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LA MÉTHODE NATURELLE DE GEORGES HÉBERT OU « L'ÉCOLE
NATURISTE » EN ÉDUCATION PHYSIQUE (1900-1939)
Sylvain Villaret et Jean-Michel Delaplace
De Boeck Supérieur | Staps
2004/1 - no 63
pages 29 à 44
ISSN 0247-106X
Article disponible en ligne à l'adresse:
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Pour citer cet article :
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Villaret Sylvain et Delaplace Jean-Michel, « La Méthode Naturelle de Georges Hébert ou « l'école naturiste » en
éducation physique (1900-1939) »,
Staps, 2004/1 no 63, p. 29-44. DOI : 10.3917/sta.063.0029
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STAPS, 2003, 63, 29-44
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APPORT DE RECHERCHE
La Méthode Naturelle de Georges Hébert
ou « l’école naturiste » en éducation physique
(1900-1939)
Sylvain Villaret*, Jean-Michel Delaplace
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Résumé : A la fin du XIXe siècle, le naturisme est une thérapeutique médicale reposant sur
l’usage des éléments naturels (air, eau, soleil) qui se concrétise également dans une hygiène
de vie. Il est circonscrit au champ médical. A la faveur du spectre de la dégénérescence de
la race française, les thèses et les applications qu’il véhicule se diffusent dans le champ de
l’éducation physique et des sports. La Méthode Naturelle de Georges Hébert naît et se structure au contact des théories et des pratiques naturistes au point que dès 1912 Hébert est perçu
comme le chef de file de « l’Ecole Naturiste » en éducation physique. Au-delà de la préparation des athlètes aux Jeux Olympiques, le Collège d’Athlètes de Reims qu’il dirige en 1913
apparaît ainsi comme un centre naturiste d’éducation physique. Son engagement naturiste ne
se dément pas entre les deux guerres, au moment même où se structurent la plupart des organisations naturistes. Hébert et le mouvement auquel il donne naissance s’inscrivent alors
dans le champ naturiste à part entière. Associé au Dr Carton, il tente ainsi d’imposer sa
conception du naturisme face aux nouveaux venus, tout en poursuivant l’élaboration de la
Méthode Naturelle grâce aux apports du naturisme cartonien. Il exerce également une
influence significative sur les autres mouvements naturistes. Sa conception du sport et de
l’éducation physique s’impose dans l’esprit de la majorité des chefs de file du naturisme
français. D’un point de vue pratique, la Méthode Naturelle recueille également tous les suffrages dans les centres naturistes qui s’ouvrent dans cette période.
Mots clés : naturisme, hébertisme, éducation physique, sports, médecine.
The George Hébert’s Natural Method or the “naturist school”,
in physical education (1900-1939)
Abstract : At the end of XIXth century, naturism is a medical therapy based on the use of natural elements (air, water, sun) and hygiene of life. Naturism concerns only medical field. Thanks to the fear of
French race’s degeneration, the theses and the naturist applications diffuse in the field of physical education and sports. The George Hébert’s Natural Method is born and structure in contact with theories
and naturist practices so much so that Hébert is perceived like the head of file of the “Naturist School”,
in physical education since 1912. Beyond the training of the athletes for the Olympic Games, the
College of Athletes of Reims, directed by Hébert since 1913, seems to be a real naturist centre of phy* E-mail : [email protected]
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Docteurs STAPS, C.R.I.S., Université de Lyon I
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Sylvain VILLARET et Jean-Michel DELAPLACE
sical education. Hébert’s naturist engagement is not lunatic between the two wars, when the majority
of the naturist organizations is structured. Hébert and his movement belong to the naturist field.
Associated to Dr Carton, he tries to impose his conception of naturism, while continuing the development of the Natural Method thanks to the contributions of Carton’s naturism. He also has a significant
influence on the other naturist movements. The majority of French naturism leaders share Hébert’s
conception of sport and physical education. From a practical point of view, the Natural Method also
obtains naturists’ favour in the centres that open during this time.
INTRODUCTION : L’HÉBERTISME À
LA LUMIÈRE DU NATURISME
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Tout au long de son histoire, le naturisme semble cristalliser autour de lui des
préjugés de toutes sortes. Longtemps perçu
comme une médecine charlatanesque, il est
de nos jours assimilé le plus souvent à la
nudité intégrale considérée comme une fin
en soi. Comme tendent à le démontrer des
travaux récents (Villaret, 2001, Baubérot,
2002), sa réalité historique est pourtant
autrement complexe. Rappelons que c’est à
la fin du XVIIIe siècle que ce terme apparaît
dans la langue écrite sous la plume exclusive de médecins1. Il désigne une doctrine
de soins néo-hippocratique, influencée par
les thèses vitalistes. Celle-ci repose sur la
sollicitation de la nature « médecin des
maladies » (Natura medicatrix), nature que
le praticien aide en jouant principalement
sur les paramètres thermiques et diététiques. Au début du XIXe siècle, le naturisme
est rénové outre-Rhin grâce aux apports
d’empiristes germaniques dont les plus
célèbres sont Vinzenz Priessnitz, Sebastian
Kneipp et Arnold Rikli (Villaret, 2001). Ces
derniers redécouvrent les vertus curatives
des éléments naturels. Ils leur confèrent une
action « vitalisante » qu’ils opposent aux
effets « dégénératifs » des médicaments
chimiques. Sous l’influence allemande, le
naturisme français devient au début du
XIXe siècle une thérapeutique recourant
essentiellement à la diététique et aux agents
naturels, pris sous formes de bains (bains
d’air, de lumière, de soleil, d’eau). Il se pro-
longe dès la fin du XIXe siècle à travers une
hygiène de vie fondée sur le respect des
« lois de la nature » et un usage euphémisé
des applications thérapeutiques. Il se développe en réaction face à l’avènement de la
société urbaine et industrielle et la « peur de
voir ces effets corrompre le corps de l’individu et, à travers lui, le corps social »
(Baubérot, 2002, 34). Enfin, avec l’affaiblissement de la tutelle médicale, le phénomène naturiste s’affirme pour la plupart de
ses adeptes comme un mode de vie alternatif, reposant sur l’idée d’un épanouissement
total de l’individu grâce à un retour raisonné
à la nature et à ses éléments. Ce retour s’appuie sur des pratiques telles que le dévêtissement2, la culture morale et mentale, le
végétarisme ou encore l’éducation physique
et les sports. Présente en Allemagne dès la
fin du XIXe siècle, cette évolution se produit
en France au sortir de la Grande Guerre. Le
naturisme s’apparente ainsi à un « un système culturel marginal et contestataire »
(Baubérot, 1997, 3). Il est patent de constater que ses formes reposent sur une perception particulière de la nature, nature avec
laquelle il convient de renouer. Cette perception se traduit dans les conceptions de la
santé, de la force comme dans les rapports
que les individus entretiennent avec leur
corps et leur environnement.
Jusqu’à une date récente, rares ont été
les travaux historiques portant sur le naturisme dans le champ de l’éducation physique et des sports. André Rauch soulignait
en 1995 tout l’intérêt qu’il y avait à entreprendre l’étude d’un tel objet3. Un inflé-
1. Notamment le Dr Planchon (1778).
2. Cette tendance donne lieu au nudisme. Au départ, ses prosélytes emploient d’ailleurs le terme de « nudonaturisme », soulignant ainsi la filiation étroite qu’il y alors entre ces formes de pratiques.
3. « Les mouvements naturistes, leurs organisations et leurs conceptions de la nudité, des plaisirs, du soleil et
de l’eau, marquent le contraste le plus profond entre les civilités citadines et le retour au naturel. Au-delà des doctrines, l’histoire de ces organisations reste à faire », Rauch, 1995, 115.
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Key words : naturism, hebertism, physical education, sports, medicine.
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chissement de cette tendance s’observe
néanmoins depuis peu avec les thèses soutenues par Michel Rainis (1999), qui souligne les apports des naturistes en matière
d’éducation balnéaire dans la période
1900-1939, Jean-Michel Delaplace (2000)
et Sylvain Villaret (2001). Delaplace s’intéresse à l’évolution de l’œuvre hébertiste, en
suivant la problématique de la diffusion
scolaire de l’éducation physique créée par
Hébert. Il démontre que l’histoire de la
Méthode Naturelle est celle des rendezvous manqués avec l’école et en explique
les raisons. Quant à Villaret, il étudie les
influences réciproques s’exerçant entre
acteurs de l’éducation physique et acteurs
du naturisme depuis le XIXe siècle jusqu’à
la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il
met en exergue l’importance de l’activité
physique dans les mouvements naturistes et
identifie les formes spécifiques de pratiques corporelles se déroulant dans les
centres qui se développent progressivement. Le topique du naturisme s’affirme
désormais comme un outil privilégié pour
analyser l’évolution des conceptions et des
pratiques de l’éducation physique.
