Enseigner en classe à cours multiples
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Enseigner en classe à cours multiples
IUFM de Bourgogne Concours de recrutement : Professeur des Ecoles Enseigner en classe à cours multiples Delphine DUMONT Tuteur de mémoire : Patrice Carrière Année 2004-2005 N° de dossier : 04STA00182 SOMMAIRE Introduction ................................................................................................ 2 Première partie : la théorie ......................................................................... 3 A- Autour de la classe à cours multiples .............................................. 3 1) Ce que l’on pense de ces classes................................................. 3 2) Quelques statistiques................................................................... 5 3) Les études menées....................................................................... 7 B- Les Instructions Officielles ............................................................ 10 1) L’organisation en cycles ........................................................... 10 2) Les solutions apportées ............................................................. 11 Deuxième partie : la pratique ................................................................... 17 A- Des contraintes particulières.......................................................... 17 1) La gestion de l’espace et le matériel......................................... 17 2) La gestion du temps .................................................................. 20 3) Les règles de la classe ............................................................... 23 B- Une organisation spécifique des journées...................................... 24 1) La préparation au quotidien ...................................................... 24 2) Différents types de séances pouvant être menées..................... 27 3) Des outils pour l’autonomie...................................................... 29 Conclusion................................................................................................ 31 Bibliographie ............................................................................................ 32 Annexes 1 Introduction Au cours de ma scolarité, je n’ai fréquenté que des classes à un seul niveau d’enseignement. Cependant, j’ai exercé l’an passé, en tant que liste complémentaire, en classe unique (6 niveaux) puis en classe à niveau double (CE1-CE2). Face aux difficultés que j’ai rencontrées et aux diverses interrogations que je me suis posées, il m’a paru intéressant d’avoir une réflexion sur l’organisation du travail d’enseignant en classe à cours multiples. Une classe à plusieurs niveaux est souvent source d’inquiétude pour un enseignant qui y exerce pour la première fois : une classe constituée d’élèves de différents âges, différents niveaux, pour lesquels les objectifs ne seront pas les mêmes. Il faut pouvoir gérer le temps et l’espace, le maître ne pouvant être disponible pour tous au même moment. Les élèves d’un même niveau sont déjà tous différents, ce qui amène parfois à différencier sa pédagogie. Dans les classes à plusieurs niveaux, l’hétérogénéité est bien sûr considérablement accrue. C’est une difficulté que doit pouvoir gérer tout enseignant, cette forme de classe étant aujourd’hui très répandue. Après une réflexion théorique sur les problèmes liés à la classe à cours multiples, j’essaierai, à travers l’analyse de mes expériences, de préciser comment organiser son travail dans ces classes, afin d’optimiser les apprentissages des élèves. 2 PREMIERE PARTIE : LA THEORIE A – Autour de la classe à cours multiples 1) Ce que l’on pense de ces classes Lorsque l’on aborde la question de la classe à cours multiples, on est rapidement confronté à diverses représentations. Ces classes sont généralement vues comme une alternative aux classes à un seul niveau d’enseignement, jugées comme étant les meilleures. D’autres les considèrent comme un terrain privilégié au niveau des relations, qui y sont favorisées, permettant la mise en place de diverses pratiques pédagogiques qui garantiraient une meilleure réussite. Le débat autour de la classe à niveaux multiples est cependant lié, pour tous, aux notions d’homogénéité et d’hétérogénéité. En effet, pour les chercheurs, sociologues, psychologues et certains enseignants, le groupe hétérogène est perçu comme une structure favorisant les situations d’apprentissage, par les diverses interactions qui peuvent y avoir lieu, entre élèves d’âge et de niveau différents. Pour d’autres (certains enseignants, parents d’élèves…), la qualité de l’enseignement est associée à « l’homogénéité » du groupe, ou une structure qui y tend. Une classe à cours multiples, qui correspond à l’inverse de cette notion, serait donc une forme de « régression ». Il arrive que l’on rencontre des classes à cours doubles dans de grosses écoles, qui relèvent quelquefois d’un choix pédagogique fait par les enseignants afin d’assurer le suivi de leurs élèves sur deux ans. Mais le plus souvent, lorsqu’une diminution des effectifs impose une fermeture dans une école où jusque là, chaque classe ne comportait qu’un niveau, on crée sous la contrainte une classe à deux niveaux, faute de mieux… Elle constitue alors une organisation répondant à une nécessité de gestion des effectifs, et non à un choix pédagogique. Ces classes sont parfois le fruit de regroupements saugrenus (CP – CM1 ; CE1 – CM2…) ayant pour seul souci d’équilibrer le nombre d’élèves dans chaque classe de l’école. Mais celles-ci n’ont souvent qu’une existence provisoire. 3 Dans les autres cas, le maître qui prend cette classe à charge peut parfois avoir la possibilité de regrouper les meilleurs élèves de chacun des niveaux, et disposer d’un effectif réduit afin que sa tâche soit facilitée. Cependant, cela ne peut se faire que dans les écoles comportant un nombre de classes suffisant. Les classes à cours multiples sont les plus fréquentes dans les zones rurales, où les écoles ne comportent souvent que deux, trois ou quatre classes : dans ce cas, chaque classe est à niveau double, voire triple. Aussi, les maîtres qui enseignent dans ces classes n’ont pas la possibilité de « choisir » leurs élèves, et sont souvent amenés à gérer aussi des élèves présentant des difficultés scolaires. Dans ce cas, des problèmes se présentent à l’enseignant : en classe à deux ou trois niveaux, et d’autant plus en classe unique, l’enseignant doit trouver une organisation, de la classe et de son travail, afin que les conditions d’apprentissage soient optimales pour tous les élèves. C’est cette organisation qui présente des difficultés pour les maîtres qui y enseignent pour la première fois. De jeunes enseignants se trouvent désarmés face à la gestion d’une classe à cours double. Ils ont le sentiment de « jongler » entre les deux groupes d’élèves et de ne pas leur apporter toute l’aide dont ils auraient besoin. Ces problèmes amènent souvent ces maîtres à vouloir terminer les travaux en cours plutôt que de respecter l’horaire prévu, et ainsi à négliger certaines disciplines au programme de l’école primaire. C’est pourquoi le maître doit rapidement s’adapter et pouvoir gérer les deux groupes. A l’inverse, des enseignants ayant l’habitude de ces classes à deux ou trois niveaux disent « s’ennuyer » dans une classe à un seul niveau d’enseignement, ayant une organisation plus souple du temps de classe, même si cette classe n’est pas pour autant plus homogène. Les parents d’élèves ont également divers avis face à ce débat. Pour certains (plutôt de milieu urbain), dont les enfants ont été scolarisés auparavant en classe à niveau unique, la classe à cours multiples est souvent vue comme une alternative provisoire, au détriment de la qualité de l’enseignement. En maternelle, ils craignent parfois que le niveau de la classe soit « tiré vers le bas » par les plus jeunes. Mais le plus souvent, les classes à niveaux multiples en maternelle sont perçues comme étant bénéfiques pour le développement de l’enfant. Globalement, les parents y sont favorables, pensant que leurs enfants auront la possibilité de bénéficier d’un passage anticipé au CP. 4 A l’inverse, en zone rurale, les parents d’élèves ont l’habitude de voir leurs enfants scolarisés en classe à cours multiples, et défendent ces classes, refusant la fermeture d’une école au profit d’un regroupement pédagogique. Le problème est encore différent en classe unique. L’organisation du travail dans ces classes reste floue pour les parents, et est très redoutée par les enseignants, qui craignent une charge importante de travail et la gestion simultanée de cinq ou six niveaux. Le maître doit pouvoir tirer profit de l’hétérogénéité des élèves. De plus, ces classes sont isolées de l’extérieur, par le fait que tous les enfants du village sont scolarisés dans la même classe pour plusieurs années, avec parfois le même enseignant, et à plusieurs kilomètres de toute autre école. Il est nécessaire pour tous de rompre cet isolement. Cette structure de classe demande un investissement important de la part du maître. Ces responsabilités et cette organisation sont propres à ces classes, et sont mal connues des enseignants qui bien souvent ne souhaitent pas y enseigner. 