fiche FW 15-16-s5-6 - Ensa
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fiche FW 15-16-s5-6 - Ensa
Responsable(s) : Frédéric Wecker Intitulé : Manières de voir le voir Semestre(s) : 5 6 Option(s) : toutes options Durée : 2h Régularité : hebdomadaire 2015-2016 ECTS : 3 ECTS : 2 Langue(s) d’enseignement : français (mais certains des contenus présentés seront en anglais non sous-titré) Définition(s) du cours Ce cours aimerait prendre appui sur la considération d’un corpus d’artefacts audiovisuels apparemment hétéroclite, dont les items sont signés par des noms assez rarement associés dans les doxas courantes : Jean-Luc Godard, John Berger, Laura Mulvey, Michael Snow, Anthony McCall, Martha Rosler, Harun Farocki… Qu’y a-t-il de commun entre une série d’émissions produites par la BBC (Ways of Seeing), un « essai documentaire » quasiment autoproduit (Wie man sieht), une lettre cinématographique envoyée à Jane Fonda (Letter to Jane), des films relevant des circuits de diffusion et de production du cinéma dit expérimental (Rameau’s Nephew, Riddles of the Sphynx) ? Comme l’attestent souvent explicitement les titres mêmes des œuvres (« manières de voir », « comme vous pouvez le voir ») ou leurs sous-titres (Letter to Jane est sous-titré « une enquête sur une photographie »), le voir y est à la fois à l’œuvre et en procès. Contenu Ces films ne parlent pas d’une seule voix. Si certains restent encore sous l’influence des paradigmes structuralistes, sémiotiques et sémiologiques (ces deux derniers bien que nés dans des traditions intellectuelles et philosophiques différentes pouvant renforcer leurs effets mutuellement), qui autorisaient à « lire » l’image comme s’il s’agissait d’un texte, d’autres commencent à s’en déprendre en affirmant l’irréductibilité du voir au lire et à examiner parallèlement la conjonction (souvent précaire) de l’image et du son dans l’artefact audiovisuel ou l’œuvre filmique. Si certains de ces films font du voir lorsqu’il est exercé pleinement, une activité produisant nécessairement du discernement critique, d’autres soupçonnent que le voir n’est jamais une activité neutre, mais qu’il est toujours orienté par des intérêts de classe, de genre, ou simplement par la connaissance d’une « règle du jeu ». La reproduction des rapports de production et de domination passe également par la reproduction des manières de voir. Et certaines images ont bien été produites pour être regardées d’une certaine manière (les plans d’Hitchcock sur les chignons de Tippi Heddren et de Kim Novak appellent le regard masculin). Le féminisme fourbit ici certaines de ses meilleures armes : et si aucune ne se réduit à l’autre, il reste passionnant de comparer par exemple les thèses de John Berger à celles de Laura Mulvey au moment de leur émergence concomitante : l’exercice du « male gaze » analysé par la seconde dans son essai fondateur, et combattu pratiquement dans la trilogie de films qu’elle signa avec Peter Wollen (Penthesilea, Riddles of the Sphynx, Amy), n’est pas étranger au mécanisme par lequel les femmes sont transformées en « sights », mise au jour par le premier dans les essais iconographiques et télévisuels de Ways of Seeing. Intervenants Résultats attendus Considérer ces films ensemble, c’est se permettre de critiquer l’un par l’autre. Que se passe-t-il lorsqu’on considère l’examen de la conjonction de l’image et du son dans des propositions aussi différentes qu’Ici et ailleurs et Rameau’s Nephew, mais réalisées, et ce n’est pas un hasard, durant la même période (1970-1974) ? Qu’est-ce qui relève encore du regard masculin dans l’analyse que font Godard et Gorin d’une photographie de Jane Fonda prise lors de son voyage au Vietnam en 1972 ? Certains de ces films prennent souvent pour cible cet autre véhicule multimédia (image et texte), mais souvent ignoré en tant que tel, qu’est le magazine. Martha Rosler transforme la lecture de Vogue en une performance critique au cours de laquelle le « glamour » qui s’étale sur les pages glacées du magazine est révélé pour ce qu’il est, Anne-Marie Miéville arrache toutes les pages de publicité d’un numéro du Nouvel Observateur dans Six fois deux pour produire la démonstration matérialiste que « les pages sans publicité sont solidaire des autres, celles avec publicité ». Anthony McCall et Andrew Tyndall utilisent les publicités contenues dans un numéro spécial du New York Times Magazine consacré à la mode masculine dans Argument pour traiter du rapport politique/esthétique, tout en réfléchissant à la place qu’occupe l’image de Jane Fonda dans Letter to Jane. Fréquenter ce corpus de films c’est donc s’interroger sur la possibilité ou l’impossibilité d’un « héritage critique » ; et audelà de la question de la reprise de certains procédés, se demander comment produire aujourd’hui d’autres manières de voir. Méthode d’évaluation Il sera demandé aux étudiant-e-s de réaliser un essai vidéographique de dix minutes environ. Modalités de rattrapage (selon le calendrier de l’année universitaire) Essai vidéographique de rattrapage en fin de semestre Références Roland Barthes, « Rhétorique de l'image », in Communications, 4, 1964. pp. 40-51. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1964_num_4_1_1027 ▪John Berger, Voir le voir, éditions B42. (fac-similé de Ways of Seeing (1972), Penguin). ▪Jean-Louis Comolli et Jean Narboni, « Cinéma/idéologie/critique », in Cahiers du cinéma, n°216-217, 1968-1969. ▪Stuart Hall, « Codage et décodage dans le discours télévisuel » (1973) http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reso_0751-7971_1994_num_12_68_2618