Ce travail poursuit l’objectif premier de
démontrer l’importance d’une entrée dans
l’histoire de l’éducation physique par le
naturisme, en prenant pour illustration le
cas de l’un de ses éminents protagonistes :
Hébert, engagé dans le processus de création d’une méthode d’éducation physique
inédite. Nombre d’auteurs se sont en effet
intéressés aux conditions d’élaboration de
la Méthode Naturelle, d’autant plus que son
concepteur défend son caractère intemporel. Créée selon Hébert sans autre aide que
l’observation de l’homme à l’état naturel,
« la méthode naturelle se bornerait à une
découverte sans contexte ni passé », comme
le remarquent Michèle Métoudi et Georges
Vigarello (1980). Elle s’affirme comme une
vérité intangible, échappant, « de par sa
nature », aux prises du temps. Plusieurs
auteurs se sont cependant attachés à démontrer l’enracinement de la méthode naturelle
dans « l’air du temps », autrement dit dans
le champ culturel et social contemporain à
Hébert. Vigarello et Métoudi ont mis en évidence les ambiguïtés que recouvre la référence à la nature chez Hébert et le rôle idéologique qui lui est assigné. De même,
J. Defrance (1997) souligne que c’est en
31
inspirant des méthodes sportives d’entraînement des marines américains que le célèbre
lieutenant de Vaisseau a jeté les bases de sa
méthode, la référence à la figure mythique
du sauvage n’étant qu’un habile paravent.
Cependant, les discours comme l’usage de
la nature fait par Hébert ne sont pas mis en
perspective avec ceux défendus par les
tenants d’un retour à une vie et une hygiène
naturelles. Par ailleurs, si certaines analyses
historiques portant sur Hébert font cas de
l’influence du médecin naturiste Paul
Carton (Ulmann, 1965, Andrieu, 1988,
Defrance, 1993), elles occultent les rapports
existant avec les autres acteurs du naturisme. Alors que les conflits entre le Maître
de la Méthode Naturelle et les promoteurs
de systèmes d’éducation physique sont
désormais limpides (Delaplace, 2000),
l’éventualité de concurrence et d’affrontements entre Hébert et les promoteurs du
naturisme n’a pas été envisagée.
Toujours dans le but de comprendre
comment a été élaborée la Méthode
Naturelle, il apparaît légitime de s’interroger sur les relations qu’ont pues entretenir
Hébert et les mouvements naturistes qui lui
sont contemporains. Impliqué dans les
champs de l’éducation physique et du naturisme (Villaret 1999), la question se pose
de savoir comment il articule ses sources
d’inspirations dans l’élaboration de son
œuvre. De façon corollaire, on peut s’interroger sur la plus ou moins grande originalité du « naturisme hébertiste », ce qui renvoie à la question des apports d’Hébert
concernant le phénomène naturiste. Son
implication dans ce champ se restreint-elle
à l’emprunt intéressé d’idées et de justifications pour sa méthode ?
Au-delà de l’étude des formes d’influence du naturisme sur l’éducation physique d’Hébert, notre projet est de voir
comment le mouvement hébertiste trouve
sa place dans la « nébuleuse naturiste »
(Baubérot, 2002) et les conséquences que
cela entraîne non seulement sur les autres
mouvements naturistes mais aussi sur la
reconnaissance sociale et institutionnelle
de la Méthode Naturelle. Notre corpus
comprend l’ensemble des publications
d’Hébert mais également les principaux
écrits (ouvrages, revues, fascicules,
archives) des protagonistes du naturisme de
cette période.
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LA MÉTHODE NATURELLE DE GEORGES HEBERT
1. LA CRÉATION DE LA MÉTHODE
NATURELLE
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Dès le XIXe siècle, le corps médical
français joue le rôle de vecteur d’influence
du naturisme allemand en France (Villaret,
2002). Ce processus se renforce au tournant du siècle, alors que des praticiens toujours plus nombreux prennent la plume
pour vulgariser ces conceptions particulières de la thérapeutique comme de l’hygiène. Le Dr Albert Montéuuis publie de
1900 à 1914 plus d’une dizaine d’ouvrages
consacrant la valeur du naturisme. Pour ces
médecins, être naturiste consiste alors non
seulement à se soigner en utilisant les
forces vitales présentes dans la nature et ses
agents mais aussi à prévenir la maladie par
l’observance d’une hygiène de vie naturelle. Pour contrebalancer les effets perçus
comme morbides de la vie moderne, il
s’agit de se régénérer et de s’endurcir grâce
à la pratique régulière des bains naturistes,
de l’activité physique en plein air. Ceci
implique aussi l’adoption d’une nourriture
naturelle, de vêtements et d’un logement
favorisant un contact plus étroit avec les
éléments naturels. Pour les médecins naturistes, les médicaments chimiques, artificiels, sont incapables d’assurer à long
terme la santé à tout un chacun. Les discours naturistes rencontrent d’autant plus
d’attention que l’efficacité de certains
agents naturels, comme le soleil avec l’essor de l’héliothérapie, a été prouvée dans la
lutte contre la tuberculose. La prise en
compte sociale du naturisme se développe
avec la perspective d’une « dégénérescence
de la race » (Vigarello, 1978 ; Carol, 1995),
alors omniprésente dans les esprits. Depuis
les écrits du Jean-Baptiste de Lamarck et
de Charles Darwin, nombreux sont les
médecins à envisager la désadaptation de
l’individu aux conditions naturelles de vie
du fait des nouvelles modalités d’existence,
avec pour conséquence l’affaiblissement
progressif des générations et à terme
« l’anéantissement de l’espèce » (Morel,
1857, IX).
Cependant, l’importation des pratiques
et des conceptions naturistes en éducation
physique ne se fait pas sans difficulté. Elle
s’effectue tout d’abord par l’intermédiaire
de médecins s’impliquant directement
dans le milieu de la culture physique. Les
Sylvain VILLARET et Jean-Michel DELAPLACE
représentants les plus célèbres de ces
« médecins culturistes » sont les Drs Georges
Rouhet, Francis Heckel ou encore JamesEdward Ruffier. Au début du XXe siècle, le
Dr Rouhet est certainement l’un des plus
ardents propagandistes d’un retour raisonné à la nature devant permettre de régénérer la race française (Rouhet, 1913). Il
écrit ainsi en 1908 à propos des applications naturistes qu’il intègre dans tout
entraînement physique : « En somme tous
ses procédés, bains froids, bains de neige,
bains de soleil, ont en définitive pour
résultat de rendre le corps absolument
réfractaire aux refroidissements, à l’endurcir et à faire de nos chétifs et débiles
produits civilisés de véritables « hommes
de la nature », de véritables pur-sang
humains » (Rouhet, Desbonnet, 1908, 196197). Dans son école girondine ouverte
dans la dernière décennie du XIXe siècle,
les exercices sportifs sont exécutés en
pleine nature. Le port d’un simple caleçon
ou d’un pantalon est la tenue de rigueur. La
nudité est le moyen de juger du développement corporel, de déterminer le choix des
exercices et de profiter des bienfaits de la
cure atmosphérique créée par Rikli et mise
à l’honneur « aux Rouhet ». Ces conceptions de la santé et de la force sont rapidement relayées et développées par des sportifs comme Lucien Tellier, Albert Surier,
Edmond Desbonnet mais aussi par certains
propagandistes de la gymnastique suédoise, dont le Dr Tissié (Tissié, 1908, 166).
Peu à peu, ces thèmes imprègnent le
champ de l’éducation physique. Les
textes de Rikli, de Kneipp et même
d’Hippocrate sont redécouverts. La parole
est donnée aux médecins naturistes français au sein même des périodiques d’éducation physique et de sports. Edmond
Desbonnet confie ainsi le soin au Dr
Audollent, fondateur de l’Institut Kneipp
de France, de mettre en exergue l’esprit
guidant sa revue La santé par les sports
(Desbonnet, 1911). Mettant fin aux intermédiaires, les acteurs de l’éducation physique n’hésitent pas à se rendre en
Allemagne afin de s’inspirer au mieux de
la formation corporelle en vigueur dans
les sociétés sportives ou de gymnastique
mais aussi dans les centres naturistes.
