Car-Pass - Media Delivery Services - Test

CAR-PASS
La fin des fraudes au kilomé
P. Louyet et S. Dochy
Les compteurs kilométriques trafiqués, c'est fini,
ou presque. L'instauration du Car-Pass a réduit
considérablement ce type de fraude. Mais notre
enquête montre que le système a ses limites et
doit encore étendre sa notoriété.
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test-achats . n° 523 . septembre 2008
FOCUS
trage ?
M
is en place il y a un peu moins de deux ans,
Car-Pass constitue la meilleure garantie que
le kilométrage affiché par votre prochaine voiture d'occasion correspondra bien à la réalité.
Encore faut-il le savoir… et le faire savoir.
Comment ça marche ?
C'est le 1er décembre 2006 qu'était définitivement lancé le
système Car-Pass, destiné à mettre fin au fléau de la fraude
au kilométrage des voitures d'occasion. Il s'agit en fait d'une
banque de données reprenant l'historique kilométrique de
chaque véhicule.
A chaque passage au contrôle technique, chez le marchand
de pneus ou au garage (pour des interventions supérieures à
125 €), le kilométrage de votre voiture doit être communiqué
à l'asbl Car-Pass, et son historique doit être repris sur un
document officiel.
Ce document, appelé Car-Pass, est obtenu auprès du contrôle technique (6,15 €). Il doit être obligatoirement remis à
l'acheteur d'une voiture d'occasion par le vendeur, qu'il soit
professionnel ou particulier.
Il ne peut dater de plus de 2 mois et permet à l'acheteur de
vérifier si le chiffre indiqué sur le compteur est plausible et,
donc, que le compteur n'a pas été trafiqué.
Si le vendeur ne remet pas le Car-Pass à l'acheteur, celui-ci a
légalement le droit d'exiger l'annulation de la vente et d'obtenir le remboursement du prix d'achat. Seule exception : la
remise d'un Car-Pass n'est pas obligatoire lors d'une vente à
un professionnel de l'automobile.
Les professionnels du secteur ont joué le jeu : au 31 mars 2008,
alors qu'on se préparait à remettre le millionième Car-Pass, la
base de données comptait près de 60 millions de relevés kilométriques. Mais ils sont encore trop nombreux à ne pas se plier à
leur obligation (dont, par exemple, une grande chaîne comme
Auto5 qui boycotte systématiquement le Car-Pass). Des procèsverbaux ont été dressés, qui connaîtront des suites judiciaires.
Les données Car-Pass montrent qu'un véhicule d'occasion
affiche en moyenne 123 000 kilomètres au compteur. Dans
13% des cas, le compteur affiche un kilométrage supérieur à
200 000 km. 1,3% des véhicules de seconde main ont même
dépassé les 300 000 km, soit 7,5 fois le tour de la terre !
A peine 1,54% de fraudes !
Car-Pass montre son efficacité. Certes, 7,3% des certificats
délivrés en 2007 présentent une rupture de tendance. C'està-dire que, à un certain moment, le kilométrage mentionné
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Fraudes: kilomètres "escamotés"
selon l'âge de la voiture
140 000
120 000
100 000
80 000
60 000
source : Car-Pass
kilomètres enlevés
à une date déterminée est nettement inférieur à celui de la
date précédente. Mais attention : cela ne traduit pas nécessairement une fraude. La fraude n'est très probable que dans
les cas où le dernier kilométrage enregistré est nettement
inférieur au précédent et que cette anomalie apparaît en
même temps qu'un changement de propriétaire. En 2007, ce
fut le cas pour 11 328 certificats. Cela peut paraître beaucoup,
mais cela ne représente que 1,54% des Car-Pass délivrés cette
année-là. Notons quand même que, quand il y a fraude, elle
est considérable : plus de 90 000 km en moyenne ! Et, bien
sûr, son ampleur a tendance à augmenter avec l'ancienneté
du véhicule. Certains n'hésitent pas à enlever 140 000 km ou
plus du compteur (voir graphique ci-contre).
