Droit pénal_Affectation des détenus en établissements
Transcription
Droit pénal_Affectation des détenus en établissements
MINISTERE DE LA JUSTICE SERVICE DES AFFAIRES EUROPEENNES ET INTERNATIONALES PARIS AFFECTATION DES DETENUS EN ETABLISSEMENT SECURITAIRE LE CAS DE LA SUEDE Etude à jour le 20 avril 2008 AFFECTATION DES DETENUS EN ETABLISSEMENT SECURITAIRE LE CAS DE LA SUEDE I. LES ETABLISSEMENTS SECURITAIRES A. LES ÉTABLISSEMENTS FERMÉS DE HAUTE SÉCURITÉ B. LES QUARTIERS SPÉCIAUX DE SÉCURITÉ C. LES MESURES DE SÉCURITÉ II. LES CRITÈRES ET LA PROCÉDURE D’AFFECTATION DES DÉTENUS A. LES CRITÈRES D’AFFECTATION B. LA COLLECTE DE DONNÉES RELATIVES AUX DÉTENUS C. LA PROCÉDURE D’AFFECTATION D. LES DONNÉES STATISTIQUES : NOMBRE DE DÉTENUS PLACÉS EN ÉTABLISSEMENT SÉCURITAIRE ET NOMBRE D’ÉVASIONS III. LES PRINCIPES SPÉCIFIQUEMENT APPLICABLES AUX DÉTENUS DANGEREUX SOUFFRANT DE TROUBLES PSYCHIATRIQUES A. LA POSSIBILITÉ DE DÉTENIR DES PERSONNES SOUFFRANT DE TROUBLES MENTAUX B. LE PLACEMENT DANS UNE INSTITUTION DE PSYCHIATRIE LÉGALE C. LA DÉTENTION DANS UN ÉTABLISSEMENT PÉNITENTIAIRE D. LES DONNÉES STATISTIQUES CONCERNANT LES PERSONNES SOUFFRANT DE TROUBLES MENTAUX 2 TEXTES LEGISLATIFS CITES Le Code pénal suédois „Brottsbalken“ La loi relative au traitement pénitentiaire, „Lag 1974:203 om Kriminalvard i Anstalt“ http://www.kriminalvarden.se/upload/Informationsmaterial/The_Prison_Treatment_Act.pdf Le règlement relatif au traitement pénitentiaire 1974:248 La loi relative au traitement des personnes placées en détention préventive 1976:371 BIBLIOGRAPHIE Anners Erik (1972), Svensk straffrättshistoria, del 1 : Några huvudlinjer, Almqvist & Wiksell Förlag AB, Surte. Belfrage Henrik (1995), Brottsligheten, psykiatrin och samhället: Introduktion till den medicinska kriminologin, Liber Utbildning AB/Almqvist & Wiksell Medicin, Falköping, Clevesköld, L & Thunved, A. (2001). Samhället och de unga lagöverträdarna. Norstedts Juridik AB, Stockholm. Ekbom Thomas, Engström Gunnar, Göransson Birgitta (2006). Människan brottet följderna, Kriminalitet och kriminalvård i Sverige: Natur och Kultur, Stockholm. Jareborg Nils, Zila Josef (2001). Straffrättens påföljdslära, Norstedts Juridik AB, Stockholm. Lidberg, Lars (2000), Svensk rättspsykiatri : en handbok, Studentlitteratur, Lund. Lidberg Lars, Nils Wiklund (2004), Svenska rättspsykiatri: Psykisk störning, brott och påföljd, Studentlitteratur, Lund. Wennberg Suzanne (1998). Introduktion till straffrätten, Norstedts Juridik AB, Stockholm. Projets de loi 1997/98:96 Vissa reformer av påföljdssystemet 1990/91:58 Om psykiatrisk tvångsvård m.m. 2002/03:53 Stärkt skydd för barn i utsatta situationer m.m. Stockholm: Riksdagen. Enquêtes SOU 1994:5 Fängelseutredningens slutbetänkande Kriminalvård och psykiatri. SOU 2002:3 Betänkande av Psykansvarskommittén Psykisk störning, brott och ansvar. SOU 2004:122 Betänkande av ungdomsbrottsutredningen. Ingripanden mot unga lagöverträdare. 3 Rapports SOSFS 2005:29 Socialstyrelsens föreskrifter om utfärdande av intyg inom hälso- och sjukvården m.m. Socialstyrelsen(2002:1) Rättspsykiatrisk vård – utvärdering – omvärdering Rapports et publications du Service des prisons et de la probation Kriminalvården, Kriminalvården – “säker och human” Kriminalvårdens administrativa föreskrifter (2007 :3) http://www.kriminalvarden.se/templates/KVV_PortalTargets____1981.aspx date: 08-03-22 http://www.kriminalvarden.se/templates/KVV_InfopageGeneral____4459.aspx date: 08-03-22 http://www.kriminalvarden.se/templates/KVV_InfopageGeneral.aspx?id=3006 date: 08-03-22 http://www.kriminalvarden.se/templates/KVV_InfopageGeneral____4385.aspx date: 08-03-22 The Swedish Prison and Probation service (Kriminalvarden), Basic facts. 2007 : http://www.kriminalvarden.se/templates/KVV_InfoMaterialListing____4022.aspx 4 INTRODUCTION ____________________________________________ La première prison de Suède a été ouverte en 1624, à Grönmunkeholmen – Stockholm, sur les lieux d’un ancien couvent. Il s’agissait d’associer une prison et un orphélinat, dans un système de gestion privée afin de tirer un profit du travail des pensionnaires (travail de la laine, tissage, travail des métaux). En 1698, une nouvelle réglementation relative au vagabondage et aux mendiants a été introduite ; le roi avait alors déclaré son intention de créer des « maisons de travail de la laine (plutôt destinées aux femmes) et des métaux (plutôt destinées aux hommes ». Il y en a eu trois : Norrmalm, pour les femmes, Gothenburg et Norrköping pour les hommes. Une réglementation pénale de 1653 utilisait l’expression « être entravé et travailler pour son infraction ». Plus tard, lorsqu’une nécessité urgente de renforcement des fortifications du pays s’est fait ressentir, il est apparu naturel que les délinquants les plus dangereux soient employés à ces travaux très lourds, dans des prisons-forteresses, parmi lesquelles la forteresse Karlstens qui était la plus redoutée. D’autres prisons de ce type ont été : Kalmar, Karlskrona, Landskrona, Malmö et Nya Älvsborg et plus tard Vaxholm, Karlsborg et Varberg qui a fonctionné jusqu’en 1881. La première partie du XIXème siècle a été témoin de beaucoup de changements en matière de traitement pénitentiaire. Une grande réforme a eu lieu en 1825, avec l’émergence de l’administration pénitentiaire centralisée et la création du Service des prisons. La nouvelle loi de 1832 a aboli toutes les peines corporelles, à l’exception de la peine de mort. Les peines privatives de liberté (travail forcé et emprisonnement) et pécuniaires ont été retenues comme peines standard. A partir de 1865, 15 personnes ont été exécutées, la dernière en 1910. La peine de mort a été finalement abolie en 1973. A partir de 1840, commence en Suède la reorganisation des vieilles prisons en prisons à cellules individuelles. L’impulsion la plus forte a été donnée par le « Livre jaune relatif aux peines et à l’emprisonnement ». Il s’agissait d’une contribution qui a fourni de puissants arguments logiques pour une amélioration du traitement des délinquants au sein de nouvelles prisons à cellules individuelles. Ce livre, publié anonymement à l’époque, était l’œuvre du futur roi de Suède, Oscar Ier. Il est depuis communément admis que non seulement les détenus doivent être mieux traités, mais qui doivent également recevoir le guidage nécessaire pour pouvoir vivre, après leur libération, dans les limites de la loi. Or, seul le système de traitement pénitentiaire à cellules individuelles