Le Soir (14 janvier 2014)
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Le Soir (14 janvier 2014)
Le Soir Mardi 14 janvier 2014 LACULTURE 33 Une petite faune de turbulences SCÈNE La compagnie marseillaise La Zouze sème la tempête à Schaerbeek La bande du chorégraphe français Christophe Haleb prépare une performance inclassable. Vendredi et samedi, même le public des Halles sera déguisé. MODE D’EMPLOI Un labyrinthe, un dress code Les Halles de Schaerbeek, c’est 800 m2 au sol, 1.200 avec la mezzanine (qui sera ouverte aux spectateurs). Il y a quelques mois, Christophe Galent, maître des lieux, a décidé d’ouvrir ses portes à l’extravagante Zouze. Depuis une dizaine de jours, il a mis son équipe à disposition de la compagnie, les uns accrochant d’interminables rideaux de papier noir au plafond – le fameux labyrinthe du Minotaure –, les autres s’activant aux lumières et au son, la musique étant omniprésente dans Hnonym Fever, qui s’achève d’ailleurs en boum géante. Le directeur artistique Christophe Haleb voulait demander au public de s’habiller sur le thème « Empire Yourself ». La direction des Halles a simplifié le concept (voir ci-dessous) mais maintenu un dress code pour accéder à la fête à prix réduit. Un geste fashion de la part de celles qui abritent chaque année le spectaculaire défilé de La Cambre. U ne main par terre, une autre sur la chaise, elle monte en grand écart latéral. Hop, comme ça. Elle redescend, passe à autre chose, sans un regard pour les garçons en caleçons qui gloussent et se tortillent sur le sol, noyés dans un énorme boa fait de bouts de plastique blanc. C’est Christophe Haleb, le directeur artistique, qui a demandé aux étudiants de l’Ecole Supérieure des Arts du Cirque (ESAC) de se désaper. « Maintenant, vous enlevez vos slips ! A poil ! » Trop sages, trop figés. C’est un malade du mouvement, lui. Un incurable de la déjante, des bouleversements, des retournements de situation. Et vendredi, les petits gars, ils devront être prêts à tout. Tout ? Mais tout quoi ? Hnonym Fever, en théorie, c’est « une résidence in situ, des ateliers chorégraphiques et plastiques. » En pratique, nous confient les Halles de Schaerbeek, c’est « une zone d’orgie poétique, incitation à la dérive de groupe, terrain de jeu, bal (dé)masqué et tableau vivant. » En clair, c’est une grosse, grosse fiesta. Il y a quelques semaines, La Zouze, la compagnie marseillaise de Christophe Haleb, envahissait la Maison de la culture de Tournai. Ce qu’on y a vu ne se reproduira pas exactement aux Halles (lire ci-dessous) mais l’esprit est le même. Vous risquez, oui, d’y croiser des filles en corset, des dingues shootés à la poudre de riz, des gens qui hurlent, d’autres qui récitent des litanies hypnotiques en vous lançant des regards décadents : « Dans mon monde, il y a la grâce et la crasse », « Elle va mettre dans un mortier interstellaire toutes les briques de ses parents », « Que ceux qui pensent que l’argent provoque l’attraction sexuelle se rapprochent de moi. » Attendezvous à être bousculé, séduit, at- J.H. Les élèves de l’Ecole supérieure des arts du cirque en plein... essayage. © KAGHAT HATIM. trapé, effrayé, emporté dans une espèce de quadrille barré, un bal burlesque entre le carnaval de Venise et Eyes wide shut. Voilà, n’espérez pas rester assis. Côté coulisses, c’est trois heures de performance où il faut aller chercher le public en permanence. Pire qu’un GO du Club Med. Les comédiens arriveront fin de semaine. En attendant, auprès des acrobates de l’ESAC, une quinzaine d’élèves Les étudiants de La Cambre, section mode, se sont installés ici avec leurs machines à coudre de La Cambre, section mode, se sont installés aux Halles avec leurs machines à coudre depuis plus d’une semaine. Il leur reste trois jours… Célien, 22 ans, 3e année de stylisme, ne sait toujours pas à quoi ressemblera le spectacle. « On s’est posé pas mal de questions au début et puis maintenant, on fait les choses sans préjugés, on attend que les choses se précisent. On bosse sur les surfaces, on joue avec les matières, on a créé des plissés, des tissés, des objets de papier qui feront partie du décor. Enfin, je crois ! » Il s’interrompt pour ajuster au torse d’un garçon