Mais l'efficacité du Car-Pass s'arrête malheureusement aux
frontières. Le document ne concerne donc pas les quelque
36 000 véhicules d'occasion importés chaque année. Une
enquête de l'asbl Car-Pass tend à montrer une fraude au
compteur kilométrique pour 10% environ d'un échantillon
de voitures allemandes importées.
40 000
20 000
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âge de la voiture
Anomalie n'est pas toujours synonyme de fraude
En 8 mois, au moment de changer de propriétaire,
la voiture a "perdu" 166 000 km ! Avant le CarPass, la fraude serait passée inaperçue...
(source : Car-Pass)
Ici, une erreur d'encodage a été corrigée par la suite, cachet
officiel à l'appui. Il n'y a aucune intention frauduleuse mais il ne
devrait pas être possible d'effectuer une correction manuelle.
Cette procédure n'est d'ailleurs pas autorisée.
La voiture aurait-elle roulé 46 000 km en deux
jours ? En fait, il s'agirait d'un remplacement de
compteur kilométrique. Mais Car-Pass aurait dû
être averti et le kilométrage avec un nouveau
compteur aurait dû apparaître avec un signe distinctif.
Près de 100.000 km "évaporés" en 1 mois ! Fraude ? Pas nécessairement ! En fait, la voiture était équipée d'un compteur à 5
chiffres, qui se remet donc à zéro tous les 100 000 km. Dans le
cas qui nous occupe, le véhicule peut avoir roulé 201 325, voire
301 235 km depuis sa première mise en service.
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FOCUS
TROIS QUESTIONS À…
JEAN-PAUL GAILLY,
DIRECTEUR GÉNÉRAL "MOBILITÉ ET SÉCURITÉ
ROUTIÈRE" AU SPF MOBILITÉ ET TRANSPORTS
> Le Car-Pass ne prend en compte que le kilométrage. Peut-on
envisager d’aller plus loin dans le suivi des véhicules ?
Oui. Dans le cadre du projet "MOBIVIS", la Belgique se prépare
à introduire une véritable traçabilité des véhicules. En octobre
2005, le gouvernement a décidé de passer à un système basé sur
une "Source authentique des véhicules", c’est-à-dire la création
d’une banque de données sur le modèle de la Banque carrefour
de la Sécurité sociale. Cette base de données donnera accès, au
travers d’un réseau, aux informations concernant les formalités
douanières, l’assurance (Fonds de garantie des assurances), le
contrôle technique (organismes membres du GOCA), l’immatriculation et l’homologation des véhicules (SPF Mobilité et Transports)
leur kilométrage (Car Pass), etc. Un avant-projet de loi va être
déposé devant le Parlement pour déterminer le cadre de base de
cette b-carrefour. Reste à déterminer qui aura accès, dans quel
cas, à quelles données : assureurs, policiers, consommateurs…
Cela devra faire l’objet d’arrêtés royaux spécifiques délibérés en
conseil des Ministres.
> Quel intérêt pour le consommateur ?
Il y trouvera son compte. Une fois ce système mis en place, on
pourra suivre chaque voiture dès qu’elle sort de la chaîne de montage ou dès qu’elle est importée sur le territoire belge, jusqu'au
moment où elle est détruite, dans un centre agréé par les Régions,
ou est exportée vers l’étranger. Ainsi, il ne sera pratiquement
plus possible de vendre une voiture volée, puisque le vendeur
sera obligé de signaler la transaction à la Source authentique. On
devrait aussi pouvoir déterminer, en temps réel, si tel véhicule
est dûment immatriculé, assuré, en règle de contrôle technique,
etc. Ceci devrait pouvoir permettre de réduire le fléau des voitures
circulant sans assurance valable. Mais, répétons-le, on n’en est
encore qu’aux principes : les modalités de fonctionnement et les
règles d’accès à cette "Source authentique des véhicules" doivent
encore être déterminées. Il n’est pas question, au stade actuel,
d’enregistrer les données concernant l’entretien et l’état du véhicule (accidents, etc.).
