interaction entre acteurs de la coopération internationale
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INTERACTION ENTRE ACTEURS DE LA COOPÉRATION INTERNATIONALE VERS LA CONFIANCE ET LA FLEXIBILITÉ N° 82, février 2013 CONSEIL CONSULTATIF POUR LES QUESTIONS INTERNATIONALES ADVIESRAAD INTERNATIONALE VRAAGSTUKKEN AIV Membres du Conseil consultatif pour les questions internationales Président F. Korthals Altes Vice-président W.J.M. van Genugten Membres Mme J. Gupta Mme P.C. Plooij-van Gorsel A. de Ruijter Mme M. Sie Dhian Ho A. van Staden Général (e.r.) M.L.M. Urlings Mme H.M. Verrijn Stuart J.J.C. Voorhoeve Secrétaire T.D.J. Oostenbrink Boîte postale 20061 NL - 2500 EB La Haye Les Pays-Bas Téléphone +31 70 3485108/6060 Télécopieur +31 70 3486256 Courriel [email protected] www.AIV-Advice.nl Membres de la Commission sur la complémentarité des canaux de l’aide Président A. de Ruijter Membres F.A.J. Baneke B.S.M. Berendsen B. de Gaaij Fortman J. van Ham Mme N. Tellegen Secrétaire Mme D.E. van Norren Sommaire Avant-propos Résumé I II 8 Contexte, complexité, cohérence 14 I.1 Des défis partagés à l’échelle mondiale I.2 Les nouveaux acteurs I.3 Besoin de cadres I.4 Volonté de cohérence 15 16 16 I.5 Gouvernance mondiale I.6 Biens publics mondiaux (BPM) I.7 Évolution de la pauvreté I.8 Rôle et responsabilité des pouvoirs publics néerlandais 17 17 18 Des canaux de l’aide aux acteurs : capitaliser la plus-value II.1 II.2 II.3 Des canaux de l’aide aux acteurs II.6 20 II.1.2 Les canaux de l’aide tels que définis par le CAD-OCDE II.1.3 Des canaux de l’aide aux acteurs 20 20 21 Les pouvoirs publics en tant qu’acteur de la coopération internationale II.2.1 Plus-value potentielle des pouvoirs publics en tant qu’acteur II.2.2 Limites des pouvoirs publics en tant qu’acteur 22 22 23 Plus-value potentielle des institutions multilatérales en 23 II.3.2 Limites des institutions multilatérales en tant qu’acteur II.3.3 Plus-value potentielle de l’UE en tant qu’acteur II.3.4 Limites de l’UE en tant qu’acteur 23 24 25 Les entreprises en tant qu’acteur de la coopération internationale II.4.1 Plus-value potentielle des entreprises en tant qu’acteur II.4.2 Limites des entreprises en tant qu’acteur 27 Les ONG en tant qu’acteur de la coopération internationale II.5.1 Plus-value potentielle des ONG en tant qu’acteur II.5.2 Limites des ONG en tant qu’acteur Centres d’expertise et réseaux 28 28 29 29 Coopération bilatérale intergouvernementale III.1.1 26 26 Synergie : comment la combinaison des acteurs génère de la valeur ajoutée III.1 22 Les institutions multilatérales et l’UE en tant qu’acteurs de la tant qu’acteur II.5 20 Les canaux de l’aide tels que définis par l’État néerlandais II.3.1 II.4 18 II.1.1 coopération internationale III 14 30 30 Modalités : projet, programme, aide budgétaire et plans pluriannuels 30 III.1.2 Politique des pays cibles 32 III.1.3 Synergie entre la coopération bilatérale et les autres acteurs 33 III.2 III.3 Coopération avec les institutions multilatérales III.2.1 Les Pays-Bas et les institutions multilatérales 33 III.2.2 Rapports entre les institutions multilatérales 34 III.2.3 Institutions multilatérales, autres donateurs et acteurs locaux III.2.4 Coopération entre organisations multilatérales et ONG Coopération entre les institutions multilatérales et les entreprises 36 Coopération entre les États membres et l’Union européenne Complémentarité entre les coopérations au développement III.3.2 Cohérence au sein de l’UE entre politique générale et de 37 38 III.3.3 Le rôle de l’UE dans la coordination des donateurs III.3.4 L’UE et les acteurs de la société civile 41 Synergie entre les entreprises et les organisations de la société civile III.4.3 41 Synergie entre les entreprises et entre ces dernières et les pouvoirs publics III.4.2 39 40 Synergie entre les entreprises et les autres acteurs III.4.1 42 Soutien par l’État de la valeur ajoutée des entreprises en tant qu’acteurs de la coopération au développement III.5 Synergie avec les centres d’expertise III.6 Synergie avec les organisations de la société civile 44 46 47 III.6.1 Coopération civilatérale Nord-Sud III.6.2 Mise à profit par les pouvoirs publics de la valeur ajoutée des ONG 47 48 Interaction entre acteurs dans les pays à revenu faible et intermédiaire et dans les États fragiles en matière de biens publics mondiaux 52 IV.1 Budget structurel pour la sécurité internationale : l’approche intégrée IV.2 Cohérence entre politique commerciale et coopération au développement IV.3 IV.4 52 53 Sélection des acteurs chargés d’aspects particuliers de la coopération internationale 58 Valeur ajoutée et synergie des différents acteurs du point de vue de quatre perspectives stratégiques : États fragiles, pays à faible revenu, pays à revenu intermédiaire et biens publics mondiaux V 37 37 III.3.1 développement IV 35 III.2.5 néerlandaise et européenne III.4 33 58 La complexité de gérer un monde en proie aux turbulences – exploration des notions de flexibilité et de confiance 64 V.1 Les limites du système actuel 64 V.2 Le mythe de la maîtrise face aux complexités émergentes V.3 Nouvelles approches : vers davantage de confiance et de flexibilité 64 66 VI Conclusions et recommandations 69 VI.1 Avenir de la coopération bilatérale 70 VI.2 Avenir de la coopération avec les acteurs multilatéraux VI.3 Avenir du soutien aux entreprises VI.4 Avenir du soutien aux organisations de la société civile VI.5 Budget structurel pour la sécurité internationale : l’approche intégrée VI.6 70 71 73 73 L’importance de la mise en œuvre par les pouvoirs publics et de la préservation du réseau des postes Annexe I Demande d’avis Annexe II Spécialistes consultés Annexe III Abréviations utilisées Annexe IV Complémentarité et synergie : définitions 74 Avant-propos Le Conseil consultatif pour les questions internationales (AIV) a été prié en mars 2012 d’émettre un avis sur la complémentarité et la synergie des canaux de l’aide (cf. annexe I), lequel fait suite à l’avis sur la modification des profils de pauvreté, récemment publié sous le titre « Des mondes inégaux – Pauvreté, croissance, inégalités et le rôle de la coopération internationale » (avis no 80). Le présent avis propose sur deux points une analyse plus approfondie qu’il n’a été demandé. 1. Premièrement, la demande d’avis portant davantage que les précédentes sur les modalités de mise en œuvre de la coopération au développement, l’AIV s’est largement appuyé sur la consultation d’experts des différents acteurs de l’aide (cf. annexe II), et souhaite ici adresser des remerciements particuliers à Jan Gruiters. Le constat qui en ressort est double : d’une part, un fléchissement de la conviction qu’il est possible de tout modeler, mesurer, planifier et réglementer, et, d’autre part, un appel croissant à la flexibilité et à la confiance dans les limites de cadres stratégiques larges mais clairs. L’AIV a rassemblé ces données dans le chapitre V, qui a pour objet d’explorer la nécessité de modifier les thèses actuellement reconnues. 2. Deuxièmement, il faut rappeler que le présent avis a été demandé par un gouvernement antérieur. Le nouveau gouvernement se voyant confronté à de nouvelles questions sur lesquelles le ministre a indiqué qu’il souhaitait connaître à court terme le point de vue de l’AIV, les recommandations formulées au chapitre VI dépassent la réflexion menée dans le reste de l’avis, tout en s’y accordant sur le fond. L’avis a été rédigé par une commission composée des personnes suivantes : MM. A. de Ruijter, F. Baneke, B. Berendsen, B. de Gaay Fortman, J. van Ham, Mme N. Tellegen, Mme D. van Norren (secrétaire) et Mme E. Wielders (stagiaire). Le présent avis a été adopté par l’AIV durant sa réunion du 1er février 2013. Résumé « Doubt requires more courage than conviction does, and more energy; because conviction is a resting place and doubt is infinite; it is a passionate exercise. We’ve got to learn to live with a full measure of uncertainty. There is no last word: that’s the silence under the chatter of our time », John Patrick Stanley, Play: Doubt, a parable (2004). « The remaining membrane that held Dutch culture together for more than a century was a marvel of elasticity. Responding to appropriate external stimuli, it could expand or contract as the conditions of its survival altered », S. Schama, The Embarrassment of Riches, p. 596. Contexte et complexité La coopération internationale actuelle est confrontée à la complexité des questions du monde d’aujourd’hui et à l’hétérogénéité des relations internationales. Cela transparaît tout d’abord dans l’enchevêtrement des problématiques et dans leur caractère indéfini et illimité, ce que l’on pourrait appeler les problèmes irréductibles de la complexité organisée, ainsi que dans la multiplication des acteurs non étatiques. Si l’État reste un point de référence primordial, il est aussi dans une mesure croissante l’une des mailles d’un réseau peu structuré reliant des acteurs et des scènes en constante permutation1. Le chapitre I retrace brièvement l’histoire d’un certain nombre de changements, y compris leurs corrélations et leur complexité, dans le domaine spécifique de la coopération internationale, en se référant aux précédents avis de l’AIV. Des canaux aux acteurs Contrairement au souhait exprimé dans la demande d’avis, l’AIV ne s’est pas intéressé aux canaux de l’aide mais aux acteurs de la coopération internationale. En effet, la définition habituelle des canaux de l’aide pose problème tandis que les acteurs concernés ne se contentent pas d’être un maillon de la chaîne de l’aide (à sens unique du donateur vers le bénéficiaire) mais sont aussi des agents du changement social contribuant chacun selon son propre mandat au travail international de coopération. C’est l’objet de la première partie du chapitre II. Plus-value des acteurs L’avis distingue quatre catégories d’acteurs : les acteurs bilatéraux, multilatéraux, civils (organisations de la société civile2 et centres d’expertise) et privés (entreprises), dont la plus-value et les limites sont analysées de façon générique au chapitre II. L’exploitation de cette valeur ajoutée par les pouvoirs publics peut ainsi être abordée en termes généraux. Le chapitre IV propose dans deux tableaux une analyse plus spécifique de la valeur ajoutée des acteurs sur certains terrains donnés. 1 Aan het buitenland gehecht. Over verankering en strategie van Nederlands buitenlands beleid [Attaché à l’international. Ancrage et stratégie de la politique étrangère des Pays-Bas], Conseil scientifique de la politique gouvernementale (WRR), Amsterdam, 2010. 2 La notion de société civile correspond à la structure sociale composée des groupes et organisations − dont le degré de formalisation peut fortement varier − qui occupent l’espace social entre les ménages, les pouvoirs publics et le secteur privé. Elle recouvre les ONG, les centres de réflexion, les organisations commerciales, les groupes religieux, les mouvements sociaux, les leaders traditionnels et religieux, les groupements sociaux, de jeunes et de femmes. Ce sont des acteurs qui défendent des intérêts publics ou communs. Les organisations de la société civile remplissent différentes fonctions dans divers contextes et sont incontournables pour parvenir à un développement social, économique et politique. 8 Le chapitre II comporte également une analyse des inconvénients du système actuel de cofinancement des organisations de la société civile et ouvre le débat sur l’application d’une autre méthode de financement des ONG par les pouvoirs publics, sur le modèle suédois. Il fournit en outre des conseils concernant les critères auxquels les programmes publics de cofinancement des activités commerciales devraient répondre en vue d’exploiter au mieux la valeur ajoutée des entreprises dans le cadre de la coopération internationale. Coopération et synergie entre les acteurs La synergie est définie de façon simple comme la somme « 1+1=3 ». Étant donné que d’autres acteurs sont identifiables (UE, centres d’expertise), que des combinaisons d’acteurs sont possibles au sein des différentes catégories (pouvoirs publics-pouvoirs publics) et qu’une combinaison peut être constituée de trois ou quatre acteurs, la liste des combinaisons génératrices de valeur ajoutée dressée au chapitre III est particulièrement hétéroclite. Cela permet de parvenir à la conclusion positive que les acteurs, en premier lieu les entreprises et les ONG, font preuve d’un respect mutuel croissant et travaillent de plus en plus souvent en collaboration. Il apparaît de plus que les pouvoirs publics ont la possibilité de stimuler cette évolution au moyen de partenariats public-privé (PPP), un modèle qui gagne rapidement en popularité, à condition de satisfaire à certaines conditions. Suggestions pour un engagement complémentaire des acteurs sur certaines questions actuelles À la demande du nouveau ministre, l’AIV fait au chapitre IV des suggestions succinctes – anticipant le cas échéant sur un approfondissement futur des questions concernées – sur la complémentarité des différents acteurs relativement à certaines questions actuelles et les possibilités dont disposent les pouvoirs publics pour la soutenir. Les questions abordées sont notamment : - Le budget pour la sécurité internationale : l’approche intégrée. L’AIV constate que le choix de donner une interprétation large à l’accord de coalition correspond à un choix politique. L’accord précise que « l’importance des opérations de paix et de gestion de crise pour les pays en développement sera soulignée par l’institution, à compter de 2014, d’un nouveau budget structurel Sécurité internationale de 250 millions d’euros. Il couvrira les dépenses liées à la sécurité internationale qui grèvent à l’heure actuelle le budget de la Défense » (p. 15) et « sera utilisé par la Défense pour couvrir ses dépenses liées à la sécurité internationale. » (p. 73). Il importe cependant que ce ministère, qui a renoncé à son budget opérationnel, continue à disposer de moyens suffisants pour ce type d’opérations dans les États fragiles mais aussi pour la défense des alliés des Pays-Bas. À l’instar de l’accord de coalition, l’AIV souligne l’importance d’une approche intégrée, dont la dimension développement est abordée dans la lettre à la Chambre « Axe prioritaire : sécurité et ordre juridique ». En cas de participation à une opération de paix ou de gestion de crise, l’AIV conseille de consacrer une attention explicite, dans le cadre d’évaluation de la mission ainsi que dans la lettre à la Chambre la concernant (lettre exigée par l’article 100 de la Constitution), à la sécurité humaine et à la protection des civils en termes d’objectif, d’approche et de moyens. Le document d’évaluation doit par ailleurs stipuler la mise en œuvre immédiate d’un suivi indépendant des victimes civiles et d’un rapport public à ce sujet. - La cohérence entre la politique commerciale et la coopération au développement : l’avis se penche sur l’aide au commerce, les chaînes d’importation, l’exportation et le fonds renouvelable au profit des PME (plus-value des petites entreprises). Le fonds au profit des PME doit satisfaire à divers critères en matière de réponse à la demande, 9 de flexibilité, d’effet catalyseur, d’accès au financement, d’atténuation des risques, d’examen au regard des objectifs de développement, de qualité des comptes rendus et d’expertise du cadre d’exécution. Conclusions relatives au pilotage L’analyse effectuée dans les premiers chapitres montre qu’il est de plus en plus délicat de gérer – sans parler de modeler – les questions complexes et les relations plurilatérales composites qui en découlent. Les dirigeants et les décideurs concluent de plus en plus fréquemment à l’inefficacité stratégique de l’instrumentaire classique, axé sur la coordination, la constance et la cohérence. Pire encore, les tentatives de simplification ont plutôt l’effet inverse, du fait de l’interdépendance et de l’interaction entre les différents problèmes et acteurs, mais aussi de l’effet pervers des politiques. Il n’existe pas de remède universel ni de recette miracle contre la complexité des questions en jeu. La seule voie possible est d’accepter l’incertitude, ce qui signifie éviter d’adopter directement le mode « analyse-instruction » qui donne des œillères. Cela exige une certaine modestie ainsi qu’une ouverture d’esprit face à la diversité et à la pluralité de l’approche multiacteurs. Interaction entre acteurs pour le futur programme de coopération internationale Compte tenu de ce contexte, il est impossible de fournir d’emblée une réponse adaptée à l’ensemble des questions posées par la demande d’avis. Les autres donateurs partageant les vues des Pays-Bas n’y sont pas non plus parvenus. C’est pourquoi l’AIV a élaboré un avis visant à offrir des pistes et des références pour faciliter la complémentarité des acteurs. Ce choix a également été dicté par le fait que le nouveau gouvernement, et plus particulièrement la nouvelle ministre du Commerce extérieur et de la Coopération au développement, doit à court terme parvenir à mettre en pratique une nouvelle stratégie, dans les limites de nouveaux cadres politiques et financiers, selon un mandat élargi. L’AIV conseille par ailleurs de définir les orientations en matière de complémentarité en répondant à deux questions stratégiques : - Quels acteurs possèdent la plus-value et la force d’innovation nécessaires pour fournir une contribution stratégique à la mise en œuvre efficace du futur programme de coopération internationale ? - Comment les pouvoirs publics peuvent-ils offrir les conditions et le soutien permettant à ces acteurs de réaliser leur contribution stratégique ? Les deux tableaux du chapitre IV récapitulent pour chaque acteur les aspects les plus évidents de la plus-value ainsi que les combinaisons génératrices de synergie, sur les terrains stratégiques suivants : - développement durable dans les pays à faible revenu ; - développement durable et sécurité dans les États fragiles ; - développement durable et redistribution dans les pays à revenu intermédiaire ; - gestion légitime et équitable des biens publics mondiaux. Une nouvelle façon de penser Le chapitre V montre que les Pays-Bas doivent modifier leur façon de penser la coopération s’ils veulent continuer à jouer un rôle prépondérant sur ce terrain. Le New Public Management et les théories SMART sont obsolètes. La société se dirige vers une méthode de travail en réseau caractérisée par la flexibilité, la diversité, la résilience, la 10 vitalité et l’agilité. Les pouvoirs publics doivent en tenir compte car, dans la réalité indocile d’un monde complexe, il est bien plus crucial de posséder des capacités d’adaptation que de savoir planifier, de même qu’agilité et résilience sont plus efficaces que résistance (des structures fixes) et uniformité. Les maîtres mots sont confiance a priori, et redevabilité et contrôle effectif a posteriori, ce qui revient dans une mesure croissante, en termes d’efficacité de l’État, à régir, relier et faciliter plutôt que surveiller et contrôler. Ce changement de conception est essentiel pour faciliter les relations hétérogènes avec des acteurs présentant des avantages comparatifs en fonction de leur valeur ajoutée. L’AIV conseille par conséquent au gouvernement de continuer à peser les conséquences politiques d’un tel changement et à leur donner une traduction opérationnelle. Première conséquence possible : la remise en question des modalités de l’APD, pour autant que la définition actuelle freine l’efficacité de la coopération internationale. Cela pourrait aboutir à la redéfinition des critères APD ou à l’agrégation du financement externe pour le développement, qui recouvre tant l’APD que d’autres formes innovantes d’aide3. Un rapport conjoint sur la définition de l’APD sera prochainement présenté par le ministère des Finances et celui des Affaires étrangères. L’AIV recommande de réserver l’APD aux biens publics mondiaux dans le domaine social et les financements innovants aux autres types de biens publics mondiaux, en veillant à ce que ces financements soient réellement employés dans le cadre de leur but premier, la coopération internationale, et ne soient pas versés aux ressources générales. Le maintien, dans la mesure du possible, de la norme de 0,7 % pour l’APD contribue à la stature internationale des Pays-Bas et pourrait faire l’objet d’un nouvel avis de l’AIV. Seconde conséquence du changement de vision : l’importance accrue de la motivation, de l’expertise et de la fiabilité des décideurs et des acteurs de la mise en œuvre. L’actuelle tendance à la diminution du cadre d’expertise, consécutive aux mesures d’économie, va à l’encontre de cette évolution. Conclusions Enfin, le chapitre VI présente des conclusions concernant : - l’avenir de la coopération entre acteurs bilatéraux ; - l’avenir de la coopération avec les acteurs multilatéraux ; - l’avenir du soutien aux entreprises et de la cohérence entre aide et commerce ; - l’avenir du soutien aux organisations de la société civile ; - le budget pour la sécurité internationale : l’approche intégrée ; - l’importance de la mise en œuvre par les pouvoirs publics et de la préservation du réseau des postes. Grille de lecture De façon résumée, la demande d’avis pose les questions suivantes (références de la réponse dans l’avis entre parenthèse) : 1. Aux fins d’une argumentation solide, je prie l’AIV de donner une définition conceptuelle des notions de complémentarité et de synergie (cf. annexe IV Complémentarité et synergie : définitions). 2. Quelles opportunités de synergie peut-on identifier, tant au niveau des pays partenaires qu’au niveau thématique ? Quels sont les facteurs restrictifs à prendre en compte ? (Cf. chapitre III Synergie : comment la combinaison des acteurs génère de la valeur ajoutée). 3 ECDPM, Reporting for Development: ODA and Financing for Development, Maastricht, avril 2012. 11 3. Où se situent les limites de la complémentarité entre les divers canaux ? (Cf. chapitre II Des canaux de l’aide aux acteurs : capitaliser la plus-value, paragraphes sur les limites. 4. Quelles implications la recherche de complémentarité pourrait-elle avoir pour le pilotage, centralisé ou non, de la mise en œuvre des politiques ? (Cf. chapitre V La complexité de gérer un monde en proie aux turbulences – exploration des notions de flexibilité et de confiance). 5. De quelles expériences des autres donateurs la coopération néerlandaise pourraitelle tirer les enseignements ? Y a-t-il eu des tentatives en vue d’identifier les effets positifs (augmentation de l’efficacité et de l’efficience) et les complications (bureaucratisation croissante) ? (Cf. notamment chapitre III.6.2 Mise à profit par les pouvoirs publics de la valeur ajoutée des ONG (modèle suédois de soutien à la société civile), chapitre III.2.3 Institutions multilatérales, autres donateurs et acteurs locaux et chapitre IV.3 Sélection des acteurs chargés d’aspects particuliers de la coopération internationale (DFID et autres donateurs)). 6. À cet égard, quelles possibilités et limites l’AIV distingue-t-il en vue de poursuivre le renforcement du pilotage thématique (note sur les axes prioritaires de la coopération au développement de M. Knapen) ? Quels canaux entrent en jeu pour réaliser les résultats attendus ? (Cf. notamment chapitre III.1.1 Coopération bilatérale et III.1.3 Synergie entre la coopération bilatérale et les autres acteurs). 7. Quelle est la valeur ajoutée spécifique, typique de ces différents canaux (atouts mais aussi points faibles) ? Comment ces canaux se complètent-ils mutuellement et quels effets de synergie peut-on rechercher ? (Cf. chapitre II Des canaux de l’aide aux acteurs : capitaliser la plus-value, paragraphes sur la plus-value potentielle des acteurs). 8. Quel rapport y a-t-il entre le pilotage thématique et la politique relative aux canaux ? La politique relative au canal multilatéral, par exemple, est en partie orientée par la stratégie en matière de gouvernance mondiale. (Cf. chapitre I.3 Besoin de cadres, I.5 Gouvernance mondiale, I.6 Biens publics mondiaux, en lien avec chapitre II.1 Des canaux de l’aide aux acteurs et chapitre III.2 Coopération avec les institutions multilatérales). Le canal entreprises, lui, est actuellement influencé par le fait que le renforcement de l’action dans ce domaine constitue une priorité stratégique pour l’ensemble des thèmes. (Cf. chapitre IV.2 Cohérence entre la politique commerciale et la coopération au développement). L’influence active et la pertinence des différents canaux varient d’un thème à l’autre. L’AIV a reformulé la question en l’orientant sur la coopération entre acteurs équivalents au service de divers thèmes et en renvoyant à l’évaluation de la sélection des canaux prochainement présentée par l’IOB. (Cf. chapitre IV.3 Sélection des acteurs chargés d’aspects particuliers de la coopération internationale ; pour la perspective États fragiles, pays à faible revenu, pays à revenu intermédiaire et biens publics mondiaux, cf. chapitre IV.4). 9. Dans quelle mesure la recherche de complémentarité et de synergie entre canaux et à l’intérieur d’un même canal rejoint-elle le modèle délégatif néerlandais et le souhait des organisations multilatérales ou privées et des entreprises de déterminer elles-mêmes le lieu et les modalités de leur travail ? (entre canaux : cf. chapitre III Synergie : comment la combinaison des acteurs génère de la valeur ajoutée ; à l’intérieur d’un même canal : cf. chapitre III.1 (pouvoirs publics), III.2.2 (institutions multilatérales), III.6.1 (organisations de la société civile) et III.4.1 (entreprises)). 10. Est-il recommandé, en vue de parvenir à une définition plus concrète et à une meilleure réalisation de la complémentarité et de la synergie, de se placer dans la perspective des bénéficiaires (pays partenaires) plutôt que dans celle du donateur 12 (en prenant en compte les principes tels que l’harmonisation, etc.) ? (Cf. notamment chapitre II.1 Des canaux de l’aide aux acteurs : capitaliser la plus-value, chapitre III.1.3 Synergie entre la coopération bilatérale et les autres acteurs et chapitre VI.6 Importance de la mise en œuvre par les pouvoirs publics et de la préservation du réseau des postes). L’AIV s’est basé sur l’idée que la synergie doit de préférence être favorisée entre acteurs équivalents dans le pays bénéficiaire, par les experts des postes. 13 I Contexte, complexité, cohérence I.1 Des défis partagés à l’échelle mondiale Les problèmes mondiaux sont tous liés les uns aux autres. Tel est le cas de la croissance de la population (9,2 milliards en 2075)4, de l’augmentation de la consommation et de la pénurie de nourriture, d’énergie et de matières premières qui en découle, de l’accroissement de l’empreinte écologique (climat, environnement et ressources en eau), tout comme de la pauvreté, des inégalités ou de la sécurité et de l’ordre juridique. Les Pays-Bas ne peuvent résoudre leurs problèmes seuls, ils ont besoin des autres pays. Le changement climatique en est un des exemples les plus clairs. Les effets du développement économique et de la pauvreté dans les pays à revenu faible ou intermédiaire nous touchent par le biais de la migration et de l’instabilité (comme la piraterie en Somalie), de l’emploi dans les chaînes de production, de l’ouverture possible de nouveaux débouchés et de la croissance de la population. Dans un proche avenir, la population de l’Afrique sera la plus jeune au monde ; dépourvus de perspective d’emploi, ces jeunes décideront d’émigrer, en dépit de la croissance économique accrue de ces dernières années. Par ailleurs, l’Afrique fournit au reste du monde d’importantes matières premières, du pétrole et depuis peu des terres agricoles. Les Pays-Bas visent depuis 1995, date du recalibrage de leur politique étrangère, une approche plus intégrée, « qui permette à la société et à l’économie néerlandaise d’exploiter les possibilités et les chances qui s’offrent à elles5 ». Citons quelques exemples : parmi les priorités retenues figure la promotion de la sécurité alimentaire. Sous l’effet des déficiences de l’agriculture, de la crise économique, de la spéculation sur les marchés internationaux et de l’introduction des biocarburants, le prix des denrées alimentaires augmente, ce qui entraîne régulièrement la révolte des populations. Les Pays-Bas favorisent le libre-échange par l’intermédiaire de l’UE et de l’Organisation mondiale du commerce, notamment pour s’assurer des marchés d’exportation. Ils coopèrent à la maîtrise des dettes des pays développés ainsi que des pays en développement afin de garantir la stabilité financière internationale. Le transfert de connaissances et de technologies favorise l’ouverture de nouveaux marchés et de nouvelles possibilités d’exportation. Sous l’effet de la mondialisation, les chaînes de production de l’industrie impliquent des entreprises établies dans plusieurs pays, dont la situation a une influence encore plus directe sur notre économie. Les Pays-Bas plaident en outre pour l’égalité hommes-femmes et pour le droit à l’accès à la contraception, afin de permettre à chacun de décider du nombre d’enfants qu’il souhaite. C’est là une évolution cruciale dans le cadre de la lutte contre la croissance de la population et l’utilisation toujours plus importante de ressources limitées. 4 ONU, World Population to 2300, cf. : <http://www.un.org/esa/population/publications/longrange2/ WorldPop2300final.pdf>. 5 Chambre des représentants, Nota Herijking van het Buitenlands Beleid [Note sur le recalibrage de la politique étrangère], référence 24337, no 2, La Haye, 11 septembre 1995. 14 I.2 Les nouveaux acteurs La coopération internationale concerne un éventail de plus en plus large d’acteurs opérant au niveau national comme à l’étranger. Depuis les années quatre-vingt-dix du siècle dernier, l’interaction entre la société civile, les organisations multilatérales, les entreprises et les pouvoirs publics ne cesse de s’intensifier. Pour être efficace, la politique doit être composée d’éléments cohérents et, le cas échéant, impliquer tous les acteurs dans les limites de leur mandat. À mesure que les thèmes se diversifient, la participation d’intervenants non traditionnels augmente. Parmi les acteurs figurent par exemple les ministères de l’infrastructure, de l’environnement, de la sécurité et de la justice, les syndicats, les défenseurs de l’environnement, les mouvements pour les droits de l’homme et pour la paix, les organisations de développement, les multinationales, mais aussi les entrepreneurs locaux et les simples individus en tant que consommateurs, sans oublier un nombre croissant de grandes fondations privées. Par ailleurs, le G20 joue un rôle accru, les pays émergents BRIC occupent une place grandissante tandis que la coopération Sud-Sud se développe, tout comme la coopération trilatérale. La complexité croissante de l’aide a conduit à la Déclaration de Paris pour une meilleur efficacité en la matière et aux déclarations d’Accra et de Busan qui ont suivi. Dans une publication antérieure, l’AIV a déjà recommandé de prendre en compte l’existence de cette « société de réseau », qui ne se laisse pas gouverner par le haut6. Augmentation de l’aide et du nombre d’acteurs La complexité croissante s’explique en partie par l’augmentation de l’aide. D’un montant de plus de 30 milliards de dollars il y a cinquante ans, le flux total est passé à quelque 80 milliards en 2000 pour atteindre environ 130 milliards en 2011 pour l’ensemble des membres du CAD (Comité d’aide au développement de l’OCDE), soit une hausse de 50 % en 10 ans. Si l’on inclut les pays non membres du CAD, ce chiffre est estimé pour 2011 à quelque 200 milliards de dollars, la part des ONG et des grandes fondations privées étant évaluée à un tiers. Selon une étude de la Banque mondiale (IDA, Aid architecture: an overview of the main trends in official development assistance flows, 2007), le nombre de donateurs bilatéraux est passé de 12 au début des années soixante à plus de 60 aujourd’hui et on compte actuellement environ 225 agences de donateurs bilatérales. Le nombre d’organisations, de fonds et de programmes internationaux a également connu une envolée spectaculaire et dépasse les 240. Mais ce sont les ONG étrangères qui enregistrent l’augmentation la plus importante : elles seraient aujourd’hui plus de 18 000 à déployer des activités dans le domaine du développement. Pour les pays bénéficiaires, cette évolution signifie que le nombre de donateurs avec lesquels ils sont engagés dans une relation de coopération a triplé en cinquante ans, s’élevant en moyenne à environ 33 par pays en 2005, sans compter les organisations privées qui y sont actives.7 6 AIV, Agenda du développement après 2015 : les objectifs du Millénaire en perspective, avis no 74, La Haye, avril 2011, p. 78-80. 