interet de l`exploration neurophysiologique
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interet de l`exploration neurophysiologique
1 INTERET DE L’EXPLORATION NEUROPHYSIOLOGIQUE EN PSYCHIATRIE CLINIQUE INTEREST OF NEUROPHYSIOLOGICAL EXPLORATION IN CLINICAL PSYCHIATRY Martine TIMSIT-BERTHIER 19 BAU ROUGE CARQUEIRANNE FRANCE. 83320 [email protected] 2 Résumé : INTERET DE L’EXPLORATION NEUROPHYSIOLOGIQUE EN PSYCHIATRIE CLINIQUE Cet article a pour but de montrer l’intérêt de l’exploration fonctionnelle cérébrale par l’intermédiaire des “ Potentiels en relation avec les évènements ” (ERPs) en clinique psychiatrique. Cet intérêt se manifeste dans deux domaines préférentiels, 1) celui de la prescription médicamenteuse et 2) celui de la description et de la compréhension des troubles cognitifs. 1) De nombreuses données expérimentales ont montré que l’amplitude des ERPs (P300 et VCN) de même que la courbe de réponse de la composante auditive N1/P2 en fonction de l’intensité de la stimulation (LDAEP) sont modulées par certains des systèmes neurochimiques sur lesquels agissent les psychotopes. Leur analyse apporte ainsi des informations sur la réactivité des récepteurs cathécholaminergiques et sérotoninergiques et permet de prévoir des intolérances médicamenteuse et des réactivités préferentielles. Par ailleurs, l’étude descriptive conjointe des amplitudes, latences et durée de la MMN, de la P300 et de la VCN apporte des informations sur les capacités d’autoorganisation et d’autorégulation du système cérébral et aide à la description et à la compréhension des troubles cognitifs. En revanche, l’exploration neurophysiologique par les ERPs ne peut constituer le fondement du diagnostic psychiatrique qui relève de nombreux facteurs socioculturels et psychologiques. Mots clés : Potentiels en relation avec les évènements (ERPs). Psychiatrie clinique. Nosologie psychiatrique. Psychoropes. Auto-organisation céébrale. 3 Summary INTEREST OF NEUROPHYSIOLOGICAL EXPLORATION IN CLINICAL PSYCHIATRY The aim of this paper is to show the usefulness of the Event Related Potentials (ERPs) in clinical psychiatry. Indeed, ERPs are promising tools in two different domains 1) that of psychotrops intervention and 2) that of cognitive symptomatology description and understanding. 1) Converging arrguments from experimental studies supported the hypotheses that the amplitude of P300 an CNV as well as the loudness dependence of the auditory N1/P2 response (LDAEP) are regulated by the level of central catecholaminergic and.serotoninergic neurotransmission, which are the target of pharmacotherapeutic interventions. So, their analysis is apt to bring reliable indicators to predict favourable response to psychotrops and drug intolerance. Moreover the description of MMN, P300 and VCN, jointly recorded in a single functional exploration, bring information about the self-organizarion and self-regulation of cerebral functioning and might help the clinicicans to understand the functionnal meaning of cognitive disorders.. In return, ERPs are inapt to determine the psyhciatric diagnosis that is related to numerous cultural and psychological factors. Key words : ERPs, Clinical psychiatry, Psychiatric nosology, Psychotrops, Cerebral selforganization. 4 1) INTRODUCTION Dans un ouvrage consacré aux potentiels cognitifs en psychiatrie (1), j’avais invité les psychiatres à s’intéresser davantage à l’exploration fonctionnelle cérébrale tout en défendant l’idée que cette exploration fonctionnelle était de peu d’utilité pour poser un diagnostic psychiatrique. Certains neurologues ont exprimé leur désaccord concernant cette philosophie et ont proposé une thèse alternative qui consisterait à fonder la nosologie psychiatrique sur des bases neurophysiologiques. Il s’agit là d’un problème dont j’ai souhaité débattre pour plusieurs raisons. Tout d’abord parce qu’il soulève de nombreuses questions théoriques et pratiques qui méritent réflexions et discussions. Mais aussi parce que je pense que seul un débat loyal à ce sujet pourrait mettre fin au désintérêt des psychiatres vis-à-vis de la neurophysiologie clinique. En témoigne l’absence de toute référence à notre discipline dans les quatorze chapitres du livre blanc de la psychiatrie, élaborés pendant plusieurs mois par 160 psychiatres et présenté en mars 2002. Dans ce travail, je me réfèrerai uniquement à l’exploration fonctionnelle de l’adulte à l’aide des potentiels en relations avec les évènements (ERPs). Il s’agit là d’un examen non invasif, facile à réaliser et qui peut être renouvelé sans danger pour le patient. Il apporte des informations sur les ERPs, phénomènes complexes dont l’intérêt en psychiatrie provient du fait qu’ils sont susceptibles d’être modifiés à la fois par des facteurs neurobiologiques et des facteurs psychologiques. Le problème dont nous voulons aborder est celui de leur intérêt dans le domaine de la psychiatrie clinique qui, à notre avis, ne réside pas au niveau de la démarche diagnostique mais plutôt en amont et en aval de celle-ci, c’est à dire au niveau de la 5 description sémiologique qu’elle peut enrichir et au niveau de la prescription médicamenteuse. 