Ceci se produit au moment où les mouvements naturistes allemands sont en pleine
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phase d’institutionnalisation4. Dans son
article La nudité dans les sports, paru en
1908 dans le périodique L’éducation physique, Oscar Rémi défend la pratique de la
nudité totale associée à l’exercice sportif
telle qu’il l’a observée dans certains centres
naturistes allemands. Ce délégué de Paris
auprès du Comité Olympique la présente
comme un impératif sanitaire engendré par
la vie moderne dans l’atmosphère viciée
des villes. En effet, le sédentarisme, le
confort dans lequel vivent les classes aisées
et les habitations insalubres des classes
populaires ont un même effet : ils privent la
population du contact avec les éléments stimulants nécessaires à son existence et
empêchent son endurcissement face aux
éléments naturels. Pour faire face à la
menace de dégénérescence qui en résulte,
Rémi propose la création « d’établissements spéciaux » ou nudité et sport se trouveraient associés.
Hébert élabore sa méthode d’éducation
physique dans ce contexte particulier5.
Face aux valeurs sûres que sont la gymnastique suédoise, la culture physique ou
encore la méthode éclectique prônée par le
Manuel d’exercices physique et de jeux
scolaires, il ne propose dans ses premiers
ouvrages (1907, 1909) qu’un système
éclectique et plagiaire. L’emploi d’une
dénomination nouvelle des exercices –
exercices auxquels on attribue le qualificatif de naturel ou d’utilitaire – ne doit pas
cacher cet état de fait. La leçon se divise
comme toujours en deux parties. La première poursuit des objectifs correctifs et
repose sur les exercices analytiques et suédois. Quant à la seconde, elle s’apparente à
la gymnastique de formation, et comprend
des jeux, des pratiques sportives et des
exercices dits naturels « exécutés dans les
conditions les plus rudes ». A l’instar de la
plupart des autres auteurs, il consacre alors
la valeur de la science et de l’expérimentation. Il oppose l’action aléatoire de la
nature à celle plus efficace et plus sûre de la
33
méthode. Concernant son rapport au naturisme, Hébert suit timidement la tendance
générale. En 1904, bien des années après le
Dr Rouhet, il inclut le dévêtissement durant
l’entraînement, lorsque les circonstances
atmosphériques sont favorables. La revue
L’éducation physique s’en fait l’écho :
« Les exercices physiques ont toujours lieu
en plein air (…). L’éducation au froid se
fait : 1° au moyen de bains d’air, de lumière
et de soleil en toutes saisons ; 2° au moyen
de bains de mer pendant l’été » (Comité de
rédaction, 1906, 600-601). Cependant,
Hébert n’utilise pas cette terminologie dans
ses deux premiers ouvrages. Seuls les bains
d’air et d’eau sont évoqués, sans les justifications naturistes que l’on observe chez le
Dr Rouhet. La référence au sauvage est présente, mais elle n’apparaît pas alors comme
essentielle. Delaplace (2000, 78) y voit
notamment l’expression de la fascination
pour l’aventure coloniale. Celle-ci résonne
également comme un écho à la diffusion du
scoutisme en Europe. Et d’ailleurs, tout
comme les notions d’utilitarisme et de
débrouillardise, la figure mythique du sauvage est largement présente dans les
ouvrages de Baden-Powell. Denis défend
ainsi l’idée que « l’école de la vie
sauvage », présente dans le scoutisme français et dans la Méthode Naturelle, pourrait
« proposer, sous les formes enjouées d’une
contrebande symbolique, des idées qui restent encore très confuses au plan politique :
coloniser la métropole pour faire, de la
République, un empire » (Denis, 2000, 35).
Il est certain également que les nombreux
articles publiés dans l’Education physique
concernant les « bains atmosphériques »
(Bains d’air, de lumière et de soleil) créés
par Rikli et les bienfaits sportifs de la
nudité confortent Hébert dans son orientation naturiste. De plus, Vienne, véritable
mentor d’Hébert, ne manque pas de relever
ces pratiques lors de ses fréquentes visites
à l’école des fusiliers marins de Lorient
dirigée par le célèbre officier de marine.
4. Du point de vue des formes, le naturisme allemand a près de 20 ans d’avance sur son homologue français.
Au tournant du XIXe siècle, il est en pleine phase d’institutionnalisation et comprend des centaines de centres et une
Ligue de plus 100 000 membres. Ce n’est qu’au début des années 20 que ce processus d’institutionnalisation et de
popularisation touche la France, et à une échelle bien moindre en ce qui concerne les effectifs. Hormis le cas du
mouvement hébertiste, les principales structures affichant clairement leur caractère naturiste rassembleraient environ 20 000 adhérents au début des années 30.
5. Nous ne reviendrons pas sur la biographie de Georges Hébert qui a fait l’objet déjà de multiples travaux
(Delaplace, 1995, 2000).
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LA MÉTHODE NATURELLE DE GEORGES HEBERT
2. HÉBERT OU « L’ÉCOLE NATURISTE » EN ÉDUCATION PHYSIQUE
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Hébert adopte les thèses naturistes afin
de se différencier de ses concurrents et de
justifier la création d’une nouvelle
méthode. Le tournant est pris en 1910, dans
le Code de la Force. Les termes de
Méthode Naturelle se substituent alors à
ceux de Gymnastique raisonnée pour désigner le système qu’il promeut. Les principes directeurs de sa méthode deviennent
des « lois de la nature ». Il tente ainsi de
s’attribuer le thème de la nature dans le
champ de l’éducation physique : « Dans
cette méthode le principe de travail quotidien consiste précisément à rétablir pendant un temps déterminé, les conditions
mêmes de la vie naturelle » (Hébert, 1910,
XVII-XVIII). Hébert recontextualise en
éducation physique l’opposition adjuvants
de la nature contre médicaments, en terme
d’exercices physiques naturistes face aux
exercices artificiels incarnés par la gymnastique suédoise. L’utilisation des arguments
naturistes est alors des plus idéologiques. Il
s’agit de masquer des emprunts, de renouveler les justifications, de réorganiser tous
les principes de sa méthode autour du naturisme. Defrance a démontré notamment
l’usage du vocabulaire naturiste fait par
Hébert afin de dissimuler deux de ses
sources d’inspiration : le sport et l’éducation physique américaine (Defrance, 1997).
Delaplace souligne à ce sujet le plagiat de
la gymnastique utilitaire de Pierre de
Coubertin opéré par le lieutenant de vaisseau. Les épreuves de la fiche-type élaborée par Hébert pour évaluer la valeur de
tout individu sont directement inspirées de
celles du « diplôme du débrouillard », créé
en 1905 par le rénovateur des Jeux
Olympiques.
A partir de 1910, Hébert s’approprie
systématiquement les idées et les pratiques
naturistes en vogue afin de poursuivre
l’élaboration concrète de sa méthode et de
lui conférer une unité doctrinale. Il est
encouragé dans cette orientation par des
médecins naturistes tels que Carton,
Heckel, Marcel Didier qu’il côtoie, pour la
plupart, au Collège d’Athlètes de Reims.
La place des bains d’air, d’eau et de soleil
se trouve ainsi réaffirmée. De même, ces
pratiques prennent une toute autre dimen-
Sylvain VILLARET et Jean-Michel DELAPLACE
sion avec les justifications naturistes accréditées par Hébert. Leur caractère fondamental est affirmé. Elles ont lieu lors de
l’exécution des exercices naturels, avec le
dévêtissement imposé, mais sont aussi
organisées après l’exécution des exercices.
Hébert ne retient cependant que les pratiques les plus répandues, s’accordant avec
les limites de la morale et susceptibles d’un
enseignement scolaire. Le dévêtissement
total prôné déjà par certains auteurs est
écarté.
L’influence du naturisme s’observe
principalement dans les discours tenus par
Hébert. La valeur, le sens conférés à des
notions comme la santé, la force évolue, ce
dont témoigne l’article De l’air ! De l’espace ! Des jeux !, publié en 1913. Alors que
ses propos concernant le phénomène de
dégénérescence de la race étaient auparavant caractérisés par une certaine retenue,
cet article tranche par sa violence.
