la revendication identitaire kabyle

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la revendication identitaire kabyle
Sciences-Croisées
Numéro 2-3 : L’Identité
La mémoire contre l’Histoire : la revendication identitaire kabyle
Nassim Amrouche
Département d’anthrpologie
université de provence
[email protected]
La mémoire contre l’Histoire : la revendication identitaire kabyle
Résumé
La Kabylie vit au cours de l’été 2001 une période d’émeutes, suite au décès d’un
jeune dans un commissariat de la région. Ce décès intervient juste après les
commémorations annuelles d’une revendication culturelle, le Printemps berbère,
qui secoue la région depuis 1980. En effet, en avril 1980 de très grandes
manifestations, parties de l’université de Tizi Ouzou, exigent la reconnaissance et
l’officialisation de la langue kabyle et des autres parlers berbérophones dans une
Algérie qui se proclame et se veut arabe. Cette question de la revendication
linguistique masque en fait une revendication plus large et plus profonde. Au-delà
de la revendication de la langue, il est question d’une reconnaissance culturelle et
identitaire. Cette question de l’identité se pose comme une centralité de la
revendication du fait qu’elle mette en scène un certain nombre de paramètres très
problématiques dans l’Algérie post-coloniale. La revendication kabyle s’attaque en
fait à la définition même de la nation, c'est-à-dire du « vouloir-vivre ensemble »,
qui s’est structuré lors de la guerre d’indépendance. Cette revendication identitaire
soulève au final la définition même du groupe, du vouloir-vivre ensemble, mais
surtout l’acceptation d’une histoire qui permettrait de créer un consensus pour que
les ethnies, les tribus et les individus se vivent au sein d’une nation et de son État
comme semblables et égaux.
Mots clés : revendication identitaire, nationalisme, kabyle, tribu, mémoire,
histoire, Algérie depuis 1962.
Abstract
During the summer of 2001, Kabylia experiences a period of riots, following the
death of a young man in a regional police station. This death intervenes just after
the annual commemorations of a cultural demand, le Printemps berbère, which has
shaken the region since 1980. Indeed, in April 1980 huge demonstrations,
originated from the university of Tizi Ouzou, require the recognition and official
status of the Kabyle language and other Berber variants in an Algeria declaring
and claming itself to be Arab. This issue of a linguistic claim is actually covering a
much bigger and deeper demand. Beyond the language, it is a question about
cultural and identity recognition. The identity issue is becoming a fundamental
element of the demand since it draws forth a certain amount of parameters that are
problematic to post-colonial Algeria. The Kabyl demand is in fact attacking the
very definition of the nation, that is the will to live together, which was structured
at the time of the war of independence. This identity demand raises in the end the
very definition of the group, the desire to live together, but especially the
acceptance of a history which would allow the ethnos, the tribes and the
individuals to create a consensus in order to live inside a nation and its state as
fellow human being and equal.
Keywords: Identity claim, nationalism, kabyle, tribe, memory, history.
Nassim Amrouche
La mémoire contre l’Histoire : la revendication identitaire kabyle
E
n juillet 2001 la Kabylie, région berbérophone d’Algérie, connaît
une grave crise politique qui se soldera par une centaine de morts et
plus d’un millier de blessés suite à de grandes manifestations, et ce
pendant plusieurs mois. Ces manifestations s’organisent suite au décès d’un
jeune dans une gendarmerie de la région, plus exactement à Béni Douala,
localité proche de Tizi Ouzou, préfecture et capitale culturelle de la Grande
Kabylie, pour exiger le jugement des gendarmes incriminés et le départ de
ces brigades de la région. Ce décès intervient dans un contexte particulier
c’est-à-dire pendant les commémorations du Printemps berbère. Cette
commémoration marque, chaque année depuis avril 1980, le début d’une
lutte pour la reconnaissance et l’officialisation de la langue kabyle (le
tamazight, « la langue des hommes libres ») et des autres langues berbères.
En effet, l’Algérie ne reconnaît, comme langue officielle, que l’arabe.
Pourtant, une multitude de parlers, de langues et de dialectes couvrent le
territoire national, et ce dans une vaste diversité. Cette opposition
linguistique ne se formule clairement, ou du moins de manière politique et
publique, qu’en Kabylie, et dans une moindre mesure dans quelques autres
régions berbérophones. Bien qu’enclavée, la Kabylie a, depuis 1870,
proposé des hommes à l’immigration ouvrière favorisant ainsi des apports
linguistiques tel que le français, aujourd’hui parfaitement intégrés dans les
parlers quotidiens. Par ailleurs, pendant la colonisation, cette région a
« bénéficié » d’un régime particulier de la part de l’administration
française, qui a implanté bon nombre d’écoles en comparaison des autres
régions de l’ancienne colonie française (Colonna, 1975). La revendication
linguistique n’est donc pas liée à un refus formel dans la pratique de
langues nouvelles, en opposition à la langue séculaire, comme peut
l’attester l’apprentissage très développé de l’anglais dans les écoles privées
qui prolifèrent vivement dans cette région.
Cette question de langue n’est peut-être pas à envisager comme une
problématique dissociable d’un environnement politique et social. En effet,
les manifestations, depuis avril 1980, ne sont pas uniquement liées aux
questions de langues. Elles joignent à cette question, prioritaire il est vrai,
des revendications socio-économiques mais aussi politiques et historiques.
La langue dans ce cadre revendicatif est le seul point commun qui unit les
différents acteurs de ces mouvements contestataires. Bien que les
mouvements naissent généralement au sein même de l’Université de Tizi
Ouzou, ils sont largement soutenus par une grande partie de la population :
lycéens, fonctionnaires, agriculteurs, sans emploi… Les données
revendicatives, d’un point de vue socio-économique, sont donc très diverses
car la langue est le moteur revendicatif commun de cette région.
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« La langue est l'aspect inconscient du collectif, tandis que la parole est
consciente et personnalisée. » (Lacan, 1966) Cette définition de la langue
nous conduit à envisager la revendication kabyle comme une résonance
d’une problématique identitaire plus large. En effet, la langue, dans ce
contexte, est en opposition violente avec la langue nationale qu’une partie
de la population refuse d’admettre comme étant la seule langue officielle et
nationale. Cette question de la langue nationale renvoie au concept de
nation que l’on peut définir et envisager comme un « vouloir-vivre
ensemble » à l’image de Renan (Renan, 2007) . Ce vouloir-vivre ensemble
est issu d’un long processus, d’une lente construction qui renvoie justement
à la conquête de l’indépendance. Sous domination coloniale pendant près de
130 ans, l’Algérie n’avait jamais connu, de manière formelle ou non,
d’organisation politique qui lui permette de s’envisager et de se concevoir
comme une entité à part entière, unie et consciente d’elle-même, à l’image
de ses frontières précoloniales inexistantes. Le découpage colonial a
justement mis en place ces subdivisions territoriales maghrébines, créant
par la même occasion un État sans nation. Il faudra attendre les années
1935-40 pour que l’idée d’une nation algérienne soit envisagée, en
opposition à l’État colonial. La guerre de libération nationale (1954-1962) a
permis, en partie, d’élaborer ce projet de nation et par conséquent de
vouloir-vivre ensemble.