2) Quelques statistiques… Les écoles rurales en France La France compte aujourd’hui environ 6 500 000 élèves, dans plus de 57 000 écoles. 46 % de ces écoles comptent moins de 5 classes. Pour la plupart, il s’agit d’écoles de communes rurales. En effet, les transformations économiques ont affecté et affectent encore les campagnes, et les évolutions démographiques ont entraîné une croissance des zones rurales périurbaines, et à l’inverse, dans certaines zones, un fort déclin démographique. Ces transformations affectent le système éducatif, la désertification entraînant des fermetures de classes et d’écoles. Mais les fermetures peuvent à leur tour accélérer la dévitalisation de certaines zones rurales. La scolarisation en milieu rural ne constitue plus seulement un enjeu éducatif, elle est également devenue un enjeu pour l’aménagement du territoire. En effet, d’après le rapport du Sénat annexé au procès-verbal du 14 avril 2004, on a comptabilisé en 2002, que 11 599 communes (près du tiers), n’avaient plus d’école, et 16 406 n’en avaient qu’une seule. Suite au développement des Regroupements Pédagogiques Intercommunaux (RPI), à partir des années 70, on a pu constater qu’entre 1980 et 2002, le nombre d’écoles a diminué de 16%, 5 alors que le nombre de classes n’a diminué que de 4 %. Selon le rapport de l’Inspection Générale de l’Education Nationale de juin 2003, il existait en juin 2001, 4 768 RPI en France. Le cas de la Côte d’Or Dans le département de Côte d’Or, on a recensé en octobre 2004, 648 écoles dont 254 maternelles et 394 écoles élémentaires. Parmi les écoles maternelles, 120 comptent 1 ou 2 classes, 60 ont 3 classes, et seulement 2 écoles comptent 7 classes. Concernant les 394 écoles élémentaires, 190 n’ont qu’une ou 2 classes, 50 comptent 3 classes, 30 ont 4 classes, et environ 120 ont 5 classes ou plus. Parmi les écoles à faibles effectifs, on compte 19 classes uniques, et 221 classes sont regroupées en 80 RPI. (Ces chiffres sont issus de la conférence de Mr Nyant sur L’école en milieu rural). La Côte d’Or compte 10 circonscriptions dont certaines ont une très faible densité de population, et se caractérisent par la dispersion de structures scolaires de petite taille. L’exemple de la circonscription de Semur-en-Auxois a été développé dans le rapport de l’Inspection Générale sur l’évolution du réseau des écoles primaires en 2003. Pour 207 communes, cette circonscription compte seulement 87 écoles, accueillant 3 970 élèves, soit en moyenne 45 élèves par école. 20% des écoles sont des classes uniques, et 80% ont moins de 4 classes. On peut déduire de cette étude que 80% des écoles de cette circonscription comptent des classes à 2 cours ou plus. La source d’un problème Ces conclusions mènent à un débat riche sur l’école rurale, qui est l’objet d’un certain nombre d’idées reçues. Les petits établissements ruraux ont-ils la même « efficacité » que ceux des villes, offrent-ils à leurs élèves les mêmes chances de réussite ? Cette question est posée alors que les facilités de transport et les modifications des comportements de déplacement font que la demande de scolarisation sur place n’est plus aussi impérative. La question de la 6 scolarisation en milieu rural est présentée sous forme d’une alternative : faut-il maintenir un service public de proximité en zone rurale pour assurer la survie ou le dynamisme des campagnes, ou bien faut-il abandonner des petites structures scolaires pour assurer la qualité de l’enseignement ? Proximité et qualité sont alors présentées comme des notions inconciliables. D’autre part, cette question intéresse l’Institution : les petites structures scolaires sont-elles trop coûteuses ? Offrent-elles une formation et des équipements insuffisants ? Les performances et la motivation des élèves sont-elles moins élevées qu’en milieu urbain ? Ces questions ont été à l’origine de recherches réalisées il y a un peu plus de dix ans. 3) Les études menées Jusqu’en 1981, la grille Guichard fixait le seuil de suppression des classes uniques à 9 élèves, en dessous duquel pouvait être proposée la fermeture de l’école. En 1989, la mission Mauger sur l’école en milieu rural préconise la fermeture, tout d’abord des classes uniques, puis des écoles à 2 et 3 classes, précisant que l’idéal serait des écoles maternelles et des écoles primaires d’au moins trois classes chacune, les classes uniques étant considérées comme archaïques et coûteuses. A la rentrée 1990, cette concertation aboutit à la fermeture massive d’un certain nombre de classes uniques, y compris celles ayant des effectifs acceptables (15 à 20 élèves), dans 7 départements pilotes. A partir de cela, un certain nombre d’élus, de parents et d’enseignants ont résisté, et fondé le CREPSC (Centre de Recherches des Petites Structures et de la Communication), puis la Fédération Nationale de l’Ecole Rurale (FNER), qui, après deux colloques, rassemble de plus en plus de personnes. Le Ministère, suite à ces contestations, a demandé à la Direction de l’Evaluation et de la Prospective et à l’Institut de Recherche sur l’Economie de l’Education (IREDU) de Dijon, de mener une étude. En 1993, l’Inspection Générale publie le rapport Ferrier, qui rend compte des résultats de ces enquêtes : la classe à cours simple obtient des résultats un peu moins bons que la classe à deux cours, qui elle même a des résultats inférieurs aux classes à plus de trois cours. Ces résultats vont à l’encontre de bien des discours, d’enseignants comme de parents d’élèves de milieu urbain. Ils sont même opposés aux instructions données aux Inspecteurs d’Académie 7 au milieu des années 60 (on ne disposait pas à l’époque de moyens permettant de connaître l’efficacité des diverses structures de classes existantes). Les résultats Les résultats rapportés dans les « Notes de l’IREDU » sont extraits de l’analyse de trois enquêtes réalisées dans des cantons à dominante rurale de Saône-et-Loire et de l’Yonne. Concernant les acquisitions scolaires en cours d’école primaire, il a été remarqué que les élèves de CE2 ayant été scolarisés en classe à cours multiples ont des acquis supérieurs à ceux scolarisés en cours simple (écart de 2,7 points ; statistiquement significatif). Cet écart est conservé à l’entrée en sixième. Cette étude souligne les aspects particulièrement positifs des classes uniques dont les écarts sont de + 3,9 points en fin de CE2 et + 4,8 points en début de sixième. En revanche, les classes à cours triples sont globalement d’une efficacité comparable à celle des cours simples, ce qui a été traduit par une difficulté des enseignants à gérer ce contexte scolaire, par rapport aux cours doubles ou aux classes uniques. Mais quel que soit le nombre de cours dans la classe, jamais les élèves ne progressent moins bien que dans les classes traditionnelles à un seul cours, jugées pourtant les meilleures. Cela a été expliqué par le fait que dans les cours multiples, les élèves sont à la fois plus autonomes et plus fréquemment en situation de travail, et notamment de travail personnel. En classe à cours simple en revanche, si les enseignants sont en moyenne plus directifs, leur gestion du temps est beaucoup plus lâche et leurs élèves ont un temps de travail personnel plus faible. Les analyses indiquent également que le fait de conserver le même enseignant pendant plusieurs années scolaires ne semble pas pédagogiquement efficace. Les élèves qui ont changé de maître ont des acquis supérieurs de 2 à 3 points à ceux réalisés par des élèves qui ont conservé le même enseignant. Concernant le nombre d’élèves dans la classe, il a été observé que dans les cours simples, un effectif plus important a des effets négatifs, mais quantitativement modérés, alors que dans les cours multiples, les résultats indiquent une relation positive entre taille de la classe et acquis des élèves : des effectifs très petits (moins de 15 élèves) ne constitueraient pas un environnement favorable aux acquisitions. 