Statistiques à l’appui, Hébert dénonce les
méthodes d’enseignement en vigueur à
l’école comme dans les armées. Il fait cas
de 65 % de bossus parmi les écoliers, de
30 % de myopes pour les enfants âgés de
14 ans et des 30 000 réformés sur 318 000
conscrits. La cause invoquée est l’absence
de contacts réguliers avec les éléments
naturels. Reprenant les propos d’Heckel et
de naturistes comme Rikli, il rappelle que
l’homme est « avant tout une créature
d’air, de lumière et de mouvement » (Ibid.,
91). Il dénonce « l’intellectualisme » excessif de la vie sociale, produisant des rêveurs
malingres au détriment « d’hommes pratiques, d’hommes d’action » (Idem). Mais
l’aspect le plus intéressant de cet article
consiste en la révélation de l’approche
médicale cautionnée. Hébert apparaît être
engagé dans le naturisme jusque dans sa
conception de l’acte médical. Il reprend
à son compte les idées défendues par le
Dr Carton et se livre à une attaque en règle
de la vaccination comme de la médecine
allopathique : « Les découvertes microbiennes merveilleuses certes en leur principe, mais souvent faussées en leur application, eurent également pour résultat
d’éloigner l’être humain de la vie normale.
A quoi bon cultiver son corps si un microbe
peut en quelques heures en avoir raison ?
Les médecins ont trop négligé d’insister sur
ce fait que l’organisme robuste détruit
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naturellement le microbe nuisible tandis
que l’organisme affaibli se laisse vaincre.
Il ne s’agit pas de s’injecter au préalable
dans le sang des sérums parfois débilitants,
il s’agit d’abord d’être fort » (Hébert,
1913, 91). Il prône une médecine hygiénique, sportive, et dénonce l’attitude des
praticiens qui, au XIXe siècle, « redoutaient
l’exercice par crainte de l’effort, l’action
vivifiante du grand air, la chaleur même du
soleil » (Idem). Par ses propos, Hébert s’affirme comme le représentant de l’école
naturiste en éducation physique. Dans son
livre publié en juin 1913, le Dr Heckel ne
fait que le renforcer sur ses positions lorsqu’il assimile la Méthode Naturelle à une
véritable « médication naturiste » (Heckel,
1913, 87).
Les actes d’Hébert ne démentent pas
ses paroles, ce qui laisse supposer que son
rapport au naturisme relève désormais non
seulement de l’intérêt mais de la conviction. Depuis déjà quelques années, il a opté
pour une alimentation naturelle à dominante végétarienne et traite de cette question au sein de la revue L’éducation physique (Hébert, 1911). Comme le signale en
1914 un de ses disciples, J. de Pierrefeu,
« le rêve d’Hébert, c’est de se nourrir de
noisettes, de bananes, de miels, de fruits
cueillis sur l’arbre » (Pierrefeu, 1914, 10).
Créé en 1913 pour préparer les athlètes aux
Jeux Olympiques de Berlin, le Collège
d’Athlètes (C.A.) de Reims devient sous
son impulsion le lieu d’un véritable retour
à la nature. Sa charge de directeur technique lui permet d’associer systématiquement les pratiques naturistes aux entraînements par la Méthode Naturelle et les
sports. Gustave Thomas, ancien moniteur
au C.A. devenu inspecteur d’éducation
physique, révèle la place accordée au naturisme dans la formation même des moniteurs et des monitrices : « A ses côtés (aux
côtés d’Hébert, n.d.r.), magistralement,
nous eûmes, moniteurs et monitrices, la
révélation de la Méthode Naturelle dans
toute son ampleur. A cet enseignement
s’ajoutait celui des pratiques naturistes, si
importantes et si délicates : bains d’air,
bains de soleil, ablutions, observance du
rythme activité-repos » (Thomas, 1955).
Signalons également que l’orientation
naturiste du C.A. se prolonge dans le choix
même du personnel médical. Ainsi, la sur-
35
veillance médicale de tous les individus
entraînés au C.A. est effectuée par deux
médecins naturistes. Il s’agit en l’occurrence du Dr Didier, qui ouvre au sortir de la
Grande Guerre L’institut Naturiste d’Alger,
et du Dr Heckel. La conduite naturiste
adoptée par Hébert est un modèle pour les
athlètes. Lors des stages d’entraînement, la
plupart d’entre eux préfèrent séjourner sous
la tente et prendre leur repas en plein air
plutôt que de quitter l’enceinte du C.A.
pour retrouver les hôtels de la ville de
Reims. Un des athlètes, de Pierrefeu, révèle
la coexistence au sein du Collège de « trois
agglomérations » de campeurs, représentant en quelque sorte trois degrés de naturisme. Les habitants de la première optent
pour un retour à la nature modéré, sans
renoncer au confort moderne et au plaisir
d’une alimentation sans restriction. Les
tentes sont meublées et les repas, préparés
à Reims, livrés à l’heure voulue. La
seconde agglomération rassemble ceux qui
« pratiquent le végétarisme et professent
l’homéopathie (au sens probable de médecine naturiste) » (Pierrefeu, 1914, 12). La
dernière section est constituée par les plus
ardents disciples d’Hébert dont le coureur
Jean Bouin. Elle est installée en bordure du
parc de Pommery. Il n’est plus question ici
de confort. Poussant la logique à son terme,
ses membres tentent même de vivre du produit de la chasse. C’était compter sans la
vigilance du gardien du parc qui met un
terme à cette expérience audacieuse avant
même qu’elle ne se révèle fructueuse.
Hébert n’emploie jamais avant guerre le
terme de naturisme dans ses écrits. Par
contre ses disciples comme ses détracteurs
lui revendiquent explicitement le titre de
représentant de l’école naturiste en éducation physique. Ce phénomène trouve
notamment son expression dans la diatribe
opposant Vienne au directeur de la revue
La culture physique, Surier. Afin de mettre
en évidence la supériorité de la Méthode
Naturelle sur « la culture physique en
cave » (Vienne, 1913, 94), Vienne propose
un match opposant vingt hébertistes à vingt
cavistes avec un prix de 1 000 francs pour
le vainqueur. Prenant le parti des cavistes,
Surier lance un défi à « Monsieur
Naturiste », mais sous la forme d’un débat
contradictoire. Cette déclaration est faite
dans un article intitulé « Naturiste et
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LA MÉTHODE NATURELLE DE GEORGES HEBERT
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Caviste ». La réponse de Vienne au nom
d’Hébert démontre que le qualificatif de
naturiste est non seulement assumé mais
revendiqué par les disciplines d’Hébert.
Pour Hébert et les prosélytes de l’hébertisme, ce sont les caractéristiques naturistes de la Méthode Naturelle qui fondent
sa supériorité. Pour ses adversaires, c’est le
contraire. Le Dr Tissié se livre ainsi à une
sévère critique de la Méthode Naturelle en
1914 dans son article « L’homme nu »
(Tissié, 1914). Comme il n’est pas hostile à
l’usage des adjuvants naturels, loin s’en
faut, il porte le débat sur les compétences
d’Hébert dans ce domaine. Il oppose le
naturisme empirique, outrancier de la
Méthode Naturelle à l’utilisation scientifique et mesurée des agents naturels qui est
faite dans la méthode suédoise. Pourtant, le
Dr Tissié n’ignore probablement pas les
propos du Pr Charles Bouchard – dont il a
été l’élève et qui signe la préface de son
livre La fatigue et l’entraînement – sur le
bien-fondé d’un naturisme médical et la
« noblesse » de ce concept. Afin peut-être
de ne pas obscurcir le débat, il préfère le
caricaturer et le caractériser négativement
comme de l’empirisme dangereux. Il n’hésite pas à opposer ainsi « l’école Naturiste,
d’Hébert, et l’Ecole Physiologique, Ling »
(Ibid., 26). Et si Hébert « après avoir été un
fervent Suédiste est devenu “Naturiste” »,
c’est à cause de son incompétence, de sa
mauvaise compréhension de l’éducation
physique et des « classifications ultra-fantaisistes » (Idem) qui en résultent. Dès lors,
une méthode élaborée empiriquement et
reposant sur des conceptions fausses ne
peut qu’aboutir à la mise en danger de ceux
qui la pratiquent. Le pas est rapidement
franchi par Tissié qui traite Hébert de criminel à propos des épreuves de la fichetype : « Imposer une succession de tels
exercices, dans un tel ordre, sans arrêt, nu,
au plein air et en tout temps, est un défi
porté à la raison pédagogique et à la
science médico-physiologique. C’est tuer
des cœurs et congestionner des reins et des
poumons » (Ibid., 37-38).
Les idées de Tissié sont partagées par
nombre de médecins et de pédagogues.
