Droit pénal_Affectation des détenus en établissements

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Droit pénal_Affectation des détenus en établissements
MINISTERE DE LA JUSTICE
SERVICE DES AFFAIRES EUROPEENNES ET INTERNATIONALES
PARIS
AFFECTATION DES DETENUS
EN ETABLISSEMENT SECURITAIRE
LE CAS DE LA SUEDE
Etude à jour le 20 avril 2008
AFFECTATION DES DETENUS
EN ETABLISSEMENT SECURITAIRE
LE CAS DE LA SUEDE
I. LES ETABLISSEMENTS SECURITAIRES
A. LES ÉTABLISSEMENTS FERMÉS DE HAUTE SÉCURITÉ
B. LES QUARTIERS SPÉCIAUX DE SÉCURITÉ
C. LES MESURES DE SÉCURITÉ
II. LES CRITÈRES ET LA PROCÉDURE D’AFFECTATION DES DÉTENUS
A. LES CRITÈRES D’AFFECTATION
B. LA COLLECTE DE DONNÉES RELATIVES AUX DÉTENUS
C. LA PROCÉDURE D’AFFECTATION
D. LES DONNÉES STATISTIQUES : NOMBRE DE DÉTENUS PLACÉS EN ÉTABLISSEMENT SÉCURITAIRE ET NOMBRE
D’ÉVASIONS
III. LES PRINCIPES SPÉCIFIQUEMENT APPLICABLES AUX DÉTENUS DANGEREUX
SOUFFRANT DE TROUBLES PSYCHIATRIQUES
A. LA POSSIBILITÉ DE DÉTENIR DES PERSONNES SOUFFRANT DE TROUBLES MENTAUX
B. LE PLACEMENT DANS UNE INSTITUTION DE PSYCHIATRIE LÉGALE
C. LA DÉTENTION DANS UN ÉTABLISSEMENT PÉNITENTIAIRE
D. LES DONNÉES STATISTIQUES CONCERNANT LES PERSONNES SOUFFRANT DE TROUBLES MENTAUX
2
TEXTES LEGISLATIFS CITES
Le Code pénal suédois „Brottsbalken“
La loi relative au traitement pénitentiaire, „Lag 1974:203 om Kriminalvard i Anstalt“
http://www.kriminalvarden.se/upload/Informationsmaterial/The_Prison_Treatment_Act.pdf
Le règlement relatif au traitement pénitentiaire 1974:248
La loi relative au traitement des personnes placées en détention préventive 1976:371
BIBLIOGRAPHIE
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Förlag AB, Surte.
Belfrage Henrik (1995), Brottsligheten, psykiatrin och samhället: Introduktion till den
medicinska kriminologin, Liber Utbildning AB/Almqvist & Wiksell Medicin, Falköping,
Clevesköld, L & Thunved, A. (2001). Samhället och de unga lagöverträdarna. Norstedts
Juridik AB, Stockholm.
Ekbom Thomas, Engström Gunnar, Göransson Birgitta (2006). Människan brottet följderna,
Kriminalitet och kriminalvård i Sverige: Natur och Kultur, Stockholm.
Jareborg Nils, Zila Josef (2001). Straffrättens påföljdslära, Norstedts Juridik AB, Stockholm.
Lidberg, Lars (2000), Svensk rättspsykiatri : en handbok, Studentlitteratur, Lund.
Lidberg Lars, Nils Wiklund (2004), Svenska rättspsykiatri: Psykisk störning, brott och
påföljd, Studentlitteratur, Lund.
Wennberg Suzanne (1998). Introduktion till straffrätten, Norstedts Juridik AB, Stockholm.
Projets de loi
1997/98:96
Vissa reformer av påföljdssystemet
1990/91:58
Om psykiatrisk tvångsvård m.m.
2002/03:53
Stärkt skydd för barn i utsatta situationer m.m. Stockholm: Riksdagen.
Enquêtes
SOU 1994:5 Fängelseutredningens slutbetänkande Kriminalvård och psykiatri.
SOU 2002:3 Betänkande av Psykansvarskommittén Psykisk störning, brott och ansvar.
SOU 2004:122 Betänkande av ungdomsbrottsutredningen. Ingripanden mot unga
lagöverträdare.
3
Rapports
SOSFS 2005:29 Socialstyrelsens föreskrifter om utfärdande av intyg inom hälso- och
sjukvården m.m.
Socialstyrelsen(2002:1) Rättspsykiatrisk vård – utvärdering – omvärdering
Rapports et publications du Service des prisons et de la probation
Kriminalvården, Kriminalvården – “säker och human”
Kriminalvårdens administrativa föreskrifter (2007 :3)
http://www.kriminalvarden.se/templates/KVV_PortalTargets____1981.aspx
date: 08-03-22
http://www.kriminalvarden.se/templates/KVV_InfopageGeneral____4459.aspx
date: 08-03-22
http://www.kriminalvarden.se/templates/KVV_InfopageGeneral.aspx?id=3006
date: 08-03-22
http://www.kriminalvarden.se/templates/KVV_InfopageGeneral____4385.aspx
date: 08-03-22
The Swedish Prison and Probation service (Kriminalvarden), Basic facts. 2007 :
http://www.kriminalvarden.se/templates/KVV_InfoMaterialListing____4022.aspx
4
INTRODUCTION
____________________________________________
La première prison de Suède a été ouverte en 1624, à Grönmunkeholmen –
Stockholm, sur les lieux d’un ancien couvent. Il s’agissait d’associer une prison et un
orphélinat, dans un système de gestion privée afin de tirer un profit du travail des
pensionnaires (travail de la laine, tissage, travail des métaux). En 1698, une nouvelle
réglementation relative au vagabondage et aux mendiants a été introduite ; le roi avait alors
déclaré son intention de créer des « maisons de travail de la laine (plutôt destinées aux
femmes) et des métaux (plutôt destinées aux hommes ». Il y en a eu trois : Norrmalm, pour les
femmes, Gothenburg et Norrköping pour les hommes. Une réglementation pénale de 1653
utilisait l’expression « être entravé et travailler pour son infraction ».
Plus tard, lorsqu’une nécessité urgente de renforcement des fortifications du pays s’est
fait ressentir, il est apparu naturel que les délinquants les plus dangereux soient employés à
ces travaux très lourds, dans des prisons-forteresses, parmi lesquelles la forteresse Karlstens
qui était la plus redoutée. D’autres prisons de ce type ont été : Kalmar, Karlskrona,
Landskrona, Malmö et Nya Älvsborg et plus tard Vaxholm, Karlsborg et Varberg qui a
fonctionné jusqu’en 1881.
