
est une plateforme pour la promotion de l’entrepreneuriat durable.
Le 65e anniversaire du Centre d’études africaines (ASC) et du Netherlands Africa
Business Council (NABC), que les deux institutions ont fêté conjointement en 2012, est un
exemple réussi de coopération avec d’autres acteurs. Créées en même temps, les deux
organisations s’étaient éloignées l’une de l’autre. La commémoration a été l’occasion
d’un échange entre petites et grandes entreprises (Unilever, Shell et Heineken), institutions
financières, centres d’expertise, ONG, pouvoirs publics et représentants de la diaspora, qui
ont notamment abordé la question de l’intérêt croissant que les économies émergentes
telles que la Chine, le Brésil et l’Inde portent au continent africain. L’ASC organise par
ailleurs périodiquement des rencontres consacrées à un pays, durant lesquelles des
46
experts d’horizons divers partagent des informations. Le nombre d’acteurs impliqués dans
le financement et la mise en œuvre des activités de développement dans les secteurs
public et privé croît en effet rapidement, de même que le nombre d’accords de coopération.
Autre exemple de coopération de longue date entre partenaires d’Afrique, des Caraïbes,
du Pacifique et d’Europe, l’ECDPM (Centre européen de gestion des politiques de
développement) met principalement l’accent sur la coopération régionale entre acteurs
publics et privés, axée sur le renforcement de la pertinence et de l’efficacité de la politique
internationale et de sa mise en œuvre. L’ECDPM soutient notamment la coopération de
l’Union africaine, du NEPAD et du Programme détaillé de développement de l’agriculture
africaine (CAADP) avec les organisations régionales, les groupements d’agriculteurs et le
secteur privé sur les thèmes de l’agriculture, de l’intégration régionale et du commerce en
vue de la sécurité alimentaire en Afrique.
III.6
Synergie avec les organisations de la société civile
III.6.1
Coopération civilatérale Nord-Sud
Selon l’OCDE, en matière de coopération au développement, la valeur ajoutée des
organisations de la société civile dans les pays occidentaux se situe principalement dans
leur collaboration avec leurs homologues du Sud (ce que l’on appelle la coopération
civilatérale). Les ONG sont par ailleurs particulièrement aptes à encourager la participation
démocratique des organisations communautaires et la représentation des groupes
marginalisés dans les processus de développement. Enfin, elles apportent connaissances
et expertise en vue du renforcement des capacités56.
L’influence de la société civile augmente régulièrement depuis le milieu des années
quatre-vingt, non seulement parce que les États se heurtent à leurs propres limites
dans leurs interventions en faveur du développement mais aussi parce qu’ils ont pris
conscience qu’une société civile indépendante est une condition à la démocratisation et
au développement des sociétés57. À l’heure actuelle, au niveau mondial, environ 30 %
des fonds privés comme publics consacrés à la coopération au développement passent
par l’intermédiaire des organisations de la société civile58. En matière de réglementation
internationale, ces dernières ont accumulé des succès manifestes59.
Dans de précédents avis, l’AIV s’est déjà penché sur les différents rôles des organisations
de la société civile (lutte directe contre la pauvreté, développement social et lobbying)
dans des contextes variés (États fragiles, pays à revenu intermédiaire) (voir les avis
56 OCDE-DAC, Valeur ajoutée des ONG du Nord à partir du rapport de synthèse du Groupe consultatif sur la
société civile et l’efficacité de l’aide, 2008.
57 WRR, « Moins de prétention, plus d’ambition. la coopération au développement qui fait la différence »,
Amsterdam, 2010.
58 R. Riddel, Does foreign aid really work?, Oxford, 2007.
59 M. Edwards, Have NGO’s made a difference? From Manchester to Birmingham with an elephant in the room,
in A. Bebbingtond, S. Hickey, & D. Mitlin, (Eds.) Can NGOs make a difference? The challenge of development
alternatives, Londres, 2008.
47
« Des mondes inégaux60 » et « Cohérence de la coopération internationale61 »). Il y
prévoyait qu’à l’avenir les organisations de la société civile relieraient de plus en plus
leur travail dans les États fragiles, les économies émergentes et au niveau mondial
avec l’organisation et la mobilisation d’une citoyenneté mondiale aux Pays-Bas. Le
développement dépend en effet largement des relations commerciales internationales,
de l’accès aux marchés financiers et de la possession des connaissances pertinentes ;
c’est pourquoi la coopération internationale ne se joue pas uniquement à l’intérieur des
frontières des pays mais toujours plus au niveau de la communauté internationale. Au
sein des États, les organisations de la société civile jouent un rôle essentiel de soutien
aux organisations citoyennes et aux processus sociaux, de défense des libertés, de
promotion d’une gouvernance transparente et de redistribution des richesses dans les
pays émergents.
III.6.2
Mise à profit par les pouvoirs publics de la valeur ajoutée des ONG
Les Pays-Bas connaissent une longue tradition de financement des organisations de la
société civile par les pouvoirs publics. Ce faisant, ils reconnaissent la valeur ajoutée des
ONG, la complémentarité de leurs activités avec celles d’autres acteurs et la synergie
entre leur potentiel et celui de l’État. Dans un rapport récent sur le rôle des organisations
de la société civile au niveau mondial62, l’IOB conclut à l’importance de maintenir une
approche intégrée dans l’appui qui leur est apporté : il faut encourager l’engagement
citoyen et les différentes formes d’auto-organisation, et les pouvoirs publics comme les
autres acteurs doivent lutter contre les inégalités et les préjugés entre groupes sociaux.
Il serait réducteur de qualifier de simple « sous-traitance » cette forme spécifique de
complémentarité entre État et société civile par l’intermédiaire de financements publics.
L’État néerlandais a des objectifs en matière notamment de droits de l’homme, d’aide
d’urgence, d’état de droit et de santé et laisse d’autres parties (ONG néerlandaises et
leurs partenaires) y contribuer de leur propre manière et dans le cadre de leurs propres
objectifs, programmes et compétences. C’est la raison pour laquelle ces organisations
apportent elles-mêmes en moyenne plus de la moitié du budget. Cette coopération permet
en outre de renforcer l’implication de la société civile néerlandaise dans les efforts
gouvernementaux.
Il n’est pas sûr, cependant, que le mode actuel de subventionnement des organisations
de la société civile soit tenable à long terme. Les derniers systèmes de cofinancement
reposent en grande partie sur le principe d’égalité juridique. Les organisations de
la société civile apportant leur contribution à la coopération au développement et
accomplissant de ce fait un service public, il est important pour l’État que leur potentiel
se développe autant que possible. Elles restent certes en premier lieu responsables du
maintien de leurs fonctions vitales. Mais l’État a intérêt à identifier les missions publiques
pertinentes complémentaires de sa propre politique et les moyens de les soutenir de
façon adéquate et responsable. En principe, le droit d’obtenir une subvention est le
même pour toutes les organisations qui en font la requête ; cela induit pour l’État des
procédures de sélection complexes et des recours coûteux en temps qui constituent
60 AIV, Des mondes inégaux - Pauvreté, croissance, inégalités et le rôle de la coopération internationale, avis
no 80, La Haye, octobre 2012.
61 AIV, Samenhang in Internationale samenwerking, [Cohérence de la coopération internationale], réaction au
rapport du WRR « Moins de prétention, plus d’ambition », avis no 69, La Haye, mai 2010.
62 IOB, Civil Society, Aid and Development: a cross-country analysis, juin 2012.
48
autant de facteurs d’incertitude. Pour les organisations, ce système implique de
nombreuses tracasseries administratives. Mais, plus grave encore, il laisse de côté la
question de l’importance stratégique ou non des activités. En outre, l’État tente d’évaluer
de façon uniforme des organisations très variées et incomparables entre elles, ce qui
les amène à enserrer leurs programmes dans le même corset. En conséquence, non
seulement les demandes se ressemblent de plus en plus, mais les ONG se disputent les
mêmes terrains dans les mêmes pays, en usant de thèmes et de stratégies d’intervention
similaires. Plus les différences entre les demandes de subventions se réduisent, plus
il devient malaisé pour l’État de distinguer les écarts de qualité, ce qui alourdit les
procédures de sélection et, surtout, accroît l’incertitude concernant leurs résultats. Il est
concevable que la procédure conduise à accorder des subventions à un grand nombre
d’organisations actives sur le terrain A, laissant de côté celles actives sur le terrain
B alors que c’est là précisément que des gains en valeur ajoutée et en synergie sont
réalisables.
Courte histoire du cofinancement aux Pays-Bas
Après le début de l’aide néerlandaise au développement en 1949 et suite à l’appel
du président américain H. Truman, l’intérêt de la société pour la coopération au
développement se développe63, y compris aux Pays-Bas. Ce mouvement conduit à
la création de Novib en 1956, tandis que des organisations missionnaires comme
CMC/Cebemo (catholique) et ICCO (protestante) axent toujours plus leur action vers
la coopération au développement. En 1964, le gouvernement néerlandais décide pour
la première fois d’accorder des moyens aux organisations de la société civile pour le
cofinancement d’activités dans les pays en développement64. Deux ans plus tard, le
ministère des Affaires étrangères constate déjà qu’il serait « inconcevable » d’envisager
l’aide néerlandaise au développement sans l’apport de ces organisations65. En
1978, le gouvernement étend le financement public à une organisation partisane de
l’humanisme laïque, HIVOS.
Ces quatre – plus tard cinq – organisations se partagent jusqu’à la fin du XXe siècle un
flux croissant de fonds publics dans le cadre du programme de cofinancement (MPF),
selon un système de répartition qu’elles conçoivent elles-mêmes à compter de 1997. À
côté de ce système sont créés au fil des ans des programmes spécifiques pour l’envoi
d’experts66, le soutien aux syndicats67 et le financement de programmes municipaux
de développement68.
63 Pour un aperçu, voir : Ontwikkelingssamenwerking in vogelvlucht, de feiten op een rij [La coopération au
développement en bref, rappel des faits], NCDO, juin 2012.
64 Le concept de cofinancement ne se rapporte pas au cofinancement des organisations de la société civile
mais à celui des programmes en direction du Sud.
65 P.P. Hoebink, Verschuivende Vensters: Veranderingen in het institutionele landschap van de Nederlandse
Ontwikkelingssamenwerking [Horizons changeants : modification du paysage institutionnel de la
coopération néerlandaise au développement], WRR, publication en ligne no 40, La Haye, janvier 2010.
66 Comme le PUM (Programme de détachement d’experts).
67 Programme géré par les fédérations syndicales CNV et FNV-Bondgenoten.
68 Par l’intermédiaire de l’Association des communes néerlandaises (VNG).
49
Le paysage et le mode de financement de la coopération au développement par
l’intermédiaire des ONG subissent de sérieux bouleversements pendant la première
décennie du XXIe siècle. Le monopole des quatre organisations de cofinancement est
rompu en 1999, lorsque Mme Herfkens donne son accord à l’entrée dans le système
de Foster Parents Plan Nederland. En 2001, un nouveau règlement sur les subventions
remplace l’ancien, datant de 1980. Cette décision découle de la loi générale sur les
procédures administratives, qui dispose que les subventions publiques sont ouvertes à
tous les citoyens (et organisations) aux Pays-Bas69.
En 2003, un nouveau cadre entre en vigueur permettant les candidatures ouvertes,
ce qui aboutit à l’entrée de Terre des Hommes dans le programme de cofinancement.
À ce dernier, au sein duquel six organisations oeuvrent à la lutte structurelle contre
la pauvreté dans différents pays et continents, par l’intermédiaire de secteurs et de
thèmes divers et à des niveaux variables (local, national et international), se juxtapose
un programme de cofinancement thématique (TMF). Celui-ci vise les organisations qui,
souvent mieux dotées en connaissances qu’en capital, se spécialisent sur des thèmes,
régions ou groupes-cibles spécifiques. Lors des cycles de sélection successifs, 214
organisations au total, dont 100 situées à l’étranger, obtiennent une subvention.
En 2007, suite à une décision de Mme Van Ardenne, le MPF et le TMF sont fondus
dans un nouveau système de cofinancement (MFS). Sous ce nouveau régime, 59
organisations reçoivent des subventions, ce qui allège considérablement la charge de
gestion du ministère des Affaires étrangères. Considérant que la fragmentation est
trop grande, Bert Koenders décide cependant que les organisations doivent davantage
coopérer. Il annonce en 2009 que le deuxième cycle de sélection MFS sera limité à 30
groupements ou organisations. Suite à une procédure d’attribution complexe, il apparaît
que 21 groupements d’organisations de la société civile recevront une subvention à
compter de 2011, ce qui réduit encore les charges administratives pour le ministère,
ou, plus exactement, les transfère vers les porte-parole des groupements.
L’AIV conseille de chercher les moyens – y compris le cofinancement – de continuer à
favoriser les synergies entre pouvoirs publics et organisations de la société civile tout
en évitant les inconvénients évoqués plus haut. Comme nous le verrons au chapitre IV,
même dans le monde en mutation rapide que nous connaissons actuellement, certaines
missions essentielles reviennent aux ONG et ne peuvent être remplies par d’autres
acteurs : opérer dans les États fragiles et les zones de conflit, s’attacher à réduire les
différences de revenus dans les pays à revenu intermédiaire, assurer une fonction de
contrôle et favoriser l’émergence d’une citoyenneté mondiale en faveur des biens publics
mondiaux.
L’AIV a étudié les systèmes d’un certain nombre de donateurs partageant les mêmes
vues et voit dans le modèle suédois d’appui aux ONG un bon exemple d’utilisation des
caractéristiques propres des organisations de la société civile, qui évite les défauts de
l’actuel système néerlandais.
69 WRR, Verschuivende Vensters: Veranderingen in het institutionele landschap van de Nederlandse
Ontwikkelingssamenwerking [Horizons changeants : modification du paysage institutionnel de la
coopération néerlandaise au développement], WRR, publication en ligne no 40, La Haye, janvier 2010,
p. 76 (OPOP 2000:9).