> A quand une Banque de données européenne ?
Il est clair que les autres pays, et la Commission européenne
elle-même, suivront avec intérêt cette initiative, tout comme ils
observent le système Car-Pass qui reste une quasi exclusivité
belge. Mais, à l’heure actuelle, on laisse la Belgique essuyer les
plâtres. Toutefois, on devrait assister d’ici quelques années à la
mise en place du réseau REGNET, réunissant les services d’immatriculation des 27 Etats membres, ce qui devrait contribuer à la
libre circulation des véhicules à l’intérieur de l’Union. En clair : il
devrait être plus facile d’immatriculer dans son pays une voiture
achetée à l’étranger.
Que faire en cas d'anomalie ?
Notre enquête chez les vendeurs...
Si vous êtes le vendeur et que vous constatez une erreur
d'encodage,vous devez demander un formulaire de rectification auprès de l'asbl Car-Pass (www.car-pass.be; tél. 02 773
50 56). En même temps, vous devez joindre la preuve qu'il y
a eu inscription erronée d'un kilométrage, par exemple en
fournissant une copie du carnet d'entretien de votre véhicule.
Si vous êtes l'acheteur et que vous suspectez une fraude, vous
avez le droit de résilier la vente par lettre recommandée. Si
celle-ci reste sans effet, vous devrez vous adresser au juge de
paix ou au tribunal de 1ère instance (selon le montant en
jeu). En tout état de cause, veillez à ce que le kilométrage de
la voiture soit précisé dans le contrat, et utilisez de préférence
le contrat type de Test-Achats. Si vous doutez du kilométrage
réel de la voiture, évitez d'acheter le véhicule cela vous épargnera bien des désillusions...
Nos enquêteurs anonymes se sont rendus chez 100 vendeurs
de voitures d'occasion, dans 5 grandes villes : 60 spécialistes
en véhicules de seconde main et 40 vendeurs de véhicules
neufs vendant également de l'occasion. Ils ont d'abord cherché à savoir dans quelle mesure les professionnels informent
leur clientèle de l'existence du système Car-Pass, avec le
dépliant Car-pass ou une affiche explicative.
Sur les 100 marchands visités, seuls 9 avaient prévu une
information écrite. Et ils n'étaient que 14 à parler spontanément du Car-Pass. Seuls 7 vendeurs sur 100 donnent à la fois
une information écrite et orale spontanée sur l'existence du
Car-Pass. Et, même quand le client prend l'initiative d'interpeller le vendeur en lui demandant : "j'ai entendu parler
d'un document reprenant l'historique du kilométrage des voitures d'occasion, qu'en est-il exactement ?", le tableau n'est
pas beaucoup plus réjouissant. 83 vendeurs n'apportent
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aucune réponse satisfaisante, certains semblant même ignorer l'existence du Car-Pass ou le confondant avec le carnet
d'entretien : "On vous raconte n'importe quoi; un tel document
n'existe pas". "Le Car-Pass, on peut le chipoter; rien ne vaut le
carnet d'entretien", ...
"Reprogrammer" son compteur ?
... et chez les particuliers
Avec l'appui et par l'intermédiaire du SPF Mobilité et
Transports, nous avons pu contacter un grand nombre de
consommateurs ayant acheté une voiture d'occasion immatriculée en avril-mai 2008. 1 429 personnes ont accepté de
répondre à notre enquête par courrier. Les répondants ont
acheté leur voiture d'occasion aussi bien chez un particulier
que chez un marchand de voitures
neuves ayant un département occaOù achète-t-on
sions, ou encore chez un marchand
sa voiture d'occasion ?
spécialisé dans les véhicules de seconde main.