La première partie du XIXème siècle a été témoin de beaucoup de changements en
matière de traitement pénitentiaire. Une grande réforme a eu lieu en 1825, avec l’émergence
de l’administration pénitentiaire centralisée et la création du Service des prisons.
La nouvelle loi de 1832 a aboli toutes les peines corporelles, à l’exception de la peine
de mort. Les peines privatives de liberté (travail forcé et emprisonnement) et pécuniaires ont
été retenues comme peines standard. A partir de 1865, 15 personnes ont été exécutées, la
dernière en 1910. La peine de mort a été finalement abolie en 1973.
A partir de 1840, commence en Suède la reorganisation des vieilles prisons en prisons
à cellules individuelles. L’impulsion la plus forte a été donnée par le « Livre jaune relatif aux
peines et à l’emprisonnement ». Il s’agissait d’une contribution qui a fourni de puissants
arguments logiques pour une amélioration du traitement des délinquants au sein de nouvelles
prisons à cellules individuelles. Ce livre, publié anonymement à l’époque, était l’œuvre du
futur roi de Suède, Oscar Ier. Il est depuis communément admis que non seulement les détenus
doivent être mieux traités, mais qui doivent également recevoir le guidage nécessaire pour
pouvoir vivre, après leur libération, dans les limites de la loi. Or, seul le système de traitement
pénitentiaire à cellules individuelles permet cela.
En 1846, les premières prisons régionales à cellules individuelles ont vu le jour et leur
apparition est considérée comme une des plus grandes réformes sociales qui ont eu lieu en
Suède. En 1850, il y avait 678 cellules individuelles, pour 5527 détenus et en 1860, 1832
5
cellules pour 5077 détenus. La période 1892-1916 a marqué l’apogée de la peine
d’emprisonnement en cellule individuelle. En 1934, cette peine se trouvait réduite à 6 mois
pour les détenus plus âgés et à 3 mois pour les plus jeunes. Enfin, en 1946, la peine à exécuter
en cellule individuelle a été abolie ; le confinement en cellule individuelle n’existe plus qu’à
titre de peine disciplinaire temporaire.
A partir de 1930, une nouvelle politique, promue par le ministre de la justice Karl
Schlyter et illustrée par le slogan « dépeuplez les prisons », conduit à la mise en place d’un
programme en faveur des jeunes délinquants qui ne devaient plus être emprisonnés, mais
éduqués. Ce magistrat et homme politique avait également promu l’idée selon laquelle les
personnes souffrant de maladies mentales et les alcooliques n’avaient pas non plus leur place
dans les prisons. Il préconisait pour eux une suspension de la peine associée à un traitement
médical et un suivi de la personne. Les détenus devaient également être préparés pour la
sortie.
A ce jour, le fonctionnement des établissements pénitentiaires en général et
l’organisation de la vie en prison en particulier sont régis par la loi relative au traitement
pénitentiaire du 1er juillet 1974 modifiée (Lag 1974:203 om Kriminalvård i Anstalt, KVal).
Le système actuel des prisons suédoises date de la première moitié des années 90.
Pour le régime ordinaire, les détenus sont placés dans des cellules individuelles pour la nuit1,
mais se retrouvent ensemble dans la journée pour le travail ou d’autres activités. Dans
certaines prisons ouvertes, plusieurs prisonniers peuvent néanmoins partager une même
cellule.
La plupart des prisons sont de petite taille avec une capacité moyenne de 45 lits. Cela
rend plus facile la gestion des prisonniers et permet aux surveillants d’exercer plus facilement
une bonne influence sur les prisonniers grâce à la proximité. Les prisons les plus importantes
ont entre 100 et 200 lits ; la plus récente des prisons suédoises (Salberga) a une capacité
d’accueil exceptionnelle de 342 détenus.
Les objectifs désormais poursuivis par le système pénitentiaire sont la diminution du
taux de délinquance pour une meilleure sécurité de la société ; le temps passé au sein des
établissements pénitentiaires doit tendre à la réadaptation du détenu à la vie sociale et
minimiser les aspects négatifs de l’emprisonnement.
Au sein de ce système, la notion de sécurité a pour conséquence l’utilisation d’une
multitude de méthodes qui varient selon les types de peines, afin de diminuer la possibilité,
pour le délinquant, de commettre de nouvelles infractions pendant qu’il exécute sa peine.
1
En principe, à partir de 20 heures (dans les établissements fermés) et 22 heures (dans les établissements
ouverts) et jusqu’à 6 heures 30 en semaine et 8 heures le week-end ; cf. Service des Prisons et de la probation,
http://www.kriminalvarden.se/templates/KVV_InfopageGeneral____3981.aspx
6
L’administration pénitentiaire : le Service des prisons et de la
probation
Les établissements pénitentiaires sont administrés par un organisme gouvernemental
unique et indépendant, le Service suédois des prisons et de la probation qui prend en charge la
détention préventive, la détention pour peine et le système de probation. Il est composé d'une
administration centrale et d’offices locaux. Bien que son directeur général soit nommé par le
Gouvernement, le Service des prisons et de la probation est un organe indépendant. Le
Ministère de la justice est responsable de la politique des prisons, mais n'a aucun pouvoir lui
permettant de s’immiscer dans le travail quotidien du service.
Les différentes catégories d’établissements pénitentiaires
● Etablissements pour les personnes condamnées ou pour les personnes en
attente de jugement.
Une personne suspectée d’avoir commis une infraction peut être retenue par la police
pendant 24 heures pour les besoins de l’enquête. Le procureur en est informé et peut d’une
part, décider le maintien en détention pour une durée de trois jours maximum et d’autre part,
adresser au tribunal une demande de placement en „détention préventive“. Beaucoup de
personnes mises en détention préventive sont libérées après un premier interrogatoire, même
si elles plaident coupables ; il n’existe pas de présomption de dangerosité. Ainsi, les prévenus
ne peuvent être placés en détention provisoire que pour des raisons spécifiques, telles qu’un
risque important d’entrave à l’enquête ou de commisson de nouvelles infractions. La
détention préventive ne dure pas, dans la plupart des cas, plus de trois ou quatre semaines
après le début du procès.
Afin de rompre l’isolement pendant la durée de la détention préventive, la loi prévoit
un soutien social, comportant un contact privilégié avec le personnel de surveillance ou des
personnes qui connaissaient le prévenu avant son arrestation, tel un travailleur social ou un
agent de probation.
