Texte intégral de jurisprudence téléchargé

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Texte intégral de jurisprudence téléchargé
Unifor Québec et Moulage sous pression AMT inc. (grief syndical, griefs
individuels, Michel Malenfant et autres)
TRIBUNAL D’ARBITRAGE
No de dépôt : 2015-3253
QUÉBEC,
10 avril 2015
DEVANT L’ARBITRE :
Me JEAN-GUY ROY
AUDIENCES TENUES LES :
3 et 4 mars 2015
À:
RIVIÈRE-DU-LOUP
DATE DU DÉLIBÉRÉ :
23 mars 2015
GRIEFS NOS :
2013-006; 2013-007; 2013-008;
2013-009; 2013-010
POUR LE SYNDICAT :
M. FRANÇOIS GIGNAC
POUR L’EMPLOYEUR :
Me MARC GRAVEL
OBJET :
Vidéo de surveillance
Mesures disciplinaires : suspension
UNIFOR QUÉBEC
(Griefs : Vidéo de surveillance. Mesures disciplinaires : suspension)
Et
MOULAGE SOUS PRESSION AMT INC.
2015 QCTA 346
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SENTENCE
ARBITRALE
PRÉLIMINAIRES
[1]
L’audition des présents griefs s’est tenue à Rivière-du-Loup les 3 et 4 mars
2015.
[2]
M. François Gignac, représentant national, représente UNIFOR Québec (le
Syndicat). Me Marc Gravel (Langlois Kronström Desjardins) représente Moulage sous
pression AMT inc. (l’Employeur).
[3]
Les parties reconnaissent que l’arbitre soussigné est valablement saisi des
présents griefs, qu’il a compétence pour en disposer et que les procédures de
règlement de griefs et d’arbitrage prévues à la convention collective ont été respectées.
[4]
Les parties demandent que l’arbitre conserve compétence dans l’éventualité où il
accueillerait le grief syndical visant l’utilisation de caméras vidéo afin de déterminer les
dommages qui devraient alors être accordés.
[5]
La convention collective 2010-2013 trouve application dans la présente affaire
(S-1).
[6]
A la suite de la dernière journée d’audience, et à la demande de l’arbitre, une
conférence téléphonique a été tenue avec les représentants des parties, le 9 mars
2015, afin de clarifier certains aspects de l’argumentation. À cette occasion, l’arbitre a
permis au procureur de l’Employeur de faire parvenir deux décisions arbitrales (Annexe
II in fine). Le dernier document du représentant syndical ayant été reçu le 23 mars
2015, c’est donc à cette dernière date que les présents griefs ont été mis en délibéré.
LES GRIEFS
[7]
Le 7 mai 2013, le Syndicat dépose un grief dans lequel, invoquant certaines
clauses de la convention collective de même que la Charte des droits et libertés de la
personne1 (la Charte) et le Code civil du Québec (C.c.Q.), il conteste, parce que
abusive et déraisonnable, la surveillance électronique constante par caméra vidéo dont
ont été notamment l’objet les salariés du secteur entretien. Il réclame notamment que
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L.R.Q. c. C-12
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chaque salarié qui a été filmé à son insu soit dédommagé en raison de 500 $, à titre de
dommages exemplaires, et de 150 $, à titre de dommages moraux (S-2).
[8]
Les 7 mai et 14 mai 2013, le Syndicat dépose également des griefs visant les
suspensions de cinq jours imposées à MM. Michel Malenfant (S-3) et Jean-François
Corbin (S-4) et les suspensions de dix jours imposées à MM. Sacha Caya (S-5) et
Jérôme Côté (S-6). Il réclame l’annulation de ces suspensions et le remboursement du
salaire perdu, et ce, avec intérêts tel que prévu au Code du travail (C-12).
[9]
Dans les lettres qu’il a fait parvenir le 7 mai 2013 aux quatre salariés visés par
les suspensions précitées, l’Employeur invoque le « vol de temps » en spécifiant qu’ils
avaient, durant leur quart de nuit, dormi à certaines périodes durant leurs heures de
travail et que certains d’entre eux s’étaient adonnés à des occupations autres que
celles pour lesquelles ils étaient rémunérés (S-7 à S-10).
DÉCISION VISANT UNE OBJECTION PRÉLIMINAIRE
[10] Une première audience a été tenue dans la présente affaire le 18 novembre
2014. À la demande des parties, l’arbitre a disposé, le 5 décembre 2014, d’une
objection préliminaire présentée par le Syndicat concernant l’interprétation qu’il fallait
donner à l’article 10.07 de la convention collective qui précise que l’Employeur doit
imposer une mesure disciplinaire « dans les dix (10) jours ouvrables de la connaissance
des faits donnant lieu à la mesure disciplinaire ». L’arbitre a rejeté cette objection
préliminaire et a déclaré valides les mesures disciplinaires imposées aux quatre
salariés visés par les présents griefs.
DÉSISTEMENT DES GRIEFS S-3, S-4, S-5 et S-6
[11] En début d’audience, le représentant du Syndicat a informé le Tribunal que celuici se désistait des quatre griefs individuels qu’il avait déposés au nom de
MM. Michel Malenfant (2013-007 : S-3), Jean-François Corbin (2013-008 : S-4), Sacha
Caya (2013-009 : S-5) et Jérôme Côté (2013-010 : S-6).
PREUVE DU SYNDICAT
[12] M. FRÉDÉRIC BOUCHER est au service de l’Employeur depuis le 4 janvier
2000. Il est président du Syndicat depuis octobre 2010. De son témoignage, il y a lieu
de retenir les éléments suivants :
12.1. Il est machiniste qualifié, c’est-à-dire qu’il voit à l’entretien et à la
réparation des moules qui servent à fabriquer les pièces d’aluminium qui
sont utilisées en périphérie des moteurs d’automobiles et de véhicules
récréatifs.
