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PI France < www.pifrance.com > Titre : Date : Article : http://www.pifrance.com/imprimer.php?news=1622 Biorif 2005 et la PI : brevetez, brevetez, brevetez ! 21 Novembre 2005 Les 4èmes rencontres d’affaires des Sciences du vivant & des Biotechnologies se sont déroulées le 18 octobre 2005. Parmi les séances plénières et tables rondes, nous avons retenu celle qui a traité la question de la propriété industrielle appliquée aux biotechnologies. Elle a mis en évidence la nécessité du brevet et les enjeux fondamentaux de la liberté d'exploitation. Elle a permis d'évoquer aussi pratiquement la situation de la propriété industrielle dans une PME qui a fait le choix de ne pas protéger l'intégralité de son savoir-faire. La table ronde est animée par Bernard Daugeras , fondateur d'Auriga partners, société de gestion de fonds de capital risque spécialisés dans l'investissement en fonds propres dans des entreprises en création. Pierre Breese est un conseil en propriété industrielle particulièrement dynamique. Il développe notamment une expertise en matière de knowledge management. Aymeric Dugray est directeur d'une jeune entreprise propriétaire d'une technologie d'inactivation de protéines in vivo. Il met en œuvre au quotidien la stratégie de PI de son entreprise. Xavier Lataste est responsable de la recherche et de l'évaluation du département CNS (Central Nervous System) de Novartis. Préambule : brevetez, brevetez, brevetez ! Bernard Daugeras - dans le cadre de mon métier, la propriété industrielle est un des éléments essentiels du processus décisionnel, qu'il s'agisse de financement ou de partenariat. Sur ce point Xavier Lataste nous dira que les industriels qui participent au financement n'ont pas forcément le point de vue des start-ups. Brevetez, brevetez, c'est essentiel : en tant que capital-risqueur il m'est arrivé à plusieurs reprises d'être confronté à des projets que n'ont pu être financés parce qu'une publication scientifique était intervenue avant la protection de l'innovation. En France, il arrive souvent que la propriété industrielle se volatilise ou soit fortement affaiblie avant d'être valorisée sous forme de projet ou d'entreprise. D'un autre côté, comme on va le voir avec Aymeric Dugray il n'y a pas que l'acte de propriété industrielle qui compte : il y a aussi la protection du savoir faire. L'approche quantitative, c'est-à-dire la constitution de portefeuille de titres n'exclue pas l'approche qualitative. Il faut que le brevet ait de la valeur. Pierre Breese - Je pense que l'on assiste vraiment à une évolution depuis deux ou trois ans, du point de vue des investisseurs ou des entreprises. Depuis quelques années, la présence de brevets dans un projet innovant est déterminante pour pouvoir intéresser des investisseurs ou des partenaires industriels. Depuis peu, on commence à attacher une importance à l'aspect qualitatif et plus seulement quantitatif. C'est relativement nouveau et cela implique une méthodologie et des outils nouveaux pour pouvoir déterminer précisément la qualité de la propriété industrielle dans un projet. On passe d'une logique de protection de l'invention, réductrice, perçue comme une valeur négative - on pense à Harpagon et à sa cassette - à une autre logique qui consiste à valoriser, donner de la valeur : un brevet qui ne s'inscrirait pas aujourd'hui dans cette logique serait une source de dépense purement stérile à laquelle il conviendrait de renoncer. La démarche qualitative structure aujourd'hui les alliances et les partenariats. Dans ce cadre, les brevets doivent être solides, c'est-à-dire contribuer effectivement à la création de valeur. Il m'arrive régulièrement dans le cadre de due diligence, d'être contacté par des investisseurs enthousiastes. Cependant, Biorif est une convention d'affaires annuelle lorsque l'on compare le business plan dédiée aux biotechnologies organisée à l'initiative avec le portefeuille de brevets, on voit 1 sur 5 4/01/06 22:10 PI France < www.pifrance.com > http://www.pifrance.com/imprimer.php?news=1622 qu'ils n'ont pas grand-chose en commun : les brevets protègent des choses qui ne seront pas source de revenus pour l'entreprise. Les brevets peuvent avoir des faiblesses en terme de portée, de validité, de dépendance par rapport à des brevets plus anciens ou de titularité. Réaliser