Coordonner les services pour les enfants et jeunes
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Coordonner les services pour les enfants et jeunes
Cet ouvrage retrace dans le détail l'évolution de ce processus dans sept pays de l'OCDE : Allemagne, Australie, Canada, États-Unis, Finlande, Pays-Bas et Portugal. Il étudie la transformation des systèmes dans l'optique des décideurs, des gestionnaires, des praticiens et des usagers. Il rend compte du cadre dans lequel s'inscrit cette évolution, met en lumière les mesures prises pour la favoriser et examine les réformes proprement dites ainsi que leurs conséquences. Se plaçant dans une large perspective, cet ouvrage couvre la période préscolaire, la scolarité et le passage à la vie active. (96 98 01 2 P) FF 280 ISBN 92-64-26038-2 9:HSTCQE=W[UX]W: 98 OCDE C'est plus qu'un simple replâtrage des systèmes de prestation de services prévus par la loi. Les services actuels ne correspondent pas aux besoins. Notre vision de la famille et de ses besoins change, ainsi que l'équilibre entre les aspects préventifs et curatifs, et la façon dont les professionnels travaillent ensemble. OCDE Entre 15 et 30 pour cent des enfants et des adolescents risquent d'échouer à l'école où les problèmes d'acquisition des connaissances et de comportement touchent des enfants de plus en plus jeunes. De nombreux pays, aux contextes politiques et culturels très différents, répondent à ces défis en renforçant la coordination des services éducatifs, sanitaires et sociaux, processus souvent amplifié par une participation plus large, qui s'étend aux entreprises et aux personnes âgées. COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE Une perspective mondiale CENTRE POUR LA RECHERCHE ET L’ INNOVATION DANS L’ENSEIGNEMENT Coordonner les services pour les enfants et jeunes à risque Une perspective mondiale CENTRE POUR LA RECHERCHE ET L’INNOVATION DANS L’ENSEIGNEMENT Coordonner les services pour les enfants et jeunes à risque Une perspective mondiale ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUES ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUES En vertu de l’article 1er de la Convention signée le 14 décembre 1960, à Paris, et entrée en vigueur le 30 septembre 1961, l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) a pour objectif de promouvoir des politiques visant : – à réaliser la plus forte expansion de l’économie et de l’emploi et une progression du niveau de vie dans les pays Membres, tout en maintenant la stabilité financière, et à contribuer ainsi au développement de l’économie mondiale ; – à contribuer à une saine expansion économique dans les pays Membres, ainsi que les pays non membres, en voie de développement économique ; – à contribuer à l’expansion du commerce mondial sur une base multilatérale et non discriminatoire conformément aux obligations internationales. Les pays Membres originaires de l’OCDE sont : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Canada, le Danemark, l’Espagne, les États-Unis, la France, la Grèce, l’Irlande, l’Islande, l’Italie, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni, la Suède, la Suisse et la Turquie. Les pays suivants sont ultérieurement devenus Membres par adhésion aux dates indiquées ci-après : le Japon (28 avril 1964), la Finlande (28 janvier 1969), l’Australie (7 juin 1971), la Nouvelle-Zélande (29 mai 1973), le Mexique (18 mai 1994), la République tchèque (21 décembre 1995), la Hongrie (7 mai 1996), la Pologne (22 novembre 1996) et la Corée (12 décembre 1996). La Commission des Communautés européennes participe aux travaux de l’OCDE (article 13 de la Convention de l’OCDE). Le Centre pour la Recherche et l’Innovation dans l’Enseignement a été créé par le Conseil de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques en juin 1968 et tous les pays Membres de l’OCDE y participent. Les principaux objectifs du Centre sont les suivants : – de poursuivre les travaux de recherche et d’analyse sur les innovations et les indicateurs clés afin de mieux appréhender les problèmes d’enseignement et d’apprentissage existants ou qui se font jour, ainsi que leurs liens avec les autres domaines d’action ; – d’explorer des stratégies d’enseignement et d’apprentissage cohérentes et prometteuses qui tiennent compte de l’évolution du contexte économique, social et culturel aux niveaux national et international ; et – de faciliter la coopération pratique entre les pays Membres et, si nécessaire avec les pays non membres, afin qu’ils recherchent des solutions à des problèmes éducatifs communs et échangent leurs points de vue sur ces problèmes. Le Centre exerce son activité au sein de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques conformément aux décisions du Conseil de l’Organisation, sous l’autorité du Secrétaire général et le contrôle direct d’un Comité directeur composé d’experts nationaux dans le domaine de compétence du Centre, chaque pays participant étant représenté par un expert. Also available in English under the title: CO-ORDINATING SERVICES FOR CHILDREN AND YOUTH AT RISK A Word View OCDE 1998 Les permissions de reproduction partielle à usage non commercial ou destinée à une formation doivent être adressées au Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC), 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris, France, Tél. (33-1) 44 07 47 70, Fax (33-1) 46 34 67 19, pour tous les pays à l’exception des États-Unis. Aux États-Unis, l’autorisation doit être obtenue du Copyright Clearance Center, Service Client, (508)750-8400, 222 Rosewood Drive, Danvers, MA 01923 USA, or CCC Online: http://www.copyright.com/. Toute autre demande d’autorisation de reproduction ou de traduction totale ou partielle de cette publication doit être adressée aux Éditions de l’OCDE, 2, rue André-Pascal, 75775 Paris Cedex 16, France. AVANT-PROPOS Les études dont il est fait état dans cet ouvrage développent un thème défini dans des travaux antérieurs décrits dans Les enfants à risque (OCDE, 1995), qui présentaient l’intégration des services comme un moyen d’apporter aux enfants qui risquent d’échouer à l’école ou dans leur passage à la vie active, ainsi qu’à leur famille, une aide globale et plus efficace, de nature préventive et adaptée aux besoins. Ce rapport complète celui paru sous le titre Des services efficaces pour les enfants et familles à risque (OCDE, 1996) ; il indique d’une manière détaillée comment les pays ont mis en place des systèmes de services coordonnés qui ont prouvé leur efficacité en répondant aux besoins des usagers. En général, la stratégie de coordination ne se limite pas aux services publics, mais englobe les interventions d’entreprises, d’associations caritatives et celles d’autres secteurs de la collectivité. On rend compte de la complexité de tels systèmes en étudiant leur fonctionnement à quatre niveaux : le niveau des décisions, qui a trait à la législation et aux politiques gouvernementales ; le niveau des stratégies, qui renvoie à la façon dont les hauts responsables interprètent ces politiques, compte tenu des grands axes définis pour la gestion de ces systèmes ; le niveau opérationnel, qui concerne la façon dont sont gérées les prestations de services sur le terrain ; enfin, le niveau de terrain, qui décrit le fonctionnement des services pour les professionnels et les clients. Recoupant ces quatre niveaux, des éléments d’information sont présentés selon le modèle CIFE de Stufflebeam (Stufflebeam, 1988). Ce modèle met l’accent sur la nécessité d’étudier le contexte qui détermine le besoin de changement, l’input qui aide à introduire le changement, le fonctionnement, c’est-à-dire le processus de changement lui-même, et enfin les effets ou les résultats du changement. Le présent ouvrage comprend une introduction aux questions liées à la coordination des services qui s’inspire des études internationales commandées par le CERI à des experts originaires des pays participants. Viennent ensuite des études de cas détaillées, fondées sur les recherches effectuées en Allemagne, en Australie (Nouvelle-Galles du Sud, Australie-Méridionale et Victoria), au Canada (Alberta, Nouveau-Brunswick, Ontario et Saskatchewan), aux États-Unis (Californie, Missouri et ville de New York), en Finlande, aux Pays-Bas et au Portugal. Les travaux se sont déroulés entre 1993 et 1995 et n’auraient pas été possibles sans le concours généreux des pays concernés, en particulier, les dons du ministère de l’Éducation, du ministère de la Santé et des Services sociaux, et de la Fondation Charles Stewart Mott des États-Unis, et les dons du SVO des Pays-Bas. Cet ouvrage est publié sous la responsabilité du Secrétaire général de l’OCDE. 3 TABLE DES MATIÈRES Remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 Introduction et panorama de la littérature existante . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 Partie I ÉTUDES DE CAS MENÉES PAR LE SECRÉTARIAT DE L’OCDE 1. Allemagne : Les piliers des services sociaux du géant économique de l’Europe . . . . . . . . . . 33 Développement économique et dépenses du secteur public . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Évolution démographique de l’Allemagne réunifiée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les principaux groupes « à risque » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L’action sociale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Enseignement obligatoire et enseignement professionnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Enseignement et formation professionnels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Origine et évolution de l’intérêt pour les services intégrés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Niveaux de mandat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Sites de recherche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Intégration des services pour les enfants d’âge préscolaire à Brême . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Intégration des services pour les enfants d’âge scolaire à Leipzig . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les services intégrés et le défi du chômage des jeunes à Duisbourg . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Conclusion générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 34 35 35 36 37 38 38 39 40 47 51 56 2. Australie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63 Victoria : Cohésion et conflit dans les efforts fédéraux, locaux et des états visant l’intégration des services . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Recherche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Principaux groupes « à risque » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Contexte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Tour d’horizon des principaux programmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Réunions avec des hauts responsables de l’éducation de l’État, Melbourne . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le Bendigo Senior Secondary College . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le projet STAR (Students at Risk) dans les doyennés (deaneries) de Melbourne . . . . . . . . . . . . . . . Collingwood College . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Kensington Community High School (KCHS) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les centres d’information et d’orientation pour les jeunes (YAC) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L’armée du Salut : le réseau Crossroads de soutien et d’aide au logement . . . . . . . . . . . . . . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64 64 64 64 65 66 67 71 75 77 81 88 90 Australie-Méridionale : Un pionnier dans la mise en place de structures efficaces pour l’intégration des services . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92 Programmes du Department of Employment, Education, Training and Youth Affairs . . . . . . . . . . . . 92 5 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE L’Australie-Méridionale et sa population . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Système éducatif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Autres programmes d’aide à la poursuite de la scolarité mis en place par les écoles . . . . . . . . . . Initiatives prises par les autorités d’Australie-Méridionale pour favoriser l’intégration des services . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La procédure d’orientation inter-organismes (système IRP) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Autres relations avec le secteur de la santé mentale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les aborigènes et insulaires du détroit de Torrès . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Intégration des services dans une petite communauté de la côte occidentale de l’Australie-Méridionale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Résumé et conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94 95 98 100 103 108 108 110 119 Nouvelle-Galles du Sud : Intégrer les services pour traiter un large éventail de problèmes, depuis la mauvaise conduite jusqu’à la violence criminelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Situation générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Politiques et structures éducatives fédérales et de l’État . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Intégration des services à Sydney . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Intégration des services à Newcastle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123 123 124 126 131 133 Canada . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135 Saskatchewan : Conjuguer les efforts pour intégrer les services du sommet vers la base et de la base vers le sommet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 136 Situation générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Démographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Groupes « à risque » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Politiques sociale, de santé et d’éducation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Plan d’action en faveur des enfants du Saskatchewan : un cadre d’intégration des services . . Programme « Travailler ensemble pour faire tomber les obstacles à l’apprentissage : intégrer les services qui travaillent en liaison avec l’école pour les enfants et adolescents à risque » . Les visites de sites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 136 136 136 138 140 . . . 142 . . . 144 . . . 159 Alberta : Changement radical en faveur de l’intégration des services . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161 Situation générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Principaux groupes « à risque » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Organisation des services et financement au niveau provincial . . . . . . . . . . Origine et réalisation de l’intégration des services . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Initiatives locales dans le cadre du programme « Coordination des services Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ........... ........... ........... ........... à l’enfance » ........... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161 162 163 164 167 177 Ontario : L’intégration des services dans la province la plus riche du Canada . . . . . . . . . . . . . . . 181 6 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Situation générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Input . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Quelles sont les causes de la difficulté d’intégration des services dans l’Ontario ? . . . . . . . . . . . . Situation actuelle de l’intégration des services dans l’Ontario . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Waterloo County Education-Work Connection Demonstration Project . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Projet « Partir du bon pied pour un avenir meilleur », Sudbury . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Projet d’intégration des services à l’enfance dans le nord de l’Ontario, Cochrane/Timiskaming . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181 181 182 183 183 184 188 191 193 TABLE DES MATIÈRES Nouveau-Brunswick : Travailler mieux grâce à l’intégration des services . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Visite de site : Woodstock . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4. 196 196 201 217 États-Unis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 219 Missouri : L’intégration des services par le biais d’un partenariat entre le secteur public et le secteur privé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Initiatives de l’État du Missouri . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Initiatives municipales : Kansas City . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Initiatives municipales : St Louis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Intégration des services pour les enfants d’âge préscolaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Intégration des services pour les enfants d’âge scolaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Intégration des services pour l’insertion des jeunes dans le monde du travail . . . . . . . . . . . . . . . . Intégration des services pour les familles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 221 221 221 222 228 230 236 238 242 250 New York City : Coordination des services dans une métropole multi-ethnique . . . . . . . . . . . . . . Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Sites visités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Écoles communautaires IS 218 et PS 5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . The Door . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Projet Highroad – IS 183 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L’école Decatur-Clearpool et le camp Clearpool . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L’initiative des écoles Beacon de la ville de New York . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 253 253 254 254 262 264 268 272 272 Californie : Terre d’abondance de l’Amérique, la Californie s’achemine vers l’intégration . . . . . Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Principales caractéristiques de l’État de Californie et de sa population . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Initiatives (stratégiques) de l’État pour relier les services aux écoles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Initiatives (stratégiques) de l’État pour mettre en place un financement flexible et des équipes au niveau des comtés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Création de capacités au niveau de l’État (stratégique) en vue de réformer le système . . . . . . . . Mesures de l’État (stratégiques) pour aborder les problèmes de confidentialité . . . . . . . . . . . . . . Résumé et discussion des initiatives au niveau de l’État (stratégiques) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Niveau (opérationnel) du comté de San Diego . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Résumé et conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 275 275 275 278 5. 283 287 289 291 293 302 Finlande : Une méthode d’intégration des services reposant sur la mise en place d’un filet de sécurité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 307 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le contexte socio-économique en Finlande . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L’administration finlandaise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les enfants et jeunes « à risque » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les services sanitaires et sociaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L’éducation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les raisons du soutien apporté par le gouvernement au concept d’intégration des services . . . . . Les mesures visant à faciliter l’intégration des services . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L’évaluation du principe de « responsabilité de proximité » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les études de cas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A Helsinki : les services intégrés destinés à la petite enfance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 307 307 308 309 310 311 312 312 313 314 314 7 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE Jyväskylä : les services intégrés destinés aux enfants d’âge scolaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 320 Hämeenlinna : l’aide à l’insertion professionnelle des jeunes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 327 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 336 6. Portugal : L’intégration des services dans le cadre des changements socio-économiques . . 341 Situation générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Études de cas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Services destinés aux enfants d’âge préscolaire . . . . . . . . . . . Services destinés aux enfants d’âge scolaire . . . . . . . . . . . . . Services destinés aux jeunes en transition vers la vie active Conclusion générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 341 345 346 349 357 368 Partie II ÉTUDES DE CAS MENÉES PAR LA FINLANDE ET LES PAYS-BAS 7. Finlande : Expériences d’intégration des services éducatifs, sanitaires et sociaux . . . . . . . . 375 L’intégration des services sanitaires et sociaux à Helsinki . . . . . . . . . . . . . L’antenne sanitaire et sociale de Latokartano . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Zone et population couvertes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Services disponibles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le projet d’intégration des services . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les objectifs de l’intégration des services . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Contributions à la réalisation du projet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Évaluation de la nécessité et des avantages de l’intégration . . . . . . . . . . . . Bénéfices escomptés de l’intégration des services . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Problèmes liés à l’intégration des services et critères décisifs pour sa mise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 375 375 375 377 378 379 381 382 384 386 Les enfants à risque à Korso : un projet de développement appliqué à l’aide sociale à l’enfance et à la pédopsychiatrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Cadre général du projet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Objectifs du projet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Méthodes permettant d’atteindre les objectifs du projet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Maı̂tres d’œuvre du projet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Fonctionnement du projet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Évaluation du projet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Un exemple de cas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 389 389 390 392 393 394 396 398 399 Le décloisonnement professionnel . Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La situation en Finlande . . . . . . . . . Des solutions encourageantes . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 400 400 401 403 414 8. 8 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ......... ......... ......... ......... ......... ......... ......... ......... ......... en œuvre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Pays-Bas : A la recherche de la rentabilité, de l’efficience et de l’efficacité . . . . . . . . . . . . . 417 Préface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Étude de cas sur la période préscolaire : Emmen . Étude de cas en milieu scolaire : Rotterdam . . . . . Conclusion et discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Annexe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 417 418 424 447 466 476 REMERCIEMENTS Le travail décrit dans cet ouvrage a été réalisé grâce au concours d’un très grand nombre d’experts et d’institutions. Les experts suivants, Mme Josette Combes de l’ACEPP (Association Collectifs Enfants, Parents, Professionnels), Paris, France ; Mme Jennifer Evans de l’Institute of Education, Université de Londres, Royaume-Uni ; Professeur Mary Lewis de l’Université de Houston, Texas, États-Unis ; Mme Lucienne Roussel, Inspecteur général du ministère de l’Éducation nationale, Paris, France ; et Professeur Richard Volpe de l’Université de Toronto, Canada, ont participé à la conception et à l’exécution du travail avec grand enthousiasme et grand engagement. Les institutions suivantes ont apporté leur soutien lors de la réalisation des études de cas. ALLEMAGNE Deutsches Jugendinstitut (DJI). Brême : Senator für Gesundheit, Jugend und Soziales ; Stadtteilkonferenz, Huchting ; Stadtteilfarm Huchting ; Kindertagesheim (KTH) Dietrich Bonhoeffer ; Kindertagesheim (KTH) Höpost ; Mütterzentrum ; Haus der Familie. Duisbourg : Industrie-und Handelskammer Duisburg ; Dezernat für Schule und Jugend der Stadt Duisburg ; Jugendamt Duisburg ; Arbeitsamt Duisburg ; Stadtrat ; Regionale Arbeitsstelle für Ausländerfragen (RAA) Duisburg ; auerbetriebliche Berufsbildungseinrichtung ; Bertolt Brecht Berufsschule. Leipzig : Sächsisches Staatsministerium für Kultus ; Sächsisches Staatsministerium für Soziales, Gesundheit und Familie ; Regionale Arbeitsstellen für Ausländerfragen (RAA) ; Dezernat für Schule, Jugend und Sport der Stadt Leipzig ; Jugendamt Leipzig ; Christlicher Verein junger Männer (CVJM), Leipzig ; 21. und 51. Mittelschule ; Schülerclub Grunau. AUSTRALIE Canberra : The Department of the Prime Minister and Cabinet ; The Department of Employment, Education, Training and Youth Affairs ; The Department of Human Services and Health ; The Department of Social Security ; The Attorney General’s Office. Nouvelle-Galles du Sud. Sydney : Arthur Phillip High School ; Burnside (Uniting Church in Australia) ; South Sydney Youth Services ; City Central Youth Access Centre ; Inner West Youth Access Centre ; Cleveland Street High School ; Cranebrook High School ; Jamison High School ; Nepean High School ; Barnado’s Penrith Centre ; Penrith Police Citizens’ Youth Club ; The Wirraway Community Centre. Newcastle : Newcastle Youth Access Centre ; Jasper-Gateshead High School ; Lake Macquarie Police Citizens’ Youth Club ; The Eastlakes Community Network Committee ; Jesmond High School – Hunter Adolescent Support Unit ; The Annexe – Worimi School. Australie-Méridionale. Adélaı̈de : The Commonwealth Employment Service ; Department for Education and Children’s Services, Family and Children’s Services, Child and Adolescent Mental Health Services ; The Beafield Education Centre ; Paralowie R-12 School ; Fremont High School ; Seaton High School ; Port Adelaide Youth Access Centre ; Salisbury Youth Access Centre ; Possibility 14. Ceduna Murat Bay District Council ; The Aboriginal Pre-Kindergarten, Murat Bay Children’s Centre ; Crossways 9 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE Lutheran School ; Ceduna Area School ; Spencer Institute of Technology and Further Education ; South Australia Independent Schools Board Inc., Malvern. État de Victoria. Melbourne : The Directorate of School Education ; The Catholic Education Office ; Melbourne Deaneries STAR Project ; Preston Koori Youth Access Centre ; Brunswick Youth Access Centre ; Footscray Youth Access Centre ; Melbourne Youth Access Centre ; Crossroads Housing and Support Network Collingwood College ; Kensington Community High School. Bendigo : Bendigo Senior Secondary College. CANADA Toronto : The Council of Ministers of Education. Alberta. Edmonton : The Ministry of Education ; Ministry of Health ; Ministry of Family and Social Services ; Ministry of Justice ; Commissioner of Services for Children ; Community Services Consultancy Ltd ; Wellington Junior High School ; St. Nicolas Catholic Junior High Programme : Partners for Youth. Lethbridge : Lethbridge City Council ; Lethbridge Co-ordination of Services for Children Initiative ; Pre-school Assessment Treatment Centre ; Lethbridge Regional Hospital ; Parents Place ; Family and Community Development Programme ; School Districts 9 and 51 ; Canada Employment ; Youth Employment Centre ; Paediatric Neuromuscular Unit ; Programme Outreach. Calgary : The City of Calgary ; Calgary Board of Education ; Calgary Catholic School Board ; Alcohol and Drug Abuse Commission (AADAC) ; Calgary Health Services ; Alberta Mental Health ; Alberta Children’s Hospital ; Federation of Calgary Communities ; Opening Doors Steering Committee ; Adolescent Treatment Centre ; Thornhill Community services ; McDougall Centre ; Huntington Hills University of Calgary. Nouveau-Brunswick : Department of Education ; Department of Health and Community Services. Woodstock : The Office of the Mayor ; School District 12 ; Atlantic Provinces Special Education Authority ; Family and Community Social Services ; Centennial Elementary School ; Woodstock Junior High School ; Woodstock High School ; Carelton Victoria Child Development Services Inc. ; The Woodstock Access Centre ; The Probation service. Ontario : The Ministry of Education and Training ; Ministry of Health ; Ministry of Community and Social Services ; Ministry of Inter-Governmental Affairs ; Ontario Association of Children’s Aid Societies. Timmins : The Office of the Mayor ; Ministry of Education and Training ; Ministry of Health ; Ministry of Community and Social Services ; Ministry of Northern Development and Mines ; MPP ; The Area InterMinisterial Management Committee ; Laurentian University ; Integrated Services for Northern Children ; South Cochrane Child and Youth Service (Children’s Mental Health Centre) ; Jeanne Sauve Youth Services ; Children’s Treatment Centre. Kitchener : The City of Kitchener ; Eastwood Collegiate Institute ; The Waterloo County Board of Education ; The Mutual Insurance Group ; The Rotary Club ; The Volunteer Action Centre of Kitchener. Sudbury : The Ministry of Education and Training ; Ministry of Health ; Ministry of Community and Social Services ; Federal Department of Indian and Northern Affairs ; Better Beginnings, Better Futures Association. Saskatchewan : Saskatchewan Education ; Saskatchewan Social Services ; Saskatchewan Health Services ; The League of Educational Administrators ; Saskatchewan School Trustees Association ; Saskatchewan Federation of Home-School Associations ; Princess Alexandra Community School ; Princess Alexandra Community Association ; Riversdale Community and School Association ; Riversdale Business Improvement District ; Saskatoon Police Service ; Planning and Development, Saskatoon ; Saskatoon Prince Albert Regional Education Services ; Prince Albert Regional Social Services ; Prince Albert Police Department ; St. Mary’s School ; Prince Albert Regional Health Services ; West Flat Citizens’ Group. ÉTATS-UNIS 10 Washington : The Department of Education ; The Department of Health and Human Services ; The Department of Housing and Urban Development ; The White House Domestic Policy Council ; Council of Chief State School Officers ; National Governors Association ; The Institute of Educational Leadership. REMERCIEMENTS Californie. Sacramento : The Department of Social Services ; The Department of Health Services ; The Department of Education ; California Child Development Programmes Advisory Committee ; California Assembly Office of Research ; California Legislature Assembly, Committee on Human Services ; California Research Bureau ; The Foundation Consortium for School Linked Services ; California Legislative Budget Committee. San Diego : The Office of the Superintendent, San Diego City School District ; Department of Health Services ; Department of Social Services ; Department of Health Services ; The Private Industry Council ; The Children’s Hospital and Health Centre ; Alexander Hamilton Elementary School ; Hoover Health and Social Services Centre ; New Beginnings Council ; The Healthy Start Program. Missouri : Missouri Department of Social Services ; Department of Elementary and Secondary Education ; Department of Health ; Department of Mental Health ; The Family Investment Trust. Kansas City : LINC (Local Investment Commission) ; Futures Advisory Committee ; 21st Century Communities ; Heart of America Family Services United Way ; Women’s Employment Network ; KCMC Child Development Corporation ; Goppert Child Development Centre ; Southeast High School ; Swope Parkway Neighbourhood Clinic ; Family Focus Centre ; Partnership for Kids ; Full Employment Council ; Adult Basic Education ; Employment Security ; Penn Valley College. St Louis : Grace Hill Neighbourhood Services ; Family Preservation Services ; LINC, Parents as Teachers (PAT) ; 21st Century communities ; Crisis Nursery ; Penrose Family Support Centre ; St Charles Employment Training Office ; Caring Communities. New York : The National Centre for Social Work and Education Collaboration ; The Edwin Gould Foundation ; The Fund for New York City Public Education ; The Aaron Diamond Foundation ; The Youth Development Institute ; The Children’s Aid Society ; The Door ; Community School, IS 218/PS5 ; Project Highroad, IS 183 ; The Clearpool School and Camp Clearpool. FINLANDE Hameenlinna : Hämeen lääninhallitus ; Hämeen lääninhallitus kouluosasto ; Hämeen lääninhallitus sosiaali-ja terveysosasto ; Hämeenlinnan kaupungin erityispalvelut ; A-Klinikka ; Ammatillinen opettajakorkeakoulu (Hämeenlinna) ; Hämeenlinnan kaupungin nuorisotoimisto ; Hämeenlinnan seudun kansanterveystyön kuntayhtymä ; Hämeenlinnan perusturvavirasto ; Vanajan koulukoti ; Harvialan koulukoti ; Hämeenlinnan perhetukikeskus ; Hämeenlinnan ammattioppilaitos ; Hämeenlinnan poliisilaitos ; Kiipulasäätiö. Helsinki : Opetushallitus ; Sosiaali-ja terveysalan tutkimus-ja kehittämiskeskus, STAKES ; Äitiys-ja lastenneuvola, Myllypuron terveyskeskus ; Oulunkyl än erityisensikoti ; K äpyl än pikkulastenkoti ; Koulupsykologipalvelut (Helsingin kaupunki) ; Kotip alvelu (Helsingin kaupunki) ; Päiväkoti (Helsingin kaupunki) ; Helsingin yliopistollinen keskussairaala ; Auroran lastensairaala ; Helsingin kaupungin sosiaalivirasto ; Ensikotien liitto. Jyväskylä : Keski-Suomen lääninhallituksen kouluosasto ; Keski-Suomen lääninhallituksen sosiaalija terveysosasto ; Keski-Suomen perheneuvola ; Mannerheimin Lastensuojeluliiton Keski-Suomen piiri ; Suomen mustalaislähetys ; Jyväskylän kaupungin hallinto ; Jyväskylän yliopisto ; Nenäinniemen alaasteen koulu ja päiväkoti ; Huhtaharjun koulu ; Huhtasuon sosiaali-ja terveyskeskus ; Hovilan nuorisokoti ja työpaja. PAYS-BAS Zoetermeer : The Ministry of Education, Culture and Science. Emmen : Bureau of the Drenthe Educational Priority Area ; New Dordrecht preschool playgroup. Rotterdam : City Fund for Reduction of Educational Disadvantages Rotterdam (FAO) ; Foundation De Meeuw ; Protestant Educational Services Foundation Rotterdam (DCO) ; De Beukelburg school ; Foundation for Welfare in Afrikaanderwijk ; Erasmus University. Rijswijk : Ministry of Health, Welfare and Sports. 11 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE PORTUGAL Lisbonne : Ministério da Educação ; Ministério do Emprego e da Segurança Social ; Ministério da Justiça ; Casa Pia de Lisboa ; Colégio Pina Manique ; Colégio de N. St. da Conceição ; Direcção de Serviços de Saúde Mental ; Instituto de Apoio à Criança ; SOS Criança (linha telefónica) ; Santa Casa de Misericórdia de Lisboa ; Jardim Zoológico de Lisboa ; Aldeia de Santa Isabel ; Câmara Municipal de Lisboa ; Junta de Greguesia ; Escola do 1° Ciclo n°5 da Amora – Quinta da Princesa ; CEBI – Centro Comunitário de Alverca ; Núcleo de Intervenção Comunitária para a Prevenção da Toxicodependência ; Chapitô ; Centro de Observação e Acção Social ; Centro de Estudos para a Intervenção Social ; Escola Preparatória de Vila Franca de Xira ; Escola Secundaria de Linda-a-Velha ; Secretariado Eutre Culturas ; Centro Social do Bairro 6 de Maio. Porto : Centro Regional de Segurança Social do Norte ; A Casa do Caminho ; Projecto de Luta contra a Pobreza de Ringe ; Fundação para o Desenvolvimento da Zona Histórica do Porto. 12 INTRODUCTION ET PANORAMA DE LA LITTÉRATURE EXISTANTE par Philippa Hurrell et Peter Evans Anita, 24 ans, est une jeune mère noire qui élève seule ses trois enfants de 16 mois, 4 et 5 ans. Elle a quitté l’école à l’âge de 15 ans et n’a pas d’emploi. Son fils de 4 ans, Thomas, a des problèmes d’élocution. Anita a honte de dépendre de l’aide sociale. Un programme baptisé New Start, mis en place à Kansas City, lui permet de suivre des cours pour obtenir un diplôme d’enseignement supérieur par équivalence, pendant que Thomas est accueilli dans un centre de protection infantile, situé au même endroit. Grâce à New Start, il bénéficie de soins dentaires et médicaux et reçoit l’aide de spécialistes pour ses problèmes d’élocution. Toujours grâce à New Start, Anita a espoir dans l’avenir et commence à reprendre confiance en elle. Thomas est très heureux au sein du centre de protection infantile. Il aime beaucoup aller au musée, au spectacle et au zoo, autant de lieux qu’il n’aurait jamais pu connaı̂tre dans d’autres circonstances. INTRODUCTION Les pays de l’OCDE se préoccupent de plus en plus du nombre croissant d’enfants et de familles qui vivent dans des milieux défavorisés et qui, pour des raisons d’échec scolaire et de chômage, se trouvent exclus de la société. Ils sont nombreux à avoir de multiples problèmes d’ordre économique, éducatif, social et sanitaire qui les empêchent de mener une vie privée et professionnelle pleine et gratifiante. Nombre de pays de l’OCDE considèrent la fourniture intégrée de services éducatifs, sanitaires et sociaux comme la solution la plus prometteuse à ce problème. De l’avis général, le rapprochement de ces services peut permettre des prestations plus efficaces et mieux ciblées, qui plus est à un coût moindre pour les pouvoirs publics. Devant le profond intérêt que manifestent les pays Membres à l’égard de l’intégration des services pour les enfants à risque, le Centre pour la recherche et l’innovation dans l’enseignement (CERI) de l’OCDE a lancé une étude sur trois ans (de 1993 à 1995), en vue d’explorer les mesures et les pratiques dans ce domaine. L’intégration des services y a été définie comme « la coordination, la coopération ou la collaboration des activités de deux services au moins » (OCDE, 1996), et les enfants à risque y sont décrits en ces termes : « Il s’agit d’enfants qui échouent à l’école, qui ne réussissent pas leur passage à la vie active et qui, de ce fait, ne sont pas capables de contribuer pleinement à la société active » (OCDE, 1996). Au total, 14 pays Membres ont participé à cette étude : l’Allemagne, l’Australie, la Belgique, le Canada, les États-Unis, la Finlande, la France, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal, le RoyaumeUni, la Slovénie, la Suède et la Turquie. Les principaux résultats de ces recherches, et notamment des extraits d’études de cas émanant de sept pays, sont présentés dans la publication intitulée Des services efficaces pour les enfants et familles à risque (OCDE, 1996) qui dresse un tableau synthétique de la situation. 13 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE Cependant, le Secrétariat ainsi que les pays de l’OCDE sont convenus que les comptes rendus des études de cas résumés dans cette publication de premier plan contenaient des détails importants et utiles et qu’ils méritaient donc d’être publiés. On a également pensé qu’il pouvait exister des avantages non négligeables à ancrer ces études de cas dans d’autres travaux nationaux traitant de ce sujet. Le présent rapport a donc pour objet de mettre en exergue les principaux thèmes traités dans d’autres études nationales de référence, de reproduire les études de cas par pays dans leur intégralité et de permettre des comparaisons utiles entre les résultats de ces recherches nationales et les conclusions de l’étude internationale menée par l’OCDE. Sur le plan international, de très nombreux ouvrages traitent des services intégrés. Dans certains pays, tels que les États-Unis, ces travaux sont très avancés. Dans d’autres, par exemple au Portugal, ils ne font que commencer. L’étude de l’OCDE comprend un certain nombre de caractéristiques qui la distinguent d’autres études publiées à travers le monde. En premier lieu, c’est une étude internationale et comparative (les autres projets de recherche couvrant plusieurs pays sont peu nombreux). Deuxièmement, elle se penche sur l’intégration des services à différents niveaux hiérarchiques (niveaux stratégique, opérationnel et du terrain), en analysant les changements du cadre juridique, ainsi que le point de vue des administrateurs, des professionnels et des clients. Troisièmement, elle expose la fourniture de services pour trois catégories d’enfants – les enfants d’âge préscolaire, les enfants d’âge scolaire et les jeunes qui passent de l’école à la vie active – ainsi que pour leur famille. Quatrièmement, elle prend en compte plusieurs aspects des services éducatifs, sanitaires et sociaux, et notamment le cadre dans lesquels ils sont fournis, les moyens mis en œuvre, dont les moyens financiers, le processus de fourniture de ces services et les résultats pour la clientèle. Enfin, elle analyse de nombreux programmes différents et localisés, ce qui lui permet de décrire le fonctionnement de réseaux communautaires complexes. Cette introduction est axée sur la littérature traitant de l’intégration des services en Allemagne, en Finlande, au Portugal, aux États-Unis, au Canada et en Australie (un panorama de la littérature des Pays-Bas fait l’objet d’un rapport distinct, proposé par le bureau des publications officielles de ce pays, dans Geelen et al., 1994). L’analyse s’appuiera sur un récapitulatif des études que des experts, à l’échelle nationale, ont été chargés de mener sur le sujet. Ensuite, le rapport rappelle les « meilleures pratiques » dans le domaine des services intégrés en Europe (Allemagne, Finlande, Portugal et Pays-Bas), aux États-Unis (Missouri, ville de New York et Californie), au Canada (Saskatchewan, Alberta, Ontario et Nouveau-Brunswick) et en Australie (Victoria, Australie-Méridionale et Nouvelle-Galles du Sud). Ces études de cas fournissent des analyses et des descriptions riches et détaillées des services intégrés dans différents lieux, utiles aux administrateurs et aux praticiens qui définissent ou qui s’attachent à appliquer des dispositifs intégrés. Le présent rapport entend mettre à disposition le « savoir-faire » international acquis dans le domaine des services intégrés, afin de décrire différentes approches permettant l’intégration, de souligner les obstacles aux méthodes de travail coordonnées et de proposer des solutions fondées sur l’expérience internationale. BILANS NATIONAUX DES RECHERCHES SUR LES SERVICES INTÉGRÉS L’OCDE a commandé au total six bilans nationaux de la littérature relative aux services intégrés en Allemagne, en Finlande, au Portugal, aux États-Unis, au Canada et en Australie. L’objectif était d’identifier les composantes clés des recherches universitaires et des rapports gouvernementaux traitant de cette question, même si, dans certains pays où elle est abondamment explorée, la tâche s’est révélée fort complexe. L’analyse des recherches nationales ci-après expose les principales préoccupations et interrogations de « penseurs » et de décideurs de tout premier plan à l’échelle nationale, en rapport avec l’intégration des services. 