Cet article se propose d’envisager la question linguistique kabyle, dans ses
revendications, comme subsumant les questions identitaires liées aux
vouloirs-vivre ensemble, donc à la nation et surtout à sa construction qui
définirait en fait une communauté censée partager une langue, un territoire,
mais surtout une même histoire.
Comment la langue est-elle liée à l’histoire et comment est-elle réemployée
en tant qu’outil de contestation ? Dans cette dynamique de langue outil,
peut-elle être un moyen de définition identitaire malléable selon les
conjonctures revendicatives ?
1. Les fondements historiques de la revendication
1.1. La formulation identitaire au sein du nationalisme
La question de la langue, et dans une moindre mesure des parlers
berbérophones, est une problématique centrale dans l’Algérie postcoloniale,
et ce pour différentes raisons.
Tout d’abord, la revendication kabyle s’exprime fréquemment par la
violence, physique et symbolique des manifestations, à l’image du
mouvement de 2001 qui a provoqué la mort d’une centaine de personnes,
un millier de blessés et une destruction importante d’édifices publics,
mettant ainsi à mal la présence matérielle et symbolique de l’État. Au-delà
de ces violences physiques, se pose la revendication linguistique et par la
même occasion identitaire (Bouatta & Outoudert, 2002). Cette question de
l’identité algérienne renvoie assez rapidement à la définition même de cette
nation qui s’est posée très tôt au sein des différentes organisations
politiques nationalistes et de leurs courants.
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L’identité recouvre divers aspects de la « personnalité algérienne » (Hadj
Moussa & Tahon, 1996) : la langue, la religion, les composantes ethniques
présentes sur le territoire national, mais aussi les questions d’acceptation de
l’histoire, afin de produire une histoire commune, consentie par tous. Les
identités posent le problème d’éléments d’identification qui devraient être
collectifs pour pouvoir créer une dynamique commune de vouloir-vivre
ensemble. Le vouloir-vivre ensemble est certainement une clé essentielle
dans une construction nationale du fait qu’il permet d’éviter les scissions
liées à la marginalisation ou la non-identification au groupe en construction
(Badie, 1992).
Il n’est pas question ici de retracer l’histoire du nationalisme algérien mais
d’essayer d’en comprendre les dynamiques. Pour cela, il est certainement
nécessaire de procéder à une courte analyse de la question identitaire au
sein du mouvement nationaliste, pour en cerner les fondements qui agiront
par la suite, et ce de manière récurrente.
La question de l’identité, de la personnalité algérienne avait été posée
clairement au sein de l’un des partis nationalistes : le P.P.A.-M.T.L.D. (le
Parti du Peuple Algérien - Mouvement Pour le Triomphe Démocratique).
Cette organisation, qui en fait en regroupait deux, avait pour vocation de
réunir des courants œuvrant pour la lutte nationaliste à partir d'idéologies et
selon des méthodes différentes. Dans cette lutte pour l’indépendance se
posait donc le problème de la nation algérienne et par essence de sa
définition. Deux grands courants se sont affrontés en 1948. Le premier
portait un projet où l’Algérie indépendante serait d’essence arabomusulmane avec ce slogan « L’arabe est ma langue, l’Algérie est mon pays,
l’islam est ma religion. » Cette maxime de Messali Hadj, considéré comme
l’un des pères fondateurs du mouvement nationaliste, visait à conscientiser
les Algériens sur leur culture, leur langue mais aussi leur religion qui, selon
le discours nationaliste dominant avait été rabaissée et niée par la
colonisation. Cette conscientisation avait pour vocation de créer une
émulation au sein du peuple pour le pousser à se soulever contre l’État
français et par conséquent aboutir à l’indépendance. Cette vision de la
nation algérienne entrait en opposition avec celle d’un groupe
d’intellectuels kabyles qui, eux, prônaient « l’Algérie algérienne », c’est-àdire une Algérie indépendante dont l’unité nationale serait établie sur une
reconnaissance des différentes composantes ethniques, linguistiques et
religieuses. Ce projet alternatif visait en fait à repositionner les Kabyles et
leurs divergences linguistiques vis-à-vis d’un arabisme dominant, à l’image
des autres berbérophones, dans une nation qui se définissait sans eux
(Harbi, 1989).
Ce conflit naissant entre deux manières de concevoir l’Algérie
indépendante allait être « résolu » par l’assassinat pur et simple d’une partie
des membres du groupe dissident, étouffant pour un temps les velléités
identitaires. Elles se reformuleront pendant la guerre, entre 1954 et 1962.
La guerre primant sur le débat politique, ce conflit ressurgira en 1963, après
les accords d’Évian. Une dissidence s’organise contre le gouvernement
algérien nouvellement indépendant. Cette crise, en 1963, s’organisera
autour de l’un des premiers leaders nationalistes : Hocine Aït Ahmed, qui
reprendra le maquis en Kabylie. Créant le Front des Forces Socialistes, il
tentera de s’opposer à la construction stato-nationale pour faire valoir les
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mêmes thèmes qui avaient ébranlé l’idéologie nationaliste en 1948 (Harbi,
1980). Cette dissidence au sortir de la colonisation sera réprimée dans le
sang et toute possibilité de contestation sera verrouillée jusqu’en 1980 par
la dérive dictatoriale du régime.
La construction nationale se fait donc dans le contexte d’une guerre interne,
entre Algériens, et dont l’enjeu est la définition même de leur identité. Ces
choix identitaires ne sont pas sans lien avec un cadre plus global.
L’indépendance algérienne relève d’un double enjeu. D’abord pour la
France qui risque de perdre sa colonie phare, du fait de sa position
stratégique en Méditerranée et de ses ressources minières, pétrolières et
gazières qui n’échappent pas aux vues des nouveaux gouvernants. Ces
ressources précieuses attirent de nombreux pays qui vont se positionner
stratégiquement dans ce conflit. Ensuite, le soutien de l’U.R.S.S. dans cette
lutte, mais aussi après l’indépendance, influence grandement les choix
politiques nationalistes quant à la définition de la nation. Le socialisme
soviétique ne laisse que peu de place à la reconnaissance de diversités
culturelles dans le souci de construction d’un État centralisé. Le soutien des
pays arabes, à l’image de l’Égypte nassérienne, pousse à faire des choix
culturels importants afin de rentrer dans la grande confédération des pays
arabes et par répercussion au sein de l’Organisation des Pays Exportateurs
de Pétrole (O.P.E.P.) (Montagnon, 1998).