50
Il s’agit en résumé d’un mode de financement plus stratégique, basé sur un système
de subvention qui n’est pas générique mais axé au contraire sur l’activation de la valeur
ajoutée spécifique que l’État considère d’importance stratégique. Le gouvernement
consacre ses efforts à un nombre limité d’organisations pouvant, selon le contexte,
faire partie d’alliances stratégiques constituées avec d’autres organisations et acteurs.
Ces structures sont sélectionnées à l’aide de cadres stratégiques (comprenant les
objectifs, le contexte et les thèmes centraux), à formuler pour les priorités de l’agenda de
l’après-2015 et pour les rôles indiqués au chapitre VI du présent avis. Le développement
de la société civile doit être reconnu comme un objectif à part entière méritant un cadre
propre. Car il s’agit de renforcer la capacité d’expression et le droit de parole des citoyens,
de garantir les droits et les libertés et de créer des contre-pouvoirs à la puissance
étatique.
Une fois la sélection des partenaires ou groupements stratégiques effectuée, un
programme de financement est conçu en concertation, qui évite au maximum les
conditions susceptibles de nuire à l’efficacité des acteurs ou d’augmenter inutilement
les coûts de transaction. Cela requiert de réduire les charges administratives en
mettant l’accent sur : (a) des plans globaux et stratégiques, (b) un suivi sur mesure, (c)
des rapports d’activités riches et pertinents, (d) la transparence financière, et (e) des
évaluations qui renforcent la capacité d’apprentissage. Dans un souci de continuité, il
est souhaitable de conclure des accords pluriannuels - la Suède travaille sur des durées
de 8 à 10 ans -, l’État conservant à intervalles périodiques la possibilité de mettre fin
à la coopération en cas de prestations insuffisantes ou de l’adapter en fonction du
contexte. En ce qui concerne l’évaluation des organisations, il doit être possible de se
fier à un système de qualité éprouvé en externe et il faut éviter les doublons. Le souci
de la représentation sociale et la place qui lui est accordée doivent garantir que les
ONG participent à l’implication de la société. La communication en direction du public
néerlandais doit davantage être axée sur l’avènement de la citoyenneté mondiale, et ne
pas se limiter aux sujets liés à la collecte de fonds. La contribution financière propre
peut varier par organisation, en fonction notamment du programme et de la disponibilité
de financements privés. À côté de ce régime accessible à un nombre restreint de
groupements stratégiques, l’État pourrait envisager de conserver un système pour les
ONG qui mènent des activités qu’il souhaite soutenir dans des domaines pertinents mais
qui ne s’inscrivent pas dans les groupements sélectionnés.
En vue d’optimiser la synergie entre pouvoirs publics et ONG, et de ne pas limiter leur
relation à celle de subventionneur-subventionné, il faut éviter de confier le processus de
sélection et la gestion de cette relation à des parties totalement étrangères à la politique
publique.
La position des Pays-Bas dans un monde globalisé requiert un ministère des Affaires
étrangères puissant et éclairé. L’adjonction du portefeuille Commerce extérieur (cf. IV.2),
l’implication croissante en faveur de la paix, de la sécurité et de l’ordre juridique (cf. IV.1),
ainsi que la réintroduction d’un second poste ministériel sont des pas dans la bonne
direction et, à ce titre, bienvenus.
51
IV
Interaction entre acteurs dans les pays à revenu faible et
intermédiaire et dans les États fragiles en matière de biens
publics mondiaux
Thèmes stratégiques actuels
Traditionnellement, la coopération au développement était axée sur le développement
durable dans les pays à faible revenu. Comme signalé dans l’introduction, deux aspects
sont venus s’y ajouter : la pauvreté dans les pays à revenu intermédiaire (avis no 80 de
l’AIV : Des mondes inégaux) et la protection des BPM au niveau mondial (avis no 74 de
l’AIV : Agenda du développement pour l’après-2015). Le présent chapitre s’ouvre sur la
présentation de deux thèmes actuels de la politique gouvernementale : le budget de la
sécurité internationale (paragraphe IV.1) et la cohérence entre politique commerciale et
coopération au développement (paragraphe IV.2), deux thèmes offrant chacun des défis et
des opportunités pour une politique intégrée et cohérente. Puis, aux paragraphes IV.3 et
IV.4, la valeur ajoutée et la synergie des acteurs seront placées dans la perspective de la
politique suivie dans les différents types de pays.
IV.1
Budget structurel pour la sécurité internationale : l’approche intégrée
Dans l’accord de coalition, le gouvernement a opté pour une approche intégrée des
questions de sécurité et de stabilité. Les conflits complexes demandent en effet des
interventions simultanées concernant la sécurité, l’ordre juridique, le renforcement des
institutions et le développement économique et social. Dans le cadre de cette politique,
présentée dans la note de 2005 « Reconstruction après un conflit armé70 », un montant
de 250 millions d’euros a été débloqué pour la couverture des dépenses liées à la
sécurité internationale pour la période 2014-2017. Dans un même temps, le budget de la
Défense a été réduit de 250 millions d’euros et celui de la coopération au développement,
dont la responsabilité incombe à la ministre du Commerce extérieur et de la Coopération
au développement, en accord avec le ministre de la Défense, d’un milliard d’euros. Ces
éléments seront repris dans le cadre d’action pour la sécurité internationale actuellement
en cours de préparation.
Dans le contexte des réductions affectant la Défense, le poste de 190 millions du budget
interministériel de la coopération internationale réservé aux opérations de gestion de crise
et qui servait à financer le déploiement opérationnel de ce ministère, disparaîtra en 2014.
Il importe cependant que ce ministère, qui a renoncé à son budget opérationnel, continue
à disposer de moyens suffisants pour ce type d’opérations dans les États fragiles mais
aussi pour la défense des alliés des Pays-Bas.
L’accord de coalition précise à cet égard (p.15) : « L’importance des opérations de paix
et de gestion de crise pour les pays en développement est soulignée par l’institution
d’un nouveau budget structurel pour la Sécurité internationale à hauteur de 250 millions
d’euros, devant couvrir les dépenses dans ce domaine, qui aujourd’hui grèvent le
budget de la Défense. ». L’exposé des motifs indique (p. 73) qu’« à compter de 2014,
0,25 milliard du budget de la Coopération au développement sera transféré à celui de
la Sécurité internationale et utilisé par la Défense pour couvrir ses dépenses liées à la
sécurité internationale. ».
70 Documents parlementaires 30075, no 1.
52
L’AIV constate que la création d’un budget à affectation large pour la sécurité internationale
correspond à un choix purement politique et souligne l’importance d’une approche intégrée,
comme le fait l’accord de coalition : « Lors des missions internationales dans les zones de
conflit, la sécurité, le développement et la diplomatie doivent aller de pair. » Il convient de
noter que la ligne de démarcation entre pays en développement et pays développés est de
moins en moins nette : dans le monde arabe, une approche intégrée en matière de sécurité
et d’ordre juridique est nécessaire, même si ces pays ne sont pas pauvres. La lettre à la
Chambre « Axe prioritaire : sécurité et ordre juridique » aborde la dimension développement
de cette approche71.
L’accord de coalition poursuit : « La participation aux opérations internationales de
gestion de crise exige la présence d’un mandat de droit international ou l’existence
d’une situation d’urgence humanitaire. Les demandes seront évaluées à l’aune de notre
responsabilité internationale et des intérêts nationaux. »
En cas de participation à une opération de paix ou de gestion de crise, l’AIV conseille de
consacrer une attention explicite, dans le cadre d’évaluation de la mission ainsi que dans
la lettre à la Chambre la concernant (lettre exigée par l’article 100 de la Constitution),
à la sécurité humaine et à la protection des civils en termes d’objectif, d’approche et
de moyens. Une recommandation en ce sens a également été faite par la commission
indépendante d’experts lors de l’évaluation de la participation néerlandaise à la mission
de l’ISAF et il est prévu d’en tenir compte dans la révision du cadre d’évaluation de 2009.
Ce document doit par ailleurs stipuler la mise en œuvre immédiate d’un suivi indépendant
des victimes civiles et d’un rapport public à ce sujet72.
IV.2
Cohérence entre politique commerciale et coopération au développement
La volonté de réduire les entraves au commerce international et à une participation
égale au système commercial, si elle n’est pas nouvelle, reste toutefois d’une grande
importance. Cette volonté est cohérente avec la coopération au développement si l’on
part de l’idée que la liberté des échanges commerciaux internationaux est en principe
favorable à la croissance économique et au développement, ici comme là-bas, à condition
de garantir à l’international une situation de concurrence équitable pour les pays pauvres
et de veiller au niveau national à ce que la valeur ajoutée du commerce ne profite pas
qu’à un groupe restreint. Les inégalités se sont en effet énormément accrues dans
un grand nombre d’économies émergentes. Sans faire des relations d’investissement
un thème de réflexion distinct, il importe néanmoins de les aborder sous le chapitre
« commerce », car elles donnent en général naissance à des flux commerciaux et ont
un fort impact sur la société. Il est donc souhaitable de rechercher la synergie entre
cet impact et les efforts déployés dans le cadre de l’aide au développement. De plus,
les investissements sont des activités concernant un type d’acteurs (les entreprises),
n’intervenant à part entière nulle part ailleurs dans le débat. Le terme de commerce doit
donc être interprété comme « relations commerciales ». Il semble également intéressant
d’étudier comment les succursales des entreprises néerlandaises présentes dans les
pays (par exemple les banques) pourraient influer plus directement sur les objectifs de la
coopération internationale.
71 Lettre à la Chambre du secrétaire d’État aux Affaires étrangères, référence EFV-190/201, La Haye,
21 mai 2012.
72 Ibid.
53
En relation étroite avec les négociations engagées dans le cadre de l’OMC sur la
libéralisation du commerce, les programmes d’aide au commerce visent la garantie
d’une concurrence équitable73. Après l’échec de la réunion ministérielle de Cacun – les
États-Unis et l’UE ayant refusé de mettre fin au protectionnisme en matière de produits
agricoles –, ces programmes ont considérablement contribué à assurer la participation
des pays en développement aux négociations. Cela n’a cependant pas empêché le nonaboutissement du cycle de Doha, dû à nouveau à l’incapacité de parvenir à un accord sur
l’ouverture des marchés industriels et agricoles et sur les garanties aux investisseurs
étrangers. La contribution des grands donateurs aux programmes d’aide au commerce a
certes augmenté de façon spectaculaire, mais elle reste étroitement liée à leurs intérêts
économiques propres.
Pour ses partisans, l’aide au commerce est le moyen de faire évoluer les rapports avec
les pays plus développés du niveau de l’aide pure et simple vers celui de relations
professionnelles profitant aux deux parties. Certaines analyses sont cependant plus
sceptiques à cet égard : une étude de 2011 affirme que la Banque européenne
d’investissement consacre des milliards d’euros à de grands projets d’infrastructures
et d’exploitation minière qui sont mis en œuvre par des entreprises européennes ne
répondant pas aux critères de l’aide au développement74. L’AIV estime que l’aide au
développement est un outil certes utile, mais qui mérite un regard critique.
Le terrain de la cohérence s’étend aussi à des sujets tels que la lutte contre la fraude
fiscale et la corruption, la durabilité de la politique des matières premières, la prévention
de l’accaparement des terres et la viabilité des chaînes de production. À cela s’ajoute
que le développement économique nécessitant un climat favorable, il faudra investir dans
un état de droit stable, l’éducation et la santé75. Il importe par ailleurs de veiller à la
cohérence avec la politique d’investissement.
Chaîne d’importation
Sur ce plan, les possibilités de synergie sont considérables. Partenaire commercial
majeur de nombreux pays en développement, les Pays-Bas leur donnent accès à l’UE.
Les entreprises commerciales néerlandaises opérant sur le marché international,
nombreuses, occupent en général – notamment du fait de la présence aux Pays-Bas de
centres d’expertise de réputation mondiale, de consommateurs de plus en plus critiques
et responsables et de l’action d’ONG travaillant à l’instauration de labels de qualité – une
position d’avant-garde en matière de durabilité de chaînes commerciales entières. Les
pouvoirs publics peuvent favoriser cette synergie de plusieurs façons :
73 OCDE, Vaincre la pauvreté grâce au commerce : quel rôle pour l’aide pour le commerce, 2009 : « [...] La
communauté internationale est convenue d’intensifier et d’améliorer l’aide pour le commerce afin d’aider
les pays en développement, en particulier les moins avancés, à se doter des capacités d’offre et des
infrastructures commerciales requises pour renforcer leurs échanges et tirer profit de leur intégration
dans l’économie mondiale. L’aide pour le commerce est un outil conçu pour associer des mesures d’aide
et de politique commerciale au sein d’une stratégie cohérente visant à élever les niveaux de vie et à faire
refluer la pauvreté. »
74 M. Langan, J. Scott, The false promise of Aid for Trade, Brooks World Poverty Institute, université de Manchester, décembre 2011.
75 Voir Conseil économique et social (SER), Ontwikkeling door Duurzaam Ondernemen [L’entrepreneuriat
durable, moteur du développement], septembre 2011.
54
-
-
en soutenant les entreprises et les ONG, ici et là-bas, qui œuvrent à la durabilité
des chaînes commerciales comme celles du vêtement, de l’agro-alimentaire et des
matières premières ; le nouveau portail pour les PME en est un bon exemple76 ;
en privilégiant l’atténuation des risques et en favorisant le financement local des
investissements des entreprises locales et néerlandaises axés sur une production
durable de qualité (avec labels à l’appui) la rendant éligible à l’importation par l’UE ;
en imposant les normes de l’OCDE relatives à la responsabilité sociale des entreprises
à l’international (cf. paragraphe III.4.3) ainsi que des conditions quant à la tangibilité
de l’impact sur le développement (fiscalité, emploi, renforcement des PME locales,
niveau des salaires, situation des travailleurs féminins) à toutes les entreprises
recevant des subventions, y compris dans le cadre du fonds renouvelable (atténuation
des risques) ;
en aidant les exportateurs des pays en développement à répondre aux conditions
d’importation de l’UE (avec l’appui par exemple du Programme de détachement
d’experts (PUM), de l’Initiative pour le commerce durable (IDH), et du Centre de
promotion des importations en provenance des pays en développement (CBI)).