permet cela. En 1846, les premières prisons régionales à cellules individuelles ont vu le jour et leur apparition est considérée comme une des plus grandes réformes sociales qui ont eu lieu en Suède. En 1850, il y avait 678 cellules individuelles, pour 5527 détenus et en 1860, 1832 5 cellules pour 5077 détenus. La période 1892-1916 a marqué l’apogée de la peine d’emprisonnement en cellule individuelle. En 1934, cette peine se trouvait réduite à 6 mois pour les détenus plus âgés et à 3 mois pour les plus jeunes. Enfin, en 1946, la peine à exécuter en cellule individuelle a été abolie ; le confinement en cellule individuelle n’existe plus qu’à titre de peine disciplinaire temporaire. A partir de 1930, une nouvelle politique, promue par le ministre de la justice Karl Schlyter et illustrée par le slogan « dépeuplez les prisons », conduit à la mise en place d’un programme en faveur des jeunes délinquants qui ne devaient plus être emprisonnés, mais éduqués. Ce magistrat et homme politique avait également promu l’idée selon laquelle les personnes souffrant de maladies mentales et les alcooliques n’avaient pas non plus leur place dans les prisons. Il préconisait pour eux une suspension de la peine associée à un traitement médical et un suivi de la personne. Les détenus devaient également être préparés pour la sortie. A ce jour, le fonctionnement des établissements pénitentiaires en général et l’organisation de la vie en prison en particulier sont régis par la loi relative au traitement pénitentiaire du 1er juillet 1974 modifiée (Lag 1974:203 om Kriminalvård i Anstalt, KVal). Le système actuel des prisons suédoises date de la première moitié des années 90. Pour le régime ordinaire, les détenus sont placés dans des cellules individuelles pour la nuit1, mais se retrouvent ensemble dans la journée pour le travail ou d’autres activités. Dans certaines prisons ouvertes, plusieurs prisonniers peuvent néanmoins partager une même cellule. La plupart des prisons sont de petite taille avec une capacité moyenne de 45 lits. Cela rend plus facile la gestion des prisonniers et permet aux surveillants d’exercer plus facilement une bonne influence sur les prisonniers grâce à la proximité. Les prisons les plus importantes ont entre 100 et 200 lits ; la plus récente des prisons suédoises (Salberga) a une capacité d’accueil exceptionnelle de 342 détenus. Les objectifs désormais poursuivis par le système pénitentiaire sont la diminution du taux de délinquance pour une meilleure sécurité de la société ; le temps passé au sein des établissements pénitentiaires doit tendre à la réadaptation du détenu à la vie sociale et minimiser les aspects négatifs de l’emprisonnement. Au sein de ce système, la notion de sécurité a pour conséquence l’utilisation d’une multitude de méthodes qui varient selon les types de peines, afin de diminuer la possibilité, pour le délinquant, de commettre de nouvelles infractions pendant qu’il exécute sa peine. 1 En principe, à partir de 20 heures (dans les établissements fermés) et 22 heures (dans les établissements ouverts) et jusqu’à 6 heures 30 en semaine et 8 heures le week-end ; cf. Service des Prisons et de la probation, http://www.kriminalvarden.se/templates/KVV_InfopageGeneral____3981.aspx 6 L’administration pénitentiaire : le Service des prisons et de la probation Les établissements pénitentiaires sont administrés par un organisme gouvernemental unique et indépendant, le Service suédois des prisons et de la probation qui prend en charge la détention préventive, la détention pour peine et le système de probation. Il est composé d'une administration centrale et d’offices locaux. Bien que son directeur général soit nommé par le Gouvernement, le Service des prisons et de la probation est un organe indépendant. Le Ministère de la justice est responsable de la politique des prisons, mais n'a aucun pouvoir lui permettant de s’immiscer dans le travail quotidien du service. Les différentes catégories d’établissements pénitentiaires ● Etablissements pour les personnes condamnées ou pour les personnes en attente de jugement. Une personne suspectée d’avoir commis une infraction peut être retenue par la police pendant 24 heures pour les besoins de l’enquête. Le procureur en est informé et peut d’une part, décider le maintien en détention pour une durée de trois jours maximum et d’autre part, adresser au tribunal une demande de placement en „détention préventive“. Beaucoup de personnes mises en détention préventive sont libérées après un premier interrogatoire, même si elles plaident coupables ; il n’existe pas de présomption de dangerosité. Ainsi, les prévenus ne peuvent être placés en détention provisoire que pour des raisons spécifiques, telles qu’un risque important d’entrave à l’enquête ou de commisson de nouvelles infractions. La détention préventive ne dure pas, dans la plupart des cas, plus de trois ou quatre semaines après le début du procès. Afin de rompre l’isolement pendant la durée de la détention préventive, la loi prévoit un soutien social, comportant un contact privilégié avec le personnel de surveillance ou des personnes qui connaissaient le prévenu avant son arrestation, tel un travailleur social ou un agent de probation. En fonction du résultat de l’enquête, le procureur peut prononcer des restrictions aux droits individuels des détenus, telles que l’interdiction de lire les journaux, de recevoir des visites ou de rencontrer d’autres personnes placées en détention préventive et, dans certains cas, l’interdiction de regarder la télévision ou d’écouter la radio. Le courrier reçu peut être ouvert. Ces diverses restrictions, courantes au début de l’enquête, sont supprimées progressivement par la suite. Beaucoup des personnes détenues sont consommatrices habituelles de stupéfiants. Pour elles, la période de détention préventive peut être une période de désintoxication, ce qui signifie que des symptômes lourds dus à l’abstinence sont assez habituels. Pour les aider, du personnel infirmier en nombre suffisant est à leur disposition en permanence. Ils ont 7 également la possibilité de demander à voir un médecin. Le médecin peut effectuer des visites s’il l’estime nécessaire. Des transferts à l’hôpital peuvent être envisagés, sous la surveillance du personnel pénitentiaire. Il y a 31 établissements et 7 antennes de détention provisoire en Suède. Ces établissements sont souvent situés près des commissariats, mais ils peuvent également se trouver près des