14 Composant une toile de fond pour les études de cas, sur lesquelles la présente publication est axée, cette synthèse des recherches nationales est nécessairement très brève. INTRODUCTION ET PANORAMA DE LA LITTÉRATURE EXISTANTE Allemagne Selon Haubrich et Zeller (1994), la littérature allemande comporte peu de références à « l’intégration des services » et mentionne plutôt les termes « coopération » et « coordination ». Cependant, ces termes ont un sens analogue à celui d’intégration, telle que celle-ci est définie par d’autres pays. Un pan important de la littérature allemande relative aux services intégrés met l’accent sur l’historique d’une telle approche. Haubrich et Zeller (1994) indiquent que la coordination des services sociaux est devenue un thème national à la fin des années 60, pendant le mouvement contestataire. Ceux qui critiquaient l’organisation de ces services sociaux soulignaient la nécessité d’une nouvelle approche par laquelle, d’une part, les besoins des consommateurs seraient analysés en tenant compte de leur environnement social et, d’autre part, ces consommateurs pourraient participer au processus de fourniture des services (Barth, 1993). Pendant les années 70 et 80, des efforts ont été accomplis dans la réorganisation des bureaux de protection sociale implantés dans les communes pour qu’ils se tournent davantage vers la population et gagnent en efficacité. Il s’agissait principalement de les encourager à des actions de proximité et de réduire la fragmentation et la fourniture de services en double (Bronke et Wenzel, 1980 ; Reichwein et Kirchhoff, 1980 ; Jordan et Sengling, 1992). Pendant les années 70 et 80, les projets modèles de réorganisation des services sociaux communaux n’ont pas manqué, mais, selon Olk (1991), ces projets n’ont pas souvent réussi à introduire de véritables changements dans la fourniture des services. Ces dernières années, le concept qui prédomine dans les débats politiques et parmi les professionnels sur l’éducation et l’aide sociale est celui du « milieu de vie », ou environnement social, des individus (Habermas, 1981). Il en résulte un intérêt accru pour l’analyse des problèmes des consommateurs dans le cadre de leur environnement socio-économique et des « aides à la décentralisation et à la régionalisation » des services sociaux afin qu’ils puissent répondre aux besoins locaux (Haubrich et Zeller, 1994). Un certain nombre d’études allemandes mettent l’accent sur les mesures d’encouragement à l’intégration des services et sur leur impact, tant dans les anciens Länder (l’ancienne République fédérale d’Allemagne) que les nouveaux Länder (l’ex-République démocratique allemande). Haubrich et Zeller (1994) indiquent que, depuis 1990 dans les nouveaux Länder et 1991 dans les anciens Länder, la Loi allemande sur les services aux enfants et aux jeunes encourage la prévention, l’octroi de responsabilités plus grandes aux consommateurs et l’intégration des services. Cependant, Haubrich et Zeller affirment que le manque de moyens financiers entrave la mise en pratique des recommandations inscrites dans cette loi. Ils notent que ce texte touche très différemment les anciens et les nouveaux Länder, en grande partie du fait qu’ils n’ont absolument pas les mêmes traditions dans le domaine de la protection sociale. Dans les anciens Länder, le principe de subsidiarité (selon lequel le secteur associatif a la priorité sur le secteur public) a débouché sur une fourniture de services sociaux largement assurée par le secteur privé. En revanche, dans les nouveaux Länder, c’est le secteur public qui prédomine. De plus, la profession de travailleur social est solidement implantée dans les anciens Länder, alors qu’elle est quasiment inexistante en tant que telle dans les nouveaux Länder (BackhausMaul et Olk, 1992). Les nouveaux Länder, plus encore que les anciens Länder, doivent donc déployer des efforts considérables pour mettre en œuvre les changements, dans un environnement de ressources limitées. Les communautés locales n’assument que les tâches qui relèvent de leur responsabilité et laissent les actions novatrices à des « projets modèles » financés sur des fonds publics ou privés (Thole, 1993). Nombre de comptes rendus détaillés sur des programmes intégrés ciblant les enfants d’âge préscolaire, ceux d’âge scolaire et les jeunes en voie d’insertion professionnelle ont été rédigés par des auteurs allemands. Selon le principe de l’aide sociale axée sur l’intégration, les services destinés aux enfants d’âge préscolaire (crèches, jardins d’enfants et crèches collectives) sont censés coopérer les uns avec les autres (Jordan et Sengling, 1992). Faisant partie du système éducatif, les jardins d’enfants sont traditionnellement ouverts sur l’école. Cependant, depuis quelques années, ils font des efforts pour s’intégrer davantage à la communauté. L’accueil des jeunes enfants à risque n’est plus assuré dans des institutions, mais par la famille, avec l’aide d’un réseau de services locaux. Les activités 15 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE d’orientation et de soutien, traditionnellement assurées de manière indépendante, sont de plus en plus tournées vers la communauté et vers la coopération avec d’autres organisations. Il existe un certain nombre de projets pilotes fondés sur la coopération entre les jardins d’enfants ou les structures de garde et les centres de consultation infantile. Les évaluations de ces projets soulignent la nécessité de développer le financement, la formation et le suivi et de supprimer les relations hiérarchiques (Haberkorn et al., 1988). S’inscrivant dans la nouvelle perspective axée sur le milieu de vie, les services sociaux destinés aux enfants d’âge scolaire cherchent de plus en plus à coopérer avec les établissements d’enseignement dans lesquels les élèves passent une grande partie de leurs journées. En effet, dans le cadre de la Loi allemande sur les services aux enfants et aux jeunes et d’autres lois relatives à l’enseignement, les services à la jeunesse et les établissements scolaires officiels sont tenus de coopérer les uns avec les autres. De plus, les services à la jeunesse ont la responsabilité de proposer aux établissements d’enseignement des programmes encourageant la réussite scolaire des élèves défavorisés. Devant la montée de certains problèmes graves au sein des établissements scolaires, tels que la violence et l’extrémisme politique, de nombreux enseignants ont accueilli avec enthousiasme le principe selon lequel l’action sociale en milieu scolaire est l’une des composantes essentielles de la vie à l’école (Raab, 1994). De grandes différences subsistent néanmoins d’un Land à l’autre concernant le degré d’intégration, à ce jour, des services à la jeunesse et des établissements scolaires. La coopération est notamment entravée par les points de vue divergents des enseignants, qui considèrent que leur rôle est de transmettre le savoir, et des travailleurs sociaux, qui ont pour objectif de répondre à tous les besoins des enfants (Glanzer, 1993). Même si certains enseignants ne sont pas disposés à ce que les écoles accueillent des travailleurs sociaux, de nombreux chercheurs estiment que ces derniers sont investis d’une mission clé : identifier les problèmes individuels et organisationnels et trouver des solutions adaptées (voir, par exemple, Kunkel, 1990). Le spectre du chômage encourage la mise en place d’un dispositif d’aide professionnelle pour les jeunes défavorisés, et notamment des programmes de préparation de carrière et de formation professionnelle (Raab, 1992). La plupart de ces programmes sont financés conjointement par l’Office fédéral du travail, par des organismes indépendants (privés) qui fournissent des services sociaux et une aide aux jeunes, et par des associations. Jusqu’à une date récente, la contribution des organismes officiels était limitée, même si, aux termes de la Loi allemande sur les services aux enfants et aux jeunes, ils sont désormais tenus de répondre aux besoins des jeunes sans formation et sans emploi (Braun et al., 1993). L’échec scolaire étant la menace la plus grave pour les enfants défavorisés, de nombreux programmes de formation professionnelle ont été mis en place en milieu scolaire afin d’y faire obstacle. Ces programmes ont une valeur socio-pédagogique et nécessitent généralement la collaboration de plusieurs organismes différents. Les études de cas allemandes menées par l’OCDE fournissent des informations à jour qui reflètent le degré de mise en conformité avec la Loi allemande sur les services aux enfants et aux jeunes. Finlande Les recherches universitaires ou stratégiques axées sur l’intégration des services sont relativement peu nombreuses en Finlande. Cependant, un certain nombre d’études traitent de cette question. Elles sont rassemblées par Syväniemi (1994) qui affirme que l’intérêt national vis-à-vis de l’intégration des services est beaucoup plus grand que ce qui transparaı̂t dans la littérature. 16 Syväniemi (1994) observe que la plupart des services de garde de jour des enfants d’âge préscolaire sont fournis par les autorités chargées de la protection sociale, même si les autorités responsables de l’enseignement proposent également ce type de services ainsi qu’une éducation préscolaire pour les enfants de six ans. D’après Ojala (1989), même si les services liés à la protection sociale et à l’enseignement ont des priorités différentes (garantir des dispositifs suffisants et adaptés pour les enfants, d’un côté, veiller à la qualité de l’éducation préscolaire, de l’autre), il est dans l’intérêt des enfants que la collaboration entre ces services soit développée plus avant. Cette conclusion est reprise INTRODUCTION ET PANORAMA DE LA LITTÉRATURE EXISTANTE dans les recherches sur l’éducation préscolaire menées par le ministère finlandais des Affaires sociales et de la Santé (Aalto, 1991). D’autres études soulignent l’intérêt d’une collaboration encore plus étendue, en particulier au niveau des centres de consultation infantile et d’autres organismes d’aide à l’enfance. Les recherches sur les enfants scolarisés tardivement dans l’enseignement primaire indiquent que la coopération entre les différents prestataires de services est nécessaire pour empêcher ces retards, même si, dans la pratique, elle est peu répandue (Linno, 1990a, 1990b). Niemi (1992) souligne le besoin d’une coopération renforcée entre les centres de consultation infantile et les services de protection sociale, tout en constatant un obstacle de taille : le fait que chacun de ces deux types de structures ignore le rôle que joue l’autre. Les travaux de Tarpila (1992) insistent également sur la nécessité d’une coopération multiservices (entre les centres de santé mentale, les services de consultation familiale, les services de garde de jour, les centres de consultation infantile et les établissements scolaires) mais, à l’instar de Niemi, Tarpila reconnaı̂t qu’il existe certains obstacles. En particulier, il met en exergue les problèmes qui résultent des différences dans le champ d’analyse et la formation des différents groupes professionnels. Kauppinen et Sarjanoja (1991) soulignent eux aussi la nécessité d’élargir la coopération entre professionnels, précisant que le fait d’éviter de fournir un service en double constitue un résultat précieux. De plus, ils recommandent une coopération accrue entre le personnel des services de garde de jour et les parents afin qu’ils puissent échanger des informations et leurs expériences concernant l’éducation des enfants. Selon Syväniemi (1994), les services de protection sociale et de santé destinés aux enfants d’âge scolaire centrent leurs activités sur le milieu scolaire. Dans sa thèse de doctorat, Jauhiainen (1993) décrit en détail l’évolution des services intégrés dans les établissements scolaires en Finlande. Il divise cette évolution en trois périodes historiques. La première période (1866-1920), marquée par des famines et des épidémies, a vu la