En fonction du résultat de l’enquête, le procureur peut prononcer des restrictions aux
droits individuels des détenus, telles que l’interdiction de lire les journaux, de recevoir des
visites ou de rencontrer d’autres personnes placées en détention préventive et, dans certains
cas, l’interdiction de regarder la télévision ou d’écouter la radio. Le courrier reçu peut être
ouvert. Ces diverses restrictions, courantes au début de l’enquête, sont supprimées
progressivement par la suite.
Beaucoup des personnes détenues sont consommatrices habituelles de stupéfiants.
Pour elles, la période de détention préventive peut être une période de désintoxication, ce qui
signifie que des symptômes lourds dus à l’abstinence sont assez habituels. Pour les aider, du
personnel infirmier en nombre suffisant est à leur disposition en permanence. Ils ont
7
également la possibilité de demander à voir un médecin. Le médecin peut effectuer des visites
s’il l’estime nécessaire. Des transferts à l’hôpital peuvent être envisagés, sous la surveillance
du personnel pénitentiaire. Il y a 31 établissements et 7 antennes de détention provisoire en
Suède. Ces établissements sont souvent situés près des commissariats, mais ils peuvent
également se trouver près des établissements pour peines. En 2007, en Suède, 1 745
personnes ont été placées en détention préventive.
● Régime pénitentiaire fermé, semi-ouvert et ouvert
Les 56 institutions pénitentiaires suédoises sont divisées en 6 niveaux de sécurité, de A
à F ; les établissements de type A sont des établissements de haute sécurité alors que ceux de
type F sont des établissements ouverts.
● Prisons pour femmes
Il existe en Suède plusieurs établissements pénitentiaires réservés aux femmes :
Hinseberg à la périphérie de Örebro, Färingsö à la périphérie de Stockholm, Sagsjön à
Gothenburg, Ljustadalen au nord de Sundsvall, Ringsjön à la périphérie de Ystad et Ystad
(pavillon des femmes). Hinseberg,qui peut accueillir environ 100 détenues, est le plus grand
établissement pour femmes et sert également de centre d’accueil national pour les femmes.
Au total, il y a environ 250 femmes détenues dans le pays, ce qui représente 5 à 6% de toutes
les personnes emprisonnées.
Le vol constitue le délit principal chez les femmes, suivi de la conduite en état
d’ivresse et d’autres infractions au code de la route. Environ 70% d’entre elles sont des
consommatrices de stupéfiants ou ont un recours habituel à la fois aux drogues et à l’alcool. Il
s’agit d’un pourcentage supérieur à celui enregistré pour les hommes.
Les femmes qui ont des enfants en bas âge (0 à 12 mois) ont la possibilité de les garder
auprès d’elles au sein de l’établissement. Les décisions en la matière sont prises en
collaboration avec le conseil social de leur ville de résidence.
● Jeunes détenus
Les personnes âgées de moins de 15 ans ne peuvent pas être condamnées pénalement.
Les jeunes entre 15 et 17 ans sont rarement placés dans les établissements
pénitentiaires, mais bénéficient le plus souvent du „régime fermé pour jeunes détenus“ (qui
remplace obligatoirement l’emprisonnement) et sont placés dans des institutions pour jeunes
dirigées par Statens Institutionsstyrelse (SiS, le Conseil national pour le fontionnement des
institutions). Durant l’exécution de la peine et dès que possible, l’accès à un régime plus
ouvert est autorisé.
8
Lorsque des jeunes détenus, âgés de 15 à 22 ans, sont placés dans les établissements
pénitentiaires, ils le sont dans des pavillons spécifiques des établissements de Lulea, Täby,
Kristianstad, Hällby et Boras.
L’emprisonnement des jeunes de 15 à 18 ans doit être décidé seulement en présence de
motifs spécifiques, tels que l’exceptionnelle gravité des faits commis. La loi n° 603 de 1998
régit l’exécution de la peine. Le conseil social de la ville de résidence du jeune délinquant
participe à l’organisation de l’exécution de la peine. Il met alors à profit son éventuelle
connaissance antérieure du condamné. Le conseil social sera également impliqué dans
l’organisation de la nécessaire transition du régime fermé vers des régimes plus ouverts qui
préparent le retour du jeune dans la société. Le jeune peut également séjourner à l’extérieur
pendant une certaine période de la journée afin de participer à des activités qui peuvent
faciliter sa réinsertion dans la société. Cela peut consister en un traitement, une formation ou
une activité similaire (15).
Pendant la durée de la détention, l’isolement peut être imposé à un jeune détenu en
raison d’un comportement très violent ou sous l’influence des stupéfiats. Toutefois,
l’isolement ne pourra pas dépasser 24 heures.
9
I. LES ETABLISSEMENTS SECURITAIRES
Avant les années 1990, il existait en Suède des prisons nationales et des prisons
locales, ces dernières étant également dénommées « prisons de proximité ». Les prisons
nationales étaient habituellement des prisons de haute sécurité ; les prisons de proximité
étaient des prisons de moyenne sécurité ou de sécurité minimum. A partir de 1990, un
système de classification des établissements pénitentiaires en quatre catégories de sécurité
avait été employé.
A partir des années 2005/2006, le Service des prisons et de la probation2 a développé
une nouvelle politique sécuritaire. Un „Groupe de sécurité“ a été créé au niveau de
l’administration pénitentiaire centrale. Chargé d’élaborer les principes directeurs de la
politique de sécurité, le „Groupe de sécurité“ assure également la direction de la mise en
oeuvre de ces principes au niveau régional et local. Une nouvelle classification des
établissements a été introduite. Les 56 établissements suédois sont actuellement divisés en 6
niveaux de sécurité : 5 types d’établissements fermés (les établissements de catégorie A à E)
plus les établissements ouverts (dits de catégorie F). Des sections ouvertes existent dans un
certain nombre d’établissements fermés3. L’existence de plusieurs niveaux de sécurité vise à
permettre l’application, pour chaque détenu, du régime pénitentiaire le plus adéquat.