7 A. van der Wiel et D.E. van Norren, Landenbeleid: meer realisme, minder idealisme [Politique par pays : plus de réalisme, moins d’idéalisme], dans W. Elbers, L. Schulpen, R. Visser (Eds.), De Hulp Voorbij? Op zoek naar internationale samenwerking [Fin de l’aide ? À la recherche de la coopération internationale], Amsterdam, décembre 2012, p. 114. 15 I.3 Besoin de cadres Définir des objectifs avec des acteurs si nombreux et si divers nécessite un cadre normatif. D’abord fourni en dépit de leurs insuffisances par la Déclaration et les Objectifs du Millénaire, ce cadre doit maintenant être redéfini pour les années à venir. Dans son avis sur l’agenda de l’après-2015, l’AIV examine les sujets suivants qui ressortent du débat international, en recommandant de considérer les droits de l’homme comme thème transversal : - production économique et répartition des richesses (y compris sécurité alimentaire, accès à l’énergie, aux matières premières et aux terres agricoles) et évolution démographique ; - éducation et alphabétisation ; - égalité des genres et non-discrimination des groupes vulnérables ; - santé ; - paix et sécurité, sécurité sociale ; - efficacité des organes publics et sécurité juridique ; - durabilité (environnement/climat/énergie) ; - partenariat mondial (commerce, allègement de la dette, aide (APD), échange de savoir et de technologie, infrastructure)8. Qui dit fixation de cadres normatifs, dit consensus. Or, l’expérience montre que la réalisation d’un tel consensus entraîne une bataille politique, dont l’issue est en grande partie déterminée par les intérêts nationaux et les rapports de force internationaux. L’opération s’avérera d’autant plus difficile que les thèmes seront politiquement sensibles. I.4 Volonté de cohérence Pour être efficaces, les stratégies de développement axées sur la lutte contre la pauvreté doivent prendre en compte tous les aspects énumérés ci-dessus. Ces thèmes sont également tous étroitement liés. L’économie d’un pays ne peut fonctionner convenablement si elle ne s’appuie pas sur des personnes en bonne santé et ayant reçu une formation correcte, sur un environnement politique stable et des pouvoirs publics efficaces. La réussite de la politique de développement passe par la volonté de mener une action cohérente. Ce qui suppose de veiller à une bonne articulation entre les différents domaines de la politique, à la coordination, la complémentarité et la synergie entre les divers acteurs et activités ainsi qu’à l’harmonisation de l’aide entre les Pays-Bas et les autres pays donateurs. Si la cohérence entre l’aide et le commerce est un sujet très actuel, les acteurs de la coopération internationale se contentent souvent d’en reconnaître l’importance sans déployer d’efforts en ce sens9. Mener une action cohérente n’est pas une question de compétence technique, mais de volonté politique, dans les relations tant nationales qu’internationales. Si l’importance de cet objectif reste inaltérée, la complexité du contexte international actuel fait que sa réalisation demande une nouvelle approche. 8 AIV, Agenda du développement après 2015 : les objectifs du Millénaire en perspective (Ontwikkelingsagenda na 2015:Millennium Ontwikkelingsdoelen in perspectief), avis no 74, La Haye, avril 2011. 9 Voir par exemple l’interview de Kathleen Ferrier et de Bram van Ojik dans Vice Versa, no 4, septembre/ octobre 2012. 16 I.5 Gouvernance mondiale La mise en œuvre de l’agenda de l’après-2015 nécessite de respecter certaines conditions en vue d’une gouvernance mondiale flexible et cohérente. Dans son avis précité, l’AIV fait quelques suggestions à cet égard : - Collecte de données sur l’avancement du développement, au lieu de publication de pourcentages sur la réalisation d’un objectif fixé à l’avance. - Formulation d’engagements relatifs au respect des principes de bonne administration (participation, non-discrimination, redevabilité) lors de la collecte des données et de la mise en œuvre des programmes. L’AIV faisait à cet égard référence au système d’autogestion des ressources communes développé par Ostrom, qui définit sept principes afin d’en garantir le succès : (i) établir des règles régissant le droit à l’usage de la source, (ii) résoudre les conflits de façon appropriée, (iii) proportionner la responsabilité de l’entretien aux revenus de l’usage, (iv) laisser les usagers assumer la responsabilité du suivi et des sanctions, (v) graduer les sanctions en fonction de la fréquence de l’infraction, (vi) décider démocratiquement des règles et (vii) obtenir la reconnaissance explicite de la gestion autonome par les autorités. - Inventaire des besoins et des moyens disponibles, l’APD ne devant être utilisée que pour les « biens publics sociaux » ce qui implique de trouver des formes de financement complémentaires et novatrices pour les autres biens publics mondiaux. Il importe toutefois que ce financement innovant soit réservé à la coopération internationale sous la responsabilité du ministre du Commerce extérieur et de la Coopération internationale (et ne soit pas inclus dans les ressources générales). - Promotion une structure administrative offrant aux différents acteurs de la société de réseau des cadres stratégiques ainsi que des normes et donnant la préférence à l’autonomie de décision plutôt qu’au pilotage par le haut. Dans une publication antérieure, l’AIV a déjà plaidé pour poser en principe directeur le respect de la norme des 0,7 % pour l’APD. Cela permet aux Pays-Bas de se donner un profil bien marqué sur la scène internationale. I.6 Biens publics mondiaux (BPM) La conscience de l’interdépendance mondiale a fait ressentir le besoin d’une approche commune des biens publics mondiaux10. Bien que ce concept ne fasse pas l’unanimité à l’international (il n’apparaît par exemple pas dans la Déclaration du sommet Rio+20, ni dans celle du sommet 2010 des OMD), il permet toutefois de mettre en évidence dans le débat au niveau national l’interconnexion politique de plusieurs questions mondiales. L’AIV a déjà recommandé ailleurs de donner une définition normative des BPM en ne considérant pas seulement les biens dont personne ne peut être exclu, mais également ceux dont personne ne doit l’être (principe de non-exclusion) et dont l’usage par l’un ne nuit pas à l’usage par les autres (principe de non-rivalité), appelés les « biens d’intérêt social11 ». Le caractère public de ces biens et services tient dans ce cadre aux aspects de la consommation, de la prise de décision (participative) et de la répartition des revenus. L’agenda des BPM se présente comme suit : 10 Certains sont hostiles au terme de biens qui introduirait une réduction aux objets économiques soumis aux lois de l’offre et de la demande et lui préfèrent celui de défis mondiaux. Le concept de BPM s’étant cependant vu confirmer dans les débats internationaux, l’AIV s’en tient pour le moment à ce terme. 11 AIV, Agenda du développement après 2015 : les objectifs du Millénaire en perspective, avis no 74, La Haye, avril 2011. 17 - BPM sociaux (lutte contre la pauvreté, accès à l’enseignement, santé, etc.) ; BPM économiques ; BPM environnementaux ; autres. L’AIV précise son avis à cet égard dans son rapport sur les biens publics environnementaux internationaux, qui doit paraître sous peu12. I.7 Évolution de la pauvreté Tout comme l’influence politique, la pauvreté se déplace vers les pays à revenu intermédiaire. La majorité des pauvres vit en effet dans des États qui relèvent de cette catégorie, et la plupart sont des femmes. C’est pourquoi, se concentrer sur les pays à faible revenu et les États fragiles ne suffit plus. Il importe également de venir en aide aux groupes de population marginalisés dans les pays à revenu intermédiaire afin qu’ils puissent eux aussi profiter de la croissance de la prospérité. Les inégalités grandissantes que connaissent ces pays peuvent être combattues en mettant l’accent sur la responsabilité sociale des entreprises, le respect des droits de l’homme et des normes de travail et sur la mise en place d’un revenu minimum et d’un filet social. En coopération avec eux et avec d’autres pays donateurs, les Pays-Bas peuvent favoriser la cohérence des politiques de développement, l’approvisionnement commun en biens publics mondiaux et la coopération trilatérale13. I.8 Rôle et responsabilité des pouvoirs publics néerlandais La responsabilité des Pays-Bas en matière de lutte contre la pauvreté dans le monde en général, et le rôle des pouvoirs publics dans la coopération au développement en particulier sont de plus en plus remis en question. Cette dernière reste insuffisamment intégrée dans la politique gouvernementale, malgré les tentatives de renforcement de son assise institutionnelle. Une réorientation vers la coopération internationale et une approche multidimensionnelle14 s’appuyant par exemple sur les cinq libertés15 d’Amartya Sen, peut fournir ce soutien institutionnel et social. La lutte contre la pauvreté en tant 12 On peut également faire une distinction entre les biens publics mondiaux, internationaux, régionaux ou locaux. 13 AIV, Des mondes inégaux - Pauvreté, croissance, inégalité et le rôle de la coopération internationale, avis no 80, La Haye, octobre 2012. 14 Pour la pauvreté multidimensionnelle, voir AIV, Samenhang in Internationale samenwerking, [Cohérence de la coopération internationale], réaction au rapport du WRR Moins de prétention, plus d’ambition, avis no 69, La Haye, mai 2010, p. 7 : « Il s’agit ici notamment de la pensée d’Amartya Sen, qui définit le développement comme un processus d’expansion des libertés (entre autres sur les plans politique, économique et social). La prise de conscience que la croissance macroéconomique incontrôlée n’est pas toujours la solution aux problèmes fondamentaux que sont les ressources alimentaires, la pauvreté et la privation de tous les droits pour d’importants groupes de la population a donné une importance considérable à ses idées. Elles ont servi de fondement à des notions telles que les besoins de base et à la rédaction des objectifs de développement pour le Millénaire (OMD). » 15 À savoir : les libertés politiques et civiles, les potentialités sociales et économiques, la transparence de la gouvernance et de la vie économique et les libertés protectrices (sécurité sociale et application des lois). 18 que telle doit être considérée comme un défi qui ne se manifeste pas seulement dans les pays « pauvres », mais partout où les inégalités socioéconomiques et le sentiment d’aliénation se développent, y compris dans notre propre pays16. 16 Le discours de Robert Chambers à l’occasion du 60e anniversaire de l’Institut des Études sociales de La Haye (11 octobre 2012) était intitulé From Voices of the Poor to Choices of the Rich. 19 II Des canaux de l’aide aux acteurs : capitaliser la plus-value II.1 Des canaux de l’aide aux acteurs II.1.1 Les canaux de l’aide tels que définis par l’État néerlandais Selon les termes de l’exposé des motifs du budget 2013 du ministère des Affaires étrangères : « Les canaux se répartissent en quatre catégories : bilatérale, multilatérale, organisations de la société civile et entreprises, auxquelles vient s’ajouter une catégorie indéterminée rassemblant les flux hors canaux. » Ces définitions ont été actualisées. La nouvelle classification se base sur l’acteur qui peut être identifié comme bénéficiaire en premier lieu des fonds concernés. Le canal bilatéral comporte notamment les budgets délégués aux ambassades. Les contributions aux organisations internationales sont regroupées sous le canal multilatéral pour les organisations intergouvernementales, et sous le canal société civile pour les ONG. En revanche, la classification sous le canal entreprises n’est pas déterminée par la nature du bénéficiaire mais par le fait que les fonds engagés ont pour objectif de soutenir le secteur privé de pays en développement. À peine un quart des montants engagés dans ce canal est octroyé directement aux entreprises. La catégorie hors-canaux comporte des dépenses non-APD (y compris les contributions à l’UE) ainsi que quelques montants APD exclus des autres canaux17. Comme dans toute classification, les doublons et les cas limite n’ont pu être évités. Ainsi, les moyens délégués aux postes, catégorisés bilatéraux, peuvent sur place être finalement octroyés à une ONG ou à une organisation multilatérale. De la même manière, une grande partie des fonds désormais attribués au canal entreprises étaient précédemment classés sous d’autres canaux. II.1.2 Les canaux de l’aide tels que définis par le CAD-OCDE La classification appliquée par le CAD-OCDE prend en compte le type d’organisation qui bénéficie de l’aide en premier lieu. L’OCDE ne considère pas les dépenses gouvernementales visant à renforcer d’autres organisations (contributions de base) comme une aide bilatérale, contrairement aux dépenses en faveur des projets de ces organisations. L’Initiative internationale pour la transparence de l’aide (IATI) s’appuie sur les définitions suivantes18 : 17 Établissement des états budgétaires du ministère des Affaires étrangères pour l’année 2013, document parlementaire 33, 400 V, septembre 2012. 18 Voir : <http://iatistandard.org/codelists/collaboration_type>. 20 Code Définition 1. Bilatéral Transactions bilatérales effectuées par un donateur, hors contributions de base aux autres organisations (codes 2 et 3 ci-dessous). Transactions passant par le canal d’autres organisations incluses. 2. Multilatéral Contributions multilatérales à une institution bénéficiaire répondant aux critères suivants : i. ses activités sont entièrement ou en partie consacrées au développement ; ii. il s’agit d’une agence, institution ou organisation internationale dont les membres sont des gouvernements, ou d’un fonds géré de façon autonome par une telle agence ; iii. elle intègre les contributions de façon anonyme à ses actifs financiers. 3. Contributions bilatérales de base aux ONG et autres organismes privés / partenariats publicprivé (PPP) Fonds bilatéraux versés sans affectation préalable à des organisations non gouvernementales nationales et internationales, des PPP ou d’autres organismes privés. 4. Dépenses multilatérales Activités d’aide financées à partir des budgets réguliers des institutions multilatérales. Tout comme la nouvelle classification néerlandaise, les définitions du CAD connaissent des cas limite et des doublons. La notion de canal bilatéral, par exemple, apparaît comme confuse et sert de fourre-tout pour l’aide versée à toutes sortes d’instances. Pourquoi les contributions versées par l’État aux ONG et aux organismes multilatéraux ne sont-elles pas répertoriées comme aide multilatérale ou comme aide à la société civile ? Le terme de bilatéral devrait en effet être réservé à l’aide de gouvernement à gouvernement. II.1.3 Des canaux de l’aide aux acteurs Étant donné le manque d’uniformité de la définition des canaux, l’AIV préfère s’appuyer sur la notion d’acteurs du développement. Ce choix découle également du fait que la demande d’avis se base, aux yeux de l’AIV, sur une approche obsolète de la Coopération au développement. Les termes d’aide et de canal renvoient à une relation à sens unique entre pays développés et pays en voie de développement, et laisse supposer que les acteurs, réduits au rôle d’intermédiaire pour les flux financiers, ne disposent d’aucune liberté d’action stratégique propre. L’avis distingue les types d’acteurs suivants : - pouvoirs publics, des contributeurs et des bénéficiaires ; - organisations multilatérales des Nations unies, des institutions financières internationales (IFI) et de l’UE ; - organisations de la société civile, y compris les centres d’expertise ; - entreprises. Le chapitre II s’attachera à déterminer, pour chaque acteur : la valeur ajoutée (complémentarité) de celui-ci par rapport à un autre au vu des objectifs de la coopération internationale ; quelle peut être l’action des pouvoirs publics afin d’accroître cette valeur ajoutée. 21 Au chapitre III, plusieurs combinaisons d’acteurs sont examinées pour identifier les synergies possibles (1+1=3), en déterminer les modalités ainsi que l’action à mener par les pouvoirs publics en vue de les favoriser. Elles sont étudiées au chapitre IV à la lumière des perspectives stratégiques Fragilité des États, Pays à faible revenu, Pays à revenu intermédiaire et Biens publics mondiaux. Le chapitre V, enfin, montre les limites du pilotage de cet inventaire d’acteurs et d’objectifs. Sont examinées la caducité des thèses actuelles (New Public Management et SMART) et les approches qui devraient les remplacer (réseau, flexibilité, variation, résilience, vitalité et agilité). Plus la complexité croît, moins les efforts d’harmonisation et de coordination sont suffisants pour garantir l’efficacité. II.2 Les pouvoirs publics en tant qu’acteur de la coopération internationale II.2.1 Plus-value potentielle des pouvoirs publics en tant qu’acteur - - - - Les pouvoirs publics sont tenus de fournir un contexte stratégique clairement défini, permettant une approche structurelle. Les pouvoirs publics, nommés ou choisis dans une perspective de durée, doivent présenter des comptes au sujet de la politique menée et ont donc une légitimité démocratique. Les pouvoirs publics disposent d’un budget raisonnablement prévisible. En matière de coopération, les pouvoirs publics sont en mesure de prendre des engagements, de signer des accords et d’entretenir des relations formant le cadre dans lequel s’inscrit cette coopération. Une coopération sur le long terme offre les meilleures perspectives de résultats durables et structurels ainsi que la garantie qu’ils seront conformes aux souhaits des deux parties (appropriation). De telles relations durables constituent en outre une base solide pour prendre avec les autres parties (États, organisations internationales, entreprises et ONG) des engagements clairs dont l’ensemble des parties tiennent compte (coordination). La coopération entre pouvoirs publics de différents États permet par ailleurs d’envisager un transfert de responsabilité, pour tout ce qui concerne les activités qu’elle génère, du pays contributeur vers le pays bénéficiaire, ce qui augmente également les chances d’obtenir des résultats structurels. Les pouvoirs publics locaux et les communes comptent eux aussi parmi les acteurs de la coopération, avec un important atout puisqu’ils peuvent échanger des connaissances spécifiques sur certains problèmes à leur niveau. Enfin, les activités entreprises ont l’avantage d’être reconnaissables tant par le contributeur que par le bénéficiaire : tous deux s’y sont explicitement engagés, ils peuvent garantir que les activités choisies correspondent à leur politique et que les citoyens des deux pays les reconnaîtront comme telles. La coopération peut ainsi bénéficier d’un soutien populaire. Les pouvoirs publics ont pour mission de faciliter la fourniture de biens publics mondiaux ou d’assurer leur mise à disposition. II.2.2 - - Limites des pouvoirs publics en tant qu’acteur Les capacités de mise en œuvre de l’une des deux parties, en particulier le pays le moins développé, sont par définition restreintes. Cela constitue un obstacle d’autant plus grand que le nombre des partenaires de la coopération et de leurs activités est important : la charge devient trop lourde pour les faibles capacités du partenaire concerné. L’insuffisance des capacités de gestion accroît en outre le risque de dilapidation ou d’affectation inefficace des moyens disponibles, de corruption et d’utilisation de l’aide à des fins politiques possiblement contraires aux objectifs visés. 22 - La contribution que peuvent apporter les pouvoirs publics à la résolution des problèmes mondiaux est entravée par le fait qu’ils défendent des intérêts avant tout nationaux et accordent une priorité moindre aux questions internationales. Les gouvernements possèdent dans certains cas une légitimité insuffisante, se préoccupent trop peu de l’intérêt public, favorisent certains groupes et restreignent les libertés. Le pouvoir étatique s’est pour une grande part déplacé vers la sphère mondiale, encore incontrôlable politiquement. On constate un transfert des compétences formelles et des responsabilités d’exécution de l’État vers les alliances continentales et des entités régionales ou locales (cf. chapitre V). II.3 Les institutions multilatérales et l’UE en tant qu’acteurs de la coopération internationale II.3.1 Plus-value potentielle des institutions multilatérales en tant qu’acteur - - - - - Les organisations multilatérales bénéficient d’une légitimité, d’un mandat clair et d’une structure basée sur des accords internationaux. Elles assument une fonction essentielle de plateforme pour la concertation internationale sur leurs terrains d’action, tels que le commerce international, la stabilité financière, la conjoncture agroalimentaire dans le monde, ou encore la biodiversité, le climat et la problématique énergétique. Elles peuvent contribuer à atteindre des objectifs communs, par exemple dans le domaine du maintien de la paix, en permettant la répartition des coûts et des risques entre les différents États. La coopération multilatérale offre aux pouvoirs publics nationaux et aux organisations internationales le cadre le plus adapté à une approche des thèmes mondiaux tels que la paix et la sécurité, l’ordre juridique, la stabilité financière internationale, l’équilibre des flux commerciaux, les questions sanitaires transfrontières, les ressources alimentaires, le climat et la biodiversité. Les organisations multilatérales ne servent au titre de leur mandat aucun intérêt politique national, et sont par conséquence moins accessibles à de telles préoccupations. Elles sont des enceintes particulièrement indiquées lorsque la neutralité politique est requise. Elles sont en mesure de développer, de favoriser et de diffuser l’expertise relative aux différents domaines de la coopération internationale, notamment l’éducation et la santé, dans lesquels elles excellent également à fournir une assistance technique aux États et à définir les normes de politique et de mise en œuvre. Enfin, les organisations multilatérales peuvent réaliser des activités à une échelle supérieure à celle que les capacités des États leur permettent d’atteindre individuellement. II.3.2 - - Limites des institutions multilatérales en tant qu’acteur Les organisations internationales sont parfois moins attentives aux sensibilités politiques nationales. Les intérêts institutionnels et financiers qu’elles représentent forment parfois un obstacle à la flexibilité et à l’efficacité des méthodes. Elles ont tendance à adopter une attitude technocratique au détriment d’une solution politique ou économique. Leurs modèles de gouvernance sont divers. Les organes des Nations unies se conforment au principe d’« un pays, une voix », tandis que la participation aux institutions financières internationales est fonction de la contribution financière : deux modèles qui possèdent chacun des avantages et des inconvénients. Procédant des relations internationales de l’après-guerre, la composition du Conseil de sécurité de l’ONU ne reflète plus, quant à elle, les rapports de force actuels. 23 - En 2011, Easterly et Williamson ont signalé que la transparence des agences de l’ONU et des organisations internationales était moindre que celle des donateurs bilatéraux, pour un coût global supérieur19. Complexe et fragmenté, le système multilatéral connaît des problèmes de coordination et un chevauchement des mandats. Malgré les éloges que recueillent certaines organisations pour la qualité de leurs programmes, l’action qu’elles mènent dans des conditions difficiles en faveur des plus démunis ou la rapidité de leur réponse aux besoins locaux, on ne peut ignorer les critiques qui en visent d’autres en raison de leur lenteur de réaction, de leur incapacité à venir en aide aux pauvres et du gaspillage de leurs moyens20. II.3.3 - - Plus-value potentielle de l’UE en tant qu’acteur L’UE coordonne, dirige et élabore des politiques. Le Programme pour le changement21, défini par l’Union pour adapter sa politique de développement, prévoit que la Commission concentre ses efforts sur deux piliers : (1) démocratie, droits de l’homme et bonne gouvernance, et (2) développement inclusif et durable. Il a également été décidé que la Commission continuerait de consacrer 20 % de ses dépenses à l’intégration sociale dans les pays en développement22 et au développement humain23, en particulier dans les secteurs sociaux. Les Pays-Bas ont apporté leur soutien à cette complémentarité24. L’influence de l’Union sur les gouvernements locaux se révèle parfois plus forte que celle exercée séparément par les États membres. De plus, en matière de coopération régionale, l’UE représente une plus-value particulière et un exemple pour les pays en développement. Pourtant, les programmes 19 W. Easterly, C.R. Williamson, Rhetoric versus Reality: The Best and Worst of Aid Agency Practices, World Development, vol. 39, p. 1930-1949, 2011. 20 DFID, Multilateral Aid Review Ensuring maximum value for money for UK aid through multilateral organisations, mars 2011. 21 Commission européenne, Accroître l’impact de la politique de développement de l’UE : un programme pour le changement, Bruxelles, 13 octobre 2011. Voir aussi : <http://www.dev-practitioners.eu/fileadmin/ Redaktion/Documents/Post-Busan_03_2012/agenda_for_change_en.pdf?PHPSESSID=f771204b2e3119 4c50904500b3aafbfc>, consulté le 29 octobre 2012. 22 L’intégration sociale recouvre le développement régional et l’intégration des pays en développement aux marchés mondiaux de sorte à impulser le commerce et les investissements et à concrétiser la paix et la stabilité. Cela implique par exemple le développement des secteurs privés locaux compétitifs, des investissements dans des fonds existants ou nouveaux, et des investissements privés nationaux ou étrangers dans les infrastructures (Commission européenne, Accroître l’impact de la politique de développement de l’UE : un programme pour le changement, 13 octobre 2011, p. 8). 23 Contribuer à la qualité de l’éducation et du système de santé, former les travailleurs conformément à la demande du marché, assurer la protection sociale et réduire l’inégalité des chances (Commission européenne, Accroître l’impact de la politique de développement de l’UE : un programme pour le changement, 13 octobre 2011, p. 7). 24 Dans la version annotée de l’ordre du jour de la réunion du Conseil des Affaires étrangères et de la Coopération au développement du 14 novembre 2011, le gouvernement néerlandais a indiqué qu’il approuvait cette complémentarité. 24 - - européens montrent dans ce domaine une insuffisance des capacités de mise en œuvre ainsi qu’une sous-utilisation des fonds25. L’Union européenne joue un rôle central en faveur de la cohérence des politiques de développement, déjà mentionné dans le traité de Maastricht de 1992, et dispose des instruments lui permettant de l’assumer. Il reste néanmoins nécessaire d’accorder une attention soutenue à la cohérence ainsi qu’aux conséquences de ses défaillances (en particulier pour les politiques en matière d’agriculture et de pêche), comme l’exige le document sur la cohérence des politiques pour le développement et l’établissement du cadre politique pour une approche « de toute l’Union26 ». Présence mondiale de l’UE, y compris dans les pays où les Pays-Bas ne sont pas activement représentés, les pays à faible revenu et tout particulièrement les États fragiles. II.3.4 - - - - - Limites de l’UE en tant qu’acteur En matière de coopération internationale, l’élaboration des politiques s’appuie dans une large mesure sur le consensus et les compromis. Bien que les priorités néerlandaises trouvent un écho certain dans les politiques de l’Union européenne, l’adéquation n’est jamais totale. En outre, les engagements pris au niveau politique ne sont pas juridiquement contraignants, ainsi qu’il en va du reste dans toutes les institutions multilatérales. Malgré des efforts répétés, les procédures appliquées par la Commission restent lentes, bureaucratiques, et divergent parfois selon les instruments de politique étrangère. Une situation en grande partie à mettre au compte des États membres, qui considèrent la prise de décision européenne comme un assemblage dans lequel chacun veut retrouver un aspect de ses propres pratiques nationales, ce qui aboutit à des procédures parfois encore plus contraignantes au niveau européen qu’au niveau national. La pléthore de procédures risque de nuire à une utilisation efficiente des moyens et de détourner l’attention des membres de la Commission des questions de fond de la coopération internationale. Cela peut avoir pour conséquence une efficacité moindre que prévu. Les Pays-Bas doivent agir en faveur de la poursuite du processus d’amélioration et de rationalisation des procédures et s’opposer aux modifications trop fréquentes. Les actuelles procédures décisionnelles de la Commission, en concertation avec les États membres (comitologie), ne contribuent pas toujours à une mise en œuvre flexible et efficace des moyens. Les réformes annoncées n’ont pas encore été lancées, en raison notamment des freins mis par les États membres eux-mêmes. Bien que le suivi et les évaluations aient été améliorés dans la pratique, l’observation des résultats et de l’impact reste imprécise. Les Pays-Bas doivent insister pour que cela progresse et que les moyens nécessaires à cet effet soient réservés au niveau central mais surtout local (délégations UE). Pour une étude approfondie des efforts de l’UE en matière de développement, se reporter à l’évaluation de l’IOB sur ce sujet27. 25 Cour des comptes européenne, Rapport spécial sur l’efficacité de l’appui du FED à l’intégration économique régionale en Afrique de l’Est et de l’Ouest, rapport spécial n o 18, 2009. 26 C(2009)458 final, 15 septembre 2009. 27 IOB, The Netherlands and the European Development Fund: Principles, practices, myths and merits, à paraître. 