Exportation de biens, de services et de connaissances
Sur le plan des exportations, le financement joue un rôle prépondérant.
En juillet 2012, le groupe de travail de haut niveau Financement des exportations77
a signalé certaines évolutions dans ce domaine, qui ne sont pas sans conséquence
pour la coopération au développement. Les pays en développement s’adressent à
différents donateurs afin de trouver le financement le plus avantageux pour leurs
projets d’investissement publics. Si les Pays-Bas sont systématiquement exclus des
projets d’investissement par de nouveaux donateurs qui ne s’estiment pas liés par les
engagements de l’OCDE, leur présence au niveau local s’en trouvera réduite et, par
là, la perspective d’établir progressivement avec ces pays des relations économiques
professionnelles. S’agissant des possibilités de synergie entre la coopération au
développement et le financement des exportations, l’AIV fait observer que toutes les
activités financées par le budget dédié au développement doivent présenter un intérêt
en termes de développement ou de coopération internationale. Il n’est toutefois
pas impossible de respecter ce principe tout en faisant intervenir des entreprises
néerlandaises afin que s’établisse progressivement un nouveau lien, de l’ordre de la
relation commerciale, entre le pays concerné et les Pays-Bas. Pour ce faire, on peut par
exemple :
- prendre en compte les possibilités des entreprises néerlandaises lors de la définition
des programmes et de la sélection des pays et des thèmes ;
- fixer les cadres d’action des programmes axés sur la demande en ménageant une
marge de flexibilité afin d’obtenir une offre suffisamment large de propositions de la
part des entreprises néerlandaises et de permettre la sélection de celles étant le
mieux adaptées aux objectifs de la politique de développement ; voir le paragraphe
III.4.3 du présent avis pour la définition de programmes faisant intervenir les
entreprises.
76 Une initiative de Partos (association professionnelle des organisations privées actives dans la coopération
internationale) et de la confédération des employeurs néerlandais (VNO-NCW) en collaboration avec l’État.
77 Le rapport Een wereld in beweging [Un monde en mouvement], publié en juillet 2012 par le groupe de
travail de haut niveau Financement des exportations, formule plusieurs recommandations quant aux
programmes de financement concernés et évoque à cet égard ceux relevant du budget de la coopération
au développement.
55
Diplomatie économique
Les missions économiques constituent un bon moyen de favoriser les relations
commerciales et d’investissement entre les entreprises néerlandaises et locales
et de générer des propositions pour les différents programmes de développement
des entreprises cités dans le présent avis. Il est essentiel à cet égard que tous les
participants, néerlandais et locaux, aient bien pris connaissance tant des objectifs que
des conditions de ces programmes.
Lors de la préparation des missions commerciales, il conviendrait d’aborder les thèmes
et problèmes pertinents en termes de développement concernant les droits de l’homme
et la responsabilité sociale des entreprises dans le pays concerné. Les ONG présentes
sur place peuvent apporter leur contribution à cet égard. Il est également souhaitable
d’inscrire au programme de la mission une visite concernant un programme de
développement pertinent ou une entreprise constituant un bon exemple d’entrepreneuriat
responsable et, si possible, d’organiser une rencontre avec des militants des droits de
l’homme.
Dans la ligne de la conclusion principale du présent avis – selon laquelle la réalité est
trop complexe pour se laisser gérer par des règles et des plans conçus à l’avance –
l’AIV plaide pour le placement dans les postes d’experts qui disposent d’une profonde
connaissance de la coopération internationale et soient bien au fait des possibilités des
entreprises locales et néerlandaises, pour être ainsi capables d’exploiter avec flexibilité
les opportunités qui se présentent. Il importe de leur accorder le temps nécessaire pour
bien se familiariser avec la matière et de prévoir des sessions régulières de formation. Ils
peuvent être rémunérés à l’aide des moyens réservés à la diplomatie économique.
Enfin, l’AIV recommande en vue d’aider la réflexion, de sélectionner un pays partenaire
dont la situation soit représentative des conflits ou, au contraire, de la synergie résultant
des activités économiques et de la coopération au développement ; toutes les parties
prenantes possibles pourraient alors être invitées à s’exprimer sur les opportunités et les
défis spécifiques au pays concerné. Aux pouvoirs publics incomberait ensuite la charge
de faciliter l’échange de connaissance et de mettre celle-ci à la disposition des nouveaux
arrivants.
Fonds au profit des PME
Suite à la décision du nouveau gouvernement de créer un fonds renouvelable, l’AIV fait,
dans la ligne du présent avis, les recommandations suivantes :
- Il est souhaitable d’axer le fonds sur les pays, entreprises, secteurs et projets qui
se voient refuser l’accès au capital privé du fait de leur profil risque-rendement
commercialement peu attrayant mais qui en matière de croissance favorable aux
pauvres obtiennent les meilleurs résultats (accroissement des recettes fiscales,
emploi, consolidation des PME locales, niveau de salaire suffisant, renforcement du
statut des travailleurs féminins).
- Il importe de développer des outils de financement flexibles (garanties, capitalrisque, prêts avec éléments de subvention flexibles, éventuellement subventions
pour les composantes de projet à vocation non commerciale). Ceci, conformément
aux recommandations de l’AIV dans son avis no 50 d’octobre 2006 : Private Sector
Ontwikkeling en armoedebestrijding [Développement du secteur privé et lutte contre la
pauvreté]. Les risques et les chances de succès doivent être évalués par des experts.
- Le fonds pourra ainsi, et c’est là sa vocation, encourager la mobilisation
d’investissements ou de financements supplémentaires par les entreprises. Il doit
avoir un important effet de levier (exigences de concordance) : chaque euro accordé
56
par le fonds doit générer plusieurs euros d’investissement (peut-être à différentes
reprises, d’où le terme de renouvelable).
- Le fonds doit être en premier lieu axé sur la demande, c’est-à-dire répondre aux
souhaits des PME actives dans les pays en développement. Il est destiné aux PME
locales comme néerlandaises déployant des activités dans ces pays, étant entendu
qu’une PME locale devra travailler avec des partenaires néeerlandais et inversement.
- L’AIV estime que toutes les propositions doivent être évaluées à l’aune des objectifs
de développement. Il convient de préciser à cet égard que seuls 25 % de l’aide fournie
au secteur privé par l’UE ou la Banque mondiale profitent à des entreprises établies
dans les pays en développement78. On peut également envisager d’externaliser le
fonds auprès de formes de coopération telles que le Fair Trade Fonds de la Triodos
bank. Il convient de faire en sorte que les PME se fassent une place au sein des
chaînes internationales, régionales ou locales et de consacrer une attention suffisante
à leur accès au financement en renforçant leurs capacités à obtenir des prêts ou en se
portant garant de prêts à risques.
- La conformité aux objectifs de développement ainsi que la complémentarité, la
cohérence et la synergie avec d’autres activités déployées par les Pays-Bas doit être
garantie 1) par un cadre d’action bien défini (pays, thèmes, volume du projet, etc.),
2) par une liste de critères d’évaluation publiés à l’avance (par exemple création
d’emplois, impact sur la chaîne, conformité à la politique des autorités locales), 3) par
la conformité avérée aux principes de la responsabilité sociale des entreprises (RSE)
à l’international, comme prévu au paragraphe III.4.3. Le pilotage pourrait s’appuyer
sur les scores obtenus, des points supplémentaires étant attribués pour les aspects
à priorité élevée, par exemple les États fragiles. Pour l’AIV, il est souhaitable que le
cadre d’action ne soit pas restreint, de façon à pouvoir puiser dans une large offre
d’initiatives de qualité de la part des PME néerlandaises.
- Pour les PME, le fonds ne présente un avantage par rapport au financement bancaire
que s’il accepte les risques liés aux activités dans les pays en développement, a
fortiori lorsqu’il s’agit de petits projets innovants. Il n’est pas question de répercuter
ces risques sur les investisseurs étrangers par le biais de garanties. Les politiques
doivent accepter que le fonds ait chaque année un certain taux de perte qui conduira
à terme à son épuisement, ou bien adopter parallèlement un budget annuel de
subvention pour couvrir les risques, les coûts de mise en route et les composantes
non commerciales mais indispensables du projet.
- Les rapports sur les projets d’investissement cofinancés présentés par les acteurs
financiers doivent répondre à des exigences élevées, le cas échéant conformément à
la Charte de transparence pour les institutions financières.
Toutes ces mesures entraînent nécessairement un alourdissement des charges
administratives, qui ne peut être maîtrisé que grâce à un cadre de mise en œuvre bien
pensé et suffisamment flexible, bénéficiant de la confiance des pouvoirs publics.
78 « Only 25% of all companies supported by the EIB and IFC were domiciled in low-income countries. Almost
half goes to support companies based in OECD countries and tax havens. (…) This cast doubt on whether
IFI’s are succeeding in channelling their financial support to the most credit-constrained companies in the
world’s poorest countries: instead, they appear to be simply following market trends. »
Voir J. Kwakkenbos, Private profit for public good? Can investing in private companies deliver for the poor?,
Réseau européen sur la dette et le développement (Eurodad), mai 2012, p. 5.
57
IV.3
Sélection des acteurs chargés d’aspects particuliers de la coopération
internationale
L’AIV conseille de définir la stratégie en matière de complémentarité en répondant à deux
questions stratégiques :
- Quels acteurs possèdent la plus-value et la force d’innovation nécessaires pour fournir
une contribution stratégique à la mise en œuvre efficace du futur programme de
coopération internationale ?
- Comment les pouvoirs publics peuvent-ils offrir les conditions et le soutien permettant
à ces acteurs de réaliser leur contribution particulière ?
Pour répondre à la demande d’avis, l’AIV a recherché sur quels systèmes s’appuient les
donateurs, principalement ceux partageant les mêmes vues, pour déterminer à quels
acteurs ils doivent faire appel, dans quelle proportion et pour quels défis internationaux.
La critique à l’adresse des Pays-Bas suite à l’évaluation par les pairs menée par l’OCDE
(absence de stratégie concernant l’alignement des différents types d’aide, fragmentation
trop importante) s’applique également à d’autres donateurs. Si la stratégie du ministère
britannique du développement international (DFID) semble une des rares à être plus ou
moins dignes de ce nom, elle ne fournit pas pour autant de critères bien définis quant à la
répartition des ressources entre les différents canaux en fonction des défis. Il n’existe pas
d’étude comparant l’efficacité des divers canaux ou acteurs dans la résolution de certains
problèmes. À défaut de système objectif, reste le choix politique, dont le présent avis a
pour but de fixer les cadres. L’étude sur la sélection des canaux menée actuellement
par l’IOB fournira, espérons-le, des pistes complémentaires pour effectuer des choix
concrets79.
IV.4
Valeur ajoutée et synergie des différents acteurs du point de vue de
quatre perspectives stratégiques : États fragiles, pays à faible revenu, pays
à revenu intermédiaire et biens publics mondiaux
Les différents types d’acteurs distingués dans les chapitres précédents peuvent
tous jouer un rôle plus ou moins effectif dans le cadre des principales perspectives
stratégiques se dessinant dans la politique néerlandaise de développement et l’agenda
de la coopération internationale pour l’après-2015, à savoir :
- développement durable dans les pays à faible revenu ;
- développement durable (y compris sécurité et ordre juridique) dans les États
fragiles80 ;
- développement durable et redistribution dans les pays à revenu intermédiaire81 ;
79 L’IOB a déjà effectué une étude documentaire préliminaire sur le choix et les effets des trois canaux :
bilatéral, multilatéral et ONG. Nombreuses sont les études qui se penchent sur les considérations ayant
présidé au choix des pays et des canaux par les donateurs, sur le degré de transparence, de coordination,
de fragmentation ainsi que les effets sur la croissance économique.
80 AIV/CAVV, Falende staten: een wereldwijde verantwoordelijkheid [Les États défaillants : une responsabilité
partagée], avis no 35, La Haye, mai 2004.
81 AIV, Des mondes inégaux - Pauvreté, croissance, inégalité et le rôle de la coopération internationale, avis
no 80, La Haye, octobre 2012. L’AIV observe dans son étude que le classement par revenu n’est pas
absolu et que les décisions stratégiques doivent aussi s’appuyer sur des mesures multidimensionnelles
de la pauvreté.
58
-
gestion des biens publics mondiaux82 selon quatre axes prioritaires – sécurité
alimentaire, gestion de l’eau, santé génésique et sexuelle ainsi que sécurité et ordre
juridique – complétés de trois thèmes transversaux – égalité des sexes, environnement
et bonne gouvernance83.
Dans un monde complexe où les relations internationales revêtent un caractère hybride, le
PNB, la force d’action de l’armée et le nombre d’habitants ne sont pas les seuls facteurs
déterminants de la puissance et de l’influence qu’un pays peut exercer. S’ils concentrent
leur action sur les quatre perspectives stratégiques mentionnées plus haut et investissent
dans les réseaux et la coopération stratégique avec des acteurs générant de la valeur
ajoutée, les Pays-Bas peuvent continuer à jouer un rôle de poids dans la coopération
internationale. Cela demande non pas une gestion timorée axée sur la permanence dans
la durée (structures fixées une fois pour toutes) mais un entrepreneuriat politique habile,
ainsi que la conviction que seule une coopération internationale basée sur les intérêts
collectifs permettra aux Pays-Bas de jeter un pont vers un avenir juste et durable.
L’AIV estime que la sélection des acteurs (seuls ou en combinaison) et le soutien à leur
valeur ajoutée devraient être guidés par ces perspectives stratégiques ainsi que par les
axes prioritaires et les thèmes qui en découlent et qui seront abordés plus loin.
Le tableau ci-dessous présente sous forme de mots-clés la possible valeur ajoutée de
chaque acteur dans le cadre des quatre perspectives stratégiques.
Comme indiqué au chapitre III, la combinaison et la coopération entre acteurs peut
générer non seulement de la valeur ajoutée mais aussi un gain en synergie. Différentes
combinaisons ont été passées en revue de façon systématique et, ici et là, il a été indiqué
comment les pouvoirs publics pouvaient favoriser ces formes de complémentarité et de
synergie (par exemple au sein de PPP).