8 L’analyse des redoublements lors de l’intégration au collège confirme ces résultats. En effet, les meilleurs résultats scolaires en 6ème concernent les élèves ayant fréquenté une classe à cours multiples (+ 3,9 points par rapport aux élèves ayant été scolarisés en classes à cours simples), et plus encore les élèves ayant fréquenté une classe unique (+ 6,4 points). Ces élèves auraient une plus grande autonomie et une meilleure organisation du travail personnel. A résultats scolaires comparables, ces élèves auraient un risque de redoubler inférieur aux élèves issus de cours simples en primaire. D’autre part, une analyse des coûts globaux associés à la carte scolaire a également été réalisée au cours de ces études. Les chercheurs, en prenant en considération les frais de fonctionnement des écoles et les dépenses de transport, ont conclu que la vraie difficulté n’est pas d’ordre financier, mais tient au partage des charges entre l’Etat et les collectivités locales. Les frais de fonctionnement des écoles étant à la charge de l’Etat, la carte scolaire correspond en priorité à ses préoccupations. Le Conseil Général a la charge des transports induits par cette carte scolaire. En cas d’ouverture de classe, la charge incombe à l’Etat, alors que le Département fait des économies. Dans les limites de l’enveloppe financière globale actuelle, il existe la possibilité d’aménager la carte scolaire (plus d’écoles et moins de transports) et rendre le mode de scolarisation plus efficace. Les résultats de ces recherches rejoignent certaines réflexions administratives, notamment la politique des cycles à l’école primaire. B- Les Instructions Officielles 1) L’organisation en cycles L’objectif de réduire les inégalités géographiques de scolarisation est affiché dans les mesures législatives. Ainsi, la loi d’orientation du 10 juillet 1989 énonce dans son article premier : « L’acquisition d’une culture générale et d’une qualification reconnue est assurée à tous les jeunes, quelle que soit leur origine sociale, culturelle et géographique ». L’objectif national est 9 alors de conduire l’ensemble d’une classe d’âge au moins au niveau CAP ou BEP, et 80% au niveau du Baccalauréat. (Cet objectif a aujourd’hui été revu : selon la loi d’orientation parue au Journal Officiel le 24 avril 2005, l’objectif d’ici dix ans est toujours de mener 80% d’une classe d’âge au niveau du BAC, et de plus, 50 % d’une classe d’âge à un diplôme de l’enseignement supérieur). Pour ce faire il faut promouvoir un enseignement adapté à la diversité des élèves. La loi de 1989 met en place à l’époque une nouvelle organisation de la scolarité afin d’atteindre cet objectif. Dans son chapitre II, elle précise : « La scolarité est organisée en cycles pour lesquels sont définis des objectifs et des programmes nationaux de formation comportant une progression annuelle ainsi que des critères d’évaluation. La scolarité de l’école maternelle à la fin de l’école élémentaire comporte trois cycles. (…) La durée de ces cycles est fixée par décret. Pour assurer l’égalité et la réussite des élèves, l’enseignement est adapté à leur diversité par une continuité éducative au cours de chaque cycle et tout au long de la scolarité. Les programmes définissent, pour chaque cycle, les connaissances essentielles qui doivent être acquises au cours du cycle ainsi que les méthodes qui doivent être assimilées. Ils constituent le cadre national au sein duquel les enseignants organisent leurs enseignements en prenant en compte les rythmes d’apprentissage de chaque élève. » Les trois cycles mis en place à l’école primaire sont répartis comme suit : • Cycle 1 ou cycle des apprentissages premiers : toute petite, petite et moyenne section de maternelle. • Cycle 2 ou cycle des apprentissages fondamentaux : grande section de maternelle, CP, CE1. • Cycle 3 ou cycle des approfondissements : CE2, CM1, CM2. La notion de cycle d’apprentissage et une bonne articulation de ces cycles entre eux permettent de mieux prendre en compte les rythmes de chaque enfant. L’élève est au centre du système éducatif et on a la volonté de lui permettre d’acquérir des connaissances quand il est prêt, et non lorsqu’il a atteint un certain âge biologique. Les programmes sont établis pour les trois années du cycle, afin de favoriser la continuité des apprentissages : les redoublements ne peuvent se faire qu’une fois, uniquement en fin de cycle. 10 Dans les écoles apparaissent alors les conseils de cycle, réunissant les maîtres qui enseignent dans chacun des niveaux du cycle. Ensemble, ils établissent une programmation afin de répartir les apprentissages sur trois années. D’autres organisations ont parfois été mises en place : pour un même cycle, il peut y avoir trois enseignants, mais qui chaque année suivent leurs élèves. Ils accompagnent un seul niveau sur trois ans. Un enseignant peut aussi avoir la charge d’une classe à trois niveaux d’enseignement, appelée « classe de cycle ». Cette forme de classe a été proposée dans le but de laisser chaque enfant se développer à son rythme. En effet, elles sont censées permettre une organisation optimale des apprentissages sur plusieurs années, en tenant compte des acquis réels de chacun des enfants. Leur création consistait à inciter les enseignants à entrer dans la différenciation pédagogique et ainsi, permettre aux élèves de développer leur autonomie dans le travail, vecteur d’apprentissages autres que purement scolaires. La classe à plusieurs niveaux est alors une solution envisagée pour gérer l’hétérogénéité. Pourtant, sur le terrain, cette organisation est encore exceptionnelle et est surtout présente en milieu rural, où le nombre d’enfants est insuffisant pour constituer des groupes-classes par niveau. 2) Les solutions apportées Dans le rapport annexé à la loi d’orientation de 1989, il est précisé que « la lutte contre les inégalités géographiques passe par une égalisation de l’offre de formation sur tout le territoire national ». De plus, l’article premier de la loi d’orientation indique que « le service public de l’éducation est conçu et organisé en fonction des élèves et des étudiants. Il contribue à l’égalité des chances. » Ainsi, l’Institution se doit d’offrir un lieu de scolarisation de proximité à tous. Cependant, les fortes contraintes budgétaires ont amené à mettre en cause la pertinence du maintien des petites structures scolaires. En effet, l’exode rural que l’on observe depuis des dizaines d’années conduit inévitablement à des fermetures de classes et a amené les pouvoirs publics à proposer des solutions d’organisation en regroupements, qui permettent d’offrir aux enfants des campagnes les mêmes chances de réussite qu’à ceux des villes. Pour cela, les Regroupements Pédagogiques Intercommunaux (RPI), et les Réseaux d’Ecoles Rurales (RER, ou Réseaux Ruraux d’Education :RRE) ont été créés. 11 Les politiques de regroupement L’organisation de l’école est profondément ancrée sur des textes législatifs très anciens. Faute d’évolution de ces textes, la réalité de l’organisation de l’école, notamment en regroupements divers, n’a pas été prise en compte par les réglementations récentes. En effet, les textes sur les RPI n’ont pas de caractère réglementaire : il en résulte que leur situation est très inégale. Le texte de base, toujours en vigueur, est l’article L. 212-2 du code de l’éducation, institué par la loi du 30 octobre 1886 : « Toute commune doit être pourvue au moins d’une école élémentaire publique. Il en est de même de tout hameau séparé du chef-lieu ou de toute autre agglomération par une distance de trois kilomètres et réunissant au moins quinze enfants d’âge scolaire. Toutefois, deux ou plusieurs communes peuvent se réunir pour l’établissement et l’entretien d’une école. Cette réunion est obligatoire lorsque, deux ou plusieurs localités étant distantes de moins de trois kilomètres, la population de l’une d’elles est inférieure régulièrement à quinze unités. Un ou plusieurs hameaux dépendant d’une commune peuvent être rattachés à l’école d’une commune voisine. Cette mesure est prise par délibération des conseils municipaux des communes intéressées. » La loi du 19 juillet 1889 précise les dépenses obligatoires pour les communes, et met à la charge de l’Etat la rémunération du personnel enseignant. Mais aucune disposition législative ne concerne la mission propre des regroupements d’écoles. Seul le deuxième alinéa de ce texte correspond aujourd’hui à un type de RPI : une école dessert plusieurs communes. Si le statut législatif de l’école a peu évolué depuis sa rédaction originelle, l’organisation du réseau scolaire s’est, à l’inverse, largement diversifiée avec la modernisation de l’école et l’évolution démographique de la population scolaire. Plus récemment, les RPI sont évoqués dans des textes qui traitent d’abord des classes uniques, puis, plus largement, dans les instructions sur la carte scolaire, et enfin dans divers textes relatifs à l’aménagement du territoire et à la place du service public éducatif en milieu rural. Les objectifs poursuivis dans cette politique de regroupement ont manqué de clarté. Une circulaire de 1975 demandait l’application stricte des seuils de fermeture des classes uniques , afin de favoriser les regroupements, en insistant sur leur fonction pédagogique liée à 12 la constitution de groupes d’élèves plus homogènes. Par la suite, diverses circulaires ont soutenu cette politique de regroupement. Mais en 1993, après le rapport Ferrier établi par l’Inspection Générale, le premier ministre décide le moratoire qui suspend la suppression des écoles à classe unique en milieu rural, au motif que ces suppressions auraient eu des effets malfaisants : accélération de l’exode rural, désertification de secteurs entiers, regroupements de population en périphérie urbaine. Ce moratoire a été remis en cause l’année suivante, et abandonné en 1998. Cependant, il a ralenti l’évolution des réseaux pendant plusieurs années. Les regroupements