12.2. Ainsi que l’indiquent ses notes (S-17), c’est le 29 avril 2013 qu’il a
rencontré l’Employeur, soit M. Samuel Jean, directeur des ressources
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humaines (DRH), compte tenu que, la semaine précédente, il avait su par
un salarié que des caméras vidéo avaient été installées pour effectuer la
surveillance des employés. Avant cette dernière date, aucune discussion
n’était intervenue avec l’Employeur au sujet de la présence de telles
caméras et du fait que certains salariés pouvaient dormir alors qu’ils
auraient dû être au travail.
12.3. Lors de cette rencontre, M. Jean lui a confirmé que deux caméras avaient
été installées, soit une au bureau de l’entretien et une à la salle des
compresseurs. Il a justifié cette décision par le fait qu’il avait entendu dire
que certains salariés dormaient durant leur quart de travail. Il lui a précisé
que ces caméras avaient été installées au début de janvier et qu’elles
seraient retirées dans les quelques jours à venir, ce qui s’est
effectivement produit.
12.4. Comme on était en période de négociations, des réunions syndicales se
tenaient régulièrement. Il a informé les membres de la situation dont il
vient de témoigner. Ceux-ci se sont déclarés « outrés » et, par la suite, ils
se sentaient observés partout dans les deux usines, y compris les
toilettes, cafétéria, bureaux, etc.
[13] Interrogé par le procureur de l’Employeur, M. BOUCHER précise que c’est en
concertation avec son conseiller syndical, M. François Gignac, qu’il a rédigé le présent
grief. Il indique que ce grief vise certaines catégories de personnel qui était les plus
susceptibles de se rendre au bureau de l’entretien, soit les techniciens d’entretien, les
techniciens d’entretien qualifiés et les couleurs qualifiés. Ce n’est que de façon très
sporadique que d’autres salariés peuvent se rendre à cet endroit.
PREUVE DE L’EMPLOYEUR
[14] M. RÉMI SAINDON est au service de l’Employeur depuis 1996. Depuis
septembre 2011, il est coordonnateur de l’entretien et, à ce titre, il fait partie du
personnel cadre. De son témoignage, il y a lieu de retenir les éléments suivants :
14.1. Il coordonne le travail de 17 employés syndiqués, soit 13 électromécaniciens ou électromécaniciens qualifiés, dont 2 chefs d’équipe de
jour, 1 mécanicien qualifié et 2 préposés à l’entretien. Son supérieur
immédiat est M. Samuel Jean.
14.2. Son horaire de travail habituel est de 6 h à 17 h. Le personnel sous sa
supervision est réparti dans les deux usines sur trois quarts de travail,
dont un chef d’équipe par usine coordonne le travail de l’équipe de jour.
Aucun chef d’équipe n’est sur le plancher pour les équipes de soir et de
nuit, ces équipes étant autonomes et effectuant, sans supervision, le
travail qui leur a été confié.
14.3. Le bureau de l’entretien sert notamment à stocker la documentation
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d’ordre informatique ou contenue dans les manuels que les techniciens
d’entretien peuvent consulter. Il évalue qu’une telle consultation peut être
nécessaire, en moyenne, l’équivalent de 20 minutes par quart de travail.
14.4. Le 11 décembre 2012, une personne salariée l’a rencontré pour se
plaindre du fait que M. Sacha Caya dormait durant son quart de nuit et
qu’elle devait le réveiller, soit en donnant un coup de pied dans la porte
du bureau de l’entretien ou en parlant fort et prétextant que le chef de
l’équipe de jour arrivait. Elle a ajouté que ce n’était pas la première fois
qu’elle parlait de cette situation à l’Employeur, que celui-ci n’avait rien fait
et qu’elle n’était pas à l’aise avec cela. Il a consigné par écrit cette
rencontre (E-10).
14.5. Cette même journée du 11 décembre 2012, il s’est rendu rencontrer la
coordonnatrice des ressources humaines, Mme France Thériault, à qui il a
fait rapport de la conversation précitée. C’est alors que des liens ont été
établis avec une situation semblable dont Mme Thériault lui avait fait état
antérieurement. La question s’est alors posée sur la façon de corriger
cette situation.
14.6. Le 11 décembre 2012 également, il a aussi rencontré M. Samuel Jean à
qui il a fait le même rapport qu’à Mme Thériault. La question de savoir
comment vérifier cette situation s’est alors posée, soit par l’analyse des
cartes de temps, soit par des visites ponctuelles à l’improviste ou autres
manières. Le premier moyen envisagé, quoi qu’il l’ait déjà testé, n’avait
pas donné des résultats très probants. Le deuxième moyen a également
été utilisé à quelques occasions, soit la nuit ou plus souvent tôt le matin. Il
a alors constaté certaines anomalies, notamment trois travailleurs qui
étaient à la fonderie en manches courtes plutôt qu’en manches longues. Il
a également vu M. Caya sortir du bureau de l’entretien, mais il ne pouvait
conclure pour autant que celui-ci était en défaut de quelque façon. Il a pris
en note ces constatations effectuées vers 3 h, le 18 juillet 2012 (E-11). Il a
alors été décidé de s’en remettre au système de caméras qui semblait le
moyen le plus pertinent dans les circonstances.
14.7. Concernant plus précisément le contrôle des cartes de temps, ce moyen
n’a pas permis de conclure de façon probante qu’il y avait perte de temps
évidente. Ce contrôle s’est effectué après que, vers juin 2012, quelqu’un
s’était plaint auprès de Mme Thériault du fait qu’un travailleur perdait du
temps.
