Infections à Hantavirus en Ile-de-France
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Infections à Hantavirus en Ile-de-France
Infections à Hantavirus en Ile-de-France A. Lautrette1, J. Merrer2 et B. Murgue3 1 Service de néphrologie A, Hôpital Tenon, Paris ; Département de santé publique, Centre hospitalier de Poissy/St-Germain-en-Laye, Poissy ; 3 Département société et santé, Institut de recherche et de développement, Paris 2 L’infection à Hantavirus du genre Puumala est bien connue dans le Nord-Est de la France. Cependant, bien que des cas de cette infection soient rapportés régulièrement en Ile-de-France, elle y reste méconnue. Une étude rétrospective est menée sur les cas répertoriés d’infection à Hantavirus diagnostiquée en Ile-de-France de janvier 1999 à décembre 2000, afin de déterminer les caractéristiques épidémiologiques et la prise en charge médicale en région non endémique. Pendant la période d’étude, quatorze cas sont diagnostiqués et tous hospitalisés. La présentation clinique est identique à celle rencontrée en région endémique, se manifestant par un syndrome algique fébrile associé à une insuffisance rénale, une thrombopénie modérée et parfois accompagnée d’une myopie aiguë transitoire, signe caractéristique de l’infection. Tous les patients ont au moins un facteur de risque de contamination (contact avec la forêt ou locaux désaffectés). L’évolution est spontanément favorable avec récupération ad integrum pour douze patients. Cependant un patient ayant de lourds antécédents est décédé et un autre a développé une hypertension artérielle. On note l’existence d’une accumulation d’examens complémentaires parfois invasifs, précédant le diagnostic. L’infection à Hantavirus de type Puumala en Ile-de-France est souvent d’évolution spontanément favorable. Le retard au diagnostic est à l’origine d’une accumulation d’examens complémentaires parfois invasifs, qui pourraient être évités par une meilleure connaissance de cette affection. Hantavirus infections, Puumala serotype, is a well-known disease in the northeast of France, but not in the Paris area, despite regularly diagnosed cases. A retrospective study was performed from January 1999 to December 2000 to assess the clinical and epidemiological characteristics of this disease in the « Région Ile-de-France ». Fourteen cases were diagnosed. All required hospitalisation. Patients presented usually with high fever, pain, renal failure, moderate thrombocytopenia and, sometimes, transitional acute myopia witch is pathognomonic of the disease. In each case, a contact with a forest was found. Twelve patients recovered completely. One patient with pre-existing chronic renal and hepatic failure died and another developed a persistent arterial hypertension. Invasive procedures were often used before the diagnosis. Hantavirus infections does exist in the « Région Ile-deFrance ». Failure to recognise this disease in this area lead to unnecessary invasive procedures and hospitalisations. Mots-clés : Hantavirus – Virus – Insuffisance rénale – Thrombopénie – Fièvre hémorragique virale – Ile-de-France. Key words : Hantavirus – Virus – Renal failure – Thrombocytopenia – Viral hemorrhagic fever – Ile-de-France. ● Abréviations ARN : acide ribonucléique ECG : électrocardiogramme HPS : syndrome pulmonaire à Hantavirus TCA : temps de céphaline activée IgM : immunoglobuline de type M CNR : Centre national de référence des arboviroses et des fièvres hémorragiques virales de l’Institut Pasteur (Paris) IgG : immunoglobuline de type G FSHR : fièvre hémorragique à syndrome rénal ■ Introduction blable qu’elles existent en raison de la proximité de trois départements franciliens avec la région d’endémie.6,7 Une étude épidémiologique