Ces choix stratégiques influencent en partie la configuration nationale
choisie, mais la politique intérieure garde sa primauté. La place des Kabyles
dans le nationalisme algérien est, pour des raisons socio-historiques,
numériquement et politiquement importante. Issus de terres montagnardes
pauvres, l’immigration en Europe conduit les Kabyles au monde ouvrier et
à ses syndicats et autres organisations politiques. Leur immigration, au
même titre que leur rôle lors des conflits mondiaux, en font les premiers
Algériens formés à la politique contemporaine, c’est-à-dire celle liée à
l’État-nation. Cette configuration économique et politique structure
grandement le nationalisme algérien car c’est sur ces bases qu’il prendra
naissance mais aussi forme (Sayad, 2002).
La non-reconnaissance de cet engagement au sein même des courants
nationalistes, mais aussi la négation des revendications identitaires dans le
projet national créent un contentieux qui se reformulera dans la politique
intérieure post-coloniale.
1.2. De la revendication nationaliste à la revendication
culturelle
Il faudra attendre 1980 pour que la revendication kabyle ressurgisse.
L’interdiction d’une conférence sur la poésie kabyle ancienne met le feu
aux poudres. Au-delà du monde universitaire et intellectuel, toute une
région se mobilise pour cette reconnaissance culturelle. De par son
verrouillage politique et démocratique, l’Algérie reçoit ce soulèvement
comme un défi majeur pour l’État algérien. Ces manifestations sont en fait
un double défi : celui de la revendication même, et celui d’une volonté
d’ouverture démocratique. Bien que rapidement réprimé, le mouvement
d’avril 80 ouvre une nouvelle ère politique : celui d’une possible
contestation dans laquelle nombre de Kabyles vont massivement s’engager
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pour revendiquer leur identité. Organisé au sein du M.C.B. (Mouvement
Culturel Berbère), le militantisme kabyle va s’atteler à essayer de redonner
vie aux traditions et coutumes conçues comme ancestrales. De cette brèche
culturelle ouverte par le M.C.B. découle une crise qui séparera de plus en
plus les Kabyles de la « culture nationale algérienne ». Mais surtout, ce
mouvement impulsera une dynamique encore vivace aujourd’hui (Chaker,
1989).
Après l’ouverture démocratique de 1988, suite à des manifestations très
violentes dans tout le pays, l’État algérien autorisera le multipartisme, la
liberté d’association et une presse indépendante. Cette liberté arrachée
profitera aux islamistes qui remporteront les élections municipales et
législatives lors des élections de 1989. Le refus du F.L.N. (Front de
Libération National, parti unique jusqu’en 1988) de laisser sa place à la tête
de l’État poussera les anciens vainqueurs des premières élections libres
dans les maquis. De 1990 jusqu’aux années 2000, l’Algérie connaîtra une
guerre civile sanglante, muselant pour un temps la revendication kabyle
(Moussaoui, 2000).
Le terrorisme diminuant, l’Algérie recommence une vie plus calme à l’aube
du XXIème siècle. Les organisations politiques reprennent une place
d’opposition contre l’ancien parti unique qui remodèle lentement l’Algérie
aux couleurs de la mondialisation, par la privatisation des anciennes
entreprises nationales, et à l’exception des entreprises d’hydrocarbures,
considérés comme la manne financière du gouvernement.
L’assassinat d’un jeune en avril 2001, dans un commissariat en Kabylie,
déclenche des émeutes dans un contexte local et national particulier. Les
années de terrorisme avaient entièrement muselé la revendication kabyle et
toute autre forme de contestation politique compte tenu de la guerre armée
opposants l’État et les militants islamistes. Ce choix des armes n’a jamais
été effectif dans les orientations politiques contestataires kabyles. La
privatisation et l’ouverture économique au libéralisme paupérisent encore
plus la population qui n’a pas su négocier cette entrée dans le monde
économiquement dérégulé. Ce décès intervient aussi lors des
commémorations de la lutte d’avril 80, ravivant ainsi des plaies ouvertes.
Les violences qui éclatent à cette occasion seront rapidement encadrées par
une organisation politique particulière : les arch, organisation politique
ancienne qui avait pour fonction d’organiser les tribus, et ce dans toute
l’Algérie précoloniale, contre un ennemi commun, s’appuyant sur les
solidarités tribales dans un espace géographique défini – les territoires
tribaux. Cette organisation est originale du fait de sa réapparition. En effet,
sa dernière utilisation date de 1748 ne laissant plus de traces d’efficience
jusqu’en 2001. Par ailleurs, ces arch avaient une fonction politique certes,
mais aussi économique et juridique. Les arch de 2001 n’utiliseront que les
fonctions politiques.
La structuration de ce mouvement revendicatif dans ses réactualisations
ancestrales ne répond pour autant à aucune donnée politique cohérente dans
une Algérie qui se veut, justement, moderne. L’organisation même de ce
mouvement, par l’utilisation de compétences tribales sur ses territoires,
prend ici un sens particulier. En stigmatisant la tribu comme une
organisation pré-étatique, les arch cherchent justement à se dégager de
l’influence étatique. L’une des revendications principales était le départ
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immédiat des gendarmes considérés comme l’origine de tous les maux
sociaux. Par cette revendication, l’une des trois compétences régaliennes
était mise à mal (Salhi, 2003).
Ce mouvement, comme tous les autres, avait pour base revendicative la
langue. La reconnaissance linguistique s’est cependant retrouvée reléguée
au second rang lors des démonstrations publiques, par des slogans, des
affiches et autres pancartes, concernant les leaders historiques kabyles. La
revendication linguistique était accompagnée d’une revendication de
mémoire. Ceux dont les noms et portraits ouvraient la manifestation ne
faisaient plus partie des livres d’histoire, ou du moins de ceux de l’histoire
officielle.
La revendication, qui habituellement ne trouvait que très peu d’écho dans le
reste de l’Algérie, allait pour une fois déclencher d’autres manifestations,
moins importantes certes, et provoquer une émulation dans des régions
pourtant non berbérophones.
La question de la langue, dans ses aspects revendicatifs, ne se limitait donc
plus strictement à des questions de parlers, mais bien de vécu de la langue,
avec ce qu’elle peut comporter de représentations et de transmission qui
sont à envisager comme un conducteur identitaire : au-delà de son aspect
communicationnel, elle est un rapport au politique dans sa fonction même
de création du vouloir-vivre ensemble.
Cet aspect politique prend ici un double sens. D’abord celui de la
revendication pure : à travers sa pratique elle marque une distanciation
voulue, choisie, vis-à-vis de la langue dominante et sa pratique marque un
refus d’utiliser dans la langue nationale, la langue globale. Ensuite, elle est
politique au sens grec du terme, c’est-à-dire qui gère la cité. En pratiquant
une langue qui n’est comprise que par une partie de la population, on
observe un renfermement, un monde clos qui ne veut se gérer que par luimême.