établissements pour peines. En 2007, en Suède, 1 745 personnes ont été placées en détention préventive. ● Régime pénitentiaire fermé, semi-ouvert et ouvert Les 56 institutions pénitentiaires suédoises sont divisées en 6 niveaux de sécurité, de A à F ; les établissements de type A sont des établissements de haute sécurité alors que ceux de type F sont des établissements ouverts. ● Prisons pour femmes Il existe en Suède plusieurs établissements pénitentiaires réservés aux femmes : Hinseberg à la périphérie de Örebro, Färingsö à la périphérie de Stockholm, Sagsjön à Gothenburg, Ljustadalen au nord de Sundsvall, Ringsjön à la périphérie de Ystad et Ystad (pavillon des femmes). Hinseberg,qui peut accueillir environ 100 détenues, est le plus grand établissement pour femmes et sert également de centre d’accueil national pour les femmes. Au total, il y a environ 250 femmes détenues dans le pays, ce qui représente 5 à 6% de toutes les personnes emprisonnées. Le vol constitue le délit principal chez les femmes, suivi de la conduite en état d’ivresse et d’autres infractions au code de la route. Environ 70% d’entre elles sont des consommatrices de stupéfiants ou ont un recours habituel à la fois aux drogues et à l’alcool. Il s’agit d’un pourcentage supérieur à celui enregistré pour les hommes. Les femmes qui ont des enfants en bas âge (0 à 12 mois) ont la possibilité de les garder auprès d’elles au sein de l’établissement. Les décisions en la matière sont prises en collaboration avec le conseil social de leur ville de résidence. ● Jeunes détenus Les personnes âgées de moins de 15 ans ne peuvent pas être condamnées pénalement. Les jeunes entre 15 et 17 ans sont rarement placés dans les établissements pénitentiaires, mais bénéficient le plus souvent du „régime fermé pour jeunes détenus“ (qui remplace obligatoirement l’emprisonnement) et sont placés dans des institutions pour jeunes dirigées par Statens Institutionsstyrelse (SiS, le Conseil national pour le fontionnement des institutions). Durant l’exécution de la peine et dès que possible, l’accès à un régime plus ouvert est autorisé. 8 Lorsque des jeunes détenus, âgés de 15 à 22 ans, sont placés dans les établissements pénitentiaires, ils le sont dans des pavillons spécifiques des établissements de Lulea, Täby, Kristianstad, Hällby et Boras. L’emprisonnement des jeunes de 15 à 18 ans doit être décidé seulement en présence de motifs spécifiques, tels que l’exceptionnelle gravité des faits commis. La loi n° 603 de 1998 régit l’exécution de la peine. Le conseil social de la ville de résidence du jeune délinquant participe à l’organisation de l’exécution de la peine. Il met alors à profit son éventuelle connaissance antérieure du condamné. Le conseil social sera également impliqué dans l’organisation de la nécessaire transition du régime fermé vers des régimes plus ouverts qui préparent le retour du jeune dans la société. Le jeune peut également séjourner à l’extérieur pendant une certaine période de la journée afin de participer à des activités qui peuvent faciliter sa réinsertion dans la société. Cela peut consister en un traitement, une formation ou une activité similaire (15). Pendant la durée de la détention, l’isolement peut être imposé à un jeune détenu en raison d’un comportement très violent ou sous l’influence des stupéfiats. Toutefois, l’isolement ne pourra pas dépasser 24 heures. 9 I. LES ETABLISSEMENTS SECURITAIRES Avant les années 1990, il existait en Suède des prisons nationales et des prisons locales, ces dernières étant également dénommées « prisons de proximité ». Les prisons nationales étaient habituellement des prisons de haute sécurité ; les prisons de proximité étaient des prisons de moyenne sécurité ou de sécurité minimum. A partir de 1990, un système de classification des établissements pénitentiaires en quatre catégories de sécurité avait été employé. A partir des années 2005/2006, le Service des prisons et de la probation2 a développé une nouvelle politique sécuritaire. Un „Groupe de sécurité“ a été créé au niveau de l’administration pénitentiaire centrale. Chargé d’élaborer les principes directeurs de la politique de sécurité, le „Groupe de sécurité“ assure également la direction de la mise en oeuvre de ces principes au niveau régional et local. Une nouvelle classification des établissements a été introduite. Les 56 établissements suédois sont actuellement divisés en 6 niveaux de sécurité : 5 types d’établissements fermés (les établissements de catégorie A à E) plus les établissements ouverts (dits de catégorie F). Des sections ouvertes existent dans un certain nombre d’établissements fermés3. L’existence de plusieurs niveaux de sécurité vise à permettre l’application, pour chaque détenu, du régime pénitentiaire le plus adéquat. A. Les établissements fermés de haute sécurité Dans le premier groupe (A), se trouvent les établissements pourvus de mesures de sécurité „très élevées“ ayant pour but d’éviter les évasions et les tentatives d’évasion qualifiées ; ces établissements ont une forte capacité à gérer les détenus „très difficiles“. Le deuxième groupe (B), se caractérise par des mesures de protection „importantes“, ayant pour but d’éviter les évasions et les tentatives d’évasion qualifiées ; ce sont des établissements capables de gérer les détenus „difficiles“. Les établissements du troisième groupe (C) comportent des mesures de sécurité „relativement importantes“ et une haute capacité pour gérer les détenus difficiles. Les tentatives d’évasion doivent pouvoir être mises en échec. Les 2 3 Catégorie A : prisons de Kumlamla et Hall ; catégorie B : prisons de Tidaholm et Norrtälje ; catégorie C : prisons de Österåker, Mariefred, Hällby, Kirseberg, Salberga ; catégorie D : prisons de Härnösand, Kalmar, Skogomekliniken, Fosie stödavdelning, Hinseberg, Ystad, Håga ; catégorie E : prisons de Beateberg, Borås, Brinkeberg, Fosie, Färingsö, Gävle, Halmstad, Haparanda, Helsingborg, Högsbo, Johannesberg, Karlskoga, Karlskrona, Kristianstad, Kristianstad Centrum, Luleå, Mariestad, Nyköping, Roxtuna, Saltvik, Sagsjön, Skogome, Skänninge, Storboda, Täby, Umeå, Visby, Västervik, Västervik Norra ; catégorie F (établissements ouverts) : Åby, Tillberga, Gruvberget, Ljustadalen, Sörbyn, Viskan, Asptuna, Svartsjö, Tygelsjö, Sagsjön, Rödjan, Smälteryd, Holmängen, Östragård, Kolmården, Skenäs. Il existe des sections ouvertes dans les établissements fermés suivants : Hinseberg, Gävle, Haparanda, Täby, Beateberg, Helsingborg, Kristianstad, Halmstad, Skogome samt Roxtuna. 