2) PROBLEMES SOULEVÉS PAR LE DIAGNOSTIC EN PSYCHIATRIE : En psychiatrie, tout comme dans les autres branches de la médecine, le diagnostic est un acte indispensable dont il n’est guère possible de faire l’économie pour des raisons pratiques, théoriques et pédagogiques. Il s’agit, d’après le dictionnaire Robert “ d’identifier la présence d’une maladie d’après l’existence de symptômes particuliers ”. Cet acte comprend trois étapes. La première est de l’ordre du jugement et consiste à affirmer qu’il existe bien une “ pathologie ”, la deuxième consiste en une description de la symptomatologie, et le troisième est de l’ordre d’un choix décisionnel et réside en une démarche de classification en référence à une nosologie. En médecine, poser un diagnostic consiste le plus souvent non seulement à reconnaître une maladie à partir des symptômes du patient mais aussi à en déterminer les facteurs étiologiques et à envisager une orientation thérapeutique et un pronostic. Les problèmes posés par diagnostic psychiatriques sont beaucoup plus complexes. Tout d’abord, la simple différentiation entre le “ normal ” et le “ pathologique ” constitue déjà un problème difficile à résoudre, et a suscité de nombreuses réflexions épistémologiques (2, 3). Comme le souligne P. Belzeaux (4) “ serait bien niais et dangereux celui qui passerait outre ce débat, car il jugerait et soignerait des individus sans comprendre pourquoi il le fait, au nom de quoi il le fait, c’est-à-dire par rapport à quelle norme il le fait ”. Sur le plan théorique, il s’agit de bien faire la différence entre d’une part la “ pathologie ” qui renvoie à un jugement de valeur, qualitatif, en relation avec la souffrance donc avec la subjectivité et d’autre part, 6 l’anormalité et la déviance, concepts élaborés par rapport à une norme, fixée de façon statistique dans un contexte socioculturel donné (3). D’un point de vue pratique, ce jugement est parfois délicat à effectuer lorsqu’on est confronté à des sujets jeunes ou à de personnes de culture différente qui rejettent les normes sociales. Par ailleurs le choix d’une catégorie nosologique est rendu difficile par la multiplicité, l’hétérogénéité et la variabilité des discours classificatoires élaborés depuis deux siècles en psychiatrie. Or, un système nosologique doit posséder deux qualités essentielles : la fiabilité et la validité (5). Certes, depuis une quarantaine d’années, à l’initiative de l’Organisation Mondiale de la santé et de l’association américaine de psychiatrie, plusieurs méthodes de diagnostic standardisées se sont développées. Elles impliquent non seulement des entretiens standardisés mais aussi une définition précise des symptômes et de leurs règles exactes de classification, et elles ont permis d’aboutir à un certain consensus entre les divers chercheurs. (ICD-10., DSM IV). Il est cependant légitime de s’interroger sur la valeur du diagnostic psychiatrique ainsi posé. Pour répondre à cette question, on peut suivre les propositions de L. J CRONBACH and P. E. MEEL (6) et soumettre le diagnostic psychiatrique à quatre types de validation différente : la validité de consensus, de concordance, de construction théorique et de prédiction. Certes, la validité de consensus, qui consiste à ce qu’une appellation diagnostique ait le même sens pour tout le monde, a été améliorée par la standardisation de l’examen psychiatrique et l’effort de définition des symptômes. (7 et 8). Mais elle est loin d’atteindre le niveau qu’elle présente dans les autres branches de la médecine. Par ailleurs, il faut se garder de l’illusion que le tableau clinique est indépendant des conditions d’examen et de l’examinateur. En psychiatrie, en effet, on ne possède comme 7 données cliniques que les expériences subjectives du patient et les renseignements, subjectifs également, apportés par son entourage. La symptomatologie s’exprime essentiellement à travers l’interaction médecin malade. Et tel symptôme, tel épisode de la vie sera confié à un clinicien privilégié et dissimulé à un autre. La validité de concordance qui consiste à voir si, en utilisant plusieurs systèmes diagnostiques, le même diagnostic est porté, n’est pas non plus retrouvée en psychiatrie clinique, car malgré l’existence de systèmes diagnostiques standardisés, le regroupement des informations recueillies se fait, en pratique, de façon différente selon le corpus théorique dans lequel le clinicien s’inscrit (psychobiologique, systémique, psychanalytique, cognitivo-comportemental). La validité de “ construction ” , c’est-à-dire la solidité des bases théoriques sur lesquelles s’appuie la définition des catégories nosologiques, est particulièrement pauvre dans les systèmes diagnostics standardisés. En effet, la description des symptômes et des classes diagnostiques se veut “ a-théorique ”. Les différents symptômes sont considérés comme équivalents, ce qui est contraire à toute sémiologie médicale et aucune tentative de compréhension des entités nosologiques n’est entreprise. Cette position est paradoxale car, habituellement, toute classification suppose une théorie des évènements classifiés. Elle s’est construite en réaction aux systèmes nosologiques qui l’ont précédée et qui ont tenté de fonder les différenciations cliniques sur des hypothèses pathogéniques, non partagés par l’ensemble des psychiatres. Très schématiquement, deux ordres de classification “ théorique ” rivalisent. 