82 AIV, Agenda du développement après 2015 : les objectifs du Millénaire en perspective, avis no 74, La
Haye, avril 2011.
83 Pour des raisons de clarté, les biens publics mondiaux sont ici pris au sens large. Pour les priorités du
gouvernement, voir : Jeter des ponts. Accord de coalition VVD-PvdA, La Haye, 29 octobre 2012, p. 15.
59
Tableau 1
Valeur ajoutée des acteurs par perspective stratégique
Perspective
stratégique
Développement durable des pays à faible revenu
Développement durable (y compris sécurité et ordre
juridique) dans les États fragiles
Acteurs
bilatéraux
- Bonne gouvernance et chaîne judiciaire
- Transfert de connaissances Axes
- DDR / RSS84
- Bonne gouvernance et chaîne judiciaire
- Atténuation des risques des entreprises
- Régulation de la RSE, promotion du climat des
-
Acteurs
multilatéraux
- Promotion de l’infrastructure économique
-
Pays-Bas et
société civile
locale
Pays-Bas et
entreprises
locales
prioritaires des Pays-Bas, notamment
assistance technique aux pouvoirs publics
y compris universités et ONG
Soutien à la balance des paiements
Atténuation des risques des entreprises
Régulation de la RSE, promotion du climat
des affaires
Droits de l’homme et latitude politique de
la société civile
Attention aux groupes vulnérables
(femmes, enfants)
et sociale
Services de base
Respect des droits culturels, sociaux,
économiques, politiques et civils
Promotion d’une bonne politique et d’une
bonne gouvernance
- Renforcement de la démocratie et des
-
droits civils
Accès au droit
Services de base
Rappel de leur responsabilité aux
gouvernements et aux entreprises
- Création d’infrastructures et de services
- Introduction de la microfinance et des
affaires
- Droits de l’homme et latitude politique de la
- société civile
- Protection des citoyens
- Services de base
- Respect des droits culturels, sociaux, économiques,
politiques et civils
- Promotion de l’infrastructure économique
- Promotion d’une bonne politique et d’une bonne
gouvernance
- Renforcement de la démocratie et des droits civils
- Sécurité de proximité et transformation des conflits
- Accès au droit
- Services de base
- Rappel de leur responsabilité aux gouvernements et
aux entreprises
- Création d’infrastructures et de services
- Introduction de la microfinance et des services
services bancaires en ligne
- Investissement dans l’emploi et le
-
développement des PME
RSE et entrepreneuriat inclusif
-
bancaires en ligne
Investissement dans l’emploi et le développement
des PME
RSE et entrepreneuriat inclusif
84 Programmes dans le domaine du désarmement, de la démobilisation et de la réintégration (DDR)
ainsique de la réforme du secteur de la sécurité (RSS).
60
Croissance et
redistribution dans les pays à revenu intermédiaire
Biens publics mondiaux
- Atténuation des risques des entreprises
- Promotion du climat des affaires et régulation de la RSE
- Droits de l’homme et latitude politique de la société civile
- Coopérer et investir avec des acteurs partageant
-
- Stimulation et contrôle des accords commerciaux
- Organisation et promotion de la stabilité financière
- Création d’un environnement favorable aux organisations
- Défense et répartition des BPM tels que le climat,
et aux initiatives de la société civile
- Respect des droits culturels, sociaux, économiqwues,
-
-
politiques et civils
Promotion de l’infrastructure sociale
- Renforcement des groupes marginalisés
- Garantie des droits et des libertés
- Stimuler une politique sociale et la redistribution
- Soutien au développement économique durable et à
-
les mêmes vues (bilatéraux, multilatéraux, privés
et civils) dans des niches dans le cadre des axes
prioritaires
Politique de cohérence aux niveaux national et
international
l’environnement, la paix et la sécurité, le contrôle
des problèmes sanitaires transfrontaliers, les
systèmes commerciaux et financiers
Accroissement de la cohérence entre les terrains
d’action européens
- Mobilisation de la citoyenneté mondiale
- Coopération internationale des réseaux d’ONG
en matière de BPM
- Rappel de leur responsabilité en matière de BPM
l’investissement social
Rappel de leur responsabilité aux gouvernements et aux
entreprises
aux gouvernements et aux entreprises
- Développement des chaînes commerciales
- Investissement dans les biens publics : eau,
- Conseil et coinvestissement dans des projets d’infrastructures sécurité alimentaire, énergie durable, etc.
- Développement et application de technologies
et de services
- Conseil et coinvestissement dans le renforcement du secteur
innovantes et durables
- Durabilité des chaînes commerciales
financier local
- Investissements dans les PME y compris les joint ventures
étrangères
- RSE et entrepreneuriat inclusif
61
Le tableau ci-dessous présente un certain nombre de combinaisons très prometteuses
rangées par terrain d’action.
Tableau 2
Exemples de complémentarité et de synergie entre acteurs par perspective
stratégique
Développement durable des pays à faible
revenu
-
-
-
-
Les entreprises contribuent à la
croissance et à la compétitivité
internationale tandis que les acteurs
civils s’engagent en faveur de la
redistribution
Les organisations bilatérales et de
la société civile soutiennent les
programmes sociaux (y compris
d’éducation) axés plus particulièrement
sur les plus pauvres
Tous les types d’acteurs apportent leur
plus-value propre dans des partenariats
public-privé dans le domaine des biens
et services publics et des BPM
Grâce à la régulation de la RSE, les
acteurs bilatéraux contribuent aux
bonnes pratiques des entreprises
Les acteurs civils interpellent les
entreprises en matière de RSE
Les acteurs multilatéraux et bilatéraux
peuvent s’engager en faveur des
acteurs civils marginalisés
Tous les acteurs peuvent coopérer à la
promotion des droits de l’homme
Développement durable
(y compris sécurité et ordre juridique)
dans les États fragiles
-
-
-
-
-
62
Les acteurs civils et bilatéraux
œuvrent en collaboration avec
les acteurs multilatéraux au
rétablissement du pacte social
entre société et pouvoirs publics
Les acteurs multilatéraux,
bilatéraux et civils œuvrent à la
sécurité humaine
Les acteurs bilatéraux et les
entreprises s’efforcent d’atténuer
les risques les plus importants
pour les investissements et,
avec les PME, favorisent le
développement du secteur privé
Grâce à la régulation de la RSE,
les acteurs multilatéraux et
bilatéraux contribuent aux bonnes
pratiques des entreprises
Les acteurs civils interpellent les
entreprises en matière de RSE
Les acteurs bilatéraux et
multilatéraux œuvrent ensemble
à une bonne gouvernance, à la
garantie de services de base et à
la sécurité régionale
Les acteurs multilatéraux
contribuent au rétablissement
du pacte social et œuvrent à la
sécurité humaine
-
-
-
-
Croissance et redistribution dans les pays à
revenu intermédiaire
Biens publics mondiaux
Les entreprises contribuent à la croissance
et à la compétitivité internationale tandis que
les acteurs civils s’engagent en faveur de la
redistribution
Tous les types d’acteurs apportent leur plusvalue propre dans des partenariats public-privé
dans le domaine des biens et services publics et
des BPM
Grâce à la régulation de la RSE, les acteurs
bilatéraux contribuent aux bonnes pratiques des
entreprises
Les acteurs civils interpellent les entreprises en
matière de RSE
Les acteurs civils déploient des efforts en
faveur de la liberté et de la politique sociale et
rappellent aux pouvoirs publics leurs promesses
et leurs obligations
Les acteurs multilatéraux et bilatéraux
peuvent s’engager en faveur des acteurs civils
marginalisés
Tous les acteurs peuvent coopérer à la
promotion des droits de l’homme
-
-
-
-
-
63
Les acteurs multilatéraux, bilatéraux, civils et
privés peuvent coopérer avec les organisations
multilatérales à l’adoption d’engagements
internationaux en matière de BPM
En mobilisant la citoyenneté mondiale, les
acteurs civils contribuent à donner une assise
aux décisions et à la politique des acteurs
bialtéraux et multilatéraux
Les acteurs civils et bilatéraux interpellent les
entreprises en matière de RSE
Les acteurs bilatéraux et civils œuvrent
ensemble
à une politique cohérente des acteurs
multilatéraux, dont l’UE
Les entreprises et les acteurs bilatéraux
et civils travaillent avec les organisations
multilatérales à la mise en place de codes
de conduite internationaux au sein de ces
organisations
Les acteurs multilatéraux, bilatéraux, civils et
privés partagent leurs expériences au sein des
différentes plateformes de connaissances
V
V.1
La complexité de gérer un monde en proie aux turbulences –
exploration des notions de flexibilité et de confiance
Les limites du système actuel
Les interactions, décrites dans les chapitres précédents, entre les nombreux acteurs en
termes de thèmes, de régions, de mouvements financiers, d’activités, de missions et
de moyens témoignent de la transformation subie par la coopération au développement
dans les décennies passées : le delta relativement calme, où les objectifs, les institutions
et les modèles relationnels étaient clairement délimités, s’est transformé en marais où
dominent, dans des constellations toujours plus complexes et confuses, ambiguïtés,
ambivalences, concepts et acteurs changeants. Dans l’espoir de garder le contrôle de la
situation sont constamment élaborés de nouveaux mécanismes et dispositifs, entraînant
un empilement des politiques et une législation toujours plus dense. Comme le montrent
les quatre encadrés contenant l’historique des principaux terrains de la coopération
au développement (augmentation de l’aide et du nombre d’acteurs, développement
du système de cofinancement, politique des pays cibles et mise en place du système
onusien), les efforts répétés pour maîtriser la situation malgré les bouleversements ont
nui à la détermination et donc à l’efficacité de la politique. Ce constat ne vaut du reste
pas exclusivement pour la coopération au développement et peut s’appliquer à tous les
domaines d’action politique.
Les experts consultés par l’AIV, notamment ceux du monde de l’entreprise et de
la société civile, ont rappelé systématiquement et avec insistance à quel point les
charges administratives sont étouffantes et, plus grave encore, n’aident en rien à
atteindre les objectifs fixés. Il n’est pas rare que des programmes conçus dans leurs
moindres détails aboutissent à des résultats imprévus et indésirables. Quelle que soit
l’importance accordée aux critères, aux cadres logiques et à la mesure des résultats, il
reste fondamentalement impossible d’imputer un effet à une action donnée. De plus,
les pouvoirs publics n’ont absolument pas les moyens d’analyser de façon appropriée
tous les rapports qui leur sont remis. Cette situation est qualifiée de « défiance
institutionnalisée ». La rigidité et le foisonnement administratif s’expliquent en partie par
les règles de l’APD édictées par l’OCDE/CAD. Le concept d’APD – objet d’avis réguliers de
la part de l’AIV85 – revient donc continuellement au cœur des débats.
V.2
Le mythe de la maîtrise face aux complexités émergentes
Il apparaît de plus en plus clairement que la vision traditionnelle de la coopération au
développement a atteint ses limites. Il est nécessaire de porter un nouveau regard sur
le large champ qu’elle englobe et d’élaborer une nouvelle approche. Il est évident que
le nouveau modèle à définir ne pourra totalement s’affranchir des anciennes façons de
penser et d’agir, puisque subsistent les structures institutionnelles et les intérêts qui y
sont ancrés. Il devra quoi qu’il en soit tenir compte d’un monde en mutation, un monde
dans lequel les rapports de forces ont changé, de nouvelles perceptions des choses
ont vu le jour et de nouveaux acteurs ont fait leur entrée. Le besoin d’organisation et de
gestion reste cependant inchangé.
85 Voir notamment les avis de l’AIV Samenhang in internationale samenwerking [Cohérence de la coopération
internationale], réaction au rapport du WRR « Moins de prétention, plus d’ambition », no 69, mai 2010 et
« Agenda du développement après 2015 : les objectifs du Millénaire en perspective », no 74, avril 2011.
64
Car organiser le monde et prévoir l’avenir est un besoin inhérent à la nature humaine et
qui a fortement influencé la structure et l’administration de notre société. S’appuyant
sur des points de vue plus ou moins rationnels, inspirés notamment par la science et
la religion, des organisations et des institutions se sont développées avec pour objectif
de maîtriser le futur ou de le rendre plus malléable. Turbulente et complexe, la période
actuelle remet en cause la réalisation de ces objectifs.
La densification des relations et des interdépendances se conjugue à un besoin croissant
de se distinguer. La mondialisation appelle le retour au local, un phénomène parfois
qualifié de « glocalisation86 ». L’État nation n’est plus une évidence87 ; ses compétences
et tâches d’exécution sont transférées soit à des alliances continentales soit à des
entités régionales et locales, ce qui se traduit par une fracture croissante entre pouvoir et
politique. Le pouvoir étatique s’est pour une grande part déplacé vers la sphère mondiale,
encore incontrôlable politiquement88. Ce hiatus n’est au demeurant pas identique
dans tous les domaines (pensons à la législation fiscale, à la sécurité nationale et au
protectionnisme économique). Or, les pays en développement ont précisément besoin
d’un État fort pour créer les conditions de fonctionnement normal de la société.
Le politique, cantonné de par sa nature à l’échelle régionale et locale, n’est pas
en mesure de prendre des décisions sur l’action au niveau mondial. Les nouvelles
puissances économiques et financières constituent de ce fait une source de grande
incertitude. La « société du risque89 » réagit en redéfinissant et redélimitant constamment
les unités, les tâches et les compétences, avec à la clé des frontières de moins en moins
nettes. De nouvelles liaisons et de nouvelles frontières naissent par le jeu des chaînes,
des réseaux et des alliances temporaires. À la logique de l’organisation ou de l’acteur
unique doit donc s’ajouter la perspective de la coopération au sein d’alliances.