une d'évaluer les industrielle. de la Région Ile-de-France par une équipe de talents. En 2005, les conférences ont notamment traité de la mise en place des pôles de compétitivité et de nombreux thèmes d'actualité. La convention est le principal lieu de rencontre francilien entre l'industrie, la recherche et les institutionnels qui fonctionne comme un facilitateur d'affaires. La manifestation comprend des conférences, des due diligence permet ateliers et des rendez-vous en tête-à-tête. Elle a actifs de propriété rassemblé cette année 468 participants (plus de 180 rendez-vous en tête-à-tête). Un audit rigoureux et objectif permet d'identifier les faiblesses du projet avant de le présenter à des partenaires. C'est aussi un moyen de faire accepter ses faiblesses par les investisseurs sans risquer de les voir apparaître sous forme de clauses de garantie de passif. Bernard Daugeras - J'aimerais que Pierre Breese nous dise quelques mots sur la liberté d'exploitation : en quoi peut-elle perturber une entreprise y compris lorsqu'elle est titulaire de "brevets forts" ? Pierre Breese - Lorsque je rencontre une entreprise, j'ai parfois l'impression qu'elle me prend pour Panoramix. Elle pense qu'en déposant un brevet, elle va être invulnérable par rapport à tous ses concurrents et immunisée par rapport à tout détenteur de droits de propriétés intellectuelles : malheureusement, le brevet n'est pas une potion magique. La vérification de la liberté d'exploitation constitue la priorité en matière de propriété industrielle. C'est la première dépense à engager. Une fois que vous avez compris que la propriété industrielle permet de transformer des avantages technologiques en avantage compétitifs, il faut bien comprendre que vos concurrents tiennent le même raisonnement. La première chose à faire consiste à déterminer les droits de propriété intellectuelle qui appartiennent à des tiers, tout particulièrement vos concurrents. Il faut les analyser pour établir leur validité, leur portée, voir s'ils constituent un obstacle au projet. Cette étape doit être faite avant le dépôt de brevet pour identifier les obstacles et éventuellement envisager des tactiques de contournements - parce que les brevets des concurrents sont souvent des formidables stimulants de l'innovation. J'ai plusieurs exemples concrets de sociétés qui sont devenues des leaders mondiaux dans leur secteur en étant dans un premier temps confrontées à un brevet majeur qui les gênait. Par exemple dans le domaine des machines à vendanger une société a trouvé un moyen de contournement qui lui a permis d'avoir une avance définitive dans son domaine. De même dans le domaine des produits antivols pour les CD et DVD. L'identification des antériorités peut aussi conduire à nouer des alliances et des partenariats. On peut aussi dans certains cas négliger le brevet parce que l'on a suffisamment clarifié la situation pour être en mesure de contester le brevet, éventuellement de façon offensive. Bernard Daugeras - Quel est le point de vue des entreprises ? Xavier Lataste - Lorsque l'on m'a proposé de participer à cette table ronde, j'ai regardé l'activité de mon entreprise sur les trois dernières années. Dans combien de cas, les questions de PI étaient-elles mis en avant pour ne pas conclure un accord avec une entreprise ? Chez nous, la PI est le levier d'une décision négative pour deux à trois cas sur dix. En fait, le brevet déposé a peu de valeur au regard de l'industriel que je représente. Nous sommes souvent confrontés à deux hypothèses : soit la protection est insuffisante, soit elle est trop tardive et imprécise, ce qui implique la mise en place de techniques contraignantes ou lourdes. Un certain nombre d'entreprises retardent le moment où elles se positionnent sur la propriété 2 sur 5 4/01/06 22:10 PI France < www.pifrance.com > http://www.pifrance.com/imprimer.php?news=1622 industrielle, notamment dans le domaine du médicament. Il s'agit pour elle de prendre en compte les durées de développement relativement longues. Sur la valorisation de la PI dans l'univers du marché dans le domaine du médicament: de plus en plus, des brevets valables et incontournables ont une valeur sur la marché infime ou inexistante. Je vous donne deux exemples. On a évoqué il y a plusieurs années la possibilité d'utiliser dans le domaine des maladies neurodégénératives dont