8 Dans le premier, où l’organogenèse est privilégiée, on considère que les symptômes sont neutres, qu’ils n’ont pas de sens et qu’ils traduisent directement les perturbations du fonctionnement cérébral. Le problème est de définir avec le plus de précision possible les relations entre les troubles du comportement et de la pensée et les anomalies neurobiologiques. En témoignent par exemple les tentatives de démembrement de la schizophrénie en sous-groupes possédant chacun une spécificité anatomique (9 et 10). En témoigne également la tentative “ transnosographique ” de regrouper différents symptômes en fonction de critères neurobiologiques (11, 12 et 13). Ainsi, le déficit affectif et émotionnel, qu’il soit observé dans la schizophrénie, dans certains cas de dépression et chez des patients souffrant de maladie de Parkinson serait à mettre en relation avec un hypofonctionnement du système dopaminergique. Des difficultés de contrôle et l’impulsivité, qu’elle soit rencontrée chez des déprimés avec propension au suicide, chez des alcooliques, des boulimiques ou des sujets présentant des conduites antisociales serait considéré comme la traduction d’un dysfonctionnement du système sérotoninergique. Dans le second type de classification, où la psychogenèse est privilégiée, on considère que les symptômes ne sont pas neutres mais qu’ils sont porteurs d’un sens, d’une signification, qui varient en fonction de l’histoire individuelle et du contexte culturel. Ils peuvent traduire directement l’existence de conflits affectifs qui trouvent leur racine dans l’histoire du sujet (14 et 15). Ils peuvent aussi exprimer une tentative d’adaptation en relation avec le contexte familial et socioculturel. En témoignent par exemple les cauchemars des états de stress post-traumatiques (PTSD) et des deuils, dont peuvent se plaindre, en occident, des victimes d’une agression, qui y voient une entrave à leur confort, mais dont se peuvent se féliciter des personnes évoluant dans une autre culture, qui y voit le maintien d’un lien avec des parents décédés (16). En témoignent 9 également les nouveaux découpages de la psychiatrie opérée à partir d'observation des “ Sans abris ”, avec l’apparition de nouvelles interprétations de la dépression et de l’apragmatisme se référant au concept psychosocial de “ désaffiliation ” et de souffrance psychique (17 et 18). Le diagnostic psychiatrique ne possède pas, non plus, une bonne validité prédictive c’est-à-dire qu’il ne permet pas de prédire avec précision la succession temporelle des différents épisodes psychopathologiques et le retour éventuel à la normale. Certes, E.KRAEPELIN (19) qui fut le constructeur le plus éminent de la nosographie psychiatrique a fondé sa catégorisation sur des critères évolutifs et il ne reconnaît la spécificité d’une maladie que par “ le sceau uniforme de son état terminal ” s’intéressant donc plus au futur cadavre qu’au malade vivant pour lequel il semblait ne pas avoir beaucoup d’empathie. Ne déclarait-il pas que “ l’ignorance de la langue du malade est en médecine mentale une excellente condition d’observation ” ! Nous n’en sommes plus là, et les évolutions des maladies psychiatriques se sont modifiées rapidement depuis cinquante ans grâce tout d’abord à l’introduction des molécules psychotropes et des prises en charge psychothérapeutiques et plus récemment, du fait de la généralisation des conduites addictives. Dans tous les cas, le patient “ construit ” sa maladie avec son médecin, son entourage et son environnement social. Ses capacités de changement dépendent des modalités de prise en charge sociale familiale et psychopharmacologique qui peuvent accélérer ou ralentir le processus morbide. Par exemple, en Occident, la “ psychose naissante ” évolue d’autant plus favorablement que les prise en charge psychothérapeutiques et le traitement neuroleptique est précoces (20 et 21). Le nombre des rechutes dépend, en partie, de la quantité et de l’intensité de l’expression des émotions dans la famille (22). Et, dans tous 10 les cas, son pronostic est plus mauvais en Occident que dans les pays en voie de développement (23 et 24). Au total,, il faut bien reconnaître que le diagnostic psychiatrique ne répond à aucun des critères que nous venons d’évoquer (25). Certes, il présente cependant une certaine utilité à la pratique psychiatrique mais à condition d’être considéré comme une simple hypothèse de travail, toujours susceptible de se modifier en fonction du contexte et de la prise en charge thérapeutique. Et les travaux récents concernant capacité des cellules et des circuits nerveux à se remodeler perpétuellement en fonction de l’expérience constituent un argument contre une position trop fixiste. 3) LIMITES DE l’APPROCHE NEUROPHYSIOLOGIQUE EN PSYCHIATRIE Devant de telles difficultés, il est tentant de privilégier des méthodes neurobiologiques pour fonder le diagnostic psychiatrique et en particulier d’avoir recours à la neurophysiologie qui étudie en temps réel le fonctionnement cérébral. On pourrait espérer dévoiler ainsi des certitudes derrière le désordre des apparences, se délivrer du flou de l’intersubjectivité et fonder, enfin, une nouvelle nosologie psychiatrique sur des bases objectives. Le problème de l’évaluation, si cher au cœur des administratifs, trouverait ainsi un fondement objectif. Un “ marqueur ” simple et objectif d’une maladie bien spécifique pourrait lever les doutes sur le coût de la prise en charge efficace des malades mentaux. Certains malades “ marqués ” seraient considérés comme des handicapés, 11 relevant du champ médico-social, d’autres pourraient être pris en charge dans des institutions de soins. Une telle “ neurophysiologie diagnostique ” apporterait le critère de validité externe qui fait si cruellement défaut au diagnostic psychiatrique avec comme perspective la “ déconstruction ” de la nosologie psychiatrique actuelle et la reconstruction d’une nosologie neurophsyio-psychiatrique, sur un modèle biologique des maladies mentales. Un tel point de vue n’est pas soutenu par les résultats expérimentaux. Tous ont montré, en effet, que les anomalies des ERPs rencontrées chez les malades psychiatriques ne sont pas spécifiques d’une maladie bien définie (26, 27, 28, 29, 30). De plus il soulève de nombreux problèmes à la fois théoriques, méthodologiques et éthiques. 