25 II.4 Les entreprises en tant qu’acteur de la coopération internationale II.4.1 Plus-value potentielle des entreprises en tant qu’acteur - - - Principales productrices de biens et de services, les entreprises sont de ce fait les acteurs majeurs en matière d’emploi, de revenus, de prospérité et de croissance économique. Elles peuvent par conséquent apporter une contribution réelle à la croissance durable, sous réserve du respect de certaines conditions. Institutions durables de la société, les entreprises doivent garantir leur existence dans des conditions de concurrence suffisantes. Elles génèrent et diffusent les innovations, les technologies et les connaissances. Une concurrence suffisante doit en principe assurer une utilisation efficiente et efficace de toutes les ressources, y compris la main d’œuvre. Les entreprises disposent de capacités financières pouvant être exploitées comme financements innovants dans le cadre de la coopération internationale. Les entreprises sont d’importants agents du changement : elles exercent une influence sur la société en modifiant les comportements des consommateurs par l’offre de nouveaux produits, le marketing et la publicité, et en participant activement à l’élaboration des politiques. Les entreprises pionnières sont conscientes de leur responsabilité sociale, qui dépasse la simple évocation de la citoyenneté d’entreprise. Elles sont de plus en plus nombreuses à percevoir qu’il s’agit de leur propre intérêt et à intégrer les principes de la durabilité à leurs méthodes de gestion. Il devient ainsi plus facile de permettre un renforcement réciproque entre les priorités du secteur privé, telles que la responsabilité sociale ou la sécurité de l’approvisionnement en matières premières, et celles des pouvoirs publics, par exemple la lutte contre la pauvreté, la protection de la biodiversité ou le développement du secteur privé local. En matière de durabilité climatique, les entreprises devancent largement les pouvoirs publics. Elles mettent au point - parfois en collaboration avec des ONG - des modèles inclusifs pour s’adresser aux pauvres, aux exclus et aux personnes ayant un pouvoir d’achat faible. Toutefois, de nombreuses entreprises doivent encore fournir un effort, comme le relève par exemple l’étude sur les PME réalisée par l’Organisation œcuménique pour la coopération au développement (ICCO)28. Les entreprises sont habituées à agir dans un contexte de marchés en constante évolution. Elles sont tenues de s’y adapter avec flexibilité et efficacité sous peine de disparaître. À leur échelle elles se développent en fonction des circonstances pour trouver les ressources conditionnant leur survie et favorisant leur rentabilité. Cela amène les plus avancées d’entre elles à mettre au point des technologies de la durabilité afin de lutter contre le transfert des coûts et de transformer cet inconvénient en avantage compétitif. Tandis que les entreprises internationales ont accès aux connaissances et aux techniques disponibles au niveau mondial, les entreprises locales connaissent les spécificités des marchés locaux, notamment en termes d’offre et de demande. 28 ICCO et TNS, Internationaal Maatschappelijk Verantwoord Ondernemen, De kansen en belemmeringen [La responsabilité sociale des entreprises à l’international, opportunités et obstacles], octobre 2012, consulter aussi <http://www.icco.nl/nl/participeer/sociaal-ondernemen/?CFID=11611222&CFTOKEN =549121 60>. 26 Dans ses avis précédents, l’AIV a déjà souligné l’importance des activités du secteur privé et de la création d’emploi dans la lutte contre la pauvreté29. La création de richesses, processus au cours duquel l’entreprise réalise non seulement des bénéfices mais aussi des objectifs sociaux, concrétise parfaitement la complémentarité entre acteurs. II.4.2 - - - - - Limites des entreprises en tant qu’acteur Le monde de l’entreprise vise un horizon à plus court terme que l’État et assume des responsabilités plus limitées. Il n’est pas directement responsable des objectifs sociaux à large portée ni des changements structurels. Cette tâche revient en premier lieu aux pouvoirs publics qui posent les cadres nécessaires, notamment dans les domaines du climat social, de la lutte contre la pauvreté et du partage des revenus. Les questions mondiales échappent également, à première vue, au champ d’action des entreprises, en particulier locales. Pourtant, celles-ci, mais aussi et surtout les multinationales, sont de plus en plus enclines à reconnaître qu’elles ont une responsabilité sociale et qu’elles se doivent de favoriser le développement durable et la justice sociale, au niveau national et international. (People-Planet-Profit, Inclusive Business Models). Au service de leurs propres intérêts, les entreprises ont pour objectif la réalisation de profits. Cela nécessite une définition stricte du rôle des acteurs concernés. Le souci d’alléger leurs charges fiscales pousse les entreprises, surtout internationales, à élaborer des dispositifs qui privent les pays développés et en développement d’importantes recettes30. Les entreprises s’établissent de préférence dans des pays où les conditions de production leur sont avantageuses, y compris en ce qui concerne les matières premières, la terre, l’eau, etc., et paient le prix nécessaire pour la main d’œuvre la plus qualifiée. Cela peut aggraver les inégalités de revenu entre pays, régions et villes, entre zones urbaines et zones rurales ou entre différents groupes sociaux. Une partie des coûts sociaux et écologiques n’est pas répercutée sur les consommateurs mais sur d’autres postes, ce qui n’est pas sans conséquence pour l’environnement. Les entreprises doivent rapidement saisir les chances qui s’offrent à elles et suivre les évolutions afin de ne pas être supplantées par leurs concurrentes. Cela crée une tension face à la réglementation et aux cadres d’action des pouvoirs publics. Les entreprises se soumettent toutefois aux règles à la condition que celles-ci garantissent une concurrence équitable et que le contrôle administratif soit bien effectué. De nombreuses entreprises font insuffisamment preuve de transparence en ce qui concerne leur politique en matière de RSE, leurs choix d’investissement, leurs modèles de risque, etc. La qualité des comptes rendus sur ces thèmes, qui diffère fortement d’une entreprise à l’autre, est globalement très insuffisante, comme le signale notamment l’Indice de transparence. 29 AIV, Private sector ontwikkeling en armoedebestrijding [Développement du secteur privé et lutte contre la pauvreté], avis no 50, La Haye, octobre 2006. 30 Certains estiment à 1 milliard de dollars par an le montant détourné illégalement des caisses des pays en développement (Global Financial Integrity), dont deux tiers par suite de l’évasion et de la fraude fiscales pratiquées par des acteurs financiers tirant profit des paradis fiscaux et des législations avantageuses. 27 II.5 Les ONG en tant qu’acteur de la coopération internationale II.5.1 Plus-value potentielle des ONG en tant qu’acteur L’OCDE mentionne comme atout principal des ONG le lien qu’elles établissent avec la société civile dans les pays en développement (cf. paragraphe III.6), ainsi que : - leur contribution à la prise de conscience des sociétés occidentales et à l’aide apportée par celles-ci aux processus de changement ; - la facilitation des mouvements sociaux mondiaux et le renforcement de la solidarité internationale ; - la création d’opportunités pour le changement politique au Nord, condition de relations internationales pacifiques et justes31. En outre, les ONG : - connaissent la situation locale et les problèmes existant dans les pays où elles sont actives ; - peuvent établir de bonnes relations avec les groupes locaux dont dépend la solution des problèmes ; - peuvent faire profiter de leur connaissance du contexte local et de leurs réseaux d’autres organisations du secteur privé ou public qui ne disposent souvent pas des mêmes atouts ; - sont particulièrement désignées pour entreprendre à petite échelle des activités politiquement sensibles auxquelles les pouvoirs publics, les entreprises ou les organisations internationales ne souhaitent pas contribuer ; - offrent, en tant que centres d’expertise et de recherche, des perspectives pour l’élaboration de nouvelles techniques et de nouveaux savoirs ainsi que pour l’engagement de partenariats avec d’autres organisations qui n’y ont pas encore accès ; - possèdent une valeur ajoutée intrinsèque compte tenu de leur capacité à effectuer des missions sociales à des coûts plus bas et de façon plus humaine que l’État ou le marché32 ; - ont, sur le long terme, une influence positive en matière de démocratisation dans les pays partenaires, parce qu’elles contribuent à mobiliser la société civile et encouragent les organisations partenaires à s’affranchir des pouvoirs publics, y compris en développant la levée de fonds auprès de particuliers et d’entreprises dans les pays en développement ; - peuvent, comme les entreprises, s’adapter avec davantage de souplesse aux circonstances mouvantes et réagir plus rapidement face aux catastrophes humanitaires que de nombreux acteurs étatiques ou multilatéraux, étant donné qu’elles ne sont liées par aucun traité dont la moindre modification est soumise à l’accord d’un grand nombre d’États et à des procédures de ratification, et conservent ainsi toutes leurs capacités d’adaptation ; - exercent, dans l’actuelle société de réseaux, une influence croissante sur la scène internationale ainsi que sur les politiques et les positions des États, les ONG internationales étant dans certains cas mieux à même que les pouvoirs publics d’influencer les processus internationaux (tels que l’ordre du jour du G20) par la concertation avec des représentants publics cruciaux. 31 OCDE-DAC, Valeur ajoutée des ONG du Nord à partir du rapport de Synthèse du Groupe consultatif sur la société civile et l’efficacité de l’aide, 2008. 32 Amati Etzioni, The Third Way to a Good Society, Londres, 2000: « because they can fulfill social missions at lower costs and with greater humanity than either the state or the market ». 28 II.5.2 - - - Limites des ONG en tant qu’acteur Certains problèmes dépassent les capacités individuelles des ONG et exigent, pour obtenir des résultats structurels, une approche à plus grande échelle, nationale ou internationale. En revanche, les ONG de stature internationale sont en mesure de recueillir l’expertise et de développer des stratégies en vue de résoudre des problèmes mondiaux et de mettre à profit les possibilités actuellement offertes à cet effet par les enceintes internationales. Certaines ONG, par exemple la Fondation Bill Gates, possèdent de tels moyens financiers qu’elles sont parfaitement capables de contribuer efficacement à la solution de problèmes à l’échelle mondiale, tout en veillant, comme tout donateur, à ne pas éclipser le budget public national. Les ONG connaissent diverses structures de comptabilité et manquent parfois de transparence. Il n’est pas toujours évident de déterminer à qui elles doivent rendre compte. Un fonctionnement insuffisamment transparent empêche de les considérer comme des représentants ou des interlocuteurs légitimes. Il est donc essentiel que les ONG rendent des comptes publics et complets. Les moyens financiers de nombreuses ONG sont limités et rarement prévisibles sur le long terme. Sans précaution préalable, la sujétion aux fonds privés et aux subventions peut nuire à l’indépendance des organisations. Pour éviter cette situation, les ONG peuvent préserver leur intégrité et leur autonomie politique en prenant des engagements avec leurs contributeurs concernant l’indépendance du choix des programmes et des pays où elles agissent, et en s’accordant avec leurs partenaires de coopération sur les possibilités de révision des programmes en cours en cas de pertes importantes de revenu ainsi que sur la budgétisation préalable des frais de personnel pour une durée de 3 ou 6 mois. II.6 Centres d’expertise et réseaux Institutions semi-gouvernementales, les centres d’expertise forment une catégorie à part possédant potentiellement une importante valeur ajoutée sous forme de réseaux internationaux, d’experts, de bases de données et d’analyses. L’approche par pays peut offrir un cadre permettant de déclencher de telles synergies. Les larges capacités d’analyse des centres d’expertise leur permettent de mieux identifier les liens transversaux entre les différents domaines et les tendances constatées dans les différents pays ou régions. Il est par conséquent fondamental que les Pays-Bas continuent d’investir dans l’expertise, la recherche, l’innovation et l’enseignement. Outre les études menées par les centres néerlandais, il faudrait s’intéresser au rôle que les instituts locaux peuvent jouer dans les pays en développement et à la manière dont ils peuvent coopérer avec d’autres acteurs sur place et au niveau international. Les innovations technologiques pour la communication et l’exploitation rapide et simple des connaissances et des expériences sont à cet effet primordiales. Le paragraphe III.5 se penchera sur l’intégration des centres d’expertise à des formes de coopération favorables aux synergies. 29 III Synergie : comment la combinaison des acteurs génère de la valeur ajoutée L’analyse ci-dessous sur la combinaison des acteurs montre qu’il est de plus en plus délicat de gérer – sans parler de modeler – les questions complexes et les relations plurilatérales composites qui en découlent. III.1 Coopération bilatérale intergouvernementale III.1.1 Modalités : projet, programme, aide budgétaire et plans pluriannuels À partir des années soixante-dix, la coopération bilatérale, axée sur la lutte contre la pauvreté et l’indépendance économique, a pris la forme de l’assistance technique et du soutien financier aux investissements en faveur du développement, principalement par l’intermédiaire de projets indépendants les uns des autres. Elle se décomposait en dons et en prêts concessionnels, ce dernier mode de financement étant à l’origine exclusivement destiné aux investissements en faveur du développement. Plus tard, le soutien technique et financier a quasiment toujours pris la forme de dons, à l’exception des crédits mixtes. En 1978, l’accent a été mis sur la cohérence entre ces deux formes d’aide et leur recentrage sur des thèmes spécifiques (appelés aussi secteurs). L’aide projet a progressivement cédé la place au financement pluriannuel de programmes. Puis, l’aide budgétaire s’est imposée, que le gouvernement du pays bénéficiaire pouvait utiliser librement dans les thèmes de son choix33, qui devaient toutefois correspondre aux priorités édictées par les Pays-Bas, comme le développement rural, les soins de santé primaires et l’enseignement. Les ambassades ont vu graduellement leur rôle se renforcer dans la détermination de la politique par pays et la concertation à ce sujet avec les autorités du pays en question. À cet effet, on leur a adjoint des experts thématiques, puis, parallèlement au transfert de compétences financières, du personnel administratif. La politique bilatérale déclinée par pays a finalement pris la forme de plans stratégiques pluriannuels (PSP), détaillant pour le moyen terme les thèmes de la coopération bilatérale, ses modalités, les montants concernés et les partenaires dans le pays bénéficiaire. Après le recalibrage de la politique étrangère et de développement en 1997, la responsabilité budgétaire de la coopération bilatérale a été confiée aux directions thématiques (et non plus aux directions par pays). La gestion des fonds de la politique thématique dans les pays partenaires a été déléguée aux ambassades néerlandaises, en complément de celle des moyens dédiés au soutien des balances de paiement et à l’allégement de dette. Les autres fonds (non délégués) ont été mis à la disposition des directions thématiques pour le financement de programmes mondiaux, impliquant d’autres pays que les seuls pays cibles. 33 Concernant l’utilité de l’aide budgétaire, voir le rapport de la direction de l’Évaluation de la politique et des opérations (IOB) du ministère néerlandais des Affaires étrangères, Begrotingssteun: resultaten onder voorwaarden [Aide budgétaire : résultats sous conditions], no 369, La Haye, 2012. 30 On constate depuis quelques années que des moyens relevant officiellement de la coopération bilatérale sont, dans la pratique, de plus en plus souvent versés à des organisations multilatérales ou des organisations de la société civile par l’intermédiaire des ambassades (cf. paragraphes II.1.1 et II.1.2). Cela s’explique par la multiplication des critiques, en provenance de la Chambre des représentants et des médias, sur le maintien de relations bilatérales avec des régimes répressifs. L’inconvénient, toutefois, est que le pouvoir d’influence du gouvernement néerlandais sur les régimes concernés s’en trouve diminué. Par ailleurs, les ambassades ont moins de contacts avec la société civile locale que les ONG internationales. Pays cibles L’attribution des budgets aux directions thématiques en 1997 va totalement à l’encontre de la politique des pays cibles poursuivie jusqu’alors, puisqu’une proportion croissante des fonds peut être affectée à des thèmes spécifiques partout dans le monde, y compris dans des pays autres que les pays cibles. Il est vrai que la liste de ces derniers a été sujette à de nombreux changements. Si les Pays-Bas axent au départ leur action sur leurs colonies (ou anciennes colonies), comme le Suriname, les Antilles et l’Indonésie, ainsi que sur le poids lourd économique qu’est l’Inde, en 1967 le ministre chargé de la Coopération, Berend Udink, ajoute neuf pays à cette liste : le Pakistan, le Soudan, la Tanzanie, le Kenya, l’Ouganda, le Nigéria, la Tunisie, la Colombie et le Pérou. Les critères de sélection sont les suivants : la lutte contre la pauvreté, l’intérêt économique propre, les relations historiques et la répartition géographique. Après l’adoption de la norme de 0,7 % et la hausse du budget consécutive, Jan Pronk porte le nombre de pays cibles à 18 (Note sur la coopération bilatérale au développement, 1976), les nouveaux-venus étant principalement situés en Amérique latine et en Afrique et ayant adopté une politique économique et sociale progressiste. Les principaux critères sont la pauvreté et le besoin d’aide étrangère, et le principe directeur la réponse aux besoins de base. Son successeur, Jan de Koning, supprime quatre pays de la liste, officiellement pour cause de manque de capacité de mise en œuvre au ministère et du fait d’un revenu par habitant trop élevé, mais des motifs d’ordre politique entrent également en jeu dans cette décision, notamment en ce qui concerne Cuba et la Jamaïque. Partisane d’un État plus compact et du primat de la politique macroéconomique, Eegje Schoo introduit une nouvelle distinction par programme (10 pays), région (25) et secteur (20), pour remplacer les 110 pays dans lesquels les Pays-Bas intervenaient jusqu’alors (Note sur la révision de la politique bilatérale, 1984). Les trois zones d’intervention sont l’Afrique australe, le Sahel et l’Amérique centrale. Son successeur, Piet Bukman, y rajoute les Andes, comprenant 5 pays. Au final, l’approche régionale se concentre sur un nombre restreint de pays dans les quatre zones désignées et, vers la fin des années quatre-vingt, une relation structurelle existe avec 27 pays. Beaucoup considèrent qu’une nouvelle ère s’ouvre pour la coopération au développement avec la chute du Mur de Berlin et la fin de la Guerre froide au début des années quatrevingt-dix. Les priorités s’étendent à cette époque à la notion de bonne gouvernance. Dans sa note « Un monde de différences » (1990), le ministre, Jan Pronk, rajoute trois régions à la liste, à savoir l’Afrique de l’Est, le Nil-Mer rouge et le Mékong. Quelques années plus tard, cependant, l’optimisme est balayé par le nombre croissant de conflits. Dans la nouvelle note sur la politique de développement de Jan Pronk, « Un monde en différend » (1993), les concepts de gestion des conflits et de stabilité politique occupent une place centrale. L’accent porte plus que jamais sur l’approche supranationale : la volonté de rechercher des solutions davantage dans une perspective régionale. Jusqu’en 1996, les 31 listes des pays cibles sont régulièrement révisées. Ainsi, 15 en sont supprimés en 1992 et, en 1994, une nouvelle répartition est introduite, qui distingue les pays habituels de coopération ou partie intégrante d’une région cible, ceux avec lesquels a été conclue une convention durable de développement, les pays en conflit ou en reconstruction et, enfin, les pays en transition. En 1996, le ministre supprime la liste de pays, car il désire mettre davantage en avant les objectifs concrets de la coopération au développement (sécurité alimentaire, réduction de la mortalité infantile, etc.). Les Pays-Bas entretiennent alors une relation structurelle avec 34 pays. Sous le mandat d’Eveline Herfkens, la distinction entre pays et thèmes est rétablie et le recentrage s’effectue au profit de l’aide budgétaire, une approche sous-tendue par le souhait d’encourager l’appropriation (ownership) des projets par le pays bénéficiaire. La ministre sélectionne 19 pays partenaires, auxquels s’ajoute une liste thématique de pays pouvant bénéficier d’une relation de coopération plus limitée (Évaluation interministérielle des politiques publiques, Efficacité et cohérence de la coopération au développement 20022003 (2002)). Au total, 51 pays sont concernés. Agnes van Ardenne fait disparaître cette distinction entre liste de pays partenaires et liste thématique (note « Un devoir réciproque », 2003) et les fait fusionner pour obtenir au final 36 pays partenaires. Si la moitié environ se trouve sur le continent africain, l’opération se traduit aussi par l’élargissement à de nouvelles régions comme les Balkans (Albanie, Bosnie-Herzégovine et Macédoine) et d’anciens États soviétiques (Mongolie, Géorgie, Arménie et Moldavie). Bert Koenders réduit à 33 le nombre de pays partenaires et opte pour les thèmes prioritaires États fragiles, croissance et répartition, égalité des droits pour les femmes, et environnement, énergie et changement climatique (note « Une obligation partagée », 2007). Suivant les conclusions et recommandations du rapport du Conseil scientifique de la politique gouvernementale (WRR), Ben Knapen apporte des modifications radicales à la liste (« Note sur les axes prioritaires de la coopération au développement », 2011), qui est diminuée de plus de la moitié et ne compte plus que 15 pays. Ces derniers sont importants soit en termes de lutte contre la pauvreté (OMD), soit pour les entreprises (pays à revenu intermédiaire), soit dans une optique de stabilité politique régionale (États fragiles). Les deux tiers d’entre eux sont situés en Afrique, et un tiers en Asie et au Moyen-Orient, l’Amérique latine ayant totalement disparu de la liste. Le canal de la société civile, celui des entreprises, ainsi que certains programmes et fonds centraux travaillent avec leurs propres listes de pays. Le nombre de thèmes stratégiques est limité à quatre : sécurité alimentaire, sécurité et ordre juridique, eau, et santé et droits reproductifs et sexuels. Enfin, le ministère se veut plus sélectif dans l’activation du canal multilatéral, dont il évaluera la pertinence et l’efficacité, sachant que la part de ce canal dans l’APD devrait en principe rester la même34. III.1.2 Politique des pays cibles Concentrer l’aide peut renforcer son efficacité en réduisant la fragmentation, comme le souligne la Déclaration de Paris, qui prône une meilleure division du travail entre donateurs. Toutefois, poussée à l’extrême, la concentration peut aussi nuire à la complémentarité. Aussi convient-il de se baser sur les indices de concentration et de fragmentation de l’OCDE afin de déterminer si les Pays-Bas peuvent jouer un rôle significatif dans un 34 A. van der Wiel et D.E. van Norren, Landenbeleid: meer realisme, minder idealisme [Politique par pays : plus de réalisme, moins d’idéalisme], dans W. Elbers, L. Schulpen, R. Visser (Eds.), De Hulp Voorbij? Op zoek naar internationale samenwerking [La fin de l’aide ? À la recherche de la coopération internationale], Amsterdam, décembre 2012, p. 116. 32 pays donné. Le dossier des biens publics mondiaux requiert une large implication de la part des Pays-Bas35. Opter pour un nombre trop réduit de pays risque d’entraîner des problèmes de mise en œuvre (dus au manque de capacité d’absorption ou à des circonstances politiques imprévues), tandis que modifier les listes de pays introduit un facteur d’incertitude dans la coopération. C’est pourquoi l’AIV est favorable à une politique de flexibilité, qui conjugue la recherche d’un certain degré de cohérence dans le programme au niveau national et la possibilité de déployer les programmes thématiques dans un grand nombre de pays à revenu intermédiaire ou faible. Une fois que la décision de s’engager avec un pays a été prise – au vu de ses besoins, des intérêts régionaux ou économiques ou des liens historiques –, l’ambassade doit favoriser une meilleure coopération entre les acteurs. À cette fin, le cadre bilatéral de la politique par pays reste déterminant. Citons à titre d’illustration les programmes d’eau potable axés sur la privatisation au Ghana et au Mozambique, dans le cadre desquels la société néerlandaise Vitens/Evides travaille avec des entreprises locales, les pouvoirs publics locaux, la Banque mondiale et des ONG (cf. III.4.2). Les plans stratégiques pluriannuels des postes doivent se fonder sur une analyse du pouvoir et du changement (power and change analysis) et peuvent servir de cadre subsidiaire d’évaluation a priori et a posteriori, tout en laissant une marge de flexibilité suffisante. III.1.3 Synergie entre la coopération bilatérale et les autres acteurs Dans la pratique, la coordination des efforts des différents acteurs de l’aide dans les pays cibles est quasiment restée lettre morte, à l’exception de la coopération multi-bilatérale et du cofinancement, qui ont permis l’engagement de moyens bilatéraux au profit de projets et programmes d’organisations multilatérales. La coopération avec les entreprises néerlandaises s’est concrétisée uniquement dans les cas où l’usage des fonds était subordonné à l’acquisition de biens et services néerlandais, ce qui ne s’appliquait qu’aux projets financés à l’aide de prêts concessionnels, de plus en plus rares, et à certains programmes spécifiques comme les crédits mixtes. La coopération avec les ONG n’a pas connu davantage de succès, ces dernières n’étant pas liées, pour leurs dépenses, aux principes formulés pour les programmes bilatéraux par pays. Les ONG ont même nettement préféré ne pas se laisser enfermer par les cadres de la coopération bilatérale. Le paragraphe sur le programme de cofinancement (III.6.2) décrit les efforts des ministres successifs pour renforcer la cohérence entre la coopération bilatérale et les interventions des ONG dans les pays cibles. III.2 Coopération avec les institutions multilatérales III.2.1 Les Pays-Bas et les institutions multilatérales Les Pays-Bas ont toujours fait un usage intensif des possibilités offertes par les organisations internationales. C’est même par elles que passait une grande partie des moyens dévolus à la coopération au développement dans les années soixante-dix, du fait du manque de capacités de mise en œuvre propres (jusqu’au milieu des années soixante, seuls le Suriname et l’Indonésie bénéficiaient d’une aide bilatérale). À l’époque, les organisations multilatérales ont donc permis de pallier le déficit de capacités dans un 35 AIV, Des mondes inégaux – Pauvreté, croissance, inégalités et le rôle de la coopération internationale, avis no 80, La Haye, octobre 2012. 33 contexte d’augmentation rapide de l’aide au développement. La part du canal multilatéral a depuis considérablement diminué et représente aujourd’hui moins de 30 % du budget total. À cela deux raisons : le renforcement des capacités de mise en œuvre de la coopération bilatérale au développement et l’entrée en scène des ONG par l’intermédiaire du programme de cofinancement (voir encadré au paragraphe III.6.2). Les organisations multilatérales ont malgré tout continué à jouer un rôle important, y compris du point de vue qualitatif, dans la politique néerlandaise de coopération au développement. Elles ont ainsi largement contribué à analyser et à résoudre les problèmes des pays en développement dans des domaines spécifiques comme la gestion macroéconomique et financière, le commerce international et la problématique de la dette. Elles ont donné aux pays concernés une voix au chapitre dans la détermination de la politique dans ces domaines. Aujourd’hui encore, il paraît de plus en plus évident qu’un rôle majeur leur est dévolu pour la résolution des problèmes mondiaux en matière de biodiversité, d’énergie, de ressources alimentaires et de climat. La structure du système des Nations unies Les organisations multilatérales vivent principalement grâce aux contributions volontaires des pays donateurs, dont les Pays-Bas, qui permettent de financer, via le budget général, les frais de structure et les programmes centraux. Les pays mettent en outre à disposition des moyens supplémentaires pour le financement de programmes et de projets spécifiques. Les organisations des Nations unies se répartissent en trois catégories : (1) les fonds et programmes de l’ONU, (2) les institutions bancaires et financières multilatérales, et (3) les organisations spécialisées. La première catégorie regroupe les organisations faisant officiellement partie intégrante de la structure centrale des Nations unies et soumises au principe un pays une voix. Les donateurs peuvent toutefois renforcer leur influence sur la politique d’une organisation donnée en versant des contributions volontaires plus importantes. Dans cette catégorie entrent notamment le PNUD, le FNUAP, l’UNICEF, le HCR et le PAM. La deuxième catégorie comprend les banques multilatérales et le FMI, les banques régionales de développement, ainsi que les fonds concessionnels IDA et FIDA, l’ensemble de ces acteurs pouvant accorder des prêts sous conditions (pour ce qui est des fonds, uniquement aux pays ou groupes cibles pauvres). Ils sont financés par les pays donateurs, parmi lesquels aujourd’hui de nombreux pays en développement, au moyen de contributions triennales dont le montant cumulé est déterminant pour le droit de vote. Pour les banques et le FMI, le droit de vote dépend de l’apport cumulé aux moyens propres, qui est en grande partie basé sur le poids du pays dans l’économie mondiale. La troisième catégorie englobe les organisations spécialisées, qui n’ont pas été créées en premier lieu dans un objectif de développement mais pour analyser et résoudre certains problèmes mondiaux, introduire des réglementations, des normes et des standards dans la coopération internationale et prodiguer de l’assistance technique sur ces terrains. Ce sont notamment la FAO, l’OMS, l’ONUDI, l’UNESCO, la CNUCED et les commissions régionales. III.2.2 Rapports entre les institutions multilatérales Les organisations multilatérales réfléchissent plus que jamais à la répartition des tâches et aux possibilités de coopération avec d’autres acteurs, notamment dans les efforts de résolution des problèmes mondiaux et la formulation de nouveaux objectifs de 34 développement. Elles sont conscientes que la pauvreté n’est plus l’apanage des pays les plus défavorisés mais se manifeste aussi dans les pays à revenu intermédiaire, ce qui élargit la problématique du développement et impose une approche axée sur la prise de mesures en matière de politique sociale, de droit et de législation dans les pays à revenu intermédiaire. Dans l’actuelle société de réseaux, les institutions multilatérales ont une tâche de plus en plus normative36 (cf. II.3.1 et ci-dessous). III.2.3 Institutions multilatérales, autres donateurs et acteurs locaux La valeur ajoutée des organisations multilatérales, telle que décrite dans le chapitre II, n’est pas un phénomène isolé mais le résultat de la coopération avec d’autres acteurs. Ainsi les pays peuvent-ils faire appel aux institutions financières internationales pour favoriser la stabilité financière et à l’OMS pour lancer et organiser des programmes de lutte contre les épidémies. Les gouvernements, comme les entreprises, peuvent se tourner vers l’OMC en vue de faire respecter les accords commerciaux, et les syndicats vers l’OIT afin de veiller au respect des normes relatives aux conditions de travail. Les ONG humanitaires peuvent quant à elles compter sur le HCR pour l’accueil des flux de réfugiés et, dans ce cadre, jouer leur propre rôle. Il revient aussi aux Nations unies de coordonner les interventions d’aide humanitaire et, à un rythme quinquennal, d’harmoniser la coopération entre l’ensemble des donateurs et les pouvoirs publics locaux. Dans les pays à revenu faible et intermédiaire qui connaissent la stabilité, les organisations multilatérales pourraient se concentrer sur une fonction de conseil et d’organisation37 et laisser les missions d’exécution à d’autres donateurs. C’est un point auquel les Pays-Bas sont attentifs lors de leur examen des plans stratégiques des organisations multilatérales, car il permet d’éviter la concurrence entre les organisations onusiennes et de toujours se laisser guider en priorité par les besoins locaux. En outre, les pays donateurs peuvent ainsi se partager les risques, tandis que les organisations humanitaires spécialisées ont la possibilité de déployer leur expertise et leurs capacités de façon coordonnée. Les organisations multilatérales peuvent aider à établir le soutien en faveur de l’implication des entreprises et des ONG dans la mise en œuvre des programmes. Dans les pays à faible revenu instables, les institutions des Nations unies jouent parfois le rôle de fournisseur de dernier recours en matière de services sociaux. L’action multilatérale requiert aussi bien une approche thématique qu’une intervention spécifique par pays. Si les instances onusiennes et les organisations internationales spécialisées sont les dépositaires par excellence de l’expertise thématique, sur le terrain la connaissance du pays et de la région est indispensable lors de l’action pour mettre en œuvre une approche intégrée, tenant compte des circonstances locales et régionales et en mesure de renforcer l’appropriation. Ce principe vaut, par exemple, pour un État fragile comme le Congo. Les organisations multilatérales présentes dans tous les pays ont sur ce point un rôle à jouer, à travers leur fonction de plateforme. De plus en plus, les organisations multilatérales seront appelées à apporter leur contribution aux nouvelles priorités qui exigent une approche internationale (comme la 36 Cf. AIV, Agenda du développement après 2015 : les objectifs du Millénaire en perspective, avis no 74, La Haye, avril 2011. 