A. Les établissements fermés de haute sécurité
Dans le premier groupe (A), se trouvent les établissements pourvus de mesures de
sécurité „très élevées“ ayant pour but d’éviter les évasions et les tentatives d’évasion
qualifiées ; ces établissements ont une forte capacité à gérer les détenus „très difficiles“. Le
deuxième groupe (B), se caractérise par des mesures de protection „importantes“, ayant pour
but d’éviter les évasions et les tentatives d’évasion qualifiées ; ce sont des établissements
capables de gérer les détenus „difficiles“. Les établissements du troisième groupe (C)
comportent des mesures de sécurité „relativement importantes“ et une haute capacité pour
gérer les détenus difficiles. Les tentatives d’évasion doivent pouvoir être mises en échec. Les
2
3
Catégorie A : prisons de Kumlamla et Hall ; catégorie B : prisons de Tidaholm et Norrtälje ; catégorie C :
prisons de Österåker, Mariefred, Hällby, Kirseberg, Salberga ; catégorie D : prisons de Härnösand, Kalmar,
Skogomekliniken, Fosie stödavdelning, Hinseberg, Ystad, Håga ; catégorie E : prisons de Beateberg, Borås,
Brinkeberg, Fosie, Färingsö, Gävle, Halmstad, Haparanda, Helsingborg, Högsbo, Johannesberg, Karlskoga,
Karlskrona, Kristianstad, Kristianstad Centrum, Luleå, Mariestad, Nyköping, Roxtuna, Saltvik, Sagsjön,
Skogome, Skänninge, Storboda, Täby, Umeå, Visby, Västervik, Västervik Norra ; catégorie F (établissements
ouverts) : Åby, Tillberga, Gruvberget, Ljustadalen, Sörbyn, Viskan, Asptuna, Svartsjö, Tygelsjö, Sagsjön,
Rödjan, Smälteryd, Holmängen, Östragård, Kolmården, Skenäs. Il existe des sections ouvertes dans les
établissements fermés suivants : Hinseberg, Gävle, Haparanda, Täby, Beateberg, Helsingborg, Kristianstad,
Halmstad, Skogome samt Roxtuna.
10
établissements de ce groupe manquent – pour une ou plusieurs raisons -, de possibilité de
s’occuper du même type de détenus que les établissements de type A et B.
Dans le quatrième groupe (D), il y a des institutions fermées avec un bon niveau de
sécurité. Ces institutions doivent pouvoir agir avec les détenus difficiles mais elles manquent
de possibilités pour s’occuper du même type de détenus que les établissements du troisième
groupe. Les établissements du cinquième groupe (E) comportent moins de règles de sécurité.
Le sixième groupe (F) comprend les institutions ouvertes4 qui n'ont aucune barrière ni
moyen technologique spécialement conçu pour empêcher les évasions, la seule contrainte
étant constituée par la présence de surveillants. Ces établissements sont réservés aux
personnes condamnées pour des infractions mineures telles que les infractions au Code de la
route. Les détenus qui y purgent leur peine peuvent naturellement continuer à travailler ou à
se former à l’extérieur de l’établissement durant la journée.
B. Les quartiers spéciaux de sécurité
Dans les établissements pénitentiaires de catégorie A (Kumla, Hall, Saltvik), il existe
des quartiers spéciaux de sécurité, qui offrent le plus haut degré de sécurité existant en Suède.
Il s’agit de petits quartiers fermés, avec des mesures de sécurité spéciales, à l’intérieur
desquels le contact entre les détenus est strictement réglementé. Les sorties sont rares et
motivées uniquement par des raisons exceptionnelles. Le personnel affecté à ces quartiers est
en nombre important, ce qui lui permet d’assurer des visites fréquentes et une surveillance
étroite. Il s’agit également d’un personnel spécialement préparé et selectionné à travers une
procédure rigoureuse.
Ce régime ne concerne qu’un très petit nombre de détenus (environ 1%) qui refusent
de travailler, ont une tendance avérée à causer des troubles au sein de l’établissement et sont
susceptibles de commettre des infractions pendant leur temps de détention et compromettre
les chances de réhabilitation des autres détenus5.
C. Les mesures de sécurité
Aucun règlement officiel relatif aux systèmes de sécurité n’est disponible mais
généralement les mesures de sécurité visent deux objectifs : prévenir les situations critiques et
assurer la protection des employés et des détenus.
● Le premier objectif, celui de la prévention, est assuré à travers :
-
toutes les actions visant à parer aux évasions et aux écarts de conduite, à
éliminer les risques ou les menaces de violence ;
4
Thomas Ekbom, s. 197f.
The Swedish Prison and Probation service (Kriminalvarden), Basic facts. 2007 :
http://www.kriminalvarden.se/templates/KVV_InfoMaterialListing____4022.aspx
5
11
-
un régime pénitentiaire empêchant les détenus de commettre de nouveaux
crimes durant la période d’exécution de leur peine
-
un régime pénitentiaire empêchant les détenus de consommer des drogues à
l’intérieur de l’établissement.
● Le second objectif qui vise la protection des employés et des détenus demande que
le personnel puisse maintenir l’ordre et conserver le contrôle dans l’établissement dans toutes
les situations, en faisant l’application de quatre principes :
-
un bon environnement, avec des locaux adaptés à la vie pénitentiaire ;
-
l’accès à des moyens techniques, comme des alarmes, des caméras de
surveillance et des locaux spécialement affectés aux visites ;
-
une bonne connaissance de la réglementation en vigueur, concernant les
différents types de mesures de sécurité ;
-
une attitude positive construite sur le respect et la confiance, de bonnes
relations avec les détenus, ce qui permet au personnel pénitentiaire de
percevoir les signaux d’alarme et de diminuer les risques de conflits entre les
détenus.
Si les situations critiques augmentent malgré cela, il est important que le personnel soit
bien formé et préparé. C’est la raison pour laquelle des „plans d’action“ énoncent clairement
comment le personnel pénitencier doit agir dans différentes situations. Un bon système alliant
un personnel compétent et un support technique adapté est nécessaire et par conséquent
utilisé.
Le rapport 2003 du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou
traitements inhumains ou dégradants relatif à la Suède avait mis en évidence le fait que, dans
le quartier spécial de sécurité visité, les relations entre le personnel et les détenus étaient
réduites au stricte minimum (surveillance des détenus lorsqu’ils quittaient et réintégraient
leurs cellules), ce qui n’était pas de nature à permettre l’instauration d’un climat constructif et
donc d’une „sécurité active“. La CPT avait salué alors l’existence du projet de réforme du
système de politique sécuritaire et recommandé une formation spécifique du personnel de ces
quartiers spéciaux de sécurité6.
6
CPT Report, Sweden, Visit 27/01/2003, http://www.cpt.coe.intdocuments/swe/2004-32-inf-eng.htm
12
II.