10 établissements de ce groupe manquent – pour une ou plusieurs raisons -, de possibilité de s’occuper du même type de détenus que les établissements de type A et B. Dans le quatrième groupe (D), il y a des institutions fermées avec un bon niveau de sécurité. Ces institutions doivent pouvoir agir avec les détenus difficiles mais elles manquent de possibilités pour s’occuper du même type de détenus que les établissements du troisième groupe. Les établissements du cinquième groupe (E) comportent moins de règles de sécurité. Le sixième groupe (F) comprend les institutions ouvertes4 qui n'ont aucune barrière ni moyen technologique spécialement conçu pour empêcher les évasions, la seule contrainte étant constituée par la présence de surveillants. Ces établissements sont réservés aux personnes condamnées pour des infractions mineures telles que les infractions au Code de la route. Les détenus qui y purgent leur peine peuvent naturellement continuer à travailler ou à se former à l’extérieur de l’établissement durant la journée. B. Les quartiers spéciaux de sécurité Dans les établissements pénitentiaires de catégorie A (Kumla, Hall, Saltvik), il existe des quartiers spéciaux de sécurité, qui offrent le plus haut degré de sécurité existant en Suède. Il s’agit de petits quartiers fermés, avec des mesures de sécurité spéciales, à l’intérieur desquels le contact entre les détenus est strictement réglementé. Les sorties sont rares et motivées uniquement par des raisons exceptionnelles. Le personnel affecté à ces quartiers est en nombre important, ce qui lui permet d’assurer des visites fréquentes et une surveillance étroite. Il s’agit également d’un personnel spécialement préparé et selectionné à travers une procédure rigoureuse. Ce régime ne concerne qu’un très petit nombre de détenus (environ 1%) qui refusent de travailler, ont une tendance avérée à causer des troubles au sein de l’établissement et sont susceptibles de commettre des infractions pendant leur temps de détention et compromettre les chances de réhabilitation des autres détenus5. C. Les mesures de sécurité Aucun règlement officiel relatif aux systèmes de sécurité n’est disponible mais généralement les mesures de sécurité visent deux objectifs : prévenir les situations critiques et assurer la protection des employés et des détenus. ● Le premier objectif, celui de la prévention, est assuré à travers : - toutes les actions visant à parer aux évasions et aux écarts de conduite, à éliminer les risques ou les menaces de violence ; 4 Thomas Ekbom, s. 197f. The Swedish Prison and Probation service (Kriminalvarden), Basic facts. 2007 : http://www.kriminalvarden.se/templates/KVV_InfoMaterialListing____4022.aspx 5 11 - un régime pénitentiaire empêchant les détenus de commettre de nouveaux crimes durant la période d’exécution de leur peine - un régime pénitentiaire empêchant les détenus de consommer des drogues à l’intérieur de l’établissement. ● Le second objectif qui vise la protection des employés et des détenus demande que le personnel puisse maintenir l’ordre et conserver le contrôle dans l’établissement dans toutes les situations, en faisant l’application de quatre principes : - un bon environnement, avec des locaux adaptés à la vie pénitentiaire ; - l’accès à des moyens techniques, comme des alarmes, des caméras de surveillance et des locaux spécialement affectés aux visites ; - une bonne connaissance de la réglementation en vigueur, concernant les différents types de mesures de sécurité ; - une attitude positive construite sur le respect et la confiance, de bonnes relations avec les détenus, ce qui permet au personnel pénitentiaire de percevoir les signaux d’alarme et de diminuer les risques de conflits entre les détenus. Si les situations critiques augmentent malgré cela, il est important que le personnel soit bien formé et préparé. C’est la raison pour laquelle des „plans d’action“ énoncent clairement comment le personnel pénitencier doit agir dans différentes situations. Un bon système alliant un personnel compétent et un support technique adapté est nécessaire et par conséquent utilisé. Le rapport 2003 du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants relatif à la Suède avait mis en évidence le fait que, dans le quartier spécial de sécurité visité, les relations entre le personnel et les détenus étaient réduites au stricte minimum (surveillance des détenus lorsqu’ils quittaient et réintégraient leurs cellules), ce qui n’était pas de nature à permettre l’instauration d’un climat constructif et donc d’une „sécurité active“. La CPT avait salué alors l’existence du projet de réforme du système de politique sécuritaire et recommandé une formation spécifique du personnel de ces quartiers spéciaux de sécurité6. 6 CPT Report, Sweden, Visit 27/01/2003, http://www.cpt.coe.intdocuments/swe/2004-32-inf-eng.htm 12 II. LES CRITERES ET LA PROCEDURE D’AFFECTATION DES DETENUS A. Les critères d’affectation 1. Les critères généraux d’affectation La peine d’emprisonnement consiste en une privation de liberté, notamment dans la restrictiction de la liberté de mouvement du condamné. En application de ce principe, seules les restrictions nécessaires au maintien de cette privation de liberté sont légitimes. Ainsi, d’une part, le niveau de sécurité des établissements pénitentiaires doit être suffisant pour empêcher les détenus de projeter ou de commettre de nouvelles infractions pendant la durée d’exécution de leur peine. D’autre part, les détenus doivent avoir accès à des activités qui font du temps passé en prison un temps de vie aussi „normal“ que possible, qui les prépare à leur sortie. La société a la responsabilité non seulement d’empêcher la commission d’infractions durant le temps passé en prison mais également de s’assurer que le détenu ne quittera pas la prison en étant une personne plus dangereuse que celle qu’il était avant d’être condamné. La privation de liberté influe de façon négative sur la capacité d’initiative de détenu et peut renforcer le sentiment d’aliénation et de distance vis-à-vis de la vie en société. Cela peut créer ou renforcer le comportement criminel et la dépendance à l’égard d’autres grands criminels. C’est la raison pour laquelle il est si important de se concentrer sur l’éducation, les programmes de lutte contre la drogue et autres mesures qui aideront le détenu à s’adapter aux exigences de la société et, petit à petit, à une vie loin de