Ainsi, les caractéristiques naturistes de la
Méthode Naturelle constituent avantguerre un frein à sa diffusion au sein de
l’école. Le dévêtissement que l’éducation
Sylvain VILLARET et Jean-Michel DELAPLACE
physique hébertiste implique, s’il est
accepté dans la formation du soldat, suscite
encore certaines réserves concernant les
écoliers. A l’aube de la guerre, Hébert s’affirme donc bien aux yeux de tous comme le
représentant de l’école naturiste en éducation physique et le directeur d’un véritable
centre naturiste d’éducation physique : le
C.A. de Reims.
3. FACE AUX AUTRES NATURISTES :
L’ASSOCIATION HÉBERT-CARTON
Bien que le conflit mondial ait donné un
coup d’arrêt à la diffusion de la Méthode
Naturelle, il n’a pas pour autant mis un
terme à l’engagement naturiste d’Hébert. Il
voit au contraire se tisser les liens d’une
amitié étroite, fondée sur les mêmes
convictions, entre l’ex-directeur du C.A. et
le Dr Carton. Ce médecin naturiste utilise
dès 1915 la Méthode Naturelle en complément des applications naturistes pour soigner les enfants malades de l’hospice de
Brévannes. Après la Grande Guerre,
Hébert poursuit l’élaboration de sa
méthode uniquement à partir des concepts
et des pratiques naturistes développées par
le Dr Carton, seul auteur naturiste à être cité
par Hébert dans ses ouvrages. Sous son
influence, la place attribuée à la leçon en
pleine nature s’affirme dans la Méthode
Naturelle lors de ces années. Hébert réserve
de longs articles à la façon d’utiliser ce
cadre unique (Hébert, 1934). Il enrichit et
codifie les pratiques naturistes intégrées à
la Méthode Naturelle, ce dont rend compte
la parution de l’article « Technique d’utilisation des bains naturels d’air, de soleil et
de pluie » (1933). Il souscrit explicitement
à l’existence de forces vitales concentrées
dans la nature et s’appuie sur l’observation
d’indices corporels définis par le Dr Carton,
tels que l’appendice xiphoïde et les lunules
des ongles, pour juger de la vitalité de l’individu.
Cette démarche trouve son aboutissement en 1936 avec la publication du premier tome de L’éducation physique, virile
et morale par la Méthode Naturelle. Hébert
n’hésite pas alors à rappeler ses sources
d’inspirations : « La culture de la santé est
inséparable de la connaissance des principes de vie naturiste. (...) Les éducateurs
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de la jeunesse doivent savoir que la doctrine naturiste pure, pour des fins humanitaires bienfaisantes, a été établie et mise au
point magistralement par un savant
modeste et trop ignoré, le Dr Paul Carton »
(Hébert, 1936, 295). Le naturisme cartonien lui permet alors de donner une unité
doctrinale et une spécificité à sa méthode,
marquée au départ par l’éclectisme de ses
contenus. Il lui fournit une fois de plus
l’occasion d’affirmer la supériorité de la
Méthode Naturelle sur les propositions de
ses concurrents et son intangibilité. Son
utilisation s’inscrit dans la stratégie visant à
imposer son système dans l’école française. Par ailleurs, le naturisme cartonien
confère à la Méthode Naturelle une toute
autre dimension. Dépassant le cadre de la
leçon d’éducation physique, le système
Hébert devient dans l’Entre-deux-guerres
une philosophie de vie, une éthique.
Si elle est déterminante, l’influence de
Carton ne concerne qu’une part de l’œuvre
hébertiste. Hébert fait ainsi preuve d’innovation et d’originalité dans sa définition en
1936 du « mouvement naturel ». Le geste
ou le mouvement naturel est d’abord celui
qui traduit avec le plus de justesse l’un des
actes de la vie physique naturelle. Ensuite,
il ne met en jeu que les muscles nécessaires
à son exécution grâce notamment à la
décontraction des muscles non indispensables, et assure donc le meilleur rendement pour le minimum d’efforts.
Conséquence d’une exécution respectant le
principe d’économie maximale, le geste
naturel est le plus esthétique. De plus, il
s’adapte à la structure et à la conformation
de chaque individu. Toute personne possède donc un style d’exécution unique et
naturel. Témoignage de l’influence de
Georges Démenÿ, Hébert précise également que tout mouvement naturel est
continu et arrondi. Comble du paradoxe, le
mouvement naturel ne peut donc être issu
pour l’individu civilisé que d’un long
apprentissage et par suite d’un perfectionnement technique, faisant intervenir une
gradation en difficulté des exercices selon
le principe de gammes. Hébert défend aussi
l’existence d’une forme naturelle de travail
et de pédagogie censée respecter la nature
37
des élèves. Héritée des écoles nouvelles,
elle se caractérise par une plus grande
liberté d’action accordée à chaque élève.
Signalons également l’utilisation pragmatique du naturisme faite par Hébert dans
les structures auxquelles il donne naissance. Depuis le début des années 20,
Hébert qualifie lui-même de naturiste sa
méthode mais aussi ses centres d’éducation
physique. Les établissements payants
d’éducation physique réservés aux femmes
(les Palestres) qu’il ouvre successivement
sont ainsi les « lieux d’application du naturisme le plus complet » (Hébert, 1925, 12).
Le recours au naturisme s’inscrit alors dans
une stratégie commerciale visant notamment à assurer le financement des actions
entreprises par Hébert pour promouvoir sa
méthode. Cette orientation se vérifie également dans les centres hébertistes qui se
multiplient à partir de 19236. Publié en
1927 par la revue L’éducation physique, le
chant de ralliement de tous les hébertistes
ne laisse persister à ce sujet aucune ambiguïté : « On sait qu’les Hébertistes, Vivant
d’air et d’eau claire, (tous) Par Hébert !
Enragés Naturistes, Ont adopté cet air : (au
refrain) (...) » (Guinet, 1927, 64). Tout
adepte de la Méthode Naturelle adhère
nécessairement à une hygiène voire un
mode de vie naturiste. Hébert a également
recours à maintes reprises aux thèses naturistes cartoniennes dans son combat pour
imposer sa méthode à l’école. Il y fait référence pour appuyer son attaque contre l’ingérence des médecins dans tout ce qui
touche à l’éducation physique. Dans
Médecins, halte là (Hébert, 1927), il
s’élève contre leurs prétentions en soulignant leur conception fourvoyée de la
médecine, basée sur l’allopathie, et leur
approche décontextualisée de la vie comme
de la nature.
Entre les deux guerres, la Société
Naturiste Française, fondée par le
Dr Carton en 1922, et le mouvement hébertiste s’associent pour former un courant
naturiste à part entière. Cette union est destinée à s’assurer d’une suprématie sur les
autres organisations naturistes. Les années
folles voient en effet se multiplier les formations naturistes réformistes et le nombre
6. A la différence des Palestres, ces structures sont quasiment gratuites car elles poursuivent l’objectif de permettre à tous de pratiquer la Méthode Naturelle sans contrainte.
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LA MÉTHODE NATURELLE DE GEORGES HEBERT
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de leurs adhérents s’envoler. Se développent
de véritables fédérations naturistes à l’instar
du Trait d’Union de Demarquette, de la
Société Naturiste de France créée par deux
frères : les Drs Gaston et André Durville, de
la Ligue Vivre de Marcel Kienné de
Mongeot. Signalons que la majorité de ces
structures s’organisent à partir de centres
d’éducation physique et de sports, l’activité
physique étant un des piliers du mode de vie
naturiste. Poursuivant elles aussi des enjeux
commerciaux, elles exercent une véritable
concurrence tant pour Hébert que Carton car
elles s’intéressent au même bassin de clientèle. Le lancement en 1922 du périodique
L’éducation physique – Hébert reprend sa
direction suite au décès de Vienne – et de la
Revue Naturiste de Carton, s’inscrit ainsi
dans une stratégie complémentaire de lutte
pour définir le naturisme en France. Tout au
long de l’entre-deux-guerres, L’éducation
physique est le lieu d’où partent les attaques
contre les acteurs du naturisme ne se ralliant
pas aux idées de Carton. Les diatribes sont
d’autant plus acerbes qu’au-delà de pratiques similaires, les valeurs fondant le naturisme cartonien sont bien différentes de
celles prônées par ses concurrents. Le naturisme de Carton et d’Hébert repose en effet
sur la morale chrétienne et une conception
traditionaliste voire réactionnaire de la
société. Il s’oppose à l’approche laïque, progressiste des Drs Durville, de Kienné de
Mongeot et de Demarquette qui œuvrent
pour une émancipation des mœurs et soutiennent les revendications des féministes.