rétrospective des infections à Hantavirus type Puumala a été réalisée en Ile-de-France afin de déterminer les caractéristiques de l’infection et de la prise en charge des patients dans cette région. Si les infections à Hantavirus de type Puumala sont bien connues dans les régions du Nord-Est de la France,1,2,3,4,5 elles le sont beaucoup moins en Ile-de-France. Il est cependant vraisem- Néphrologie Vol. 24 n° 4 2003, pp. 167-171 167 articles originaux Résumé • Summary ■ Méthode Tableau II: Signes cliniques motivant la consultation aux urgences et évocateurs de l’infection à Hantavirus pendant l’hospitalisation. Le nombre de patients infectés à Hantavirus a été établi à partir des examens sérologiques positifs déterminés par le Centre national de référence (CNR) des arboviroses et des fièvres hémorragiques virales de l’Institut Pasteur, provenant des hôpitaux d’Ilede-France pendant une période d’étude de deux ans (janvier 1999 à décembre 2000). Les services hospitaliers concernés ont été contactés afin de recueillir des données clinico-biologiques à partir des compte rendus d’hospitalisation et des dossiers hospitaliers des patients. Puis les patients ont été joints par téléphone pour préciser les données épidémiologiques d’infestation. La région Ilede-France est composée de huit départements (75, 77, 78, 91, 92, 93, 94, 95), dont trois (77, 93, 95) ont été considérés comme à risque, car mitoyens de régions d’endémie (l’Oise et la Marne). Signes cliniques motivant la consultation Signes cliniques pendant l’hospitalisation ■ Résultats Quatorze cas sont retenus, parmi eux treize patients sont recontactés par téléphone. Les caractéristiques épidémiologiques sont résumées dans le tableau I. Tableau I: Caractéristiques épidémiologiques de la population infectée. N = 14 Fièvre 14 (100%) Douleur abdominale et/ou troubles digestifs 11 (78%) Céphalées 11 (78%) Lombalgies 8 (57%) Syndrome grippal 7 (50%) Hématurie macroscopique 1 (7%) Syndrome algique 13 (92%) Signes digestifs 12 (86%) Myopie 5 (35%) Signes ORL 4 (28%) Signes dermatologiques 2 (14%) Signes hémorragiques 3 (21%) Signes cardiologiques 2 (14%) Signes pneumologiques 1 (7%) Anomalies à l’ECG 3 (21%) Nombre de patients documentés Résultats N : nombre de patients infectés ; ORL : oto-rhino-laryngologiques ; ECG : électrocardiogramme. Sexe ratio : homme/femme 14 1,8 Age moyen 14 34 ans (17-67 ans) La présentation clinique initiale de l’infection est un syndrome algique diffus associé à une fièvre souvent élevée en moyenne de 39,5°C. La composante fébrile est une donnée importante car présente chez l’ensemble des patients. Notons que les signes hémorragiques (une hématurie macroscopique, une hémorragie conjonctivale, une gingivorragie) sont rapidement résolutifs. Le signe caractéristique de l’infection : la myopie aiguë n’est présent que chez cinq patients sur quatorze. La myopie est transitoire, d’une durée maximale de 72 heures. Par ailleurs des symptômes fréquents dans les pathologies virales telles que la pharyngite et l’érythème, sont rapportés dans près de la moitié des cas. Les signes cardiologiques et pneumologiques sont respectivement représentés par une hypertension artérielle et une toux sèche. Les bradycardies constatées à l’ECG, jamais menaçantes, sont rapidement résolutives. Concernant l’atteinte rénale (tableau III), l’ensemble des patients développe une insuffisance rénale aiguë (définie par une élévation soudaine de la créatininémie supérieure à 100 µmol/l) modérée ne nécessitant pas d’épuration extrarénale. Seul un patient a une créatininémie normale à son admission. La protéinurie détectée chez douze patients sur quatorze, est élevée, en moyenne près de 2 g/l ; alors que l’hématurie ne touche que la moitié des patients