naissance d’institutions et de services d’aide avec pour objectif de créer les conditions physiques et matérielles pour la scolarisation : dortoirs, réfectoires et camps d’été, notamment. Les premiers soins de santé étaient fournis par les médecins scolaires. Pendant la deuxième période (la période « d’édification » de 1920 à 1960), la santé scolaire a continué de se développer ainsi que des services psycho-sociaux, après avoir débuté avec des moyens rudimentaires. Dans les années 20, la Ligue Mannerheim pour la protection de l’enfance, qui proposait des formations pour les personnels infirmiers travaillant en milieu scolaire, a joué un rôle important dans le développement des services de santé scolaire. Elle a assuré le développement initial du réseau finnois de centres de consultation infantile travaillant en étroite coopération avec les établissements scolaires. Des services d’orientation professionnelle, fondés sur une aide psychologique, ont également connu une expansion à l’époque et sont devenus obligatoires vers la fin de cette deuxième période. Enfin, pendant la période « psycho-sociale », les soins de santé scolaire ont continué d’être développés et sont devenus obligatoires dans les établissements d’enseignement secondaire polyvalent et complémentaire, suite aux réformes dans l’enseignement général et la santé publique. Dans les années 70 et 80, une attention accrue a été portée aux soins de santé mentale et, aujourd’hui, le législateur impose des examens psychologiques particuliers en milieu scolaire. Les centres de consultation infantile ont été reconnus par les pouvoirs publics au début des années 70, ce qui a permis leur développement rapide dans tout le pays. Cependant, ces centres coopèrent de moins en moins avec les établissements scolaires. En effet, ils sont aujourd’hui davantage tournés vers les familles et le personnel psycho-social qui travaille dans les établissements scolaires est plus nombreux. Dans les années 90, la loi finlandaise relative à la protection des enfants a défini le rôle des psychologues et des conseillers d’orientation, mais n’oblige pas les municipalités à créer ce type de postes. Jauhiainen parvient à la conclusion que l’école finnoise d’aujourd’hui s’apparente à de nombreux égards à un « État-providence miniature » qui, outre son rôle éducatif, fonctionne comme un centre de protection sociale, de soins de santé et d’orientation professionnelle. A ce titre, il a pour vocation de repérer et de protéger les élèves menacés par l’échec scolaire ou qui risquent d’abandonner l’école. Les éducateurs spécialisés qui travaillent dans les établissements scolaires contribuent eux aussi à mener à bien cette mission. Cependant, Jauhiainen se montre très pessimiste quant à l’avenir de l’action sociale dans les écoles : selon lui, la récession économique est susceptible d’entraı̂ner le 17 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE « démantèlement » du dispositif de protection sociale. Les perspectives seraient particulièrement sombres en ce qui concerne les soins psycho-sociaux et la prévention. Alors même que de nombreux chercheurs et praticiens redoutent des coupes dans le budget des services psycho-sociaux, Terho et Vakkilainen (1993) affirment qu’il faut accorder plus, et non moins, d’attention aux problèmes mentaux des élèves, particulièrement dans une optique préventive. Ils considèrent que la coopération entre professionnels de la santé et de la protection sociale, enseignants, parents et enfants est essentielle pour garantir l’efficacité de la fourniture de soins de santé générale et de santé mentale. La coopération entre les différents professionnels travaillant en milieu scolaire est également reconnue comme une composante clé d’une éducation à la santé efficace (Liimatainen-Lamberg, 1993). Néanmoins, se fondant sur une étude des actions de sensibilisation aux dangers du tabac menées dans le cadre du système éducatif finlandais, Liimatainen-Lamberg conclut que, sans la participation des parents et de la communauté, la collaboration au niveau de l’école même est impuissante à modifier le comportement des élèves. Syväniemi (1994) affirme que l’école est également un lieu essentiel pour proposer des services aux jeunes en période de transition vers la vie active. Dans une étude portant sur les jeunes « allergiques à l’école » (qui ont abandonné leurs études et se trouvent sans emploi), Takala (1992) parvient à la conclusion que la prévention dans ce domaine n’est possible que si les établissements scolaires sont prêts à renverser les obstacles traditionnels et à coopérer avec d’autres services, tels que ceux liés à la protection sociale, à la santé ou aux loisirs. L’intégration renforcée du milieu scolaire et du monde du travail est également considérée comme un point important, conclusion dont Valde (1993) se fait l’écho. Les études de cas finlandaises qui suivent confirment le point de vue de Jauhiainen, selon lequel les écoles constituent des « États-providence miniatures », et viennent s’ajouter aux ouvrages, plutôt rares, qui traitent de l’intégration des services. Portugal 18 D’après Cardoso (1994), il existe peu d’exemples de services intégrés au Portugal, d’où le très petit nombre de recherches menées dans ce domaine. Cet auteur lie le faible développement de l’intégration des services à la création relativement récente d’un dispositif efficace de sécurité sociale à l’échelle nationale (fin des années 60) et à la décentralisation administrative et politique (ce qui rend plus difficile la mise en œuvre de stratégies nationales). Cardoso note toutefois qu’il existe un grand intérêt de la sphère politique à l’égard de l’intégration des services et que cette question fait l’objet de nombreuses discussions aux niveaux de responsabilité les plus élevés. Toujours selon Cardoso, de nombreuses initiatives coordonnées revêtent un caractère expérimental, à l’échelon local, et s’attaquent au problème de la pauvreté. Dans le cadre de ces programmes, les travailleurs sociaux sont particulièrement prompts à s’enthousiasmer pour les concepts de « partenariat » et de « multi-dimensionnalité » et sont apparus comme des acteurs clés pour les efforts d’intégration. Outre la collaboration interprofessionnelle, une attention accrue est accordée à la participation de la communauté et du public à la planification et à la prise de décisions stratégiques. La communauté était auparavant exclue de ces processus. De nombreux programmes expérimentaux bénéficient d’un financement mixte (privé/public) et plusieurs reçoivent un soutien financier de la part de l’Union européenne. Le concept d’intégration des services intéresse de plus en plus les établissements scolaires. Cet intérêt a été stimulé par de récentes études menées au Portugal, qui démontrent les causes multiples de l’échec scolaire. Elles indiquent la nécessité d’un renforcement de la coopération entre les services de soutien scolaire, d’une amélioration des relations entre les établissements scolaires et les familles ainsi que des liens entre l’école et le monde du travail. Elles soulignent également la nécessité de répondre à tous les besoins des élèves (et pas seulement sur le plan de l’éducation) et de faire participer les familles plus pleinement au processus d’enseignement, ainsi qu’aux décisions des prestataires. L’intégration des services serait particulièrement essentielle au moment où les enfants traversent des périodes de transition importantes, telles que la transition de la sphère familiale à l’école et de l’école au travail. INTRODUCTION ET PANORAMA DE LA LITTÉRATURE EXISTANTE Les auteurs portugais qui traitent de l’intégration des services estiment que cette approche offre plusieurs avantages de premier plan, et notamment l’amélioration des aspects économiques de la fourniture des services, l’accroissement de l’efficacité, la capacité de changement et d’innovation. Cependant, ils mettent également l’accent sur d’importants obstacles à cette intégration, au premier rang desquels sont cités le cloisonnement des services, les différences dans la nature et les responsabilités des professions, « l’absence d’informations ou la distorsion de l’information » et l’inertie bureaucratique. Une partie des travaux les plus significatifs portant sur l’intégration des services au Portugal est due à Gracio (1988). Selon cet auteur, l’un des objectifs premiers de l’intégration des services aux enfants devrait consister à « proposer un ensemble cohérent d’activités pour résoudre les problèmes qui se posent, sur le plan de la santé, de l’éducation ou de la sécurité sociale ». Gracio affirme que l’intégration améliore l’accès aux services tout en permettant, d’une part, « une rationalisation et des économies et, d’autre part, la justice sociale [via les tentatives] en vue de résoudre les problèmes graves qui pénalisent les enfants ». Gracio estime que le soutien administratif, technique et financier est indispensable à la réussite de l’intégration des services et il appuie l’idée d’une approche écologique à sa mise en œuvre. Cette approche préconise la coordination de la fourniture d’un large éventail de services biomédicaux, d’aide comportementale, éducatifs et sociaux, de façon à répondre à des besoins de la communauté clairement définis. L’étude de cas portugaise qui suit reflète nombre des thèmes émergeant dans la littérature nationale consacrée à l’intégration des services. Elle fournit des éléments supplémentaires permettant de conclure au manque de stratégies à long terme dans ce domaine et à l’existence d’un nombre limité de services d’intervention sur le terrain, coordonnés et émanant d’initiatives locales. Dans le même temps, cette étude de cas constitue un apport à la littérature existante qui, d’une part, explore les conséquences de l’action publique, notamment de la décentralisation et de la privatisation, sur l’intégration des services et, d’autre part, propose des analyses approfondies d’exemples des meilleures pratiques cités par les pouvoirs publics. États-Unis La littérature américaine consacrée à l’intégration des services est extrêmement abondante et rend compte d’initiatives nombreuses et variées qui, depuis trente ans, sont lancées dans ce domaine par les autorités fédérales, au niveau des États et au niveau local. Les documents rédigés par les chercheurs en sciences politiques reposent sur la théorie de l’organisation formelle, tandis que ceux qui émanent des spécialistes des sciences sociales et des questions administratives sont axés sur l’élaboration et la mise en œuvre de la politique sociale. Cette littérature comprend de nombreux guides pratiques qui conseillent pas à pas sur la façon de mettre en place des dispositifs de services intégrés. Lewis (1993) observe que « la terminologie, les concepts et les théories [relevés dans cette abondante littérature] sont obscurs et imprécis » (p. 2 de l’original). Le terme « intégration des services » est utilisé de nombreuses manières, même si beaucoup d’auteurs citent la définition donnée par Elliot Richardson, secrétaire d’État à la Santé, à l’Éducation et aux Affaires sociales au début des années 70 : « L’intégration des services désigne principalement les façons d’organiser la fourniture locale de services éducatifs, sanitaires et sociaux » (Kusserow, 1991, p. 10). Selon Lewis (1993), d’autres termes sont également utilisés fréquemment. Il s’agit de ce qu’on appelle « les 3 C » (coopération, coordination et collaboration). Des auteurs tels que Bruner (1991), Kagan (1991), Melaville et Blank (1993) et Mulford et Rogers (1982) décrivent et distinguent les différents modes de fourniture des services que ces termes recouvrent. La littérature traitant des réseaux (voir Alter et Hage, 1993) et de la gestion par cas entre, elle aussi, en ligne de compte pour définir le concept d’intégration. Les approches fondées sur ce mode de gestion sont préconisées depuis des décennies aux États-Unis et prennent leur source dans les travaux de Richmond (1901). La théorie et la pratique actuelles dans ce domaine sont particulièrement bien exposées par Weil et Karls (1985). L’histoire de l’intégration des services aux États-Unis est l’objet d’une attention soutenue. Pendant les années 60, de nombreux services intégrés qui se sont développés dans ce pays, notamment les 19 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE centres de proximité, les bureaux de planning familial et les programmes Head Start, étaient fondés sur la communauté. Un nombre important d’entre eux relevaient d’initiatives locales et une bonne part de leur financement provenait des autorités fédérales qui, ainsi, avaient tendance à contourner les agences ministérielles (Resnick et al., 1992). Au cours des années 70, un grand projet d’intégration des services a été lancé par M. Richardson, secrétaire d’État. Contrairement à la décennie précédente, une stratégie descendante a alors été adoptée en vue de simplifier et d’intégrer plus de 500 programmes fédéraux et de réorganiser les divisions et organismes publics au niveau des États. Dans les années 80, les changements dans la réglementation ont permis de recourir avec plus de souplesse au financement sectoriel, mais d’importantes coupes budgétaires, sous l’Administration Reagan, ont limité les efforts d’intégration (US Budget in Brief, 1989). Les gouvernements qui se sont ensuite succédé ont apporté leur soutien à la décentralisation des services qui ont été confiés aux différents États. En dressant le bilan des initiatives fédérales axées sur l’intégration des services, l’Inspecteur général des États-Unis a observé que, si les efforts d’intégration « avaient jusqu’alors contribué à rendre les services éducatifs, sanitaires et sociaux plus accessibles aux clients et proches de leurs besoins, en revanche, ils n’avaient guère eu d’impact, en termes institutionnels, sur un dispositif extrêmement parcellaire » (Kusserow, 