toute criminalité. Par conséquent, tant que les considérations de sécurité le permettent, le placement en établissement ouvert sera préféré car il est le seul à offrir un accès plus conséquent à l’éducation, au travail, à un traitement médical particulier. Lors du choix de l’établissement, sont également pris en considération : o l’âge de la personne condamnée. Depuis la réforme de la loi du traitement pénitentiaire en 1999, un détenu âgé de moins de 18 ans ne doit pas être placé avec des adultes, si cela ne peut être considéré comme bénéfique à son développement. Depuis 1999, les détenus âgés de moins de 21 ans et soumis à un régime „fermé“ sont placés dans des établissements offrant des activités spéciales pour les jeunes détenus ; o le genre. Toujours depuis 1999, le principe est que les femmes sont normalement placées dans des établissements ou des quartiers qui leurs sont réservés. En tout état de cause, une femme ne pourra pas être placée, sans son consentement, dans un établissement ou un quartier qui accueille également des hommes ; o l’existence de troubles mentaux ; o la proximité avec la ville natale. 13 2. L’affectation à un établissement sécuritaire Aux termes de la loi relative au traitement pénitentiaire (art. 7, alin. 1 et 2), le détenu doit être placé dans un établissement fermé si ce type de placement s’impose pour des raisons de sécurité, et notamment : le risque d’évasion, le risque que le détenu perpétue son activité illégale, qu’il abuse de la consommation de drogues ou participe, même depuis la prison, à un trafic de telles substances, le risque d’un comportement violent. La nécessité d’un placement sécuritaire a été expressément affirmée par la loi citée à partir de 1988, suite à l’évasion d’un espion suédois qui avait été condamné à la prison à vie7. La durée de la peine de prison est un autre critère important dans l’affectation des détenus. La loi relative au traitement pénitentaire (art. 7, alin. 3 et 4, art. 14, 32 et 54, derniers alinéas) prévoit que les détenus purgeant des peines supérieures à quatre années (ou, en présence de „raisons spéciales“, à deux années) d’emprisonnement peuvent se voir imposer un régime pénitentiaire plus strict : leur participation aux activités de loisirs, informatives ou éducatives, leur droit aux permissions de sortie ou aux sorties de l’établissement durant la journée pour travailler ou se former à l’extérieur peuvent être limités. En pratique, un tiers des détenus qui, en application de ces dispositions doivent subir un régimé „fermé“, sont placés dans des établissements fermés de sécurité maximale. En 1997, sur un total de 365 détenus dits „de l’article 7, alin. 3 de la loi relative au traitement pénitentiaire“, 56% étaient condamnés à une peine d’emprisonnement de cinq années ou plus. 50% d’entre eux avaient été condamnés pour une infraction en rapport avec les drogues. 3. L’isolement La loi relative au traitement pénitentiaire (art. 20, 20a et 23) prévoit plusieurs hypothèses dans lesquelles, pour des raisons ayant trait à la sécurité des personnes et de l’établissement, un détenu peut être placé à l’isolement. Ce régime se justifie lorsque : - pour des raisons de sécurité nationale, on peut craindre un danger actuel pour la vie ou la santé du détenu lui-même ou d’autres personnes, ou bien un préjudice sérieux pour l’établissement ; - il empêche que le détenu influence un co-détenu pour l’amener à prendre part à des agissements pouvant perturber gravement le bon ordre de l’établissement ; - il empêche que le détenu aide un co-détenu à se procurer des substances toxiques (alcool, drogues) ; - il empêche le détenu de molester sérieusement un autre détenu ; 7 H. von Hoffer, R. Marvin, Sweden, in Imprisonment today and tomarow. International perspectives on prisoner’s rights and prison conditions, p. 642, éd. Kluwer law international, 2001. 14 - il permet d’éviter qu’un détenu condamné à une peine supérieure à deux ans d’emprisonnement tente de s’évader ou continue ses activités illégales depuis l’intérieur de la prison ; - il permet de « contenir » un détenu devenu violent suite à la consommation d’alcool ou de drogues. Une telle décision doit être reconsidérée aussi rapidement que possible mais au moins tous les 10 jours. 4. L’affectation à un quartier sécuritaire dans un établissement sécuritaire La décision de placement dans un quartier de sécurité au sein d’un établissement de catégorie A est motivée par le fait que le détenu présente un très haut risque de poursuite de ses actions criminelles depuis la prison, qu’il a un comportement fortement révendicatif ou agressif vis-à-vis du personnel ou des autres détenus et/ou présente un risque d’évasion associé au péril qu’il représente pour la société une fois en liberté. Lorsqu’une détention à part des autres détenus doit se prolonger, le détenu doit également être placé dans un quartier de sécurité (art. 20a, loi relative au traitement pénitentiaire). B. La collecte de données relatives aux détenus 1. La procédure ordinaire Lorsque les personnes placées en détention préventive n’ont pas d’antécédents pénaux, une enquête est confiée au système de probation. Ses résultats seront pris en compte à la fois par le tribunal lors du prononcé de la peine et par l’administration pénitentiaire lorsqu’elle décidera quel est le traitement pénitentiaire applicable au détenu. Lorsqu’une personne est condamnée à une peine d’emprisonnement, elle est conduite dans un premier temps devant un psychiatre accrédité pour que soient évaluées sa tendance à la violence et sa dangerosité pour autrui. Le personnel pénitentiaire enquête par la même occasion sur les besoins éventuels du détenu de suivre une cure de désintoxication, un cursus d'éducation ou de qualification professionnelle. Le service des prisons et de la probation décide ensuite de l’établissement ou du quartier auquel le détenu doit être affecté. 