La nudité totale à laquelle aspirent les Drs
Durville et que pratiquent les membres de la
Ligue Vivre est jugée par Hébert et Carton
comme une atteinte aux bonnes mœurs.
David Strohl et André Rebsomen, principaux dirigeants du mouvement hébertiste, se
chargent personnellement de mener la campagne contre la nudité intégrale à travers
publications (Strohl, 1929) et conférences.
La crainte principale est de voir l’hébertisme
assimilé au nudisme ou au naturisme d’extrême gauche de Demarquette, ce qui pourrait nuire à la diffusion de la Méthode
Sylvain VILLARET et Jean-Michel DELAPLACE
Naturelle dans tous les milieux et en particulier au sein de l’institution scolaire.
Si pour la plupart des dirigeants du mouvement hébertiste le naturisme cartonien
apparaît souvent comme la seule solution
rationnelle, la situation n’est pas aussi tranchée parmi les adhérents des centres hébertistes. Les hébertistes sont nombreux à se
reconnaître dans les idées développées dans
les divers mouvements naturistes et même à
y participer, comme en témoigne une correspondance entre Marcel Ginguet, animateur
d’un centre hébertiste et Strohl (Ginguet,
1929). Le retrait progressif d’Hébert de son
mouvement à partir de 1930 ne nuit pas à la
pérennisation des thématiques naturistes.
Bien que le Groupement Hébertiste, fondé
en 1937, comprenne des adeptes de la première heure comme Rebsomen, Raoul
Dautry, le Dr Thooris, on retrouve dans ses
commissions nombre de personnalités
issues d’organisations naturistes concurrentes. Citons entre autres les cas du Dr
André Schlemmer, membre éminent de
Société Naturiste Française, du Dr Chauvois
qui adhère à la Ligue Vivre, du Dr Henri
Diffre, membre du comité d’action de la
Ligue Vivre, du Pr Laignel-Lavastine, président d’honneur de l’organisation naturiste
Calme et Santé, de Thomas, ou encore du Dr
Didier qui s’implique dans la plupart des
organisations naturistes existantes.
L’orientation naturiste du mouvement
hébertiste n’a pas freiné la diffusion de la
Méthode Naturelle tout au long de l’entredeux-guerres, bien au contraire. Avec 234
centres hébertistes recensés en France en
1937 et près de 25 000 adhérents en 1938,
le mouvement hébertiste s’affirme comme
l’une des plus importantes organisations
naturistes de France, si ce n’est la plus
importante. Signalons en effet, que le
nombre total d’individus rattachés au mouvement hébertiste et pratiquant la Méthode
Naturelle dépasse les 100 000, en raison
notamment de la collaboration existant
entre le Groupement Hébertiste et les mouvements scouts7. L’ampleur prise par le
mouvement hébertiste témoigne de la réus-
7. Ceci tient notamment au fait que nombre de chefs de file hébertistes s’investissent dans les mouvements
scouts et y détiennent des responsabilités importantes. Ainsi après avoir assuré depuis l926 la direction technique
des cours d’exercices physiques des chefs scouts, Robert Lafitte, un des principaux collaborateurs d’Hébert, est
nommé commissaire national des Eclaireurs de France en 1937. Cette collaboration entre mouvement hébertiste et
mouvements scouts se retrouve également au niveau des structures.
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site de la stratégie de recrutement
employée. La Méthode Naturelle rencontre
au cours des années 30 les aspirations des
Français, avides de liberté et de loisirs en
pleine nature. Les réformes engagées par le
Front Populaire participent de son succès
(Ory, 1987). L’intérêt porté à la Méthode
Naturelle par les responsables politiques du
Front Populaire comme Léo Lagrange tient
aux caractères naturistes de l’éducation
physique hébertiste. Le système Hébert
bénéficie alors de la reconnaissance quasi
unanime des bienfaits du naturisme en
général et de l’action bénéfique sur la santé
des agents naturels en particulier. Le naturisme médical apparaît comme une doctrine
hygiénique de bon sens qu’il convient de
privilégier afin de prévenir les maladies. Ses
thèses et ses pratiques sont reprises par une
part importante des acteurs du champ de
l’éducation physique et des sports. A
l’image de nombre de culturistes comme
P. Marié qui encourage la pratique de la
nudité intégrale en plein air, le Dr Ruffier
achève sa conversion naturiste en adhérant à
la Société de Médecine Naturiste de
Marseille et en ouvrant des centres d’éducation physique où les bains naturistes pris
totalement dévêtus sont à l’honneur. Un des
responsables de la Ligue Française
d’Education Physique, le Dr Henri Balland,
s’engage au sein du comité d’action de la
Ligue Vivre et publie dans la Revue des Jeux
Scolaire et d’Hygiène Sociale un article faisant cas de sa conviction naturiste : Du naturisme à la psycho-dynamie (1930). Les dirigeants de la Société Française de
Rééducation Physique revendiquent eux
aussi la place faite au naturisme dans les
traitements qu’ils développent. Le milieu
sportif n’est pas épargné. Le Dr Marc Bellin
du Coteau reconnaît à son tour que le naturisme « offre un intérêt certain quant à ses
principes » (Bellin du Coteau, 1929, 15).
Le fait qu’Hébert se rattache à un naturisme conservateur mais modéré a facilité
sa reconnaissance par les instances institutionnelles. Ainsi, comme le souligne
Delaplace (2001), les rendez-vous manqués
marquant les rapports entre Hébert et
l’école semblent davantage tenir à la personnalité du maître de la Méthode Naturelle
et à une pédagogie libérale qu’aux critiques
émises par certains des médecins suédistes
sur l’empirisme de sa démarche.
39
4. L’INFLUENCE D’HÉBERT SUR LE
NATURISME FRANÇAIS
L’implication d’Hébert dans le champ
naturiste ne s’est pas faite sans entraîner
des répercussions significatives sur ses différents acteurs. Le Collège d’Athlètes de
Reims sert de référence et de modèle aux
centres naturistes qui s’ouvrent dans les
années 20. En raison de la publicité importante dont il a fait l’objet, il est perçu par
les promoteurs des mouvements naturistes
et nudistes comme étant le premier véritable centre naturiste de France. Ayant
quitté la France après la guerre, le Dr Didier
s’en inspire pour fonder l’Institut naturiste
d’Alger. Stade en plein air, piscine, portiques, obstacles de toutes sortes, agrès,
sont quelques-unes des installations transposées sous le soleil de l’Algérie. Ouvert à
un public éclectique composé de malades
ou de jeunes gens attirés par un entraînement physique poussé, c’est la Méthode
Naturelle qui reste la base des enseignements donnés. Kienné de Mongeot se plaît
lui aussi à rappeler l’exemple qu’a pu être
pour les clubs nudistes la réalisation de
Reims. Mais au-delà du Collège d’Athlètes
lui-même, c’est Hébert qui est perçu
comme l’initiateur du naturisme moderne :
« L’officier de marine Hébert a été un des
premiers en France qui ait voulu essayer de
remettre l’être humain dans sa loi naturelle ; il a cru pouvoir atteindre le but en
soumettant d’emblée ses adeptes au sport
de plein vent » (Dr Durville, 1920, 207).
L’influence d’Hébert se fait également
sentir dans la stratégie de recrutement
employée par les dirigeants naturistes. La
réussite d’Hébert sur ce plan, avec ces
fameux centres hébertistes, est en effet
exemplaire. Le développement de l’organisation nudiste de Kienné de Mongeot
illustre ce phénomène. La Ligue Vivre ne
concerne au départ qu’une élite intellectuelle et financière. En s’appuyant sur la
revue Vivre Intégralement, créée le 15 mars
1926, Kienné de Mongeot et ses partisans
tentent d’infléchir cette situation en
ouvrant des centres dévolus, comme ceux
d’Hébert, à la pratique de la culture physique et des sports en plein air. Le vocable
de « Centre gymnique », destiné à désigner
ces structures d’un nouveau genre, n’est
pas sans rappeler celui de « Centre
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LA MÉTHODE NATURELLE DE GEORGES HEBERT
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Hébertiste ». La différence fondamentale
se situe ainsi dans le degré de dévêtissement. Les « Centres Gymniques » sont
regroupés dans la Fédération des Centres
Gymniques de France : les Amis de Vivre.