Il en résulte ce que l’on appelle la « complexité émergente »90, qui se produit dans les
cas où : (a) la définition de la situation est encore mouvante, (b) les principales parties
prenantes ne sont pas encore clairement identifiées, et (c) il n’existe donc pas de modèle
d’approche adéquat pour intervenir. Quand il est impossible de prévoir l’avenir sur la
base des tendances passées, les problèmes auxquels il faut s’attaquer évoluent de
façon quasiment imprévisible. Plus la complexité croît, moins les expériences du passé
fournissent d’ancrage car elles sont insuffisantes.
La conclusion qui s’impose est que les principaux problèmes politiques et stratégiques
doivent être considérés comme des problèmes de complexité organisée, caractérisés
par (1) leur interdépendance, (2) leur difficulté, (3) l’incertitude, (4) l’ambiguïté, (5) le
86 R. Robertson, Glocalization: Time-Space and Homogeneity-Heterogeneity, in M. Featherstone, S. Lash, &
R. Robertson (Eds.), « Global Modernities », Londres; Sage, 1995, pp. 25-44.
87 A. Giddens, The Consequences of Modernity, Cambridge: Polity Press, 1990
88 Z. Bauman, Liquid Modernity, Cambridge: Polity Press, 2000.
89 U. Beck, Risk Society. Towards a new Modernity, Londres : Sage, 1992.
90 C.O. Scharmer, Theory U. Leading from the Future as it Emerges, San Francisco: Berret-Koehler
Publications, 2009.
65
conflit et (6) l’ancrage dans des cadres sociaux plus larges91. Ces caractéristiques
– principalement l’indétermination, l’absence de frontières fixes et l’imbrication –
compliquent singulièrement la résolution des questions stratégiques et administratives,
d’autant que la tendance naturelle des politiques à chercher des solutions ne fait que
renforcer le système d’interdépendances et d’interactions92. Les dirigeants politiques
sont censés développer et réguler un système social stable, ce qui exige coordination,
constance et cohérence, autant de conditions de base pour la transparence, la continuité
et la confiance, qui constituent à leur tour le fondement de l’efficience et de l’efficacité. Or
ces efforts conduisent quasi automatiquement à la complexité organisée et, de ce fait, à
des dilemmes supplémentaires. Aussi apparaît-il de plus en plus clairement à quel point
il est devenu délicat – voire presqu’impossible – de gérer notre monde, sans parler de le
façonner à notre volonté.
V.3
Nouvelles approches : vers davantage de confiance et de flexibilité
La fin du mythe de la maîtrise incite à la modestie, sachant que se produiront toujours
des effets indésirables. Chaque question est en effet ancrée dans une constellation plus
large et se trouve donc en partie déterminée par le contexte. Il ne faudrait pas toutefois
que cette difficulté à saisir la réalité paralyse les dirigeants politiques et ceux qui se
sentent responsables de l’avenir de notre société. En d’autres termes, l’analyse détaillée
ci-dessus n’est pas une plaidoirie en faveur du laissez-faire mais doit au contraire inviter
à formuler une nouvelle vision, un autre modèle. Apprendre à gérer l’incertitude implique
d’élaborer et de suivre à l’avenir des scénarios modestes et flexibles dans le souci de la
constance, de la cohérence et de la coordination. Ce faisant, il nous faut être conscients
que toute régulation en vue de parvenir à ces trois objectifs ne peut être que fugitive
car elle correspond au résultat temporaire d’une interaction entre acteurs, activités et
structures (procédures, protocoles, règles, principes) impliquant simultanément quatre
sortes de critères, à savoir correspondance, complémentarité, contraste et hiérarchie.
De plus, une relation entre acteurs et structures basée sur la complémentarité
et l’égalité peut se transformer en relation entre correspondance ou contraste et
hiérarchie. Les notions classiques jusqu’alors dominantes comme celles de système, de
complémentarité, de synergie et d’entropie doivent être complétées par des concepts tels
que réseau, flexibilité, variation, résilience, vitalité et agilité.
Ces nouvelles notions impliquent une révision de notre façon d’envisager ou de gérer
les problèmes. Un tel changement se heurte à de nombreuses résistances ; pensons
par exemple aux structures institutionnelles existantes, avec leurs intérêts et pratiques
établis.
Les divers acteurs de la coopération au développement - on entend par là les intéressés
directs et leurs organisations mais aussi les citoyens - ont en outre différents niveaux
91 Les types de problèmes sont souvent catalogués de la façon suivante (cf. De Wit & Meyer, 1999 ; Mason &
Mitroff, 1981) : puzzle, dilemme, trade-off, paradoxe et problème irréductible ou virulent (wicked ou messy,
squishy, integrative, synthetic, parfois également traduits par problème infernal ou tenace cf. WRR, 2006 ;
Mitroff & Mason, 2006 ; In ’t Veld, 2010 ; Vermaak, 2009).
92 Les instruments à notre disposition sont efficaces en cas de problèmes simples, c’est-à-dire facilement
isolables et réductibles à un nombre relativement restreint de variables et d’interconnexions. Ces trois
facteurs – différenciation, réductibilité et unidimensionnalité – signifient qu’il est possible de circonscrire,
d’orienter et de « dompter » les problèmes.
66
d’appréciation et de confiance concernant le bien-fondé de la coopération au développement
et, en particulier, l’efficacité, la capacité à apprendre et les moyens financiers. Or la
confiance est essentielle à l’optimisation du travail des acteurs, qui sont condamnés
dans ce secteur à une coopération compétitive. Les processus de coopération les plus
dynamiques s’observent dans les contextes de dépendance multilatérale et de niveau de
confiance correct. La confiance atténue en effet les incertitudes et les tensions inhérentes
aux situations multi-interprétables et donc ambiguës.
Il importe de souligner à ce stade que ce plaidoyer en faveur de la confiance ne conduit
nullement à déclarer superflus les mécanismes de contrôle efficaces. Leur existence
nourrit au contraire la confiance, mais à condition que ce contrôle soit a posteriori et
axé sur la réalisation des objectifs principaux, l’efficacité, l’efficience ainsi que la prise
en compte du contexte, et non sur des protocoles détaillés établis à l’avance ou des
méthodes imposées. Si le risque existe bien entendu que la confiance ainsi accordée
a priori (notamment sur la base des prestations passées) soit trahie, son coût reste
largement inférieur aux coûts de transaction préliminaires. Notons cependant que les
prescriptions pour les comptes rendus financiers seront toujours beaucoup plus détaillées
que celles pour le contrôle de l’efficacité.
La transparence, la continuité et le discernement sont des conditions essentielles à
l’épanouissement de la confiance, mais qui sont rares dans un environnement complexe
et turbulent93. Dans cette perspective, le meilleur moyen de créer cette confiance
est peut-être d’opter en faveur d’une approche interactive et progressive (piecemeal
engineering)94 des différents acteurs.
Dans sa publication « Lâcher la bride en confiance », le Conseil de l’Administration
publique recommande aux pouvoirs publics d’adopter une telle approche et de donner
davantage de responsabilités au citoyen95.
93 En vue de favoriser la synergie et le dynamisme dans des situations incertaines et ambiguës, divers
chercheurs attirent l’attention sur un ensemble de clés managériales. Parmi les études les plus récentes :
T. Konijn & W. van Spijker, Vitale coalities en regie in het publieke domein [Coalitions vitales et coordination
dans le secteur public], Baarn, 2008 ; S. Schruijer & L. Vansina, Samenwerking over organisatiegrenzen als
psychologische opgave [Coopération au-delà des frontières organisationnelles, une épreuve psychologique],
in : M. Noordegraaf et al., Handboek publiek management [Manuel de gestion publique], La Haye : Boom
Lemma 2011 ; J.F.M. Koppenjan & E.H. Klijn, Managing Uncertainties in Networks, Londres : Routledge,
2004 ; K. Weick & K.M. Sutcliffe, Managing the Unexpected: Resilient Performance in an Age of Uncertainty,
New York : John Wiley, 2004 ; H. de Bruin, E. ten Heuvelhof, & R. In’t Veld, Procesmanagement. Over
procesontwerp en besluitvorming [Gestion des processus. De l’élaboration des processus et de la prise de
décision], La Haye : SDU, 2002.
94 Cf. notamment K.R. Popper, The Poverty of Historicism, Londres : Routledge, 1961 : « Only a minority of
social institutions are consciously designed while the vast majority have just « grown » as the undesigned
results of human actions » (p. 64). Voir aussi p. 64 à 70.
95 Conseil de l’Administration publique, Loslaten in Vertrouwen, Naar een nieuwe verhouding tussen
overheid, markt en samenleving [Lâcher la bride en confiance. Vers de nouvelles relations entre État,
marché et société], décembre 2012 (y compris cahier reprenant les considérations de plusieurs conseils
consultatifs sur la question). Le présent avis de l’AIV n’était cependant pas prêt à temps pour pouvoir
être intégré à cet avis commun.
67
Les experts dans les ambassades jouent un rôle irremplaçable de rapprochement
des acteurs et de gestion des opportunités. Aussi doivent-ils avoir une affectation
suffisamment longue pour bien connaître le contexte local. Les restrictions affectant le
réseau des postes vont donc totalement à l’encontre des recommandations du présent
rapport. En vue d’adoucir leur effet, il est envisageable de financer les fonctions d’experts
dans les postes à partir des budgets réservés aux axes prioritaires et à la diplomatie
économique. L’AIV estime que l’application de nouvelles restrictions budgétaires au
réseau des postes nuirait au statut et au positionnement international des Pays-Bas.
68
VI
Conclusions et recommandations
L’AIV estime que, dans un monde en proie aux turbulences et d’une complexité croissante,
il faut privilégier la confiance, la flexibilité, la diversité et les réseaux. Il apparaît de plus
en plus clairement à quel point il est devenu délicat – voire impossible – de façonner
ou même de gérer notre monde comme nous l’entendons. La fin de ce mythe impose
la modestie. Chaque question est en effet ancrée dans une constellation plus large et
se trouve donc en partie déterminée par le contexte. Sous cette perspective, le meilleur
moyen de créer la confiance est peut-être pour les différents acteurs d’opter en faveur
d’une approche interactive et progressive (piecemeal engineering). Un tel changement
passe par la levée de plusieurs obstacles, dont les intérêts établis, les accords
institutionnels existants et les pratiques dégagées de l’histoire.
Parmi les problématiques fortement imbriquées au niveau mondial, citons la croissance
démographique, l’augmentation de la consommation et la pénurie de nourriture, d’énergie
et de matières premières qui en découle, l’accroissement de l’empreinte écologique
(climat, environnement et ressources en eau), tout comme la pauvreté, les inégalités
ou la sécurité et l’ordre juridique. Cette situation se caractérise, en d’autres mots, par
l’interdépendance et l’importance croissante des biens publics mondiaux.
Soumise à un contexte de plus en plus complexe, la coopération internationale doit
privilégier la flexibilité dans le déploiement de l’instrumentaire de la politique extérieure :
moins de planification, d’objectifs mesurables et de souci de modeler la réalité ; plus
de confiance dans les experts et les organisations qui font preuve de motivation. La
conjugaison de divers acteurs offre les meilleures chances de résultats positifs. Examiner
au cas par cas la combinaison la plus adaptée favorise la synergie et la complémentarité.
Selon l’AIV, la notion de canal a perdu sa clarté et sa pertinence : l’important dans la
coopération internationale est l’égalité des acteurs, que le financement soit étatique ou
prenne d’autres formes, sachant toutefois qu’il peut influencer la coopération.
Le recentrage doit s’effectuer en faveur de la coopération internationale basée sur les
cinq libertés formulées par Amartya Sen, à savoir (1) les libertés politiques et civiles,
(2) les potentialités sociales et (3) économiques, (4) la transparence de la gouvernance
et de la vie économique, et (5) les libertés protectrices (sécurité sociale et application
des lois), comme recommandé dans l’avis de l’AIV sur l’agenda de l’après 2015. Une
réorientation vers la coopération internationale et une telle approche multidimensionnelle
peut raviver le soutien institutionnel et social. La lutte contre la pauvreté en tant que telle
doit être considérée comme un défi qui ne se manifeste pas seulement dans les pays
« pauvres », mais partout où les inégalités socioéconomiques et le sentiment d’aliénation
se développent, y compris dans notre propre pays. L’élargissement des priorités exige
d’impliquer de plus en plus d’acteurs dans la coopération internationale, y compris ceux
dont le développement n’est traditionnellement pas la mission première (citoyenneté
mondiale). La pauvreté est largement une question d’inégalités et de répartition des
richesses. Elle est aussi présente, clairement, dans les pays à revenu intermédiaire,
comme indiqué dans l’avis de l’AIV « Des mondes inégaux ». En matière de coopération
internationale, la cohérence est primordiale : entre les terrains d’action, entre les acteurs
et entre la politique néerlandaise et celle des donateurs pertinents.
69
VI.1
Avenir de la coopération bilatérale
S’agissant de la politique de l’État en tant qu’acteur, le constat est que, dans la pratique, la
coordination des efforts des différents acteurs de l’aide dans les pays cibles est quasiment
restée lettre morte (à l’exception de la coopération multi-bilatérale et des financements liés
accordés aux entreprises). Une fois que la décision de s’engager avec un pays a été prise
– au vu de ses besoins, des intérêts régionaux ou économiques ou des liens historiques –,
l’ambassade doit favoriser une meilleure coopération entre les acteurs. À cette fin, le cadre
bilatéral de la politique par pays reste déterminant. Les plans stratégiques pluriannuels des
postes doivent se fonder sur une analyse du pouvoir et du changement et peuvent servir de
cadre subsidiaire d’évaluation a priori et a posteriori, tout en laissant une marge de flexibilité
suffisante.
L’AIV conseille de prévoir un cadre large pour la politique par thème et par pays, de sorte
à ne pas changer constamment de priorités et à favoriser la continuité et la prévisibilité.
Les Pays-Bas peuvent à cet effet opter pour des thèmes dans lesquels ils disposent d’une
expertise certaine. Il est préférable de s’orienter vers la suppression des listes de pays,
chacun suivant son propre cours sur le chemin de la transition96, et d’introduire un certain
degré de souplesse afin de pouvoir réagir aux évolutions en adaptant la politique et en ajoutant
de nouveaux pays. L’approche par pays doit de préférence être ancrée dans une approche
régionale.
