Filmtext Dirigentin franz
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Filmtext Dirigentin franz
KuBus 70 Femme chef d’orchestre, un métier de rêve Réalisation: Cuini Amelio Ortiz & Hector Navarrete 00'00" Titre 00'48" L’idée d’orchestre est étroitement liée à la personne de son chef. Quand celui -ci apparaît, les applaudissements fusent, dès qu’ il lève sa baguette, le silence se fait. Cette profession a quelque chose de fascinant. Un homme en frac transmet sa représentation des sons à tous les musiciens. Une femme, au pupitre, est encore une apparition peu commune. 01'15" Simone Young, directrice musicale et directrice générale (DG) de l’opéra de Hambourg ; directrice musicale de l’orchestre philharmonique d’état de Hambourg « Si on demandait dans la rue à quelqu’un de 25 ans : « A quoi ressemble un chef d’orchestre ? », il évoquerait Karajan ou Bernstein. Déjà dans les films de Walt Disney, le chef ressemble toujours à Léopold Stokowski : un monsieur fluet, avec une toison grise d’artiste. C’est à ça qu’il se doit de ressembler. Moi je suis tout à fait différente et c’est toujours un peu un choc. » 01'47" Shi-Yeon Sung, étudiante à l’Académie de musique Hanns Eisler de Berlin « Le regard des musiciens est différent. Je connais ça. La première fois que je me présente devant l’orchestre, ils me regardent autrement qu’ils ne regardent mes collèges : « Tiens, c’est une femme ! Voyons ce qu’elle va faire ! » Voilà ce que je ressens à ce moment là. » 02'14" Catherine Rückwardt, directrice musicale au théâtre d’état de Mayence « Je crois que c’est lié aux paroles d’Elias Canetti, disant que le chef d’orchestre est le dernier bastion du pouvoir et de l’autorité, et que les femmes, d’un certain côté peut-être, n’osent pas y aspirer. Dans mon cas, c’était vraiment ça. Je n’avais pas d’emblée l’intention de devenir chef d’orchestre. Par ailleurs, au sein du public et des commissions de recrutement, on voit les choses un peu de la même manière : « Il nous faut un maestro, un représentant de l’autorité masculine. ». » 02'50" Au théâtre d’état de la ville de Mayence, la directrice musicale s’appelle Catherine Rückwardt. Elle fut une des premières femmes à occuper un tel poste dans un opéra allemand. Depuis 20 ans, elle dirige avec succès son d’orchestre. 03'20" Catherine Rückwardt, directrice musicale au théâtre d’état de Mayence « C’est un grand pas à franchir entre la fonction de répétiteur ou de directeur d’études et celle du Premier Kapellmeister – mais c’est aussi difficile pour un homme que pour une femme. » 03'34" Simone Young, directrice musicale et DG d’opéra à Hambourg « S’il y a opposition à une femme, elle ne vient pas de l’orchestre mais souvent de la direction. Une femme est systématiquement considérée comme un facteur de risque. » 03'49" Catherine Rückwardt, directrice musicale au théâtre d’état de Mayence « Je me souviens d’avoir reçu un appel très gentil après m’être présentée dans un théâtre comme Kapellmeister : « Nous sommes vraiment désolés, mais nous avons déjà une femme. » C’était comme s’ils disaient : « Nous avons déjà quelqu’un qui porte des lunettes. » 04'03" Simone Young, directrice musicale et DG d’opéra à Hambourg « Pendant des années, ça m’a terriblement énervée d’être constamment mise à l’épreuve. Quand j’avais du succès avec Wagner, on disait : « Oui, mais sait-elle diriger Mozart ? » Si j’avais alors un succès éclatan t avec Mozart, c’était : « Oui, mais elle ne sait probablement pas diriger les Français. » J’ai toujours dû faire mes preuves dans chaque nouveau domaine. Peut-être que cela aurait été différent pour un homme – ou peut-être pas. Je ne sais pas. » 04'36" Parmi les noms des plus grands chefs d’orchestre du monde, figure aussi celui de l’Australienne Simone Young. Non seulement on l’invite à diriger les orchestres les plus réputés de la planète, mais elle est également la nouvelle directrice musicale et directrice générale de l’opéra de Hambourg, ainsi que directrice musicale de l’orchestre philharmonique d’état de Hambourg. 04'58" Simone Young, directrice musicale et DG d’opéra à Hambourg « Je m’étonne toujours de ce genre de préjugés. Moins je les rencontre, plus je m’étonne d’ailleurs... Il y a quelques années, j’ai connu un cas comme ça. Je discutais du programme d’un concert avec le directeur d’un orchestre allemand. Il voulait savoir ce que je désirais diriger et je lui ai dit : « Bruckner. » Alors il m’a demandé : « Pourquoi Bruckner ? C’est le plus masculin des compositeurs ». » 05'31" Catherine Rückwardt, directrice musicale au théâtre d’état de Mayence « Je trouve ça assez absurde. En matière de sensibilité, les bons compositeurs ont toujours été de sexe neutre. Quand on pense à ce que Richard Strauss a dû connaître des femmes ! Sinon il n’aurait jamais pu écrire « Le Chevalier à la rose » ou « Arabella ». » 05'52" Simone Young, directrice musicale et DG d’opéra à Hambourg « Qu’ y a-t-il donc chez Bruckner de tellement masculin ? Si j’ai du succès avec Wagner, avec Richard Strauss, Brahms et même Beethoven, qu’est-ce qui peut bien être différent chez Bruckner ? Il suit la même tradition, non ? Il m’a répondu qu’il ne pouvait imaginer une femme capable d’établir une relation émotionnelle et intellectuelle avec cette musique. Ce qui est complètement absurde ! » 06'24" Catherine