14.8. Il a eu accès, dans les premières semaines, à l’enregistrement des
bandes vidéo. Après avoir constaté des anomalies, il en a fait rapport à
M. Jean et il n’a pas continué à visionner ces bandes.
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[15] De l’interrogatoire de M. SAINDON par le représentant du Syndicat, il y a lieu de
retenir les éléments suivants :
15.1. Il n’a pas constaté de visu la situation que lui a dénoncée, le 11 décembre
2012, la personne dont il vient de témoigner. Cette dernière ne relevait
pas de lui.
15.2. Si Mme Thériault lui avait fait part qu’elle avait reçu une plainte concernant
le fait qu’une personne dormait au travail, elle ne lui avait cependant pas
dit de qui provenait cette plainte.
15.3. C’est après avoir été informé de cette dernière situation qu’il a vérifié les
cartes de temps, mais cette opération ne lui a pas permis de conclure que
tel était effectivement le cas.
15.4. Il a participé à la décision d’installer des caméras de surveillance, mais la
décision finale a été prise par M. Jean. La décision d’installer celles-ci
avait comme objectif de vraiment évaluer s’il y avait ou non perte de
temps au bureau de l’entretien.
[16] Mme FRANCE THÉRIAULT est au service de l’Employeur depuis novembre
1983. Depuis environ 2000-2001, elle est coordonnatrice des ressources humaines. De
son témoignage, il y a lieu de retenir les éléments suivants :
16.1. À l’été 2012, une personne salariée est venue la voir et lui a notamment
dit que M. Caya dormait durant son quart de travail. Celle-ci lui disait
qu’elle trouvait cette situation injuste envers les autres personnes qui,
pour leur part, travaillaient durant ce quart de nuit. C’est cette même
personne qui dira à M. Saindon qu’elle lui en avait déjà parlé et que
l’Employeur n’avait alors rien fait. À la suite de cette information de l’été
2012, comme elle ne savait pas trop quoi faire, elle en a parlé avec ce
dernier pour s’assurer si cette information était fondée ou pas. Celui-ci lui
a dit qu’il allait faire des vérifications occasionnelles de même qu’il
examinerait les cartes de temps.
16.2. Ce n’est qu’en décembre 2012, lorsque M. Saindon est venu la voir, que
ce sujet de perte de temps a refait surface.
[17] Interrogée par le représentant du Syndicat, Mme THÉRIAULT confirme que la
personne qui l’a informée à l’été 2012 a expressément nommé M. Caya comme la
personne visée. Elle lui a répondu qu’on faisait confiance à tout le monde et que
l’équipe de nuit était autonome et n’avait pas de superviseur. Elle confirme également
qu’elle n’a posé aucune action à ce sujet, y compris de n’avoir pas rencontré M. Caya,
si ce n’est d’en parler au superviseur de celui-ci, M. Saindon.
[18] Le témoin précise qu’elle n’a pas participé à la décision d’installer des caméras
vidéo. Elle en a cependant été informée dans les quelques jours qui ont suivi leur
installation. Elle précise également qu’elle n’a visionné aucune séquence de ces vidéos.
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[19] M. SAMUEL JEAN est au service de l’Employeur à titre de directeur des
ressources humaines depuis 2010. Il cumule également les fonctions de directeur des
achats et, avec un collègue, celles de directeur des services techniques. De son
témoignage, il y a lieu de retenir les éléments suivants :
19.1. Ses fonctions de DRH s’exercent non seulement aux deux usines de
l’Employeur situées à Saint-Cyprien qui compte environ 150 personnes,
mais également à celles de Saint-Jean-de-Dieu (Bélisle Industries inc. qui
totalise environ 50 personnes) et de Saint-Jean-sur-Richelieu (Darona inc.
qui compte environ 40 personnes). Chez l’Employeur, c’est Mme France
Thériault, coordonnatrice des ressources humaines, qui le seconde.
19.2. Ses journées de travail se répartissent généralement de 7 h à 21 h. Il
évalue qu’il effectue ainsi environ 70 heures de travail par semaine. Il doit
également régulièrement se déplacer, notamment pour se rendre à
Saint-Jean-sur-Richelieu.
19.3. Si l’Employeur a décidé de recourir à des caméras plutôt qu’à des
gestionnaires, c’est qu’il a évalué que cette méthode était la moins
intrusive pour avoir une vision exhaustive de la situation.
19.4. La décision de recourir à des caméras vidéo, compte tenu qu’il ne
s’agissait pas d’une décision banale et qu’il voulait obtenir un consensus,
a reçu l’aval des trois membres de l’équipe de la direction.
19.5. C’est parce que l’Employeur soupçonnait un salarié de comportements
déviants qu’il a été décidé d’installer, à la mi-janvier 2013, deux caméras
à l’usine I.
19.6. Différents éléments ont été considérés dans sa réflexion de poser un tel
geste, notamment la dénonciation qui avait été faite par une personne
salariée en juin 2012 auprès de Mme Thériault et à la suite de laquelle
M. Saindon avait fait certaines vérifications périodiques et une analyse
des cartes de temps, exercices qui n’avaient pas donné de résultats
probants, et le fait que cette même personne rencontre M. Saindon, en
décembre 2012, et qu’elle reproche à l’Employeur de ne rien faire en lui
spécifiant que la situation qu’elle avait dénoncée à l’été 2012 perdurait.