l'Alzheimer des anti-inflammatoires non stéroïdiens. Les acteurs du secteur se sont rués sur les brevets de deux façons. Soit ils ont isolé des énantiomères actifs lorsque l'on avait des racémiques sur le marché. Soit ils ont ajouté des molécules de type oxyde nitrique pour lui faire passer la barrière hémato-céphalique. Mais le jour où le premier industriel démontrera que ce type d'approche à une valeur thérapeutique sur le plan clinique, la valeur de son invention sera complètement contournée par le fait que l'on pourra utiliser les Nicolas Château, Président de génériques de ces anti-inflammatoires. Imagine-eyes et Marc Lipinski Le porteur de projet doit tout de suite penser à la vice-président du Conseil Régional d'Île valorisation qui interviendra au terme du processus de France chargé de l’Enseignement développement. supérieur, de la Recherche, de l’Innovation Scientifique et Technique Il doit imaginer qu'il va réussir à aller au terme du processus de valorisation avec certainement un partenariat au milieu. C'est ce que regarde l'industriel : quel peut être le résultat ? L'industriel va regarder le brevet en fonction des possibles contournements du produit au stade de la prescription. Il va aussi être très attentif à un problème très spécifique au domaine du médicament. L'aspect réglementaire en matière d'enregistrement. On a une chance dans le domaine du médicament parce que les autorités reconnaissant la longueur excessive du développement clinique des nouvelles molécules ont mis en place des périodes de protection dite "d'exclusivité" permettant de pouvoir protéger l'industriel au-delà de la protection liée au brevet, à partir du moment où il va avoir l'autorisation de mise sur le marché. L'Europe par exemple, a mis en place dix ans de protection indépendante de la durée du brevet - à condition d'apporter une innovation thérapeutique. Il en est de même au Etats-Unis où la règle est plus flexible puisque cette protection va de trois à 5 ans. Tout dépend de la durée de développement du médicament. Il faut donc envisager le brevet comme un moyen de valorisation par rapport aux concurrents extérieurs, mais voir aussi que lorsque l'on arrive sur le marché, il y a énormément de concurrents et notamment les génériques : la protection m'assure-t-elle la prescription ? Le deuxième aspect consiste à considérer la valeur du marché ouvert. Sur ce point, on peut distinguer deux principaux cas de figure : soit nous sommes en présence d'une nouvelle entité moléculaire, soit d'une indication thérapeutique. Dans le cadre d'une nouvelle indication, qu'en sera-t-il de la prescription ? C'est un domaine qui s'ouvre de plus en plus sous l'impulsion d'entreprises opérant en biotechnologie qui essaient de découvrir de nouvelles indications ou mettre à jour d'anciennes indications pour des molécules actuellement sur le marché. Dans ce cadre, il faut regarder la valorisation au terme du processus et voir comment va se positionner la nouvelle entité, la nouvelle plate-forme, la nouvelle technologie, le nouveau médicament au moment où 3 sur 5 4/01/06 22:10 PI France < www.pifrance.com > http://www.pifrance.com/imprimer.php?news=1622 il sera réellement à son stade final. Bernard Daugeras - Un brevet, c'est donc fragile ? Xavier Lataste - Je vais vous donner un exemple : un certain nombre d'entreprises en biotechnologies ont établi leur business plan sur l'identification d'énantiomères actifs ou de séparation énantiomèriques de produits déjà présents sur le marché. Ils ont protégé un énantiomère particulièrement actif ou le seul énantiomère actif. Sur le plan réglementaire, l'Union européenne a mis en place un système dans lequel le brevet sur l'énantiomère peut exister mais s'il n'apporte aucun bénéfice thérapeutique (efficacité, sécurité d'emploi…) par rapport à la molécule d'origine, il n'a aucune chance d'être remboursé - même après une AMM. Sans remboursement, pas de prescription. Initialement, la barrière a été conçue pour éviter des prolongations artificielles de la propriété industrielle générée notamment par les grands groupes pharmaceutiques. Ils protégeaient les racémates puis les énantiomères : cela aboutissait à une protection de 35 à 40 ans. En matière d'enregistrement au niveau européen, il faut que l'avantage soit clinique. On peut avoir un avantage toxicologique, cinétique, de biodisponibilité