37 Ibid. 35 résolution des problèmes mondiaux) ; et elles seront jugées à l’aune de ce critère. La valeur ajoutée des organisations des Nations unies réside principalement dans leur légitimité démocratique (tous les pays y sont représentés), leur fonction de plateforme, le partage des risques, notamment dans les États fragiles, et l’effet multiplicateur de leur action. Elles peuvent en outre convaincre les pouvoirs publics locaux de l’intérêt d’impliquer les ONG et les entreprises dans la mise en œuvre des programmes. Grâce à leur perspective transnationale, les organisations multilatérales, et en particulier celles de portée régionale, peuvent avoir une plus-value au niveau régional. Par ailleurs, les rendez-vous multilatéraux comme le G20 prennent une importance croissante et vont même jusqu’à faire de l’ombre aux Nations unies. Ils ont certes moins de légitimité, mais davantage de pugnacité. Les pays émergents y auront un poids de plus en plus important. L’AIV estime que la mesure des performances individuelles des organisations multilatérales (telle que réalisée récemment par le ministère britannique du Développement international, le DFID38), doit obligatoirement s’accompagner d’une vision d’ensemble cohérente des donateurs sur le rôle de ces dernières et leur valeur ajoutée. Ce point fera l’objet d’avis futurs de l’AIV, comme indiqué dans le programme pour 2013. III.2.4 Coopération entre organisations multilatérales et ONG Des études confirment la hausse lente mais régulière de l’influence des organisations de la société civile au sein des Nations unies et qualifient les ONG de « troisième ONU », après celle des gouvernements et celle des secrétariats internationaux39. Cette évolution se traduit par l’élargissement du droit de parole des ONG lors des négociations multilatérales telles que le sommet de 2010 sur les OMD et la conférence Rio+20 de 2012. La question de leur influence réelle sur le résultat final reste cependant entière. L’organisation intergouvernementale UNITAID, qui achète des médicaments contre le sida, la tuberculose et le paludisme grâce à un financement innovant, constitue un exemple intéressant de coopération entre des institutions multilatérales, une ONG et des gouvernements. Une modique taxe aérienne est prélevée par un certain nombre de gouvernements et directement reversée à UNITAID, qui travaille sur le terrain avec l’OMS (définition des normes), l’UNICEF (achats), le Fonds mondial (financement) et la Fondation Gates (financement de la recherche). Il s’agit d’une forme de coopération Sud-Sud, un exemple qui mérite d’être suivi pour la réalisation d’autres OMD. Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (FMLSTP) est devenu une structure très importante dans laquelle coopèrent une multitude d’acteurs – organisations multilatérales, gouvernements, ONG et entreprises – aussi bien au niveau central qu’au sein d’un grand nombre de pays en développement. Il existe en matière de droits reproductifs et sexuels une alliance qui rassemble depuis longtemps déjà des intervenants comme le FNUAP, l’International Population Control Committee (IPCC) et Rutgers WPF, ainsi qu’une Coalition pour les produits de santé de la reproduction, regroupant le FNUAP, des ONG, des fondations et des donateurs bilatéraux. 38 DFID, Multilateral Aid Review Ensuring maximum value for money for UK aid through multilateral organisations, mars 2011. 39 O. Stokke, The UN and development from aid to cooperation, United Nations Intellectual History Projects, Bloomington, 2009. 36 III.2.5 Coopération entre les institutions multilatérales et les entreprises Les organisations multilatérales dans les domaines de la santé, de l’environnement, de l’agriculture et des ressources alimentaires ne cessent d’intensifier leur coopération avec les multinationales en vue de réaliser leurs programmes et de développer des normes internationales relatives aux médicaments, aux produits agricoles, aux conditions de travail ou encore à la consommation énergétique. C’est une évolution que les Pays-Bas appellent avec insistance au sein des conseils d’administration de ces organisations. Le sujet est sensible pour certains pays en développement. Ils doivent être disposés à transférer certaines missions à des tiers et à tenir compte de cette possibilité en amont par l’intermédiaire de stratégies d’entrée et de sortie. Des pays peuvent ainsi à un moment donné se charger de tâches remplies jusqu’alors par des organisations multilatérales, ou payer des services fournis par ces dernières. La synergie peut aussi naître des efforts des pouvoirs publics en faveur de l’application des conventions internationales des institutions multilatérales, comme les directives de l’OIT en matière de conditions de travail ou celles du PNUE dans le domaine de l’environnement. Le gouvernement peut ainsi encourager l’implication des organisations professionnelles (programmes pour le patronat et les syndicats) dans l’élaboration de conventions pertinentes. À cette fin, l’AIV recommande de favoriser la concertation systématique, au sein de l’appareil d’État, entre les personnes chargées de la conception de telles conventions multilatérales et celles chargées du développement et de la mise en œuvre d’instruments en faveur des entreprises. Les pouvoirs publics peuvent également stimuler la participation des institutions multilatérales à des PPP cofinancés par les Pays-Bas (cf. paragraphe III.4.3), sachant toutefois qu’en général les partenaires pertinents savent d’eux-mêmes établir les contacts utiles. L’État peut enfin tâcher de faire en sorte que les institutions multilatérales, par exemple la Banque mondiale, confient des missions à des entreprises néerlandaises, ce qui rejoint les intérêts des Pays-Bas40. Le placement de fonds fiduciaires à l’IFC, par exemple, peut nécessiter l’intervention de bureaux de conseil néerlandais, ce qui renforce l’expertise néerlandaise, susceptible d’être utile pour d’autres activités de développement. III.3 Coopération entre les États membres et l’Union européenne III.3.1 Complémentarité entre les coopérations au développement néerlandaise et européenne Dans son avis « Les Pays-Bas et la coopération au développement européenne41 », l’AIV souligne que les Pays-Bas doivent définir le rôle complémentaire de l’UE en fonction de leurs propres priorités, étant entendu que les États membres souhaiteront toujours jouer un rôle indépendant dans la coopération au développement. Le Conseil suggère que l’UE intervienne en tant que donateur principal dans ses domaines de compétence exclusive, comme le commerce international, mais pas obligatoirement sur tous les terrains. Il estime qu’il revient à l’UE, outre son rôle susmentionné dans la promotion de la démocratie, une mission spécifique concernant l’approche 3D dans les États fragiles, 40 Cf. Een Wereld in Beweging [Un monde en mouvement] du Groupe de travail de haut niveau sur le financement des exportations, juillet 2012. 41 AIV, Nederland en de Europese Ontwikkelingssamenwerking [Les Pays-Bas et la coopération au développement européenne], avis no 60, La Haye, mai 2008. 37 car elle a plus que toute autre institution multilatérale la capacité de relier les domaines d’action stratégiques entre eux et de conserver sa neutralité. Par ailleurs, l’Europe mise désormais davantage sur la synergie entre programmes humanitaires et programmes de développement. L’AIV propose que les Pays-Bas choisissent, à terme, de donner un rôle moteur à l’UE en matière de lutte contre la pauvreté dans les États fragiles, avec lesquels la coopération intergouvernementale est difficile et dont les institutions ne doivent pas être surchargées. Comme indiqué au paragraphe II.3.3, l’Union européenne se doit également d’assumer un rôle spécifique dans la coopération régionale. Les PaysBas doivent plaider pour le renforcement des capacités européennes en la matière et l’ouverture de représentations régionales de l’UE. III.3.2 Cohérence au sein de l’UE entre politique générale et de développement Outre l’aide, diverses politiques internes et externes de l’UE ont une grande influence sur les pays en développement (en matière par exemple de commerce, de climat, de sécurité alimentaire, d’agriculture et de climat d’investissement). Aussi le traité de Lisbonne (2009) mentionne-t-il la nécessité de tenir compte des pays en développement lors de l’élaboration et de la mise en œuvre de la politique européenne. L’UE et ses États membres ont décidé de renforcer l’efficacité de l’aide en favorisant la synergie et la cohérence entre la politique européenne et les objectifs de développement42. La politique au cœur de ce rapport, ancrée dans le traité de Maastricht (1992), a été précisée au début du nouveau millénaire, dans la perspective de la réalisation des OMD43. Ce rapport vise à favoriser la prise de conscience et le débat concernant l’impact de la politique européenne au sens large sur les pays en développement, et ce avec toutes les parties prenantes (instances européennes, gouvernements nationaux, organisations de la société civile). Renforcer la cohérence, l’efficacité et la visibilité dans le cadre du programme « L’Europe dans le monde44 » demande une grande implication politique. Cela passe par la prise de conscience de l’intérêt propre de l’Europe s’agissant du développement et de la réduction de la pauvreté. Le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) est l’instrument par excellence pour renforcer la cohérence au sein de l’UE ; il dispose à cet effet d’une force d’action potentiellement supérieure à celle de la Commission, puisqu’il peut en principe relier les différents domaines stratégiques européens. L’AIV recommande de miser sur la consolidation du rôle de la Haute représentante, Catherine Ashton, sur la cohérence et sur le renforcement des capacités de la division Questions mondiales du SEAE. 42 « Rapport de l’UE sur la cohérence des politiques pour le développement », Document de travail de la Commission 545, 2007. Voir : <http://ec.europa.eu/development/icenter/repository/Publication_ Coherence_DEF_fr.pdf>, consulté le 26 octobre 2012. 43 Communication de la Commission « Cohérence des politiques au service du développement – Accélérer la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement », COM(2005)134 final du 12 avril 2005, et conclusions du conseil Affaires générales et Relations extérieures (CAGRE) relatives aux objectifs du Millénaire pour le développement (Doc. 9266/05). 44 COM (2006) 278. 38 L’AIV suggère que les Pays-Bas accordent des financements à des ONG nationales et internationales et à des instituts de recherche afin qu’ils signalent et étudient, avec leurs partenaires dans les pays en développement, les incohérences entre les politiques européennes (par exemple entre politique commerciale et de développement) et proposent des solutions, notamment dans le cadre de la PAC et des accords de partenariat économique45 (APE). III.3.3 Le rôle de l’UE dans la coordination des donateurs La Commission européenne et les États membres ont mis en place l’initiative accélérée en vue d’aider les pays partenaires à répartir le travail entre les donateurs46 (2008), en se basant notamment sur des stratégies communes pluriannuelles et l’analyse des avantages comparatifs des donateurs. Le Code de conduite de l’UE sur la division du travail dans la politique de développement47 (2007) a posé le concept de complémentarité (cf. annexe IV), pour lequel il n’existe pas encore de définition reconnue au niveau international. Le Code de conduite souligne l’ordre des étapes à suivre, à savoir : analyser les expériences antérieures et s’en inspirer, formuler un mandat politique, établir des modalités opérationnelles appropriées et élaborer des systèmes de suivi efficaces. En 2004, les services d’évaluation de l’UE, réunis au sein du groupe EUHES48, ont mené six évaluations afin d’examiner l’application, dans la politique de développement européenne, des principes de coordination, de complémentarité et de cohérence (3C) consacrés par le traité de Maastricht. Les principales conclusions sont les suivantes : 1. Les États membres de l’UE reconnaissent de plus en plus l’importance de la cohérence des politiques pour le développement. 2. Bien que la coordination des initiatives des États membres sur le renforcement des capacités commerciales ait été améliorée, les effets sur la complémentarité et la cohérence restent limités du fait de l’absence d’approche européenne commune. 3. Les États membres ne parviennent pas à se mettre d’accord sur le sens et la mise en pratique du principe de complémentarité. Le manque de coordination empêche de prendre au niveau européen des accords contraignants pour l’ensemble des acteurs. 4. Le déficit de coordination, de complémentarité et de cohérence réduit l’impact des programmes d’aide humanitaire et de développement de l’UE, laissant inutilement les pays développement dépendre en grande partie de leurs sources d’aide humanitaire et financière. 45 Voir notamment K. van Hoestenberghe in Internationale Spectator, année 62, juin 2008 et L. Drieghe & J. Orbie, Internationale Spectator, année 62, février 2008. 46 OCDE-CAD, Initiative accélérée pour la division du travail, juin 2008, mise à jour décembre 2010. Voir : <http://www.oecd.org/dac/aideffectiveness/46836584.pdf> (en anglais), consulté le 29 octobre 2012. 47 Union européenne, Code de conduite sur la division du travail dans la politique de développement, Bruxelles, 28 février 2007. Voir : <http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2007:007 2:FIN:FR:PDF>, consulté le 29 octobre 2012. 48 EUHES est le groupe des responsables des services d’évaluation de la coopération au développement des États membres et de la Commission européenne (Services d’évaluation de l’Union européenne, Evaluating Co-ordination, Complementarity and Coherence in EU development policy: a synthesis, Triple C Evaluations, numéro 8, 2007, p. 11). 39 5. Un large soutien politique est nécessaire pour réaliser des progrès en matière de 3C. L’EUHES formule les recommandations suivantes : 1. La fragmentation institutionnelle au sein de l’UE entrave l’action commune en ce qui concerne les 3C et, par là, le renforcement de l’efficacité des efforts joints de la Commission et des États membres dans le domaine du développement. C’est pourquoi l’harmonisation européenne est nécessaire afin d’éviter les frictions répétées. 2. Il convient d’établir des cadres et des protocoles pour la coordination européenne, de fixer un agenda commun et de veiller à une mise en œuvre concertée des décisions par les États membres. 3. Les États membres doivent partager les meilleures pratiques et les enseignements tirés de l’expérience concernant l’intégration de la politique de développement. 4. Il faut étendre les possibilités de recherche et de formation afin de pouvoir effectuer des études de suivi et d’évaluation relatives aux processus et aux effets de la coordination institutionnelle sur la cohérence des politiques et la complémentarité au niveau européen. Pour ce qui est de la problématique des 3C, le rôle de pays partenaires tels que la Tanzanie, l’Inde et l’Afrique du Sud est important. Malheureusement, la pratique a peu évolué, du fait de la difficulté à mettre en place une véritable coopération au niveau politique entre les États membres, enclins à ne collaborer qu’avec les pays partageant les mêmes vues. La Commission remplit toutefois de plus en plus un rôle de coordination dans les domaines de l’énergie, de la démocratie et du soutien budgétaire. Et, sur le terrain, des exemples intéressants de systèmes de suivi communs sont signalés. Mais l’harmonisation au niveau central reste lente, comme en témoignent les négociations sur la mise en œuvre du cadre stratégique de l’UE en matière de sécurité alimentaire. La nouvelle structure de la Commission européenne et du SEAE permet de créer les conditions favorables à une action extérieure efficace de l’Union, principalement dans les pays en développement. En cette période de restriction des moyens, les Pays-Bas peuvent jouer un rôle de premier plan en s’engageant à cette fin aux côtés de la Commission et du SEAE, activement mais avec un esprit critique. Un tel engagement devrait avoir un important effet positif sur l’efficacité de la coopération européenne et la cohérence de la politique de l’UE. III.3.4 L’UE et les acteurs de la société civile L’appui de l’UE à la société civile dans les pays en développement est consigné dans l’Accord de partenariat de Cotonou. Dans sa communication sur le tracé d’une position commune pour l’après-2015, la Commission souligne l’importance des organisations de la société civile pour la cohésion sociale et le système démocratique. Leur participation aux processus politiques favorise une politique inclusive et efficace. Vu le contexte changeant dans lequel elles opèrent – qui se caractérise notamment par l’émergence de nouvelles formes d’action, moins structurées, des citoyens et des jeunes –, la Commission établit trois priorités : (1) appui aux efforts en faveur d’un environnement favorable (enabling environment) aux organisations de la société civile dans les pays partenaires ; (2) promotion d’une participation significative et structurée de ces organisations à la politique intérieure des pays partenaires, au cycle de programmation de l’UE et aux processus internationaux ; et (3) renforcement des capacités des organisations locales de la société civile aux fins de consolider l’efficacité de leur rôle en tant qu’acteur indépendant. En accord avec le souci de ciblage et de différenciation indiqué dans le « Programme pour 40 le changement », l’UE souhaite décliner ces priorités dans l’ensemble des instruments et des programmes de tous les secteurs de coopération avec des pays tiers. L’accent porte ici expressément sur l’action au niveau des pays. L’UE va ainsi davantage investir dans un dialogue axé sur les résultats et impliquant toutes les acteurs concernés : organisations de la société civile, mais aussi secteur privé, gouvernements partenaires, autorités locales, parlements et autres instances nationales. La Commission propose que l’UE et les États membres établissent par pays une feuille de route relative à la coopération avec les organisations de la société civile, en vue de renforcer l’impact, la prévisibilité et la visibilité des efforts européens, et de garantir la cohérence et la synergie. Il faudrait aligner ces feuilles de route, à propos desquelles les organisations de la société civile auront leur mot à dire, sur la programmation de l’aide européenne. Outre le soutien des organisations de la société civile au niveau des pays, l’UE apportera son appui aux organisations actives sur le plan international et axées sur la résolution des problèmes transnationaux et mondiaux. L’AIV estime que les Pays-Bas peuvent exercer une influence non négligeable sur le fonctionnement de ce programme. Ils disposent en effet d’un réseau d’organisations de la société civile fortement orientées vers l’international, en mesure de marquer de leur empreinte un programme européen en faveur de la société civile car (a) seuls six pays européens environ disposent d’un programme bien construit dans ce domaine (les ONG néerlandaises obtiennent des contrats européens et sont influentes à Bruxelles) et (b) elles agissent, par l’intermédiaire de leurs partenaires, dans des pays en développement dont l’UE soutient la société civile. Les priorités formulées par les ONG néerlandaises trouvent donc un écho bien au-delà de nos frontières. Enfin, ces ONG exercent des activités de lobbying soutenues et souvent très efficaces en faveur de dossiers importants pour les Pays-Bas comme la cohérence des politiques, l’efficacité de la politique européenne de développement, la paix et la sécurité, le commerce et la sécurité alimentaire. III.4 Synergie entre les entreprises et les autres acteurs III.4.1 Synergie entre les entreprises et entre ces dernières et les pouvoirs publics Nous avons indiqué plus haut comment l’État peut mobiliser et canaliser la valeur ajoutée des entreprises au profit de la coopération internationale, et comment il peut favoriser des modes de financement innovants. Dans le chapitre IV, l’AIV explorera les moyens de faire en sorte qu’aide et commerce se renforcent mutuellement, en prenant en compte les capacités de l’économie néerlandaise et l’annonce du nouveau fonds renouvelable à destination des PME. Si les entreprises sont en mesure de réaliser de grands projets d’infrastructures favorables au climat d’investissement, à la croissance économique ou à la prestation de services publics, les États peuvent les soutenir en combinant divers canaux d’intervention : coopération bilatérale et multilatérale (Banque mondiale), aide aux exportations et financement privé. La question de la liaison de l’aide est toujours présente dans ce contexte, mais elle n’entre pas dans le cadre du présent avis. Les partenariats public-privé (PPP) sont une forme de coopération en essor entre entreprises et pouvoirs publics. Des ONG y étant souvent également intégrées, les PPP sont décrits au paragraphe III.4.2 ci-dessous. Jouer sur la complémentarité peut aussi se traduire par l’engagement du dialogue avec les pouvoirs publics locaux sur certains aspects de la réglementation ou sur des 41 problèmes spécifiques entravant le climat des affaires. La mise en œuvre des projets en faveur du secteur privé offre de multiples occasions d’entamer une telle démarche, à condition, encore une fois, de disposer des capacités d’expertise nécessaires dans les postes. Il existe une concertation institutionnelle à La Haye entre le gouvernement et les instances chargées de l’application des instruments à destination des entreprises, comme la FMO, le CBI, le PUM, l’IDH, FNV Internationaal, CNV Mondiaal, le DECP, Agriprofocus et l’Agence NL. L’objectif est de favoriser l’échange de connaissances et d’expériences, ainsi que la synergie entre les activités. L’IOB travaille actuellement à une évaluation de l’instrumentaire en faveur du secteur privé, dont les conclusions entraîneront peut-être la révision de certains éléments. Il est important d’encourager les efforts d’harmonisation de ces différents instruments, tels qu’ils ont lieu au sein de la plateforme de développement du secteur privé. III.4.2 Synergie entre les entreprises et les organisations de la société civile Dans son avis no 80, « Des mondes inégaux - Pauvreté, croissance, inégalités et le rôle de la coopération internationale », l’AIV émet l’affirmation suivante : « La coopération des entreprises avec les ONG peut permettre de prévenir ou d’atténuer les effets négatifs et de renforcer les effets positifs [des activités commerciales]. Ces organisations, qui jouent un rôle de surveillance, sont elles aussi de plus en plus engagées dans des activités productives. Les contacts entre les deux secteurs sont nettement en train d’évoluer. Les ONG engagent le dialogue avec les grandes entreprises sur la durabilité et signent parfois des accords avec elles. Conscientes de l’influence des ONG sur leurs clients et leur réputation, les entreprises se montrent, quant à elles, plus réceptives. » Les ONG jouent un rôle toujours plus diversifié et complémentaire à l’égard des entreprises : partenariats, relations de coopération ponctuelles ou durables, fonctions de dialogue, de conseil et de contrôle. Les entreprises, qu’elles soient locales mais aussi et surtout internationales, sont de plus en plus enclines à reconnaître qu’elles ont une responsabilité sociale et qu’elles se doivent de favoriser le développement durable et la justice sociale, au niveau national et international. En vue de réaliser ces objectifs plus larges, elles devront précisément chercher une coopération prenant la forme de PPP avec les ONG, les pouvoirs publics locaux et les organisations internationales. Les différences culturelles et le manque de confiance réciproque peuvent être déroutants. Les entreprises se montrent parfois méfiantes face à des ONG coiffées de la double casquette de contrôleur et de partenaire, tandis que certaines ONG n’ont ni les connaissances ni l’expérience nécessaires pour entretenir une coopération fructueuse avec les entreprises. Par ailleurs, certains thèmes, comme la santé et les droits reproductifs et sexuels (SDRS), sont peu adaptés à la collaboration avec le secteur privé (même s’il en existe quelques exemples) et les pays où interviennent les ONG, tels que les États fragiles, ne sont pas toujours attrayants pour les entreprises. Les organisations internationales se montrent régulièrement critiques à l’égard des grosses entreprises qui opèrent dans le secteur minier ou l’agriculture à grande échelle dans les pays en développement. Toutefois, les entreprises et les ONG sont de plus en plus nombreuses à entamer le dialogue et à chercher – et trouver – ensemble des solutions. Le faisceau des considérations en jeu est propice à la complémentarité : recentrage du canal civilatéral sur les États fragiles et des entreprises sur les pays stables à revenu faible ou intermédiaire (voir chapitre IV). 42 Ces deux types d’acteurs ont chacun leur valeur ajoutée, présentées dans cet avis, qui se complètent : les entreprises apportent des capacités financières et économiques, ainsi que la continuité par l’intermédiaire d’activités rentables, du transfert de connaissances et de l’assistance technique. Les ONG fournissent quant à elles leur expertise en matière de développement social et institutionnel durable et leur connaissance des spécificités locales. De nos jours, elles participent de plus à l’élaboration de nouveaux modèles économiques, dont l’entrepreneuriat inclusif49. Il est donc très intéressant, pour les pouvoirs publics, de contribuer à jeter des ponts entre ces catégories d’acteurs. Déjà évoqués plus haut, les PPP sont l’un des principaux instruments conçus pour stimuler la synergie entre entreprises et ONG. Ils ont connu un essor notable suite à la signature de l’accord de Schokland en juin 2007 (qui a accordé 50 millions d’euros de financement public aux propositions innovantes faites conjointement par des entreprises et des ONG). Depuis, cette forme de coopération s’est affirmée et a été utilisée notamment dans les domaines de l’eau et de la nourriture, par exemple au Ghana et au Mozambique, où la société néerlandaise Vitens/Evides assiste les pouvoirs publics dans la fourniture d’eau potable. Les entreprises privées locales sont responsables de la mise en œuvre, tandis que les ONG étudient les besoins des usagers et s’attachent à favoriser leur implication sur le terrain. Il revient à l’État de fixer des règles pour la fourniture d’eau potable et de veiller à leur respect, et aux organisations internationales d’apporter conseils techniques et soutien financier lors des investissements matériels nécessaires. L’efficacité des PPP fait l’objet d’un nombre croissant d’études, qui permettent d’identifier les facteurs de succès. Il apparaît ainsi que les prestations du secteur privé coûtent en général davantage au consommateur et que les procédures utilisées par les pouvoirs publics restent trop complexes50. Un autre domaine qui a déjà profité de financements publics est celui des chaînes commerciales. Les supermarchés et grossistes néerlandais ont besoin d’un approvisionnement constant en produits de qualité, y compris en provenance des pays en développement. C’est pourquoi ils travaillent avec des ONG qui labellisent les produits issus du commerce équitable ou qui forment les petits agriculteurs et producteurs, les aident à s’organiser et veillent à qu’ils obtiennent un prix correct. Les Pays-Bas ont contribué financièrement à ce type de projets, notamment par l’intermédiaire du système de cofinancement (MSF) et du Programme d’investissement dans le secteur privé (PSI). L’Initiative pour le commerce durable (IDH), un PPP réunissant pouvoirs publics, entreprises et ONG, a ainsi reçu 100 millions d’euros pour contribuer à la lutte contre la pauvreté, à la protection de l’environnement et au commerce équitable dans un certain nombre de chaînes de produits. Au sein de la Plateforme néerlandaise pour la microfinance, les grandes banques du pays collaborent avec la FMO, Oikokredit et des ONG comme ICCO, Cordaid, Hivos et Oxfam-Novib. De nombreuses activités de ces partenaires sont cofinancées par l’État néerlandais. Si les sièges des diverses organisations aux Pays-Bas savent établir les contacts nécessaires entre eux, dans les pays en développement règne encore une grande ignorance concernant les activités réciproques, ce qui se traduit par un déficit de coopération et de coordination. Ici encore, le renforcement des capacités des 49 ICCO, Civil Society paper, septembre 2012. 