19.7. Un autre élément essentiel a également pesé dans sa décision, soit le fait
que l’équipe, notamment de nuit, est une équipe à toutes fins utiles
autonome, qu’il s’agit là d’une philosophie de l’entreprise et que l’option
qu’a prise l’Employeur était de faire confiance à son personnel. De plus,
l’Employeur voulait savoir si l’acte répréhensible qu’on lui avait rapporté
constituait ou non un « pattern » ou s’il s’agissait d’un comportement isolé
et non récurrent.
19.8. La captation d’images s’est faite au cours des trois quarts de travail, mais
seul le quart de nuit a fait l’objet d’un visionnement et d’analyse. Ce n’est
que lorsqu’il y avait du mouvement que la caméra filmait. Ces caméras
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ont été retirées vers le 2 mai 2013. Une caméra a été installée au bureau
de l’entretien, pièce fermée sans fenêtre d’environ 10 pieds par 15 pieds
où il y a quatre postes de travail, et une autre à la salle des compresseurs
où se rendent, à l’occasion, les techniciens d’entretien. Si une caméra a
été placée dans la salle des compresseurs, c’est qu’il s’agissait d’un
endroit isolé qui aurait pu être de nature tentante pour celui qui voulait se
retrouver seul.
19.9. La caméra qui permettait de visionner l’ensemble du bureau de l’entretien
et a été placée dans le coin opposé de la porte d’entrée. Quatre bureaux
se trouvent dans cette salle. Si on fait exception du chef d’équipe de jour
qui y a son bureau, cette pièce est à l’usage général des techniciens
d’entretien. Ces techniciens sont habituellement sur le plancher et ne vont
généralement au bureau de l’entretien que pour consulter de la
documentation ou, au besoin, aller chercher des bons de travail.
19.10. Au début de mars, il a procédé à un premier visionnement des bandes
vidéo et a constaté que le cas isolé qu’on voulait vérifier n’était pas le seul
dont le comportement pouvait être répréhensible. Parce que les équipes
sont en rotation (E-1), l’échantillon qu’il avait alors pouvait ne pas être
représentatif puisque ce qu’il voulait évaluer ne visait que le quart de nuit
et que ce personnel pour lequel il avait constaté certaines anomalies ne
pouvait ainsi faire l’objet de vérification qu’aux trois semaines. On ne
pouvait alors déterminé s’il s’agissait de manquements ponctuels ou s’il y
avait plutôt présence d’un « pattern ». Il a été alors décidé que la
captation d’images se poursuivrait. Cette captation a duré jusqu’au
26 avril 2013.
19.11. Par la suite, les soirs et les fins de semaine à sa résidence, il a procédé à
l’analyse des bandes vidéo du début de mars jusqu’à la fin d’avril. Comme
les 30 minutes pour le repas et les deux pauses de 15 minutes accordées
durant le quart de travail pouvaient varier dans le temps, ainsi que le
précise d’ailleurs les articles 16.03 et 16.04 de la convention collective, il
a donc dû, pour chacun des salariés, vérifier au moyen du système
informatique pour s’assurer que certains comportements inappropriés, à
titre d’exemple dormir au travail, ne se situaient pas dans des périodes où
ces employés étaient ainsi libres de leur temps (E-2 à E-5).
19.12. Il a été le seul à analyser et à faire la compilation des informations qui
apparaissaient sur les bandes-vidéo. Quelque 600 heures d’enregistrement auraient été théoriquement possibles. Cependant, la caméra n’était
en marche que lorsqu’il y avait mouvement dans la pièce. Il évalue
qu’environ 200 heures d’enregistrement ont été ainsi effectuées. Il estime
à un minimum de 150 heures le temps qu’il a dû consacrer au
visionnement des bandes vidéo, à l’analyse des cartes de temps et à la
compilation des données.
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19.13. Durant les quelque 150 heures qu’il a consacrées à visionner la bande
vidéo, bande d’ailleurs déposée à l’audience (E-12), il vérifiait trois
situations, soit celles où le travailleur dormait, celle de la simple perte de
temps alors qu’il aurait dû être au travail et le fait, qu’en apparence, il ne
semblait pas en mode travail. Pour les fins des avis disciplinaires, il n’a
cependant pas retenu ce dernier élément compte tenu de sa suggestivité.
19.14. C’est au début de mai qu’il a terminé son analyse. Il pouvait alors avoir un
échantillon représentatif et une vision exhaustive de la situation. Il a par la
suite été décidé de rencontrer les quatre salariés visés pour leur faire part
de ce qu’il avait constaté et recevoir leurs commentaires et justifications,
s’ils le jugeaient à propos, avant qu’une décision finale sur une sanction
ne soit prise.
[20] De l’interrogatoire de M. JEAN par le représentant du Syndicat, il y a lieu de
retenir les éléments suivants :
20.1. Il est vrai qu’il aurait pu prendre connaissance à chaque jour des bandes
vidéo, si ce n’est que ses responsabilités, notamment la négociation de la
convention collective qui était en cours, ne lui permettaient pas de
consacrer de telles énergies à cette tâche.
20.2. C’est parce qu’il s’agissait d’un dossier particulier et sensible qu’il a
décidé qu’il devait être le seul à visionner et analyser les bandes vidéo.
20.3. Lors de son premier visionnement, vers la mi-mars 2013, il a pu constater
certaines situations problématiques, mais il ne pouvait pour autant en
conclure s’il s’agissait de situations ponctuelles ou si on était plutôt devant
un « pattern » qui s’était installé. En somme, l’échantillonnage qu’il avait
alors n’était pas suffisant.
20.4. Il confirme qu’aucune captation d’images n’a été faite à la salle des
compresseurs.