1991, pp. i-ii). L’Inspecteur général propose donc que les efforts d’intégration à venir ciblent des groupes bien définis, dans le cadre de programmes sectoriels. En revanche, la Cour des comptes des États-Unis (US General Accounting Office, 1992) souligne la nécessité d’élaborer des programmes axés sur les services (ce qui implique le développement des liens entre consommateurs et services) plutôt que sur les systèmes (ce qui implique la transformation des systèmes de prestations de services). Aux États-Unis, nombre de sources autorisées sont pessimistes concernant l’avenir de l’intégration des services et certaines d’entre elles affirment que les programmes sectoriels qui suscitent un plus grand intérêt et une plus grande publicité doivent être préférés aux programmes non sectoriels (voir par exemple Ooms et Owen, 1991). Cependant, le scandale et les inquiétudes que l’incapacité du dispositif des services éducatifs, sanitaires et sociaux à satisfaire les besoins de la société a suscités parmi le grand public, conjugués au désaveu des initiatives fédérales visant à mettre en place des programmes sectoriels nouveaux et circonscrits, ont provoqué un soutien plus affirmé. Selon de nombreux auteurs, le savoir acquis et les technologies nouvelles ainsi que la mutation des valeurs sont en train de créer un environnement plus propice à l’intégration des services (Kagan, 1991 ; Kahn et Kamerman, 1992 ; Schorr et al., 1991). Un élément nouveau distingue les efforts d’intégration des services de ceux accomplis par le passé : la participation du système éducatif. Des lois récentes, notamment les amendements HawkinsStafford de la Loi sur les établissements d’enseignement élémentaire et secondaire adoptés en 1988, encouragent la collaboration entre l’école et les organisations communautaires en vue de proposer des programmes spéciaux ciblant les enfants à risque (Allen-Meares, 1990). De nombreux rapports décrivent les efforts déployés dans divers États pour intégrer les services destinés aux enfants d’âge préscolaire ou d’âge scolaire (voir, par exemple, Hendrickson, 1993 ; Levy et Shepardson, 1992 ; Mitchell, 1992 ; State Co-ordinating Council, 1993). De nombreuses initiatives, au niveau des États, portent sur des services axés sur l’école au motif que ces services sont accessibles à tous les enfants, mais certains auteurs se demandent s’il faudrait ou non autoriser la prédominance d’une seule entité (Chaskin et Richman, 1992). La littérature américaine consacrée à l’intégration des services est probablement la plus avancée et la plus abondante du monde. Cependant, malgré les bons conseils qu’elle donne, les autorités fédérales et des États ainsi que le secteur privé ne sont pas encore parvenus à proposer un ensemble de services étendus et efficaces pour les enfants à risque. Les études de cas américaines qui suivent se penchent sur des exemples de fourniture de services intégrés, dans une perspective « internationale » qui consiste à analyser les programmes en se référant à l’expérience d’autres pays. Canada 20 Au Canada, ce sont principalement les provinces et territoires qui ont la responsabilité des services d’éducation, de protection sociale et de santé. Dans la quasi-totalité des dix provinces et des INTRODUCTION ET PANORAMA DE LA LITTÉRATURE EXISTANTE deux territoires canadiens, les départements ministériels cherchent à promouvoir l’intégration des services, ce qui se reflète dans une bonne partie des rapports de l’administration publique qui traitent de ce sujet. Selon Volpe (1996), une économie nationale fragile, des coupes importantes dans les dépenses publiques et une augmentation du nombre des enfants et familles en difficulté constituent des facteurs environnementaux permettant d’appréhender à la fois la nécessité et l’intérêt de promouvoir l’intégration des services. Les documents rédigés par les pouvoirs publics sur ce sujet montrent que la quasi-totalité des provinces et territoires du Canada évoluent dans la même direction, à savoir vers une intégration accrue, et ce, à un rythme très rapide. Dans l’Alberta, un rapport publié en 1994 a eu une grande influence. Il soulignait la nécessité de combler les manques au niveau de la fourniture des prestations, de réduire la fragmentation des services et d’aller au-delà de la coordination pour atteindre l’intégration totale (Commissioner of Services for Children, 1994a). Il recommandait également que les services intégrés soient gérés par la communauté, axés sur l’intervention précoce et la prévention et qu’ils tiennent compte de la diversité des cultures. En réponse, le gouvernement de l’Alberta a publié un Plan d’action provincial qui proposait des changements, dans le sens préconisé par ce rapport, sur une période de trois ans (Commissioner of Services for Children, 1994b). A peu près à la même époque, une évaluation provisoire d’une initiative interministérielle, baptisée Coordination des services à l’enfance, a analysé les résultats des efforts destinés à encourager la coordination des services dans cinq communautés distinctes (Community Services Consulting Limited, 1994). Il a été conclu que cette coordination était essentielle pour fournir aux individus une aide accessible et efficace. D’autres documents des pouvoirs publics, qui traitent de la fourniture des services, notamment des services intégrés, mettent en relief l’importance des droits des enfants et de leurs parents, y compris le droit d’être entendu et le droit de décision (voir, par exemple, Premier’s Council in Support of Alberta Families, 1994). Dans l’Ontario, c’est un rapport publié en 1988 et intitulé « Investir dans l’enfance » (ministère des Services sociaux et communautaires de l’Ontario, 1988) qui a donné l’impulsion nécessaire à l’intégration des services. Ce document affirmait le besoin d’une collaboration interministérielle dans la fourniture des services aux enfants. Deux ans plus tard, le rapport intitulé « Les enfants d’abord » a présenté un plan détaillé prévoyant la participation de plusieurs ministères à la fourniture de services intégrés axés sur l’école (Maloney, 1990). Un autre rapport, « Pour l’amour d’apprendre », a suivi et proposait que les établissements d’enseignement soient davantage orientés sur la communauté et placés au cœur de la fourniture des services intégrés (Commission royale sur l’éducation, 1994). La même année, le rapport intitulé « Nos enfants et nos jeunes d’aujourd’hui : l’Ontario de demain » dressait le bilan des recherches sur les grandes périodes de transition au cours de la vie et concluait à la nécessité vitale d’une collaboration interministérielle (Offord, 1994). Le point culminant de ces rapports et recommandations a été atteint avec le Cadre stratégique des services financiers aux termes de la Loi sur les services à l’enfance et à la famille, qui constitue un plan stratégique destiné à progresser vers l’intégration, la coordination de l’accès aux services, l’amélioration de la planification locale, l’équité dans la répartition des ressources, la définition de groupes prioritaires et l’amélioration du processus de compte rendu (ministère des Services sociaux et communautaires de l’Ontario, 1994). Plus récemment (en 1995), la Commission royale sur l’éducation a appelé à des réformes supplémentaires, notamment à une participation plus grande des parents et des organismes communautaires à la fourniture des services et à une intégration plus poussée dans les écoles de l’Ontario. Dans le Saskatchewan, un rapport gouvernemental, « Les enfants d’abord : une invitation à travailler ensemble » (« Children First : An Invitation to Work Together ») a eu un impact important sur le développement des services aux enfants (Gouvernement du Saskatchewan, 1993). Ce document trace les grandes lignes d’un Plan d’action destiné à promouvoir le bien-être des enfants habitant dans le Saskatchewan. Il recommande de déployer des efforts pour poursuivre l’intégration des services dans cette province et indique que les services déjà en place sont fragmentés et donc inefficaces. Il propose que les ministères des Services sociaux, de la Santé, de l’Éducation, de la Formation et de l’Emploi et de la Justice œuvrent ensemble dans le meilleur intérêt des enfants, en mettant en commun leurs 21 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE ressources, leurs informations, leurs compétences et leur savoir. Ce rapport attache également une grande importance, d’une part, à la participation du grand public à la planification stratégique et, d’autre part, aux droits des enfants tels qu’ils sont définis dans la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant. Le Plan d’action a fait naı̂tre une initiative, décrite dans le rapport « Travailler ensemble pour faire tomber les obstacles à l’apprentissage » (« Working Together to Address Barriers to Learning ») et visant à fournir des services intégrés dans les écoles communautaires (ministère de l’Éducation, de la Formation et de l’Emploi, 1994). Ce document souligne les divers avantages de l’approche intégrée et les types de programmes qui pourraient être proposés dans les écoles. Il présente également des exemples de services qui existent déjà dans le Saskatchewan en relation avec le milieu scolaire. Dans le Nouveau-Brunswick, les efforts de coordination des services destinés aux enfants d’âge préscolaire sont présentés dans un rapport intitulé « Initiatives pour la petite enfance » (ministère des Services sociaux et communautaires, 1993). Ce rapport décrit un programme, élaboré conjointement par la Division des services médicaux et de l’hygiène publique et la Division de la famille et des services sociaux, qui a pour objectif de promouvoir la santé et « la disposition à apprendre » chez les très jeunes enfants. L’année suivante, un rapport du ministère de l’Éducation consacré aux enfants d’âge scolaire affirmait qu’il était essentiel que les éducateurs collaborent avec d’autres agences ministérielles et non ministérielles afin de répondre aux très nombreux besoins des élèves (ministère de l’Éducation, 1994). Il a annoncé que différents ministères, couvrant l’éducation, la santé, les services communautaires, la santé mentale, les ressources humaines et la justice, s’étaient entendu pour travailler en collaboration de façon à élaborer des programmes et des services pour les élèves présentant de graves troubles du comportement. Cette année-là également, trois rapports émanant du ministère des Services sociaux et communautaires ont décrit et évalué un programme quinquennal, mis en place conjointement avec le ministère de l’Éducation, pour fournir de multiples services en milieu scolaire en vue d’aider les élèves ayant des besoins à divers niveaux : problèmes de langage, d’apprentissage, problèmes psychologiques, sociaux, physiques et sanitaires. Il a été constaté que ce programme (baptisé Services de soutien à l’éducation) était très efficace pour promouvoir le bien-être des élèves (Dilworth, 1994 ; Dilworth et Sanford, 1994 ; Lapointe, 1994). Des rapports analogues, préconisant l’intégration des services ou proposant une stratégie, ont été publiés par un certain nombre d’autres provinces, notamment la Colombie britannique (Gove, 1995), le Manitoba (Postl, 1995), l’ı̂le du Prince-Édouard (Youth Services Review Committee, 1993) et le Québec (Gouvernement du Québec, 1990). Et cette liste n’est en aucun cas exhaustive. Tous ces rapports font apparaı̂tre des thèmes communs : l’accent y est mis sur les droits des enfants tels qu’ils sont définis dans la Convention des Nations Unies et sur ceux des peuples autochtones. Les études de cas canadiennes qui suivent montrent la manière dont les plans stratégiques de quatre gouvernements provinciaux visant à intégrer les services destinés aux enfants sont mis en pratique et avec quel taux de réussite. Australie Selon Batten (1995), en Australie, l’intégration des services est encouragée par de nombreuses études mettant en relief les multiples causes. Toxicomanie et alcoolisme, conflits familiaux, éclatement et rupture des liens familiaux, absence de domicile, grossesse et maternité, problèmes sociaux et affectifs sont autant d’éléments liés à une scolarisation de courte durée ou à des résultats scolaires médiocres (South Australia, 1993 ; Holden et Dwyer, 1992 ; Maas et Hartley, 1988 ; Cornwell et al., 1989 ; Candy et Baker, 1992). 