LES
CRITERES
ET
LA
PROCEDURE
D’AFFECTATION DES DETENUS
A. Les critères d’affectation
1. Les critères généraux d’affectation
La peine d’emprisonnement consiste en une privation de liberté, notamment dans la
restrictiction de la liberté de mouvement du condamné. En application de ce principe, seules
les restrictions nécessaires au maintien de cette privation de liberté sont légitimes. Ainsi,
d’une part, le niveau de sécurité des établissements pénitentiaires doit être suffisant pour
empêcher les détenus de projeter ou de commettre de nouvelles infractions pendant la durée
d’exécution de leur peine. D’autre part, les détenus doivent avoir accès à des activités qui font
du temps passé en prison un temps de vie aussi „normal“ que possible, qui les prépare à leur
sortie. La société a la responsabilité non seulement d’empêcher la commission d’infractions
durant le temps passé en prison mais également de s’assurer que le détenu ne quittera pas la
prison en étant une personne plus dangereuse que celle qu’il était avant d’être condamné. La
privation de liberté influe de façon négative sur la capacité d’initiative de détenu et peut
renforcer le sentiment d’aliénation et de distance vis-à-vis de la vie en société. Cela peut créer
ou renforcer le comportement criminel et la dépendance à l’égard d’autres grands criminels.
C’est la raison pour laquelle il est si important de se concentrer sur l’éducation, les
programmes de lutte contre la drogue et autres mesures qui aideront le détenu à s’adapter aux
exigences de la société et, petit à petit, à une vie loin de toute criminalité.
Par conséquent, tant que les considérations de sécurité le permettent, le placement en
établissement ouvert sera préféré car il est le seul à offrir un accès plus conséquent à
l’éducation, au travail, à un traitement médical particulier. Lors du choix de l’établissement,
sont également pris en considération :
o
l’âge de la personne condamnée. Depuis la réforme de la loi du traitement
pénitentiaire en 1999, un détenu âgé de moins de 18 ans ne doit pas être placé avec des
adultes, si cela ne peut être considéré comme bénéfique à son développement. Depuis 1999,
les détenus âgés de moins de 21 ans et soumis à un régime „fermé“ sont placés dans des
établissements offrant des activités spéciales pour les jeunes détenus ;
o
le genre. Toujours depuis 1999, le principe est que les femmes sont
normalement placées dans des établissements ou des quartiers qui leurs sont réservés. En tout
état de cause, une femme ne pourra pas être placée, sans son consentement, dans un
établissement ou un quartier qui accueille également des hommes ;
o
l’existence de troubles mentaux ;
o
la proximité avec la ville natale.
13
2. L’affectation à un établissement sécuritaire
Aux termes de la loi relative au traitement pénitentiaire (art. 7, alin. 1 et 2), le détenu
doit être placé dans un établissement fermé si ce type de placement s’impose pour des raisons
de sécurité, et notamment : le risque d’évasion, le risque que le détenu perpétue son activité
illégale, qu’il abuse de la consommation de drogues ou participe, même depuis la prison, à un
trafic de telles substances, le risque d’un comportement violent. La nécessité d’un placement
sécuritaire a été expressément affirmée par la loi citée à partir de 1988, suite à l’évasion d’un
espion suédois qui avait été condamné à la prison à vie7.
La durée de la peine de prison est un autre critère important dans l’affectation des
détenus. La loi relative au traitement pénitentaire (art. 7, alin. 3 et 4, art. 14, 32 et 54, derniers
alinéas) prévoit que les détenus purgeant des peines supérieures à quatre années (ou, en
présence de „raisons spéciales“, à deux années) d’emprisonnement peuvent se voir imposer
un régime pénitentiaire plus strict : leur participation aux activités de loisirs, informatives ou
éducatives, leur droit aux permissions de sortie ou aux sorties de l’établissement durant la
journée pour travailler ou se former à l’extérieur peuvent être limités. En pratique, un tiers des
détenus qui, en application de ces dispositions doivent subir un régimé „fermé“, sont placés
dans des établissements fermés de sécurité maximale. En 1997, sur un total de 365 détenus
dits „de l’article 7, alin. 3 de la loi relative au traitement pénitentiaire“, 56% étaient
condamnés à une peine d’emprisonnement de cinq années ou plus. 50% d’entre eux avaient
été condamnés pour une infraction en rapport avec les drogues.
3. L’isolement
La loi relative au traitement pénitentiaire (art. 20, 20a et 23) prévoit plusieurs
hypothèses dans lesquelles, pour des raisons ayant trait à la sécurité des personnes et de
l’établissement, un détenu peut être placé à l’isolement. Ce régime se justifie lorsque :
- pour des raisons de sécurité nationale, on peut craindre un danger actuel pour la vie
ou la santé du détenu lui-même ou d’autres personnes, ou bien un préjudice sérieux pour
l’établissement ;
- il empêche que le détenu influence un co-détenu pour l’amener à prendre part à des
agissements pouvant perturber gravement le bon ordre de l’établissement ;
- il empêche que le détenu aide un co-détenu à se procurer des substances toxiques
(alcool, drogues) ;
- il empêche le détenu de molester sérieusement un autre détenu ;
7
H. von Hoffer, R. Marvin, Sweden, in Imprisonment today and tomarow. International perspectives on
prisoner’s rights and prison conditions, p. 642, éd. Kluwer law international, 2001.
14
- il permet d’éviter qu’un détenu condamné à une peine supérieure à deux ans
d’emprisonnement tente de s’évader ou continue ses activités illégales depuis l’intérieur de la
prison ;
- il permet de « contenir » un détenu devenu violent suite à la consommation d’alcool
ou de drogues.
Une telle décision doit être reconsidérée aussi rapidement que possible mais au moins
tous les 10 jours.
4. L’affectation à un quartier sécuritaire dans un établissement
sécuritaire
La décision de placement dans un quartier de sécurité au sein d’un établissement de
catégorie A est motivée par le fait que le détenu présente un très haut risque de poursuite de
ses actions criminelles depuis la prison, qu’il a un comportement fortement révendicatif ou
agressif vis-à-vis du personnel ou des autres détenus et/ou présente un risque d’évasion
associé au péril qu’il représente pour la société une fois en liberté.
Lorsqu’une détention à part des autres détenus doit se prolonger, le détenu doit
également être placé dans un quartier de sécurité (art. 20a, loi relative au traitement
pénitentiaire).