1) Problèmes théoriques La neurophysiologie et la psychiatrie sont des disciplines qui sont loin d’être homogènes. Chacune d’elle a sa propre histoire, sa propre maturité méthodologique, son objet et son référentiel. Même si le mot de psychiatrie n’a été qu’inventé qu’au XVIII° siècle, l’intérêt pour la folie a eu sa place dans le champ médical dès l’Antiquité et n’a cessé de provoquer débats et réflexions (31). En revanche, la neurophysiologie est une science jeune qui s’est développée depuis un siècle à peine (32), et son essor dans le domaine qui intéresse la psychiatrie remonte à 1964, date de la découverte de la VCN par Grey Walter (33). Et, il y a un danger de mesurer à la dernière théorie scientifique apparue la validité de celles qui l’ont précédée. Comme le dit très bien Ganguilhem (3) “ l’antériorité chronologique ne saurait être une infériorité logique ”. 12 L’objet d’étude de la neurophysiologie est constitué de phénomènes obtenus, dans le cadre de protocoles expérimentaux bien définis, grâce à des appareils techniques sophistiqués et son but est une meilleure connaissance du fonctionnement du cerveau. Son exigence est celle de tout savoir scientifique : la neurophysiologie, tout comme l’ensemble des neurosciences cognitives, se développe de façon autonome, c’est-à-dire qu'elle ne répond qu'aux questions qu'elle est amenée à se poser ; elle propose des énoncés vrais, à visée universelle, formulés de façon précise sous forme de lois et en apporte des preuves grâce à la mesure et à la quantification (34). Les connaissances ainsi obtenues peuvent se cumuler (35). En revanche, la psychiatrie, branche de la médecine, a des difficultés à construire son objet car la maladie psychiatrique, où interfèrent de multiples facteurs biologiques, psychologiques et sociaux, est un objet complexe qui varie non seulement en fonction des points de vue mais également en fonction du temps. Et les exigences de la psychiatrie sont bien différentes de celles de la neurophysiologie. En effet, pour assurer la prise en charge thérapeutique d’un malade mental, les psychiatres doivent accepter la diversité des subjectivités, attacher de la valeur aux témoignages singuliers et prendre une décision non pas en fonction de ce qui est “ vrai ” mais de ce qui est “ bon ” pour chaque individu particulier. Ils doivent argumenter leurs hypothèses parfois à l'aide de mesures psychologiques quantifiées mais surtout à partir de données qualitatives constituées par les “ dires ” et les comportements du sujet et leur évolution sous l’effet de la thérapeutique. Enfin, les divers savoirs psychiatriques ne se cumulent pas et ne s’ordonnent pas comme dans les sciences exactes, mais ils se chevauchent. (35). 13 Enfin, le référentiel de la neurophysiologie diffère profondément de celui de la psychiatrie. Ainsi, l’activité neurophysiologique repose sur une logique anatomophysiologique avec une échelle allant du millimètre au centimètre et de la milliseconde à la minute. Elle apporte ainsi des informations sur la structuration de l’expérience immédiate. Le référentiel des données psychiatriques repose sur les montages normatifs de la société en relation avec son niveau socio-économique, sa culture et sa morale, avec une temporalité se situant à un tout autre niveau que celle de la neurophysiologie. 2° Problèmes méthodologiques Le chercheur a vis-à-vis de son propre travail une “ responsabilité interne ” et il se doit d’être rigoureux et de connaître les limites de son savoir (36). Ainsi, l’étude des maladies psychiatriques par des méthodes neurophysiologiques soulève un grand nombre de problèmes méthodologiques. Un des principaux est constitué sans doute par le biais introduit par les contraintes d’enregistrement qui ciblent des populations psychiatriques bien particulières. Le malade, en effet, doit être assez calme pour autoriser l’enregistrement, ce qui exclue l’étude des pathologies aiguës et des patients ayant des problèmes moteurs (dyskinésies dues aux neuroleptiques, par exemple). Par ailleurs il doit être hospitalisé dans une structure médicale possédant un centre d’exploration fonctionnelle, ce qui néglige les populations qui échappent à ce type (“ exclus ” de la société, malades chroniques séjournant dans des hôpitaux psychiatriques). Or, l’exclusion sociale et la chronicité sont bien une dimension fondamentale de la réalité psychiatrique dans les sociétés développées. 