Kienné de Mongeot encourage également
la création de groupements de personnes
pratiquant le nudisme sans aucune
contrainte matérielle. En raison de la législation française condamnant la nudité intégrale, ces groupements doivent se concrétiser à terme dans un « Centre Gymnique »
disposant d’un emplacement à l’abri des
regards et pourvu d’installations sportives.
L’influence hébertiste est perceptible à travers les articles évoquant l’hébertisme et
ses réalisations dans les premiers numéros
de la revue Vivre Intégralement, au moment
où les premières réflexions sur la création
de centres nudistes apparaissent. Outre les
nombreux écrits du Dr Didier faisant cas de
son expérience aux côtés d’Hébert à Reims,
un article de Hemdé est consacré au
Collège d’Athlètes et à la création du
centre hébertiste de Colmar (Hemdé, 1927,
12).
Hébert marque également le champ du
naturisme par ses conceptions de l’éducation physique. Les dirigeants de la majorité
des organisations voient dans la Méthode
Naturelle le seul et unique système d’éducation physique correspondant à l’esprit
naturiste et digne d’être reconnu officiellement comme la « Méthode Française ».
Ainsi, Kienné de Mongeot réclame la sollicitation d’Hébert par l’Etat afin d’élaborer
les programmes de l’éducation physique
scolaire. Malgré les attaques virulentes
portées à la Ligue Vivre par ce dernier, il
n’hésite pas écrire en 1932 : « Le fait
d’avoir incorporé dans notre programme la
méthode naturelle de culture physique
montre en quelle estime nous la tenons.
C’est donc une erreur d’opposer la
méthode du lieutenant de Vaisseau Hébert
à celle que préconisent les Drs Durville et à
la nôtre » (Kienné de Mongeot, 1932, 3).
Face à l’essor d’autres méthodes naturistes
de culture physique, le Dr Poucel, membre
de la Ligue Vivre, nous livre la raison de la
persistance de la Méthode Hébert comme
référence pour tous les naturistes : « Nulle
part, mieux que chez le lieutenant Hébert,
on ne trouvera exposés les principes de
l’éducation physique par la méthode natu-
Sylvain VILLARET et Jean-Michel DELAPLACE
relle » (Poucel, 1933, 60). Quant aux Drs
Durville, ils considèrent la Méthode
Naturelle comme une panacée. Le Dr
Gaston Durville n’hésite pas ainsi à
reprendre, dans ses ouvrages traitant de la
« cure de mouvement », les tableaux de performances minimales élaborés par Hébert
pour chaque exercice naturel. Cependant,
les Drs Durville conseillent l’entraînement
par la Méthode Naturelle après une formation physique générale. Le Dr Carton
résume bien les caractéristiques qui font le
succès de la méthode Hébert auprès de
l’ensemble des naturistes : « La meilleure
méthode d’éducation physique est celle qui
d’abord replace l’individu dans ses conditions normales d’existence, en l’exposant
entièrement et méthodiquement à l’action
de l’air, du soleil et de l’eau, et qui ensuite,
lui fait reproduire intégralement tous les
actes moteurs qui ont édifié l’architecture
humaine. La Méthode naturelle d’Hébert
qui comporte tous les exercices naturels et
utilitaires, de respiration, de marche, de
course, de saut, de grimper, de lancer et de
lutte et qui se pratique au grand air, au
soleil, à l’état de quasi-nudité est vraiment
la plus logique » (Carton, 1917, 43-44).
Bien que la Méthode Naturelle ait une
place de prédilection dans les activités physiques proposées dans les centres naturistes, l’éclectisme des méthodes comme
des sports est de mise. Une rupture semble
se dessiner lors des années 30. Le sport
prend alors une place dominante dans la
majorité des structures naturistes avec l’arrivée massive de nouveaux adhérents développant une approche plus hédoniste et
consommatoire du naturisme, approche critiquée par les adeptes de la première heure.
L’influence d’Hébert s’observe également à propos de la conception du sportif
naturiste. Les naturistes reprennent à leur
compte les critiques émises par Hébert
dans son ouvrage Le sport contre l’éducation physique (1925). La notion hébertiste
d’athlète complet recueille tous les suffrages (Kienné de Mongeot, 1926, 2).
Comme le recommande Hébert, on ne pratique pas exclusivement un sport dans les
centres nudistes. Tout nudiste se doit de
respecter un certain éclectisme. A l’image
du Concours de l’athlète complet organisé
à Paris en 1913 sur l’initiative de Georges
Prade, les Drs Durville proposent chaque
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année à Physiopolis le « concours de l’athlète complet naturiste ». Dix épreuves comprenant des sauts, des lancers, des courses,
un lever de charge, un grimper, un 300 m
nage libre dans la Seine, sont organisées en
l’espace de quelques heures. Il s’agit ainsi
d’encourager les naturistes à « se forger un
organisme équilibré et sain d’athlète complet » (Drs Durville, 1934, 8). Le concours
est ouvert aux hommes comme aux
femmes. L’emprise hébertiste est due
notamment aux conférences régulièrement
organisées par certains collaborateurs
d’Hébert, à l’instar de David, Strohl ou de
Rebsomen, dans la plupart des organisations naturistes.
L’influence d’Hébert est d’autant plus
importante que le parcours des chefs de file
du naturisme comme de nombre de leurs
adeptes passe par la Méthode Naturelle et
les réalisations hébertistes. Le cas du
Dr Bussens, collaborateur de la Ligue Vivre,
est en cela caractéristique. Adepte de la
gymnastique et des sports, il présente le
brevet d’athlète complet et devient un des
élèves d’Hébert au C.A. de Reims. Il tente,
suite à cela, de réhabiliter par la plume le
décathlon avant de s’engager dans la voie
du nudisme (Dr Bussens, 1929, 6). Thomas,
un autre élève célèbre d’Hébert, est un des
plus fidèles adhérents de Physiopolis où il
multiplie les performances lors des
concours sportifs qui y sont organisés.
Marcel Kienné de Mongeot, fantassin puis
aviateur durant la Grande Guerre, est luimême porté à admirer Hébert en raison
d’une part de ses réalisations audacieuses
mais aussi de sa valeur militaire dont il a
connaissance par son frère. En effet, celuici, prosélyte également du nudisme, est
amené en tant que fusilier marin à combattre auprès d’Hébert à la bataille de
Dixmude.
CONCLUSION - MÉTHODE NATURELLE ET NATURISME : UNE
INFLUENCE RÉCIPROQUE
Comme nous avons pu l’observer,
Hébert se trouve à la jonction du champ de
l’éducation physique et de celui du naturisme. La structuration de sa méthode
comme certaines de ses actions ne peuvent
ainsi se comprendre qu’à la lumière de l’in-
41
fluence exercée par les acteurs du naturisme. Son utilisation du naturisme semble
guidée en permanence par le souci d’imposer la Méthode Naturelle dans la société et
en particulier à l’école. Celle-ci relève tout
d’abord du discours et revêt un caractère
idéologique. Il s’agit d’affirmer l’originalité d’un nouveau système d’éducation
physique en masquant les emprunts faits à
plusieurs méthodes dont la gymnastique
utilitaire de Pierre de Coubertin. La référence à la nature est un habile moyen
d’affirmer la supériorité de la Méthode
Naturelle sur ses concurrentes. Elle s’inscrit dans un contexte marqué par l’attrait
pour l’exotique, l’aventure coloniale,
comme l’illustre le succès européen rencontré alors par les exhibitions ethnographiques, les « zoos humains » (Bancel,
Blanchard, Boetsch, Deroo, Lemaire,
2001). A partir de 1910, Hébert intègre
d’une façon plus systématique les idées et
les applications naturistes en vogue. Ce faisant, il adopte le même type de fonctionnement dans les champs du naturisme et de
l’éducation physique. Après guerre, seul le
naturisme du Dr Carton, avec lequel Hébert
partage une communauté d’idée, est mis à
profit pour construire une éducation physique inédite. Son engagement naturiste
repose alors sur de réelles convictions.
Carton apparaît comme un maître à penser.