Comme l’AIV le plaidait dans son avis no 80, « Des mondes inégaux », le soutien bilatéral aux
pays à revenu intermédiaire peut être progressivement réduit, la problématique de la pauvreté
dans ces pays étant une question de redistribution, à laquelle d’autres acteurs peuvent
apporter une solution plus efficace. À la place, il est envisageable de coopérer avec les
pouvoirs publics en ce qui concerne les biens publics mondiaux et la cohérence des politiques,
et de favoriser le renforcement des droits par l’intermédiaire des ONG et des organisations
multilatérales, notamment en matière de droits du travail et de revenu minimum.
VI.2
Avenir de la coopération avec les acteurs multilatéraux
Il importe de reconnaître le rôle essentiel des organisations multilatérales pour
l’approvisionnement en biens publics mondiaux et l’amélioration du système de gouvernance
mondiale, surtout au vu des grandes mutations dans le monde et des énormes défis en matière
de climat, de sécurité et d’accroissement des inégalités. En concertation avec d’autres pays
européens, les Pays-Bas peuvent émettre des propositions pour améliorer le fonctionnement
de ces organisations, en se basant sur le récent examen rapide de leurs capacités et de leur
pertinence au vu des principales orientations de la politique néerlandaise97. Il s’agit donc de
dépasser la seule perspective de la lutte contre la pauvreté, contrairement à l’option retenue
par le DFID dans son étude9884(dont l’apport est de ce fait limité pour les évolutions futures
des organisations multilatérales dans le domaine de divers biens publics mondiaux et de la
gouvernance mondiale). Face à un défaut de capacités et de pertinence, il est préférable de
96 International Dialogue on Peacebuilding and Statebuilding, A New Deal for engagement in fragile states, 4e
Forum de haut niveau sur l’efficacité de l’aide, Busan, 30 novembre 2011.
97 Il convient d’impliquer tous les fonds et programmes de l’ONU, institutions bancaires et financières et
organisations spécialisées bénéficiant d’un soutien financier des Pays-Bas.
98 UK AID, Multilateral Aid Review, Taking Forwards the Findings of UK Multilateral Aid Review, DFID, mars 2011.
70
réduire progressivement les relations avec les organisations multilatérales concernées.
Au-delà de l’aspect financier, il est important d’avoir une vision d’ensemble du rôle des
organisations multilatérales. La valeur ajoutée de l’ONU réside dans sa fonction de
plateforme, le partage des risques, notamment dans les États fragiles, sa fonction de
représentation (légitimité démocratique) et l’effet multiplicateur de son action. Elle est
amenée à jouer un rôle toujours plus important en matière de gestion des biens publics
mondiaux. Ce point fera l’objet d’un prochain avis de l’AIV (cf. programme de travail 2013).
S’agissant de l’UE, l’AIV estime que des initiatives sont nécessaires pour renforcer la
coopération et la cohérence de la politique européenne, en s’engageant aux côtés de
la Commission et du SEAE, activement mais avec un esprit critique. L’AIV recommande
de miser sur la consolidation du rôle de la Haute représentante, Catherine Ashton, sur
la cohérence et sur le renforcement des capacités de la division Questions globales du
SEAE. L’AIV suggère aussi de soutenir des ONG nationales et internationales et des
instituts de recherche afin qu’ils signalent et étudient, avec leurs partenaires dans les
pays en développement, les incohérences entre les politiques européennes (par exemple
entre politique commerciale et de développement) et proposent des solutions, notamment
dans le cadre de la PAC et des accords de partenariat économique (APE). Le renforcement
de la cohérence européenne peut se traduire par un important effet de levier en faveur
des priorités formulées par les Pays-Bas.
L’AIV recommande de donner à l’UE un rôle moteur, non seulement en matière de
démocratie mais aussi d’approche 3D (défense, diplomatie et développement) dans
les États fragiles. L’Union doit aussi développer sa capacité à jouer un tel rôle dans la
coopération régionale avec les représentations à ce niveau.
L’AIV estime que les Pays-Bas peuvent exercer une influence non négligeable sur le
fonctionnement du programme de coopération entre l’UE et les organisations de la société
civile, car : (a) seuls six pays européens environ disposent d’un programme bien construit
dans ce domaine, (b) les ONG néerlandaises agissent, par l’intermédiaire de leurs
partenaires, dans des pays en développement dont l’UE soutient la société civile, et (c)
ces ONG exercent des activités de lobbying soutenues et souvent très efficaces en faveur
de dossiers importants pour les Pays-Bas comme la cohérence des politiques, l’efficacité
de la politique européenne de développement, la paix et la sécurité, le commerce et la
sécurité alimentaire. Les priorités formulées par les ONG néerlandaises trouvent donc un
écho bien au-delà de nos frontières.
VI.3
Avenir du soutien aux entreprises
L’AIV conseille de viser l’exploitation optimale de la créativité et de la flexibilité des
entreprises en faveur du développement dans des contextes de mutations rapides.
Il s’agit donc de favoriser la complémentarité avec les entreprises sans enfermer les
propositions dans le cadre imposé par les autres canaux de l’aide, et de renforcer la
coordination entre canaux et acteurs dans les pays en développement en nommant
des experts dans les ambassades. Il faut en outre éviter les charges administratives
excessives en utilisant davantage les services d’experts – et en leur accordant
la confiance nécessaire – pour l’évaluation et l’accompagnement des projets des
entreprises. Enfin, si nécessaire, il peut être judicieux de réserver une part des budgets
des programmes au recours à de tels experts.
Il est aussi possible de renforcer la synergie entre les entreprises et les organisations
multilatérales en impliquant les organisations professionnelles, sur les sujets pertinents,
71
dans la contribution nationale aux institutions multilatérales. La synergie entre les
entreprises et la coopération bilatérale est parfaitement possible à tous les stades de
la préparation et de la mise en œuvre des grands projets. Il faut respecter la volonté
des entreprises de faire du profit, ce qui ne doit pas poser de problème si les prix sont
correctement vérifiés et les accords clairement définis. L’AIV ne pense pas qu’il soit
souhaitable de limiter l’instrumentaire générique en faveur des entreprises aux seuls pays
cibles ni de le lier aux programmes bilatéraux. Il constate que la compréhension mutuelle
entre entreprises et ONG s’améliore. Les pouvoirs publics ont favorisé ce rapprochement par
l’intermédiaire des PPP, un mode de coopération que l’AIV invite à continuer à utiliser. Les
chaînes commerciales, au sein desquelles les PME intensifient elles aussi leurs contacts avec
les ONG, permettent de fortes synergies. De leur côté, les ONG s’engagent de plus en plus
dans des activités commerciales. Il est important d’encourager les efforts d’harmonisation
des différents instruments en faveur des entreprises, tels qu’ils ont lieu au sein de la
plateforme de développement du secteur privé. L’harmonisation entre ces dispositifs et les
divers programmes de financement des exportations pourrait également être encouragée, sans
perdre de vue les différences en termes d’objectifs.
L’AIV souhaite émettre des recommandations spécifiques concernant la cohérence entre
politique commerciale et coopération au développement, les chaînes d’importation, le fonds au
profit des PME et la diplomatie économique :
- Cohérence entre politique commerciale et coopération au développement : elle demande
une politique critique d’aide au commerce, permettant aux pays en développement de
participer de façon équitable au commerce international. Le terrain de la cohérence s’étend
aussi à des sujets tels que la lutte contre la fraude fiscale et la corruption, la durabilité
de la politique des matières premières, la prévention de l’accaparement des terres et la
viabilité des chaînes de production. Enfin, le développement économique nécessitant un
climat favorable, il faudra investir dans un état de droit stable, l’éducation et la santé99,85
sans oublier de prendre en compte les investissements et la cohérence avec la politique en
la matière.
- Chaînes d’importations : leur donner un caractère plus durable passe par (1) la coopération
entre ONG et entreprises, (2) l’atténuation des risques, l’accès au financement et
l’instauration de labels de qualité, (3) la fixation des normes de l’OCDE relatives à la
responsabilité sociale des entreprises à l’international (cf. paragraphe III.4.3) ainsi que
des conditions quant à la tangibilité de l’impact sur le développement (fiscalité, emploi,
renforcement des PME locales, niveau des salaires, situation des travailleurs féminins)
pour toutes les entreprises recevant des subventions, y compris dans le cadre du fonds
renouvelable, et (4) le soutien aux exportateurs des pays en développement pour leur
permettre de répondre aux conditions d’importation.
- Exportations : toutes les activités financées par le budget dédié au développement doivent
présenter un intérêt en termes de développement ou de coopération internationale. Il n’est
toutefois pas impossible de respecter ce principe tout en faisant intervenir des entreprises
néerlandaises afin que s’établisse progressivement un nouveau lien, de l’ordre de la
relation commerciale, entre le pays concerné et les Pays-Bas. Cet objectif peut être atteint
en prenant en compte les possibilités des entreprises néerlandaises lors de la définition
des programmes et de la sélection des pays et des thèmes, ainsi qu’en fixant les cadres
d’action des programmes axés sur la demande en ménageant une marge de flexibilité
afin d’obtenir une offre suffisamment large de propositions de la part des entreprises
néerlandaises.
99 Voir Conseil économique et social (SER), Ontwikkeling door Duurzaam Ondernemen [L’entrepreneuriat
durable, moteur du développement], septembre 2011.
72
-
-
Diplomatie économique : lors de la préparation des missions commerciales, il conviendrait
d’aborder les thèmes et problèmes pertinents en termes de développement concernant les
droits de l’homme et la responsabilité sociale des entreprises dans le pays concerné.
Fonds renouvelable au profit des PME : il doit satisfaire à divers critères en matière
de réponse à la demande, de flexibilité, d’effet catalyseur, d’accès au financement,
d’atténuation des risques, d’examen au regard des objectifs de développement, de qualité
des comptes rendus et d’expertise du cadre d’exécution.
VI. 4
Avenir du soutien aux organisations de la société civile
L’AIV recommande de confirmer les principes de liberté et d’indépendance des organisations
de la société civile, de les concrétiser dans le cadre d’accords de coopération et de
subvention, et de les favoriser par l’intermédiaire de la politique étrangère au sens large.
L’apport stratégique de ces organisations au sein de la coopération internationale doit
être reconnu comme un service public que l’État doit soutenir sans porter atteinte aux
caractéristiques propres des organisations de la société civile.
C’est pourquoi il faudrait, comme indiqué au paragraphe III.6.2, remplacer le système
de cofinancement générique par un financement stratégique de partenariats conclus
avec diverses catégories d’acteurs, sélectionnés à l’aide de cadres stratégiques portant
notamment mais pas exclusivement sur les perspectives politiques (pays à faible revenu,
pays à revenu intermédiaire, États fragiles, biens publics mondiaux), les axes prioritaires et
les thèmes transversaux de la politique néerlandaise. Il est également conseillé de choisir un
partenaire stratégique en mesure de financer des initiatives innovantes. Une fois la sélection
effectuée, les parties peuvent conclure des accords de financement, dont les dispositions
taillées sur mesures prennent en compte la valeur ajoutée spécifique du partenaire. Il faut
limiter les contraintes administratives pour mettre l’accent sur la confiance basée sur les
performances passées, et rechercher une légitimité sociale fondée sur une réelle implication
dans la société. Les partenaires stratégiques doivent contribuer à organiser et à mobiliser
la citoyenneté mondiale aux Pays-Bas et jouer un rôle de contrôle à l’encontre des pouvoirs
publics et des entreprises. Dans un souci de continuité, il est souhaitable de conclure des
accords pluriannuels, l’État conservant à intervalles périodiques la possibilité de mettre fin
à la coopération en cas de prestations insuffisantes ou de l’adapter en fonction du contexte.
Il est enfin conseillé de conserver une certaine marge de manœuvre financière au profit des
nouveaux développements et de l’innovation.
L’AIV recommande de toujours rechercher la possibilité d’impliquer les centres d’expertise
dans les activités communes des organisations publiques et privées. Le décloisonnement des
connaissances est grandement facilité par l’ouverture de l’accès aux archives et aux données,
qui rend les informations disponibles pour tous et exploitables de façon efficace. Les bases
sont ainsi posées pour la coopération des centres d’expertise entre eux et avec les autres
acteurs.
VI.5
Budget structurel pour la sécurité internationale : l’approche intégrée
Il importe que le ministère de la Défense, qui a renoncé à son budget opérationnel, continue
à disposer de moyens suffisants pour les opérations de gestion de crise dans les États
fragiles mais aussi pour la défense des alliés des Pays-Bas. L’accord de coalition précise à
cet égard (p.15) : « L’importance des opérations de paix et de gestion de crise pour les pays
en développement est soulignée par l’institution en 2014 d’un nouveau budget structurel
pour la Sécurité internationale à hauteur de 250 millions d’euros, devant couvrir les dépenses
dans ce domaine, qui aujourd’hui grèvent le budget de la Défense ». L’exposé des motifs
73
indique (p. 73) qu’« à compter de 2014, 0,25 milliard du budget de la Coopération
au développement sera transféré à celui de la Sécurité internationale et utilisé par la
Défense pour couvrir ses dépenses liées à la sécurité internationale ». L’AIV constate
que la création d’un budget à affectation large pour la sécurité internationale correspond
à un choix politique. À l’instar de l’accord de coalition, l’AIV souligne l’importance d’une
approche intégrée, dont la dimension développement est abordée dans la lettre à la
Chambre « Axe prioritaire : sécurité et ordre juridique ».
En cas de participation à une opération de paix ou de gestion de crise, l’AIV conseille de
consacrer une attention explicite, dans le cadre d’évaluation de la mission ainsi que dans
la lettre à la Chambre la concernant (lettre exigée par l’article 100 de la Constitution),
à la sécurité humaine et à la protection des civils en termes d’objectif, d’approche et
de moyens. Une recommandation en ce sens a également été faite par la commission
indépendante d’experts lors de l’évaluation de la participation néerlandaise à la mission
de l’ISAF et il est prévu d’en tenir compte dans la révision du cadre d’évaluation de 2009.