14 Une deuxième difficulté réside dans la détermination de normes neurophysiologiques, étape indispensable à toute démarche diagnostique. Une telle définition de normes nécessite tout d’abord la définition de protocoles expérimentaux standardisés et la constitution de groupes contrôle. Si l’on prend en considération toute la diversité socioculturelle trouvée chez les patients et les conditions de vie restrictive engendrées par la maladie, il serait parfois nécessaire d’enregistrer, dans le groupe contrôle, des sujets peu scolarisés, des prisonniers, des moines ou les conjoints de patients hospitalisés. Mais s’agirait alors de population normale ? Et sur quels critères fonder la normalité ? Par ailleurs, la définition des normes doit aussi tenir compte des conditions psychologiques au moment de l’enregistrement. Est-il pertinent par exemple de donner une contribution financière aux sujets de contrôle et de ne pas adopter la même attitude vis-à-vis des patients ? Je ne connais qu’une seule équipe de recherche qui systématiquement rétribue les patients schizophrènes qui se soumettent à un examen neurophysiologique, c’est celle de Constance et l’on peut remarquer que les auteurs ne retrouvent pas toujours les résultats rapportés dans la littérature (37). Enfin, même lorsque des protocoles standard sont utilisés, il existe une grande variabilité interindividuelle des potentiels cognitifs, plus importante cependant pour la VCN (38) que pour la P300 (39) et cette variabilité est un facteur d’erreur lorsqu’on effectue des “ grandes moyennes ” afin de dresser en quelque sorte le portrait robot du potentiel “ normal ”. Le rôle du sexe a été particulièrement négligé dans cette description alors que, de plus en plus on s’aperçoit que les anomalies neurophysiologiques retrouvées chez les malades psychiatriques sont différentes chez les hommes et chez les femmes (40 et 41). Un grand nombre de ces problèmes pourraient trouver une solution si, au lieu de pratiquer des études transversales sur un grand nombre de sujets (patients et 15 contrôle), on effectuait des études longitudinales en prenant chaque sujet comme son propre contrôle. Un troisième problème provient des limites conceptuelles qui sont imposées fréquemment à l’exploration neurophysiologique en psychiatrie. Jusqu’à présent, la plupart des études neurophysiologiques ont été pratiquées dans le but de mettre en évidence des anomalies cérébrales chez des patients souffrant de maladies mentales. Et la découverte de dysfonctionnements ou d’altérations est considérée implicitement comme la traduction de la cause de la maladie. Or, il me semble légitime de se demander si la co-présence d’altérations cérébrales et de troubles psychopathologiques permet de déterminer, a priori, l’ordre dans lequel sont apparues ces anomalies. Certes, ce sont surtout les effets des modifications cérébrales sur la pensée et le comportement qui ont été étudiés jusqu’à présent et la neuropsychologie et les neurosciences ont apporté des arguments irréfutables en faveur de la dépendance étroite des pensées et des sentiments vis-à-vis de l’activité cérébrale. Ainsi, à un niveau élémentaire, la stimulation de certaines zones cérébrales provoquent des mouvements, des impressions perceptives ou des émotions. À un niveau de complexité beaucoup plus grand, des substances chimiques (hormones, psychotropes) sont capables de modifier des comportements complexes, la qualité de l’humeur et du vécu. Et, en pathologie, des lésions ou des décharges épileptiques de certaines zones cérébrales sont susceptibles d’entraîner de nombreux troubles cognitifs et émotionnels. Mais il existe aussi des travaux qui montrent que les relations peuvent s’établir dans l’autre sens, c’est-à-dire que ce qui est de l’ordre de la pensée, de l’intentionnalité, de l’imagination est susceptible de modifier les activités cérébrales. Ainsi, par des techniques de biofeedback, un sujet entraîné est capable de modifier ses différents 16 rythmes et ses potentiels lents cérébraux, (42, 43 et 44). Et des patients schizophrènes sont également capables de modifier ses potentiels lents (45). Le fait d’imaginer un objet évoque une activité cérébrale dans les mêmes sites de traitement que la perception visuelle (46). De plus, la modification de l’état de conscience par des substances chimiques (protoxyde d’azote ou amytal sodique par exemple) n’entraîne pas des modifications comportementales et psychiques similaires chez tous les individus et nous avons pu montrer à quel point l’écart entre variables comportementales et variables neurophysiologiques dépendait des conditions de l’expérience (47) et de la personnalité des sujets (48). Dans le cadre de la pathologie, des évènements vécus comme des traumatismes affectifs, surtout lorsqu’ils sont subis pendant l’enfance, peuvent induire des dysfonctionnements au niveau des régions limbiques (49. Inversement des activités intellectuelles complexes et un investissement affectif intense peuvent maintenir une activité intellectuelle complexe chez un sujet présentant de graves lésions cérébrales. C’est pourquoi, il nous semble plus juste, avec E. Morin, de considérer le cerveau à la fois comme “ la condition et le produit de l’individualité et de la subjectivité ”, d’assouplir les concepts de causalité et d’explication et de n’envisager les activités cérébrales dans leurs relations circulaires avec le comportement et la pensée (50). 