En observant ce mouvement des tribus, on peut se questionner sur
l’efficience de la tribu aujourd’hui. Difficilement contestable dans son
existence, elle ne concerne aujourd’hui qu’une réalité sociale, liant les
individus par une même appartenance, réelle ou fictive certes, mais les liant
tout de même. L’image de la tribu comme ont pu en user les arch – en tant
qu’organisation politique – est contestable. Même si l’État est
profondément remis en cause, ses compétences sont efficientes. La tribu ne
gère plus ses territoires comme cela pouvait être le cas au XIXème siècle. Par
ailleurs, ce mode d’organisation, en alliances de tribus, n’a trouvé une
réalité qu’en 2001, et non dans les mouvements précédents. Cette
organisation répond donc à un besoin conjoncturel. La langue tient toujours
une place primordiale dans la revendication mais ce mouvement a aussi
mobilisé un patrimoine historico-politique. La tribu intervient donc dans ce
cas car elle a toute sa place pour mobiliser cette mémoire collective
(Escallier, 1995), en se superposant à la question linguistique. La
« collectivisation » de la mémoire vise à mobiliser un patrimoine commun
dans le strict but d’actualiser le rôle des Kabyles lors de la guerre
d’indépendance, fondement de l'idéologie nationaliste algérienne et de son
État. La proximité de la guerre de libération nationale est encore une
donnée très proche de l’État contemporain. Au moment des faits, moins de
40 ans s’étaient écoulés depuis l’indépendance.
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Ce mythe de la guerre d’indépendance est d’autant plus fort qu’il est
fondateur de la nation et de l’État. Tout homme politique algérien
d’aujourd’hui doit avoir un lien direct avec cette guerre pour prétendre à
une légitimité dans le politique. S’il n’est pas moudjahid (c’est-à-dire
combattant), il doit en être le fils ou mieux l’orphelin, quitte à s’inventer
des liens avec le mouvement de libération nationale. La guerre
d’indépendance légitime donc le politique contemporain (Moussaoui,
2000).
En s’organisant non pas grâce à, mais par la tribu, le mouvement kabyle
revendique la mémoire collective portée par cette organisation sociale
commune à tout le Maghreb. En s’identifiant en tant que région solidaire
dans sa mémoire, la Kabylie pose le problème de l’intégration d’une
communauté dans une autre à laquelle elle est censée appartenir. La langue
est l’argument revendicatif le plus visible, mais peut-être pas le fondement
de la crise. Cette même langue est l’un des points de définition de la nation.
La langue commune permet une identification au groupe. En se
désolidarisant de ce processus de construction globalisant, la pratique d’une
autre langue marque un désaccord sur le fond même de la définition
nationale. Les éléments de pratiques linguistiques présentés dans
l’introduction, le français et l’anglais par exemple, montrent qu’il n’y a pas
un refus de pratique d’une autre langue que la langue séculaire, mais bien
vis-à-vis d’une langue stigmatisée et définie : l’arabe. Cette langue incarne
le pouvoir de l’État qui, à partir de 1989, décide d’arabiser toute l’Algérie –
jusque-là, le français était la langue usitée dans l’administration,
l’économie, etc. (Grandguillaume, 1983). La langue de l’État est, par sa
proximité historique, aussi bien dans les faits que par les hommes, celle de
la nation qui a suscité tant de problèmes de définition.
La langue se pose donc comme un élément de définition identitaire à double
tranchant. Elle est l’élément le plus visible dans le contexte national du fait
de sa désolidarisation du reste du territoire. Elle marque une visibilité
formalisée dans une sorte de refus de communication avec ceux dont
pourtant les attributs de nationalité sont partagés : le même territoire
administratif, les mêmes institutions, la même monnaie, le même drapeau…
Paradoxalement, elle ne porte pas l’entièreté du fond revendicatif qu’est
celui de la mémoire, d’une volonté de « réhabilitation historique ».
L’identité se pose donc comme une formulation politique d’une
revendication autre, qui ne se formule que difficilement. La langue sert
donc d’outil à une contestation plus profonde qui trouve ses sources dans la
définition même de l’entité nationale.
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2. La culture comme outil identitaire
2.1. Langue et culture ou la définition d’une dynamique
de contestation et de revendication
Du début de la revendication kabyle en 1948 jusqu’au dernier mouvement
de 2001, la revendication linguistique s’est posée comme une donnée
récurrente de la contestation kabyle. Bien qu’ayant traversé des époques
aux conjonctures politiques différentes, la question de la langue reste une
permanence.
Pourtant, cette langue fut envisagée différemment, dans sa pratique et son
utilisation, selon les situations.
La question de la langue n’a jamais été dissociée de la culture. Cette
question de la culture pose un double problème. D’abord celui de sa
définition car elle englobe un nombre très important de paramètres
difficilement identifiables ici. Ensuite la culture répond elle aussi à des
paramètres conjoncturels. La culture vécue au XIXème siècle n’a
certainement que peu de rapport avec celle de 2001. Ici, on l’envisagera
comme une définition politique en résonance à la première partie. En effet,
la culture kabyle est utilisée comme un outil politique dans cette
revendication. Elle est présentée, par les différents mouvements, comme
ancestrale. Cette ancestralité culturelle vise à légitimer historiquement les
mouvements dans leurs revendications. Le fait de se dire kabyle et donc
berbère1 (Ageron, 1979), cette dénomination identitaire renvoie au fait de se
penser comme appartenant à une région dont les contours seraient définis et
fixes. Ces frontières locales sont encore aujourd’hui incertaines. Les
pratiques linguistiques ne permettent pas de définir cette entité car les
métissages linguistiques sont trop mouvants. Les pratiques dites culturelles
sont relativement communes sur des aires non berbérophones, si bien qu’on
ne peut que douter de cette homogénéité culturelle. Les exemples de
définitions de cette aire sont tellement vastes que la seule acceptation
possible est celle du vécu ou de la représentation d’appartenance à cette
identité. La nomination même est problématique. Jusqu’à récemment
beaucoup se disait iddura, c’est-à-dire montagnards. Le terme de kabyle est
donc lié à l’inclusion de cette population à une autre plus vaste (les
Algériens) contre laquelle ils se sont affirmés et définis. La pratique de la
langue y est pour beaucoup. Les déplacements de populations suite aux
révoltes et à l’immigration intra ou extra nationale ont permis aux Kabyles
de se considérer comme différents.
La question de langue devient donc centrale dans ce contexte. Elle est une
permanence dans sa capacité à produire un sens identitaire.