dont un seul est atteint d’hématurie macroscopique. Une thrombopénie définie par un taux de plaquette inférieur à 150 000/mm3 est retrouvée chez onze patients sur quatorze (tableau III), dont dix ont un taux inférieur à 100 000/mm3. L’intensité de la thrombopénie est modérée, le taux de plaquettes le plus bas rapporté de 24 000/mm3 ; et chez trois patients on retrouve un allongement du TCA au maximum à 1,5 fois le temps témoin. Trois patients ont eu un syndrome mononucléosique, défini par une monocytose supérieure à 800/mm3 et la présence de grandes cellules mononucléées Critères épidémiologiques Néphrologie : 8 Réanimation : 2 Répartition des patient dans les services d’hospitalisation 14 Hématologie : 1 Dermatologie : 1 Infectiologie : 1 Médecine interne: 1 articles originaux Signes cliniques Durée d’hospitalisation 13 6,5 ± 2,4 jours (3-12 jours) Nombre de patients habitant en zone à risque (77, 93, 95)* 14 9 (64%) Délai entre l’admission du patient et la confirmation sérologique 14 8,3 ± 2,3 jours (5-15 jours) *: Départements d’Ile-de-France (77 : Seine et Marne, 93 : Seine Saint-Denis, 95 : Val-d’Oise). Moy. : moyenne ; ( ) : valeurs extrêmes. Les patients sont hospitalisés dans dix hôpitaux différents répartis sur six des huit départements d’Ile-de-France. C’est une infection qui touche principalement les hommes jeunes. La plupart des patients envoyés par leur médecin traitant consultent aux urgences pour exploration d’une fièvre. La découverte d’une insuffisance rénale souvent associée à une thrombopénie, sans cause évidente, a imposé dans tous les cas une hospitalisation principalement dans les services de néphrologie ou en réanimation dans les hôpitaux sans service de néphrologie. Les signes cliniques motivant la consultation (tableau II) ainsi que ceux décrits en cours d’hospitalisation (tableau II) sont principalement de la fièvre, des troubles digestifs ou des céphalées. 168 Néphrologie Vol. 24 n° 4 2003 Tableau III: Signes biologiques habituellement anormaux, caractéristiques de l’infection à Hantavirus à l’admission des patients et pendant l’hospitalisation. Nombre de patients avec une valeur anormale/nombre total Résultats 12/13 (92%) 321 ± 230 µmol/l (100-901µmol/l) 12/14 (86%) 1,96 ± 1,42 g/l (0,7-5,6 g/l) Thrombopénie <100 000/mm 9/12 (75%) 53 000 ± 17 000/mm3 (24 000-75 000/mm3) Hématurie > 10 000 GR/ml 7/14 (50%) * Créatininémie maximale 14/14 (100%) 458,7 ± 237µmol/l (124-901 µmol/l) Taux de plaquette minimal 11/14 (78%) 53 500 ± 23 000/mm3 (24 000-123 000/mm3) Syndrome mononucléosique 3/14 (21%) * Cytolyse hépatique 8/12 (67%) 2,7 ± 1,6N (1,5-6N) Hyperleucocytose à PN 6/14 (43%) 13 433 ± 5888/mm3 (7900-24 000/mm3) Allongement du TCA 3/14 (21%) 1,31 ± 0,177N (1,2-1,56N) Créatininémie > 100 µmol/l Protéinurie > 0,3 g/l 3 Signes biologiques à l’admission Signes biologiques durant l’hospitalisation GR : globules rouges ; ( ) : valeurs extrêmes ; N : valeur normale ; TCA : temps de céphaline activée ; PN : polynucléaire neutrophile. L’hyperleucocytose à PN est définie par PN > 7000/mm3. tableau d’encéphalopathie hépatique au décours d’une mise sous corticothérapie à forte dose pour suspicion de vascularite. La durée moyenne d’hospitalisation (tableau I) est de 6,5 jours. La prise en charge hospitalière est marquée par une diversité et une abondance d’examens complémentaires. Six patients sur quatorze subissent au moins un examen invasif (tableau V). Parmi ceux-ci, deux biopsies rénales sont réalisées au deuxième jour d’hospitalisation, et une cœlioscopie devant un tableau abdominal évoquant une pathologie chirurgicale. Des examens immunologiques (dosage de complément sérique, facteur antinucléaire, anticorps anti-cytoplasmique des polynucléaires) sont effectués