27 %
42 %
31 %
Particulier
Marchand neuf/occasion
Spécialiste occasion
Connaissiez-vous le Car-Pass
au moment de l'achat?
52,8 %
47,2 %
oui
non
Car-Pass remis ou non ?
19,2 %
3,6 %
77,2%
Oui, spontanément
Oui, sur demande
Pas remis
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Ce volet de l'enquête met en lumière
différents points intéressants :
> Près de la moitié des répondants
ignorait l'existence du Car-Pass au
moment de l'achat. Sachant que la
plupart des vendeurs ne donnent pas
d'information sur le Car-Pass, cela
leur laisse toute latitude pour ne pas
remettre le document !
> Près de 1 acheteur sur 5 n'a pas reçu
le Car-Pass, alors qu'il est obligatoire
depuis près de 2 ans ! Le document
est délivré spontanément dans les
trois-quarts des cas.
> C'est dans les transactions entre
particuliers que le Car-Pass est le plus
souvent absent : dans 24% des cas,
contre 17,5% chez les vendeurs de
neuf + occasion et 14% chez les spécialistes en occasions.
> Dans 91% des cas, le Car-Pass
indiquait une évolution normale du
compteur kilométrique. Dans les
9 autres %, on relevait au moins une
anomalie (pas nécessairement synonyme de fraude).
> Pour un achat chez un professionnel, le Car-Pass est plus souvent remis
après paiement de l'acompte (61%),
voire après paiement de la somme
totale (20%).
> Pour un achat chez un particulier,
le document est plus souvent remis
avant le paiement de la somme totale (52,2%) et plus rarement lors du
paiement (34,6%) ou après le paiement (13,3%) de cette somme.
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•
Attention : la vente par un particulier n'est pas une garantie absolue.
Certains spécialistes proposent aux consommateurs de "reprogrammer" le compteur kilométrique de leur voiture. Ils invoquent par
exemple une panne, un mauvais branchement, etc. On trouve facilement sur internet des publicités pour des kits de programmation
ainsi que des annonces proposant de modifier votre compteur, éventuellement à votre domicile, voire par correspondance (en envoyant
votre compteur par la poste!). Mais sachez que la loi sanctionne
d'une peine d'emprisonnement d'1 mois à 1 an et d'une amende les
fraudes au compteur kilométrique...
FAIRE CONNAÎTRE LE CAR-PASS !
La principale conclusion à tirer de l'enquête, c'est
que le Car-Pass est un outil efficace dans la lutte
contre les fraudes, mais qu'il manque encore cruellement de notoriété. Il faut accroître l'information
des consommateurs, par une plus large diffusion des
dépliants, en imposant l'information Car-Pass sur les
sites internet spécialisés, etc.
Il n'est pas normal que, 15 mois après l'entrée en
vigueur de la loi, un acheteur de voiture d'occasion
sur cinq n'ait pas reçu le Car-Pass. Pour éviter ce problème, on pourrait intégrer le document au certificat
de visite du contrôle technique ou, à tout le moins, y
faire figurer une mention signalant que le Car-Pass
est obligatoire en cas de vente du véhicule.
Trop souvent, le Car-Pass n'est remis qu'après que
l'acheteur a déjà versé de l'argent, quand il est donc
très difficile de faire machine arrière. Le consommateur devrait pouvoir consulter lui-même la banque de
données avant de s'engager définitivement.
L'efficacité du système s'arrête aux frontières de
la Belgique : pas de Car-Pass obligatoire pour un
véhicule acheté à l'étranger, et pas d'obligation de
présenter un Car Pass pour un véhicule belge vendu à
l'étranger. Et, donc, aucune garantie pour le consommateur dans ces deux cas. Une approche européenne
s'impose à cet égard, mais rien de concret ne semble
se dessiner pour l'instant!