sylvain luc stefano di battista

Transcription

sylvain luc stefano di battista
L’AUTRE SCÈNE DE L’OPÉRA
SAISON 2014/2015
RÉSIDENCE
SYLVAIN LUC
STEFANO DI BATTISTA
“Giù la testa“
Sylvain Luc, guitare
Stefano Di Battista, saxophones
Daniel Sorrentino, contrebasse
Pierre-François Dufour, batterie
|AMPHIJAZZ|
Vendredi 12 et samedi 13 décembre 2014 à 20h30
Avec cet album, Stefano Di Battista et Sylvain Luc revisitent les musiques de films, en nous faisant partager
leur inspiration générée par les versions originales. Sur certains titres, les thèmes exposés restent clairement identifiables, dans d’autres ils sont suggérés par petites touches, quelques notes qui permettent de
reconnaître une œuvre en quelques secondes. Et la magie opère.
Ils arrivent à extraire de cette substantifique moelle musicale les racines propres à l’improvisation,
domaine dans lequel ils sont passés maîtres. La mélodie originale reste en filigrane dans chaque
morceau, elle apparaît et disparaît pour permettre aux interprètes de pouvoir se renvoyer la balle.
Les mélodies sortent des sentiers battus pour devenir des chantiers battus par le vent du
soprano, soutenu par l’arythmie de la guitare qui impose de brusques changements de rythmes.
Sur certains titres que l’on pourrait penser un peu convenus, on pense avoir découvert le parti pris
musical mais au bout de quelques secondes c’est une deuxième lecture qui se met en place, et l’on se
plaît à être surpris.
Le jeu de rôles que s’imposent les deux protagonistes est celui du chat et de la souris ; ils se
courent après, marquent l’arrêt et repartent pour mieux rejouer. L’ensemble est soutenu par
deux autres compagnons de jeu, Daniele Sorrentino à la basse et Pierre-François Dufour à la batterie et au violoncelle. Ce jeu pourrait être dangereux, il pourrait lasser, mais Stefano Di Battista et
Sylvain Luc ont le talent pour déjouer les pièges des improvisations qui tournent mal. Si le soprano est utilisé le plus souvent pour son côté suave ou capable de grimper dans les tours, lors de
certains phrasés, c’est avec une justesse exemplaire qu’il prend aussi la place occupée d’habitude par le
ténor ou l’alto. La guitare quant à elle bénéficie de tous les effets qu’on peut lui donner dans l’acoustique
naturelle et limpide mais aussi dans la saturation ou les riffs funky électriques. Sylvain Luc et Stefano Di
Battista se sont amusés comme des gosses à qui l’on n’interdit rien, le plaisir qu’ils y ont pris est sincère
et palpable, il rejaillit sur l’ensemble de l’album.
Comment mieux entrer dans un bon jazz funk
des familles qu’en commençant par I got a woman,
l’increvable succès de Ray Charles ? Guitariste au
talent foudroyant, Sylvain Luc se taille la part du lion
dans le premier titre, d’autant plus que le saxo alto
de Stefano Di Battista, qui s’était fait rare sous nos
cieux, s’électrifie pour l’occasion. C’est au soprano
que le fabuleux saxophoniste italien met encore une
fois tout le monde dans sa poche, sur la ballade
Touch her soft lips and part, avec le son d’une exquise pureté — une flèche d’or — qu’il met galamment au service d’une mélodie délicieuse comme
une demoiselle des sixties en jupe Courrèges.
Les deux complices s’emparent aussi d’un Dingo
Rock que l’on doit à la verve protéiforme de Michel
Legrand. Le Love Theme for Nata d’Ennio Morricone (extrait de sa partition pour Cinema Paradiso)
nous entraîne dans un rêve cinématographique
doucement enfumé. Ne lésinons pas sur les clichés
pour suivre nos héros, assistés de Daniele Sorrentino (basse et contrebasse), Pierre-François Dufour
(batterie et violoncelle), dans leurs interprétations
désinvoltes de Morricone (Giù la testa, d’Il était une
fois la révolution), Nino Rota (Otto e mezzo), Michel Legrand (La Chanson des jumelles) et de leurs
propres compositions, qui ressemblent comme deux
gouttes d’eau (parfumée) à leurs modèles. Faut-il
résister au plaisir simple d’écouter deux formidables
musiciens se faire plaisir, un œil sur les charts ?
Pourquoi diable les deux briscards ont-ils
choisi de déployer les talents sur des musiques
de films de Nino Rota, d’Ennio Morricone ou de
Michel Legrand? Ils m’ont parlé. Les réponses
convergent. Le guitariste répond à une aspiration
urgente. “Tellement d’images, de souvenirs, de
joie en mémoire vibrent à ces thèmes : il me tardait
de leur conférer une forme nouvelle, de jouer avec
le passé.“ Le saxophoniste éclate de rire : “mais
voyons, c’est l’âge qui veut ça! L’expérience nous a
placé si souvent devant la beauté de ces airs composés par des géants, ils font partie de nos vies.
Le besoin nous a pris de les mélanger maintenant
à nos émotions.“
A l’origine, l’idée germe dans la tête de Sylvain
Luc. “Je n’ai senti qu’un artiste capable de partager le projet : Stefano. Sur les festivals, j’avais eu
l’occasion d’apprécier son approche de la mélodie, l’indéniable capacité de triturer la mélodie
en restant lyrique. Toutefois, nous n’avions jamais
joué ensemble. Quand je l’ai appelé, avant même
de terminer la phrase, il s’écriait : partant!“ Le
Romain, compagnon de route d’Elvin Jones et de
Michel Petrucciani, explique l’enthousiasme par
son jugement sur le Basque : “J’ai entendu Sylvain
briller dans les registres les plus opposés de la
musique. Son instrument peut se montrer délicat,
déchirant, inventif, ou hurler de joie en déstructurant une ligne mélodique.“
Michel Contat, Télérama
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