chez la plupart des patients, comme on pouvait s’y attendre étant donné que les maladies de système représentent le principal diagnostic différentiel de l’infection à Hantavirus. Tableau V : Examens complémentaires effectués pendant l’hospitalisation. Examens complémentaires Nombre de patients Examens immunologiques 10/14 (71%) Biopsie rénale 2/14 (14%) Cœlioscopie 1/14 (7%) Fibroscopie bronchique 1/14 (7%) Fibro-coloscopie digestive 1/14 (7%) Myélogramme 1/14 (7%) Echographie abdominale 7/14 (50%) Tableau IV : Répartition des facteurs de risque de l’infection à Hantavirus en Ile-de-France. Facteurs de risque Contact avec la forêt Activité dans un local abandonné Zones à risque Nombre de patients 12/14 (86%) 11/14 (78%) Zones à risque : définies par les régions d’endémie (Oise) et les départements d’Ile-de-France limitrophes. Néphrologie Vol. 24 n° 4 2003 ■ Discussion 5/14 (35%) Les Hantavirus provoquent une maladie décrite depuis plus de 1000 ans en Asie : la fièvre hémorragique à syndrome rénal (FSHR). Les Hantavirus appartiennent à la famille des Bunyuviridae, genre Hantavirus qui comprend plusieurs génotypes. Ce 169 articles originaux hyperbasophiles. Parmi les autres anomalies biologiques (tableau III), on remarque une majorité de patients ayant une cytolyse hépatique modérée allant de 1,5 à 6 fois les valeurs normales, sans signe de cholestase. La certitude diagnostique est établie par une positivité des IgM anti-Hantavirus affirmant une infestation récente. Il faut noter que trois cas sur onze ont fait l’objet d’une seconde sérologie pour mettre en évidence l’ascension des anticorps. Le délai entre l’admission du patient et la confirmation de la sérologie au centre de référence est en moyenne de 8,3 jours (tableau I). Les facteurs de risque de contamination retenus (tableau IV) sont : soit une promenade ou un travail en forêt en Ile-de-France ou dans l’Oise, soit une activité dans un local abandonné près d’une forêt, dans le mois qui précède l’hospitalisation. Tous les patients présentent au moins l’un des deux facteurs de risque. Notons que dans la grande majorité des cas, la contamination se fait en région d’endémie (Oise) ou dans les trois départements d’Ile-de-France à risque (77,93,95), pendant la période de juillet à novembre (11 cas sur 14). La quasi-totalité des patients récupère parfaitement de toutes les anomalies clinico-biologiques, et sans aucune séquelle pour la fonction rénale. Il faut toutefois noter qu’une patiente conserve une hypertension artérielle nécessitant un traitement depuis son infection ; et qu’un patient ayant de très lourds antécédents (cancer du rein, cirrhose virale et œnolique) est décédé dans un articles originaux sont des virus enveloppés, à ARN segmenté,8,9 d’une taille de 80 à 120 nm de diamètre. Ils sont rencontrés en Asie, en Europe et sur le continent américain. En Europe, la FHSR ou néphropathie épidémique avait été identifiée au niveau clinique avant la découverte de l’agent causal, le virus Puumala, chez un campagnol (le campagnol roussâtre : Clethrionomys glareolus) en 1983. Le virus Puumala circule en Europe du Nord atteignant le nordest de la France. Le virus Dobrava est aussi responsable de FHSR dans les Balkans et plus récemment en Estonie, Hongrie et Allemagne, de même que le virus Séoul inféodé aux rats est cosmopolite.10 Sur le continent américain, à partir de 1993, des syndromes pulmonaires à Hantavirus (HPS)11,12,13 sont décrits (virus Sin Nombre, Andes, etc.) avec un taux de mortalité pouvant atteindre 50%.8 Le premier cas d’importation en Europe d’HPS a été décrit en 2002.14 En France, l’infection par le virus Puumala est endémique dans cinq zones du nord-est de la France : les Ardennes, les environs de Nancy, la