B. La collecte de données relatives aux détenus
1. La procédure ordinaire
Lorsque les personnes placées en détention préventive n’ont pas d’antécédents pénaux,
une enquête est confiée au système de probation. Ses résultats seront pris en compte à la fois
par le tribunal lors du prononcé de la peine et par l’administration pénitentiaire lorsqu’elle
décidera quel est le traitement pénitentiaire applicable au détenu.
Lorsqu’une personne est condamnée à une peine d’emprisonnement, elle est conduite
dans un premier temps devant un psychiatre accrédité pour que soient évaluées sa tendance à
la violence et sa dangerosité pour autrui. Le personnel pénitentiaire enquête par la même
occasion sur les besoins éventuels du détenu de suivre une cure de désintoxication, un cursus
d'éducation ou de qualification professionnelle. Le service des prisons et de la probation
décide ensuite de l’établissement ou du quartier auquel le détenu doit être affecté.
2. Les « centres d’accueil national » des détenus
Depuis le 1er avril 1997, un accueil qualifié et coordonné de détenus hommes
condamnés à une peine supérieure à quatre années d’emprisonnement a pris place à la prison
de Kumla. Depuis le printemps 2005, il existe également un centre d’accueil national avec dix
15
places pour les femmes, à la prison d’Hinseberg. On y retrouve les condamnées à deux années
d’emprisonnement minimum, ainsi que celles dont le placement dans un établissement
nécessite des enquêtes spéciales. Le „Bureau principal“ du Service des prisons prend en
charge la mise en place et la gestion de ces centres d’accueil au niveau national.
Pendant le séjour du détenu dans un tel centre, deux „profils individuels“ doivent être
dressés : „le profil de risque“ concerne le niveau de dangerosité du détenu alors que le „profil
des besoins“ porte bien évidemment sur ses besoins. Les deux sont communiqués au détenu.
Le profil de risque doit comporter toutes les informations essentielles permettant de prendre
une décision quant au niveau de sécurité de l’établissement d’affectation, alors que le profil
des besoins permettra de choisir un établissement qui puisse offrir des programmes en
adéquation avec ses besoins. Il permettra également de définir le contenu exact de la période
d’exécution de la peine, de choisir un programme d’éducation et un programme social, de
décider quant aux éventuelles activités de loisir.
Ces profils sont dressés grâce à des entretiens avec le détenu, des tests de personnalité
et d’autres tests ; sont utilisées toutes les informations sur le condamné qui se trouvent dans le
jugement de condamnation et les pièces du dossier pénal, ainsi qu’auprès du Service des
prisons, de la police, du procureur, des services sociaux, etc. ; sont également utilisées toutes
les observations faites sur le détenu pendant son séjour au sein de l’accueil national.
C. La procédure d’affectation
1. L’autorité compétente
Le Service des prisons et de la probation est l’organe compétent en matière
d’exécution des peines. C’est à lui qu’incombe de prendre, aux termes de la loi relative au
traitement pénitenciaire (art. 68), les principales décisions régies par cette loi, y compris les
décisions d’affectation initiale et de transfert des détenus.
Plus particulièrement, le placement des personnes devant subir une détention
provisoire relève de la compétence des agents du „service de placement spécial“, alors que le
„service de placement“ est compétent pour les questions concernant les placements et les
transferts et également pour tout acte ou demande pendant l’exécution de la peine, tel que la
demande de suspension d’exécution de la peine ou d’arrêt d’une telle suspension. Le service
est placé sous la direction administrative de la région de Stockholm. Le travail doit être
effectué en coopération étroite avec avec le „Groupe de sécurité“, au sein de l’administration
pénitentiaire centrale.
La décision de placement dans un quartier de sécurité au sein d’un établissement de
catégorie A est prise par le directeur de l’établissement. Ce placement devra être reconsidéré
aussi souvent que nécessaire et, en tout état de cause, au moins une fois par mois.
16
2. Le recours contre la décision d’affectation
Aux termes de la loi relative au traitement pénitentiaire (chapitre 5), les décisions
relatives à l’exécution des peines, y compris les décisions d’affectation, sont immédiatement
exécutoires.
Lorsqu’il souhaite contester la décision le concernant, l’intéressé doit tout d’abord
présenter un recours administratif au bureau régional du Service des prisons, dans les trois
semaines qui suivent la notification de la décision. La demande doit faire mention de la
décision attaquée et de la modification souhaitée.
La décision prise par le bureau régional est susceptible de recours devant le tribunal
administratif du comté (länsträtt) dans la circonscription duquel se trouve l’établissement
pénitentiaire, l’établissement pour détention préventive ou le service de probation qui assure
la prise en charge du demandeur à l’instance.
D. Les données statistiques : nombre de détenus placés en
établissement sécuritaire et nombre d’évasions
Pour l’année 2006, la distribution des détenus selon les différentes catégories
pénitentiaires de sécurité était la suivante :
Catégorie de
sécurité
A
B
C
D
E
F
Total
Nombre de
détenus
436
372
462
437
1785
1261
4753
%
9.25 %
7.8 %
9.7 %
9.25 %
37.5 %
26.5 %
100 %
Les détenus qui se sont échappés directement d’un établissement pénitentiaire fermé
sont peu nombreux : 137 en 2006. La même année, 123 d’entre eux se sont échapés d’un
établissement ouvert, deux ont pris la fuite pendant un transfert et 390 (soit seulement 0.8%
des détenus) n’ont plus intégré leur établissement après une permission de sortie (soit
seulement 0.8% des détenus ayant bénéficié de sorties)8.
8
Service des prisons et de la probation, 2008.
17
III.
LES
PRINCIPES
SPECIFIQUEMENT
APPLICABLES AUX DETENUS DANGEREUX SOUFFRANT
DE TROUBLES PSYCHIATRIQUES
A. La possibilité de détenir des personnes souffrant de troubles
mentaux
Le Code pénal suédois actuellement en vigueur, à la différence de la précédente
réglementation, ne distingue pas entre les personnes responsables et non responsables
pénalement. En principe, tout délinquant peut être puni pénalement et emprisonné ; tout
individu est pénalement responsable pour ses actes, quelque soit son état mental ou
émotionnel. Le Code pénal suédois est soustendu par la philosophie positive de la peine qui
met en avant la fonction préventive du système des peines et selon laquelle la peine n’est pas
la rétribution des faits commis mais l’expression des besoins de traitement de l’auteur des
faits. Ce principe a contribué en Suède au développement d’un traitement pénitentiaire
capable d’améliorer les chances d’intégration des délinquants dans la société.