ont donc été créés dans un objectif d’ordre pédagogique, donner de meilleures conditions d’apprentissage aux élèves en les rassemblant dans des groupes homogènes, en contournant la question de l’organisation administrative de ces écoles. Cet objectif a été maintenu malgré plusieurs recherches concernant l’efficience de la classe unique, dont les conclusions auraient pu remettre en cause l’intérêt des regroupements. De plus, l’ambiguïté qui a souvent présidé à la mise en œuvre des RPI a amené des réactions de méfiance aux propositions de l’administration, confortées par le moratoire de 1993, qui s’observent sur la courbe d’évolution du nombre de RPI. Les RPI Les Regroupements Pédagogiques Intercommunaux ont permis de sauvegarder et d’améliorer la scolarisation des enfants en milieu rural où ils sont devenus une institution sans que pour autant existe une législation précise régissant leur création, leur fonctionnement ou leur extension. Les tentatives de définition officielle des RPI ont pris la forme de réponses des ministres de l’Education Nationale face aux interrogations qui leur ont été soumises, concernant les diverses interprétations départementales pour qualifier cette structure. En 1994, puis en 1996, ils tentent de clarifier quelques points. • Il existe deux types de regroupement possibles : Les RPI concentrés (RPIC) : une seule école rassemble tous les enfants des communes qui adhèrent au RPI. Les RPI dispersés (RPID) ou éclatés : chaque commune du RPI conserve son école, et dans chacune, il y a une classe qui rassemble les enfants d’un même niveau (ou d’un même cycle). 13 • Le RPI est une structure pédagogique d’enseignement dont l’existence repose sur un accord entre communes, qui définissent dans un texte les conditions administratives et financières de son fonctionnement. La mise en commun des moyens et des équipements permettrait d’offrir aux enfants des zones rurales des prestations de qualité, équivalentes à celles des enfants de zone urbaine. Selon le rapport de l’Inspection Générale sur « l’évolution du réseau des écoles primaires », à la rentrée 2001, il existait 4 768 RPI en France, dont 1 013 RPI concentrés (soit 21 %), et 3 755 RPI dispersés (soit 79 % du total), regroupant chacun environ 3 communes. Les structures éclatées sont beaucoup plus fréquentes, les maires souhaitant conserver l’école de leur commune. Les regroupements constituent actuellement la structure la plus représentée dans les secteurs ruraux. Les RER Un tournant est marqué par la circulaire du 17 décembre 1998, relative à l’avenir du système éducatif en milieu rural isolé. En ce qui concerne les structures scolaires, elle met fin en théorie au développement des RPI en préconisant la mise en place de Réseaux d’Ecoles Rurales. Sur le plan pédagogique, elle affiche des objectifs plus affirmés en énonçant les actions possibles, en donnant au réseau une certaine existence institutionnelle (un coordonnateur, un conseil, un projet). Le RER est un « dispositif, pas une structure », dont l’objectif est de permettre l’organisation en milieu rural isolé de projets éducatifs cohérents de la maternelle au collège qui, par une offre éducative scolaire et périscolaire de qualité, permettent de « freiner le mouvement des élèves vers les chefs-lieux de canton et même d’encourager un mouvement du centre vers les périphéries ». Les RER impliquent « la confiance, le volontariat et l’engagement de tous les partenaires » (Education nationale, collectivités locales, départements, associations…). Il se traduit par une convention engageant les uns et les autres, qui formalise les objectifs de réussite scolaire, et fixe pour trois ans les actions à conduire, les résultats à atteindre, les moyens attribués en poste, heures et crédits par chacun des partenaires. 14 Le rapport de l’Inspection Générale fait état de l’existence, en décembre 2002, de 321 réseaux, dans 44 départements. Dans la circonscription de Semur-en-Auxois, 31 écoles sont en RPI, mais la forme de regroupement la plus répandue est désormais celle du RER. S’appuyant sur la conventioncadre pour la scolarisation en milieu rural passée en 1998 entre l’Etat et le Conseil Général, 12 réseaux se sont constitués en cinq ans, couvrant la moitié des écoles de la circonscription. Les RER de l’Auxois-Morvan sont des réseaux de petite dimension, réunissant 43 écoles, 58 classes et 750 élèves (soit moins de 4 écoles, moins de 5 classes et en moyenne 62 élèves par réseau). L’activité essentielle de ces réseaux concerne les regroupements d’élèves, qui ont pour but de rompre l’isolement de niveau. L’expérience est positive en ce point. Leur périodicité et leur contenu sont définis localement. Le rapport sur « l’évolution du réseau des écoles primaires » souligne les inconvénients de ce fonctionnement : les coûts (dépenses de transports), la lourdeur de la logistique (l’organisation matérielle est prise en charge par les enseignants, les déplacements prennent du temps), l’inégalité des dynamismes, elle-même liée à la diversité des ressources locales et des engagements personnels. L’Inspection Générale a conclu que l’expérience des RER en Côte d’Or se présente plus à ce jour comme un moyen de maintenir des écoles, que comme un « facteur d’évolution pour l’avenir ». Ce type de réseau nécessite un travail en équipe, afin de définir et de mettre en œuvre le projet éducatif. Un coordonnateur est nommé parmi les enseignants du réseau, et en est le représentant vis à vis de l’Inspecteur de l’Education Nationale (ce rôle est globalement assez mal accepté par les enseignants). L’efficience de ce type de travail n’a pas encore été évaluée, leur mise en place étant encore trop récente. Les différentes actions de l’Etat depuis plusieurs dizaines d’années ont cherché à palier au problème de la scolarisation en milieu rural, face à la désertification des campagnes, en regroupant des élèves d’un même niveau, et en tentant de faire disparaître les classes uniques ou à niveaux multiples, afin de tendre vers une structure, jugée comme idéale : la classe à niveau unique qui existe en milieu urbain (malgré les études qui ont montré qu’elle n’était pas un modèle à suivre). 15 Cependant, le dispositif des Réseaux d’Ecoles Rurales vise à maintenir les écoles de campagne, et à apporter une réponse à leurs problèmes majeurs que sont l’isolement, le manque de structures et de moyens. A ce titre, il sera peut-être une « solution » au problème posé par l’évolution de la société, pour les élus locaux, les parents, et les enseignants. 16 DEUXIEME PARTIE : LA PRATIQUE L’année dernière, j’ai exercé, en tant que liste complémentaire, en classe unique, à Marignyle-Cahouët. Cette classe comptait 14 élèves, de la moyenne section de maternelle au CM1. Je n’y suis restée que quelques semaines avant d’être affectée dans une classe de CE1-CE2, en remplacement, à Venarey-les-Laumes. J’ai rencontré de nombreuses difficultés dans ces classes, sans doute dues au fait que je n’ai pas su organiser correctement leur fonctionnement. A la fin de l’année, et ainsi que lors de mon premier stage en responsabilité, j’ai eu à ma charge une classe de toute petite et petite section de maternelle. J’ai eu l’occasion, lors de mon second stage en responsabilité de pouvoir comparer cette organisation avec celle d’une classe à niveau simple, de CP. A- Des contraintes particulières 1) La gestion de l’espace et du matériel L’espace Les classes ayant souvent une petite superficie, il est nécessaire de les aménager de façon à exploiter au mieux l’espace, particulièrement lorsqu’il y a plusieurs niveaux. Il est nécessaire d’aménager un plan cohérent, qui respecte les différences d’âges, de répartir de façon équilibrée les endroits destinés au travail en autonomie (lorsque c’est possible), ceux qui accueillent des activités génératrices de bruit, et ceux où le maître travaille avec l’un des niveaux de classe. Dans la classe de Marigny-le-Cahouët, j’ai rencontré la difficulté d’avoir à concilier dans la même classe la gestion d’un groupe « conséquent » d’élèves de maternelle (sur 14 élèves, 2 étaient en moyenne section de maternelle, et 5 en grande section) avec les autres niveaux de la classe. En effet, les besoins des élèves de maternelle sont différents de ceux des élèves de l’école élémentaire. L’espace qui leur était destiné étant assez restreint ; il n’y avait pas de véritable coin regroupement, pas de salle de motricité, et seulement un petit coin pour les jeux calmes, la manière de travailler avec un tel groupe n’a pas vraiment de similitudes avec une 17 classe de maternelle classique. De plus, ces élèves devaient pouvoir travailler seuls pendant que je m’occupais des autres groupes, ce qui est une difficulté pour des enfants de maternelle. Etonnement, ils y parvenaient parfaitement bien et respectaient le travail de leurs camarades. La classe disposait d’un bon équipement informatique, permettant l’aménagement d’un véritable coin, et j’avais réservé un espace aux travaux d’arts visuels. Ces coins étaient délimités par la disposition du mobilier. Cependant, il