20.5. Il réitère qu’il a été le seul à visionner les bandes vidéo. M. Saindon, au
tout début, a cependant visionné quelques passages. De même, le
directeur des ventes qui s’occupe d’informatique, M. Frédéric Jean, en a
visionné quelques bouts pour s’assurer que tout était fonctionnel.
20.6. Il se dit assuré que lorsqu’a été prise la décision d’installer des caméras
vidéo, il savait le nombre de contrôle effectué à l’improviste par
M. Saindon entre l’été et décembre 2012. Il n’en garde cependant pas de
souvenir.
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ARGUMENTATION DES PARTIES
A)
Argumentation du Syndicat
Après avoir résumé l’essentiel des témoignages entendus et évalué leur vraisemblance
et fait état notamment des articles 4.01 et 9.05 de la convention collective, le
représentant du Syndicat, à la lumière de la doctrine et de la jurisprudence qu’il dépose
(Annexe I) expose les principes que devait respecter l’Employeur lorsqu’il a décidé de
recourir à ce moyen de preuve qu’est l’utilisation de caméra vidéo. Il fait état
particulièrement de la « raisonnabilité » de ce moyen, de l’existence d’aucune
alternative, du lieu et de la portée de la surveillance, de sa durée, et de l’urgence d’agir.
Ce représentant insiste particulièrement sur le fait que le présent grief se fonde
spécifiquement sur l’article 46 de la Charte qui a été violé compte tenu que l’Employeur
n’a pas assuré des conditions de travail justes et raisonnables et qui respectent la
santé, la sécurité et l’intégrité physique des travailleurs. Celui-ci ne saurait à ce titre,
conclut-il, invoquer ses droits de gérance, ceux-ci devant forcément céder le pas devant
ces dispositions impératives de la Charte.
B)
Argumentation de l’Employeur
[21] Après un rappel des principaux éléments mis en preuve et à la lumière de
l’historique qui a amené la décision de l’Employeur de recourir à l’utilisation de caméras
vidéo, son procureur, particulièrement à la lumière de l’article 2858 du Code civil, et fort
de la jurisprudence qu’il dépose et qu’il analyse (Annexe II), fait valoir qu’il n’est pas
suffisant d’invoquer une atteinte aux droits et libertés fondamentaux dont jouissent les
travailleurs, ce qui n’est de toute façon pas le cas dans le présent dossier, mais, comme
l’impose l’article 2858, il faut que l’utilisation du moyen de preuve contesté soit
susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. Sur ce dernier sujet, il fait
remarquer qu’on est ici en matière d’arbitrage et que l’objectif essentiel qui doit guider
l’arbitre est de rechercher la vérité à partir d’une preuve qui est pertinente.
DÉCISION ET MOTIFS
[22] L’arbitre doit décider du bien-fondé de la décision de l’Employeur de faire
installer, en janvier 2013, deux caméras vidéo sur les lieux de travail des salariés de
l’usine I.
[23]
Après analyse, l’arbitre se doit de répondre affirmativement à la question posée.
[24] L’article 100.2 du Code du travail2 dispose que l’arbitre procède à l’instruction
d’un grief « selon la procédure et le mode de preuve qu’il juge appropriés ».
2
L.R.Q., c. C-27.
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[25] Si « La preuve de tout fait pertinent au litige est recevable et peut être faite par
tous les moyens », comme le précise l’article 2857 du Code civil du Québec (C.c.Q.),
l’article 2858 temporise cependant la latitude du décideur lorsqu’il prescrit que « Le
tribunal doit, même d’office, rejeter tout élément de preuve obtenue dans des conditions
qui portent atteinte aux droits et libertés fondamentaux et dont l’utilisation est
susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ».
[26] Le droit fondamental des salariés à des conditions de travail justes et
raisonnables qui respectent leur santé, sécurité et intégrité physique a-t-il été violé par
la décision de l’Employeur de faire installer deux caméras vidéo pour la période de la
mi-janvier au 26 avril 2013 et celui-ci avait-il des motifs raisonnables et sérieux de poser
un tel geste? Si la preuve ainsi obtenue est jugée illégale, son admissibilité serait-elle
susceptible de déconsidérer l’administration de la justice? Telles sont les questions que
soulèvent le présent grief.
[27] Le droit fondamental que plaide le Syndicat est enchâssé à l’article 46 de la
Charte, article qui se lit ainsi :
« 46. Toute personne qui travaille a doit, conformément à la loi, à des
conditions de travail justes et raisonnables et qui respectent sa santé, sa
sécurité et son intégrité physique. »
[28] Dans deux arrêts rendus à un mois d’intervalle, soit Ville de Mascouche et
Bridgestone3, la Cour d’appel a établi les principes qui devaient servir de guide pour
l’admissibilité ou le rejet d’une preuve obtenues par des moyens technologiques et en a
spécifié les principes fondamentaux applicables dans le domaine des relations du
travail. Ces décisions ont servi de cadre aux arbitres de griefs pour disposer de chacun
des cas d’espèce qui leur étaient soumis. Même si ces deux décisions de la Cour
d’appel ne se situent pas dans le cadre de l’utilisation d’une captation d’images sur les
lieux de travail, les principes qui s’en dégagent sont ici également valables.
[29] Compte tenu de l’importance de ces décisions, il y a lieu de reproduire certains
extraits de celles-ci :
Bridgestone (opinion du juge LeBel)
« En substance, bien qu’elle comporte une atteinte apparente au droit à la vie
privée, la surveillance à l’extérieur de l’établissement peut être admise si elle
est justifiée par des motifs rationnels et conduite par des moyens raisonnables,
comme l’exige l’article 9.1 de la Charte québécoise. Ainsi, il faut d’abord que
l’on retrouve un lien entre la mesure prise par l’employeur et les exigences du
bon fonctionnement de l’entreprise ou de l’établissement en cause. Il ne saurait
s’agir d’une décision purement arbitraire et appliquée au hasard. L’employeur
doit déjà posséder des motifs raisonnables avant de décider de soumettre son
3
Voir Annexes I et II.