50 P. Farlam, Working together: Assessing Public Private Partnerships in Africa, NEPAD Policy Focus Report, 2005. 43 ambassades semble le moyen le plus efficace pour rassembler toutes les parties et favoriser les synergies. En conclusion, l’AIV constate que la coopération entre les entreprises et les organisations de la société civile se renforce, en grande partie encouragée par les fonds publics qui y sont consacrés, ce qui plaide en faveur de la poursuite de cette politique. Il remarque également que la compréhension et le respect mutuel entre ces acteurs semblent s’accroître. III.4.3 Soutien par l’État de la valeur ajoutée des entreprises en tant qu’acteurs de la coopération au développement Suite à la redéfinition, évoquée plus haut, des canaux de l’aide, celui des entreprises représente, en 2013, 9 % du budget néerlandais total de la coopération au développement. 27 % des fonds concernés sont versés directement aux entreprises, le reste, dédié au renforcement du secteur privé local, passant pour 22 % par l’intermédiaire des institutions multilatérales comme l’IFC, pour 13 % par les organisations de la société civile, et, pour le reliquat, par la FMO, le CBI et, de plus en plus, par des PPP51. Au niveau international, une hausse exponentielle du financement public de parties privées est manifeste. Selon les estimations, les IFI auraient investi plus de 40 milliards de dollars dans le secteur privé en 2010, un montant qui devrait atteindre 100 milliards en 2015, soit presque le tiers des financements publics externes dans les pays en développement52. Tous les instruments financés par le budget de la coopération au développement ont pour objectifs le renforcement du secteur privé dans les pays en développement et la lutte contre la pauvreté. Les entreprises néerlandaises peuvent jouer un rôle en la matière, ce qui sera apprécié mais ne constitue nullement le but final de ces interventions53. Le soutien au secteur privé doit viser les entreprises, les pays, les secteurs et les projets qui ont les plus grandes difficultés d’accès au capital privé. Ce canal doit être choisi lorsqu’il permet d’obtenir les effets les plus prononcés à l’égard des pauvres. Il est souhaitable de l’utiliser pour des investissements qui créent des conditions favorables au climat des affaires : établissement de chambres de commerce, de systèmes juridiques opérationnels, de syndicats, etc. C’est seulement à ces conditions que le soutien aux entreprises a un sens. L’un des principaux apports des entreprises en tant qu’acteurs de la coopération internationale est leur capacité à mobiliser des moyens pour financer ou cofinancer de façon innovante des objectifs internationaux. Aussi l’État doit-il veiller à ce que sa 51 L’ensemble de l’instrumentaire à destination des entreprises est résumé dans la brochure « Van hulp naar investeren » [De l’aide vers l’investissement], publiée par l’État néerlandais en octobre 2011. La plupart de ces instruments sont financés grâce au budget de la coopération au développement. 52 EURODAD, Private profit for public good? Can investing in private companies deliver for the poor?, mai 2012. 53 Le rapport Een wereld in beweging [Un monde en mouvement], publié en juillet 2012 par le groupe de travail de haut niveau sur le financement des exportations, formule plusieurs recommandations quant aux programmes à destination des entreprises, dont ceux relevant du budget de la coopération au développement. Il vise, comme l’indiquent son titre et ses objectifs, l’accroissement des opportunités des entreprises néerlandaises et plaide pour une situation gagnant-gagnant. 44 propre contribution ait un effet de levier maximal. La part des subventions doit être juste assez élevée pour lancer l’activité envisagée ou renforcer les effets désirés. Elle est parfois nécessaire à la réalisation des objectifs gouvernementaux, quand le risque initial, prohibitif, entrave l’investissement malgré des perspectives de rentabilité dans le futur. Cette situation spécifique se produit en matière de biens publics mondiaux, d’activités commerciales innovantes et de développement local par le biais d’un PPP. Cependant, les règles de l’APD limitent parfois la marge de manœuvre s’agissant du dosage flexible des subventions. Dans la société complexe et en rapide mutation esquissée plus haut, les entreprises repèrent en général plus rapidement les opportunités que les pouvoirs publics. C’est pourquoi, pour profiter au maximum de leur dynamisme et de leur créativité, il est préférable d’utiliser des instruments axés sur la demande et s’inscrivant dans le cadre global de l’action en faveur du commerce et des investissements, plutôt que des programmes planifiés à l’avance. Plus les critères sont larges, plus les chances de sélectionner et de voir se réaliser des propositions intéressantes sont importantes. Ce principe peut toutefois s’inscrire en contradiction avec le souhait d’orienter plus systématiquement les programmes sur certains thèmes, pays ou groupes et de les relier à d’autres programmes (liste de pays de la coopération bilatérale) et aux exigences de l’APD. À l’instar du Parlement, du WRR et du SER, l’AIV estime que les entreprises bénéficiaires de fonds publics doivent au minimum appliquer les principes relatifs à la responsabilité sociale des entreprises dans un contexte international, basés sur les nouvelles directives de l’OCDE (y compris les principes de Ruggie)54. Il est préférable d’utiliser un cadre unique pour la RSE, qui englobe à la fois le commerce, les investissements et la coopération au développement, sachant que l’effet social doit primer. L’usage de définitions claires et l’application uniforme des directives internationales permettent de réduire le risque de confusion et la charge administrative chez les entreprises qui sollicitent un soutien public. Les règles doivent être appliquées de façon graduée, le degré de sévérité augmentant avec la taille du projet. L’obligation de rendre des comptes se traduit par un alourdissement de la charge administrative, qui peut conduire à une augmentation relativement importante des coûts pour les petites entreprises. C’est pourquoi l’AIV propose que les entreprises ne soient pas seules responsables des rapports sur la RSE mais qu’elles puissent aussi toujours compter sur la présence de suffisamment d’évaluateurs professionnels et fiables. Afin de limiter le risque de distorsion du marché, il importe de prendre en compte les règles du jeu convenues au sein de l’OCDE pour le financement des exportations. En 2006, l’AIV a recommandé d’éviter de fournir un soutien direct aux activités des entreprises sous la forme de subventions et d’y préférer des systèmes de garantie ou de financement55. Il faut noter qu’il est rarement question d’un marché parfait et qu’il est nécessaire de disposer d’un personnel qualifié, à La Haye et dans les ambassades, pour mettre en œuvre les méthodes d’analyse du risque de distorsion, quelles qu’elles soient. 54 ICCO, Civil Society paper, septembre 2012. 55 AIV, Private sector ontwikkeling en armoedebestrijding [Développement du secteur privé et lutte contre la pauvreté], avis no 50, La Haye, octobre 2006. 45 Récapitulatif des recommandations spécifiques : - favoriser la complémentarité entre, d’une part, les ONG, les centres d’expertise et les pouvoirs publics et, d’autre part, les entreprises, sans enfermer les propositions dans le cadre imposé par les autres acteurs de l’aide ; exploiter à cette fin les études d’évaluation des effets des PPP ; - encourager la coordination entre les acteurs dans les pays en développement, principalement en plaçant des spécialistes dans les ambassades et les organisations de mise en œuvre et en faisant davantage appel à l’expertise locale (ONG, entreprises, centres d’expertise) ; - éviter les charges administratives excessives en utilisant davantage les services d’experts – et en leur accordant la confiance nécessaire – pour l’évaluation et l’accompagnement des projets des entreprises. III.5 Synergie avec les centres d’expertise Sous l’influence des nouveaux médias, l’échange de connaissances avec les acteurs à l’étranger et avec les pays en développement revêtira une importance croissante. On constate également que les échanges Sud-Sud se multiplient. Il est crucial d’avoir une vue d’ensemble des personnes clés des centres d’expertise des pays non occidentaux, d’autant qu’elles occupent souvent également d’autres positions d’influence. Il est essentiel, en vue d’une meilleure exploitation des connaissances existantes, d’avoir accès aux résultats des recherches. L’Institut royal des Tropiques dispose ainsi de l’accès à d’importantes bases de données grâce à son large réseau mondial. Poser des questions ciblées ou diffuser des informations sur des études publiées peut en accroître l’accessibilité. À l’inverse, les centres d’expertise peuvent permettre un meilleur partage au niveau international des enseignements tirés des programmes néerlandais. Le décloisonnement des connaissances est grandement facilité par l’ouverture de l’accès aux archives et aux données, qui rend les informations disponibles pour tous et exploitables de façon efficace. Les bases sont ainsi posées pour la coopération entre centres d’expertise et avec les autres acteurs. Soulignons que la transparence (notamment par l’intermédiaire des données ouvertes) est une condition essentielle à la complémentarité : il est nécessaire de savoir ce que les autres parties font ou ont l’intention de faire pour engager des actions en conséquence et mesurer leur degré de complémentarité. Dans le cadre de la coopération internationale, l’AIV recommande d’explorer les possibilités d’impliquer les centres d’expertise dans les activités communes aux instances publiques et privées, par exemple les PPP. L’université de Wageningen, l’Institut agricole et économique et le NWP (Netherlands Water Partnership) sont ainsi des partenaires actifs sur les thèmes de l’eau et de la sécurité alimentaire. MVO Nederland est une plateforme pour la promotion de l’entrepreneuriat durable. Le 65e anniversaire du Centre d’études africaines (ASC) et du Netherlands Africa Business Council (NABC), que les deux institutions ont fêté conjointement en 2012, est un exemple réussi de coopération avec d’autres acteurs. Créées en même temps, les deux organisations s’étaient éloignées l’une de l’autre. La commémoration a été l’occasion d’un échange entre petites et grandes entreprises (Unilever, Shell et Heineken), institutions financières, centres d’expertise, ONG, pouvoirs publics et représentants de la diaspora, qui ont notamment abordé la question de l’intérêt croissant que les économies émergentes telles que la Chine, le Brésil et l’Inde portent au continent africain. L’ASC organise par ailleurs périodiquement des rencontres consacrées à un pays, durant lesquelles des 46 experts d’horizons divers partagent des informations. Le nombre d’acteurs impliqués dans le financement et la mise en œuvre des activités de développement dans les secteurs public et privé croît en effet rapidement, de même que le nombre d’accords de coopération. Autre exemple de coopération de longue date entre partenaires d’Afrique, des Caraïbes, du Pacifique et d’Europe, l’ECDPM (Centre européen de gestion des politiques de développement) met principalement l’accent sur la coopération régionale entre acteurs publics et privés, axée sur le renforcement de la pertinence et de l’efficacité de la politique internationale et de sa mise en œuvre. L’ECDPM soutient notamment la coopération de l’Union africaine, du NEPAD et du Programme détaillé de développement de l’agriculture africaine (CAADP) avec les organisations régionales, les groupements d’agriculteurs et le secteur privé sur les thèmes de l’agriculture, de l’intégration régionale et du commerce en vue de la sécurité alimentaire en Afrique. III.6 Synergie avec les organisations de la société civile III.6.1 Coopération civilatérale Nord-Sud Selon l’OCDE, en matière de coopération au développement, la valeur ajoutée des organisations de la société civile dans les pays occidentaux se situe principalement dans leur collaboration avec leurs homologues du Sud (ce que l’on appelle la coopération civilatérale). Les ONG sont par ailleurs particulièrement aptes à encourager la participation démocratique des organisations communautaires et la représentation des groupes marginalisés dans les processus de développement. Enfin, elles apportent connaissances et expertise en vue du renforcement des capacités56. L’influence de la société civile augmente régulièrement depuis le milieu des années quatre-vingt, non seulement parce que les États se heurtent à leurs propres limites dans leurs interventions en faveur du développement mais aussi parce qu’ils ont pris conscience qu’une société civile indépendante est une condition à la démocratisation et au développement des sociétés57. À l’heure actuelle, au niveau mondial, environ 30 % des fonds privés comme publics consacrés à la coopération au développement passent par l’intermédiaire des organisations de la société civile58. En matière de réglementation internationale, ces dernières ont accumulé des succès manifestes59. Dans de précédents avis, l’AIV s’est déjà penché sur les différents rôles des organisations de la société civile (lutte directe contre la pauvreté, développement social et lobbying) dans des contextes variés (États fragiles, pays à revenu intermédiaire) (voir les avis 56 OCDE-DAC, Valeur ajoutée des ONG du Nord à partir du rapport de synthèse du Groupe consultatif sur la société civile et l’efficacité de l’aide, 2008. 57 WRR, « Moins de prétention, plus d’ambition. la coopération au développement qui fait la différence », Amsterdam, 2010. 58 R. Riddel, Does foreign aid really work?, Oxford, 2007. 59 M. Edwards, Have NGO’s made a difference? From Manchester to Birmingham with an elephant in the room, in A. Bebbingtond, S. Hickey, & D. Mitlin, (Eds.) Can NGOs make a difference? The challenge of development alternatives, Londres, 2008. 47 « Des mondes inégaux60 » et « Cohérence de la coopération internationale61 »). Il y prévoyait qu’à l’avenir les organisations de la société civile relieraient de plus en plus leur travail dans les États fragiles, les économies émergentes et au niveau mondial avec l’organisation et la mobilisation d’une citoyenneté mondiale aux Pays-Bas. Le développement dépend en effet largement des relations commerciales internationales, de l’accès aux marchés financiers et de la possession des connaissances pertinentes ; c’est pourquoi la coopération internationale ne se joue pas uniquement à l’intérieur des frontières des pays mais toujours plus au niveau de la communauté internationale. Au sein des États, les organisations de la société civile jouent un rôle essentiel de soutien aux organisations citoyennes et aux processus sociaux, de défense des libertés, de promotion d’une gouvernance transparente et de redistribution des richesses dans les pays émergents. III.6.2 Mise à profit par les pouvoirs publics de la valeur ajoutée des ONG Les Pays-Bas connaissent une longue tradition de financement des organisations de la société civile par les pouvoirs publics. Ce faisant, ils reconnaissent la valeur ajoutée des ONG, la complémentarité de leurs activités avec celles d’autres acteurs et la synergie entre leur potentiel et celui de l’État. Dans un rapport récent sur le rôle des organisations de la société civile au niveau mondial62, l’IOB conclut à l’importance de maintenir une approche intégrée dans l’appui qui leur est apporté : il faut encourager l’engagement citoyen et les différentes formes d’auto-organisation, et les pouvoirs publics comme les autres acteurs doivent lutter contre les inégalités et les préjugés entre groupes sociaux. Il serait réducteur de qualifier de simple « sous-traitance » cette forme spécifique de complémentarité entre État et société civile par l’intermédiaire de financements publics. L’État néerlandais a des objectifs en matière notamment de droits de l’homme, d’aide d’urgence, d’état de droit et de santé et laisse d’autres parties (ONG néerlandaises et leurs partenaires) y contribuer de leur propre manière et dans le cadre de leurs propres objectifs, programmes et compétences. C’est la raison pour laquelle ces organisations apportent elles-mêmes en moyenne plus de la moitié du budget. Cette coopération permet en outre de renforcer l’implication de la société civile néerlandaise dans les efforts gouvernementaux. Il n’est pas sûr, cependant, que le mode actuel de subventionnement des organisations de la société civile soit tenable à long terme. Les derniers systèmes de cofinancement reposent en grande partie sur le principe d’égalité juridique. Les organisations de la société civile apportant leur contribution à la coopération au développement et accomplissant de ce fait un service public, il est important pour l’État que leur potentiel se développe autant que possible. Elles restent certes en premier lieu responsables du maintien de leurs fonctions vitales. Mais l’État a intérêt à identifier les missions publiques pertinentes complémentaires de sa propre politique et les moyens de les soutenir de façon adéquate et responsable. En principe, le droit d’obtenir une subvention est le même pour toutes les organisations qui en font la requête ; cela induit pour l’État des procédures de sélection complexes et des recours coûteux en temps qui constituent 60 AIV, Des mondes inégaux - Pauvreté, croissance, inégalités et le rôle de la coopération internationale, avis no 80, La Haye, octobre 2012. 61 AIV, Samenhang in Internationale samenwerking, [Cohérence de la coopération internationale], réaction au rapport du WRR « Moins de prétention, plus d’ambition », avis no 69, La Haye, mai 2010. 62 IOB, Civil Society, Aid and Development: a cross-country analysis, juin 2012. 48 autant de facteurs d’incertitude. Pour les organisations, ce système implique de nombreuses tracasseries administratives. Mais, plus grave encore, il laisse de côté la question de l’importance stratégique ou non des activités. En outre, l’État tente d’évaluer de façon uniforme des organisations très variées et incomparables entre elles, ce qui les amène à enserrer leurs programmes dans le même corset. En conséquence, non seulement les demandes se ressemblent de plus en plus, mais les ONG se disputent les mêmes terrains dans les mêmes pays, en usant de thèmes et de stratégies d’intervention similaires. Plus les différences entre les demandes de subventions se réduisent, plus il devient malaisé pour l’État de distinguer les écarts de qualité, ce qui alourdit les procédures de sélection et, surtout, accroît l’incertitude concernant leurs résultats. Il est concevable que la procédure conduise à accorder des subventions à un grand nombre d’organisations actives sur le terrain A, laissant de côté celles actives sur le terrain B alors que c’est là précisément que des gains en valeur ajoutée et en synergie sont réalisables. Courte histoire du cofinancement aux Pays-Bas Après le début de l’aide néerlandaise au développement en 1949 et suite à l’appel du président américain H. Truman, l’intérêt de la société pour la coopération au développement se développe63, y compris aux Pays-Bas. Ce mouvement conduit à la création de Novib en 1956, tandis que des organisations missionnaires comme CMC/Cebemo (catholique) et ICCO (protestante) axent toujours plus leur action vers la coopération au développement. En 1964, le gouvernement néerlandais décide pour la première fois d’accorder des moyens aux organisations de la société civile pour le cofinancement d’activités dans les pays en développement64. Deux ans plus tard, le ministère des Affaires étrangères constate déjà qu’il serait « inconcevable » d’envisager l’aide néerlandaise au développement sans l’apport de ces organisations65. En 1978, le gouvernement étend le financement public à une organisation partisane de l’humanisme laïque, HIVOS. Ces quatre – plus tard cinq – organisations se partagent jusqu’à la fin du XXe siècle un flux croissant de fonds publics dans le cadre du programme de cofinancement (MPF), selon un système de répartition qu’elles conçoivent elles-mêmes à compter de 1997. À côté de ce système sont créés au fil des ans des programmes spécifiques pour l’envoi d’experts66, le soutien aux syndicats67 et le financement de programmes municipaux de développement68. 63 Pour un aperçu, voir : Ontwikkelingssamenwerking in vogelvlucht, de feiten op een rij [La coopération au développement en bref, rappel des faits], NCDO, juin 2012. 64 Le concept de cofinancement ne se rapporte pas au cofinancement des organisations de la société civile mais à celui des programmes en direction du Sud. 65 P.P. Hoebink, Verschuivende Vensters: Veranderingen in het institutionele landschap van de Nederlandse Ontwikkelingssamenwerking [Horizons changeants : modification du paysage institutionnel de la coopération néerlandaise au développement], WRR, publication en ligne no 40, La Haye, janvier 2010. 66 Comme le PUM (Programme de détachement d’experts). 67 Programme géré par les fédérations syndicales CNV et FNV-Bondgenoten. 68 Par l’intermédiaire de l’Association des communes néerlandaises (VNG). 49 Le paysage et le mode de financement de la coopération au développement par l’intermédiaire des ONG subissent de sérieux bouleversements pendant la première décennie du XXIe siècle. Le monopole des quatre organisations de cofinancement est rompu en 1999, lorsque Mme Herfkens donne son accord à l’entrée dans le système de Foster Parents Plan Nederland. En 2001, un nouveau règlement sur les subventions remplace l’ancien, datant de 1980. Cette décision découle de la loi générale sur les procédures administratives, qui dispose que les subventions publiques sont ouvertes à tous les citoyens (et organisations) aux Pays-Bas69. En 2003, un nouveau cadre entre en vigueur permettant les candidatures ouvertes, ce qui aboutit à l’entrée de Terre des Hommes dans le programme de cofinancement. À ce dernier, au sein duquel six organisations oeuvrent à la lutte structurelle contre la pauvreté dans différents pays et continents, par l’intermédiaire de secteurs et de thèmes divers et à des niveaux variables (local, national et international), se juxtapose un programme de cofinancement thématique (TMF). Celui-ci vise les organisations qui, souvent mieux dotées en connaissances qu’en capital, se spécialisent sur des thèmes, régions ou groupes-cibles spécifiques. Lors des cycles de sélection successifs, 214 organisations au total, dont 100 situées à l’étranger, obtiennent une subvention. En 2007, suite à une décision de Mme Van Ardenne, le MPF et le TMF sont fondus dans un nouveau système de cofinancement (MFS). Sous ce nouveau régime, 59 organisations reçoivent des subventions, ce qui allège considérablement la charge de gestion du ministère des Affaires étrangères. Considérant que la fragmentation est trop grande, Bert Koenders décide cependant que les organisations doivent davantage coopérer. Il annonce en 2009 que le deuxième cycle de sélection MFS sera limité à 30 groupements ou organisations. Suite à une procédure d’attribution complexe, il apparaît que 21 groupements d’organisations de la société civile recevront une subvention à compter de 2011, ce qui réduit encore les charges administratives pour le ministère, ou, plus exactement, les transfère vers les porte-parole des groupements. L’AIV conseille de chercher les moyens – y compris le cofinancement – de continuer à favoriser les synergies entre pouvoirs publics et organisations de la société civile tout en évitant les inconvénients évoqués plus haut. Comme nous le verrons au chapitre IV, même dans le monde en mutation rapide que nous connaissons actuellement, certaines missions essentielles reviennent aux ONG et ne peuvent être remplies par d’autres acteurs : opérer dans les États fragiles et les zones de conflit, s’attacher à réduire les différences de revenus dans les pays à revenu intermédiaire, assurer une fonction de contrôle et favoriser l’émergence d’une citoyenneté mondiale en faveur des biens publics mondiaux. L’AIV a étudié les systèmes d’un certain nombre de donateurs partageant les mêmes vues et voit dans le modèle suédois d’appui aux ONG un bon exemple d’utilisation des caractéristiques propres des organisations de la société civile, qui évite les défauts de l’actuel système néerlandais. 69 WRR, Verschuivende Vensters: Veranderingen in het institutionele landschap van de Nederlandse Ontwikkelingssamenwerking [Horizons changeants : modification du paysage institutionnel de la coopération néerlandaise au développement], WRR, publication en ligne no 40, La Haye, janvier 2010, p. 76 (OPOP 2000:9). 50 Il s’agit en résumé d’un mode de financement plus stratégique, basé sur un système de subvention qui n’est pas générique mais axé au contraire sur l’activation de la valeur ajoutée spécifique que l’État considère d’importance stratégique. Le gouvernement consacre ses efforts à un nombre limité d’organisations pouvant, selon le contexte, faire partie d’alliances stratégiques constituées avec d’autres organisations et acteurs. Ces structures sont sélectionnées à l’aide de cadres stratégiques (comprenant les objectifs, le contexte et les thèmes centraux), à formuler pour les priorités de l’agenda de l’après-2015 et pour les rôles indiqués au chapitre VI du présent avis. Le développement de la société civile doit être reconnu comme un objectif à part entière méritant un cadre propre. Car il s’agit de renforcer la capacité d’expression et le droit de parole des citoyens, de garantir les droits et les libertés et de créer des contre-pouvoirs à la puissance étatique. Une fois la sélection des partenaires ou groupements stratégiques effectuée, un programme de financement est conçu en concertation, qui évite au maximum les conditions susceptibles de nuire à l’efficacité des acteurs ou d’augmenter inutilement les coûts de transaction. Cela requiert de réduire les charges administratives en mettant l’accent sur : (a) des plans globaux et stratégiques, (b) un suivi sur mesure, (c) des rapports d’activités riches et pertinents, (d) la transparence financière, et (e) des évaluations qui renforcent la capacité d’apprentissage. Dans un souci de continuité, il est souhaitable de conclure des accords pluriannuels - la Suède travaille sur des durées de 8 à 10 ans -, l’État conservant à intervalles périodiques la possibilité de mettre fin à la coopération en cas de prestations insuffisantes ou de l’adapter en fonction du contexte. En ce qui concerne l’évaluation des organisations, il doit être possible de se fier à un système de qualité éprouvé en externe et il faut éviter les doublons. Le souci de la représentation sociale et la place qui lui est accordée doivent garantir que les ONG participent à l’implication de la société. La communication en direction du public néerlandais doit davantage être axée sur l’avènement de la citoyenneté mondiale, et ne pas se limiter aux sujets liés à la collecte de fonds. La contribution financière propre peut varier par organisation, en fonction notamment du programme et de la disponibilité de financements privés. À côté de ce régime accessible à un nombre restreint de groupements stratégiques, l’État pourrait envisager de conserver un système pour les ONG qui mènent des activités qu’il souhaite soutenir dans des domaines pertinents mais qui ne s’inscrivent pas dans les groupements sélectionnés. En vue d’optimiser la synergie entre pouvoirs publics et ONG, et de ne pas limiter leur relation à celle de subventionneur-subventionné, il faut éviter de confier le processus de sélection et la gestion de cette relation à des parties totalement étrangères à la politique publique. La position des Pays-Bas dans un monde globalisé requiert un ministère des Affaires étrangères puissant et éclairé. L’adjonction du portefeuille Commerce extérieur (cf. IV.2), l’implication croissante en faveur de la paix, de la sécurité et de l’ordre juridique (cf. IV.1), ainsi que la réintroduction d’un second poste ministériel sont des pas dans la bonne direction et, à ce titre, bienvenus. 51 IV Interaction entre acteurs dans les pays à revenu faible et intermédiaire et dans les États fragiles en matière de biens publics mondiaux Thèmes stratégiques actuels Traditionnellement, la coopération au développement était axée sur le développement durable dans les pays à faible revenu. Comme signalé dans l’introduction, deux aspects sont venus s’y ajouter : la pauvreté dans les pays à revenu intermédiaire (avis no 80 de l’AIV : Des mondes inégaux) et la protection des BPM au niveau mondial (avis no 74 de l’AIV : Agenda du développement pour l’après-2015). Le présent chapitre s’ouvre sur la présentation de deux thèmes actuels de la politique gouvernementale : le budget de la sécurité internationale (paragraphe IV.1) et la cohérence entre politique commerciale et coopération au développement (paragraphe IV.2), deux thèmes offrant chacun des défis et des opportunités pour une politique intégrée et cohérente. Puis, aux paragraphes IV.3 et IV.4, la valeur ajoutée et la synergie des acteurs seront placées dans la perspective de la politique suivie dans les différents types de pays. IV.1 Budget structurel pour la sécurité internationale : l’approche intégrée Dans l’accord de coalition, le gouvernement a opté pour une approche intégrée des questions de sécurité et de stabilité. Les conflits complexes demandent en effet des interventions simultanées concernant la sécurité, l’ordre juridique, le renforcement des institutions et le développement économique et social. Dans le cadre de cette politique, présentée dans la note de 2005 « Reconstruction après un conflit armé70 », un montant de 250 millions d’euros a été débloqué pour la couverture des dépenses liées à la sécurité internationale pour la période 2014-2017. Dans un même temps, le budget de la Défense a été réduit de 250 millions d’euros et celui de la coopération au développement, dont la responsabilité incombe à la ministre du Commerce extérieur et de la Coopération au développement, en accord avec le ministre de la Défense, d’un milliard d’euros. Ces éléments seront repris dans le cadre d’action pour la sécurité internationale actuellement en cours de préparation. Dans le contexte des réductions affectant la Défense, le poste de 190 millions du budget interministériel de la coopération internationale réservé aux opérations de gestion de crise et qui servait à financer le déploiement opérationnel de ce ministère, disparaîtra en 2014. Il importe cependant que ce ministère, qui a renoncé à son budget opérationnel, continue à disposer de moyens suffisants pour ce type d’opérations dans les États fragiles mais aussi pour la défense des alliés des Pays-Bas. L’accord de coalition précise à cet égard (p.15) : « L’importance des opérations de paix et de gestion de crise pour les pays en développement est soulignée par l’institution d’un nouveau budget structurel pour la Sécurité internationale à hauteur de 250 millions d’euros, devant couvrir les dépenses dans ce domaine, qui aujourd’hui grèvent le budget de la Défense. ». L’exposé des motifs indique (p. 73) qu’« à compter de 2014, 0,25 milliard du budget de la Coopération au développement sera transféré à celui de la Sécurité internationale et utilisé par la Défense pour couvrir ses dépenses liées à la sécurité internationale. ». 