était difficile de mettre en place des activités avec l’ensemble des élèves dans la classe, l’espace ne le permettant pas (hors-mis les temps de musique, où les tables ne sont pas nécessaires, et les temps d’EPS qui se déroulaient hors de la classe). Ci-dessous, le plan de cette classe : Coin jeux calmes Coin arts visuels Armoire Lavabos MS Armoire GS MS GS GS GS GS CP CE1 Bureau Armoire CE1 CM1 CE1 Coin informatique Bibliothèque CM1 CE2 18 Chaque groupe d’élèves avait une orientation différente, afin de bien délimiter les niveaux. Cette structuration permet à l’enseignant de pouvoir laisser chaque groupe en activité autonome pendant qu’il s’occupe d’un autre niveau, sans perturber le travail des uns et des autres. Dans la classe de CE1-CE2, l’espace était également assez restreint. L’organisation de la classe était assez classique, en colonnes, séparant les deux niveaux. Les tables étant orientées dans le même sens, les activités avec le groupe-classe ne posaient pas de problème matériel. Cette organisation est assez proche de celle d’une classe à niveau simple. En classe de maternelle à deux niveaux, l’organisation de la classe ne différencie pas les groupes d’élèves : les différents coins sont aménagés pour tous les élèves et sont accessibles à tous. Bien souvent, c’est par les activités que le travail est différencié. Le matériel Afin d’optimiser l’espace de la classe, et de respecter le travail de chacun, il est donc important d’avoir une bonne logique d’organisation du matériel. Il est important que chaque élève ait des repères dans son espace de travail afin de ne pas avoir à solliciter sans cesse l’enseignant. Pour cela, les rangements sont essentiels : de nombreuses étagères permettent aux élèves d’avoir accès à tout le petit matériel dont ils peuvent avoir besoin pour travailler. Ces outils sont à leur disposition (selon la taille des élèves), et des étiquettes repères peuvent permettent aux plus jeunes de trouver facilement le matériel et de le remettre en place. L’affichage dans la classe tient aussi une place importante. Des affiches portant sur les contenus notionnels, pour renforcer l’acquisition et la mémorisation des notions en cours d’apprentissage servent aux élèves au cours de leurs travaux en autonomie. D’autres affichages, de références méthodologiques ou les règles de vie peuvent être utilisés dans la vie quotidienne de la classe. Ces outils peuvent permettre aux élèves d’acquérir une certaine autonomie dans leur travail, et à l’enseignant de pouvoir travailler avec chaque groupe d’élèves sans être dérangé, au moins 19 pour des questions matérielles. Cependant, il est important d’installer ce fonctionnement avec les élèves, de façon à ce qu’ils en comprennent l’intérêt, et qu’ils apprennent à utiliser correctement ce qui est mis à leur disposition. D’autre part, il est important de disposer d’un tableau différent pour chaque groupe d’élèves, de façon à ce qu’ils sachent précisément quel écrit leur est destiné, sans être perturbés par le travail des autres. Il s’agit là encore d’un outil permettant de délimiter leur espace de travail, afin de les aider à assimiler le fonctionnement de la classe : lorsque le maître est avec un autre groupe, on travaille seul, en sachant qu’il viendra à un autre moment. Ces moments peuvent être matérialisés par l’enseignant dans la classe sous forme d’emploi du temps donné à chaque niveau d’élèves, mettant en évidence le temps de présence de l’adulte ; ou simplement expliqués par le maître au cours de la journée (« Je vais faire la leçon avec les CM et je reviens après pour corriger ces exercices avec vous »…). De cette façon, les élèves savent que s’ils ont terminé leur travail, ils doivent patienter calmement, et peuvent se servir des différents outils mis en place dans la classe pour travailler en autonomie. Mais pour éviter que ces moments ne soient trop longs, c’est au maître d’organiser correctement ses temps de présence. 2) La gestion du temps La gestion du temps est une affaire délicate pour un enseignant, surtout en début de carrière. On prévoit souvent trop d’activités pour la journée, ou pas assez. La bonne gestion de la classe passe par une bonne gestion du temps : des élèves qui ont terminé leur travail on très souvent tendance à bavarder. Cette source de bruit, dont l’enseignant est responsable, perturbe tout le travail de la classe. C’est pourquoi il faut savoir jongler entre les activités, parvenir à minuter et respecter son temps de présence. De plus, il est essentiel dans toute classe de prendre garde à ce que chaque enfant optimise son temps de présence à l’école, qu’il ne s’ennuie pas en attendant que ses camarades aient terminé leur travail (particulièrement dans les classes à cours multiples où l’enseignant n’est pas toujours là pour relancer les élèves sur une autre activité). L’enseignant doit évidemment prévoir un emploi du temps en conséquence, pour que les enfants soient toujours en activité. 20 L’emploi du temps Lorsque je suis arrivée dans la classe de Marigny-le-Cahouët, il n’y avait aucun emploi du temps, ni aucun document institutionnel pouvant me donner des pistes de travail. A ce moment, je n’ai trouvé aucune ressource, et j’ai dû construire un emploi du temps pour les six niveaux de la classe, en prenant en compte les programmes des trois cycles de l’école primaire. Cela s’est avéré difficile, d’autant que les temps de présence dans chaque groupe devaient être assez longs pour faire une leçon, mais en même temps assez courts pour ne pas laisser un groupe seul trop longtemps. Les plages de présence se réduisaient à 10 ou 15 minutes avec chaque groupe. De façon à pouvoir étendre un peu ces plages, j’avais regroupé certains niveaux : les élèves de moyenne et grande section travaillaient ensemble (les exigences n’étant bien sûr pas les mêmes), les élèves de CP et de CE1 travaillaient ensemble le plus souvent possible (la lecture et les leçons de mathématiques étant faits individuellement avec l’élève de CP, qui rejoignait aussi parfois le groupe de GS). Les élèves de CE2 et de CM1 faisaient le même travail, à l’exception du français et des mathématiques (où les leçons pouvaient parfois avoir un départ commun). L’emploi du temps de cette classe pour l’année en cours figure en annexe 1. Dans une classe à niveau double, l’emploi du temps doit prendre en compte les horaires imposés par les programmes, mais aussi, comme dans toute classe, l’alternance du travail écrit et du travail oral, individuel et collectif, les moments de concentration et de détente, et prévoir des temps de rupture collective. L’emploi du temps qui était mis en place à mon arrivée dans la classe de CE1-CE2 à Venareyles-Laumes (cf. annexe 2) dissociait les temps de travail de lecture et de mathématiques pour chaque niveau : lorsqu’un groupe faisait de la lecture, l’autre faisait des mathématiques. Cela permet aux enfants de se concentrer plus facilement sur leur propre tâche. A d’autres moments, ils travaillaient sur les mêmes matières. Cette organisation est parfois choisie par l’enseignant pour l’ensemble de l’emploi du temps (plus souvent pour deux niveaux d’un même cycle) comme dans celui présenté en annexe 3, car cette répartition est propice aux « effets de bord » : lorsque l’élève en autonomie « capte » une partie du discours qui ne lui est pas directement adressé, l’aidant parfois à comprendre mieux que si l’on s’adressait directement à lui, ou constituant une aide pour les élèves du niveau supérieur qui ont des difficultés. 21 Les niveaux de CE1 et CE2 n’appartenant pas au même cycle, pour les activités de découverte du monde - histoire, géographie et sciences, le travail était dissocié, mais réalisé au même moment, avec une alternance de travail collectif et de travail en autonomie, afin de partager mon temps de présence sur les deux groupes. Les temps d’EPS, de musique et d’arts visuels étaient communs aux deux niveaux et permettaient de regrouper tous les élèves et de maintenir la cohésion du groupe-classe. Cependant, si un emploi du temps rigoureux et précis (qui fait apparaître le temps de présence de l’adulte) est un cadre qui permet à tous de travailler de façon ordonnée et efficace, il n’est pas toujours évident de le respecter. L’application de l’emploi du temps Un problème majeur que j’ai rencontré l’an dernier dans la classe de CE1-CE2 était le dépassement du temps prévu pour une activité. En effet, j’avais souvent tendance à vouloir terminer le travail comme je l’avais prévu, cherchant à ce que tous les élèves aient compris la leçon avant de passer à autre chose. Cela m’a conduit à laisser l’autre groupe en autonomie sur un temps trop long, ce qui provoquait une hausse globale du volume sonore, et des interruptions pour rappeler à l’ordre le groupe qui travaillait seul. Cette erreur m’a également conduit à négliger parfois certaines disciplines, au profit de la langue française et des mathématiques. La contrainte est double : d’un point de vue institutionnel, de respecter la programmation de l’année, et à la fois du point