3-3 Vivre à la romaine - Musée des Beaux

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3-3 Vivre à la romaine - Musée des Beaux
…Vivre à la Romaine
Documents
- Salle 5 : Maquette et fresque de la villa des Nones de Mars
- Salle 4 : Stèle du grammairien Blaesianus
1- Habiter
Comme dans toutes les villes gallo-romaines, les habitats d’Augustoritum logeaient pour l’essentiel
une population humble et modeste mais la ville possédait aussi un groupe de très belles maisons
que l’élite avait fait construire sur le modèle de la domus méditerranéenne. Il semble que le tissu
urbain se caractérise d’une part par la juxtaposition des unités d’habitation et des lieux d’activité et
d’autre part, par la cohabitation de domus fastueuses et de demeures modestes même si l’on
constate une tendance au regroupement des plus grandes habitations aux abords du cardo
maximus. Par leur positionnement, les demeures des élites participent aussi à la scénographie
générale.
Dans les trois ou quatre premières décennies qui suivent la fondation de la ville, les maisons,
quelle que soit la situation de leur propriétaire, sont exclusivement construites selon la technique
de l’ossature à pans de bois avec remplissage de terre argileuse. Toutefois, vers les années 30,
commencent à apparaître des habitations employant l’opus caementicium, c'est-à-dire la
technique romaine de la maçonnerie de moellons de pierre et de briques liés au mortier de chaux,
une technique onéreuse manifestement réservée au début à l’élite.
Après la moitié du siècle, cette technique semble se populariser, même pour les constructions
modestes. Entre leur construction avant le milieu du Ier siècle et leur abandon à la fin du IIIe siècle,
les maisons d’Augustoritum ont suivi les modes ornementales en vogue dans l’empire.
Le sous-sol limougeaud a livré quatre exemples remarquables de maisons : « la maison des
Nones de Mars », la « domus à l’opus sectile », « la maison aux cinq mosaïques » et « la domus
de la rue Vigne de fer ».
La maison des Nones de Mars
Tout dans la résidence des élites est exogène et la maison des « Nones de Mars » en est la
parfaite illustration. Le plan à l’italienne, la décoration, la maçonnerie ou encore la toiture en font la
transcription réussie d’une résidence patricienne d’Italie et atteste la complète adhésion de la
classe aisée aux modes de vie du vainqueur.
Cette luxueuse demeure, qui doit son nom à un graffito mural découvert lors des fouilles, fut bâtie
vers le milieu du 1er siècle après J.-C., sur un site privilégié, en bordure du cardo maximus et à
proximité du forum. Elle est tout d’abord remarquable par ses proportions : couvrant une surface
au sol de 3734 m2, elle comptait un minimum de vingt-huit salles, huit couloirs, une ou deux cours
de service, un vaste péristyle central agrémenté d’un bassin. Elle était ainsi supérieure aux plus
vastes demeures de Pompéi comme la maison du Faune (2970 m2).
Un portique monumental de douze colonnes affichait dès la façade le rang social du propriétaire.
L’ensemble se développait dans une longue perspective de plus de 70m. La maison comportait
une salle d’apparat de 164 m2 et une dizaine de salles réservées au maître des lieux et à sa
famille, réparties autour d’une cour intérieure bordée d’un péristyle, véritable cœur de la demeure.
Le décor conservé est malheureusement très fragmentaire mais la fresque au canard colvert,
présentée au musée, témoigne de la richesse et de la qualité qui présidèrent à la réalisation de la
maison. Cette fresque, dérivée du style III pompéien, ornait à l’origine les murs d’une salle
modeste bordant le jardin placé au cœur de l’édifice.
Augustoritum, une ville romaine
1.6
Elle se distingue par la grande habileté de l’artiste qui employa en outre des pigments rares tels
que le bleu d’Egypte ou le rouge cinabre. Un tel luxe pour une pièce aussi anodine laisse augurer
de la splendeur du décor, aujourd’hui disparu, des salles d’apparat.
Le chauffage semble avoir été assuré dans un premier temps par des cheminées et braseros, la
technique de l’hypocauste (circulation d’air chaud dans un double sol) étant plutôt réservée aux
bains mais une maison patricienne comme celle des Nones de Mars adopta également cet
équipement sophistiqué.
2- Avoir une vie sociale
Le forum, légèrement décentré dans le tissu urbain, devait sa position à l’utilisation d’un ressaut
permettant à sa plateforme aux dimensions considérables (300 x 104m) de dominer de quelques
mètres les terrains avoisinants. Ses architectures monumentales visibles de toutes les parties de la
ville apparaissaient comme le point fort du paysage urbain.
Organisé en trois terrasses, il était bordé de bâtiments publics, de boutiques et de portiques.