3 Problèmes éthiques D’une façon générale, le chercheur, en tant que citoyen, a vis-à-vis de son travail une certaine responsabilité “ externe ” c’est-à-dire qu’il doit être soucieux des conséquences sociales des théories scientifiques qu’il énonce (35). Cette responsabilité est plus importante encore lorsqu’il indique lui-même la possibilité d’utiliser ses découvertes dans une pratique sociale particulière. Ainsi, le principe de poser un 17 diagnostic psychiatrique à partir de données neurophysiologiques peut avoir des effets redoutables d’un point de vue psychologique et social. Une telle pratique risquerait en effet d’occulter le discours du patient au profit de la seule étude de son fonctionnement cérébral et de faire prévaloir la vision de l’image cérébrale sur l’écoute d’une souffrance. La maladie mentale serait ainsi posée dans une hétéronomie radicale par rapport au sujet qui la subit et les symptômes, considérés comme une pure extériorisation d’un dérèglement du cerveau, échapperaient par définition à la sphère du sens. La guérison viendrait ainsi du dehors, par l’intermédiaire d’un médicament ou d’un procédé dont l’objectif serait de corriger le dysfonctionnement cérébral. En aucun cas, il semblerait nécessaire de restituer les résultats de l’examen neurophysiologique au patient qui l’ a subi. Une telle psychiatrie aurait pour effet d’imposer au patient, en même temps qu’un statut d’objet, une représentation de lui-même dangereusement objectivante, le privant d’un sentiment de liberté, de responsabilité et d’autonomie. Elle ferait renoncer à toute approche de la subjectivité et de l’intentionnalité, à toute possibilité d’envisager une amélioration par le biais d’un travail psychique ou corporel permettant une autoréorganisation. Et la propagation de telles idées pourrait provoquer un sentiment de passivité et de fatalité vis-à-vis de la maladie mentale contraire à tous les efforts de rationalité que l’humanité a développés jusqu’à maintenant. D’un point de vue social, une description du pathologique sur des critères uniquement biologiques, identiques dans toutes les sociétés, conduirait à penser que la définition des maladies mentales peut se faire sur des critères extérieurs à la culture. Une telle méthode de diagnostic risquerait ainsi de légitimer les exclusions sociales à l’aide d’un discours scientifique faisant autorité. La découverte de quelques déviances 18 neurophysiologiques chez un sujet qui ne répond pas aux “ normes ” de l’environnement socioculturel pourrait suffire à le stigmatiser en le cataloguant sujet “ à risques” ou malade mental, avec toute la connotation péjorative que ces notions impliquent. On a pu voir ainsi, il n’y a pas si longtemps, légitimer toute une oppression coloniale à l’aide d’examens neuro-radiographiques révélant le faible développement cérébral des indigènes nord-africains, témoignant de leur “ primitivisme ” (51). Au total, comme l’attestent d’ailleurs ses résultats expérimentaux, la neurophysiologie ne nous semble pas à même de résoudre les difficiles problèmes posés par la démarche diagnostique en psychiatrie. 4) INTERET DE LA NEUROPHYSIOLOGIE EN PSYCHIATRIE Est ce dire que la neurophysiologie n’est d’aucune utilité en pratique psychiatrique ? Je ne le crois pas et l’hypothèse que je défendrai est qu’elle peut lui apporter des perspectives nouvelles à condition d’admettre l’existence d’une interdisciplinarité qui respecte l’autonomie et la logique des deux approches. Un des problèmes consiste précisément à trouver les concepts qui leur permettraient de s’articuler et les domaines où elles peuvent se rencontrer. À notre avis, les concepts que la neurophysiologie et la psychiatrie partagent sont de deux ordres. Les uns, plus quantitatifs, sont ceux de la neurochimie et de la psychopharmacologie, les autres, plus qualitatifs, sont ceux de la psychologie cognitive. Et la neurophysiologie pourrait être d’une grande utilité en psychiatrie clinique à condition de cadrer les questions dans deux domaines différents, celui de la prescription de psychotropes et celui de la description des troubles cognitifs. 19 La prescription médicamenteuse repose sur le fait que les psychotropes modifient les symptômes psychiatriques par l’intermédiaire des systèmes neurochimiques sur lesquels ils agissent. Mais, elle ne peut s’aider d’examens complémentaires, utilisables en pratique quotidienne, pour tester ces différents systèmes. Or, l’étude neurochimique des ERPs a montré que la P50, la MMN, la P300 et la VCN étaient modifiées lorsqu'on manipulait les systèmes cholinergiques, catécholaminergiques et gabaergiques cérébraux que ce soit par des lésions chez l’animal ou par des drogues chez l’homme (52, 53, 54 et 55). Par ailleurs, l’importance de l’augmentation d’amplitude de la composante auditive N1/P2 sous l’effet de l’augmentation de l’intensité de la stimulation (LDAEP) est en relation avec le système sérotoninergique (56). Ainsi, l’enregistrement de ces différentes ondes et l’étude de leur amplitude sont susceptibles d’apporter des informations sur la sensibilité des récepteurs sur lesquels agissent les psychotropes. Certes, cette information est extrêmement globale et imprécise et se fonde sur une conceptualisation quantitative simpliste de freinage et de stimulation d’un système neurochimique. Il est bien évident que la réalité est infiniment plus complexe. Mais ce type de mesures a le mérite de fournir des informations inaccessibles aux cliniciens. Par exemple l’étude de l’amplitude de la VCN permet de prévoir d’éventuelles réactions d’intolérance aux médicaments agonistes des systèmes catécholaminergiques et des résultats encourageants ont été obtenus dans le domaine des états dépressivo-anxieux. (57 et 58). Ainsi, les patients déprimés présentant des