de vue de la classe : il est difficile de mettre des élèves en autonomie sur un exercice d’application alors qu’ils n’ont pas compris la leçon… Il y a alors la crainte de laisser des élèves en difficultés. C’est une souplesse qu’il est possible d’avoir dans une classe à niveau simple : dans la classe de CP où j’ai fait mon second stage en responsabilité, plusieurs élèves étaient en grande difficulté. J’organisais mon temps de façon à pouvoir leur consacrer des moments dans la journée pour tenter de palier à ces difficultés. Cependant, la différenciation pédagogique est le propre de ces classes, et est difficilement transposable dans une classe à cours multiples. Mais, il est essentiel dans les classes à plusieurs niveaux de respecter l’emploi du temps, dans l’intérêt de la plus grande partie des élèves. Pour cela, il est important, pour que les groupes qui sont en autonomie puissent travailler efficacement, que les élèves sachent précisément ce qu’ils ont à faire et que la tâche soit adaptée. En effet, un élève se trouvant face à un exercice trop difficile, ou qu’il n’a pas 22 compris viendra demander de l’aide à l’enseignant, qui à ce moment est occupé avec l’autre groupe. C’est un facteur de gêne que le maître doit prévoir, en donnant des consignes claires et précises, en refaisant parfois le lien avec la leçon, et en s’assurant que les élèves ont compris ces consignes. Cela prend du temps, mais c’est un gain sur l’efficacité du travail qui va suivre. Pour éviter également d’avoir à interrompre une leçon pour redonner des explications aux élèves qui travaillent seuls, il convient d’éviter de proposer une situation nouvelle à chaque groupe au même moment. Lors de l’introduction d’une notion importante avec un groupe, mieux vaut prévoir des activités de réinvestissement pour les autres élèves afin d’être sûr qu’ils connaissent la notion, et sont capables de faire la tâche qu’on leur propose. Aussi, pour que chaque journée de classe se déroule le mieux possible, il est utile d’établir un règlement. 3) Les règles de la classe Afin que le travail de chacun ne soit pas perturbé, il est important dans toute classe, de définir des règles. C’est un outil indispensable pour que chaque élève apprenne à respecter le travail des autres, et qui est un référent quotidien dans les classes à cours multiples, de façon à éviter les pertes de temps. Le règlement, construit avec l’ensemble des élèves de la classe, définit les droits et les devoirs de chacun, les comportements à adopter en classe. On explique l’intérêt de chacune des règles pour le bon fonctionnement de la classe. L’élaboration collective des règles de vie constitue un objectif à atteindre à l’école primaire. Dès lors qu’une large part des activités est réalisée en autonomie, le respect des règles n’est plus seulement un objectif à atteindre, mais une condition nécessaire au bon déroulement des activités de toute la classe. Toute entorse montre immédiatement leur utilité. Chaque moment de la journée étant minuté, il convient de limiter au maximum les interruptions du maître. Lorsqu’un élève vient interrompre le travail d’un autre groupe, toute la classe perçoit la gêne qui en découle. Chaque élève perçoit alors le bien fondé de l’exigence du respect des règles. J’ai pu constater que ces règles étaient parfaitement respectées en classe unique, alors qu’elles l’étaient moins en classe à niveau double ou simple. En classe unique, leur efficacité est renforcée par l’habitude, puisque ces règles sont immuables et qu’elles ne changent pas chaque année, ce qui est souvent le cas lorsque l’élève change de maître tous les ans. De plus, 23 la gêne occasionnée étant moindre, le maître est peut-être (inconsciemment) moins intransigeant pour les faire respecter. Une homogénéisation des règles de vie dans toute l’école ainsi qu’une grande rigueur dans leur application serait une condition favorable à leur compréhension, et donc à leur respect par les élèves. D’autant que le respect de ces règles constitue pour l’enfant un contrôle de soi qui est une première étape du développement de l’autonomie. B- Une organisation spécifique des journées 1) La préparation au quotidien Tout enseignant doit afficher dans sa classe les documents réglementaires, parmi lesquels on trouvera l’emploi du temps faisant apparaître clairement les horaires impartis à chaque discipline, correspondant aux programmes, et une programmation du travail dans chaque discipline, répartissant les apprentissages sur l’année pour chacun des niveaux. Cependant, le travail effectif de la classe apparaît sur d’autres documents élaborés quotidiennement par le maître pour préparer les apprentissages. Le cahier-journal Le cahier-journal est un outil indispensable qui permet d’avoir une vision synthétique des journées de classe, et c’est également un document de travail important pour les remplaçants éventuels, qui peuvent ainsi connaître de façon rapide et condensée, le fonctionnement habituel de la classe et les derniers travaux effectués. Mais c’est avant tout un guide de travail pour l’enseignant, qui y planifie la journée en termes de contenus et de découpage horaire. Il est le résultat d’une réflexion pédagogique, et constitue un support qui permet de se repérer dans la journée, c’est pourquoi il doit être clair et rigoureux. 24 Dans une classe à cours multiples, il doit faire apparaître les activités pour chacun des niveaux, l’alternance des temps de présence du maître et des temps de travail en autonomie. Il est élaboré à partir de l’emploi du temps et des programmations établies pour la période. Ainsi, l’an dernier dans la classe de CE1-CE2, j’ai établi un cahier-journal aussi clair que possible. Chaque journée apparaissait sur deux pages : la page de gauche pour la matinée, et la page de droite pour l’après-midi. Je séparais chaque page en deux colonnes, faisant apparaître en parallèle le travail de chaque groupe d’élèves, et mettant en évidence par des codes de couleurs mes temps de présence. Ce fonctionnement me permettait de repérer clairement les temps de travail par niveau et de travail collectif, avec le groupe-classe. Il m’était ainsi possible de me repérer rapidement dans l’organisation de la journée. En classe unique, le cahier-journal a une importance particulière, car il est souvent le seul document qui rend compte des activités faites en classe. Quand dans toute classe, il est possible d’élaborer plusieurs fiches de préparation détaillant certaines séances de la journée, lorsqu’il y a cinq ou six niveaux d’enseignement dans la classe, cela devient difficile, voire impossible. Le cahier-journal est alors l’outil principal du maître, sur lequel il détaille rapidement le déroulement des séances. Il est une référence à chaque instant de la journée pour savoir quel travail est prévu à quel moment, avec quel groupe. Le cahier-journal est annoté chaque soir pour préciser ce qui a réellement été fait, de façon à pouvoir adapter les séances suivantes en fonction des difficultés rencontrées par les élèves. Les fiches de préparation Les fiches de préparation accompagnent le cahier-journal. Elles concernent certaines séances d’apprentissage de la journée et en décrivent précisément le déroulement. Ces fiches sont propres à chaque enseignant, qui élabore le modèle qui lui convient. Elles font le plus souvent apparaître la discipline, le niveau des élèves, la place de la séance dans la séquence, les objectifs correspondants aux programmes, le matériel éventuellement nécessaire, et le déroulement détaillé des activités. Pour ce déroulement, il est important pour le maître de faire apparaître clairement la durée de chaque phase de travail, qui correspondra aux temps impartis dans l’emploi du temps. On distingue également le type de travail choisi : collectif, en groupe, individuel…, dont l’alternance est essentielle en classe à cours multiples. Il convient alors de coordonner précisément le travail des différents groupes, et d’alterner les tâches nécessitant la présence de l’adulte, et les tâches pouvant être effectuées seul. Il est aussi 25 très utile d’écrire sur la fiche les consignes qui seront données pour le travail en autonomie, de façon à pouvoir expliquer clairement la tâche et éviter d’être dérangé lors du travail avec l’autre groupe. En classe à cours simple, pour chaque journée, il est possible d’élaborer des fiches de préparation pour toutes les séances les plus importantes. Au cours de mon stage en classe de CP, je faisais tous les jours une fiche pour les séances de lecture, pour la séance de mathématiques, et de découverte du monde. J’ai aussi rédigé des fiches pour les séquences d’arts visuels, de musique et d’EPS. Mais l’an passé, dans la classe de CE1-CE2, je ne réalisais souvent qu’une ou deux fiches pour chaque niveau, principalement pour les séances de découverte. Les autres séances étaient détaillées sur mon cahier-journal, en m’appuyant sur les manuels à ma disposition et les guides du maître les accompagnant. A l’inverse des classes à niveau simple, les objectifs poursuivis par le maître en classe à cours multiples sont différents pour chaque niveau d’élèves. C’est pourquoi il est nécessaire de dissocier le travail des différents groupes pour respecter leur spécificité, dans la mesure du possible. Mais on peut également n’élaborer qu’une fiche pour une séance à départ commun, et spécifier le travail de chacun pour la suite de la séance. En cycle 3, il sera plus facilement possible de conduire des activités communes aux différents niveaux. 