Plusieurs fois remanié, le forum a fait l’objet de destructions systématiques qui rendent sa lecture
difficile. La présence d’une basilique et de lieux de culte est vraisemblable même si l’archéologie
ne nous en apporte pas la preuve. Son emprise au sol en fait un des plus grands espaces civiques
de la Gaule.
3- Se divertir
L’archéologie limousine a exhumé de menus objets tels que des jeux de dés, des jetons ou encore
des aiguilles renseignant sur les loisirs quotidiens des Lémovices. Quelques grands monuments
publics permettent par ailleurs d’imaginer l’éventail de leurs divertissements.
Les thermes
Les thermes de la place des Jacobins, qui jouxtaient le forum, furent élevés vers le dernier tiers du
1er siècle. Ils respectent le plan habituel des thermes romains. Le bâtiment occupait un îlot complet
à l’est du forum, entièrement clos d’un mur. Le corps central était composé de trois vastes salles
terminées chacune par une abside. On y retrouvait les traditionnelles salles froide (frigidarium),
tiède (tepidarium) et chaude (caldarium), ou encore la palestre. Ce dernier espace, conçu pour
l’exercice physique, mesurait 74m sur 13m et se trouvait bordé sur un côté par un portique, orné
dans son dernier état d’un sol de mosaïques.
Le rôle utilitaire des thermes se confondait avec leur fonction sociale : aux bienfaits procurés par
l’exercice physique s’ajoutaient les plaisirs de la convivialité.
Les lieux de spectacle
Parmi les villes de la province d’Aquitaine, Augustoritum faisait partie de la minorité qui offrait deux
édifices de spectacle à ses habitants : un théâtre et un amphithéâtre. On imaginer aisément que
les Lémovices, de la ville comme ceux des bourgs, profitaient ainsi d’un équipement privilégié pour
leurs loisirs.
L’amphithéâtre est le monument le plus représentatif de la civilisation romaine que les vainqueurs
importèrent dans les nouvelles villes. A Augustoritum, il élevait sa forme ovale à deux étages
d’arcades sur la ligne de crêt et était visible d’est en ouest à plusieurs kilomètres à la ronde.
Augustoritum, une ville romaine
2.6
L’amphithéâtre fut érigé vers la fin du Ier siècle après J.-C. Après avoir sans doute accueilli les
foires au Moyen Age puis servi de carrière, il fut arasé et recouvert en 1715 pour aménager des
jardins. Le niveau de l’arène est repéré à un peu plus de 5m en dessous de la surface actuelle du
jardin d’Orsay mais quelques murs sont encore visibles de nos jours. L’arène avait été creusée
dans le sol en place, de même que les premiers rangs de gradins. Des restes de maçonnerie
indiquent l’emplacement des couloirs de circulation et du mur extérieur.
La façade atteignait deux étages et s’apparentait à celle des arènes d’Arles. Monument de
spectacle, il pouvait réunir plus de 25 000 personnes autour de combats de gladiateurs ou de
chasses.
D’autres vestiges, moins visibles, attestent la présence d’un théâtre en bord de Vienne. Ce
bâtiment, qui était le premier contact monumental du visiteur d’Augustoritum, s’adossait en retrait
des berges sur les aplombs rocheux. Il est difficile de savoir quelle était la nature des spectacles
proposés. A la fin du IIe siècle, en Italie comme ailleurs, comédies et tragédies avaient disparu de
la scène ; à la place, se jouaient mimes et pantomimes.
4- Travailler
A l’exception du biturige Blaesianus, qui avait tenu à mentionner sur sa stèle funéraire sa noble
charge de grammairien et qui, à ce titre, enseignait les lettres aux enfants des notables de la ville,
la pauvreté épigraphique nous prive d’informations sur les métiers exercés par les habitants
d’Augustoritum.
L’existence des différentes corporations nécessaires à la vie de la cité est vraisemblable et se
trouve parfois confirmée par les découvertes archéologiques. La plupart des habitations situées en
bordure de rue comportaient en façade des locaux vraisemblablement réservés au commerce ou à
l’activité artisanale. Autour du seul forum, leur nombre est évalué à au moins 53. Certaines
activités ont laissé des traces dans les lieux qui les accueillaient ; d’autres peuvent être déduites
des objets usuels que les artisans locaux procuraient à leur clientèle. Les métiers nécessaires à
l’approvisionnement quotidien de tous et au confort de la classe aisée en particulier existaient
vraisemblablement à Augustoritum.
Des artisans
Les métiers du métal, bronziers, dinandiers, forgerons ont été identifiés par la présence de moules
et de scories dans différents locaux. Quelques bijoux précieux et objets d’ornement plus modestes
ont pu faire l’objet d’une fabrication locale.
Les métiers du bâtiment étaient forcément représentés à Augustoritum : tailleurs de pierre,
sculpteurs, maçons, stucateurs, peintres, tuiliers, briquetiers ainsi que tous les métiers du bois
(charpentiers, tonneliers, menuisiers, vanniers).
