Stocker de la lumière dans des nanoparticules pour l`imagerie in vivo

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Stocker de la lumière dans des nanoparticules pour l`imagerie in vivo
Stocker de la lumière dans des nanoparticules pour l’imagerie in vivo
Les sondes pour l’imagerie in vivo de tumeurs, de la vascularisation ou de cellules greffées sont
des molécules fluorescentes qui émettent de la lumière pendant des temps très courts. Cette
lumière émise étant la clé pour visualiser l’organe ou la tumeur en question, il faut exciter en
permanence ces sondes dans le corps de l’animal, ce qui génère un bruit de fond qui vient
troubler l’observation. Les chercheurs de l’Unité de technologies chimiques et biologiques pour
la santé (UTCBS-CNRS/Inserm/Université Paris Descartes/Chimie Paris Tech) proposent
aujourd’hui des nanoparticules pouvant stocker et restituer la lumière pendant plusieurs heures
dans la zone de transparence des tissus biologiques. Ces travaux menés en collaboration avec
l’Institut de recherche de chimie Paris (IRCP-CNRS/Chimie Paris Tech/Ministère de la culture et
de la communication) et Biospace Lab (1) sont parus dans la revue Nature Materials en mars
2014.
L’imagerie optique in vivo est une technique en pleine expansion qui peut être utilisée dans des études
précliniques et cliniques pour imager des zones d’intérêt (organes, pathologies), pour évaluer l’efficacité
de traitements ou pour l’aide à l’intervention chirurgicale. En utilisant des sondes optiques appropriées,
il va être possible d’imager ces zones en temps réel, avec une bonne sensibilité et à un très faible coût.
Actuellement, les seules sondes commercialisées pour l’imagerie optique in vivo sont des molécules ou
nanoparticules fluorescentes qui émettent des photons pendant des temps très courts, de l’ordre de la
dizaine de nanosecondes. Pour les visualiser, il est donc nécessaire de les exciter en permanence dans
le corps de l’animal, ce qui a pour inconvénient majeur de générer un bruit de fond non
négligeable :l’excitation simultanée des biomolécules présentes dans l’organisme sont elles-mêmes
fluorescentes. Ce signal parasite est responsable d’une diminution de la sensibilité au moment de la
détection et limite la visualisation des zones dans lesquelles il y a peu de signal.
Pour pallier à cet inconvénient, l’équipe de l’UTCBS emmenée par Daniel Scherman en collaboration
avec Didier Gourier et Bruno Viana de l’Institut de Recherche de Chimie ParisTech (CNRS UMR 8247)
et Biospace Lab, conçoit depuis plusieurs années des nanoparticules aux propriétés optiques
originales. Ces matériaux peuvent stocker l’énergie lumineuse d’excitation et la restituer lentement
pendant plusieurs heures dans la zone de transparence des tissus biologiques. Cette propriété a été
valorisée par Biospace Lab lors d’un travail pionnier en 2007 (2). La composition de cette première
génération de nanoparticules, excitée ex vivo par des rayonnements UV, a été optimisée sans toutefois
permettre de suivre les sondes in vivo sur des temps supérieurs à 2 ou 3 heures après l’injection au
petit animal (3).
Un nouveau grand pas vient d’être franchi par la conception d’une nouvelle génération de
nanoparticules excitables in vivo dans le corps de l’animal grâce à un rayonnement visible de faible
énergie, capable de traverser les tissus et d’être stocké au sein des nanoparticules. Celles-ci émettent
ensuite un signal de luminescence pendant plusieurs heures, ce qui permet de les détecter avec une
excellente sensibilité, sans contrainte de temps et de répéter l’opération autant de fois que nécessaire.
Une comparaison avec des sondes commerciales a démontré une sensibilité de détection jusqu’à 8 fois
supérieure avec ce type de nanoparticules à luminescence persistante. Une fonctionnalisation de
surface appropriée permet de les injecter à l’animal et de les suivre au cours du temps après ré-
excitation. Des études préliminaires ont montré qu’en utilisant ces sondes, il était possible d’imager des
tumeurs ou de suivre des cellules marquées (Figure ci-dessous).
Ce travail ouvre de larges perspectives d’applications de cette nouvelle sonde optique, notamment pour
des biologistes ou pharmacologues impliqués dans le diagnostic du cancer, mais aussi pour suivre le
tropisme de cellules souches ou des cellules lymphocytaires, musculaires ou endothéliales dans des
essais de thérapie cellulaire, ou encore pour étudier l’activité du tractus gastro-intestinal après
administration orale de ces nanoparticules à luminescence persistante.
Figure. A : Nanoparticules fonctionnalisées en surface par des groupements PEG, injectées par voie
intraveineuse à une souris porteuse de tumeurs implantées en sous-cutané (T), puis excitées dans le
corps de l’animal 4 heures après injection. Le signal de luminescence persistante, détecté grâce à une
caméra Optima (Biospace Lab) est localisé dans le système réticulo-endothélial (L), mais également
dans les différentes tumeurs (T). B : Cellules de macrophages murins, marquées ex vivo par les
nanoparticules fonctionnalisées en surface par des groupements amines, injectées dans la veine de la
queue d’une souris saine et observées 15 min après injection. Le signal de luminescence indique une
localisation des cellules au niveau des poumons de la souris.
(1) Biospace Lab est un PME parisienne qui commercialise des appareils d’imagerie du petit
animal.
(2) Nanoprobes with near-infrared persistent luminescence for in vivo imaging,
PNAS, 29 mai 2007, DOI: 10.1073/pnas.0702427104
(3) Controlling Electron Trap Depth To Enhance Optical Properties of Persistent Luminescence
Nanoparticles
for
In
Vivo
Imaging,
JACS, 24 juin 2011, DOI: 10.1021/ja204504w
Référence
Thomas Maldiney, Aurélie Bessière, Johanne Seguin, Eliott Teston, Suchinder K. Sharma, Bruno Viana,
Adrie J.J. Bos, Pieter Dorenbos, Michel Bessodes, Didier Gourier, Daniel Scherman, Cyrille Richard
The in vivo activation of persistent nanophosphors for the optical imaging of vascularization,
tumors
and
grafted
cells.
Nature Materials, 21 mars 2014, vol 13, 418-426, DOI:10.1038/nmat3908
Contact chercheur
Daniel Scherman, Unité de technologies chimiques et biologiques pour la santé, Paris
Courriel
:
[email protected]
Tél. : 01 53 73 95 59
Cyrille Richard, Unité de technologies chimiques et biologiques pour la santé, Paris
Courriel :
[email protected]
Tél. : 01 53 73 95 67