Le sociographe n°16 : Alter-éco. Économie plurielle

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Le sociographe n°16 : Alter-éco. Économie plurielle
(numéro seize /
Sommaire
Alter-éco...
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4/ Editorial
Combien ça coûte ?
8/ Evelyne Piednoir
L’économie autrement (présentation du dossier)
I/ Pratiques et
politiques de
l’économie plurielle
13/ Christiane Bouchart
Lille : un engagement dans l’économie sociale et solidaire
23/ Martine théveniaut
Vivre autrement en pays audois
33/ Cathy Bousquet
Par où la sortie ?
II/ Le travail
de la valeur
43/ anne Dauriac
Entre éthique et marché... Repères bibliographiques
47/ Claude Llena
De l’utilité réciprocitaire des RERS
59/ Daniel Cérézuelle
Des jardins au pied des tours
65/ François Dubin
MNEF : une économie sociale au risque du marché
III/ Critique de
l’économie politique
71/ Emmanuel triby
L’économie, une alternative pour le travail social ?
81/ alain Marchand
Economie plurielle et critiquede l’économie politique
IV/ Ailleurs
97/ Louis Favreau et Lucie Fréchette
Une histoire québécoise de l’organisation communautaire
108/
Pour suite (ouvrages et périodiques)
112/
126/
Notes de lecture
A suivre (rencontres, congrès et parutions)
Résumés des articles, p. 10
Bon de commande, p. 125
/janvier 2005)
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Editorial
Combien ç a coûte ?
L’objet«revue» travaillelesrapports sociaux,
tout autant que le travail social lui-même. C'est la raison pour laquelle Le sociographe cherche à fédérer les instituts de formation des régions. Parce qu'une revue est une audience,
certes ! mais aussi et surtout parce que ces instituts partagent une volonté de participer au
travail social, y prendre part non seulement en formant des travailleurs sociaux, mais
également en infléchissant les recherches, les politiques, les pratiques et les usages du
travail social. L'objet « revue » se présente alors comme un objet de débat où les termes
de celui-ci sont second (mais non secondaires) par rapport à l'importance de tenir cet
espace agora, ces moments du débat hétérogène. Fondés sur l'hétérogénéité des formations en travail social, les instituts de formations multifilières portent cette ambition des
équipes pluriprofessionnelles, de temporalités sociales hétérogènes où chacun s'altère par
la présence de l'autre. Il ne s'agit pas seulement de répondre au marché de la formation
comme pourrait le faire n'importe quelle organisation, mais aussi de contribuer à diminuer les coûts économiques engendrés par les failles de systèmes, les injustices, les
lacunes, les fractures, les inégalités médico-sociales, sanitaires et sociales.
Une revue, objet partagé, objet disputé, paraît poursuivre une question déjà ancienne,
mais qui trace encore dans le travail social. Sur ce terrain, l'objet « revue » a largement
contribué à transformer ce que R. Castel et d'autres ont appelé la « question sociale ».
La presse (celle du vigneron reprise par Gutenberg) est à l'origine le moyen d'impression
qui permet la reproduction d'un texte : livres d'abord, puis ce que l'on ne cessera plus de
nommer le « journal ». Presse et journal se confondent, tout comme la presse et l'information. Il semble que l'écart se réduise entre le moyen technique et la fonction sociale de
l'objet produit.
Après la Révolution, le monde change. Les populations migrent vers les villes et les luttes
sociales se durcissent. Dans ces tensions, le livre se range au service des classes dominantes. Les autres lui préfèrent le journal accessible par l'alphabétisation d'une population
soumise à l'école obligatoire.