Le naturisme cartonien permet à la
Méthode Naturelle d’évoluer et d’affirmer
une spécificité. Les emprunts réalisés
concernent principalement les conditions
entourant la leçon d’éducation physique,
l’exécution des exercices. En effet, chez
Hébert, le corps ne peut se concevoir
comme un élément coupé de l’ensemble
que constitue la nature, l’environnement. Il
est formé des mêmes éléments. Le cadre
naturel, le dévêtissement, le contact avec
l’eau, l’air et le soleil pendant les exercices
sont dès lors essentiels. Mais l’apport du
naturisme se situe également à un tout autre
niveau. Associé aux valeurs essentielles
que sont l’utilitarisme, la « débrouillardise », la philosophie naturiste forme le
fil directeur autour duquel s’organisent les
principes et les exercices empruntés par
Hébert. S’il n’est pas la seule source d’inspiration, le naturisme est le moyen utilisé
pour articuler les autres influences. C’est
ce qui permet notamment à Hébert de défi-
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LA MÉTHODE NATURELLE DE GEORGES HEBERT
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nir un mode naturel d’exécution des mouvements. Hébert fait preuve d’une réelle
originalité en terme notamment de pédagogie, d’organisation de la leçon. Ce dernier
point témoigne de l’influence des promoteurs de la pédagogie nouvelle. Comme
eux, il défend une approche pédagogique
respectant la « nature de l’enfant », ses
besoins et où ce dernier retrouve une liberté
d’action à l’instar de ce qui est professé
dans les écoles nouvelles.
Avec la parution en 1936 de L’éducation physique, virile et morale, Hébert
prône une éducation intégrale concernant
aussi bien l’alimentation, le logement, les
loisirs, l’activité physique, les déplacements, que les conditions de travail. En
s’attachant à l’éducation physique des
masses dans les années 20, comme l’a
constaté Defrance (1995, 25), il entreprend de réformer la société en profondeur. La pratique des exercices naturels
n’est ainsi qu’une première étape, une
entrée, dans un système de vie et de pensée naturiste qui va bien au-delà de la
simple « méthode d’éducation physique
naturelle ». Cet engagement inscrit Hébert
dans le champ du naturisme qu’il marque
de son influence. Avec le Dr Carton, il
tente vainement entre les deux guerres
d’occuper le terrain du naturisme, de lui
imprimer sa conception marquée par la
religion catholique. Mais c’est seulement
son système d’éducation physique qui
reçoit le soutien des chefs de file des organisations naturistes. Les leçons de
Méthode Naturelle font ainsi partie des
activités corporelles proposées aux adhérents des divers centres naturistes. Par
ailleurs, Hébert participe à l’accession du
naturisme à sa forme sociale moderne, en
soulignant les liens qui l’unissent avec les
activités physiques. L’importance et l’antériorité du mouvement hébertiste – que
l’on peut considérer comme un mouvement naturiste à part entière entre les deux
guerres – par rapport aux principales formations naturistes expliquent l’ascendant
qu’il a pu avoir sur eux. En guise de
conclusion, il convient de remarquer que
l’histoire de la Méthode Naturelle et du
mouvement hébertiste démontre l’existence d’échanges, d’influences réciproques entre champ de l’éducation physique et champ naturiste.
Sylvain VILLARET et Jean-Michel DELAPLACE
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LA MÉTHODE NATURELLE DE GEORGES HEBERT
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Sylvain VILLARET et Jean-Michel DELAPLACE
Die natürliche Methode von George Hébert oder die “naturistische Schule”
in der Leibeserziehung (1900-1939)
Zusammenfassung: am Ende des 19. Jahrhunderts ist der Naturismus eine medizinische Therapie, die auf dem
Gebrauch der natürlichen Elemente (Luft, Wasser, Sonne) beruht und sich zudem in einer hygienischen
Lebensführung äußert. Durch das Gespenst der Degeneration der französischen Rasse gefördert, verbreiten sich
seine Thesen und Anwendungen auch im Bereich der Leibeserziehung und des Sports. Die Natürliche Methode
von Georges Hébert entsteht und strukturiert sich im Kontakt mit den naturistischen Theorien und Praktiken derart, dass ab 1912 Hébert als führenderKopf der „naturistischen Schule“ in der Leibeserziehung gesehen wird. Die
Athletenschule in Reims, die er 1913 leitet, erscheint deshalb nicht nur als Vorbereitungszentrum für
Olympiakandidaten, sondern als Zentrum des Naturismus in der Leibeserziehung. Auch zwischen den beiden
Weltkriegen ist er weiterhin im Bereich des Naturismus engagiert, in einer Zeit, in der sich die meisten der naturistischen Organisationen strukturieren. Hébert und die Bewegung, die er hervorgebracht hat, sind also voll und
ganz in das Feld des Naturismus eingebettet. Zusammen mit Dr. Carton versucht er so seine Konzeption des
Naturismus gegenüber den Neuankömmlingen durchzusetzen, wobei er gleichzeitig dank der Beiträge von Carton
weiter an der Verbesserung der Natürlichen Methode arbeitet. Er übt ebenfalls einen deutlichen Einfluss auf andere
Naturisten-Bewegungen aus. Seine Konzeption des Sports und der Leibeserziehung setzt sich in den Köpfen der
meisten französischen Naturisten-Führer durch. Auf der Ebene der Praxis, optieren auch alle Naturisten-Zentren,
die sich in dieser Zeit etablieren, für die Natürliche Methode.
Schlagwörter: Naturismus, Hébertismus, Leibeserziehung, Sport, Medizin
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Riassunto : Alla fine del XIX secolo il naturismo è una terapia medica basata sull’uso degli elementi naturali (aria,
acqua, sole) che si concretizza egualmente in un’igiene di vita. È circoscritto al campo medico. In favore dello spettro della degenerazione della razza francese, le tesi e le applicazioni che esso veicola si diffondono nel campo dell’educazione fisica e degli sport. Il Metodo Naturale di Gorge Hébert nasce e si struttura a contatto con le teorie e
le pratiche naturiste, al punto che nel 1912 Hébert è percepito come il capofila della “Scuola Naturista” in educazione fisica. Al di là della preparazione degli atleti ai Giochi Olimpici, il Collège d’Athlètes de Reims, che egli
dirige nel 1913, appare così come un centro naturista d’educazione fisica. Il suo impegno naturista non diminuisce
tra le due guerre, nel momento stesso in cui si strutturano la maggior parte delle organizzazioni naturiste. Hébert e
il movimento che crea si inscrive allora completamente nel campo naturista. Con il dott.. Carton tenta d’imporre la
sua concezione del naturismo di fronte ai nuovi arrivati, perseguendo la formazione del Metodo Naturale grazie agli
apporti del naturismo cartoniano. Egli esercita ugualmente un’influenza significativa sugli altri movimenti naturisti.
La sua concezione dello sport e dell’educazione fisica s’impone nello spirito nella maggior parte dei capifila del
naturismo francese. Da un punto di vista pratico, il Metodo Naturale raccoglie anche tutti i suffragi nei centri naturisti che si aprono in quel periodo.
Parole chiave : educazione fisica, hebertismo, medicina, naturismo, sport.
El método natural de Georges Hébert o “la escuela naturista”
en educación física
Resumen: A finales del siglo XIX, el naturismo es una terapéutica medical fundada en el uso de los elementos naturales (agua, aire, sol) que se concreta también en una higiene de vida. Se limita al campo medical. A favor del
espectro de la degeneración de la raza francesa, las tesis y las aplicaciones que transmite se difunden en el campo
de la educación fisica y de los deportes. El método natural de Georges Hébert nace y se estructura al contacto de
les teorías y prácticas naturistas hasta tal punto que desde 1912 Hébert esta considerado como el líder de la « escuela
naturista » en educación fisica. Mas allá de la preparación de los atletas para los Juegos Olimpicos, el Colegio de
Atletas de Reims que dirige en 1913 parece como un centro naturista de educación fisica. Su compromiso naturista
no se contradice entre las dos guerras, al momento mismo de la estructuración de la mayoridad de las organizaciones
naturistas. Hébert y el movimiento al que da luz se inscriben entonces de pleno derecho en el campo naturista.
Asociado al Dr Carton, intenta asi imponer su concepción del naturismo frente a los recien llegados, siguiendo la
elaboración del método natural gracias a las contribuciones del naturismo de Carton. Tiene también una influencia
significativa sobre los otros movimientos naturistas. Su concepción del deporte y de la educación fisica se impone
en la mente de la mayoría de los líderes del naturismo francés. Desde un punto de vista práctico, el método natural
obtiene también todos los votos en los centros naturistas que abren durante este periodo.
Palabras claves : naturismo, hebertismo, educación fisica, deporte, medicina
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IL Metodo Naturale di Georges Hébert o “la scuola naturista”
in educazione fisica (1900-1939)