22 Un grand nombre d’études effectuées en Australie se sont penchées sur les actions menées pour répondre aux besoins des élèves à risque. Ces études indiquent que la majorité des programmes sont orientés ou axés sur l’école (c’est-à-dire fournis à distance, mais en relation étroite avec l’école). Bien souvent, l’intégration des services est considérée par les auteurs comme l’une des composantes d’un vaste ensemble de stratégies qu’il convient de mettre en œuvre. Ainsi, Bradley (1992) répertorie neuf aspects de la vie scolaire qu’il est nécessaire de gérer pour aider les élèves à rester à l’école : les INTRODUCTION ET PANORAMA DE LA LITTÉRATURE EXISTANTE programmes, les processus d’enseignement/d’apprentissage, l’évaluation et les certificats/diplômes, les relations et l’ambiance, la discipline et les contrôles, l’organisation scolaire, l’environnement et les ressources, les liens extérieurs et la dotation en personnel. De même, Corbitt (1993) et Holden (1993) font référence à une palette de caractéristiques qui doivent impérativement être intégrées dans des programmes pour les personnes sans domicile. Plusieurs de ces programmes, notamment ceux qui proposent un soutien financier et physique, une aide affective, une assistance aux adultes, des conseils de santé et d’orientation ou une assistance judiciaire indiquent la nécessité d’une coordination des services. Selon deux rapports gouvernementaux, les conseillers d’éducation jouent un rôle clé lorsqu’il s’agit de répondre aux besoins des élèves sans domicile ou présentant des troubles du comportement (Burdekin, 1989 ; House of Representatives, 1994). Le Rapport Burdekin recommande d’élargir les responsabilités des conseillers d’éducation via une formation intensive leur permettant de fournir une aide sociale (et éducative). Le rapport de la chambre des représentants déplore la diminution du nombre de conseillers d’éducation et de psychologues en milieu scolaire (due à la réduction du budget de l’éducation) et recommande qu’il y ait un conseiller d’éducation pour 500 élèves et ce, dans tous les États australiens. Dans les établissements d’enseignement secondaire australiens, l’intégration des services est depuis peu encouragée via le programme ciblant les élèves à risque (Students at Risk : STAR), lancé en 1990. Ce programme a pour objet de repérer les élèves les plus susceptibles d’abandonner l’école et d’encourager leur participation permanente grâce à un éventail de projets axés ou orientés sur l’école. Une évaluation nationale de ce programme, réalisée par Coopers et al. (1992) tire la conclusion suivante : « Un trait saillant du programme STAR est que beaucoup a été fait avec très peu. » Cette évaluation comprend une série d’études de cas qui décrivent les différents programmes locaux mis en œuvre sur chaque site et les principaux résultats de ces initiatives. La plupart de ces résultats seraient satisfaisants, même si les éléments d’appréciation sont pour une large part anecdotiques. Un certain nombre d’autres rapports fournissent des descriptions, des analyses et/ou des évaluations de programmes intégrés destinés aux élèves de l’enseignement secondaire perturbés ou démotivés et aux jeunes sans emploi (Turner, 1988 ; Withers et Batten, 1988 ; Russell, 1994), aux adolescentes enceintes ou mères (Education Department of South Australia, 1991 ; Milligan et Thomson, 1992), aux élèves sans domicile (Holden, 1993 ; Coopers et al., 1992) et aux élèves toxicomanes (Kelly, 1987 ; Garrard et Northfield, 1987). Les auteurs australiens ont également traité des questions délicates ou non résolues liées à la mise en œuvre de services coordonnés. Plusieurs se sont demandé s’il fallait ou non que les établissements scolaires élargissent leurs responsabilités au-delà de l’éducation. Une étude menée par Coopers et al. (1992) a observé que le personnel des écoles considérait les services de logement, les aides financières, les services sanitaires et d’aide sociale comme essentiels pour que les élèves sans domicile puissent apprendre efficacement. Cependant, d’autres recherches mettent en garde contre les conséquences, sur le plan juridique et sur celui des ressources, de la participation de l’école dans ce domaine. La question de la participation des parents aux programmes intégrés a également été soulevée. Certains auteurs, notamment Laurie et Collings (1993), soulignent que les problèmes de comportement des élèves peuvent être dus à leurs parents. Ils considèrent que les programmes d’aide aux parents mis en place dans les écoles constituent un moyen essentiel pour traiter ces problèmes. D’autres difficultés ont été soulevées concernant les services aux jeunes adultes (Burdekin, 1989). En effet, le Comité chargé des jeunes (Western Australia Legislative Assembly, 1992) a récemment indiqué que son domaine d’action se trouvait « dans un état de délabrement avancé en raison du manque de ressources accordées au niveau des mécanismes d’intervention centraux et de la fragmentation des structures de coordination locales » (p. 13). Plus fondamental encore, certains auteurs se demandent si l’intégration des services peut avoir un impact important en l’absence « de bouleversements au niveau de l’équité sociale et de l’accès aux services » (Abbott-Chapman et Patterson, 1990, p. ix). Malgré ces inquiétudes, le concept de l’intégration des services bénéficie d’un large soutien en tant que moyen efficace de traiter les problèmes des enfants à risque en Australie. D’ailleurs, 23 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE Batten (1995) prévoit que l’intégration des services « est susceptible de progresser et de se renforcer dans les années qui viennent ». Les études de cas australiennes qui suivent fournissent de nouvelles descriptions, analyses et évaluations de programmes intégrés. Elles confirment ainsi nombre des résultats présentés dans la (très abondante) littérature existant dans ce domaine, mais surtout, en considérant l’intégration au niveau des États et au niveau local et en explorant des programmes destinés à différents groupes d’âge et groupes à risque, elles offrent une perspective d’une ampleur exceptionnelle. THÈMES ET ASPECTS INTERNATIONAUX Il ressort de la littérature internationale que « l’intégration » n’est que l’un des nombreux termes, aux côtés des concepts de « coopération », « coordination » et « collaboration », qui servent à décrire le processus consistant à créer un réseau de services qui travaillent ensemble. Dans certains pays, tels que l’Allemagne, le terme « intégration » est rarement utilisé. Dans d’autres, par exemple aux États-Unis, il est en revanche d’un usage courant. Cependant, dans tous les pays étudiés, l’intégration des services (au sens le plus large) est considérée comme offrant d’immenses possibilités en tant qu’option stratégique. L’intégration est perçue comme un moyen d’améliorer l’efficacité des services tout en réduisant les coûts pour la société. Autrement dit, on considère qu’elle est rentable. Mais, de manière apparemment paradoxale, outre qu’elle allège les pressions financières qui pèsent sur le secteur public, on considère qu’elle a besoin de moyens de financement supplémentaires. Cependant ce paradoxe ne vaut plus lorsqu’on indique que « les coûts à court terme permettent des gains à long terme ». Concernant les enfants d’âge préscolaire, les pouvoirs publics comme les universitaires sont parvenus à la conclusion qu’il faudrait que les services sociaux et sanitaires, notamment les structures de garde et les centres de santé mentale, soient organisés en réseaux intégrés et que les services de garde en journée et les écoles travaillent en étroite collaboration. S’agissant des enfants d’âge scolaire, les services intégrés axés ou orientés sur l’école sont jugés particulièrement adaptés. Enfin, concernant les jeunes qui passent de l’école à la vie active, nombre d’auteurs recommandent de resserrer les liens entre le milieu scolaire et le monde du travail. La littérature internationale traite de l’intégration des services en même temps que d’autres questions connexes : décentralisation des prestations, prévention et soins holistiques, participation des communautés et des clients et approche, axée sur les résultats, de la fourniture des services. Fait intéressant, les mêmes préoccupations apparaissent dans les différents pays. Par définition, les pays de l’OCDE sont des économies de marché libérales très attachées à la rentabilité des dépenses publiques. La priorité donnée à l’exclusion sociale à la fois par l’OCDE et l’Union européenne montre que les pays Membres sont extrêmement préoccupés par la part croissante des individus en situation « marginale ». Il n’est donc pas surprenant que l’intégration des services constitue une stratégie bénéficiant d’un soutien à l’échelle mondiale. De plus, il faut s’attendre à ce que les pays qui adoptent des mesures d’intégration se heurtent aux mêmes questions et préoccupations, ce qui, dans l’ensemble, est le cas. Il existe par conséquent de grandes possibilités de collaboration et de partage de l’information au niveau international. Les études de cas qui suivent ont pour objet de faciliter ce processus. MÉTHODOLOGIE DES RECHERCHES 24 L’un des principaux objectifs des recherches de l’OCDE consistait à rassembler des informations sur des exemples des meilleures pratiques dans le domaine des services intégrés pour trois catégories : les enfants d’âge préscolaire, les enfants d’âge scolaire et les jeunes passant de l’école à la vie active. La décision d’étudier ces catégories séparément reposait sur le principe qu’elles nécessitaient différents ensembles de prestations. En effet, les familles ayant des enfants d’âge préscolaire sont de grandes consommatrices de soins de santé, les enfants d’âge scolaire sont d’importants utilisateurs de services d’éducation, tandis que les jeunes qui passent de l’école à la vie active sont davantage INTRODUCTION ET PANORAMA DE LA LITTÉRATURE EXISTANTE susceptibles de bénéficier de services de formation professionnelle et d’aide à l’emploi. Pour chacun de ces groupes d’âge, la nature des « services intégrés » diffère donc de manière significative. Si le terme « services intégrés » paraı̂t souvent impliquer une collaboration entre les professionnels qui sont en première ligne, la capacité à travailler ensemble dépend fréquemment d’initiatives visant à soutenir cette intégration sur le plan administratif et sur celui de la gestion. Pour réaliser les études de cas, les experts de l’OCDE ont donc interrogé des intervenants aux niveaux stratégique et opérationnel ainsi que sur le terrain. Ils ont également interrogé les utilisateurs des services, afin de déterminer dans quelle mesure les services intégrés réussissaient à répondre aux besoins individuels. En vue de constituer un vaste corpus de données qui nous permettrait d’analyser le mode et les raisons du succès (ou de l’échec) des services intégrés, nous nous sommes penchés sur quatre concepts : contexte, input (intrants), fonctionnement et effets. En Amérique du Nord et ailleurs, ces aspects entrent largement en ligne de compte dans l’analyse des services éducatifs, sanitaires et sociaux (voir Stufflebeam, 1988 ; Volpe, 1996). Le contexte désigne l’histoire et la toile de fond des services intégrés et constitue un cadre permettant une mise en situation. Le terme input désigne les différentes ressources investies dans les services intégrés par les organismes publics et privés. Le fonctionnement est la manière dont ces services sont planifiés, organisés et fournis par les administrateurs, les gestionnaires et les professionnels. Enfin, on entend par effets les résultats de la fourniture des services, tels que le niveau de satisfaction des clients et la réussite des programmes de traitement. Afin de garantir une collecte de données cohérente et systématique au niveau des sites pris en compte dans les études de cas, les experts ont eu recours à quatre programmes d’entretiens semistructurés. Ces entretiens ont consisté à poser des questions – groupées selon un modèle de type CIFE (contexte-input-fonctionnement-effets) et adaptées à chacun des quatre groupes étudiés décrits plus haut (les intervenants aux niveaux stratégique, opérationnel et du terrain, ainsi que les clients, voir OCDE, 1996). Certaines questions ne concernaient qu’un seul groupe, d’autres étaient en revanche posées à plus d’un niveau de la hiérarchie des services. Cette manière de procéder a fourni un aperçu intéressant sur les similitudes et les différences entre les administrateurs, les gestionnaires et les professionnels. Sur chaque site pris en compte dans les études de cas, les recherches étaient essentiellement centrées sur des entretiens individuels où, lorsque cela était justifié, sur des entretiens de groupe. En outre, les personnes interrogées devaient remplir elles-mêmes un questionnaire comprenant une série de questions plus générales sur l’intégration des services. Les recherches ont également revêtu d’autres formes : visites de sites, observation du processus de fourniture des services, discussions informelles et collecte d’ouvrages ou de documents pertinents en la matière. Une équipe composée de deux membres du Secrétariat de l’OCDE et de cinq experts de l’OCDE a mené ces recherches sur une période de trois à cinq jours dans chaque pays. Les études de cas européennes (Allemagne, Finlande et Portugal), les études de cas américaines et canadiennes (Missouri, New York, Californie, Saskatchewan, Alberta, Ontario et Nouveau-Brunswick) et les études de cas australiennes (Victoria, Australie-Méridionale et Nouvelle-Galles du Sud) ont été effectuées respectivement en 1993, 1994 et 1995. Des études de cas supplémentaires ont été achevées par les pouvoirs publics finlandais en 1995 et par les pouvoirs publics néerlandais en 1996. Dans la pratique, la collecte des données a été moins systématique que ce qui avait été décidé. Les visites de sites concernés par les études de cas, organisées par les pays Membres, ont nettement varié dans leur teneur, ce qui, bien entendu, a influé sur la nature des informations qui ont pu être recueillies. Les différences au niveau des visites ont reflété la diversité des orientations et des préoccupations des organisateurs et des professionnels présents sur le terrain ainsi que la diversité dans la nature des réseaux de services. Avec le recul, ces différences sont jugées précieuses et intéressantes car elles donnent un bon aperçu des particularités de chaque site. Chaque étude de cas offre donc un caractère spécifique, même si toutes ont, à la base, les mêmes thèmes de recherche (qui viennent d’être décrits). 25 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE RÉFÉRENCES Ouvrages généraux GEELEN, H., VAN UNEN, A. et WALRAVEN, G. avec la collaboration de BUIS, C. (1994), Services Integration for Children and Youth at Risk in the Netherlands, SARDES, La Haye. 