Il faudra attendre la fin du conflit armé pour que la revendication kabyle
passe par ce stade culturaliste. De 1948 à 1964, les armes parlent, ne
laissant que peu de place à une autre formulation politique de la
revendication. C’est en 1967 que la première association berbère se crée à
Paris : l’A.B.E.R.C. (Association Berbère d’Échange et de Recherche
Culturelle). On y trouve une partie des opposants politiques encore vivants
tel que le commandant de zone Mohand Arav Bessaoud. Bien que les
statuts de cette association s’interdisent de faire de la politique, la diffusion
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d’œuvres, de concerts, de pièces de théâtre en kabyle (en tant que langue
revendiquée) vont à l’encontre de la politique d’arabisation mise en place
par le gouvernement. Cette association vise par ailleurs à redonner sens à
cette culture par une diffusion la plus large possible, à devenir un pôle de
recherche sur la berbérité. C’est à partir de cette association que des figures
mythiques berbères vont reprendre sens en Algérie : Massinissa, Jugurtha,
la reine Kahena… (Mahé, 2002)
Bien que peu connue aujourd’hui, cette association, considérée comme
élitiste, va jouer un rôle prépondérant dans la lutte kabyle. Elle va
intellectualiser et formaliser une lutte qui n’était que politique en la
transformant en une lutte culturaliste. Son court temps d’existence va laisser
de profondes marques dans le champ culturel kabyle qu’elle a équipé de son
iconographie actuelle.
Essentiellement préoccupée par des recherches sur l’histoire et ses figures
mythiques, l’A.B.E.R.C. va légitimer une lecture culturaliste de l’histoire
mise en avant par les militants contemporains. Soutenue par un certain
nombre de chercheurs français, la ligne « politique » de cette association
réussit à démontrer, par des fouilles archéologiques, la présence
préhistorique des Kabyles dans l’Algérie actuelle. D’autres études seront
menées sur l’Antiquité et le Haut Moyen-Âge pour justifier la légitimité de
la revendication. Cette mise en perspective historique correspond à la
période où l’Algérie formalise et finalise ses choix de pays arabe, en
mettant en place le début de son lent processus d’arabisation linguistique et
culturelle.
L’A.B.E.R.C. pose donc les bases d’un nouveau militantisme kabyle :
l’identité et la culture comme reformulation d’un nationalisme. Ce travail
de longue haleine débouche sur une formulation de la culture en tant
qu’identité en opposition avec une identité nationale qui se pense comme
antagonique : l’enseignement de l’histoire au sein de l’école algérienne et
cette culture contestataire se trouvent en opposition dans les textes et les
manuels scolaires. Mais l’A.B.E.R.C. n’a de prise que dans les milieux
universitaires et intellectuels. Il faudra attendre le Printemps berbère d’avril
80 pour que la jonction se fasse.
L’interdiction d’une conférence sur la poésie kabyle ancienne par Mouloud
Mammeri (universitaire membre de l'A.B.E.R.C.) met le feu aux poudres.
La contestation s’empare de l’Université et est très rapidement soutenue par
une grande partie de la population qui trouve l’occasion de protester contre
une politique générale. La répression rapide de ce mouvement confirme les
velléités contestataires.
Sur ces bases revendicatives, à la fois culturelles, économiques et sociales,
un mouvement naît : le M.C.B. (Mouvement Culturel Berbère). Celui-ci
vise à redonner sens à une culture jugée en déclin en tentant de réactiver des
traditions qui ne se pratiquent plus. La grande œuvre du M.C.B. fut de
redonner une efficience aux comités de villages, ou tajmat (ou encore
djemaa), qui étaient en fait la réunion de tous les hommes du village (qui
théoriquement appartenaient à la même tribu). Ensemble, ils devaient
prendre en charge la vie du village : réfection des routes, aide aux
démunis… Ils faisaient aussi office de cour de justice selon le droit
coutumier. En fait, la tajmat faisait office de parlement au sens où l’on peut
l’entendre et le concevoir aujourd’hui.
9
Nassim Amrouche
La mémoire contre l’Histoire : la revendication identitaire kabyle
Cette organisation mise plus sur la réactivation des tajmat que sur une
diffusion des productions de l’A.B.E.R.C. Pourtant, ces deux organisations
ont un lien très fort. Le réinvestissement des tajmat a pour but une
conscientisation de la vie de village, afin de lui redonner ses prérogatives
politiques, dans le but exclusif de mener la contestation à son
aboutissement. Les leaders du M.C.B. prennent appui sur les bases
théoriques laissées par l’A.B.E.R.C., disposant ainsi d’un cadre théorique
dans lequel agir. Le comité de village ou tajmat se reformule donc comme
une organisation politique de proximité qui sert d’appui à une base politique
plus large. Cette base politique est en quelque sorte centralisée et formalisée
au sein du R.C.D. (Rassemblement pour la Culture et la Démocratie). Cette
dernière organisation, née à la suite d'avril 80, incarne la lutte en cours,
dans un versant exclusivement politique. Il prend appui sur l’activisme
villageois dont il se veut le porte-parole (Aït Kaki, 2004).
La culture kabyle passe donc, grâce au Printemps berbère, d’un statut de
revendication nationaliste à celui d’une lutte culturaliste.
2.2 . Entre héritage et mémoire : une reformulation cultuelle
contemporaine
Ce passage est un moment clé dans la revendication kabyle : la redéfinition
de la nation entamée avant et pendant la guerre d’indépendance est,
maintenant que l’indépendance est acquise, devenue impossible. Cette
transformation permet d’agir sur l’État pour obtenir la reconnaissance
officielle de cette culture. L’impossibilité de modifier la base nationaliste
algérienne est donc contournée par une revendication à la limite du
juridique. Certains Kabyles ont même eu recours aux Nations-Unies pour
faire aboutir la démarche entamée en 1948 en s’appuyant sur les droits
reconnus internationalement aux minorités.
Les grandes révoltes de 1988, qui aboutiront au multipartisme, à la liberté
d’association et à une presse indépendante, vont jouer en défaveur des
organisations politiques et des associations kabyles. Leur champ d’action se
trouve élargi, mais le fait de sortir de la clandestinité et de l’illégalité les
conduit dans le giron de l’État. Cette rentrée dans le monde légal les soumet
donc au cadre d’action légal étatique, les poussant à une certaine
conformité. Cette conformité pose le problème de la légitimité de leur
action et de leur revendication.
De plus, les années de terrorisme vont réduire au silence la revendication
kabyle. Au sortir de cette guerre civile, l’Algérie a vécu une double
transition.
Transition d'abord politique, car les nombreux massacres et les attaques
contre les forces de l’ordre ont mis à mal la stabilité étatique, comme
l’attestent les très nombreux changements de gouvernement qui n’ont pas
réussi à mettre fin à la crise. L’État, parce qu’il n’a pas pu protéger son
territoire et ses habitants, sort décrédibilisé de cette guerre.