70 Documents parlementaires 30075, no 1. 52 L’AIV constate que la création d’un budget à affectation large pour la sécurité internationale correspond à un choix purement politique et souligne l’importance d’une approche intégrée, comme le fait l’accord de coalition : « Lors des missions internationales dans les zones de conflit, la sécurité, le développement et la diplomatie doivent aller de pair. » Il convient de noter que la ligne de démarcation entre pays en développement et pays développés est de moins en moins nette : dans le monde arabe, une approche intégrée en matière de sécurité et d’ordre juridique est nécessaire, même si ces pays ne sont pas pauvres. La lettre à la Chambre « Axe prioritaire : sécurité et ordre juridique » aborde la dimension développement de cette approche71. L’accord de coalition poursuit : « La participation aux opérations internationales de gestion de crise exige la présence d’un mandat de droit international ou l’existence d’une situation d’urgence humanitaire. Les demandes seront évaluées à l’aune de notre responsabilité internationale et des intérêts nationaux. » En cas de participation à une opération de paix ou de gestion de crise, l’AIV conseille de consacrer une attention explicite, dans le cadre d’évaluation de la mission ainsi que dans la lettre à la Chambre la concernant (lettre exigée par l’article 100 de la Constitution), à la sécurité humaine et à la protection des civils en termes d’objectif, d’approche et de moyens. Une recommandation en ce sens a également été faite par la commission indépendante d’experts lors de l’évaluation de la participation néerlandaise à la mission de l’ISAF et il est prévu d’en tenir compte dans la révision du cadre d’évaluation de 2009. Ce document doit par ailleurs stipuler la mise en œuvre immédiate d’un suivi indépendant des victimes civiles et d’un rapport public à ce sujet72. IV.2 Cohérence entre politique commerciale et coopération au développement La volonté de réduire les entraves au commerce international et à une participation égale au système commercial, si elle n’est pas nouvelle, reste toutefois d’une grande importance. Cette volonté est cohérente avec la coopération au développement si l’on part de l’idée que la liberté des échanges commerciaux internationaux est en principe favorable à la croissance économique et au développement, ici comme là-bas, à condition de garantir à l’international une situation de concurrence équitable pour les pays pauvres et de veiller au niveau national à ce que la valeur ajoutée du commerce ne profite pas qu’à un groupe restreint. Les inégalités se sont en effet énormément accrues dans un grand nombre d’économies émergentes. Sans faire des relations d’investissement un thème de réflexion distinct, il importe néanmoins de les aborder sous le chapitre « commerce », car elles donnent en général naissance à des flux commerciaux et ont un fort impact sur la société. Il est donc souhaitable de rechercher la synergie entre cet impact et les efforts déployés dans le cadre de l’aide au développement. De plus, les investissements sont des activités concernant un type d’acteurs (les entreprises), n’intervenant à part entière nulle part ailleurs dans le débat. Le terme de commerce doit donc être interprété comme « relations commerciales ». Il semble également intéressant d’étudier comment les succursales des entreprises néerlandaises présentes dans les pays (par exemple les banques) pourraient influer plus directement sur les objectifs de la coopération internationale. 71 Lettre à la Chambre du secrétaire d’État aux Affaires étrangères, référence EFV-190/201, La Haye, 21 mai 2012. 72 Ibid. 53 En relation étroite avec les négociations engagées dans le cadre de l’OMC sur la libéralisation du commerce, les programmes d’aide au commerce visent la garantie d’une concurrence équitable73. Après l’échec de la réunion ministérielle de Cacun – les États-Unis et l’UE ayant refusé de mettre fin au protectionnisme en matière de produits agricoles –, ces programmes ont considérablement contribué à assurer la participation des pays en développement aux négociations. Cela n’a cependant pas empêché le nonaboutissement du cycle de Doha, dû à nouveau à l’incapacité de parvenir à un accord sur l’ouverture des marchés industriels et agricoles et sur les garanties aux investisseurs étrangers. La contribution des grands donateurs aux programmes d’aide au commerce a certes augmenté de façon spectaculaire, mais elle reste étroitement liée à leurs intérêts économiques propres. Pour ses partisans, l’aide au commerce est le moyen de faire évoluer les rapports avec les pays plus développés du niveau de l’aide pure et simple vers celui de relations professionnelles profitant aux deux parties. Certaines analyses sont cependant plus sceptiques à cet égard : une étude de 2011 affirme que la Banque européenne d’investissement consacre des milliards d’euros à de grands projets d’infrastructures et d’exploitation minière qui sont mis en œuvre par des entreprises européennes ne répondant pas aux critères de l’aide au développement74. L’AIV estime que l’aide au développement est un outil certes utile, mais qui mérite un regard critique. Le terrain de la cohérence s’étend aussi à des sujets tels que la lutte contre la fraude fiscale et la corruption, la durabilité de la politique des matières premières, la prévention de l’accaparement des terres et la viabilité des chaînes de production. À cela s’ajoute que le développement économique nécessitant un climat favorable, il faudra investir dans un état de droit stable, l’éducation et la santé75. Il importe par ailleurs de veiller à la cohérence avec la politique d’investissement. Chaîne d’importation Sur ce plan, les possibilités de synergie sont considérables. Partenaire commercial majeur de nombreux pays en développement, les Pays-Bas leur donnent accès à l’UE. Les entreprises commerciales néerlandaises opérant sur le marché international, nombreuses, occupent en général – notamment du fait de la présence aux Pays-Bas de centres d’expertise de réputation mondiale, de consommateurs de plus en plus critiques et responsables et de l’action d’ONG travaillant à l’instauration de labels de qualité – une position d’avant-garde en matière de durabilité de chaînes commerciales entières. Les pouvoirs publics peuvent favoriser cette synergie de plusieurs façons : 73 OCDE, Vaincre la pauvreté grâce au commerce : quel rôle pour l’aide pour le commerce, 2009 : « [...] La communauté internationale est convenue d’intensifier et d’améliorer l’aide pour le commerce afin d’aider les pays en développement, en particulier les moins avancés, à se doter des capacités d’offre et des infrastructures commerciales requises pour renforcer leurs échanges et tirer profit de leur intégration dans l’économie mondiale. L’aide pour le commerce est un outil conçu pour associer des mesures d’aide et de politique commerciale au sein d’une stratégie cohérente visant à élever les niveaux de vie et à faire refluer la pauvreté. » 74 M. Langan, J. Scott, The false promise of Aid for Trade, Brooks World Poverty Institute, université de Manchester, décembre 2011. 75 Voir Conseil économique et social (SER), Ontwikkeling door Duurzaam Ondernemen [L’entrepreneuriat durable, moteur du développement], septembre 2011. 54 - - en soutenant les entreprises et les ONG, ici et là-bas, qui œuvrent à la durabilité des chaînes commerciales comme celles du vêtement, de l’agro-alimentaire et des matières premières ; le nouveau portail pour les PME en est un bon exemple76 ; en privilégiant l’atténuation des risques et en favorisant le financement local des investissements des entreprises locales et néerlandaises axés sur une production durable de qualité (avec labels à l’appui) la rendant éligible à l’importation par l’UE ; en imposant les normes de l’OCDE relatives à la responsabilité sociale des entreprises à l’international (cf. paragraphe III.4.3) ainsi que des conditions quant à la tangibilité de l’impact sur le développement (fiscalité, emploi, renforcement des PME locales, niveau des salaires, situation des travailleurs féminins) à toutes les entreprises recevant des subventions, y compris dans le cadre du fonds renouvelable (atténuation des risques) ; en aidant les exportateurs des pays en développement à répondre aux conditions d’importation de l’UE (avec l’appui par exemple du Programme de détachement d’experts (PUM), de l’Initiative pour le commerce durable (IDH), et du Centre de promotion des importations en provenance des pays en développement (CBI)). Exportation de biens, de services et de connaissances Sur le plan des exportations, le financement joue un rôle prépondérant. En juillet 2012, le groupe de travail de haut niveau Financement des exportations77 a signalé certaines évolutions dans ce domaine, qui ne sont pas sans conséquence pour la coopération au développement. Les pays en développement s’adressent à différents donateurs afin de trouver le financement le plus avantageux pour leurs projets d’investissement publics. Si les Pays-Bas sont systématiquement exclus des projets d’investissement par de nouveaux donateurs qui ne s’estiment pas liés par les engagements de l’OCDE, leur présence au niveau local s’en trouvera réduite et, par là, la perspective d’établir progressivement avec ces pays des relations économiques professionnelles. S’agissant des possibilités de synergie entre la coopération au développement et le financement des exportations, l’AIV fait observer que toutes les activités financées par le budget dédié au développement doivent présenter un intérêt en termes de développement ou de coopération internationale. Il n’est toutefois pas impossible de respecter ce principe tout en faisant intervenir des entreprises néerlandaises afin que s’établisse progressivement un nouveau lien, de l’ordre de la relation commerciale, entre le pays concerné et les Pays-Bas. Pour ce faire, on peut par exemple : - prendre en compte les possibilités des entreprises néerlandaises lors de la définition des programmes et de la sélection des pays et des thèmes ; - fixer les cadres d’action des programmes axés sur la demande en ménageant une marge de flexibilité afin d’obtenir une offre suffisamment large de propositions de la part des entreprises néerlandaises et de permettre la sélection de celles étant le mieux adaptées aux objectifs de la politique de développement ; voir le paragraphe III.4.3 du présent avis pour la définition de programmes faisant intervenir les entreprises. 76 Une initiative de Partos (association professionnelle des organisations privées actives dans la coopération internationale) et de la confédération des employeurs néerlandais (VNO-NCW) en collaboration avec l’État. 77 Le rapport Een wereld in beweging [Un monde en mouvement], publié en juillet 2012 par le groupe de travail de haut niveau Financement des exportations, formule plusieurs recommandations quant aux programmes de financement concernés et évoque à cet égard ceux relevant du budget de la coopération au développement. 55 Diplomatie économique Les missions économiques constituent un bon moyen de favoriser les relations commerciales et d’investissement entre les entreprises néerlandaises et locales et de générer des propositions pour les différents programmes de développement des entreprises cités dans le présent avis. Il est essentiel à cet égard que tous les participants, néerlandais et locaux, aient bien pris connaissance tant des objectifs que des conditions de ces programmes. Lors de la préparation des missions commerciales, il conviendrait d’aborder les thèmes et problèmes pertinents en termes de développement concernant les droits de l’homme et la responsabilité sociale des entreprises dans le pays concerné. Les ONG présentes sur place peuvent apporter leur contribution à cet égard. Il est également souhaitable d’inscrire au programme de la mission une visite concernant un programme de développement pertinent ou une entreprise constituant un bon exemple d’entrepreneuriat responsable et, si possible, d’organiser une rencontre avec des militants des droits de l’homme. Dans la ligne de la conclusion principale du présent avis – selon laquelle la réalité est trop complexe pour se laisser gérer par des règles et des plans conçus à l’avance – l’AIV plaide pour le placement dans les postes d’experts qui disposent d’une profonde connaissance de la coopération internationale et soient bien au fait des possibilités des entreprises locales et néerlandaises, pour être ainsi capables d’exploiter avec flexibilité les opportunités qui se présentent. Il importe de leur accorder le temps nécessaire pour bien se familiariser avec la matière et de prévoir des sessions régulières de formation. Ils peuvent être rémunérés à l’aide des moyens réservés à la diplomatie économique. Enfin, l’AIV recommande en vue d’aider la réflexion, de sélectionner un pays partenaire dont la situation soit représentative des conflits ou, au contraire, de la synergie résultant des activités économiques et de la coopération au développement ; toutes les parties prenantes possibles pourraient alors être invitées à s’exprimer sur les opportunités et les défis spécifiques au pays concerné. Aux pouvoirs publics incomberait ensuite la charge de faciliter l’échange de connaissance et de mettre celle-ci à la disposition des nouveaux arrivants. Fonds au profit des PME Suite à la décision du nouveau gouvernement de créer un fonds renouvelable, l’AIV fait, dans la ligne du présent avis, les recommandations suivantes : - Il est souhaitable d’axer le fonds sur les pays, entreprises, secteurs et projets qui se voient refuser l’accès au capital privé du fait de leur profil risque-rendement commercialement peu attrayant mais qui en matière de croissance favorable aux pauvres obtiennent les meilleurs résultats (accroissement des recettes fiscales, emploi, consolidation des PME locales, niveau de salaire suffisant, renforcement du statut des travailleurs féminins). - Il importe de développer des outils de financement flexibles (garanties, capitalrisque, prêts avec éléments de subvention flexibles, éventuellement subventions pour les composantes de projet à vocation non commerciale). Ceci, conformément aux recommandations de l’AIV dans son avis no 50 d’octobre 2006 : Private Sector Ontwikkeling en armoedebestrijding [Développement du secteur privé et lutte contre la pauvreté]. Les risques et les chances de succès doivent être évalués par des experts. - Le fonds pourra ainsi, et c’est là sa vocation, encourager la mobilisation d’investissements ou de financements supplémentaires par les entreprises. Il doit avoir un important effet de levier (exigences de concordance) : chaque euro accordé 56 par le fonds doit générer plusieurs euros d’investissement (peut-être à différentes reprises, d’où le terme de renouvelable). - Le fonds doit être en premier lieu axé sur la demande, c’est-à-dire répondre aux souhaits des PME actives dans les pays en développement. Il est destiné aux PME locales comme néerlandaises déployant des activités dans ces pays, étant entendu qu’une PME locale devra travailler avec des partenaires néeerlandais et inversement. - L’AIV estime que toutes les propositions doivent être évaluées à l’aune des objectifs de développement. Il convient de préciser à cet égard que seuls 25 % de l’aide fournie au secteur privé par l’UE ou la Banque mondiale profitent à des entreprises établies dans les pays en développement78. On peut également envisager d’externaliser le fonds auprès de formes de coopération telles que le Fair Trade Fonds de la Triodos bank. Il convient de faire en sorte que les PME se fassent une place au sein des chaînes internationales, régionales ou locales et de consacrer une attention suffisante à leur accès au financement en renforçant leurs capacités à obtenir des prêts ou en se portant garant de prêts à risques. - La conformité aux objectifs de développement ainsi que la complémentarité, la cohérence et la synergie avec d’autres activités déployées par les Pays-Bas doit être garantie 1) par un cadre d’action bien défini (pays, thèmes, volume du projet, etc.), 2) par une liste de critères d’évaluation publiés à l’avance (par exemple création d’emplois, impact sur la chaîne, conformité à la politique des autorités locales), 3) par la conformité avérée aux principes de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) à l’international, comme prévu au paragraphe III.4.3. Le pilotage pourrait s’appuyer sur les scores obtenus, des points supplémentaires étant attribués pour les aspects à priorité élevée, par exemple les États fragiles. Pour l’AIV, il est souhaitable que le cadre d’action ne soit pas restreint, de façon à pouvoir puiser dans une large offre d’initiatives de qualité de la part des PME néerlandaises. - Pour les PME, le fonds ne présente un avantage par rapport au financement bancaire que s’il accepte les risques liés aux activités dans les pays en développement, a fortiori lorsqu’il s’agit de petits projets innovants. Il n’est pas question de répercuter ces risques sur les investisseurs étrangers par le biais de garanties. Les politiques doivent accepter que le fonds ait chaque année un certain taux de perte qui conduira à terme à son épuisement, ou bien adopter parallèlement un budget annuel de subvention pour couvrir les risques, les coûts de mise en route et les composantes non commerciales mais indispensables du projet. - Les rapports sur les projets d’investissement cofinancés présentés par les acteurs financiers doivent répondre à des exigences élevées, le cas échéant conformément à la Charte de transparence pour les institutions financières. Toutes ces mesures entraînent nécessairement un alourdissement des charges administratives, qui ne peut être maîtrisé que grâce à un cadre de mise en œuvre bien pensé et suffisamment flexible, bénéficiant de la confiance des pouvoirs publics. 78 « Only 25% of all companies supported by the EIB and IFC were domiciled in low-income countries. Almost half goes to support companies based in OECD countries and tax havens. (…) This cast doubt on whether IFI’s are succeeding in channelling their financial support to the most credit-constrained companies in the world’s poorest countries: instead, they appear to be simply following market trends. » Voir J. Kwakkenbos, Private profit for public good? Can investing in private companies deliver for the poor?, Réseau européen sur la dette et le développement (Eurodad), mai 2012, p. 5. 57 IV.3 Sélection des acteurs chargés d’aspects particuliers de la coopération internationale L’AIV conseille de définir la stratégie en matière de complémentarité en répondant à deux questions stratégiques : - Quels acteurs possèdent la plus-value et la force d’innovation nécessaires pour fournir une contribution stratégique à la mise en œuvre efficace du futur programme de coopération internationale ? - Comment les pouvoirs publics peuvent-ils offrir les conditions et le soutien permettant à ces acteurs de réaliser leur contribution particulière ? Pour répondre à la demande d’avis, l’AIV a recherché sur quels systèmes s’appuient les donateurs, principalement ceux partageant les mêmes vues, pour déterminer à quels acteurs ils doivent faire appel, dans quelle proportion et pour quels défis internationaux. La critique à l’adresse des Pays-Bas suite à l’évaluation par les pairs menée par l’OCDE (absence de stratégie concernant l’alignement des différents types d’aide, fragmentation trop importante) s’applique également à d’autres donateurs. Si la stratégie du ministère britannique du développement international (DFID) semble une des rares à être plus ou moins dignes de ce nom, elle ne fournit pas pour autant de critères bien définis quant à la répartition des ressources entre les différents canaux en fonction des défis. Il n’existe pas d’étude comparant l’efficacité des divers canaux ou acteurs dans la résolution de certains problèmes. À défaut de système objectif, reste le choix politique, dont le présent avis a pour but de fixer les cadres. L’étude sur la sélection des canaux menée actuellement par l’IOB fournira, espérons-le, des pistes complémentaires pour effectuer des choix concrets79. IV.4 Valeur ajoutée et synergie des différents acteurs du point de vue de quatre perspectives stratégiques : États fragiles, pays à faible revenu, pays à revenu intermédiaire et biens publics mondiaux Les différents types d’acteurs distingués dans les chapitres précédents peuvent tous jouer un rôle plus ou moins effectif dans le cadre des principales perspectives stratégiques se dessinant dans la politique néerlandaise de développement et l’agenda de la coopération internationale pour l’après-2015, à savoir : - développement durable dans les pays à faible revenu ; - développement durable (y compris sécurité et ordre juridique) dans les États fragiles80 ; - développement durable et redistribution dans les pays à revenu intermédiaire81 ; 79 L’IOB a déjà effectué une étude documentaire préliminaire sur le choix et les effets des trois canaux : bilatéral, multilatéral et ONG. Nombreuses sont les études qui se penchent sur les considérations ayant présidé au choix des pays et des canaux par les donateurs, sur le degré de transparence, de coordination, de fragmentation ainsi que les effets sur la croissance économique. 80 AIV/CAVV, Falende staten: een wereldwijde verantwoordelijkheid [Les États défaillants : une responsabilité partagée], avis no 35, La Haye, mai 2004. 81 AIV, Des mondes inégaux - Pauvreté, croissance, inégalité et le rôle de la coopération internationale, avis no 80, La Haye, octobre 2012. L’AIV observe dans son étude que le classement par revenu n’est pas absolu et que les décisions stratégiques doivent aussi s’appuyer sur des mesures multidimensionnelles de la pauvreté. 58 - gestion des biens publics mondiaux82 selon quatre axes prioritaires – sécurité alimentaire, gestion de l’eau, santé génésique et sexuelle ainsi que sécurité et ordre juridique – complétés de trois thèmes transversaux – égalité des sexes, environnement et bonne gouvernance83. Dans un monde complexe où les relations internationales revêtent un caractère hybride, le PNB, la force d’action de l’armée et le nombre d’habitants ne sont pas les seuls facteurs déterminants de la puissance et de l’influence qu’un pays peut exercer. S’ils concentrent leur action sur les quatre perspectives stratégiques mentionnées plus haut et investissent dans les réseaux et la coopération stratégique avec des acteurs générant de la valeur ajoutée, les Pays-Bas peuvent continuer à jouer un rôle de poids dans la coopération internationale. Cela demande non pas une gestion timorée axée sur la permanence dans la durée (structures fixées une fois pour toutes) mais un entrepreneuriat politique habile, ainsi que la conviction que seule une coopération internationale basée sur les intérêts collectifs permettra aux Pays-Bas de jeter un pont vers un avenir juste et durable. L’AIV estime que la sélection des acteurs (seuls ou en combinaison) et le soutien à leur valeur ajoutée devraient être guidés par ces perspectives stratégiques ainsi que par les axes prioritaires et les thèmes qui en découlent et qui seront abordés plus loin. Le tableau ci-dessous présente sous forme de mots-clés la possible valeur ajoutée de chaque acteur dans le cadre des quatre perspectives stratégiques. Comme indiqué au chapitre III, la combinaison et la coopération entre acteurs peut générer non seulement de la valeur ajoutée mais aussi un gain en synergie. Différentes combinaisons ont été passées en revue de façon systématique et, ici et là, il a été indiqué comment les pouvoirs publics pouvaient favoriser ces formes de complémentarité et de synergie (par exemple au sein de PPP). 82 AIV, Agenda du développement après 2015 : les objectifs du Millénaire en perspective, avis no 74, La Haye, avril 2011. 83 Pour des raisons de clarté, les biens publics mondiaux sont ici pris au sens large. Pour les priorités du gouvernement, voir : Jeter des ponts. Accord de coalition VVD-PvdA, La Haye, 29 octobre 2012, p. 15. 59 Tableau 1 Valeur ajoutée des acteurs par perspective stratégique Perspective stratégique Développement durable des pays à faible revenu Développement durable (y compris sécurité et ordre juridique) dans les États fragiles Acteurs bilatéraux - Bonne gouvernance et chaîne judiciaire - Transfert de connaissances Axes - DDR / RSS84 - Bonne gouvernance et chaîne judiciaire - Atténuation des risques des entreprises - Régulation de la RSE, promotion du climat des - Acteurs multilatéraux - Promotion de l’infrastructure économique - Pays-Bas et société civile locale Pays-Bas et entreprises locales prioritaires des Pays-Bas, notamment assistance technique aux pouvoirs publics y compris universités et ONG Soutien à la balance des paiements Atténuation des risques des entreprises Régulation de la RSE, promotion du climat des affaires Droits de l’homme et latitude politique de la société civile Attention aux groupes vulnérables (femmes, enfants) et sociale Services de base Respect des droits culturels, sociaux, économiques, politiques et civils Promotion d’une bonne politique et d’une bonne gouvernance - Renforcement de la démocratie et des - droits civils Accès au droit Services de base Rappel de leur responsabilité aux gouvernements et aux entreprises - Création d’infrastructures et de services - Introduction de la microfinance et des affaires - Droits de l’homme et latitude politique de la - société civile - Protection des citoyens - Services de base - Respect des droits culturels, sociaux, économiques, politiques et civils - Promotion de l’infrastructure économique - Promotion d’une bonne politique et d’une bonne gouvernance - Renforcement de la démocratie et des droits civils - Sécurité de proximité et transformation des conflits - Accès au droit - Services de base - Rappel de leur responsabilité aux gouvernements et aux entreprises - Création d’infrastructures et de services - Introduction de la microfinance et des services services bancaires en ligne - Investissement dans l’emploi et le - développement des PME RSE et entrepreneuriat inclusif - bancaires en ligne Investissement dans l’emploi et le développement des PME RSE et entrepreneuriat inclusif 84 Programmes dans le domaine du désarmement, de la démobilisation et de la réintégration (DDR) ainsique de la réforme du secteur de la sécurité (RSS). 60 Croissance et redistribution dans les pays à revenu intermédiaire Biens publics mondiaux - Atténuation des risques des entreprises - Promotion du climat des affaires et régulation de la RSE - Droits de l’homme et latitude politique de la société civile - Coopérer et investir avec des acteurs partageant - - Stimulation et contrôle des accords commerciaux - Organisation et promotion de la stabilité financière - Création d’un environnement favorable aux organisations - Défense et répartition des BPM tels que le climat, et aux initiatives de la société civile - Respect des droits culturels, sociaux, économiqwues, - - politiques et civils Promotion de l’infrastructure sociale - Renforcement des groupes marginalisés - Garantie des droits et des libertés - Stimuler une politique sociale et la redistribution - Soutien au développement économique durable et à - les mêmes vues (bilatéraux, multilatéraux, privés et civils) dans des niches dans le cadre des axes prioritaires Politique de cohérence aux niveaux national et international l’environnement, la paix et la sécurité, le contrôle des problèmes sanitaires transfrontaliers, les systèmes commerciaux et financiers Accroissement de la cohérence entre les terrains d’action européens - Mobilisation de la citoyenneté mondiale - Coopération internationale des réseaux d’ONG en matière de BPM - Rappel de leur responsabilité en matière de BPM l’investissement social Rappel de leur responsabilité aux gouvernements et aux entreprises aux gouvernements et aux entreprises - Développement des chaînes commerciales - Investissement dans les biens publics : eau, - Conseil et coinvestissement dans des projets d’infrastructures sécurité alimentaire, énergie durable, etc. - Développement et application de technologies et de services - Conseil et coinvestissement dans le renforcement du secteur innovantes et durables - Durabilité des chaînes commerciales financier local - Investissements dans les PME y compris les joint ventures étrangères - RSE et entrepreneuriat inclusif 61 Le tableau ci-dessous présente un certain nombre de combinaisons très prometteuses rangées par terrain d’action. Tableau 2 Exemples de complémentarité et de synergie entre acteurs par perspective stratégique Développement durable des pays à faible revenu - - - - Les entreprises contribuent à la croissance et à la compétitivité internationale tandis que les acteurs civils s’engagent en faveur de la redistribution Les organisations bilatérales et de la société civile soutiennent les programmes sociaux (y compris d’éducation) axés plus particulièrement sur les plus pauvres Tous les types d’acteurs apportent leur plus-value propre dans des partenariats public-privé dans le domaine des biens et services publics et des BPM Grâce à la régulation de la RSE, les acteurs bilatéraux contribuent aux bonnes pratiques des entreprises Les acteurs civils interpellent les entreprises en matière de RSE Les acteurs multilatéraux et bilatéraux peuvent s’engager en faveur des acteurs civils marginalisés Tous les acteurs peuvent coopérer à la promotion des droits de l’homme Développement durable (y compris sécurité et ordre juridique) dans les États fragiles - - - - - 62 Les acteurs civils et bilatéraux œuvrent en collaboration avec les acteurs multilatéraux au rétablissement du pacte social entre société et pouvoirs publics Les acteurs multilatéraux, bilatéraux et civils œuvrent à la sécurité humaine Les acteurs bilatéraux et les entreprises s’efforcent d’atténuer les risques les plus importants pour les investissements et, avec les PME, favorisent le développement du secteur privé Grâce à la régulation de la RSE, les acteurs multilatéraux et bilatéraux contribuent aux bonnes pratiques des entreprises Les acteurs civils interpellent les entreprises en matière de RSE Les acteurs bilatéraux et multilatéraux œuvrent ensemble à une bonne gouvernance, à la garantie de services de base et à la sécurité régionale Les acteurs multilatéraux contribuent au rétablissement du pacte social et œuvrent à la sécurité humaine - - - - Croissance et redistribution dans les pays à revenu intermédiaire Biens publics mondiaux Les entreprises contribuent à la croissance et à la compétitivité internationale tandis que les acteurs civils s’engagent en faveur de la redistribution Tous les types d’acteurs apportent leur plusvalue propre dans des partenariats public-privé dans le domaine des biens et services publics et des BPM Grâce à la régulation de la RSE, les acteurs bilatéraux contribuent aux bonnes pratiques des entreprises Les acteurs civils interpellent les entreprises en matière de RSE Les acteurs civils déploient des efforts en faveur de la liberté et de la politique sociale et rappellent aux pouvoirs publics leurs promesses et leurs obligations Les acteurs multilatéraux et bilatéraux peuvent s’engager en faveur des acteurs civils marginalisés Tous les acteurs peuvent coopérer à la promotion des droits de l’homme - - - - - 63 Les acteurs multilatéraux, bilatéraux, civils et privés peuvent coopérer avec les organisations multilatérales à l’adoption d’engagements internationaux en matière de BPM En mobilisant la citoyenneté mondiale, les acteurs civils contribuent à donner une assise aux décisions et à la politique des acteurs bialtéraux et multilatéraux Les acteurs civils et bilatéraux interpellent les entreprises en matière de RSE Les acteurs bilatéraux et civils œuvrent ensemble à une politique cohérente des acteurs multilatéraux, dont l’UE Les entreprises et les acteurs bilatéraux et civils travaillent avec les organisations multilatérales à la mise en place de codes de conduite internationaux au sein de ces organisations Les acteurs multilatéraux, bilatéraux, civils et privés partagent leurs expériences au sein des différentes plateformes de connaissances V V.1 La complexité de gérer un monde en proie aux turbulences – exploration des notions de flexibilité et de confiance Les limites du système actuel Les interactions, décrites dans les chapitres précédents, entre les nombreux acteurs en termes de thèmes, de régions, de mouvements financiers, d’activités, de missions et de moyens témoignent de la transformation subie par la coopération au développement dans les décennies passées : le delta relativement calme, où les objectifs, les institutions et les modèles relationnels étaient clairement délimités, s’est transformé en marais où dominent, dans des constellations toujours plus complexes et confuses, ambiguïtés, ambivalences, concepts et acteurs changeants. Dans l’espoir de garder le contrôle de la situation sont constamment élaborés de nouveaux mécanismes et dispositifs, entraînant un empilement des politiques et une législation toujours plus dense. Comme le montrent les quatre encadrés contenant l’historique des principaux terrains de la coopération au développement (augmentation de l’aide et du nombre d’acteurs, développement du système de cofinancement, politique des pays cibles et mise en place du système onusien), les efforts répétés pour maîtriser la situation malgré les bouleversements ont nui à la détermination et donc à l’efficacité de la politique. Ce constat ne vaut du reste pas exclusivement pour la coopération au développement et peut s’appliquer à tous les domaines d’action politique. Les experts consultés par l’AIV, notamment ceux du monde de l’entreprise et de la société civile, ont rappelé systématiquement et avec insistance à quel point les charges administratives sont étouffantes et, plus grave encore, n’aident en rien à atteindre les objectifs fixés. Il n’est pas rare que des programmes conçus dans leurs moindres détails aboutissent à des résultats imprévus et indésirables. Quelle que soit l’importance accordée aux critères, aux cadres logiques et à la mesure des résultats, il reste fondamentalement impossible d’imputer un effet à une action donnée. De plus, les pouvoirs publics n’ont absolument pas les moyens d’analyser de façon appropriée tous les rapports qui leur sont remis. Cette situation est qualifiée de « défiance institutionnalisée ». La rigidité et le foisonnement administratif s’expliquent en partie par les règles de l’APD édictées par l’OCDE/CAD. Le concept d’APD – objet d’avis réguliers de la part de l’AIV85 – revient donc continuellement au cœur des débats. V.2 Le mythe de la maîtrise face aux complexités émergentes Il apparaît de plus en plus clairement que la vision traditionnelle de la coopération au développement a atteint ses limites. Il est nécessaire de porter un nouveau regard sur le large champ qu’elle englobe et d’élaborer une nouvelle approche. Il est évident que le nouveau modèle à définir ne pourra totalement s’affranchir des anciennes façons de penser et d’agir, puisque subsistent les structures institutionnelles et les intérêts qui y sont ancrés. Il devra quoi qu’il en soit tenir compte d’un monde en mutation, un monde dans lequel les rapports de forces ont changé, de nouvelles perceptions des choses ont vu le jour et de nouveaux acteurs ont fait leur entrée. Le besoin d’organisation et de gestion reste cependant inchangé. 