C'est que l'évolution de la presse écrite s'est fait dans un monde libéral et capitaliste, dans
une concurrence cherchant ses marques et peut-être sa publicité. Peu à peu, le journal de
« grande information » s'est substitué au « journal d'opinion » et le « quotidien » a pris le
pas sur « l'hebdomadaire politique » ou « littéraire ». Dans ces bouleversements, les revues
qui présentaient un intérêt commun sont reléguées à un rôle résiduel. Les quotidiens
Editorial
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régionaux ont absorbé les journaux locaux, fusionnant entre eux tout en se partageant le
territoire, chacun préservant son pré carré et limitant l'aire de pénétration des journaux
nationaux. Le tout se jouant sur la concentration des grands groupes de presse afin de
capter la publicité qui les rend dépendants ou non d'autres groupes économiques.
Sans vouloir plagier Macluhan, la production d'une revue c'est prendre part à l'enjeu
médiatique, procéder à des choix et des partis pris. Pour Le sociographe, entretenir un
rapport physique à un objet, c'est poursuivre l'idée que le travail social est inscrit dans un
rapport physique au monde. Le froid, la faim, le handicap restent des données qui procèdent de marquages physiques. Par ailleurs, et parce que le travail social prend son sens
dans les luttes sociales des siècles qui nous précèdent, Le sociographe n'est pas un livre,
pas même un journal, mais une revue qui tente de mettre en écho ceux qui organisent le
travail social et ceux qui en bénéficient ; ceux qui sont légitimés à écrire et ceux qui le
seraient moins.
Appréhender une revue par son coût, que ce soit pour ceux qui produisent la revue ou
pour les lecteurs, c'est toujours prendre la dimension économique par le petit bout.
Disons-le tout de suite, un lecteur qui achète un numéro ne paye jamais le coût réel de la
production, tout comme ceux qui produisent la revue n'en finissent jamais de comptabiliser les coûts que cela engendre. C'est que le temps passé à la lecture ou à l'écriture est
difficilement comptabilisable. Il dépend trop, en effet, de ce qu'on espère de la lecture ou
de l'écriture, ainsi que du temps des uns et des autres pour lire et écrire. On ne lit pas et
on n'écrit pas pour des raisons comptables ! Aussi, l'économie d'une revue réside peut être
davantage dans l'objet et le rapport qu'on entretien à celui-ci, qu'à la production ou la
lecture de son contenu.
.
Espérons donc que nous saurons convaincre, pas tant sur des arguments publicitaires que
sur les traces de la question de la presse qui agitent encore aujourd'hui l'espace social en
général et le travail social en particulier
GNP
Au mois de novembre, ont été annulé deux manifestations que nous annoncions
dans nos pages « A suivre » (un colloque à Marseille, et la rencontre du
Sociographe du 26 novembre).
Bien que ces annulations se soient faites malgré notre volonté, nous présentons
nos excuses à tous ceux qui avaient prévu d’y participer.
C’est la première fois que cela se produit, et espérons la dernière. Cependant, par
sécurité, avant de vous déplacer à une de nos manifestations, merci soit de
consulter notre site (régulièrement mis à jour) ou de nous téléphoner pour éviter
toute mauvaise surprise.
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Ouverture
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© Charmag (dessin paru dans Le monde libertaire)
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L’ économie autrement
> dossier coordonné par Evelyne Piednoir, formatrice
Alter-éco comme économie alternative, informelle, sociale, solidaire....
Nous avons eu envie avec ce numéro de débattre de ces diverses économies, de
leurs articulations avec le travail social n'allant pas de soi, probables, voire impossibles. En quoi les valeurs véhiculées par les uns et les autres permettraient de lier
une part d'utopie et de pragmatisme, de produire, de travailler dans un esprit de
coopération et non de guerre économique, et de relancer le débat sur la place de
l'homme et de son environnement ?
De l'appel à auteurs relativement large s'est profilé un ensemble de textes centrés
autour de l'économie sociale et solidaire.
Pour moi, l'économie sociale et l'économie solidaire puisent leurs racines dans les
mouvements associatif et coopératif de la première moitié du XIXème siècle.
L'économie sociale a été la première à être institutionnalisée, avec la création en
1981 de la délégation interministérielle à l'économie sociale. Le décret du 15-121981 la définit comme l'ensemble « des coopératives, mutuelles et associations
dont les activités de production les assimilent à ces organismes ».