Si, en principe, les personnes souffrant d’un trouble mental et celles qui n’en souffrent
pas peuvent être condamnées aux mêmes peines, des exceptions existent néanmoins. Celui qui
commet une infraction sous l’emprise d’un trouble mental sérieux peut bénéficier de la
« prohibition de détention ». Le tribunal peut imposer, à son égard, un « traitement
psychiatrique légal » qui constitue, dans le système suédois, une peine pénale. En pratique, les
personnes ayant commis des infractions sérieuses sous l’empire d’un trouble mental grave ne
sont, le plus souvent, pas condamnées à une peine d’emprisonnement, dans la mesure où cette
dernière n’est pas considérée comme une peine « appropriée », correspondant aux « besoins
de traitement de l’auteur des faits ».
Le « Comité pour la responsabilité psychiatrique » (Psykansvarskommittén) (SOU
2002:3) suggère la réintroduction d’une « exigence de santé mentale » dans le système
suédois. Le comité a considéré comme déraisonnable le fait de condamner pénalement des
personnes souffrant de troubles mentaux et par conséquent, irresponsables. Plus encore, est
également considéré comme insatisfaisant le fait que, bien de fois, le tribunal ne peut trouver
une peine « adéquate » pour de nombreux délinquants souffrant de troubles mentaux. Le
Comité s’est également proposé de réfléchir particulièrement à la situation des délinquants qui
agissent sous l’emprise d’un court moment de psychose due à la consommation de certains
produits et à la situation intolérable des longues périodes de détention sous le régime du
« traitement psychiatrique légal » dispensé par l’Institut de psychiatrie légale. Le Comité
préconise que :
- la plupart des personnes souffrant de troubles mentaux devraient être condamnées
aux peines ordinaires, à l’exception de la détention qui devrait être abolie pour ces personnes,
18
tout comme le traitement psychiatrique légal ; les peines prononcées devraient l’être pour une
durée déterminée (et non indéfiniment, comme c’est le cas actuellement pour la peine de
traitement psychiatrique légal) ; les besoins de traitement médical du délinquant seront
satisfaits durant l’exécution de la peine (ordinaire) prononcée ;
- exceptionnellement, un certain nombre de délinquants pourraient être jugés comme
irresponsables pénalement pour leurs actes. Aucune peine ne pourrait être prononcée à leur
encontre, des mesures de protection pourraient être prises.
B. Le placement dans une institution de psychiatrie légale
Pour condamner une personne aux soins psychiatriques légaux, le tribunal doit faire
des investigations concernant les besoins de l’auteur de l’infraction et les mesures de sécurité
nécessaires pour éviter la récidive. La situation personnelle du délinquant (logement,
profession, risque d’abus de drogues, etc.) doit être prise en compte9.
La peine de soins psychiatriques légaux n’est pas limitée dans le temps. Des critiques
ont été formulées concernant ce point. Un rapport du Conseil National de soins de la santé et
du bien-être a indiqué que les personnes qui ont été jugées pour des infractions sans violence
ont été ainsi placées durant une période de temps plus longue que les délinquants jugés pour
meurtre ou violences graves. Le rapport retient l’exemple d’une personne ayant subi des soins
psychiatriques durant 25 ans suite à un simple vol10. Le rapport critique également les
situations où la libération a été décidée après une très courte période de temps, selon l’avis
médical, ce qui rendait la peine finalement executée totalement inappropriée à la gravité de
l’infraction commise, ce qui est contraire aux dispositions du Code pénal suédois (art. 31)11.
La condamnation aux soins psychiatriques légaux doit être précédée d’une
investigation de l’état mental du détenu, dite investigation psychiatrique légale
(Rättspsykiatrisk undersökning - RPU). Le tribunal n’est pas lié par ses résultats12, mais en
pratique il s’y conforme dans 95% des cas13.
Le traitement psychiatrique légal est régi par la loi relative aux soins psychiatriques
imposés (Lag om psykiatrisk tvångsvård 1991:1128)14. Ces soins sont accordés dans une
institution de psychiatrie légale, aux détenus qui y sont placés en raison de leur état mental,
lorsqu’un tel placement est considéré comme pouvant contribuer à l’amélioration de leur état.
S’il s’agit d’une personne qui ne peut pas exprimer son consentement, c’est le médecin en
chef de l’institution qui décide l’internement. Sa décision doit être appuyée par un deuxième
9
Prop. 1990/91:58, s. 533
Socialstyrelsen (2002:1)
11
Prop. 1990/91:58
12
Jareborg, N. och Zila, J., (2001), s. 137
13
Lidberg, L. och Wiklund, N. (red.), (2004), s.169.
14
SOU 2002:3, samt SOU 1994:5. Normaliseringsprincipen behandlas även i SOU 1993:76
10
19
avis médical et approuvée par le gouvernement15. Le traitement dure « autant de temps que
nécessaire ». L’arrêt du traitement doit être considéré régulièrement ; il est décidé par le
même médecin en chef et s’arrête, de toutes les façon en principe au moment de la libération
du pacient, sauf motifs sérieux en faveur de sa continuation.
C. La détention dans un établissement pénitentiaire
1. Le placement ordinaire
Une étude a été menée en 2001/2002 sur un nombre de 222 détenus hommes placés
dans les divisions de sécurité des établissements pénitentiaires de haute sécurité (sur un total
de 3700 détenus hommes qui se trouvaient alors dans le système pénitentiaire suédois). La
moitié d’entre eux étaient d’origine suédoise, de parents suédois ; 69% d’entre eux avaient
des problèmes réels d’abus d’alcool et de drogues ; beaucoup souffraient de troubles de
personnalité, de retard mental, de déficiences physiques et psychiques dues à l’abus de
drogues. 36% d’entre eux n’avaient pas subi d’examen psychiatrique, mais parmi ceux qui
avaient été examinés, 82% étaient atteints de troubles mentaux et 13% d’entre eux avaient été
transférés pour recevoir des soins psychiatriques pendant la durée d’exécution de leur peine.
La plupart d’entre eux ont été à un moment donné placés à part des autres détenus, à la
demande de ces derniers16.