VCN et P300 de grande amplitude sont intolérants aux antidépresseurs tricycliques et répondent bien aux antidépresseurs sérotoninergiques. De façon analogue, les sujets migraineux présentant des ERPs de grande amplitude répondent bien aux Béta-bloqueurs (59). Par ailleurs, une forte dependance de la 20 composante N1/P2 vis-à-vis de l’intensité des stimulations (LDAEP) fait prévoir une réponse favorable au traitement préventif par le Lithium (56) . On peut espérer que l’utilisation de cette méthode apportera des informations intéressantes dans le traitement des psychoses et permettra de prévoir une réactivité spécifique aux nouveaux neuroleptiques et antidépresseurs. Ainsi, Guyotat et Al (60) avaient essayé de différencier, à partir de critères cliniques et psychodynamiques, les psychoses qui s’amélioraient avec un traitement antidépresseur de celles qui, à l’inverse, s’aggravaient, sous l’effet d’un tel traitement. Ne pourrait-on pas améliorer cette prédiction, extrêmement utile en pratique quotidienne en ajoutant à l’analyse sémiologique des critères neurophysiologiques Dans le domaine de la clinique, l’exploration neurophysiologique peut également enrichir l’approche sémiologique des troubles cognitifs. Elle propose tout d’abord des situations d’observation différentes et complémentaires de celles de l’examen clinique et des tests psychologiques. L’exploration neurophysiologique demande en effet la réalisation de tâches cognitives simples comportant des détections de signaux visuels et auditifs, des temps de réaction simples ou avec signal avertisseur, tâches auxquelles le patient se soumet souvent avec intérêt et curiosité. Elle apporte des données relatives d’une part au comportement (qualité des performances et vitesse du temps de réaction) et d’autre part à l’organisation et la régulation des activités cérébrales liées à la perception et à l’action, données qui ne sont accessibles ni à l’examen clinique, ni à l’introspection. Enfin, elle permet l’appropriation de certains concepts de la psychologie cognitive qui se situent à un niveau intermédiaire entre ceux de la neurophysiologie et 21 ceux de la psychiatrie. Rappelons à ce propos que les deux ERPs, particulièrement étudiées dans le champ de la psychopathologie, la P300 et la VCN, sont en relation avec l’activité d’assemblées de neurones largement distribuées au niveau des systèmes cortico-limbiques et activées de façon parallèle au cours de ces tâches cognitives. La P300, phénomène d’hyperpolarisation qui, d’un point de vue neurophysiologique exprime un mécanisme de fermeture, de “ désassemblage ” du réseau neuronal, est en relation avec les processus sélectifs de traitement de l’information, et par là avec la flexibilité de l’attention. Et la VCN, phénomène de dépolarisation, qui d’un point de vue neurophysiologique traduit un mécanisme d’activation, de liaison, d’ “ assemblage ” du réseau neuronal est en relation avec un processus de mobilisation et de contrôle des ressources attentionnelles et par là avec l’attention soutenue et la résistance à la distraction. Or les troubles de l’attention, rencontrés dans de nombreuses affections psychiatriques, sont souvent difficiles à évaluer tant ils sont intriqués à des facteurs affectifs. Mais pour être utile en psychiatrie et tenter d’enrichir l’approche clinique, l’examen neurophysiologique ne peut se borner à traquer un éventuel déficit par l’enregistrement d’un seul potentiel endogène. Il doit permettre l’étude des différentes étapes des processus cognitifs élémentaires et de leurs capacités d'autorégulation et pour cela, il doit obéir à deux conditions. La première consiste à enregistrer et à interpréter de façon conjointe tout un éventail d’ERPs (MMN, P300, VCN) et de données comportementales qui y sont jointes (qualité des performances obtenues et vitesse des temps de réaction) afin de tester les différentes étapes du traitement de l’information sensorielle et leur contrôle attentionnel (62 et 1). 22 La seconde consiste à étudier la variabilité des amplitudes de ces ERPs en fonction du temps afin d’évaluer le rôle des fluctuations de la vigilance et de la motivation. Un enregistrement de l’EEG spontané est également souhaitable. Au total, l’interprétation doit prendre en compte l'ensemble de toutes ces données et tenter de découvrir les facteurs qui les solidarisent entre elles. Elle se base sur l'hypothèse que le système cérébral est un système autonome possédant sa propre cohérence interne et dont il importe précisément de décrire les capacités d'autorégulation et d'auto-organisation (63 et 64). Nous avons pratiqué un tel examen et nous avons été amenée à constater que la faible amplitude de la P300, anomalie très souvent rencontrée chez les patients, n’avait pas la même signification fonctionnelle selon l’amplitude de la VCN à laquelle elle était associée (1). Ainsi, lorsqu’elle coexistait avec une VCN de faible amplitude, un ralentissement du temps de réaction, et à un allongement de sa latence, elle traduisait un fonctionnement déficitaire global, portant sur l’ensemble des capacités perceptives et attentionnelles, et faisait craindre une diminution de la capacité de penser, de symboliser et d’investir la réalité. En revanche, lorsqu’elle était associée à une VCN de bonne amplitude et à des temps de réaction normaux, elle évoquait un dysfonctionnement plus subtil, portant sur une restriction de l’intérêt vis-à-vis