Franche-Comté, la vallée de l’Oise et de la Marne.5 On constate des cycles épidémiques tous les trois ans probablement dus aux pics de croissance du campagnol. La contamination se fait par inhalation d’excrétas du rongeur pendant des activités en forêt ou dans des locaux abandonnés mitoyens de forêts.15 Après une incubation d’une semaine à un mois et demi, les manifestations cliniques sont un syndrome grippal brutal, des douleurs abdominales, une myopie aiguë. Les examens biologiques mettent en évidence une insuffisance rénale aiguë dans la moitié des cas, secondaire à une néphrite interstitielle aiguë avec des suffusions hémorragiques ; on note une protéinurie dans 70% des cas, souvent supérieure 2 g/l.3,9 Le recours à l’hémodialyse est nécessaire dans moins de 10% des cas. La seconde anomalie biologique caractéristique est une thrombopénie périphérique souvent supérieure à 50 000 plaquettes/mm3, présente dans 98% des cas.3,9 Les manifestations hémorragiques sont rares en dehors d’une hématurie dans 35% des cas. Le traitement de la virose est purement symptomatique, la convalescence s’étale de trois semaines à trois mois avec disparition des signes clinico-biologiques. Les séquelles (hypertension artérielle, protéinurie résiduelle, insuffisance rénale chronique) sont exceptionnelles.16,17,18 Le diagnostic est sérologique, et à ce jour, seul le CNR des arbovirus de l’Institut Pasteur à Paris pratiquait cet examen. La mise sur le marché de kits commerciaux de diagnostics devrait multiplier le nombre des laboratoires pouvant réaliser cet examen. Alors que les médecins du nord-est de la France connaissent bien cette infection ; ceux des autres régions sont moins sensibles à ce diagnostic. Cependant des infections ont régulièrement été rapportées en Ile-de-France depuis 1990,7,19 sous forme de cas clinique, révélant la rareté de l’infection à Hantavirus dans cette région alors qu’à chaque description, la présentation était typique. Une étude de la séroprévalence de la fièvre hémorragique avec syndrome rénal chez 219 travailleurs forestiers en Ile-de-France a permis de mettre en évidence un taux élevé d’IgG dans seulement quatre sérums provenant de travailleurs des départements 77 et 78, mais aucun sérum n’avait d’IgM.6 Une enquête identique effectuée dans le département de l’Oise, avait révélé une séroprévalence de 14% du personnel forestier. Cette population particulièrement exposée au risque de contamination pourrait servir de population sentinelle pour la surveillance de la circulation du Hantavirus en France. 170 L’infection à Hantavirus reste une pathologie rarement diagnostiquée en Ile-de-France. En effet, sur la période d’étude 1999-2000, seuls 14 des 180 sérums positifs proviennent de patients d’Ile-de-France. Au cours de cette même période les médecins d’Ile-de-France ont envoyé 297 des 2831 sérums testés au CNR. La présentation clinique de l’infection à Hantavirus des patients hospitalisés en Ile-de-France est identique à celle des régions d’endémie du nord-est de la France3,9 La symptomatologie typique est celle d’un syndrome algique diffus avec une prédominance de céphalées ou de douleurs abdominales, associé à une fièvre élevée, une insuffisance rénale aiguë protéinurique et une thrombopénie. Il semble essentiel pour orienter le diagnostic d’infection à Hantavirus de rechercher à l’interrogatoire un signe très caractéristique, presque pathognomonique : la myopie aiguë transitoire, qui n’est présente que dans un tiers des cas.9 De plus, il faut faire préciser s’il existe des facteurs de risque : contact avec la forêt ou local abandonné mitoyen de forêt ; ces éléments étaient présents chez l’ensemble des patients de l’étude. Il est vrai que le tableau clinique