Ce document doit par ailleurs stipuler la mise en œuvre immédiate d’un suivi indépendant
des victimes civiles et d’un rapport public à ce sujet.
VI.6
L’importance de la mise en œuvre par les pouvoirs publics et de la
préservation du réseau des postes
Les terrains d’action susmentionnés exigent un travail de sélection des acteurs. Le
plaidoyer du chapitre IV en faveur de la formulation de cadres stratégiques larges et de
la réduction de la planification détaillée et des contraintes réglementaires donne une
importance supplémentaire au choix des partenaires, qui doivent pouvoir faire preuve de
flexibilité et jouir de la confiance nécessaire. C’est pourquoi l’AIV estime que la sélection
et l’encadrement des organisations de la société civile et des entreprises ne doivent pas
être déléguées à des opérateurs commerciaux mais rester aux mains d’experts de la
fonction publique. Il est crucial de continuer à investir dans l’expertise au sein de l’État,
notamment par l’intermédiaire de la gestion de carrière et de la formation continue.
Comme constaté à diverses reprises, il existe de nombreuses possibilités de
complémentarité et de synergie sur le terrain qui ne peuvent pas être prévues, planifiées
ni imposées à l’avance. Les experts dans les ambassades jouent à cet égard un rôle
irremplaçable de rapprochement des acteurs et de gestion des opportunités. Aussi
doivent-ils avoir une affectation suffisamment longue pour bien connaître le contexte local.
Les restrictions affectant le réseau des postes vont donc totalement à l’encontre des
recommandations du présent rapport. En vue d’adoucir leur effet, il est envisageable de
financer les fonctions d’experts dans les postes à partir des budgets réservés aux axes
prioritaires et à la diplomatie économique. L’AIV estime que l’application de nouvelles
restrictions budgétaires au réseau des postes nuirait au statut et au positionnement
international des Pays-Bas.
Les décisions concernant le renforcement ou au contraire la compression du réseau
des postes devraient dépendre des priorités néerlandaises en matière de coopération
internationale et de partenariats complémentaires. L’influence des Pays-Bas ne se mesure
pas uniquement à l’aune de leur participation financière mais dépend surtout de leur
position dans les réseaux pertinents au regard de leur politique : plus cette position
est prééminente (contacts nombreux, appréciation positive des autres acteurs), plus
la possibilité augmente d’obtenir des connaissances et des services d’autres acteurs,
de déterminer les sujets à l’ordre du jour, de donner le ton des débats et d’influer sur
74
les décisions100.86D’où l’importance des choix stratégiques en faveur du réseau des
postes, sachant que peuvent aussi être envisagés de nouvelles formes de coopération,
la collaboration avec les pays européens et le recours aux fonctionnaires d’autres
ministères. La qualité et le dynamisme du réseau des postes sont un facteur de succès
pour la coopération internationale.
100 Aan het buitenland gehecht. Over verankering en strategie van Nederlands buitenlands beleid
[Attaché à l’international. Ancrage et stratégie de la politique étrangère des Pays-Bas],
Conseil scientifique de la politique gouvernementale (WRR), Amsterdam, 2010, p. 13.
75
Annexe I
Demande d’avis
À l’attention du président
du Conseil consultatif pour les questions internationales (AIV)
Monsieur F. Korthals Altes
B.P. 20061
2500 EB La Haye
Date : 16 mars 2012
Objet : demande d’un avis portant sur la complémentarité des canaux de l’aide
Monsieur le Président,
L’aide néerlandaise au développement passe par différents canaux : outre le canal bilatéral,
elle utilise également la voie multilatérale, les organisations privées (canal « civilatéral ») et les
entreprises. Chacun de ces canaux présente ses propres avantages et limites.
Dans sa réponse au rapport « Moins de prétention, plus d’ambition » du Conseil scientifique de
la politique gouvernementale (WRR), l’AIV se penche sur le rôle croissant des acteurs autres
que publics dans la coopération internationale. Il distingue en outre le canal multilatéral du
canal bilatéral et invite à réfléchir de façon plus approfondie à la répartition des rôles entre les
différents acteurs et canaux de sorte à éviter une fragmentation de la coopération.
Les recommandations de l’AIV sur ce point se rapportent essentiellement aux acteurs et
canaux pris individuellement, et non à la complémentarité, la synergie et la cohérence de leurs
efforts.
Les nouvelles orientations de la politique de développement, décrites dans la lettre à
la Chambre des représentants et la note sur les axes prioritaires de la coopération au
développement, se caractérisent par la concentration de l’action sur quatre thèmes et la
réduction de la liste des pays partenaires. Elles ont été traduites en un éventail de plans
stratégiques annuels (PSP), de programmes et de projets par les directions thématiques,
régionales et multilatérales ainsi que par les postes dans les pays partenaires.
C’est dans ce cadre que je prie l’AIV de bien vouloir émettre un avis portant sur la
complémentarité de l’utilisation des différents canaux de l’aide. Quelles opportunités de
synergie peut-on identifier, tant au niveau des pays partenaires qu’au niveau thématique ?
Quels sont les facteurs restrictifs à prendre en compte ? Où se situent les limites de
la complémentarité entre les divers canaux ? Quelles implications la recherche de
complémentarité pourrait-elle avoir pour le pilotage, centralisé ou non, de la mise en œuvre des
politiques ? De quelles expériences des autres donateurs la coopération néerlandaise pourraitelle tirer les enseignements ?
Aux fins d’une argumentation solide, je prie l’AIV de donner une définition conceptuelle
des notions de complémentarité et de synergie. Il serait de même souhaitable que l’avis
s’appuie sur une analyse documentaire montrant notamment comment les autres donateurs
adaptent l’architecture de la politique de coopération au développement en termes de
canaux et de sélection de ceux-ci. Comment font les autres pays ? Y a-t-il eu des tentatives
en vue d’identifier les effets positifs (augmentation de l’efficacité et de l’efficience) et les
complications (bureaucratisation croissante) ?
Dans la présente phase, j’estime qu’une analyse exploratoire est la plus utile, tout en me
réservant la possibilité de solliciter un avis complémentaire à un stade ultérieur.
Ainsi que recommandé par le WRR, la politique actuelle cherche à augmenter l’efficacité et
l’orientation sur les résultats en s’axant de façon plus claire sur les quatre thèmes prioritaires
ainsi qu’en concentrant l’aide bilatérale sur une quinzaine de pays. Il revient aux directions
thématiques de traduire ces thèmes en stratégie et d’en assurer la mise en œuvre. Les postes
sont quant à eux responsables de la traduction stratégique au niveau des pays partenaires
sous forme de PSP pour la période 2012-2015.
À cet égard, quelles possibilités et limites l’AIV distingue-t-il en vue de poursuivre le
renforcement du pilotage thématique ? Quels canaux entrent en jeu pour réaliser les résultats
attendus ? Quelle est la valeur ajoutée spécifique, typique de ces différents canaux (atouts
mais aussi points faibles) ? Comment ces canaux se complètent-ils mutuellement et quels
effets de synergie peut-on rechercher ?
Les réponses de l’AIV fourniront des matériaux pour la formulation de recommandations
relatives à des questions telles que :
-
-
-
Quel rapport y a-t-il entre le pilotage thématique et la politique relative aux canaux ?
La politique relative au canal multilatéral, par exemple, est en partie orientée par la
stratégie en matière de gouvernance mondiale. Le canal entreprises, lui, est actuellement
influencé par le fait que le renforcement de l’action dans ce domaine constitue une priorité
stratégique pour l’ensemble des thèmes. L’influence active et la pertinence des différents
canaux varient d’un thème à l’autre.
Dans quelle mesure la recherche de complémentarité et de synergie entre canaux et à
l’intérieur d’un même canal rejoint-elle le modèle délégatif néerlandais et le souhait des
organisations multilatérales ou privées et des entreprises de déterminer elles-mêmes le
lieu et les modalités de leur travail ?
Est-il recommandé, en vue de parvenir à une définition plus concrète et à une meilleure
réalisation de la complémentarité et de la synergie, de se placer dans la perspective des
bénéficiaires (pays partenaires) plutôt que dans celle du donateur (en prenant en compte
les principes tels que l’harmonisation, etc.) ?
Enfin, deux remarques concernant le calendrier. En vue de la structuration future du canal
« civilatéral », j’ai entamé au printemps un dialogue avec des représentants de la société
civile. La Chambre des représentants sera informée avant l’automne des constatations et des
recommandations qui en ressortiront, lesquelles présentent un intérêt majeur pour l’avis sur la
complémentarité. Il me semble par conséquent judicieux de ne procéder à la rédaction de cet
avis qu’une fois que ces données seront disponibles.
Le programme de travail de l’AIV prévoit déjà deux autres avis touchant à la sélection des
canaux et à leur architecture, à savoir l’avis portant sur la lutte contre la pauvreté à la lumière
de la modification des profils de pauvreté (avis no 4 du programme) et celui sur les biens
publics mondiaux dans le domaine de l’environnement (avis no 6 du programme), chacun
susceptible d’offrir une base à l’avis sur la complémentarité des canaux de l’aide. Le premier
des deux amène en effet la question de savoir comment les différents canaux peuvent être
mis en œuvre afin de contribuer efficacement à la lutte contre la pauvreté dans un contexte
changeant, tandis que le second peut jeter une lumière intéressante sur l’utilité et la
disponibilité des canaux relativement aux biens publics mondiaux.
Il semble donc logique de suggérer que l’avis sur la complémentarité s’appuie sur les
deux avis susmentionnés.
Je vous saurais gré de me remettre cet avis en décembre 2012.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes salutations distinguées.
Le ministre de la Coopération au développement,
Ben Knapen
Annexe II
Spécialistes consultés
-
M. Frans van den Boom, directeur NCDO
-
Mme Vanessa Nigten, NCDO
-
M. Paul G.H. Engel, directeur European Center for Development Policy Management
-
M. Jan Gruiters, directeur général IKV Pax Christi
-
Mme Saskia Jongma, directrice des programmes de développement de l’Agence NL
-
M. Alexander Kohnstamm, directeur Partos
-
M. Sander Laban, Partos
-
M. Jeroen de Lange, consultant et ancien député
-
M. René de Sévaux, FMO
-
M. Ewald Wermuth, IDH
-
M. Marinus Verweij, président du conseil d’administration de l’ICCO
-
Mme Machteld Ooijens, ICCO
-
M. Jan Bouke Wijbrandi, directeur général UNICEF Nederland
Annexe III
Abréviations utilisées
3C
Coordination, complémentarité et cohérence
3D
Défense, diplomatie et développement
AIV
Conseil consultatif pour les questions internationales
APD
Aide publique au développement
APE
Accord de partenariat économique
ASC
Centre d’études africaines
BIV
Budget pour la sécurité internationale
BPM
Biens publics mondiaux
CAD
Comité d’aide au développement
CBI
Centre de promotion des importations en provenance des pays en
développement
CMC
Comité central de la mission
CNUCED
Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement
CNV
Fédération nationale des syndicats chrétiens
CPA
Aide pays programmable
CPD
Cohérence des politiques pour le développement
DDR
Désarmement, démobilisation et réintégration
DECP
Programme de coopération du patronat néerlandais
DFID
Ministère britannique du Développement international
ECDPM
Centre européen de gestion des politiques de développement
EUHES
Groupes des responsables des services d’évaluation de l’Union
européenne
EURODAD
Réseau européen sur la dette et le développement
FAO
Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture
FIDA
Fonds international pour le développement agricole
FMI
Fonds monétaire international
FMLSTP
Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme
FMO
Société néerlandaise de financement pour les pays en développement
FNUAP
Fonds des Nations unies pour la population
FNV
Fédération du mouvement syndical néerlandais
FTI
Initiative accélérée
G20
Groupe des vingt : 19 pays industrialisés et l’UE (Nations unies)
HCNUR
Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés
IATI
Initiative internationale pour la transparence de l’aide
ICCO
Organisation œcuménique pour la coopération au développement
IDA
Association internationale de développement
IDH
Initiative en faveur du commerce durable
IFC
Société financière internationale (Banque mondiale)
IFI
Institutions financières internationales
IOB
Direction Évaluation de la politique et des opérations
IPCC
International Population Control Committee
ISAF
Force internationale d’assistance à la sécurité
KIT
Institut royal des Tropiques
MFP
Programme de cofinancement
MFS
Système de cofinancement
NABC
Netherlands Africa Business Council
NCDO
Commission nationale pour la coopération internationale et le
développement durable
NEPAD
Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique
OCDE
Organisation de coopération et de développement économiques
OIT
Organisation internationale du travail
OMD
Objectifs du Millénaire pour le développement
OMS
Organisation mondiale de la santé
ONG
Organisation non gouvernementale
ONU
Nations unies
ONUDI
Organisation des Nations unies pour le développement industriel
PDDAA
Programme détaillé de développement de l’agriculture africaine
PME
Petites et moyennes entreprises
PNB
Produit national brut
PNUD
Programme des Nations unies pour le développement
PNUE
Programme des Nations unies pour l’environnement
PPP
Partenariat public-privé
PSP
Plan stratégique pluriannuel
PUM
Programme de détachement d’experts
RSE
Responsabilité sociale des entreprises
RSS
Réforme du secteur de la sécurité
SDRS
Santé et droits reproductifs et sexuels
SEAE
Service européen pour l’action extérieure
SMART
Spécifié, mesurable, acceptable, réaliste, situé dans le temps
TMF
Programme de cofinancement thématique
UE
Union européenne
UNESCO
Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture
UNICEF
Fonds des Nation unies pour l’enfance
UNITAID/FIAM Facilité internationale d’achat de médicaments
WRR
Conseil scientifique de la politique gouvernementale
Avis antérieurs émis par le Conseil consultatif pour les questions
internationales (AIV) en anglais ou en français
Tous les avis sont disponibles en anglais. Ceux marqués d’un seul astérisque le sont aussi en français.