85 Voir notamment les avis de l’AIV Samenhang in internationale samenwerking [Cohérence de la coopération internationale], réaction au rapport du WRR « Moins de prétention, plus d’ambition », no 69, mai 2010 et « Agenda du développement après 2015 : les objectifs du Millénaire en perspective », no 74, avril 2011. 64 Car organiser le monde et prévoir l’avenir est un besoin inhérent à la nature humaine et qui a fortement influencé la structure et l’administration de notre société. S’appuyant sur des points de vue plus ou moins rationnels, inspirés notamment par la science et la religion, des organisations et des institutions se sont développées avec pour objectif de maîtriser le futur ou de le rendre plus malléable. Turbulente et complexe, la période actuelle remet en cause la réalisation de ces objectifs. La densification des relations et des interdépendances se conjugue à un besoin croissant de se distinguer. La mondialisation appelle le retour au local, un phénomène parfois qualifié de « glocalisation86 ». L’État nation n’est plus une évidence87 ; ses compétences et tâches d’exécution sont transférées soit à des alliances continentales soit à des entités régionales et locales, ce qui se traduit par une fracture croissante entre pouvoir et politique. Le pouvoir étatique s’est pour une grande part déplacé vers la sphère mondiale, encore incontrôlable politiquement88. Ce hiatus n’est au demeurant pas identique dans tous les domaines (pensons à la législation fiscale, à la sécurité nationale et au protectionnisme économique). Or, les pays en développement ont précisément besoin d’un État fort pour créer les conditions de fonctionnement normal de la société. Le politique, cantonné de par sa nature à l’échelle régionale et locale, n’est pas en mesure de prendre des décisions sur l’action au niveau mondial. Les nouvelles puissances économiques et financières constituent de ce fait une source de grande incertitude. La « société du risque89 » réagit en redéfinissant et redélimitant constamment les unités, les tâches et les compétences, avec à la clé des frontières de moins en moins nettes. De nouvelles liaisons et de nouvelles frontières naissent par le jeu des chaînes, des réseaux et des alliances temporaires. À la logique de l’organisation ou de l’acteur unique doit donc s’ajouter la perspective de la coopération au sein d’alliances. Il en résulte ce que l’on appelle la « complexité émergente »90, qui se produit dans les cas où : (a) la définition de la situation est encore mouvante, (b) les principales parties prenantes ne sont pas encore clairement identifiées, et (c) il n’existe donc pas de modèle d’approche adéquat pour intervenir. Quand il est impossible de prévoir l’avenir sur la base des tendances passées, les problèmes auxquels il faut s’attaquer évoluent de façon quasiment imprévisible. Plus la complexité croît, moins les expériences du passé fournissent d’ancrage car elles sont insuffisantes. La conclusion qui s’impose est que les principaux problèmes politiques et stratégiques doivent être considérés comme des problèmes de complexité organisée, caractérisés par (1) leur interdépendance, (2) leur difficulté, (3) l’incertitude, (4) l’ambiguïté, (5) le 86 R. Robertson, Glocalization: Time-Space and Homogeneity-Heterogeneity, in M. Featherstone, S. Lash, & R. Robertson (Eds.), « Global Modernities », Londres; Sage, 1995, pp. 25-44. 87 A. Giddens, The Consequences of Modernity, Cambridge: Polity Press, 1990 88 Z. Bauman, Liquid Modernity, Cambridge: Polity Press, 2000. 89 U. Beck, Risk Society. Towards a new Modernity, Londres : Sage, 1992. 90 C.O. Scharmer, Theory U. Leading from the Future as it Emerges, San Francisco: Berret-Koehler Publications, 2009. 65 conflit et (6) l’ancrage dans des cadres sociaux plus larges91. Ces caractéristiques – principalement l’indétermination, l’absence de frontières fixes et l’imbrication – compliquent singulièrement la résolution des questions stratégiques et administratives, d’autant que la tendance naturelle des politiques à chercher des solutions ne fait que renforcer le système d’interdépendances et d’interactions92. Les dirigeants politiques sont censés développer et réguler un système social stable, ce qui exige coordination, constance et cohérence, autant de conditions de base pour la transparence, la continuité et la confiance, qui constituent à leur tour le fondement de l’efficience et de l’efficacité. Or ces efforts conduisent quasi automatiquement à la complexité organisée et, de ce fait, à des dilemmes supplémentaires. Aussi apparaît-il de plus en plus clairement à quel point il est devenu délicat – voire presqu’impossible – de gérer notre monde, sans parler de le façonner à notre volonté. V.3 Nouvelles approches : vers davantage de confiance et de flexibilité La fin du mythe de la maîtrise incite à la modestie, sachant que se produiront toujours des effets indésirables. Chaque question est en effet ancrée dans une constellation plus large et se trouve donc en partie déterminée par le contexte. Il ne faudrait pas toutefois que cette difficulté à saisir la réalité paralyse les dirigeants politiques et ceux qui se sentent responsables de l’avenir de notre société. En d’autres termes, l’analyse détaillée ci-dessus n’est pas une plaidoirie en faveur du laissez-faire mais doit au contraire inviter à formuler une nouvelle vision, un autre modèle. Apprendre à gérer l’incertitude implique d’élaborer et de suivre à l’avenir des scénarios modestes et flexibles dans le souci de la constance, de la cohérence et de la coordination. Ce faisant, il nous faut être conscients que toute régulation en vue de parvenir à ces trois objectifs ne peut être que fugitive car elle correspond au résultat temporaire d’une interaction entre acteurs, activités et structures (procédures, protocoles, règles, principes) impliquant simultanément quatre sortes de critères, à savoir correspondance, complémentarité, contraste et hiérarchie. De plus, une relation entre acteurs et structures basée sur la complémentarité et l’égalité peut se transformer en relation entre correspondance ou contraste et hiérarchie. Les notions classiques jusqu’alors dominantes comme celles de système, de complémentarité, de synergie et d’entropie doivent être complétées par des concepts tels que réseau, flexibilité, variation, résilience, vitalité et agilité. Ces nouvelles notions impliquent une révision de notre façon d’envisager ou de gérer les problèmes. Un tel changement se heurte à de nombreuses résistances ; pensons par exemple aux structures institutionnelles existantes, avec leurs intérêts et pratiques établis. Les divers acteurs de la coopération au développement - on entend par là les intéressés directs et leurs organisations mais aussi les citoyens - ont en outre différents niveaux 91 Les types de problèmes sont souvent catalogués de la façon suivante (cf. De Wit & Meyer, 1999 ; Mason & Mitroff, 1981) : puzzle, dilemme, trade-off, paradoxe et problème irréductible ou virulent (wicked ou messy, squishy, integrative, synthetic, parfois également traduits par problème infernal ou tenace cf. WRR, 2006 ; Mitroff & Mason, 2006 ; In ’t Veld, 2010 ; Vermaak, 2009). 92 Les instruments à notre disposition sont efficaces en cas de problèmes simples, c’est-à-dire facilement isolables et réductibles à un nombre relativement restreint de variables et d’interconnexions. Ces trois facteurs – différenciation, réductibilité et unidimensionnalité – signifient qu’il est possible de circonscrire, d’orienter et de « dompter » les problèmes. 66 d’appréciation et de confiance concernant le bien-fondé de la coopération au développement et, en particulier, l’efficacité, la capacité à apprendre et les moyens financiers. Or la confiance est essentielle à l’optimisation du travail des acteurs, qui sont condamnés dans ce secteur à une coopération compétitive. Les processus de coopération les plus dynamiques s’observent dans les contextes de dépendance multilatérale et de niveau de confiance correct. La confiance atténue en effet les incertitudes et les tensions inhérentes aux situations multi-interprétables et donc ambiguës. Il importe de souligner à ce stade que ce plaidoyer en faveur de la confiance ne conduit nullement à déclarer superflus les mécanismes de contrôle efficaces. Leur existence nourrit au contraire la confiance, mais à condition que ce contrôle soit a posteriori et axé sur la réalisation des objectifs principaux, l’efficacité, l’efficience ainsi que la prise en compte du contexte, et non sur des protocoles détaillés établis à l’avance ou des méthodes imposées. Si le risque existe bien entendu que la confiance ainsi accordée a priori (notamment sur la base des prestations passées) soit trahie, son coût reste largement inférieur aux coûts de transaction préliminaires. Notons cependant que les prescriptions pour les comptes rendus financiers seront toujours beaucoup plus détaillées que celles pour le contrôle de l’efficacité. La transparence, la continuité et le discernement sont des conditions essentielles à l’épanouissement de la confiance, mais qui sont rares dans un environnement complexe et turbulent93. Dans cette perspective, le meilleur moyen de créer cette confiance est peut-être d’opter en faveur d’une approche interactive et progressive (piecemeal engineering)94 des différents acteurs. Dans sa publication « Lâcher la bride en confiance », le Conseil de l’Administration publique recommande aux pouvoirs publics d’adopter une telle approche et de donner davantage de responsabilités au citoyen95. 93 En vue de favoriser la synergie et le dynamisme dans des situations incertaines et ambiguës, divers chercheurs attirent l’attention sur un ensemble de clés managériales. Parmi les études les plus récentes : T. Konijn & W. van Spijker, Vitale coalities en regie in het publieke domein [Coalitions vitales et coordination dans le secteur public], Baarn, 2008 ; S. Schruijer & L. Vansina, Samenwerking over organisatiegrenzen als psychologische opgave [Coopération au-delà des frontières organisationnelles, une épreuve psychologique], in : M. Noordegraaf et al., Handboek publiek management [Manuel de gestion publique], La Haye : Boom Lemma 2011 ; J.F.M. Koppenjan & E.H. Klijn, Managing Uncertainties in Networks, Londres : Routledge, 2004 ; K. Weick & K.M. Sutcliffe, Managing the Unexpected: Resilient Performance in an Age of Uncertainty, New York : John Wiley, 2004 ; H. de Bruin, E. ten Heuvelhof, & R. In’t Veld, Procesmanagement. Over procesontwerp en besluitvorming [Gestion des processus. De l’élaboration des processus et de la prise de décision], La Haye : SDU, 2002. 94 Cf. notamment K.R. Popper, The Poverty of Historicism, Londres : Routledge, 1961 : « Only a minority of social institutions are consciously designed while the vast majority have just « grown » as the undesigned results of human actions » (p. 64). Voir aussi p. 64 à 70. 95 Conseil de l’Administration publique, Loslaten in Vertrouwen, Naar een nieuwe verhouding tussen overheid, markt en samenleving [Lâcher la bride en confiance. Vers de nouvelles relations entre État, marché et société], décembre 2012 (y compris cahier reprenant les considérations de plusieurs conseils consultatifs sur la question). Le présent avis de l’AIV n’était cependant pas prêt à temps pour pouvoir être intégré à cet avis commun. 67 Les experts dans les ambassades jouent un rôle irremplaçable de rapprochement des acteurs et de gestion des opportunités. Aussi doivent-ils avoir une affectation suffisamment longue pour bien connaître le contexte local. Les restrictions affectant le réseau des postes vont donc totalement à l’encontre des recommandations du présent rapport. En vue d’adoucir leur effet, il est envisageable de financer les fonctions d’experts dans les postes à partir des budgets réservés aux axes prioritaires et à la diplomatie économique. L’AIV estime que l’application de nouvelles restrictions budgétaires au réseau des postes nuirait au statut et au positionnement international des Pays-Bas. 68 VI Conclusions et recommandations L’AIV estime que, dans un monde en proie aux turbulences et d’une complexité croissante, il faut privilégier la confiance, la flexibilité, la diversité et les réseaux. Il apparaît de plus en plus clairement à quel point il est devenu délicat – voire impossible – de façonner ou même de gérer notre monde comme nous l’entendons. La fin de ce mythe impose la modestie. Chaque question est en effet ancrée dans une constellation plus large et se trouve donc en partie déterminée par le contexte. Sous cette perspective, le meilleur moyen de créer la confiance est peut-être pour les différents acteurs d’opter en faveur d’une approche interactive et progressive (piecemeal engineering). Un tel changement passe par la levée de plusieurs obstacles, dont les intérêts établis, les accords institutionnels existants et les pratiques dégagées de l’histoire. Parmi les problématiques fortement imbriquées au niveau mondial, citons la croissance démographique, l’augmentation de la consommation et la pénurie de nourriture, d’énergie et de matières premières qui en découle, l’accroissement de l’empreinte écologique (climat, environnement et ressources en eau), tout comme la pauvreté, les inégalités ou la sécurité et l’ordre juridique. Cette situation se caractérise, en d’autres mots, par l’interdépendance et l’importance croissante des biens publics mondiaux. Soumise à un contexte de plus en plus complexe, la coopération internationale doit privilégier la flexibilité dans le déploiement de l’instrumentaire de la politique extérieure : moins de planification, d’objectifs mesurables et de souci de modeler la réalité ; plus de confiance dans les experts et les organisations qui font preuve de motivation. La conjugaison de divers acteurs offre les meilleures chances de résultats positifs. Examiner au cas par cas la combinaison la plus adaptée favorise la synergie et la complémentarité. Selon l’AIV, la notion de canal a perdu sa clarté et sa pertinence : l’important dans la coopération internationale est l’égalité des acteurs, que le financement soit étatique ou prenne d’autres formes, sachant toutefois qu’il peut influencer la coopération. Le recentrage doit s’effectuer en faveur de la coopération internationale basée sur les cinq libertés formulées par Amartya Sen, à savoir (1) les libertés politiques et civiles, (2) les potentialités sociales et (3) économiques, (4) la transparence de la gouvernance et de la vie économique, et (5) les libertés protectrices (sécurité sociale et application des lois), comme recommandé dans l’avis de l’AIV sur l’agenda de l’après 2015. Une réorientation vers la coopération internationale et une telle approche multidimensionnelle peut raviver le soutien institutionnel et social. La lutte contre la pauvreté en tant que telle doit être considérée comme un défi qui ne se manifeste pas seulement dans les pays « pauvres », mais partout où les inégalités socioéconomiques et le sentiment d’aliénation se développent, y compris dans notre propre pays. L’élargissement des priorités exige d’impliquer de plus en plus d’acteurs dans la coopération internationale, y compris ceux dont le développement n’est traditionnellement pas la mission première (citoyenneté mondiale). La pauvreté est largement une question d’inégalités et de répartition des richesses. Elle est aussi présente, clairement, dans les pays à revenu intermédiaire, comme indiqué dans l’avis de l’AIV « Des mondes inégaux ». En matière de coopération internationale, la cohérence est primordiale : entre les terrains d’action, entre les acteurs et entre la politique néerlandaise et celle des donateurs pertinents. 69 VI.1 Avenir de la coopération bilatérale S’agissant de la politique de l’État en tant qu’acteur, le constat est que, dans la pratique, la coordination des efforts des différents acteurs de l’aide dans les pays cibles est quasiment restée lettre morte (à l’exception de la coopération multi-bilatérale et des financements liés accordés aux entreprises). Une fois que la décision de s’engager avec un pays a été prise – au vu de ses besoins, des intérêts régionaux ou économiques ou des liens historiques –, l’ambassade doit favoriser une meilleure coopération entre les acteurs. À cette fin, le cadre bilatéral de la politique par pays reste déterminant. Les plans stratégiques pluriannuels des postes doivent se fonder sur une analyse du pouvoir et du changement et peuvent servir de cadre subsidiaire d’évaluation a priori et a posteriori, tout en laissant une marge de flexibilité suffisante. L’AIV conseille de prévoir un cadre large pour la politique par thème et par pays, de sorte à ne pas changer constamment de priorités et à favoriser la continuité et la prévisibilité. Les Pays-Bas peuvent à cet effet opter pour des thèmes dans lesquels ils disposent d’une expertise certaine. Il est préférable de s’orienter vers la suppression des listes de pays, chacun suivant son propre cours sur le chemin de la transition96, et d’introduire un certain degré de souplesse afin de pouvoir réagir aux évolutions en adaptant la politique et en ajoutant de nouveaux pays. L’approche par pays doit de préférence être ancrée dans une approche régionale. Comme l’AIV le plaidait dans son avis no 80, « Des mondes inégaux », le soutien bilatéral aux pays à revenu intermédiaire peut être progressivement réduit, la problématique de la pauvreté dans ces pays étant une question de redistribution, à laquelle d’autres acteurs peuvent apporter une solution plus efficace. À la place, il est envisageable de coopérer avec les pouvoirs publics en ce qui concerne les biens publics mondiaux et la cohérence des politiques, et de favoriser le renforcement des droits par l’intermédiaire des ONG et des organisations multilatérales, notamment en matière de droits du travail et de revenu minimum. VI.2 Avenir de la coopération avec les acteurs multilatéraux Il importe de reconnaître le rôle essentiel des organisations multilatérales pour l’approvisionnement en biens publics mondiaux et l’amélioration du système de gouvernance mondiale, surtout au vu des grandes mutations dans le monde et des énormes défis en matière de climat, de sécurité et d’accroissement des inégalités. En concertation avec d’autres pays européens, les Pays-Bas peuvent émettre des propositions pour améliorer le fonctionnement de ces organisations, en se basant sur le récent examen rapide de leurs capacités et de leur pertinence au vu des principales orientations de la politique néerlandaise97. Il s’agit donc de dépasser la seule perspective de la lutte contre la pauvreté, contrairement à l’option retenue par le DFID dans son étude9884(dont l’apport est de ce fait limité pour les évolutions futures des organisations multilatérales dans le domaine de divers biens publics mondiaux et de la gouvernance mondiale). Face à un défaut de capacités et de pertinence, il est préférable de 96 International Dialogue on Peacebuilding and Statebuilding, A New Deal for engagement in fragile states, 4e Forum de haut niveau sur l’efficacité de l’aide, Busan, 30 novembre 2011. 97 Il convient d’impliquer tous les fonds et programmes de l’ONU, institutions bancaires et financières et organisations spécialisées bénéficiant d’un soutien financier des Pays-Bas. 98 UK AID, Multilateral Aid Review, Taking Forwards the Findings of UK Multilateral Aid Review, DFID, mars 2011. 70 réduire progressivement les relations avec les organisations multilatérales concernées. Au-delà de l’aspect financier, il est important d’avoir une vision d’ensemble du rôle des organisations multilatérales. La valeur ajoutée de l’ONU réside dans sa fonction de plateforme, le partage des risques, notamment dans les États fragiles, sa fonction de représentation (légitimité démocratique) et l’effet multiplicateur de son action. Elle est amenée à jouer un rôle toujours plus important en matière de gestion des biens publics mondiaux. Ce point fera l’objet d’un prochain avis de l’AIV (cf. programme de travail 2013). S’agissant de l’UE, l’AIV estime que des initiatives sont nécessaires pour renforcer la coopération et la cohérence de la politique européenne, en s’engageant aux côtés de la Commission et du SEAE, activement mais avec un esprit critique. L’AIV recommande de miser sur la consolidation du rôle de la Haute représentante, Catherine Ashton, sur la cohérence et sur le renforcement des capacités de la division Questions globales du SEAE. L’AIV suggère aussi de soutenir des ONG nationales et internationales et des instituts de recherche afin qu’ils signalent et étudient, avec leurs partenaires dans les pays en développement, les incohérences entre les politiques européennes (par exemple entre politique commerciale et de développement) et proposent des solutions, notamment dans le cadre de la PAC et des accords de partenariat économique (APE). Le renforcement de la cohérence européenne peut se traduire par un important effet de levier en faveur des priorités formulées par les Pays-Bas. L’AIV recommande de donner à l’UE un rôle moteur, non seulement en matière de démocratie mais aussi d’approche 3D (défense, diplomatie et développement) dans les États fragiles. L’Union doit aussi développer sa capacité à jouer un tel rôle dans la coopération régionale avec les représentations à ce niveau. L’AIV estime que les Pays-Bas peuvent exercer une influence non négligeable sur le fonctionnement du programme de coopération entre l’UE et les organisations de la société civile, car : (a) seuls six pays européens environ disposent d’un programme bien construit dans ce domaine, (b) les ONG néerlandaises agissent, par l’intermédiaire de leurs partenaires, dans des pays en développement dont l’UE soutient la société civile, et (c) ces ONG exercent des activités de lobbying soutenues et souvent très efficaces en faveur de dossiers importants pour les Pays-Bas comme la cohérence des politiques, l’efficacité de la politique européenne de développement, la paix et la sécurité, le commerce et la sécurité alimentaire. Les priorités formulées par les ONG néerlandaises trouvent donc un écho bien au-delà de nos frontières. VI.3 Avenir du soutien aux entreprises L’AIV conseille de viser l’exploitation optimale de la créativité et de la flexibilité des entreprises en faveur du développement dans des contextes de mutations rapides. Il s’agit donc de favoriser la complémentarité avec les entreprises sans enfermer les propositions dans le cadre imposé par les autres canaux de l’aide, et de renforcer la coordination entre canaux et acteurs dans les pays en développement en nommant des experts dans les ambassades. Il faut en outre éviter les charges administratives excessives en utilisant davantage les services d’experts – et en leur accordant la confiance nécessaire – pour l’évaluation et l’accompagnement des projets des entreprises. Enfin, si nécessaire, il peut être judicieux de réserver une part des budgets des programmes au recours à de tels experts. Il est aussi possible de renforcer la synergie entre les entreprises et les organisations multilatérales en impliquant les organisations professionnelles, sur les sujets pertinents, 71 dans la contribution nationale aux institutions multilatérales. La synergie entre les entreprises et la coopération bilatérale est parfaitement possible à tous les stades de la préparation et de la mise en œuvre des grands projets. Il faut respecter la volonté des entreprises de faire du profit, ce qui ne doit pas poser de problème si les prix sont correctement vérifiés et les accords clairement définis. L’AIV ne pense pas qu’il soit souhaitable de limiter l’instrumentaire générique en faveur des entreprises aux seuls pays cibles ni de le lier aux programmes bilatéraux. Il constate que la compréhension mutuelle entre entreprises et ONG s’améliore. Les pouvoirs publics ont favorisé ce rapprochement par l’intermédiaire des PPP, un mode de coopération que l’AIV invite à continuer à utiliser. Les chaînes commerciales, au sein desquelles les PME intensifient elles aussi leurs contacts avec les ONG, permettent de fortes synergies. De leur côté, les ONG s’engagent de plus en plus dans des activités commerciales. Il est important d’encourager les efforts d’harmonisation des différents instruments en faveur des entreprises, tels qu’ils ont lieu au sein de la plateforme de développement du secteur privé. L’harmonisation entre ces dispositifs et les divers programmes de financement des exportations pourrait également être encouragée, sans perdre de vue les différences en termes d’objectifs. L’AIV souhaite émettre des recommandations spécifiques concernant la cohérence entre politique commerciale et coopération au développement, les chaînes d’importation, le fonds au profit des PME et la diplomatie économique : - Cohérence entre politique commerciale et coopération au développement : elle demande une politique critique d’aide au commerce, permettant aux pays en développement de participer de façon équitable au commerce international. Le terrain de la cohérence s’étend aussi à des sujets tels que la lutte contre la fraude fiscale et la corruption, la durabilité de la politique des matières premières, la prévention de l’accaparement des terres et la viabilité des chaînes de production. Enfin, le développement économique nécessitant un climat favorable, il faudra investir dans un état de droit stable, l’éducation et la santé99,85 sans oublier de prendre en compte les investissements et la cohérence avec la politique en la matière. - Chaînes d’importations : leur donner un caractère plus durable passe par (1) la coopération entre ONG et entreprises, (2) l’atténuation des risques, l’accès au financement et l’instauration de labels de qualité, (3) la fixation des normes de l’OCDE relatives à la responsabilité sociale des entreprises à l’international (cf. paragraphe III.4.3) ainsi que des conditions quant à la tangibilité de l’impact sur le développement (fiscalité, emploi, renforcement des PME locales, niveau des salaires, situation des travailleurs féminins) pour toutes les entreprises recevant des subventions, y compris dans le cadre du fonds renouvelable, et (4) le soutien aux exportateurs des pays en développement pour leur permettre de répondre aux conditions d’importation. - Exportations : toutes les activités financées par le budget dédié au développement doivent présenter un intérêt en termes de développement ou de coopération internationale. Il n’est toutefois pas impossible de respecter ce principe tout en faisant intervenir des entreprises néerlandaises afin que s’établisse progressivement un nouveau lien, de l’ordre de la relation commerciale, entre le pays concerné et les Pays-Bas. Cet objectif peut être atteint en prenant en compte les possibilités des entreprises néerlandaises lors de la définition des programmes et de la sélection des pays et des thèmes, ainsi qu’en fixant les cadres d’action des programmes axés sur la demande en ménageant une marge de flexibilité afin d’obtenir une offre suffisamment large de propositions de la part des entreprises néerlandaises. 99 Voir Conseil économique et social (SER), Ontwikkeling door Duurzaam Ondernemen [L’entrepreneuriat durable, moteur du développement], septembre 2011. 