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PAGE : 12
salarié à une surveillance. Il ne saurait les créer a posteriori, après avoir
effectué la surveillance en litige.
Au départ, on peut concéder qu’un employeur a un intérêt sérieux à s’assurer
de la loyauté et de l’exécution correcte par le salarié de ses obligations, lorsque
celui-ci recourt au régime de protection contre les lésions professionnelles.
Avant d’employer cette méthode, il faut cependant qu’il ait des motifs sérieux
qui lui permettent de mettre en doute l’honnêteté du comportement de
l’employé.
Au niveau du choix des moyens, il faut que la mesure de surveillance,
notamment la filature, apparaisse comme nécessaire pour la vérification du
comportement du salarié et que, par ailleurs, elle soit menée de la façon la
moins intrusive possible. Lorsque ces conditions sont réunies, l’employeur a le
droit de recourir à des procédures de surveillance qui doivent être aussi
limitées que possible. » (p. 27)
Ville de Mascouche (opinion du juge Gendreau)
« En second lieu, l’article est placé au Code civil, au titre de la preuve, où il est
conçu comme la seule exception à la règle de la recevabilité de tout élément
de preuve pertinent.
Enfin et surtout, l’article 2858 C.c.Q. fait l’obligation à la Cour (« Le tribunal
doit ») d’exclure la preuve pertinente si son obtention viole les droits
fondamentaux que dans la mesure où sa recevabilité serait susceptible de
déconsidérer l’administration de la justice. En d’autres termes, l’exclusion n’est
pas automatique. La preuve peut être admissible même si son obtention a été
réalisée en violation des droits fondamentaux. Le critère qui doit être satisfait
est celui de la déconsidération de la justice. Cela se vérifie d’autant que le juge,
gardien du système, peut, proprio motu, intervenir si, à son avis, une ou des
valeurs supérieures doivent prendre le pas sur le strict intérêt des parties
engagées dans un débat privé. […] (p. 17)
[…]
Le juge du procès civil est convié à un exercice de proportionnalité entre deux
valeurs : le respect des droits fondamentaux d’une part et la recherche de la
vérité d’autre part. Il lui faudra donc répondre à la question suivante : La gravité
de la violation aux droits fondamentaux, tant en raison de sa nature, de son
objet, de la motivation et de l’intérêt juridique de l’auteur de la contravention
que des modalités de sa réalisation, est telle qu’il serait inacceptable qu’une
cour de justice autorise la partie qui l’a obtenue de s’en servir pour faire valoir
ses intérêts privés? Exercice difficile s’il en est, qui doit prendre appui sur les
faits du dossier. Chaque cas doit donc être envisagé individuellement. Mais, en
dernière analyse, si le juge se convainc que la preuve obtenue en
contravention aux droits fondamentaux constitue un abus du système de
justice parce que sans justification juridique véritable et suffisante, il devrait
rejeter la preuve. » (p. 33-34)
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[30] Ainsi qu’il a été dit, les arrêts précités de la Cour d’appel ne visent pas des
situations qui s’apparentent à celles dont l’arbitre est ici saisi. Bridgestone traite d’une
filature vidéo effectuée pour vérifier si les activités d’une personne qui aurait été victime
d’un accident du travail étaient compatibles avec sa lésion professionnelle. Ville de
Mascouche concerne le congédiement de la directrice du Bureau des citoyens
(ombusman) à la suite de l’enregistrement de conversations téléphoniques par un
balayeur d’ondes.
[31] Dans la présente affaire, et il est important que la nuance soit faite, il s’agit d’une
captation d’images qui s’est effectuée de personnes salariées qui sont sur leur lieu de
travail et qui se sont engagées, selon les termes de l’article 2085 C.c.Q., à fournir leur
prestation de travail à un employeur en contrepartie d’une rémunération. Ainsi, un
salarié lorsqu’il est au travail dans les locaux de l’employeur ne saurait réclamer le
même respect de sa vie privée que lorsqu’il n’est pas dans un tel lieu. Son droit à la vie
privée n’est pas absolu mais plutôt relatif, en ce sens qu’il est alors en subordination
juridique face à son employeur et qu’il se doit d’accepter que son travail fasse l’objet
d’un contrôle de la part de ce dernier.
[32] La logique développée par le représentant du Syndicat n’est certes pas sans
intérêt, au contraire. C’est avec raison que celui-ci plaide l’importance du respect de
dispositions aussi fondamentales que celles de l’article 46 de la Charte visant le droit de
toute personne à des conditions de travail justes et raisonnables.
[33] L’objection du Syndicat à l’admissibilité de la preuve obtenue par des caméras
vidéo repose particulièrement sur cinq motifs, à savoir que l’Employeur n’avait pas de
raison sérieuse, mais que des soupçons, pour avoir recours à un tel moyen, qu’il y avait
d’autres façons de vérifier la dénonciation dont on lui avait fait part, que le lieu et la
portée de la surveillance devaient être mis en cause, que la durée de la surveillance a
été beaucoup trop longue et qu’il n’y avait pas urgence d’agir.
[34] Pour évaluer le bien-fondé de ce que soutient le Syndicat, il y a lieu de résumer
succinctement les faits et de les évaluer.