1
AN INCLUSIVE EUROPE, October 1997
2
CONVENTIONAL ARMS CONTROL: urgent need, limited opportunities, April 1998
3
CAPITAL PUNISHMENT AND HUMAN RIGHTS: recent developments, April 1998
4
UNIVERSALITY OF HUMAN RIGHTS AND CULTURAL DIVERSITY, June 1998
5
AN INCLUSIVE EUROPE II, November 1998
6
HUMANITARIAN AID: redefining the limits, November 1998
7
COMMENTS ON THE CRITERIA FOR STRUCTURAL BILATERAL AID, November 1998
8
ASYLUM INFORMATION AND THE EUROPEAN UNION, July 1999
9
TOWARDS CALMER WATERS: a report on relations between Turkey and the European Union,
July 1999
10
DEVELOPMENTS IN THE INTERNATIONAL SECURITY SITUATION IN THE 1990s:
from unsafe security to unsecured safety, September 1999
11
THE FUNCTIONING OF THE UNITED NATIONS COMMISSION ON HUMAN RIGHTS, September 1999
12* LA CIG 2000, ET APRÈS ? VERS UNE UNION EUROPÉENNE À TRENTE ÉTATS MEMBRES,
janvier 2000
13
HUMANITARIAN INTERVENTION, April 2000**
14
KEY LESSONS FROM THE FINANCIAL CRISES OF 1997 AND 1998, April 2000
15
A EUROPEAN CHARTER OF FUNDAMENTAL RIGHTS?, May 2000
16
DEFENCE RESEARCH AND PARLIAMENTARY SCRUTINY, December 2000
17
AFRICA’S STRUGGLE: security, stability and development, January 2001
18
VIOLENCE AGAINST WOMEN: legal developments, February 2001
19
A MULTI-TIERED EUROPE: the relationship between the European Union and subnational
authorities, April 2001
20* RÉSUMÉ D’AVIS : La coopération militaro-industrielle européenne, mai 2001
21* ENREGISTREMENT DES COMMUNAUTÉS DE RELIGION OU DE CONVICTION, juin 2001
22* LA CONFÉRENCE MONDIALE CONTRE LE RACISME ET LE PROBLÈME DE LA RÉPARATION,
juin 2001
23
24
COMMENTARY ON THE 2001 MEMORANDUM ON HUMAN RIGHTS POLICY, September 2001
A CONVENTION, OR CONVENTIONAL PREPARATIONS?: the European Union and the IGC 2004,
November 2001
25
INTEGRATION OF GENDER EQUALITY: a matter of responsibility, commitment and quality,
January 2002
26* LES PAYS-BAS ET L’ORGANISATION POUR LA SÉCURITÉ ET LA COOPÉRATION EN EUROPE :
rôle et orientations, mai 2002
27* JETER UN PONT ENTRE LES CITOYENS ET BRUXELLES : plus de légitimité et de dynamisme pour
l’Union Européenne, mai 2002
28
AN ANALYSIS OF THE US MISSILE DEFENCE PLANS: pros and cons of striving for invulnerability,
August 2002
29* CROISSANCE EN FAVEUR DES PAUVRES « PRO-POOR GROWTH » DANS LES PAYS PARTENAIRES
BILATÉRAUX D’AFRIQUE SUBSAHARIENNE : une analyse des stratégies de lutte contre la
pauvreté, janvier 2003
30* UNE APPROCHE DE LA COOPÉRATION AU DÉVELOPPEMENT FONDÉE SUR LES DROITS DE
L’HOMME, avril 2003
31
MILITARY COOPERATION IN EUROPE: possibilities and limitations, April 2003
32
BRIDGING THE GAP BETWEEN CITIZENS AND BRUSSELS: towards greater legitimacy and
effectiveness for the European Union, April 2003
33* LE CONSEIL DE l’EUROPE : moins mais mieux, octobre 2003
34
THE NETHERLANDS AND CRISIS MANAGEMENT: three issues of current interest, March 2004
35
FAILING STATES: a global responsibility, May 2004**
36
PRE-EMPTIVE ACTION, July 2004**
37
TURKEY: towards membership of the European Union, July 2004
38* LES NATIONS UNIES ET LES DROITS DE L’HOMME, septembre 2004
39
SERVICES LIBERALISATION AND DEVELOPING COUNTRIES: does liberation produce deprivation?,
September 2004
40* L’ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE CONSEIL DE L’EUROPE, février 2005
41* LA RÉFORME DES NATIONS UNIES : avis sur le rapport Annan, mai 2005
42
THE INFLUENCE OF CULTURE AND RELIGION ON DEVELOPMENT: Stimulus or stagnation?, June 2005
43
MIGRATION AND DEVELOPMENT COOPERATION: coherence between two policy areas, June 2005
44
THE EUROPEAN UNION’S NEW EASTERN NEIGHBOURS: July 2005
45
THE NETHERLANDS IN A CHANGING EU, NATO AND UN: July 2005
46
ENERGETIC FOREIGN POLICY: security of energy supply as a new key objective, December 2005***
47
THE NUCLEAR NON-PROLIFERATION REGIME: The importance of an integrated and multilateral
approach, January 2006
48
SOCIETY AND THE ARMED FORCES, April 2006
49
COUNTERTERRORISM FROM AN INTERNATIONAL AND EUROPEAN PERSPECTIVE, September 2006
50
PRIVATE SECTOR DEVELOPMENT AND POVERTY REDUCTION, October 2006
51
THE ROLE OF NGOs AND THE PRIVATE SECTOR IN INTERNATIONAL RELATIONS, October 2006
52
EUROPE A PRIORITY!, November 2006
53* LE BENELUX, UTILITÉ ET NÉCESSITÉ D’UNE COOPÉRATION RENFORCÉE, février 2007
54* L’OCDE DE DEMAIN, mars 2007
55
CHINA IN THE BALANCE: towards a mature relationship, April 2007
56
DEPLOYMENT OF THE ARMED FORCES: interaction between national and international
decision-making, May 2007
57* LE SYSTÈME DES TRAITÉS DE L’ONU RELATIFS AUX DROITS DE L’HOMME: renforcement graduel
dans un contexte politiquement sensible, juillet 2007
58* LES FINANCES DE L’UNION EUROPÉENNE, décembre 2007
59
EMPLOYING PRIVATE MILITARY COMPANIES: a question of responsibility, December 2007
60
THE NETHERLANDS AND EUROPEAN DEVELOPMENT POLICY, May 2008
61 COOPERATION BETWEEN THE EUROPEAN UNION AND RUSSIA: a matter of mutual interest, July 2008
62 CLIMATE, ENERGY AND POVERTY REDUCTION, November 2008
63 UNIVERSALITY OF HUMAN RIGHTS: principles, practice and prospects, November 2008
64 CRISIS MANAGEMENT OPERATIONS IN FRAGILE STATES: the need for a coherent approach,
March 2009
65 TRANSITIONAL JUSTICE: justice and peace in situations of transition, April 2009**
66 DEMOGRAPHIC CHANGES AND DEVELOPMENT COOPERATION, July 2009
67 NATO’S NEW STRATEGIC CONCEPT, January 2010
68 THE EU AND THE CRISIS: lessons learned, January 2010
69 COHESION IN INTERNATIONAL COOPERATION: Response to the WRR (Advisory Council on
Government Policy) Report ‘Less Pretension, More Ambition’, July 2010
70* LES PAYS-BAS ET LA RESPONSABILITÉ DE PROTÉGER: les populations contre les crimes de masse,
juin 2010
71* LA CAPACITÉ DE L’UE À POURSUIVRE SON ÉLARGISSEMENT, juillet 2010
72
COMBATING PIRACY AT SEA: a reassessment of public and private responsibilities, December 2010
73 THE HUMAN RIGHTS OF THE DUTCH GOVERNMENT: identifying constants in a changing world,
February 2011
74* AGENDA DU DÉVELOPPEMENT APRÈS 2015: les objectifs du Millénaire en perspective, avril 2011
75* RÉFORMES DANS LE MONDE ARABE: perspectives pour la démocratie et l’état de droit ?, mai 2011
76* LA POLITIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE EN MATIÈRE DE DROITS DE L’HOMME: entre ambition et
ambivalence, julliet 2011
77 CYBER WARFARE, December 2011**
78* LA COOPÉRATION EUROPÉENNE EN MATIÈRE DE DÉFENSE: souveraineté et capacité d’action, janvier 2012
79
THE ARAB REGION, AN UNCERTAIN FUTURE, May 2012
80* DES MONDES INÉGAUX : Pauvreté, croissance, inégalités et rôle de la coopération internationale,
novembre 2012
81 THE NETHERLANDS AND THE EUROPEAN PARLIAMENT: investing in a new relationship, November 2012
Advisory letters issued by the Advisory Council on International Affairs
1
Advisory letter THE ENLARGEMENT OF THE EUROPEAN UNION, 10 December 1997
2
Advisory letter THE UN COMMITTEE AGAINST TORTURE, 13 July 1999
3
Advisory letter THE CHARTER OF FUNDAMENTAL RIGHTS, 9 November 2000
4
Advisory letter ON THE FUTURE OF THE EUROPEAN UNION, 9 November 2001
5
Advisory letter THE DUTCH PRESIDENCY OF THE EU IN 2004, 15 May 2003****
6
Advisory letter THE RESULTS OF THE CONVENTION ON THE FUTURE OF EUROPE, 28 August 2003
7
Advisory letter FROM INTERNAL TO EXTERNAL BORDERS. Recommendations for developing a
common European asylum and immigration policy by 2009, 12 March 2004
8
Advisory letter THE DRAFT DECLARATION ON THE RIGHTS OF INDIGENOUS PEOPLES: from Deadlock to
Breakthrough?, September 2004
9
Advisory letter OBSERVATIONS ON THE SACHS REPORT: How do we attain the Millennium Development Goals?,
8 April 2005
10
11
Advisory letter THE EUROPEAN UNION AND ITS RELATIONS WITH THE DUTCH CITIZENS, December 2005
Advisory letter COUNTERTERRORISM IN A EUROPEAN AND INTERNATIONAL PERSPECTIVE: interim report on the
prohibition of torture, December 2005
12* RÉACTION À LA STRATÉGIE DES DROIT DE L’HOMME 2007, novembre 2007
13
Advisory letter AN OMBUDSMAN FOR DEVELOPMENT COOPERATION, December 2007
14
Advisory letter CLIMATE CHANGE AND SECURITY, January 2009
15
Advisory letter THE EASTERN PARTNERSHIP, February 2009
16
Advisory letter DEVELOPMENT COOPERATION, The benefit of and need for public support, May 2009
17
Advisory letter OPEN LETTER TO A NEW DUTCH GOVERNMENT, June 2010
18* LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME : protectrice des droits et des libertés du citoyen,
novembre 2011
19
Advisory letter TOWARDS ENHANCED ECONOMIC AND FINANCIAL GOVERNANCE IN THE EU, February 2012
20
Advisory letter IRAN’S NUCLEAR PROGRAMME: Towards de-escalation of a nuclear crisis, April 2012
21
22
Advisory letter THE RECEPTOR APPROACH: A question of weight and measure, April 2012
Advisory letter OPEN LETTER TO A NEW DUTCH GOVERNMENT: The armed forces at risk, September 2012
**
***
****
Avis émis conjointement par l’AIV et la Commission consultative pour les problèmes de droit
international (CAVV).
Avis émis conjointement par l’AIV et le Conseil général de l’énergie.
Avis émis conjointement par l’AIV et la Commission consultative sur l’immigration (ACVZ).
Annexe IV
Complémentarité et synergie : définitions
Les différentes dimensions de la complémentarité selon les définitions de l’UE
La complémentarité est la meilleure répartition des tâches possible entre les différentes
parties concernées afin de parvenir à une utilisation optimale des ressources financières et
humaines. Elle suppose que chaque partie axe son soutien sur les domaines où elle est
capable de générer la plus grande valeur ajoutée en comparaison des autres acteurs. Il
existe cinq types de complémentarité, qui sont interdépendants et forment un tout :
1. Complémentarité au sein d’un pays bénéficiaire : la fragmentation de l’aide entraîne
l’augmentation des charges administratives et des coûts de transaction dans les pays
partenaires, la dilution du dialogue politique et même, éventuellement, l’attribution
erronée de moyens. Certains secteurs, politiquement attrayants, reçoivent un soutien
démesuré, alors que d’autres, tout aussi importants, sont défavorisés.
2. Complémentarité entre les pays bénéficiaires : souvent, les donateurs se concentrent
sur un petit nombre de pays enregistrant de bons résultats, au détriment d’autres pays
souvent vulnérables, ce qui contribue à creuser le fossé entre les favoris des bailleurs
et les pays « oubliés de l’aide ». Acteur mondial, l’UE joue à cet égard un rôle particulier.
De plus, les États membres entretiennent d’étroites relations avec tous les pays en
développement et l’UE a signé des accords officiels avec la plupart d’entre eux.
3. Complémentarité entre les secteurs d’activité : il n’est pas nécessaire que tous les
donateurs participent au renforcement des capacités dans tous les domaines.
Certains ont acquis une expertise spécifique qui doit être exploitée de façon optimale.
L’UE devrait ainsi pouvoir offrir un ensemble complet de mesures thématiques et
sectorielles.
4. Complémentarité verticale : la multiplication des initiatives mondiales et des
organisations régionales a contribué à instaurer un système d’aide stratifié d’une
grande complexité. Dans plusieurs domaines, des activités comparables sont
entreprises simultanément à l’échelle nationale (ou celle des collectivités territoriales),
régionale ou internationale. Aussi la création de nouvelles structures de coopération
doit-elle être bien réfléchie afin d’éviter la double élaboration, au niveau à la fois
national et régional, d’activités transfrontalières, de projets de grande envergure ou de
projets de renforcement des capacités.
5. Complémentarité entre les différents instruments : la cohérence entre les différents
modes d’exécution ou instruments utilisés pour certaines initiatives doit être
renforcée.10187
Synergie selon la définition des sciences sociales
Synergie : il y a synergie lorsque l’effet obtenu grâce à la coopération est supérieur à celui
que chacune des parties aurait pu réaliser seule. Son contraire est l’entropie (moyens de
plus en plus nombreux pour un effet de plus en plus réduit).
101 Voir : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:52007DC0072:FR:NOT>.