Les métiers du tissu et du cuir ont probablement existé. L’activité des bouchers et boulangers a été
confirmée par l’archéologie. On peut supposer qu’une bonne part de la vaisselle commune était
produite localement bien qu’aucun atelier de céramiste n’ait encore été décelé (voir fiche annexe
sur la céramique). La présence de certains verres de qualité ordinaire suggère toutefois une
fabrication locale.
Des commerçants
Des denrées et des matériaux de toutes sortes parvenaient à Augustoritum grâce aux opportunités
routières. On peut imaginer la ville comme un relais commercial important entre les produits du
centre de la Gaule et ceux de la façade Ouest atlantique. Des poteries de la Graufesenque, des
Augustoritum, une ville romaine
3.6
verres de qualité, des bijoux, des calcaires et des marbres, du vin et des denrées alimentaires
parvenaient à Augustoritum. Il est plus difficile de citer en revanche des productions locales
exportables et capables de générer des richesses pour la cité.
Des professions libérales
Les découvertes d’objets nécessaires à la pratique de certaines professions permettent d’évoquer
la présence à Augustoritum de médecins, d’oculistes ou encore d’enseignants (cf. la stèle de
Blaesianus, professeur de grammaire, présentée au sous-sol du musée).
5- Prier et mourir
Les temples
Aucun emplacement de temple gallo-romain n’a été identifié et seules des hypothèses peuvent
être proposées :
- un panthéon romain à Limoges ?
La découverte d’un fragment de main colossale sur le forum autorise à imaginer un temple dédié
au culte impérial ou à la triade capitoline (Jupiter, Junon, Minerve) dans ce secteur. La grande
statuaire ayant disparu, seul le petit matériel permet d’évoquer des cultes rendus aux dieux
officiels du panthéon romain : Apollon, Mercure, Minerve, Vénus…
- des cultes celtiques qui perduraient ?
En revanche, un sanctuaire augustéen de tradition gauloise, mais contemporain de la création de
la ville, a livré un abondant matériel sur le site de l’ancien hôpital. Ce sanctuaire est un témoignage
révélateur du climat mental de l’époque : dans une ville d’allure romaine, les habitants demeuraient
bien gaulois et fortement attachés à leurs anciennes croyances. Pourtant, l’archéologie nous
apprend qu’un demi-siècle plus tard, le site fut démantelé et livré à d’autres constructions. Les
raisons sont inconnues : abandon d’un culte peu à peu oublié ? Fermeture administrative à
l’encontre des cultes druidiques ? Syncrétisme, transfert de la divinité ?
Par ailleurs, les découvertes archéologiques confirment la persistance de croyances indigènes à
travers le culte rendu à Taranis, équivalent de Jupiter, ou au dieu celtique Grannus. La cathédrale
succèda peut-être à d’anciens lieux de culte comme cela s’observe dans de nombreuses autres
villes.
Le mobilier religieux trouvé à Limoges relève moins du culte officiel que de la dévotion populaire.
Seules quelques petites statuettes sont parvenues jusqu’à nous, petites figurines en terre blanche
représentant des divinités, des personnages ou des animaux que l’on a trouvé en grand nombre
dans toute la Gaule et qui devaient être utilisés comme objets de piété ou pour leurs vertus
protectrices.
Les nécropoles
Les nécropoles de Limoges ont pu être localisées : la plus grande se situait au Nord-ouest de
l’amphithéâtre, au sommet de la ville. Certaines tombes se signalaient aux vivants en surface par
des stèles ou cippes qui ont toutes la sobriété qu’impose le granit.
Selon la richesse du défunt, les dépôts calcinés étaient soit dispersés dans les fosses, soit
rassemblés dans des urnes. Un autre type de sépultures était très utilisé chez les Lémovices et se
retrouve dans les nécropoles urbaines : les sépultures en coffres de pierre. Les nécropoles
révèlent aussi des rituels funéraires, comme le dépôt d’offrandes ou d’objets personnels du défunt.
Augustoritum, une ville romaine
4.6
…Maquette de la villa des Nones de Mars
Maison des Nones de Mars
er
Deuxième tiers du 1 siècle après Jésus-Christ
Maquette réalisée par Pascal Chauprade, 1990
© Tous droits réservés – Musée des Beaux-Arts de Limoges
Augustoritum, une ville romaine
5.6
…Peinture murale villa des Nones de Mars
Peinture murale
er
Milieu du 1 siècle
Enduit peint
Provenant de la « Domus » dite des Nones de Mars, située rue du Pont-Saint-Martial à Limoges, 1991
Inv. Arc. M. 471 ; affectée par la ville
de Limoges
© Tous droits réservés – Musée des Beaux-Arts de Limoges
Augustoritum, une ville romaine
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