athlétique une robe de calicot, ce coton pas teint dans lequel on coud les prototypes. A côté d’eux, Liisa la Finlandaise et Thomas le Britannique, tous deux en 2e à l’ESAC, sont dans le même flou artistique. « Ce que ça donnera ? Aucune idée ! Mais ça change du cirque. Jusqu’ici, on a fait beaucoup de danse contact, cette forme de danse où on joue beaucoup avec l’autre, son corps, son poids. On fera un peu de fil dur aussi, mais au sol. On va jongler… » « Il faut venir avec sa curiosité, sourit Christophe Haleb. L’envie d’inventer sa nuit. L’envie d’inventer sa vie. » Lapin Duracell, il court soulever un jupon, demander qu’on arrache un col, qu’on coupe des manches. Son enthousiasme, c’est la coke de la bande. A Tournai, vers les deux heures trente du matin, un beau barbu aux yeux pailletés, un rien hautain, hurlait au type des perruques : « J’ai besoin du casque, du bonnet de bain ! Oh oui, c’est fatigant, il faut tout faire, vu que c’est à la fois une performance, un concert, un spectacle, une soirée dansante ! » Il s’éloigne en marchant sur les pointes, pieds écartés. « Allez, on y va ! » Et glisse son micro dans sa culotte. ■ Les vendredi 17 et samedi 18 janvier à 20 h 30, 22 rue Royale Ste-Marie, 1030 Schaerbeek. Entrée : 25 € si vous ne faites aucun effort vestimentaire, 10 € si vous appliquez le dress code (noir et blanc ou total look argent) ou si vous avez moins de 26 ans. Infos et réservations : 02/218.21.07 ou www.halles.be/ JULIE HUON horégraphe, directeur artistique, danseur, pédagogue, C le parisien Christophe Haleb fonde La Zouze à Marseille en 1993. Fan de danse contact, il en fait son moteur de recherche pour son approche du mouvement dansé, l’improvisation et la composition. Son dernier spectacle, Evelyne House of Shame a tourné dans le monde entier, de l’Europe à l’Amérique du Sud, de Cannes au Panama. Et maintenant, Bruxelles. Personne ne sait exactement ce qui va se passer aux Halles vendredi et samedi soir… Tant mieux ! C’est le but : déplacer l’horizon des attentes. Ça ressemblera à « Evelyne House of Shame », que vous avez monté à Tournai fin 2013 ? Pas vraiment puisqu’on travaille toujours à partir de l’espace où l’on se trouve. Là-bas, c’était un théâtre rond, une architecture dans son jus, un univers très années 70. Ici, cette grande salle 1900, ces anciennes halles – même si on ne travaille pas avec l’histoire Vous êtes calé en géopolitique, on dirait. Ça vous passionne, l’Europe ? Disons qu’il y a là quelque chose qui se fait attendre. Et que faire en attendant ? Comment habiter « en commun » ? Travailler sur la fête, pour moi, c’est travailler sur l’« en commun ». Je trouve ça bien plus enrichissant que travailler sur l’espace privé ou public. Le chorégraphe Christophe Haleb. © KAGHAT HATIM. du lieu mais son volume – sont un espace de relations européennes alors j’ai imaginé, m’inspirant de la mythologie, une princesse phénicienne enlevée par un taureau. Evelyne, ici, c’est Europe. Ce rapt, et en même temps cette union, c’est le mariage de l’Asie occidentale, la Turquie, l’Egypte, avec la mer Egée, soit l’Europe. Je me raconte l’histoire de ce taureau, d’où le labyrinthe. On a compartimenté la salle, créé des circulations, des chemins, un dédale. Le dispositif peut monter, ouvrir des points de vue. Être basé à Marseille, port ouvert sur le monde, accentue encore votre envie de rapprocher les continents ? C’est en effet un point d’ancrage qui multiplie les mobilités. Mais ce n’est pas que Marseille. Je pense que c’est en moi. En tant que chorégraphe, j’aime le mouvement du corps dans l’espace. C’est une notion qui s’ouvre aussi aux mouvements de pensée, aux mouvements de foule… Il y a tant d’acceptations différentes, l’essentiel étant qu’on se demande ce qu’il est nécessaire de déplacer. Et de faire avancer. Avenso GmbH, Ernst-Reuter-Platz 2, 10587 Berlin | Image (détail): Mikhail Porollo « On va ouvrir des points de vue » INVITATION Inauguration officielle Bruxelles avec des œuvres de Mikhail Porollo Samedi 18 janvier, de 10h à 22h Avec nous, bouleversez les codes du marché de l’art. Des éditions signées et limitées. Par plus de 100 artistes reconnus. 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