2. Les « centres d’accueil national » des détenus Depuis le 1er avril 1997, un accueil qualifié et coordonné de détenus hommes condamnés à une peine supérieure à quatre années d’emprisonnement a pris place à la prison de Kumla. Depuis le printemps 2005, il existe également un centre d’accueil national avec dix 15 places pour les femmes, à la prison d’Hinseberg. On y retrouve les condamnées à deux années d’emprisonnement minimum, ainsi que celles dont le placement dans un établissement nécessite des enquêtes spéciales. Le „Bureau principal“ du Service des prisons prend en charge la mise en place et la gestion de ces centres d’accueil au niveau national. Pendant le séjour du détenu dans un tel centre, deux „profils individuels“ doivent être dressés : „le profil de risque“ concerne le niveau de dangerosité du détenu alors que le „profil des besoins“ porte bien évidemment sur ses besoins. Les deux sont communiqués au détenu. Le profil de risque doit comporter toutes les informations essentielles permettant de prendre une décision quant au niveau de sécurité de l’établissement d’affectation, alors que le profil des besoins permettra de choisir un établissement qui puisse offrir des programmes en adéquation avec ses besoins. Il permettra également de définir le contenu exact de la période d’exécution de la peine, de choisir un programme d’éducation et un programme social, de décider quant aux éventuelles activités de loisir. Ces profils sont dressés grâce à des entretiens avec le détenu, des tests de personnalité et d’autres tests ; sont utilisées toutes les informations sur le condamné qui se trouvent dans le jugement de condamnation et les pièces du dossier pénal, ainsi qu’auprès du Service des prisons, de la police, du procureur, des services sociaux, etc. ; sont également utilisées toutes les observations faites sur le détenu pendant son séjour au sein de l’accueil national. C. La procédure d’affectation 1. L’autorité compétente Le Service des prisons et de la probation est l’organe compétent en matière d’exécution des peines. C’est à lui qu’incombe de prendre, aux termes de la loi relative au traitement pénitenciaire (art. 68), les principales décisions régies par cette loi, y compris les décisions d’affectation initiale et de transfert des détenus. Plus particulièrement, le placement des personnes devant subir une détention provisoire relève de la compétence des agents du „service de placement spécial“, alors que le „service de placement“ est compétent pour les questions concernant les placements et les transferts et également pour tout acte ou demande pendant l’exécution de la peine, tel que la demande de suspension d’exécution de la peine ou d’arrêt d’une telle suspension. Le service est placé sous la direction administrative de la région de Stockholm. Le travail doit être effectué en coopération étroite avec avec le „Groupe de sécurité“, au sein de l’administration pénitentiaire centrale. La décision de placement dans un quartier de sécurité au sein d’un établissement de catégorie A est prise par le directeur de l’établissement. Ce placement devra être reconsidéré aussi souvent que nécessaire et, en tout état de cause, au moins une fois par mois. 16 2. Le recours contre la décision d’affectation Aux termes de la loi relative au traitement pénitentiaire (chapitre 5), les décisions relatives à l’exécution des peines, y compris les décisions d’affectation, sont immédiatement exécutoires. Lorsqu’il souhaite contester la décision le concernant, l’intéressé doit tout d’abord présenter un recours administratif au bureau régional du Service des prisons, dans les trois semaines qui suivent la notification de la décision. La demande doit faire mention de la décision attaquée et de la modification souhaitée. La décision prise par le bureau régional est susceptible de recours devant le tribunal administratif du comté (länsträtt) dans la circonscription duquel se trouve l’établissement pénitentiaire, l’établissement pour détention préventive ou le service de probation qui assure la prise en charge du demandeur à l’instance. D. Les données statistiques : nombre de détenus placés en établissement sécuritaire et nombre d’évasions Pour l’année 2006, la distribution des détenus selon les différentes catégories pénitentiaires de sécurité était la suivante : Catégorie de sécurité A B C D E F Total Nombre de détenus 436 372 462 437 1785 1261 4753 % 9.25 % 7.8 % 9.7 % 9.25 % 37.5 % 26.5 % 100 % Les détenus qui se sont échappés directement d’un établissement pénitentiaire fermé sont peu nombreux : 137 en 2006. La même année, 123 d’entre eux se sont échapés d’un établissement ouvert, deux ont pris la fuite pendant un transfert et 390 (soit seulement 0.8% des détenus) n’ont plus intégré leur établissement après une permission de sortie (soit seulement 0.8% des détenus ayant bénéficié de sorties)8. 8 Service des prisons et de la probation, 2008. 17 III. LES PRINCIPES SPECIFIQUEMENT APPLICABLES AUX DETENUS DANGEREUX SOUFFRANT DE TROUBLES PSYCHIATRIQUES A. La possibilité de détenir des personnes souffrant de troubles mentaux Le Code pénal suédois actuellement en vigueur, à la différence de la précédente réglementation, ne distingue pas entre les personnes responsables et non responsables pénalement. En principe, tout délinquant peut être puni pénalement et emprisonné ; tout individu est pénalement responsable pour ses actes, quelque soit son état mental ou émotionnel. Le Code pénal suédois est soustendu par la philosophie positive de la peine qui met en avant la fonction préventive du système des peines et selon laquelle la peine n’est pas la rétribution des faits commis mais l’expression des besoins de traitement de l’auteur des faits. Ce principe a contribué en Suède au développement d’un traitement pénitentiaire capable d’améliorer les chances d’intégration des délinquants dans la société. Si, en principe, les personnes souffrant d’un trouble mental et celles qui n’en souffrent pas peuvent être condamnées aux mêmes peines, des exceptions existent néanmoins. Celui qui commet une infraction sous l’emprise d’un trouble mental sérieux peut bénéficier de la « prohibition de détention ». Le tribunal peut imposer, à son égard, un « traitement psychiatrique légal » qui constitue, dans le système suédois, une peine pénale. En pratique, les personnes ayant commis des infractions sérieuses sous l’empire d’un trouble mental grave ne sont, le plus souvent, pas condamnées à une peine d’emprisonnement, dans la mesure où cette dernière n’est pas considérée comme une peine « appropriée », correspondant aux « besoins de traitement de l’auteur des faits ». Le « Comité pour la responsabilité psychiatrique » (Psykansvarskommittén) (SOU 2002:3) suggère la réintroduction d’une « exigence de santé mentale » dans le système suédois. Le comité a considéré comme déraisonnable le fait de condamner pénalement des personnes souffrant de troubles mentaux et par conséquent, irresponsables. Plus encore, est également considéré comme insatisfaisant le fait que, bien