Conformément au principe dit de normalité (normalitetsprincipen), les détenus ont les
mêmes droits aux soins médicaux et à l’aide sociale que les autres citoyens. Ce principe
couvre bien entendu les soins médicaux psychiatriques aux détenus, quel que soit le type
d’établissement dans lequel ils sont placés (ouvert ou fermé). Ce type de soins est offert par
les services médicaux des établissements pénitentiaires avec la possibilité de recours au
système médical extra-pénitentiaire. Il s’agit toutefois de moyens assez limités, qui le sont
encore plus du fait que les soins psychiatriques ne peuvent être accordés que sur la base de la
participation volontaire du patient.
2. Le placement dans des quartiers spécifiques
Avant 1992, les délinquants souffrant de troubles de la personnalité étaient le plus
souvent condamnés à un traitement psychiatrique légal ; aujourd’hui ils sont condamnés à
l’emprisonnement et doivent être soignés dans le système pénitenciaire. Par conséquent, le
nombre de détenus présentant des troubles de la personnalité a fortement augmenté dans les
années 1990, ce qui est à l’origine de nombreux problèmes auxquels est confronté le système
pénitentiaire. La pratique de l’administration pénitentiaire qui consistait à placer séparément
les détenus ayant des troubles spychiatriques des autres détenus a vite été mise en échec.
15
16
5 § Lag (1991:1129) om rättspsykiatrisk vård.
Thomas Ekbom, s. 267f
20
Afin de résoudre ce problème, le Comité pour le traitement des détenus a décidé de
créer des unités spéciales nommées « unités de support » destinées au placement des détenus
souffrant de troubles psychiatriques et ayant un comportement agressif. Ces unités sont
séparées des autres quartiers at sont gérées par un personnel spécialement qualifié. L’objectif
assigné à ces unités est d’une part d’assurer une meilleure prise en charge de ces détenus et,
d’autres part, d’éviter la tension que leur présence, auprès des autres détenus, générerait dans
l’établissement. Sont placés dans ces unités les détenus qui se trouvent dans l’une des
situations ci-dessous :
-
leur comportement est extravertit et agressif ;
-
ils ont une tendance aux actions destructives en général17.
Dans ces hypothèses, le détenu est placé dans une unité de support ; à défaut, et si le
détenu est moins violent et présente un risque d’évasion moins important, il est placé dans des
quartiers spéciaux de sécurité.
D. Les données statistiques concernant les personnes souffrant de
troubles mentaux
Au milieu des années 1970, 2 sur 3 personnes accusées de meurtre étaient condamnées
au traitement psychiatrique légal. Ce type de peine est beaucoup moins employé aujourd’hui ;
ce n’est pas en raison du fait que les délinquants auraient une meilleure santé mentale, mais
plutôt en raison du fait que les besoins de traitement de ces délinquants sont plus difficiles à
combler. Et cette évolution ne concerne pas que les meurtriers. L’état de santé psychique des
personnes exécutant une peine s’est empiré. Le nombre de jours-soins offert aux détenus
souffrant de troubles psychiatriques a triplé depuis 1990, passant de 3000 à 10 000
actuellement. Le personnel pénitentiaire témoigne du fait que les situations de vie des
délinquants sont devenues plus complexes, et que ces derniers sont devenus plus difficiles à
contrôler. Roger Karlsson, qui a été le dernier psychiatre à exércer à temps plein dans le
système pénitentiaire suédois, a mené une enquête dans le département Västra Götaland dont
le résultat est extrêmement inquiétant. Il s’est interessé à la santé psychique de 430 détenus,
dont quelques uns seulemement étaient en bonne santé, alors que beaucoup souffraient de
plusieurs problèmes en même temps. La même conclusion peut être retrouvée dans le Rapport
du « Comité pour la responsabilité psychiatrique » de cette année : « il existe un nombre
énorme de condamnés souffrant de troubles mentaux en Suède. Certains d’entre eux étaient
malades avant d’entrer en prison, d’autres le sont devenus pendant l’exécution de leur peine ».
17
Thomas Ekbom, s. 197f.
21
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION............................................................................................................................................... 5
L’administration pénitentiaire : le Service des prisons et de la probation.................................................... 7
Les différentes catégories d’établissements pénitentiaires............................................................................ 7
I. LES ETABLISSEMENTS SECURITAIRES............................................................................................... 10
A. LES ÉTABLISSEMENTS FERMÉS DE HAUTE SÉCURITÉ ..................................................................................... 10
B. LES QUARTIERS SPÉCIAUX DE SÉCURITÉ ....................................................................................................... 11
C. LES MESURES DE SÉCURITÉ ........................................................................................................................... 11
II. LES CRITÈRES ET LA PROCÉDURE D’AFFECTATION DES DÉTENUS ..................................... 13
A. LES CRITÈRES D’AFFECTATION ..................................................................................................................... 13
1. Les critères généraux d’affectation ......................................................................................................... 13
2. L’affectation à un établissement sécuritaire............................................................................................ 14
3. L’isolement .............................................................................................................................................. 14
4. L’affectation à un quartier sécuritaire dans un établissement sécuritaire .............................................. 15
B. LA COLLECTE DE DONNÉES RELATIVES AUX DÉTENUS .................................................................................. 15
1. La procédure ordinaire ........................................................................................................................... 15
2. Les « centres d’accueil national » des détenus........................................................................................ 15
C. LA PROCÉDURE D’AFFECTATION ................................................................................................................... 16
1. L’autorité compétente.............................................................................................................................. 16
2. Le recours contre la décision d’affectation ............................................................................................. 17
D. LES DONNÉES STATISTIQUES : NOMBRE DE DÉTENUS PLACÉS EN ÉTABLISSEMENT SÉCURITAIRE ET NOMBRE
D’ÉVASIONS ...................................................................................................................................................... 17
III. LES PRINCIPES SPÉCIFIQUEMENT APPLICABLES AUX DÉTENUS DANGEREUX
SOUFFRANT DE TROUBLES PSYCHIATRIQUES .................................................................................. 18
A. LA POSSIBILITÉ DE DÉTENIR DES PERSONNES SOUFFRANT DE TROUBLES MENTAUX ..................................... 18
B. LE PLACEMENT DANS UNE INSTITUTION DE PSYCHIATRIE LÉGALE ................................................................ 19
C. LA DÉTENTION DANS UN ÉTABLISSEMENT PÉNITENTIAIRE ............................................................................ 20
1. Le placement ordinaire............................................................................................................................ 20
2. Le placement dans des quartiers spécifiques........................................................................................... 20
D. LES DONNÉES STATISTIQUES CONCERNANT LES PERSONNES SOUFFRANT DE TROUBLES MENTAUX .............. 21
22