Ensuite, l’Algérie vit pendant cette crise une période de profond
changement économique. Le passage d’une économie « socialiste » à
l’économie de marché, sauf quelques exceptions tel que les hydrocarbures
par exemple, ne se fait pas sans heurt. Les anciennes entreprises nationales
sont privatisées, poussant ainsi une partie de la population au chômage alors
10
Nassim Amrouche
La mémoire contre l’Histoire : la revendication identitaire kabyle
que l’économie n’était déjà pas stable. Cette paupérisation ajoutée à la crise
politique qu’a traversée l’Algérie pendant dix ans renforce le sentiment de
déni. La concorde civile votée dans le cadre d'un référendum dit
démocratique permet aux anciens terroristes de retrouver une vie civile
« normale ». Ce sentiment d’injustice, de déni, est qualifié de hoggra par
une jeunesse qui ne trouve ni emploi ni exutoire. Ce sentiment de hoggra
est difficilement traduisible. Il caractérise un sentiment de révolte lié aux
richesses dont dispose l’Algérie, et dont tous sont conscients, teinté de
dégoût face à l’injustice sociale, au chômage… Cette hoggra trouve un
écho très large en Kabylie. A la différence du reste de l'Algérie, elle y est
empreinte d’un sentiment de déni identitaire.
L’assassinat d’un jeune dans une gendarmerie, lors des commémorations du
Printemps berbère, renforce cette hoggra. C’est dans ce contexte que les
violences vont éclater. Les arch tentent d’encadrer ces violences en les
transformant en revendications politiques. La base revendicative, de
l’intégration dans l’État-nation, est aujourd’hui devenue très compliquée du
fait de l’intégration, tant bien que mal, de l’Algérie dans une dynamique de
mondialisation. La revendication culturelle dans le giron de l’État-nation est
donc devenue quasi-obsolète.
Le mouvement des arch, non content de mobiliser cette mémoire collective,
va miser sur une double légitimité pour justifier leurs revendications
(exprimée dans la plate-forme revendicative d’El Kseur et ayant pour fond
la revendication linguistique).
Tout d’abord celle de la tamazgha. La tamazgha est l’ancien territoire
berbère mythique qui s’étendait des Îles Canaries jusqu’à la Libye actuelle
et de la Méditerranée jusqu’au Mali. Cette aire culturelle est censée être le
territoire originel des imazighen (les hommes libres), aujourd’hui appelés
berbères2. De ce territoire viennent les héros mythiques évoqués plus haut,
convoqués pour l’occasion dans leurs rôles de défenseurs de la berbérité
lors de luttes acharnées contre les envahisseurs (romains, phéniciens,
arabes…). Cette réhabilitation des héros mythiques vise d’abord à légitimer
la présence ancestrale kabyle dans la tamazgha et donc à se positionner
comme les héritiers de ce territoire. L'utilisation de cette référence a pour
objectif de montrer que la revendication kabyle est à l’avant-garde d’une
lutte plus large qui ne concerne pas uniquement une région mais bien un
ensemble territorial qui aujourd’hui est malencontreusement découpé par
des frontières liées aux frontières étatiques. On peut également la considérer
comme étant dans la continuité des perspectives de l’A.B.E.R.C. La remise
au goût du jour des héros mythiques est la résultante d’un long processus
d’assimilation de la part de la population. Entre le moment de la découverte
de ces personnages, fictifs ou réels3, il a fallu un long travail d’insertion de
ces personnages dans un patrimoine commun. Ce concept de tamazgha peut
sembler trop théorique ou conceptuel pour avoir un véritable impact sur la
revendication politique. Liée à des concepts de transnationalisme, la
revendication kabyle, par ailleurs très locale s’est équipée d’outils pour
rendre visible cette lutte. Dans ce but a été créé le C.M.A. (Conseil Mondial
Amazight), qui entend rassembler toutes les populations berbères. Par
ailleurs, le conseil tente aussi de récupérer le maximum de données sur cette
aire culturelle. Considéré comme la première O.N.G. berbère, il réussit à se
positionner, officiellement, comme une organisation neutre dans les conflits
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Nassim Amrouche
La mémoire contre l’Histoire : la revendication identitaire kabyle
opposants les populations berbères à leur État : en Algérie, au Sahara
occidental… (Bouamama, 2005)
Cette posture est d’autant plus délicate à tenir que la majorité des
fondateurs sont des Kabyles, qui ont investi un champ internationaliste afin
de créer un répondant face à la conjoncture algérienne.
La position internationaliste prend un autre sens dans le contexte de la lutte
linguistique locale. L’affirmation de l’unité des berbères a été rendue
manifeste par la création d’une langue commune. Sur le plan du discours
politique, le C.M.A. considère qu’il ne s’agit que de la revivification d’un
idiome qui a eu une existence historique, mais dont l’usage s'était perdu.
Ainsi fut créée la langue tamazight officielle.
Après les émeutes de 2001, l’État a concédé le droit d’enseignement de
cette langue académique dans les écoles algériennes, et plus spécifiquement
en Kabylie. Un alphabet, d’inspiration touarègue4, a été mis en place à cet
effet. L’académisme de cette langue pose un double problème. D’une part,
celui de la compréhension : peu de gens le comprennent et encore moins le
parlent et l’écrivent, à l’image de ces panneaux d’orientation routiers écrits
dans cette langue qui ne sont d’aucun secours… Paradoxalement ce sont les
enfants qui l’apprennent à leurs parents en rentrant de l’école. D’autre part,
l’incompréhension d’une langue pourtant revendiquée nous renvoie à la
revendication linguistique même. Le kabyle, au même titre que toutes les
langues, vit des modifications, des apports relatifs au contexte dans lequel
elles s’exercent. Ce « kabyle » académique propose en fait une langue
épurée des autres influences linguistiques. Le parler kabyle « quotidien »
est soumis à ce métissage du français et de l’arabe. La revendication
linguistique n’est donc que la revendication d’une langue mémoire et d’une
langue vécue plutôt qu’un attachement à la langue elle-même (YacineTitouh, 2001).
La question de la langue est ainsi centrale à deux titres. Elle est d’abord un
outil contestataire qui permet de s’attaquer de front à la structure même de
la nation. Elle est aussi un outil dans sa capacité à mobiliser un groupe très
différencié socialement – pour ne pas parler de classes. Elle est ensuite le fil
conducteur d’une « lutte » entamée en 1948 et qui, aujourd’hui, continue
encore. La question de langue mobilise en fait toutes les composantes
sociales et culturelles d’une société qui se trouve unie par sa mémoire. La
langue mobilise un inconscient collectif, une mémoire qui, même si elle est
revendiquée par les élites militantes, se vit comme une identité par les bases
sociales.