de fois, le tribunal ne peut trouver une peine « adéquate » pour de nombreux délinquants souffrant de troubles mentaux. Le Comité s’est également proposé de réfléchir particulièrement à la situation des délinquants qui agissent sous l’emprise d’un court moment de psychose due à la consommation de certains produits et à la situation intolérable des longues périodes de détention sous le régime du « traitement psychiatrique légal » dispensé par l’Institut de psychiatrie légale. Le Comité préconise que : - la plupart des personnes souffrant de troubles mentaux devraient être condamnées aux peines ordinaires, à l’exception de la détention qui devrait être abolie pour ces personnes, 18 tout comme le traitement psychiatrique légal ; les peines prononcées devraient l’être pour une durée déterminée (et non indéfiniment, comme c’est le cas actuellement pour la peine de traitement psychiatrique légal) ; les besoins de traitement médical du délinquant seront satisfaits durant l’exécution de la peine (ordinaire) prononcée ; - exceptionnellement, un certain nombre de délinquants pourraient être jugés comme irresponsables pénalement pour leurs actes. Aucune peine ne pourrait être prononcée à leur encontre, des mesures de protection pourraient être prises. B. Le placement dans une institution de psychiatrie légale Pour condamner une personne aux soins psychiatriques légaux, le tribunal doit faire des investigations concernant les besoins de l’auteur de l’infraction et les mesures de sécurité nécessaires pour éviter la récidive. La situation personnelle du délinquant (logement, profession, risque d’abus de drogues, etc.) doit être prise en compte9. La peine de soins psychiatriques légaux n’est pas limitée dans le temps. Des critiques ont été formulées concernant ce point. Un rapport du Conseil National de soins de la santé et du bien-être a indiqué que les personnes qui ont été jugées pour des infractions sans violence ont été ainsi placées durant une période de temps plus longue que les délinquants jugés pour meurtre ou violences graves. Le rapport retient l’exemple d’une personne ayant subi des soins psychiatriques durant 25 ans suite à un simple vol10. Le rapport critique également les situations où la libération a été décidée après une très courte période de temps, selon l’avis médical, ce qui rendait la peine finalement executée totalement inappropriée à la gravité de l’infraction commise, ce qui est contraire aux dispositions du Code pénal suédois (art. 31)11. La condamnation aux soins psychiatriques légaux doit être précédée d’une investigation de l’état mental du détenu, dite investigation psychiatrique légale (Rättspsykiatrisk undersökning - RPU). Le tribunal n’est pas lié par ses résultats12, mais en pratique il s’y conforme dans 95% des cas13. Le traitement psychiatrique légal est régi par la loi relative aux soins psychiatriques imposés (Lag om psykiatrisk tvångsvård 1991:1128)14. Ces soins sont accordés dans une institution de psychiatrie légale, aux détenus qui y sont placés en raison de leur état mental, lorsqu’un tel placement est considéré comme pouvant contribuer à l’amélioration de leur état. S’il s’agit d’une personne qui ne peut pas exprimer son consentement, c’est le médecin en chef de l’institution qui décide l’internement. Sa décision doit être appuyée par un deuxième 9 Prop. 1990/91:58, s. 533 Socialstyrelsen (2002:1) 11 Prop. 1990/91:58 12 Jareborg, N. och Zila, J., (2001), s. 137 13 Lidberg, L. och Wiklund, N. (red.), (2004), s.169. 14 SOU 2002:3, samt SOU 1994:5. Normaliseringsprincipen behandlas även i SOU 1993:76 10 19 avis médical et approuvée par le gouvernement15. Le traitement dure « autant de temps que nécessaire ». L’arrêt du traitement doit être considéré régulièrement ; il est décidé par le même médecin en chef et s’arrête, de toutes les façon en principe au moment de la libération du pacient, sauf motifs sérieux en faveur de sa continuation. C. La détention dans un établissement pénitentiaire 1. Le placement ordinaire Une étude a été menée en 2001/2002 sur un nombre de 222 détenus hommes placés dans les divisions de sécurité des établissements pénitentiaires de haute sécurité (sur un total de 3700 détenus hommes qui se trouvaient alors dans le système pénitentiaire suédois). La moitié d’entre eux étaient d’origine suédoise, de parents suédois ; 69% d’entre eux avaient des problèmes réels d’abus d’alcool et de drogues ; beaucoup souffraient de troubles de personnalité, de retard mental, de déficiences physiques et psychiques dues à l’abus de drogues. 36% d’entre eux n’avaient pas subi d’examen psychiatrique, mais parmi ceux qui avaient été examinés, 82% étaient atteints de troubles mentaux et 13% d’entre eux avaient été transférés pour recevoir des soins psychiatriques pendant la durée d’exécution de leur peine. La plupart d’entre eux ont été à un moment donné placés à part des autres détenus, à la demande de ces derniers16. Conformément au principe dit de normalité (normalitetsprincipen), les détenus ont les mêmes droits aux soins médicaux et à l’aide sociale que les autres citoyens. Ce principe couvre bien entendu les soins médicaux psychiatriques aux détenus, quel que soit le type d’établissement dans lequel ils sont placés (ouvert ou fermé). Ce type de soins est offert par les services médicaux des établissements pénitentiaires avec la possibilité de recours au système médical extra-pénitentiaire. Il s’agit toutefois de moyens assez limités, qui le sont encore plus du fait que les soins psychiatriques ne peuvent être accordés que sur la base de la participation volontaire du patient. 2. Le placement dans des quartiers spécifiques Avant 1992, les délinquants souffrant de troubles de la personnalité étaient le plus souvent condamnés à un traitement psychiatrique légal ; aujourd’hui ils sont condamnés à l’emprisonnement et doivent être soignés dans le système pénitenciaire. Par conséquent, le nombre de détenus présentant des troubles de la personnalité a fortement augmenté dans les années 1990, ce qui est à l’origine de nombreux problèmes auxquels est confronté le système pénitentiaire. La pratique de l’administration pénitentiaire qui consistait à placer séparément les détenus ayant des troubles spychiatriques des autres détenus a vite été mise en échec. 