72 - - Diplomatie économique : lors de la préparation des missions commerciales, il conviendrait d’aborder les thèmes et problèmes pertinents en termes de développement concernant les droits de l’homme et la responsabilité sociale des entreprises dans le pays concerné. Fonds renouvelable au profit des PME : il doit satisfaire à divers critères en matière de réponse à la demande, de flexibilité, d’effet catalyseur, d’accès au financement, d’atténuation des risques, d’examen au regard des objectifs de développement, de qualité des comptes rendus et d’expertise du cadre d’exécution. VI. 4 Avenir du soutien aux organisations de la société civile L’AIV recommande de confirmer les principes de liberté et d’indépendance des organisations de la société civile, de les concrétiser dans le cadre d’accords de coopération et de subvention, et de les favoriser par l’intermédiaire de la politique étrangère au sens large. L’apport stratégique de ces organisations au sein de la coopération internationale doit être reconnu comme un service public que l’État doit soutenir sans porter atteinte aux caractéristiques propres des organisations de la société civile. C’est pourquoi il faudrait, comme indiqué au paragraphe III.6.2, remplacer le système de cofinancement générique par un financement stratégique de partenariats conclus avec diverses catégories d’acteurs, sélectionnés à l’aide de cadres stratégiques portant notamment mais pas exclusivement sur les perspectives politiques (pays à faible revenu, pays à revenu intermédiaire, États fragiles, biens publics mondiaux), les axes prioritaires et les thèmes transversaux de la politique néerlandaise. Il est également conseillé de choisir un partenaire stratégique en mesure de financer des initiatives innovantes. Une fois la sélection effectuée, les parties peuvent conclure des accords de financement, dont les dispositions taillées sur mesures prennent en compte la valeur ajoutée spécifique du partenaire. Il faut limiter les contraintes administratives pour mettre l’accent sur la confiance basée sur les performances passées, et rechercher une légitimité sociale fondée sur une réelle implication dans la société. Les partenaires stratégiques doivent contribuer à organiser et à mobiliser la citoyenneté mondiale aux Pays-Bas et jouer un rôle de contrôle à l’encontre des pouvoirs publics et des entreprises. Dans un souci de continuité, il est souhaitable de conclure des accords pluriannuels, l’État conservant à intervalles périodiques la possibilité de mettre fin à la coopération en cas de prestations insuffisantes ou de l’adapter en fonction du contexte. Il est enfin conseillé de conserver une certaine marge de manœuvre financière au profit des nouveaux développements et de l’innovation. L’AIV recommande de toujours rechercher la possibilité d’impliquer les centres d’expertise dans les activités communes des organisations publiques et privées. Le décloisonnement des connaissances est grandement facilité par l’ouverture de l’accès aux archives et aux données, qui rend les informations disponibles pour tous et exploitables de façon efficace. Les bases sont ainsi posées pour la coopération des centres d’expertise entre eux et avec les autres acteurs. VI.5 Budget structurel pour la sécurité internationale : l’approche intégrée Il importe que le ministère de la Défense, qui a renoncé à son budget opérationnel, continue à disposer de moyens suffisants pour les opérations de gestion de crise dans les États fragiles mais aussi pour la défense des alliés des Pays-Bas. L’accord de coalition précise à cet égard (p.15) : « L’importance des opérations de paix et de gestion de crise pour les pays en développement est soulignée par l’institution en 2014 d’un nouveau budget structurel pour la Sécurité internationale à hauteur de 250 millions d’euros, devant couvrir les dépenses dans ce domaine, qui aujourd’hui grèvent le budget de la Défense ». L’exposé des motifs 73 indique (p. 73) qu’« à compter de 2014, 0,25 milliard du budget de la Coopération au développement sera transféré à celui de la Sécurité internationale et utilisé par la Défense pour couvrir ses dépenses liées à la sécurité internationale ». L’AIV constate que la création d’un budget à affectation large pour la sécurité internationale correspond à un choix politique. À l’instar de l’accord de coalition, l’AIV souligne l’importance d’une approche intégrée, dont la dimension développement est abordée dans la lettre à la Chambre « Axe prioritaire : sécurité et ordre juridique ». En cas de participation à une opération de paix ou de gestion de crise, l’AIV conseille de consacrer une attention explicite, dans le cadre d’évaluation de la mission ainsi que dans la lettre à la Chambre la concernant (lettre exigée par l’article 100 de la Constitution), à la sécurité humaine et à la protection des civils en termes d’objectif, d’approche et de moyens. Une recommandation en ce sens a également été faite par la commission indépendante d’experts lors de l’évaluation de la participation néerlandaise à la mission de l’ISAF et il est prévu d’en tenir compte dans la révision du cadre d’évaluation de 2009. Ce document doit par ailleurs stipuler la mise en œuvre immédiate d’un suivi indépendant des victimes civiles et d’un rapport public à ce sujet. VI.6 L’importance de la mise en œuvre par les pouvoirs publics et de la préservation du réseau des postes Les terrains d’action susmentionnés exigent un travail de sélection des acteurs. Le plaidoyer du chapitre IV en faveur de la formulation de cadres stratégiques larges et de la réduction de la planification détaillée et des contraintes réglementaires donne une importance supplémentaire au choix des partenaires, qui doivent pouvoir faire preuve de flexibilité et jouir de la confiance nécessaire. C’est pourquoi l’AIV estime que la sélection et l’encadrement des organisations de la société civile et des entreprises ne doivent pas être déléguées à des opérateurs commerciaux mais rester aux mains d’experts de la fonction publique. Il est crucial de continuer à investir dans l’expertise au sein de l’État, notamment par l’intermédiaire de la gestion de carrière et de la formation continue. Comme constaté à diverses reprises, il existe de nombreuses possibilités de complémentarité et de synergie sur le terrain qui ne peuvent pas être prévues, planifiées ni imposées à l’avance. Les experts dans les ambassades jouent à cet égard un rôle irremplaçable de rapprochement des acteurs et de gestion des opportunités. Aussi doivent-ils avoir une affectation suffisamment longue pour bien connaître le contexte local. Les restrictions affectant le réseau des postes vont donc totalement à l’encontre des recommandations du présent rapport. En vue d’adoucir leur effet, il est envisageable de financer les fonctions d’experts dans les postes à partir des budgets réservés aux axes prioritaires et à la diplomatie économique. L’AIV estime que l’application de nouvelles restrictions budgétaires au réseau des postes nuirait au statut et au positionnement international des Pays-Bas. Les décisions concernant le renforcement ou au contraire la compression du réseau des postes devraient dépendre des priorités néerlandaises en matière de coopération internationale et de partenariats complémentaires. L’influence des Pays-Bas ne se mesure pas uniquement à l’aune de leur participation financière mais dépend surtout de leur position dans les réseaux pertinents au regard de leur politique : plus cette position est prééminente (contacts nombreux, appréciation positive des autres acteurs), plus la possibilité augmente d’obtenir des connaissances et des services d’autres acteurs, de déterminer les sujets à l’ordre du jour, de donner le ton des débats et d’influer sur 74 les décisions100.86D’où l’importance des choix stratégiques en faveur du réseau des postes, sachant que peuvent aussi être envisagés de nouvelles formes de coopération, la collaboration avec les pays européens et le recours aux fonctionnaires d’autres ministères. La qualité et le dynamisme du réseau des postes sont un facteur de succès pour la coopération internationale. 100 Aan het buitenland gehecht. Over verankering en strategie van Nederlands buitenlands beleid [Attaché à l’international. Ancrage et stratégie de la politique étrangère des Pays-Bas], Conseil scientifique de la politique gouvernementale (WRR), Amsterdam, 2010, p. 13. 75 Annexe I Demande d’avis À l’attention du président du Conseil consultatif pour les questions internationales (AIV) Monsieur F. Korthals Altes B.P. 20061 2500 EB La Haye Date : 16 mars 2012 Objet : demande d’un avis portant sur la complémentarité des canaux de l’aide Monsieur le Président, L’aide néerlandaise au développement passe par différents canaux : outre le canal bilatéral, elle utilise également la voie multilatérale, les organisations privées (canal « civilatéral ») et les entreprises. Chacun de ces canaux présente ses propres avantages et limites. Dans sa réponse au rapport « Moins de prétention, plus d’ambition » du Conseil scientifique de la politique gouvernementale (WRR), l’AIV se penche sur le rôle croissant des acteurs autres que publics dans la coopération internationale. Il distingue en outre le canal multilatéral du canal bilatéral et invite à réfléchir de façon plus approfondie à la répartition des rôles entre les différents acteurs et canaux de sorte à éviter une fragmentation de la coopération. Les recommandations de l’AIV sur ce point se rapportent essentiellement aux acteurs et canaux pris individuellement, et non à la complémentarité, la synergie et la cohérence de leurs efforts. Les nouvelles orientations de la politique de développement, décrites dans la lettre à la Chambre des représentants et la note sur les axes prioritaires de la coopération au développement, se caractérisent par la concentration de l’action sur quatre thèmes et la réduction de la liste des pays partenaires. Elles ont été traduites en un éventail de plans stratégiques annuels (PSP), de programmes et de projets par les directions thématiques, régionales et multilatérales ainsi que par les postes dans les pays partenaires. C’est dans ce cadre que je prie l’AIV de bien vouloir émettre un avis portant sur la complémentarité de l’utilisation des différents canaux de l’aide. Quelles opportunités de synergie peut-on identifier, tant au niveau des pays partenaires qu’au niveau thématique ? Quels sont les facteurs restrictifs à prendre en compte ? Où se situent les limites de la complémentarité entre les divers canaux ? Quelles implications la recherche de complémentarité pourrait-elle avoir pour le pilotage, centralisé ou non, de la mise en œuvre des politiques ? De quelles expériences des autres donateurs la coopération néerlandaise pourraitelle tirer les enseignements ? Aux fins d’une argumentation solide, je prie l’AIV de donner une définition conceptuelle des notions de complémentarité et de synergie. Il serait de même souhaitable que l’avis s’appuie sur une analyse documentaire montrant notamment comment les autres donateurs adaptent l’architecture de la politique de coopération au développement en termes de canaux et de sélection de ceux-ci. Comment font les autres pays ? Y a-t-il eu des tentatives en vue d’identifier les effets positifs (augmentation de l’efficacité et de l’efficience) et les complications (bureaucratisation croissante) ? Dans la présente phase, j’estime qu’une analyse exploratoire est la plus utile, tout en me réservant la possibilité de solliciter un avis complémentaire à un stade ultérieur. Ainsi que recommandé par le WRR, la politique actuelle cherche à augmenter l’efficacité et l’orientation sur les résultats en s’axant de façon plus claire sur les quatre thèmes prioritaires ainsi qu’en concentrant l’aide bilatérale sur une quinzaine de pays. Il revient aux directions thématiques de traduire ces thèmes en stratégie et d’en assurer la mise en œuvre. Les postes sont quant à eux responsables de la traduction stratégique au niveau des pays partenaires sous forme de PSP pour la période 2012-2015. À cet égard, quelles possibilités et limites l’AIV distingue-t-il en vue de poursuivre le renforcement du pilotage thématique ? Quels canaux entrent en jeu pour réaliser les résultats attendus ? Quelle est la valeur ajoutée spécifique, typique de ces différents canaux (atouts mais aussi points faibles) ? Comment ces canaux se complètent-ils mutuellement et quels effets de synergie peut-on rechercher ? Les réponses de l’AIV fourniront des matériaux pour la formulation de recommandations relatives à des questions telles que : - - - Quel rapport y a-t-il entre le pilotage thématique et la politique relative aux canaux ? La politique relative au canal multilatéral, par exemple, est en partie orientée par la stratégie en matière de gouvernance mondiale. Le canal entreprises, lui, est actuellement influencé par le fait que le renforcement de l’action dans ce domaine constitue une priorité stratégique pour l’ensemble des thèmes. L’influence active et la pertinence des différents canaux varient d’un thème à l’autre. Dans quelle mesure la recherche de complémentarité et de synergie entre canaux et à l’intérieur d’un même canal rejoint-elle le modèle délégatif néerlandais et le souhait des organisations multilatérales ou privées et des entreprises de déterminer elles-mêmes le lieu et les modalités de leur travail ? Est-il recommandé, en vue de parvenir à une définition plus concrète et à une meilleure réalisation de la complémentarité et de la synergie, de se placer dans la perspective des bénéficiaires (pays partenaires) plutôt que dans celle du donateur (en prenant en compte les principes tels que l’harmonisation, etc.) ? Enfin, deux remarques concernant le calendrier. En vue de la structuration future du canal « civilatéral », j’ai entamé au printemps un dialogue avec des représentants de la société civile. La Chambre des représentants sera informée avant l’automne des constatations et des recommandations qui en ressortiront, lesquelles présentent un intérêt majeur pour l’avis sur la complémentarité. Il me semble par conséquent judicieux de ne procéder à la rédaction de cet avis qu’une fois que ces données seront disponibles. Le programme de travail de l’AIV prévoit déjà deux autres avis touchant à la sélection des canaux et à leur architecture, à savoir l’avis portant sur la lutte contre la pauvreté à la lumière de la modification des profils de pauvreté (avis no 4 du programme) et celui sur les biens publics mondiaux dans le domaine de l’environnement (avis no 6 du programme), chacun susceptible d’offrir une base à l’avis sur la complémentarité des canaux de l’aide. Le premier des deux amène en effet la question de savoir comment les différents canaux peuvent être mis en œuvre afin de contribuer efficacement à la lutte contre la pauvreté dans un contexte changeant, tandis que le second peut jeter une lumière intéressante sur l’utilité et la disponibilité des canaux relativement aux biens publics mondiaux. Il semble donc logique de suggérer que l’avis sur la complémentarité s’appuie sur les deux avis susmentionnés. Je vous saurais gré de me remettre cet avis en décembre 2012. Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes salutations distinguées. Le ministre de la Coopération au développement, Ben Knapen Annexe II Spécialistes consultés - M. Frans van den Boom, directeur NCDO - Mme Vanessa Nigten, NCDO - M. Paul G.H. Engel, directeur European Center for Development Policy Management - M. Jan Gruiters, directeur général IKV Pax Christi - Mme Saskia Jongma, directrice des programmes de développement de l’Agence NL - M. Alexander Kohnstamm, directeur Partos - M. Sander Laban, Partos - M. Jeroen de Lange, consultant et ancien député - M. René de Sévaux, FMO - M. Ewald Wermuth, IDH - M. Marinus Verweij, président du conseil d’administration de l’ICCO - Mme Machteld Ooijens, ICCO - M. Jan Bouke Wijbrandi, directeur général UNICEF Nederland Annexe III Abréviations utilisées 3C Coordination, complémentarité et cohérence 3D Défense, diplomatie et développement AIV Conseil consultatif pour les questions internationales APD Aide publique au développement APE Accord de partenariat économique ASC Centre d’études africaines BIV Budget pour la sécurité internationale BPM Biens publics mondiaux CAD Comité d’aide au développement CBI Centre de promotion des importations en provenance des pays en développement CMC Comité central de la mission CNUCED Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement CNV Fédération nationale des syndicats chrétiens CPA Aide pays programmable CPD Cohérence des politiques pour le développement DDR Désarmement, démobilisation et réintégration DECP Programme de coopération du patronat néerlandais DFID Ministère britannique du Développement international ECDPM Centre européen de gestion des politiques de développement EUHES Groupes des responsables des services d’évaluation de l’Union européenne EURODAD Réseau européen sur la dette et le développement FAO Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture FIDA Fonds international pour le développement agricole FMI Fonds monétaire international FMLSTP Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme FMO Société néerlandaise de financement pour les pays en développement FNUAP Fonds des Nations unies pour la population FNV Fédération du mouvement syndical néerlandais FTI Initiative accélérée G20 Groupe des vingt : 19 pays industrialisés et l’UE (Nations unies) HCNUR Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés IATI Initiative internationale pour la transparence de l’aide ICCO Organisation œcuménique pour la coopération au développement IDA Association internationale de développement IDH Initiative en faveur du commerce durable IFC Société financière internationale (Banque mondiale) IFI Institutions financières internationales IOB Direction Évaluation de la politique et des opérations IPCC International Population Control Committee ISAF Force internationale d’assistance à la sécurité KIT Institut royal des Tropiques MFP Programme de cofinancement MFS Système de cofinancement NABC Netherlands Africa Business Council NCDO Commission nationale pour la coopération internationale et le développement durable NEPAD Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique OCDE Organisation de coopération et de développement économiques OIT Organisation internationale du travail OMD Objectifs du Millénaire pour le développement OMS Organisation mondiale de la santé ONG Organisation non gouvernementale ONU Nations unies ONUDI Organisation des Nations unies pour le développement industriel PDDAA Programme détaillé de développement de l’agriculture africaine PME Petites et moyennes entreprises PNB Produit national brut PNUD Programme des Nations unies pour le développement PNUE Programme des Nations unies pour l’environnement PPP Partenariat public-privé PSP Plan stratégique pluriannuel PUM Programme de détachement d’experts RSE Responsabilité sociale des entreprises RSS Réforme du secteur de la sécurité SDRS Santé et droits reproductifs et sexuels SEAE Service européen pour l’action extérieure SMART Spécifié, mesurable, acceptable, réaliste, situé dans le temps TMF Programme de cofinancement thématique UE Union européenne UNESCO Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture UNICEF Fonds des Nation unies pour l’enfance UNITAID/FIAM Facilité internationale d’achat de médicaments WRR Conseil scientifique de la politique gouvernementale Avis antérieurs émis par le Conseil consultatif pour les questions internationales (AIV) en anglais ou en français Tous les avis sont disponibles en anglais. Ceux marqués d’un seul astérisque le sont aussi en français. 1 AN INCLUSIVE EUROPE, October 1997 2 CONVENTIONAL ARMS CONTROL: urgent need, limited opportunities, April 1998 3 CAPITAL PUNISHMENT AND HUMAN RIGHTS: recent developments, April 1998 4 UNIVERSALITY OF HUMAN RIGHTS AND CULTURAL DIVERSITY, June 1998 5 AN INCLUSIVE EUROPE II, November 1998 6 HUMANITARIAN AID: redefining the limits, November 1998 7 COMMENTS ON THE CRITERIA FOR STRUCTURAL BILATERAL AID, November 1998 8 ASYLUM INFORMATION AND THE EUROPEAN UNION, July 1999 9 TOWARDS CALMER WATERS: a report on relations between Turkey and the European Union, July 1999 10 DEVELOPMENTS IN THE INTERNATIONAL SECURITY SITUATION IN THE 1990s: from unsafe security to unsecured safety, September 1999 11 THE FUNCTIONING OF THE UNITED NATIONS COMMISSION ON HUMAN RIGHTS, September 1999 12* LA CIG 2000, ET APRÈS ? VERS UNE UNION EUROPÉENNE À TRENTE ÉTATS MEMBRES, janvier 2000 13 HUMANITARIAN INTERVENTION, April 2000** 14 KEY LESSONS FROM THE FINANCIAL CRISES OF 1997 AND 1998, April 2000 15 A EUROPEAN CHARTER OF FUNDAMENTAL RIGHTS?, May 2000 16 DEFENCE RESEARCH AND PARLIAMENTARY SCRUTINY, December 2000 17 AFRICA’S STRUGGLE: security, stability and development, January 2001 18 VIOLENCE AGAINST WOMEN: legal developments, February 2001 19 A MULTI-TIERED EUROPE: the relationship between the European Union and subnational authorities, April 2001 20* RÉSUMÉ D’AVIS : La coopération militaro-industrielle européenne, mai 2001 21* ENREGISTREMENT DES COMMUNAUTÉS DE RELIGION OU DE CONVICTION, juin 2001 22* LA CONFÉRENCE MONDIALE CONTRE LE RACISME ET LE PROBLÈME DE LA RÉPARATION, juin 2001 23 24 COMMENTARY ON THE 2001 MEMORANDUM ON HUMAN RIGHTS POLICY, September 2001 A CONVENTION, OR CONVENTIONAL PREPARATIONS?: the European Union and the IGC 2004, November 2001 25 INTEGRATION OF GENDER EQUALITY: a matter of responsibility, commitment and quality, January 2002 26* LES PAYS-BAS ET L’ORGANISATION POUR LA SÉCURITÉ ET LA COOPÉRATION EN EUROPE : rôle et orientations, mai 2002 27* JETER UN PONT ENTRE LES CITOYENS ET BRUXELLES : plus de légitimité et de dynamisme pour l’Union Européenne, mai 2002 28 AN ANALYSIS OF THE US MISSILE DEFENCE PLANS: pros and cons of striving for invulnerability, August 2002 29* CROISSANCE EN FAVEUR DES PAUVRES « PRO-POOR GROWTH » DANS LES PAYS PARTENAIRES BILATÉRAUX D’AFRIQUE SUBSAHARIENNE : une analyse des stratégies de lutte contre la pauvreté, janvier 2003 30* UNE APPROCHE DE LA COOPÉRATION AU DÉVELOPPEMENT FONDÉE SUR LES DROITS DE L’HOMME, avril 2003 31 MILITARY COOPERATION IN EUROPE: possibilities and limitations, April 2003 32 BRIDGING THE GAP BETWEEN CITIZENS AND BRUSSELS: towards greater legitimacy and effectiveness for the European Union, April 2003 33* LE CONSEIL DE l’EUROPE : moins mais mieux, octobre 2003 34 THE NETHERLANDS AND CRISIS MANAGEMENT: three issues of current interest, March 2004 35 FAILING STATES: a global responsibility, May 2004** 36 PRE-EMPTIVE ACTION, July 2004** 37 TURKEY: towards membership of the European Union, July 2004 38* LES NATIONS UNIES ET LES DROITS DE L’HOMME, septembre 2004 39 SERVICES LIBERALISATION AND DEVELOPING COUNTRIES: does liberation produce deprivation?, September 2004 40* L’ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE CONSEIL DE L’EUROPE, février 2005 41* LA RÉFORME DES NATIONS UNIES : avis sur le rapport Annan, mai 2005 42 THE INFLUENCE OF CULTURE AND RELIGION ON DEVELOPMENT: Stimulus or stagnation?, June 2005 43 MIGRATION AND DEVELOPMENT COOPERATION: coherence between two policy areas, June 2005 44 THE EUROPEAN UNION’S NEW EASTERN NEIGHBOURS: July 2005 45 THE NETHERLANDS IN A CHANGING EU, NATO AND UN: July 2005 46 ENERGETIC FOREIGN POLICY: security of energy supply as a new key objective, December 2005*** 47 THE NUCLEAR NON-PROLIFERATION REGIME: The importance of an integrated and multilateral approach, January 2006 48 SOCIETY AND THE ARMED FORCES, April 2006 49 COUNTERTERRORISM FROM AN INTERNATIONAL AND EUROPEAN PERSPECTIVE, September 2006 50 PRIVATE SECTOR DEVELOPMENT AND POVERTY REDUCTION, October 2006 51 THE ROLE OF NGOs AND THE PRIVATE SECTOR IN INTERNATIONAL RELATIONS, October 2006 52 EUROPE A PRIORITY!, November 2006 53* LE BENELUX, UTILITÉ ET NÉCESSITÉ D’UNE COOPÉRATION RENFORCÉE, février 2007 54* L’OCDE DE DEMAIN, mars 2007 55 CHINA IN THE BALANCE: towards a mature relationship, April 2007 56 DEPLOYMENT OF THE ARMED FORCES: interaction between national and international decision-making, May 2007 57* LE SYSTÈME DES TRAITÉS DE L’ONU RELATIFS AUX DROITS DE L’HOMME: renforcement graduel dans un contexte politiquement sensible, juillet 2007 58* LES FINANCES DE L’UNION EUROPÉENNE, décembre 2007 59 EMPLOYING PRIVATE MILITARY COMPANIES: a question of responsibility, December 2007 60 THE NETHERLANDS AND EUROPEAN DEVELOPMENT POLICY, May 2008 61 COOPERATION BETWEEN THE EUROPEAN UNION AND RUSSIA: a matter of mutual interest, July 2008 62 CLIMATE, ENERGY AND POVERTY REDUCTION, November 2008 63 UNIVERSALITY OF HUMAN RIGHTS: principles, practice and prospects, November 2008 64 CRISIS MANAGEMENT OPERATIONS IN FRAGILE STATES: the need for a coherent approach, March 2009 65 TRANSITIONAL JUSTICE: justice and peace in situations of transition, April 2009** 66 DEMOGRAPHIC CHANGES AND DEVELOPMENT COOPERATION, July 2009 67 NATO’S NEW STRATEGIC CONCEPT, January 2010 68 THE EU AND THE CRISIS: lessons learned, January 2010 69 COHESION IN INTERNATIONAL COOPERATION: Response to the WRR (Advisory Council on Government Policy) Report ‘Less Pretension, More Ambition’, July 2010 70* LES PAYS-BAS ET LA RESPONSABILITÉ DE PROTÉGER: les populations contre les crimes de masse, juin 2010 71* LA CAPACITÉ DE L’UE À POURSUIVRE SON ÉLARGISSEMENT, juillet 2010 72 COMBATING PIRACY AT SEA: a reassessment of public and private responsibilities, December 2010 73 THE HUMAN RIGHTS OF THE DUTCH GOVERNMENT: identifying constants in a changing world, February 2011 74* AGENDA DU DÉVELOPPEMENT APRÈS 2015: les objectifs du Millénaire en perspective, avril 2011 75* RÉFORMES DANS LE MONDE ARABE: perspectives pour la démocratie et l’état de droit ?, mai 2011 76* LA POLITIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE EN MATIÈRE DE DROITS DE L’HOMME: entre ambition et ambivalence, julliet 2011 77 CYBER WARFARE, December 2011** 78* LA COOPÉRATION EUROPÉENNE EN MATIÈRE DE DÉFENSE: souveraineté et capacité d’action, janvier 2012 79 THE ARAB REGION, AN UNCERTAIN FUTURE, May 2012 80* DES MONDES INÉGAUX : Pauvreté, croissance, inégalités et rôle de la coopération internationale, novembre 2012 81 THE NETHERLANDS AND THE EUROPEAN PARLIAMENT: investing in a new relationship, November 2012 Advisory letters issued by the Advisory Council on International Affairs 1 Advisory letter THE ENLARGEMENT OF THE EUROPEAN UNION, 10 December 1997 2 Advisory letter THE UN COMMITTEE AGAINST TORTURE, 13 July 1999 3 Advisory letter THE CHARTER OF FUNDAMENTAL RIGHTS, 9 November 2000 4 Advisory letter ON THE FUTURE OF THE EUROPEAN UNION, 9 November 2001 5 Advisory letter THE DUTCH PRESIDENCY OF THE EU IN 2004, 15 May 2003**** 6 Advisory letter THE RESULTS OF THE CONVENTION ON THE FUTURE OF EUROPE, 28 August 2003 7 Advisory letter FROM INTERNAL TO EXTERNAL BORDERS. Recommendations for developing a common European asylum and immigration policy by 2009, 12 March 2004 8 Advisory letter THE DRAFT DECLARATION ON THE RIGHTS OF INDIGENOUS PEOPLES: from Deadlock to Breakthrough?, September 2004 9 Advisory letter OBSERVATIONS ON THE SACHS REPORT: How do we attain the Millennium Development Goals?, 8 April 2005 10 11 Advisory letter THE EUROPEAN UNION AND ITS RELATIONS WITH THE DUTCH CITIZENS, December 2005 Advisory letter COUNTERTERRORISM IN A EUROPEAN AND INTERNATIONAL PERSPECTIVE: interim report on the prohibition of torture, December 2005 12* RÉACTION À LA STRATÉGIE DES DROIT DE L’HOMME 2007, novembre 2007 13 Advisory letter AN OMBUDSMAN FOR DEVELOPMENT COOPERATION, December 2007 14 Advisory letter CLIMATE CHANGE AND SECURITY, January 2009 15 Advisory letter THE EASTERN PARTNERSHIP, February 2009 16 Advisory letter DEVELOPMENT COOPERATION, The benefit of and need for public support, May 2009 17 Advisory letter OPEN LETTER TO A NEW DUTCH GOVERNMENT, June 2010 18* LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME : protectrice des droits et des libertés du citoyen, novembre 2011 19 Advisory letter TOWARDS ENHANCED ECONOMIC AND FINANCIAL GOVERNANCE IN THE EU, February 2012 20 Advisory letter IRAN’S NUCLEAR PROGRAMME: Towards de-escalation of a nuclear crisis, April 2012 21 22 Advisory letter THE RECEPTOR APPROACH: A question of weight and measure, April 2012 Advisory letter OPEN LETTER TO A NEW DUTCH GOVERNMENT: The armed forces at risk, September 2012 ** *** **** Avis émis conjointement par l’AIV et la Commission consultative pour les problèmes de droit international (CAVV). Avis émis conjointement par l’AIV et le Conseil général de l’énergie. Avis émis conjointement par l’AIV et la Commission consultative sur l’immigration (ACVZ). Annexe IV Complémentarité et synergie : définitions Les différentes dimensions de la complémentarité selon les définitions de l’UE La complémentarité est la meilleure répartition des tâches possible entre les différentes parties concernées afin de parvenir à une utilisation optimale des ressources financières et humaines. Elle suppose que chaque partie axe son soutien sur les domaines où elle est capable de générer la plus grande valeur ajoutée en comparaison des autres acteurs. Il existe cinq types de complémentarité, qui sont interdépendants et forment un tout : 1. Complémentarité au sein d’un pays bénéficiaire : la fragmentation de l’aide entraîne l’augmentation des charges administratives et des coûts de transaction dans les pays partenaires, la dilution du dialogue politique et même, éventuellement, l’attribution erronée de moyens. Certains secteurs, politiquement attrayants, reçoivent un soutien démesuré, alors que d’autres, tout aussi importants, sont défavorisés. 2. Complémentarité entre les pays bénéficiaires : souvent, les donateurs se concentrent sur un petit nombre de pays enregistrant de bons résultats, au détriment d’autres pays souvent vulnérables, ce qui contribue à creuser le fossé entre les favoris des bailleurs et les pays « oubliés de l’aide ». Acteur mondial, l’UE joue à cet égard un rôle particulier. De plus, les États membres entretiennent d’étroites relations avec tous les pays en développement et l’UE a signé des accords officiels avec la plupart d’entre eux. 3. Complémentarité entre les secteurs d’activité : il n’est pas nécessaire que tous les donateurs participent au renforcement des capacités dans tous les domaines. Certains ont acquis une expertise spécifique qui doit être exploitée de façon optimale. L’UE devrait ainsi pouvoir offrir un ensemble complet de mesures thématiques et sectorielles. 4. Complémentarité verticale : la multiplication des initiatives mondiales et des organisations régionales a contribué à instaurer un système d’aide stratifié d’une grande complexité. Dans plusieurs domaines, des activités comparables sont entreprises simultanément à l’échelle nationale (ou celle des collectivités territoriales), régionale ou internationale. Aussi la création de nouvelles structures de coopération doit-elle être bien réfléchie afin d’éviter la double élaboration, au niveau à la fois national et régional, d’activités transfrontalières, de projets de grande envergure ou de projets de renforcement des capacités. 5. Complémentarité entre les différents instruments : la cohérence entre les différents modes d’exécution ou instruments utilisés pour certaines initiatives doit être renforcée.10187 Synergie selon la définition des sciences sociales Synergie : il y a synergie lorsque l’effet obtenu grâce à la coopération est supérieur à celui que chacune des parties aurait pu réaliser seule. Son contraire est l’entropie (moyens de plus en plus nombreux pour un effet de plus en plus réduit). 101 Voir : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:52007DC0072:FR:NOT>.