La tribu est ici envisagée comme structure sociale, politique mais aussi
territoriale. Théoriquement, l’organisation politique de la tribu servait à
mobiliser dans un contexte aussi bien intra qu’extra villageois. Cette
organisation prenait en charge la vie de la communauté dans son sens
plénier, c’est-à-dire aussi bien pour les affaires courantes (entretien des
routes, réparation des édifices publics…) que des affaires politiques, au
sens grec du mot, c’est-à-dire de gestion de la cité (alliance avec telle autre
tribu, cour de justice, soutien à la famille qui devait se venger…). Pour
pouvoir se vivre en tant qu’organisation politique, la structure sociale devait
correspondre à une forme d’unité. Définis par leur ascendance commune,
fictive ou réelle, les membres d’une tribu se trouvaient dans une situation de
don contre don permanente. Protégés et bénéficiant de la solidarité intra
12
Nassim Amrouche
La mémoire contre l’Histoire : la revendication identitaire kabyle
communautaire, les membres devaient donc servir aussi la communauté à
laquelle ils appartenaient. Cette cohésion avait aussi bien un sens
« pratique » qu’un sens « spirituel ». Ce sentiment d’appartenir à une tribu
s’incarnait dans la vie villageoise des tajmat mais aussi des fêtes
maraboutiques où la communauté rendait hommage par des dons, des
sacrifices et des cérémonies au saint fondateur. La tribu se concevait
comme une unité d’hommes dont le destin commun était scellé par une
même appartenance, et dont il n’était possible d’être exclu que pour des
actes de trahison. Cette perspective de la tribu est à comprendre dans ce
vouloir-vivre ensemble qu’incarnait la communauté. Farouchement
défendue, cette unité villageoise pouvait utiliser les alliances avec d’autres
tribus, d’autres villages, pour défendre son intégrité et sa sécurité. Cette
assemblée de tribu s’incarnait dans les arch. Ces arch représentaient la
communauté d’une région assez consciente d’elle-même pour se mobiliser
et être solidaire en cas de menaces graves (Mahé, 2000).
Les arch de 2001 ont justement cherché à incarner cette organisation.
Même si la forme de l’organisation marque une rupture dans la continuité
historique de la forme d’organisation, le fond et l’essence de l’organisation
restent présents. Cette organisation d’un ensemble, d’un groupe d’individus
qui peuvent se reconnaître dans la définition de leur communauté,
représente une mémoire possible. L’arch pose un double problème à
l’observateur. D’abord celui du contexte, car il implique une rétrogradation
dans le temps du fait de la structure même du mouvement. Ensuite la
question de l’interprétation du phénomène proprement dit, à savoir
l’adhésion à cette forme d’organisation. Ces deux problématiques sont en
fait liées. L’arch et même la tribu ne trouvent de réalité que parce que leur
efficacité sociale, politique et culturelle est vécue par la population kabyle.
Les organisations politiques, au même titre que toutes les institutions, ne
peuvent exister que si l’on y adhère. Cette adhésion de masse aux arch
soulève donc la problématique de la mémoire. Comment cette organisation
ancienne s’est-elle reformulée pour trouver un sens dans un État
contemporain ? Au-delà de cette problématique se pose en fait le problème
de la transmission de la mémoire politique qui a aussi pu reformuler les
contentieux de 1948 en 2001 (Cole, 1997).
La question de la langue soulève un nombre de problématiques, de
questions assez importantes : la tribu, l’arch, l’identité ne peuvent au final
être dissociés. Ces questions se posent par ailleurs dans leur forme mais
aussi sur leur fond, en comparaison d’autres régions algériennes. La
Kabylie est la seule à formuler ses problématiques de cette manière. Il serait
tentant d’envisager la spécificité kabyle comme une île isolée au sein d’un
ensemble qui le rejette. La configuration kabyle présente des spécificités,
certes, mais dans ce cas-là pourquoi ne sont-elles pas une récurrence dans
les mondes berbères algériens ? Pourquoi la Kabylie aurait-elle échappé aux
dynamiques qui ont fait que les autres régions, même berbérophones, ne
formulent pas leurs contestations selon les mêmes configurations politiques
et sociales ?
Ces ébauches de réponses sont liées à l’histoire du nationalisme qui se
reformule aujourd’hui. Cette formulation de l’identité est, elle, liée à ces
questions de mémoires qui trouveraient certainement des réponses dans les
formes que prend le mouvement, celui d’une identité mémorielle et surtout
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Nassim Amrouche
La mémoire contre l’Histoire : la revendication identitaire kabyle
collective. Ce sentiment d’appartenance à une nation et celui
d’appartenance à une région ne sont pas, paradoxalement, incompatibles,
mais dans cette configuration ils se vivent comme une opposition.
Les questions de mémoires prennent ici un sens particulier.
La question de l’État, dans sa forme et sa structuration, prend sens avec le
nationalisme. En effet, le F.L.N. est à la tête de l’État depuis
l’indépendance, c’est-à-dire depuis 1962. Cette organisation politique se
considère comme légitime parce qu’elle a permis à l’Algérie d’obtenir son
indépendance. Pour pouvoir prétendre au politique, dans sa version légale,
il faut avoir un lien avec la guerre d’indépendance de quelque manière que
se soit : ancien combattant, fils de martyr… Cet accès n’est pas interdit aux
Kabyles comme l’atteste le nombre important de hauts cadres, ministres et
autres responsables de gouvernement, de l’administration, de l’armée… La
question de l’État n’est donc que marginale dans la revendication kabyle : il
n’y a pas de discrimination à l’accès aux plus hautes fonctions. Cette
revendication se situe bel et bien dans la structure même de la nation à
travers une revendication collective et identitaire. En résonance à la nation,
les Kabyles se positionnent comme marginalisés du fait des sacrifices
consentis lors de la guerre de libération nationale. Très touchée par les
combats, la Kabylie a sacrifié un nombre important d’hommes pour
l’indépendance, sans parler des nombreuses destructions de villages,
déplacements et autres tortures qui ont collectivement traumatisé la
population (Arav Bessaoud, 1991). La guerre finie il y a moins de cinquante
ans, ces traumatismes sont encore très vivaces et très présents, car liés au
mode de vie.