[35] En juin 2012, une personne salariée informe la coordonnatrice des ressources
humaines, Mme Thériault, qu’un salarié appartenant à l’équipe de nuit dort à l’occasion,
alors qu’il devrait être au travail.
[36] Cette information ne fera l’objet de vérifications de la part du coordonnateur de
l’entretien, M. Saindon, qu’au moyen de quelques visites impromptues sur les lieux du
travail et, surtout, par la vérification des cartes de temps, moyens qui n’ont pas permis
de valider de façon quelque peu satisfaisante l’information reçue.
[37] Ce ne sera que le 11 décembre 2012 que la même personne salariée dénoncera
de nouveau, cette fois à M. Saindon, le fait que le salarié dont elle avait fait état à
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Mme Thériault au mois de juin précédent, continuait à avoir le même comportement et
que cette situation était inéquitable par rapport aux autres salariés.
[38] L’Employeur, qui n’avait jusqu’alors effectué que des vérifications plus
standards, comprend qu’un problème plus sérieux existe peut-être et s’interroge sur la
façon d’en vérifier le bien-fondé.
[39] Après consultation et après avoir obtenu l’aval de l’équipe de direction, le
directeur des ressources humaines, M. Jean, décide qu’il y a lieu de faire installer deux
caméras vidéo, une au bureau de l’entretien et l’autre à la salle des compresseurs, ce
dernier endroit en étant un où il était plus facile de s’isoler.
[40] L’arbitre évalue que le présent contexte fournissait à l’Employeur un motif
sérieux et raisonnable pour s’assurer que les allégations qu’on lui avait faites étaient ou
non fondées. Rien dans la preuve dont l’arbitre dispose ne lui permettrait de conclure
qu’il s’agit de prétextes ou d’une justification a posteriori.
[41] Cette conclusion s’impose d’autant plus dans la présente affaire que les faits
doivent être analysés dans le cadre de la philosophie d’un employeur qui a pris le pari
qu’il pouvait faire confiance à son personnel, qui a ainsi décidé que les équipes de soir
et de nuit seraient autonomes et ne seraient l’objet d’aucune supervision directe et que
même l’équipe de jour ne serait pas supervisé par du personnel cadre, mais seulement
par un chef d’équipe syndicable. À un tel contexte d’autonomie au travail doit forcément
correspondre de la part du personnel un degré de responsabilisation correspondant.
[42] Une telle situation laissait peu de choix à l’Employeur sur les moyens pour
s’assurer si le salarié dont on voulait vérifier le comportement n’était fautif qu’à
l’occasion ou si un « pattern » s’était installé.
[43] En effet, l’arbitre évalue que l’Employeur ne possédait guère d’alternative pour
s’assurer de cette dernière situation que de recourir, dans les circonstances, à
l’utilisation de caméras vidéo. Agir autrement, notamment par la visite impromptue de
personnel cadre, visites qui auraient dû être forcément fréquentes, aurait été à
l’encontre des principes de l’autonomie de gestion dont jouissait notamment l’équipe de
nuit.
[44] Quant à la durée de la captation d’images, soit plus de trois mois, l’arbitre retient
le témoignage de M. Jean qui a justifié ce long délai non seulement par les nombreuses
responsabilités qui étaient les siennes, mais surtout parce qu’il ne voulait pas que
d’autres personnes prennent connaissance d’un contenu dont l’appréciation relevait au
premier titre du poste qu’il occupait notamment, soit directeur des ressources
humaines. Cette discrétion de M. Jean ne peut que recevoir l’aval de l’arbitre. De plus,
cette situation se justifie par le fait que la personne qui faisait l’objet de vérification
travaillait sur l’équipe de nuit et qu’elle n’était ainsi susceptible de se présenter au
travail à ce titre qu’aux trois semaines.
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[45] Relativement au lieu et à la portée de la surveillance vidéo, l’arbitre note que
celle-ci a eu un caractère plutôt restreint puisqu’elle ne s’est effectuée qu’à deux
endroits spécifiques où étaient possibles que se produise le geste dénoncé, que peu de
personnes étaient susceptibles d’y circuler et que le visionnement des bandes vidéo ne
l’a été, à toutes fins utiles, que par la même personne, soit le directeur des ressources
humaines.
[46] En somme, l’arbitre conclut que la surveillance effectué par caméras vidéo l’a été
dans le respect des principes établis par la Cour d’appel dans les arrêts Ville de
Mascouche et Bridgestone.
[47] Compte tenu de la conclusion à laquelle il en vient, l’arbitre n’a pas à disposer du
fait, ainsi que le prescrit l’article 2858 C.c.Q., que l’admissibilité et l’utilisation de la
preuve vidéo auraient pu être susceptibles de déconsidérer l’administration de la
justice.
[48] Sur ce dernier sujet, et dans le contexte propre aux faits dont il est saisi, l’arbitre
est plutôt enclin à penser que le refus de recevoir en preuve cette preuve vidéo aurait
été davantage susceptible de déconsidérer l’administration de la justice puisqu’une
preuve pertinente qui n’aurait pu qu’éclairer le tribunal pour disposer des griefs dont il
était saisi aurait été ainsi écartée.
[49] Dans les circonstances, l’arbitre conclut que l’Employeur était en droit de faire
installer deux caméras vidéo sur les lieux de travail de certains salariés de l’usine I.
DISPOSITIF
[50]
POUR CES MOTIFS, L’ARBITRE :
50.1. REJETTE le grief du 7 mai 2013 de UNIFOR Québec;
50.2. DÉCLARE que Moulage sous pression AMT inc. était en droit de faire
installer deux caméras vidéo sur les lieux de travail de certains salariés de
l’usine I, et ce, durant la période de la mi-janvier 2013 au 26 avril 2013.