Rückwardt, directrice musicale au théâtre d’état de Mayence « Il existe chez tous les compositeurs un côté masculin et un côté féminin. Pourquoi une femme ne serait-elle pas capable de diriger cela aussi ? » 06'34" Simone Young, directrice musicale et DG d’opéra à Hambourg « Beaucoup de gens font le lien entre « masculinité » et force, « féminité » et sensibilité. Mais c’est ridicule, car tout artiste – homme ou femme – doit être fort et avoir les nerfs solides pour exercer sa profession. Il doit également être sensible puisque toute œuvre d’art contient ces deux aspects. Cela signifie que l’on doit laisser libre cours à ce côté dit masculin comme à ce côté dit féminin, que l’on soit homme ou femme. » 07'16" Simone Young, directrice musicale et DG d’opéra à Hambourg « Nous nous sommes malgré tout arrangés et j’ai dirigé Bruckner avec beaucoup de succès. Cela a peut-être contribué à éliminer un préjugé. Mais n’est-ce pas curieux ? Et quels seraient donc les compositeurs féminins ? Nous les femmes, ne pouvons jouer que Clara Schumann, alors !? » 07'46" Shi-Yeon Sung, jeune Coréenne, est au début de sa carrière. Elle étudie à l’Académie de musique Hanns Eisler de Berlin, chez le professeur Rolf Reuter. Sur les 20 étudiants de sa classe, deux sont des femmes. 08'01" Shi-Yeon Sung, étudiante à l’Académie de musique Hanns Eisler de Berlin « Juste avant mes études, j’ai vu un film avec Furtwängler, dirigeant le quatrième mouvement de la quatrième symphonie de Brahms. J’ai été énormément impressionnée par son style et par la frénésie avec laquelle les musiciens le suivaient. J’en étais époustouflée. » 08'34" Shi-Yeon Sung, étudiante à l’Académie de musique Hanns Eisler de Berlin « Le chef d’orchestre doit toujours garder son calme devant les musiciens. Bien sûr, il y a des moments musicaux d‘une grande intensité, mais malgré tout il faut pouvoir conserver son calme. C’est pourquoi je fais beaucoup d’exercices différents de yoga. » 09'16" Shi-Yeon Sung, étudiante à l’Académie de musique Hanns Eisler de Berlin « Je fais aussi beaucoup d’exercices de gestuelle, surtout main gauche et main droite séparées. A gauche de belles lignes musicales, à droite un battement précis. » 10'11" Simone Young, directrice musicale et DG d’opéra à Hambourg « On le voit souvent dans les articles, pour les journalistes ne compte que l’apparence, autrement dit : une femme aux cheveux longs, sur talons hauts. Je suis très petite, c’est pourquoi je porte ce genre de chaussures. » 10'40" Simone Young, directrice musicale et DG d’opéra à Hambourg « Ils voient ça et aussi qu’elle joue de la baguette. Pour eux, elle représente un pouvoir. Ils oublient les semaines passées à travailler ensemble pour en arriver là. » 10'55" Catherine Rückwardt, directrice musicale au théâtre d’état de Mayence « Hautbois et clarinette, après le diminuendo aux mesures 39 et 40…c’est terriblement important, pour tenir le rythme …il faut que tout ça reste très bref … » 11'12" Catherine Rückwardt, directrice musicale au théâtre d’état de Mayence « Un aspect très intéressant du travail avec l’orchestre, c’est le contact par le regard. C’est peut-être même un aspect dans lequel être femme joue un rôle. Je regarde le musicien dans les yeux et lui fait de même. Dans notre société, soutenir longuement un regard n’est pas évident. Quand un homme et une femme le font, cela donne un flirt…. Chez nous, musiciens et musiciennes, c’est une activité quotidienne. Comme je ne peux ni tout dire, ni tout montrer, nous communiquons par un regard qui en dit long. » 11'47" Simone Young, directrice musicale et DG d’opéra à Hambourg « En définitive, le plus important, c’est d’avoir du respect pour ce que l’on veut exprimer dans la musique. Battre proprement la mesure, presque tout le monde peut le faire. Mais ce qui intéresse les musiciens, c’est la volonté d’exprimer quelque chose par la musique. C’est particulièrement le cas pour les grands orchestres. » 12'14" Catherine Rückwardt, directrice musicale au théâtre d’état de Mayence « Un vieux dicton de musicien d’orchestre dit : « Quand un chef d’orchestre entre dans la salle, je vois déjà s’il est capable ou non. » Voilà. On sait qu’on va être jugé dès qu’on se met au pupitre. Ceci étant, il y a un peu de suspense, c’est excitant aussi. » 12'52" Simone Young, directrice musicale et DG d’opéra à Hambourg « Ce métier me fascine. J’aimerais comprendre comment se transmet quelque chose d’aussi subjectif qu’une conception sensorielle. Comment se fait-il que je me représente un son, dont j’entends plus tard la reproduction exacte par l’orchestre ? La communication passe par le regard et le geste. Et je suis sûre que si je ne l’entends pas exactement dans ma tête, l’orchestre ne peut le restituer de façon organique et juste. Mais comment se fait cette transmission ? C’est le côté mythique de ce travail. » 13'40" Simone Young, directrice musicale et DG d’opéra à Hambourg « Il y a de la magie et un aspect spirituel dans ce travail. Et c’est ce mélange particulier qui en fait la richesse. » 14'03" Shi-Yeon Sung, étudiante à l’Académie de musique Hanns Eisler de Berlin « Quelqu’un a dit : « Quand on a un grand rêve, il faut y croire suffisamment fort pour qu’il se réalise. Evidemment que j’ai de l’appréhension, mais elle ne peut pas détruire mon rêve. » 14'36" Fin http://www.goethe.de/kubus