initial, sans la recherche de ces éléments caractéristiques de l’infection à Hantavirus, peut être évocateur d’autres diagnostics : vascularite, sepsis digestif ou urinaire grave, microangiopathie thrombotique, leptospirose. La méconnaissance du diagnostic, mise en évidence par le long délai (plus d’une semaine en moyenne) entre l’admission du patient et la confirmation de la sérologie au centre de référence, est à l’origine d’une accumulation d’examens complémentaires coûteux et surtout invasifs dans des tableaux pourtant évocateurs d’infections à Hantavirus. Lorsque le diagnostic n’est pas évoqué, la pratique de la biopsie rénale est une attitude logique car le diagnostic différentiel principal est celui d’une glomérulonéphrite rapidement progressive dans le cadre d’une vascularite. C’est pour cette raison que la recherche de facteurs de risque d’infection à Hantavirus doit être systématique, afin de pratiquer une sérologie Hantavirus dont les résultats seront disponibles en 24 heures et d’éviter ainsi tout geste invasif non dénué de risque. Une seconde sérologie est rarement demandée, elle a pourtant un double intérêt. D’une part, une apparition différée des IgM spécifiques peut aboutir à un sérodiagnostic faussement négatif sur la première sérologie et, d’autre part la détection d’IgM isolées sans IgG spécifiques correspondantes sur le premier prélèvement, nécessite un second prélèvement à 5-15 jours d’intervalle pour confirmer le diagnostic, car des activations polyclonales d’IgM à l’origine de fausses positivités sont parfois observées. Les cas d’infections à Hantavirus en Ile-de-France répertoriés sont rares, cependant ils sont probablement sous-estimés étant donné la présentation clinique évocatrice d’une virose d’évolution spontanée souvent favorable sans séquelle et la méconnaissance de cette pathologie par les médecins d’Ile-de-France. ■ Conclusion L’infection à Hantavirus de sérotype Puumala est rare mais existe bien en Ile-de-France. Des éléments cliniques évocateurs (myopie, insuffisance rénale aiguë, thrombopénie) associés à des données épidémiologiques (contact avec la forêt) permettent de suspecter ce diagnostic. Cette pathologie est en général d’évolution très favorable, sans séquelle, mais elle nécessite d’être diag- Néphrologie Vol. 24 n° 4 2003 nostiquée afin d’éviter une durée d’hospitalisation prolongée et surtout la pratique d’examens complémentaires invasifs pouvant donner lieu à des complications. 5. Le Guenno B, Coudrier D, Camprasse MA. Les Hantavirus : aspects virologiques et diagnostiques. 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Remerciements Dr Soupison, Service de réanimation médicale, Hôpital d’Eaubonne ; Dr Montseny, Service de médecine interne, Hôpital de Pontoise ; Pr Lang, Service de néphrologie, Hôpital Henri Mondor (Créteil) ; Dr Barbanel, Service de néphrologie, Hôpital de Meaux ; Pr Blétry et Dr Piette, Service de médecine interne, Hôpital Foch (Suresnes) ; Dr Bournerias, Service de médecine interne, Hôpital de Saint-Cloud ; Pr Sraer, Service de néphrologie A, Hôpital Tenon (Paris) ; Dr Outin, Service de réanimation médicale, Hôpital de Poissy ; Pr Meyohas, Service des maladies infectieuses et tropicales, Hôpital Saint-Antoine (Paris) ; Pr Clauvel, Service d’hématologie et immunologie, Hôpital Saint-Louis (Paris). Adresse de correspondance : Dr Alexandre Lautrette Service de réanimation médicale Hôpital Bichat 46, rue Henri-Huchard F-75877 Paris Cedex 18 7. Dell’isola B, Cacoub P, Gatfosse M, Rollin PE, Jacomet C, Godeau P. Forme sévère de fièvre hémorragique avec syndrome rénal. 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Date de soumission : novembre 2002 Date d’acceptation : mars 2003 171 articles originaux Références