mais cela n'est pas suffisant pour aboutir à un enregistrement. Bernard Daugeras - Dans la protection de la richesse d'une société, le brevet n'est pas tout. Il y a aussi le savoir-faire. Aymeric Dugray - Je dirige une entreprise qui existe depuis maintenant deux ans. Nokad est propriétaire d'une technologie d'inactivation de protéines in vivo. Nous proposons à façon des animaux modèle KO fonctionnel. Nous cassons la protéine mais non le gène. En quelques sortes, nous vaccinons des animaux contre une protéine afin d'avoir un modèle KO fonctionnel pour déterminer les fonctions d'une protéine, soit chez un individu sain, soit chez un modèle pathologique. Le KO fonctionnelle est la première étape afin de valider une stratégie de vaccination à but curatif. L'entreprise dispose de différents brevets sur la technologie mais sa valeur dépend aussi d'un savoir faire. Il y a eu de longs débats en interne mais aussi avec des investisseurs pour savoir dans quelle mesure il fallait breveter. Il y a eu une sorte de bras de fer avec les investisseurs pour déterminer ce qui devait être valorisé sous forme de brevets et les risques liés à la non protection du savoir faire. Sur certains points, nous n'avons pas souhaité déposer de brevets. L'avantage consiste pour nous à maîtriser en interne une partie du process qui n'est jamais divulgué à qui que ce soit. Ce savoir faire est matérialisé par des outils internes et détenu des personnes physiques. Le risque pour l'entreprise est que ces personnes quittent l'entreprise et/ou que le savoir faire ne soit pas transmis ou divulgué inopportunément. Le savoir faire détenu par les personnes à l'origine de l'entreprise et de la technologie est un gage de sécurité relativement important. Reste la part de savoir faire acquise par les collaborateurs dont le lien avec l'entreprise est moins fort. Sur ce point, nous avons mis en place des conditions d'utilisation assez strictes des outils et des règles exigeantes à l'égard de nos personnels. Bernard Daugeras - La rémunération de vos personnels est-elle un facteur de sécurité ? Aymeric Dugray - Les modalités de rémunération constituent un outil, dont le premier niveau est constitué par la convention collective de l'industrie pharmaceutique. Les cadres précis ont été détaillés et complétés afin de nous border le plus possible dans le cadre de départ. Chaque invention est par ailleurs rémunérée. Il y a des clauses de rémunération pour les inventions élaborées dans le cadre de l'entreprise. Bernard Daugeras - Est-ce qu'il peut y avoir une participation de tiers aux résultats d'une découverte issue de la mise en œuvre de votre plate-forme ? Aymeric Dugray - Pour ce qui nous concerne, nous avons envisagé deux cas de figures. Soit il y a des découvertes ou un savoir faire qui découle directement de la collaboration et dans ce cas il y a un partage des fruits de la découverte. Soit cela se situe en dehors de la collaboration et dans ce cas cela fait l'objet de négociations. Pierre Breese - La question de la propriété des résultats est un cas difficile à régler : le partenaire qui finance une partie des travaux entend en avoir la pleine possession et l'entreprise qui détient le savoir faire entend garder la possibilité d'en faire un modèle de revenus récurrents. J'ai été impliqué dans le cas intéressant d'une entreprise qui avait développé un savoir-faire important en 4 sur 5 4/01/06 22:10 PI France < www.pifrance.com > http://www.pifrance.com/imprimer.php?news=1622 matière d'analyse de couches minces pour des applications biologiques. L'entreprise s'est rendue compte qu'il y avait un risque que ses partenaires trouvent de nouvelles applications, déposent des brevets et bloquent des voies complètes d'applications. Cette société a fait le choix peu banal de divulguer volontairement toutes les idées d'application pour lesquelles elle a choisi de ne pas se doter d'un droit de propriété industrielle. Elle se réserve les applications majeures qui lui semblent prioritaires. Cela comprend notamment l'avantage de pouvoir communiquer sur le thème du partage des connaissances… Conférence plénière dans l'amphithéâtre du Conseil Régional Le danger est de voir constituer autour d'une technologie propriétaire une gangue de brevets secondaires détenus par des tiers qui à terme vont bloquer toute perspective d'évolution. 5 sur 5 4/01/06 22:10