du monde extérieur et une certaine automatisation du comportement sans investissement de la tâche demandée. Nous avons constaté également que les performances et les données neurophysiologiques qui s’amélioraient avec le temps évoquent un contexte d’anxiété alors que celles qui s’altéraient , suggéraient l’existence de troubles de la vigilance et pafois d’abus de médicaments (1). Dans une telle perspective, il faut bien réaliser que la découverte d’écart entre les résultats apportés par les données neurophysiologiques et l'observation clinique apporte 23 au médecin plus d'informations que l'existence de concordances. En effet, la présence d’un ralentissement des temps de réaction associé à une VCN de faible amplitude et à une P300 faible et mal structurée chez un sujet qui ne comprend pas les consignes et qui ne parvient pas à exécuter la tâche demandée n'a qu'un faible intérêt heuristique. En revanche, l'observation d’une VCN et d’une P300 d’aspect normal chez un sujet qui présente une attitude de retrait total constitue un argument contre l’existence d’un déficit cognitif et fait évoquer la présence d’une inhibition majeure d'origine affective. Dans tous les cas, il ne faut pas se borner à recenser les aspects déficitaires. La découverte des “ excès ” et des “ trop plein d'excitation ” nous semble également intéressante. Un haut niveau d'activité cérébrale qui se manifeste par une amplitude plus grande que la normale de la P300 et une VCN qui se prolonge au-delà de la stimulation impérative (PINV) traduit un effort d'attention inapproprié, disséminée dans des structures étendues et risquant d’entraîner un fonctionnement défectueux mais par des mécanismes tout différents de ceux qui sont liés à un état déficitaire. Cette approche compréhensive peut permettre de mieux comprendre l’expérience particulière de chaque sujet et le chemin par lequel il construit sa symptomatologie. Elle suppose que les patients ne supportent pas passivement leurs difficultés cognitives éventuelles mais qu’ils élaborent activement leur réalité en accord avec leurs expériences personnelles qui, en elles-mêmes, peuvent être hors du commun. D’un point de vue pratique, une telle exploration peut aider à l’évaluation et à la compréhension des troubles cognitifs. Par ailleurs, elle permet un suivi longitudinal et la découverte d’une réversibilité de troubles observés lors d’un premier enregistrement peut constituer un élément précieux pour la prise en charge thérapeutique. Enfin, cette exploration fonctionnelle peut prendre sa place dans la relation thérapeutique. En effet, il nous semble indispensable de restituer les résultats obtenus par 24 un tel examen neurophysiologique à ceux qui en ont été l’objet. Certes, cette restitution témoigne tout d’abord d’un “ souci d’autrui ” et d’une certaine humanité (65). Mais, de plus, mais elle constitue un élément constitutif de l’examen lui-même. Cette “ mise en mots ” nous semble avoir un intérêt à la fois pour le patient et pour le médecin. Au patient, en effet, elle est susceptible de restituer l’image objectivée de certains aspects dysfonctionnels qu’il avait pu ressentir confusément mais pour lesquels il n’avait pas de représentation. Et cette extériorisation d’une expérience personnelle peut lui permettre d’améliorer ses capacités d’autonomie et d’intériorisation et d’élaborer un nouvel imaginaire qui peut jouer un rôle important dans l’expérience de la maladie (16 et 66). Au psychiatre enfin, elle permet d’éviter de tomber dans les pièges sémantiques tendus par l’approche neurophysiologique (67) tout en construisant une représentation de la maladie mentale conforme à la réalité culturelle technologique actuelle. Et cette construction collective du sens joue un rôle important sur le plan thérapeutique car plus le fossé culturel est grand entre le thérapeute et le patient, plus risquent de surgir des problèmes de méfiance et de résistance. 5°) CONCLUSION : Vouloir faire du dg psychiatrique à partir de l’examen du fonctionnement du cerveau outrepasse les potentialités théoriques et pratiques de la neurophysiologie et risque d’entraîner à la fois le désenchantement des cliniciens et la déception des patients et de leur famille. Une telle ambition relève davantage du mythe de la toute puissance de la science que d’un travail d’élaboration scientifique prenant en compte la complexité de la réalité psychique. En revanche, la neurophysiologie peut offrir aux psychiatres cliniciens de nouvelles perspectives en lui apportant des informations sur la sensibilité des systèmes 25 neurochimiques qu’il est souvent appelée à modifier par ses prescriptions médicamenteuses et en enrichissant la description de la symptomatologie psychiatrique par des données qui ne sont accessibles ni à l’examen clinique ni à l’introspection. Nous avons pratiqué un tel examen avec des résultats encourageants. Nous souhaitons que les progrès, tant techniques que conceptuels que la psychophysiologie cognitive ne manquera pas de faire dans les années qui viennent, permettent de construire des examens infiniment plus adaptés aux demandes des psychiatres cliniciens que ceux que nous avons proposés. Bibliographie 1 TIMSIT-BERTHIER M et GERONO A. Manuel d’interprétation des potentiels évoqués endogènes (P300 et VCN). Liège : P.Mardaga ; 1998. 2 DUYCKARTS F. La notion du Normal en Psychologie clinique. 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