2) Différents types de séances pouvant être menées Dans la classe, le maître n’est pas seulement un gestionnaire, mais doit aussi s’interroger sur ses pratiques dans les différents domaines qu’il enseigne, et sur les formes de travail qu’il met en place, en fonction des objectifs à atteindre. Les élèves de classe à cours multiples ont beaucoup à apprendre des autres. Il est courant que dans une classe de maternelle en début d’année, comme j’ai pu l’observer au cours de mon stage, les enfants de toute petite section ne parlent pas au cours des séances de langage. Mais c’est en écoutant les plus grands parler qu’ils assimilent du vocabulaire, qu’ils arriveront ensuite à s’exprimer en suivant le modèle d’autres enfants plus âgés. Ce comportement de « mimétisme » se retrouve également dans les autres niveaux de classe. C’est pourquoi le maître doit favoriser les situations de communication entre élèves d’âges et de niveaux différents. 26 Le travail en groupe En classe à cours simple, le maître peut organiser ses apprentissages autour de trois formes de travail : individuel, en groupe et collectif. Le travail en groupe, est destiné à favoriser les échanges entre élèves, les discussions, l’argumentation de leurs idées. Il est une source de communication par le langage, et la maîtrise de la langue étant un objectif prioritaire à l’école primaire, il est important de favoriser ce type de travail. Il est de plus en plus répandu dans la pratique de toutes les classes, et des recherches ont démontré qu’en échangeant, en communiquant dans son groupe, l’élève construit de manière efficace ses savoirs et ses savoirfaire. En classe à cours multiples, le maître a la possibilité de mettre en place ce type de travail sous différentes formes : lors d’un travail dissocié, les élèves peuvent travailler par groupes, au sein du même niveau. Mais dès que possible, il est intéressant de regrouper les niveaux : ce travail génère encore plus de richesses lorsqu’il est effectué en associant, dans chaque groupe, des élèves d’âges et de niveaux différents. En effet, les plus jeunes apprennent beaucoup des élèves plus âgés : la référence n’est plus seulement l’adulte, les élèves disposent d’un modèle, plus proche d’eux, qui leur donne des explications avec leurs propres mots. C’est ce type de relations que favorise également le tutorat. Lors des travaux en groupe associant plusieurs niveaux, la mise en commun est enrichie par l’apport des connaissances de chacun, et peut même donner suite à un débat, particulièrement si l’effectif de la classe est réduit. Le travail en classe entière Dans les classes à plusieurs niveaux, le travail en classe entière doit avoir une véritable place dans l’organisation du temps, car il permet de maintenir la cohésion du groupe. Les élèves sont souvent motivés à l’idée qu’ils vont travailler tous ensembles, et certaines disciplines peuvent associer les enfants de tous les âges. Cependant, certains domaines posent plus de difficultés que d’autres lorsqu’on veut les aborder en classe entière, ou avec tous les élèves d’un cycle. J’ai rencontré ce problème en classe unique, au cours des séances d’Education Physique et Sportive. J’ai eu quelques difficultés à trouver des activités qui soient adaptées à tous les élèves de la classe. La moitié de l’effectif étant des élèves de maternelle, les exercices ne 27 devaient pas être trop difficiles pour eux, mais devaient aussi répondre aux attentes des élèves de cycle 3. Les mieux adaptées sont les activités athlétiques : puisqu’il s’agit de produire des performances mesurables, on applique à chaque niveau un barème adapté. Mais lorsqu’on veut aborder les jeux ou les sports collectifs, les difficultés sont plus importantes : il faut alors trouver un jeu qui se prête à la pratique par des élèves de capacités très variées. Dans les situations que j’ai pu mettre en place, les élèves de CM avaient tendance à s’ennuyer, mais le plaisir de jouer avec les plus jeunes prenait le dessus. Ils leurs donnaient des conseils, cherchaient à les aider, ce qui était gratifiant pour tous lorsque les plus jeunes parvenaient à faire « comme les grands ». J’ai également rencontré cette difficulté au cours des séances de musique : le choix d’un chant qui puisse correspondre à des élèves qui ont cinq ou six ans d’écart, n’est pas évident. On est alors contraint à proposer un chant pour un niveau moyen, un peu difficile pour les plus jeunes qui ont du mal à mémoriser des textes longs, et trop simple pour les plus âgés. Il conviendrait peut-être d’adapter un chant plus difficile, pour que les plus petits n’en chantent qu’une partie, et les autres la totalité ; mais il faudrait alors dissocier les groupes lors de son apprentissage. Un autre domaine, qui impose une attention particulière lorsqu’on l’enseigne à tous les élèves de cycle 3, est l’histoire. Dans les classes à cours simple, on aborde chaque année une grande période, des évènements les plus éloignés dans le temps au CE2, aux plus récents en CM2. Dans les classes à plusieurs cours, les objectifs des trois niveaux du cycle étant communs, on peut ne pas dissocier les niveaux afin d’éviter de multiplier les préparations, mais on ne peut pas traiter toutes les périodes chaque année de manière efficace. La manière la plus répandue est donc de passer du temps à chaque début d’année pour situer la totalité des grandes périodes sur la frise chronologique, puis de traiter une partie de ces périodes. Le maître aborde toutes les périodes du programme de manière approfondie sur trois années. Tous les élèves abordent la totalité des évènements, mais certains le font dans un ordre non chronologique. D’où l’intérêt d’insister sur la situation de chaque période étudiée sur la frise. Dans ce type de classe, un jeune enseignant a parfois tendance à penser que lorsqu’il n’est pas avec ses élèves, ou lorsqu’ils ont terminé leur travail, leur temps est perdu. Mais il y a des outils à mettre en place dans la classe pour mettre ce temps à profit, et par là développer l’autonomie des élèves. 28 3) Des outils pour l’autonomie Dans un système où les élèves ont une tâche à réaliser en autonomie, il est parfois difficile de gérer l’occupation des plus rapides. L’élève doit apprendre à se prendre en charge, gérer son temps, ses outils. Pour développer son autonomie, il a besoin de repères et de limites établies par l’adulte. Les notions qui s’y rattachent sont complexes : l’apprentissage de la tolérance, du respect des autres, l’acceptation des contraintes et l’exploration des espaces de liberté en s’adaptant aux personnes, aux situations, au milieu environnant. L’enseignant de classe à cours multiples se doit d’en faire un objectif central de sa pédagogie. Cette tâche étant plus difficile pour les plus jeunes, qui parfois découvrent cette organisation de classe, il est important que le maître s’attache à commencer la journée avec eux, afin de les guider sur ce qu’ils auront à faire seuls. A l’école, différents niveaux d’autonomie apparaissent : par rapport à l’espace et au matériel, par rapport au travail. Comme nous l’avons vu précédemment, l’élève doit apprendre à gérer seul son petit matériel, et les aménagements de la classe doivent l’y aider. Les élèves apprécient généralement une ambiance de calme dans la classe ; ils adoptent un comportement stable, coopérant et tolérant si des règles de vie ont été construites avec eux, et qu’ils en ont compris l’intérêt. L’autonomie par rapport à la tâche à effectuer se développe à tous les niveaux de classe. En cours multiples particulièrement, les élèves doivent être capables de résoudre leurs difficultés, de s’autoévaluer, en ne sollicitant l’enseignant qu’en dernier recours. Certaines règles viennent à être automatisées : relire la consigne de l’exercice ou le texte, chercher des informations dans les ressources de la classe si nécessaire, demander une explication à un camarade, et enfin demander au maître si le problème n’a pas été résolu. L’enseignant doit aussi pouvoir gérer l’activité des élèves qui ont terminé le travail imposé. Pour cela, il peut mettre en place dans la classe divers fonctionnements : la possibilité d’aller au coin bibliothèque, de choisir des fiches d’exercices autocorrectives, d’aller au coin informatique, de travailler sous forme de contrat (réalisation d’un exposé, écriture d’un article pour le journal de l’école…) ou comme nous allons le voir par la suite d’aider ses camarades par la démarche du tutorat. Cependant, les activités proposées ne doivent pas être trop attractives, au risque que certains élèves « bâclent » le travail imposé. 