Quant à l'économie solidaire, c'est à partir des années 80, sous la double influence
de mai 68 et de l'augmentation de l'exclusion et du chômage, que naquirent
l'Agence de liaison pour le développement d'une économie alternative (ALDEA)
et à partir de 1992, le Réseau d'économie alternative et solidaire (REAS) regroupant des producteurs en milieu rural, chômeurs créateurs de coopératives dans
les banlieues, agriculteurs biologiques, producteurs de musique rock, commerce
équitable, mouvement des woofers … Sous le gouvernement Jospin en 2000 est
créé un secrétariat d'Etat à l'économie solidaire lui donnant ainsi une lisibilité
institutionnelle.
Ce numéro est ordonné autour de 3 parties.
Dans le sens d'une volonté politique, agissent des pratiques : C. Bouchart
décrit la mise en place de structures permettant le développement de l'économie solidaire quand il existe une réelle volonté politique telle que celle du
Conseil régional du Nord Pas de Calais depuis 1996 qui a créé une Assemblée
permanente de l'économie solidaire (APES).
Au niveau d'une politique de développement local, la contribution de M.
Théveniaut met en valeur le potentiel représenté par les nouveaux services qui
reposent sur l'intelligence du « faire ensemble ». Cela renforce l'activité locale,
améliore la qualité de la vie et participe à la revitalisation du territoire. C.
Bousquet nous questionne sur le rôle du travail social dans une période économique et politique en mutation : rôle de guetteur, de promoteur d'innovations
sociales, de passeur de l'utopie à la réalité.
Présentation
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La deuxième partie porte sur les pratiques et les différentes valeurs véhiculées par l'économie solidaire : des jardins au pied des tours (Cerezuelle) qui font vivre ce que peuvent
être la solidarité et la convivialité aux relations réciproques entre membres des réseaux
d'échanges (C. Llena). A. Dauriac et F. Dubin interrogent, quant à eux, la fragile frontière entre éthique et marché et les dérives possibles quand les structures de l'économie
sociale délaissent leur vocation et échappent au contrôle des mutualistes, la recherche de
parts de marché semblant devenir la préoccupation première.
La troisième partie aborde la critique de cette économie. Pour A. Marchand, celle-ci
serait un pan subalterne de l'économie dominante, un modèle d'adaptation (ou de dissolution ?) dans le capitalisme ayant pour fonction principale de s'adresser aux exclus et E.
Triby, quant à lui, propose, plutôt que de chercher des alternatives, une réflexion sur le
sens de l'économie qui ne semble pas avoir encore épuisé toutes ses dimensions.
Ailleurs, une exploration des expériences communautaires au Québec nous montre que
ces déclinaisons économiques peuvent jouir d'une reconnaissance sociale et politique sur
d'autres territoires (L. Favreau et L. Fréchette).
.
Si les auteurs semblent signifier qu'ils ne peuvent changer le monde, ils proposent néanmoins
la découverte de nouvelles voies pour que les pratiques et la réflexion s'engagent. Faire autrement mais ne pas faire n'importe comment. Chacun cherche, à sa façon, une place et un
avenir pour l'homme ; l'enjeu pour les travailleurs sociaux est d'en être partie prenante
E. Piednoir
Rencontres du sociographe
L’économie peut-elle être solidaire ?
Rencontre entre auteurs et lecteurs du numéro,
le jeudi 10 mars 2005
cf. p. 126
photographiquement
Clichés de Marrakech > L’économie au secours du patrimoine ?
Derrière les clichés de l’activité traditionnelle de la place Jemma El Fna à
Marrakech, se joue le devenir du sens d’une économie lovale. C’est la certitude
du photographe Hervé Hôte (ethnologue de formation), dont il rend compte ici.
© Hervé Hôte. Mel : h.hote@ agence-cameleon.com