15 16 5 § Lag (1991:1129) om rättspsykiatrisk vård. Thomas Ekbom, s. 267f 20 Afin de résoudre ce problème, le Comité pour le traitement des détenus a décidé de créer des unités spéciales nommées « unités de support » destinées au placement des détenus souffrant de troubles psychiatriques et ayant un comportement agressif. Ces unités sont séparées des autres quartiers at sont gérées par un personnel spécialement qualifié. L’objectif assigné à ces unités est d’une part d’assurer une meilleure prise en charge de ces détenus et, d’autres part, d’éviter la tension que leur présence, auprès des autres détenus, générerait dans l’établissement. Sont placés dans ces unités les détenus qui se trouvent dans l’une des situations ci-dessous : - leur comportement est extravertit et agressif ; - ils ont une tendance aux actions destructives en général17. Dans ces hypothèses, le détenu est placé dans une unité de support ; à défaut, et si le détenu est moins violent et présente un risque d’évasion moins important, il est placé dans des quartiers spéciaux de sécurité. D. Les données statistiques concernant les personnes souffrant de troubles mentaux Au milieu des années 1970, 2 sur 3 personnes accusées de meurtre étaient condamnées au traitement psychiatrique légal. Ce type de peine est beaucoup moins employé aujourd’hui ; ce n’est pas en raison du fait que les délinquants auraient une meilleure santé mentale, mais plutôt en raison du fait que les besoins de traitement de ces délinquants sont plus difficiles à combler. Et cette évolution ne concerne pas que les meurtriers. L’état de santé psychique des personnes exécutant une peine s’est empiré. Le nombre de jours-soins offert aux détenus souffrant de troubles psychiatriques a triplé depuis 1990, passant de 3000 à 10 000 actuellement. Le personnel pénitentiaire témoigne du fait que les situations de vie des délinquants sont devenues plus complexes, et que ces derniers sont devenus plus difficiles à contrôler. Roger Karlsson, qui a été le dernier psychiatre à exércer à temps plein dans le système pénitentiaire suédois, a mené une enquête dans le département Västra Götaland dont le résultat est extrêmement inquiétant. Il s’est interessé à la santé psychique de 430 détenus, dont quelques uns seulemement étaient en bonne santé, alors que beaucoup souffraient de plusieurs problèmes en même temps. La même conclusion peut être retrouvée dans le Rapport du « Comité pour la responsabilité psychiatrique » de cette année : « il existe un nombre énorme de condamnés souffrant de troubles mentaux en Suède. Certains d’entre eux étaient malades avant d’entrer en prison, d’autres le sont devenus pendant l’exécution de leur peine ». 17 Thomas Ekbom, s. 197f. 21 TABLE DES MATIERES INTRODUCTION............................................................................................................................................... 5 L’administration pénitentiaire : le Service des prisons et de la probation.................................................... 7 Les différentes catégories d’établissements pénitentiaires............................................................................ 7 I. LES ETABLISSEMENTS SECURITAIRES............................................................................................... 10 A. LES ÉTABLISSEMENTS FERMÉS DE HAUTE SÉCURITÉ ..................................................................................... 10 B. LES QUARTIERS SPÉCIAUX DE SÉCURITÉ ....................................................................................................... 11 C. LES MESURES DE SÉCURITÉ ........................................................................................................................... 11 II. LES CRITÈRES ET LA PROCÉDURE D’AFFECTATION DES DÉTENUS ..................................... 13 A. LES CRITÈRES D’AFFECTATION ..................................................................................................................... 13 1. Les critères généraux d’affectation ......................................................................................................... 13 2. L’affectation à un établissement sécuritaire............................................................................................ 14 3. L’isolement .............................................................................................................................................. 14 4. L’affectation à un quartier sécuritaire dans un établissement sécuritaire .............................................. 15 B. LA COLLECTE DE DONNÉES RELATIVES AUX DÉTENUS .................................................................................. 15 1. La procédure ordinaire ........................................................................................................................... 15 2. Les « centres d’accueil national » des détenus........................................................................................ 15 C. LA PROCÉDURE D’AFFECTATION ................................................................................................................... 16 1. L’autorité compétente.............................................................................................................................. 16 2. Le recours contre la décision d’affectation ............................................................................................. 17 D. LES DONNÉES STATISTIQUES : NOMBRE DE DÉTENUS PLACÉS EN ÉTABLISSEMENT SÉCURITAIRE ET NOMBRE D’ÉVASIONS ...................................................................................................................................................... 17 III. LES PRINCIPES SPÉCIFIQUEMENT APPLICABLES AUX DÉTENUS DANGEREUX SOUFFRANT DE TROUBLES PSYCHIATRIQUES .................................................................................. 18 A. LA POSSIBILITÉ DE DÉTENIR DES PERSONNES SOUFFRANT DE TROUBLES MENTAUX ..................................... 18 B. LE PLACEMENT DANS UNE INSTITUTION DE PSYCHIATRIE LÉGALE ................................................................ 19 C. LA DÉTENTION DANS UN ÉTABLISSEMENT PÉNITENTIAIRE ............................................................................ 20 1. Le placement ordinaire............................................................................................................................ 20 2. Le placement dans des quartiers spécifiques........................................................................................... 20 D. LES DONNÉES STATISTIQUES CONCERNANT LES PERSONNES SOUFFRANT DE TROUBLES MENTAUX .............. 21 22