29 Il est parfois mis en place avec l’élève un « plan » de travail individuel : le maître donne à chaque élève une liste d’activités correspondant à ses besoins ou au travail en cours, qu’il effectuera à son rythme. Certaines sont obligatoires, mais il les fera dans l’ordre qu’il souhaite, d’autres sont au choix de l’élève. Un point est fait avec le maître de façon hebdomadaire. La mise en place du tutorat dans la classe peut avoir des effets très positifs, particulièrement en cours multiples. En effet, pour un élève plus âgé, la possibilité d’aider, de guider un plus jeune est très gratifiant. Même un élève plus faible peut trouver des moments où c’est lui qui est le modèle. En classe à cours simple, un élève faible ou lent est rarement dans cette position, et a donc plus de chances de se construire une image négative de lui-même. Le tutorat est difficile à mettre en place dans ces classes, car entre élèves du même niveau, il aura plutôt tendance à dévaloriser ceux qui ont besoin d’une aide par rapport à leurs camarades. En plus des apports dans le domaine de la langue, les échanges entre élèves de niveaux différents permettent une consolidation des notions : les élèves aidés profitent d’un nouveau point de vue et d’un rappel de la notion, et les élèves qui aident sont obligés de formuler leurs connaissances de façon précise et correcte. Cependant, la mise en place du tutorat doit être travaillée en classe et nécessite quelques mises au point préalables : on n’aide pas un camarade en lui donnant la réponse, si on n’est pas capable d’expliquer, on demande à une autre personne ou on cherche dans les ressources de la classe. Mais cette démarche n’aura pas forcément que des aspects positifs, et peut conduire à dévaloriser certains élèves, c’est pourquoi elle doit être testée dans la classe, et poursuivie uniquement si elle est enrichissante pour tous. Les travaux proposés aux élèves afin de mettre à profit leur temps libre dépendent beaucoup des possibilités qu’offre la salle de classe : le travail par ateliers, l’aménagement de coins spécifiques accessibles librement seront possibles si la pièce est suffisamment grande. C’est au maître de définir, en fonction des locaux, du nombre d’élèves s’ils peuvent se déplacer ou non ; les activités mises en place seront différentes si les circonstances ne le permettent pas. 30 Conclusion L’enseignement en classe à cours multiples demande une grande rigueur dans son organisation. Il serait utopique de vouloir donner une solution idéale pour gérer ces classes, dont le fonctionnement est si différent des classes « traditionnelles ». Mais il existe certains éléments susceptibles de nous aider à enseigner dans une classe à plusieurs niveaux. Au cours de ma réflexion, j’ai cherché à établir les points sur lesquels porter une attention particulière pour enseigner dans de bonnes conditions lorsque l’on a plusieurs cours dans une même classe, afin de résoudre des problèmes que j’avais déjà rencontrés. J’ai pu découvrir quelles avaient été les sources de mes difficultés, ce qui je l’espère m’aidera à y remédier. L’aménagement de l’espace, du temps, l’établissement de règles de vie sont des éléments essentiels à mettre en place, et à réadapter par la suite si nécessaire. La construction des apprentissages tout au long de l’année demande aux enseignants un effort particulier de conception, et c’est sans doute ce qui effraie la plupart d’entre eux. Mais on peut rapidement percevoir des aspects positifs qui relèvent de cette organisation : chaque fois que le maître intervient dans un niveau, le nombre d’élèves étant en général assez réduit, il a une efficacité maximale. Il est en effet plus facile d’expliquer et de faire assimiler une notion à six élèves qu’à vingt ! Au-delà de l’acquisition des connaissances, cette structure est particulièrement favorable au développement de compétences de socialisation, et constitue aussi un cadre idéal pour développer l’autonomie de l’élève, son indépendance, son esprit d’initiative et d’organisation. Ces compétences étant demandées à l’arrivée au collège, on comprend que les recherches étudiant les résultats de ces élèves lors de la poursuite de leur scolarisation, soient favorables à ce fonctionnement. Aux vues des conclusions de ces études, on devrait même favoriser la création de classes à cours multiples, ou au moins ne pas chercher à les faire disparaître. Cependant, il me paraît possible d’utiliser les expériences de classes à plusieurs niveaux pour améliorer la pratique dans celles à un seul, car la plupart des éléments positifs évoqués y sont transposables. En effet, les classes à cours simple étant également constituées d’élèves de niveaux hétérogènes, la différenciation de la pédagogie peut viser à développer les mêmes compétences. 31 Bibliographie - Cas d’école : Enseigner en classe à multiniveaux – Michel Baraër, Pierre Bédécarrats, Nathan pédagogie, 2001. - Guide pour classes à plusieurs niveaux – Anna Philippon, Hachette éducation, 1995. - Conduire des classes à cours multiples – Chantal François, Alice Lagrange, Dominique Berteloot, Hatier, 1998. - Qu’apprend-on à l’école élémentaire ? – MEN, 2002. - Loi d’orientation sur l’éducation du 10 juillet 1989. Sites Internet : - Les Notes de l’IREDU : 96/1 ; Les groupements d’élèves dans l’école primaire rurale en France : efficacité pédagogique et intégration des élèves au collège (C. Leroy-Audouin et A.Mingat) : http://www.u-bourgogne.fr/upload/site_120/publications/les_collections_de_l_iredu/notes.htm - L’école primaire en milieu rural : http://www.cnrs.fr/Cnrspresse/n28a3.html - Extraits du Rapport Ferrier : http://marelle.org/clauniques/ferrier.htm - Sénat : avis n°265, annexe au PV du 14/04/04 : http://www.senat.fr/rap/a03-265/a03-2650.html - Le concept de travail en cycle : http://philippe.ruelen.free.fr/Reflex/Societe/niveaux.htm - Loi Fillon : http://www.loi.ecole.gouv.fr - Rapport de l’Inspection Générale : L’évolution du réseau des écoles primaires : http://www.ladocfrancaise.gouv.fr/brp/notices/034000604.shtml - Réglementation officielle sur l’école rurale : http://www.snuipp.fr/Kisaitou/CHAPITRE_A13.html - Education et formation : Le système éducatif en milieu rural : http://www.education.gouv.fr/stateval/revue/ef43dev.html 32 ANNEXES Annexe 1 Annexe 2 Ecole Voltaire – Venarey-les Laumes Année scolaire 2003-2004 Emploi du temps CE1-CE2 8h30 8h45 Lundi Accueil Lecture suivie Mardi Accueil Maths Lecture Jeudi Accueil Lecture Maths Vendredi Accueil Maths Lecture Samedi Accueil Poésie Dictée Illustration Récitation 9h30 Maths Maths Lecture Maths Maths Lecture Lecture Maths Lecture Autocorrec. Poésie Récitation Copie Illustration 10h15 10h30 Récréation ORL ORL Récréation ORL ORL Récréation ORL ORL Récréation ORL ORL Récréation Education civique Musique 11h15 Ecriture copie Dictée préparée Ecriture Ecriture Ecriture Repas Repas Repas 11h30 Repas 13h30 Histoire Histoire Biologie Biologie Physique Physique Géogra. Géogra. 14h20 Express. écrite Express. écrite EPS Musique (gymnase) 15h15 15h30 Récréation Arts visuels 16h15 Rangement- Devoirs Rangement- Devoirs Présence de l’enseignante Récréation Arts visuels Récréation EPS Rangement- Devoirs Rangement- Devoirs Rangement - devoirs Annexe 3 Une autre organisation du temps (emploi du temps recueilli sur Internet) Emploi du temps Ce1 / Ce2 – Année scolaire 2003/2004 Lundi Mardi Jeudi Vendredi 8h30 9h Accueil Accueil Accueil Accueil 9h 9h40 Lecture Lecture Lecture Vocabulaire Maîtrise de la langue Maîtrise de la langue Maîtrise de la langue 9h40 10h20 10h20 10h45 10h45 11h30 13h30 14h30 Calcul mental Problème Problème Calcul mental Mathématiques Mathématiques Expression écrite Ecriture Calcul Problème mental Problème Dictée Lecture Calcul mental Calcul mental Problème Mathématiques Mathématiques Musique Ecriture Calcul Problème mental Mathématiques Histoire – Géographie Histoire – Géographie – – Education civique Education civique 15h20 15h45 15h45 16h30 Dictée Récréation Mathématiques 14h30 15h20 Lecture Sciences Technologie Sciences - Technologie Expression écrite Sport Récréation Sport Arts plastiques Activités habituellement communes aux Ce1 et aux Ce2, les éventuels exercices et les traces écrites pouvant être différents. Activités pouvant être communes ou séparées, selon le contenu de la séance. Activités habituellement séparées. Je travaille avec un groupe pendant que l’autre est en autonomie, puis je change de groupe. Emploi du temps susceptible d’évoluer durant l’année en fonction des besoins des élèves…. Enseigner en classe à cours multiples Résumé : Doit-on aujourd’hui douter de l’efficacité des classes à cours multiples ? Des recherches montrent que non… Pourtant, ces classes sont redoutées par les enseignants. L’enseignement dans ces classes demande une organisation particulière. Il est important pour le maître de mettre en place un fonctionnement adapté, d’élaborer des outils spécifiques afin de développer l’autonomie des élèves. Mots clés : - cours multiples - classe unique - autonomie - politiques de regroupement