__________________________________
Me JEAN-GUY ROY, arbitre
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ANNEXE I
Lois, doctrine et jurisprudence déposées par le Syndicat
Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q. chapitre C-12 (extraits);
Code civil du Québec, L.R.Q. (extraits);
Jean-François PEDNEAULT, Linda BERNIER et Lukasz GRANOSIK, Les droits de la
personne et les relations du travail, m. à j. 34 – avril 2014, Éditions Yvon Blais;
Liberty Smelting Works (1961) Ltd et Syndicat international des travailleurs unis de
l’automobile, de l’aéronautique, de l’astronautique et des instruments aratoires
d’Amérique (TUA), local 1470, Me Guy Dulude, arbitre, 23 août 1972, SAG 5430;
Union des routiers, brasseries, liqueurs douces et ouvriers de diverses industries,
(section locale 1999) et Brasserie Labatt ltée, (Montréal), Me Claude H. Foisy, arbitre,
11 janvier 1999, AZ-99141098;
Ville de Mascouche c. Huguette Houle et Commission municipale du Québec et al.,
C.A. (Montréal), 28 juillet 1999, no 500-09-005984-976;
Syndicat des travailleurs(euses) de Bridgestone Firestone de Joliette (CSN) c. Me Gilles
Trudeau et Brudgestone/Firestone Canada inc., C.A. (Montréal), 30 août 1999,
no 500-09-001456-953;
Centre hospitalier de Buckingham et Syndicat des technologues en radiologie du
Québec (C.P.S.), Me Jean-Yves Durand, arbitre, 8 juillet 2002, AZ-02145134;
Garaga inc. et Syndicat des salariés de garage (C.S.D.), Me Gilles Laflamme, arbitre,
10 octobre 2002, AZ-02141300;
Société des alcools du Québec et Syndicat des travailleuses et travailleurs de la
Société des alcools du Québec (SCFP), section locale 3535T, Me Louis B.
Courtemanche, arbitre, 21 décembre 2004, AZ-50293590;
Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal, section locale 301 et Ville de Montréal
(arrondissement Côte-St-Luc/Hampstead/Montréal-Ouest), Me Carol Jobin, arbitre,
14 avril 2005, AZ-50315116;
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Syndicat national des travailleurs des pâtes et papiers de Donnacona inc. (CSN) et
Produits forestiers Alliance inc. (Bowater), Me Francine Beaulieu, arbitre, 15 avril 2008,
AZ-50487873;
CHSLD Vigi Dollard-des-Ormeaux et Syndicat québécois des employées et employés
de service, section locale 298 (FTQ), Me Jean Barrette, arbitre, 14 avril 2014,
AZ-51083143.
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A N N E X E II
Jurisprudence déposée par l’Employeur
Société de transport de la Ville de Laval et Syndicat des chauffeurs d’autobus de la
Société de transport de la Ville de Laval (CSN), M. Gilles Ferland, arbitre, 22 janvier
1999;
Syndicat des chauffeurs de la Société de transport de la Ville de Laval (C.S.N.) c. Gilles
Ferland et Société de transport de la Ville de Laval, C.S. (Montréal), 27 avril 1999,
no 500-05-048223-992 (pourvois rejetés en Cour d’appel et en Cour suprême);
Ville de Mascouche c. Huguette Houle et Commission municipale du Québec et al.,
C.A. (Montréal), 28 juillet 1999, no 500-09-005984-976, AZ-50066665;
Syndicat des travailleurs(euses) de Bridgestone Firestone de Joliette (CSN) c. Me Gilles
Trudeau et Brudgestone/Firestone Canada inc., C.A. (Montréal), C.A. (Montréal),
30 août 1999, no 500-09-001456-953, AZ-50067177;
Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier et Induspac, division
Corrugué inc., Me Claude H. Foisy, arbitre, 21 février 2000, AZ-00141119;
Syndicat des employés municipaux de la Ville de Saguenay, (C.S.N.) et Ville de
Saguenay, Me Jean M. Morency, arbitre, 15 mars 2005;
Syndicat des empoyé-e-és de techniques professionnelles et de bureau d’HydroQuébec (SCFP/FTQ), section locale 2000 et Hydro-Québec, Me Denis Tremblay,
arbitre, 29 juin 2005;
Travailleurs québécois de la pétrochimie et Ultramar, Me Carol Jobin, arbitre, 27 août
2009, AZ-50573211;
Métro-Richelieu inc. (site centre de distribution Mérite 1) et Travailleurs et travailleuses
de l’alimentation et du commerce, section locale 501, Me René Beaupré, arbitre,
27 janvier 2010, AZ-50622024;
Syndicat des employé-e-és de métiers d’Hydro-Québec, section locale 1500 et HydroQuébec, Me Denis Nadeau, arbitre, 15 août 2010;
René Marcil c. Hydro-Québec, région Saguenay, Me Myriam Bédard, juge administratif,
20 juin 2014, 2014 QCCRT 0337;
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Hydro-Québec et Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 1500,
Me Claude Martin, arbitre, 29 janvier 2015, 2015 QCTA 90.
Jurisprudence déposée par l’Employeur après la conférence téléphonique du
9 mars 2015
Société des alcools du Québec et Syndicat des travailleuses et travailleurs de la
Société des alcools du Québec (SCFP), section locale 3535T, Me Louis B.
Courtemanche, arbitre, 21 décembre 2004, AZ-50293590;
Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et autres travailleurs et
travailleuses du Canada (TCA -Canada) et Cummings Est du Canada, M. Marc Poulin,
arbitre, 15 juin 2007.