Les Kabyles, à l’image des autres populations rurales du Maghreb,
privilégient l’habitat collectif. Il est très fréquent, voire considéré comme
socialement « normal », d’habiter avec ses ascendants (Hanoteau &
Letourneux, 1893). Cette donnée sociologique favorise ainsi la transmission
des mémoires dans le cadre familial. L’histoire prend donc ici un sens
particulier : elle est portée et vécue dans le quotidien. Comme on le voyait
plus haut, l’histoire officielle et l’histoire locale entrent en opposition pour
des raisons politiques. La confrontation des mémoires prend un sens lourd
dans les cadres familiaux : entre l’histoire apprise au sein de l’école et celle
racontée dans la famille, un fossé se creuse. Le manque fréquent
d’ascendants masculins justifie ces positions. D’après Pierre Bourdieu
(Bourdieu, 1972), qui considérait les Kabyles comme un conservatoire des
cultures méditerranéennes, l’homme joue un rôle crucial dans la vie sociale,
familiale et villageoise. Censé rapporter les biens nécessaires à la vie du
groupe, l’homme kabyle avait aussi en charge sa protection physique et
symbolique contre les éventuelles agressions et autres atteintes à l’honneur
– peut-être plus importantes que la défense contre des agressions
physiques… (Bourdieu, 1998)
Ce manque d’hommes, partis aux combats dont peu sont revenus,
symbolise un immense sacrifice dans la vie sociale kabyle. La perte de cette
classe d’âge marque ce sacrifice qui a permis, au regard de l’histoire locale,
l’aboutissement du projet nationaliste (Chachoua, 1996). Ce sacrifice est
toujours très présent dans les discours de ceux qui ont vécu la guerre mais
aussi de ceux qui en vivent aujourd’hui les répercussions. Comme l’a
montré Marcel Mauss (Caillé, 2007), on pourrait envisager cette situation
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Nassim Amrouche
La mémoire contre l’Histoire : la revendication identitaire kabyle
comme un non retour du don qui a été fait, poussant ainsi les classes d’âge
actuelles à réclamer ce retour. Par cette image de don, il s’agirait en fait
d’envisager la construction nationale algérienne, dans sa guerre
d’indépendance, comme une mutualisation des communautés, dans le souci
d’en créer une unie. Pour le sacrifice consenti et vécu, au même titre que les
autres régions qui ont participé à cette construction nationale, il fallait, lors
de l’indépendance, une place, une reconnaissance de ces hommes sacrifiés.
Cette perspective du don, du sacrifice de soi pour la communauté, entre en
fait dans l’imaginaire politique local. À l’image d’une confrontation entre
deux individus ou deux groupes, le vainqueur acquiert un certain prestige,
une augmentation de son capital honorifique ou même financier, lorsque la
tajmat en décide ainsi. Cette rétribution, honorifique ou matérielle, est
considérée comme faisant partie de la confrontation, de la guerre. Dans le
cas de la guerre d’indépendance, les statuts n’ont pas été reconnus mais
marginalisés, niés. Au sortir de la guerre, le nationalisme, très ancré en
Kabylie, n’a pas obtenu satisfaction de ses revendications, créant ainsi une
dette qui s’est reformulée en 1963 et qui a suivi le processus exposé.
La question du nationalisme a supposé l’intégration d’une communauté
locale dans un ensemble plus large qui ne la reconnaissait pas. La question
de la dette nationaliste, en dehors de la reconnaissance linguistique, s’est
reposée assez rapidement, compte tenu de la conjoncture économique.
Dotée d’une terre pauvre, la Kabylie n’a bénéficié que tardivement de la
manne financière liée aux ressources minières, ce qui a accentué chez ses
habitants le sentiment de marginalisation et de déni de justice et d’identité.
Le terrain de la revendication était donc posé pour construire un
mouvement revendicatif qui allait traverser les générations et se reformuler
jusqu’à aujourd’hui.
Conclusion
Les violentes révoltes qui ont secoué la Kabylie en juillet 2001 s’inscrivent
dans une continuité historique et sociale de la revendication identitaire et
linguistique kabyle. Cette question de l’identité se formule pour la première
fois en 1948, lors de la construction politique du mouvement nationaliste
algérien. Cette période cruciale pour l’Algérie indépendante à venir est
marquée par des oppositions violentes quant à sa définition identitaire qui
doit lui servir de socle, de fondation pour créer la dynamique de vouloirvivre ensemble essentielle pour la construction d’une nation. Les violences
aussi bien physiques que symboliques qui marqueront cette période de
recherche de la « personnalité algérienne » seront rapidement étouffées,
pour enfin réapparaître en 1980 sous leur forme actuelle.
Cette contestation qui se veut régionale, bien que ses limites géographiques
et culturelles ne soient pas définies, mobilise en fait un patrimoine
mémoriel relatif à la construction de l’entité nationale. En utilisant la langue
revendiquée comme outil principal et visible d’opposition, la contestation
kabyle s’attaque donc à l’un des fondements de la nation.
Cette perspective culturelle de l’opposition politique est la résultante d’une
lente construction idéologique. En effet, les positionnements de 1948 au
sein du nationalisme sont purement politiques. Ils vont pourtant être
travaillés, dans un souci de réactualisation et afin de les rendre cohérents
dans un contexte postcolonial. Grace à un lent travail des associations
kabyles, souvent expatriées, la revendication politique va se transformer en
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Nassim Amrouche
La mémoire contre l’Histoire : la revendication identitaire kabyle
revendication culturelle. Ce choix permet, tout en conservant les bases, de
continuer la lutte entamée en 1948.
Ces données revendicatives s’appuient, comme par évidence, sur une
conception définie de l’identité, de la langue, pour mener à bien une
contestation politique et culturelle. Pourtant, l’observation des définitions
de la culture kabyle fluctue en fonction des contextes et des besoins
politiques, la transformant ainsi en outil malléable. Catégorie définie par les
ethnographes coloniaux, les Kabyles se trouvent spécifiés dans un rôle
qu’ils réutiliseront à des fins contestataires contemporaines.
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Nassim Amrouche
La mémoire contre l’Histoire : la revendication identitaire kabyle
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Notes
1. Le terme de berbère vient du grec barbaros, c’est-à-dire celui qui est en
dehors de la civilisation du fait qu’il ne parle pas grec.
2. Les Berbères sont un ensemble d’ethnies qui ont peuplé l’Afrique du
nord depuis la Préhistoire (Camps, 1980). Leur étendue territoriale – des
Îles Canaries aux confins de la Libye et de la Méditerranée, jusqu’au Mali
inclus – marque une légitimité territoriale face au pouvoir arabe dont la
présence date de l’islamisation du Maghreb au XIème siècle. Cette vue de la
kabylité est relativement récente. Le fait de se définir kabyle est daté de la
colonisation française avec les classifications raciales de l’époque
(lesquelles ont été produites par les ethnologues coloniaux… en opposition
à l’arabe). Cette catégorisation des populations visait à produire une
division, dans un souci de maîtrise du territoire selon la perspective du
Divide et impera. Cette vision de la berbérité, au final très politique,
retranscrit une Histoire dans un souci d’efficience politique, employée à des
fins contestataires actuelles.
3. Là n’est pas le problème, du fait de la croyance et de l’adhésion de la
population à ces icônes, et leur emploi en tant qu’outils de contestation.
4. Ethnies berbères nomades du Sahara.
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