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Parmi les évolutions positives, l’Allemagne peut compter l’établissement des structures fondamentales d’une société démocratique, la modernisation de l’économie, des services publics et de l’administration, et le début des réparations des graves dégâts écologiques dans les nouveaux Länder, ainsi que des signes visibles de reprise économique dans les anciens Länder. Parmi les signes de la crise, le plus criant est le taux de chômage, sans précédent dans l’histoire de l’Allemagne depuis la fin de la guerre, et plus élevé encore dans les nouveaux Länder que dans les anciens, malgré les énormes sommes dépensées pour stimuler la croissance économique. Les coupes sévères pratiquées depuis plusieurs années dans les budgets de l’action sociale menacent la qualité traditionnellement élevée de cette dernière dans le pays. La situation actuelle se caractérise également par le resserrement des budgets publics à tous les niveaux. La situation financière de la quasi-totalité des collectivités – qui, en Allemagne, supportent la plus grande partie du poids de l’action sociale – limite souvent les tentatives de réponse aux conséquences des changements sociaux. Ces changements influent beaucoup sur la situation des enfants, des jeunes et de leurs familles. Par exemple, la demande pour les systèmes de garde de jour a fortement augmenté, et n’émane plus uniquement des familles monoparentales ou à double revenus. La garde de jour n’est plus en Allemagne un sujet de controverse politique et idéologique (lié au rôle de la mère dans la famille), comme c’était le cas jusqu’au début des années 80. Actuellement, la polémique en cours sur la législation – relativement restrictive – sur l’avortement crée une pression politique supplémentaire en faveur d’une extension des systèmes de garde de jour, notamment pour les enfants d’âge préscolaire. Or, on observe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande, conséquence des restrictions budgétaires actuelles. Dans les nouveaux Länder en particulier, l’offre de places de garde de jour, autrefois très vaste, est désormais inférieure à la demande, pourtant décroissante du fait de la chute du taux de natalité et du niveau extrêmement élevé du chômage des femmes. Si l’on établit, entre les trois phases de la vie auxquelles nos études de cas se réfèrent, une hiérarchie en termes de priorités sociopolitiques (mesurées par le nombre de jeunes recevant des services), la promotion de l’intégration professionnelle des jeunes défavorisés arrive en première place. Le Programme pour les jeunes défavorisés (Benachteiligtenprogramm) est financé par l’administration fédérale du travail aux termes de la Loi sur la promotion du travail (Arbeitsförderungsgesetz) et mis en 33 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE œuvre par divers organismes chargés de l’emploi des jeunes ainsi que par d’autres organismes publics et non gouvernementaux. Ce programme a été créé en 1980 pour compléter le système de formation en alternance. Il apporte des formations de soutien et des services sociaux aux apprentis qui ont des difficultés à suivre les formations professionnelles, ainsi que des apprentissages supplémentaires, principalement dans des régions où le nombre de places de formation proposées par le système en alternance est largement insuffisant. Actuellement, les cas de « pénurie » de places de formation sont particulièrement fréquents dans les nouveaux Länder. En 1980, ce programme proposait moins de 500 apprentissages ; en septembre 1994, 32 655 jeunes avaient trouvé une place grâce à lui. Le nombre des jeunes suivant une formation professionnelle classique du système en alternance qui font appel aux formations complémentaires et aux services du programme est passé de 15 956 en 1987 à 65 371 en septembre 1994. ÉVOLUTION DÉMOGRAPHIQUE DE L’ALLEMAGNE RÉUNIFIÉE 34 Depuis sa réunification, en octobre 1990, l’Allemagne est le pays le plus peuplé de l’Union européenne. Selon l’Annuaire statistique de 1994, en 1992, l’Allemagne comptait 80.1 millions d’habitants, dont 6.5 millions (8 pour cent) d’étrangers. Les nouveaux Länder (y compris l’ex-Berlin-Est) regroupent 15.7 millions (soit 19.4 pour cent) de la population allemande. Cette population vit sur une superficie totale proche de 357 000 kilomètres carrés, soit une densité de 227 habitants au kilomètre carré. Les disparités régionales sont toutefois importantes. Grosso modo, les zones à faible densité de population sont la partie septentrionale du pays, les régions côtières et rurales de Basse Saxe, le Mecklembourg-Poméranie et le Brandebourg. Les différences notables entre les anciens Länder, y compris l’ex-Berlin-Ouest (263 habitants au kilomètre carré) et les nouveaux Länder (145 habitants au kilomètre carré) sont accrues par les migrations. Même si, depuis la réunification, les migrations de l’Allemagne occidentale vers l’Allemagne orientale ont augmenté (111 000 cas en 1992), les migrations de l’est vers l’ouest (199 000) leur demeurent supérieures. La population étrangère est en grande partie constituée de Turcs (1.9 million, soit 28.6 pour cent de la population étrangère) et d’immigrants de l’ex-Yougoslavie (1 million, soit 15.7 pour cent). Toutes les autres nationalités (Italiens, Grecs, Polonais, etc.) représentent chacune moins de 10 pour cent de la population étrangère. En 1992, les étrangers issus de pays appartenant à l’Union européenne étaient 1.5 million (23.2 pour cent du total). La pyramide des âges de la population allemande présente les mêmes caractéristiques que celles des sociétés modernes industrialisées. Les trente dernières années ont été marquées par un déclin du taux de natalité, qui, depuis une vingtaine d’années, stagne à un niveau bas, entre 800 000 et 1 million de naissances par an. Ces agrégats nationaux ne reflètent pas la dramatique évolution du taux de natalité de la partie orientale du pays après la réunification : entre 1988 et 1992, il est tombé de près de 216 000 naissances par an à un peu plus de 88 000. Cette chute s’est accompagnée d’un recul similaire des mariages (de 137 000 à 48 000 par an). Les bouleversements dans les nouveaux Länder créés par la réunification se sont accompagnés de changements sociaux qui touchent les familles. Environ 34 pour cent des foyers allemands sont constitués d’une seule personne et, dans certaines grandes villes comme Munich, cette proportion s’élève à environ 60 pour cent. Près de la moitié (42 pour cent) des foyers restants, constitués d’au moins deux personnes, sont sans enfant, et ceux qui ont deux enfants ou plus représentent moins de 20 pour cent des foyers d’au moins deux personnes. Si l’on tient compte des disparités régionales notables dans la répartition des foyers et de la taille des familles en Allemagne, cela signifie qu’une part croissante des enfants n’ont ni frère, ni sœur, ni enfants de leur âge dans leur entourage. La diminution du nombre de personnes vivant ensemble sous un même toit a entraı̂né une baisse de la capacité des familles à s’occuper de leurs enfants pendant la journée. Avec la participation accrue des femmes au marché du travail, cette évolution a pour conséquence une demande croissante d’infrastructures de garde de jour pour les enfants de tous les groupes d’âge. La proportion des femmes participant au marché du travail n’a cessé d’augmenter et était de 56.1 pour cent en 1992. Mais si l’on prend plus précisément le taux de participation des femmes avec enfants, il est encore plus Partie I : ALLEMAGNE élevé (57 pour cent). Ceci signifie que 54.8 pour cent des enfants qui grandissent en Allemagne ont une mère qui travaille. Ces données concernent la situation réelle, en 1992, de l’Allemagne réunifiée et sont très proches de celles de l’ancienne République fédérale d’Allemagne. La situation en République démocratique allemande était complètement différente. Du fait de la pénurie générale de main-d’œuvre et du concept sociétal du travail et des individus, la proportion de femmes occupant un emploi était presque aussi élevée que celle des hommes (aux alentours de 90 pour cent). Les services de garde de jour, les crèches, les écoles maternelles et les centres d’accueil en journée pour les enfants d’âge scolaire accueillaient les enfants de 0 à 10 ans. Ils offraient des services très complets et ouvraient tôt le matin pour ne fermer que tard le soir, de sorte que les mères puissent y amener leurs enfants avant de se rendre à leur travail et venir les récupérer une fois leur journée terminée. LES PRINCIPAUX GROUPES « A RISQUE » Le terme « à risque » tel qu’il est employé dans le projet de l’OCDE signifie « élèves qui, issus de milieux défavorisés, [...] ne parviennent pas à s’intégrer à un modèle normalement admis de responsabilité sociale, notamment en ce qui concerne le travail et la vie de famille » (OCDE, 1995). Les études allemandes sur l’échec et la réussite en ce qui concerne l’intégration dans la vie active montrent que les ressources fournies par les familles sont cruciales pour la plupart des jeunes. Des déficiences graves du point de vue du milieu social entraı̂nent souvent un échec scolaire et, par conséquent, les handicaps sociaux se reproduisent souvent de génération en génération. Pour ceux qui rencontrent de graves problèmes d’insertion professionnelle, on constate souvent que les écoles ou les services sociaux tels que les services d’orientation professionnelle n’ont pas su répondre efficacement au besoin d’aide à l’orientation et à l’insertion, avec les défis qu’elle comporte. Ceci ne signifie pas que les écoles et les autres services sont inefficaces dans leur aide à l’intégration sociale et professionnelle, mais leur action ne devient généralement visible que lorsque les jeunes réussissent à améliorer leur niveau d’éducation et de formation professionnelle par rapport à celui de leur famille. La différence importante semble résider dans la capacité des jeunes et de leurs familles à utiliser les organismes et les services en fonction de leurs besoins et intérêts particuliers. Les principaux facteurs d’accroissement du risque d’échec à l’intégration sociale et professionnelle sont : i) l’échec scolaire – ce qui, en Allemagne, signifie principalement quitter l’école après avoir terminé l’enseignement obligatoire (neuf ou dix années) sans diplôme et bien souvent en n’ayant réellement qu’un niveau de quatrième ou cinquième ; ii) un milieu social défavorisé ; et iii) l’appartenance à un groupe ethnique minoritaire. Le risque d’échec pour ceux qui se classent dans une de ces catégories est fortement accru s’ils souffrent d’un autre handicap tel que celui d’une famille désunie. L’ACTION SOCIALE Le système de protection sociale a son origine dans la création d’un régime national d’assurance sociale à la fin du XIXe siècle (assurance maladie obligatoire : 1883 ; assurance en cas d’accident : 1884 ; assurance pension : 1889). Depuis, le système de protection sociale a été étendu par l’introduction d’une assurance chômage qui est finalement devenue une institution publique obligatoire en 1919. L’un des derniers ajouts au système de protection sociale allemand, particulièrement pertinent pour l’intégration professionnelle des jeunes, est l’aide financière publique aux étudiants et aux élèves. Elle a été mise en place par une loi fédérale en 1970 et son but est de créer des chances équitables de participation au système éducatif. Mis en place dans le contexte de la grande réforme du système éducatif des années 60 et du début des années 70, cet instrument, qui bénéficiait alors d’un important soutien politique a, depuis, vu sa caution politique se réduire. Par conséquent, l’apport, prévu à l’origine, d’une aide indépendante de la situation financière des parents, n’a jamais vu le jour, pas plus que l’extension de cette aide aux jeunes dans l’enseignement professionnel relevant du système en alternance (sous la forme, par exemple, d’une aide financière aux jeunes vivant loin de leur famille). En réalité, seules ont eu lieu 35 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE quelques hausses limitées du plafond de l’aide, des restrictions aux conditions d’accès et une dégradation du type d’aide accordé à ceux qui pouvaient y prétendre (par exemple, le remplacement des indemnités de subsistance par des prêts). L’administration des services sociaux en Allemagne est caractérisée par la subdivision en services d’action sociale, services sanitaires et bureaux d’aide aux jeunes. Après la Seconde Guerre mondiale, la loi a imposé la création d’un bureau pour la protection sociale et les services aux jeunes, ainsi que d’un bureau d’aide aux jeunes dans chaque Land. La fonction des bureaux d’aide aux jeunes au niveau du Land est de coordonner et de promouvoir le travail des bureaux locaux de protection sociale des jeunes. La mise en œuvre des actions de protection sociale des jeunes imposées par la loi et leur organisation administrative font partie des tâches du gouvernement local. Cette législation a également renforcé le principe de subsidiarité et codifié la priorité du secteur bénévole sur le secteur institutionnel public (Jordan et Sengling, 1992, pp. 211 et suivantes). Conformément au principe de subsidiarité dans le domaine des services sociaux en Allemagne, ce sont les groupes de petite dimension (familles, parents, voisins) qui doivent être les premiers fournisseurs d’aide et de soins, avant les organismes publics et les organisations gouvernementales (Schäfers, 1981, p. 88 ; Schäfer, 1988, pp. 19 et suivantes). Cela signifie également que les organisations privées d’action sociale, quelle que soit leur taille, ont priorité sur les services gérés par la collectivité. A la suite de la réunification de l’Allemagne, le système d’aide sociale de l’ancienne République fédérale d’Allemagne a été étendu aux nouveaux Länder. La Loi sur les services aux enfants et aux jeunes (Kinder- und Jugendhilfegesetz, KJHG) y a même été mise en application trois mois plus tôt que dans les anciens Länder. Or, l’établissement de structures et d’organismes d’aide sociale à l’enfance et à la jeunesse s’est inscrit dans des contextes caractérisés par des traditions de fourniture radicalement différentes (Hoffmann, 1981 ; Deutsches Jugendsinstitut, 1990). Dans la République démocratique allemande, l’aide sociale aux jeunes était principalement axée sur les besoins des jeunes « en danger », ce qui – selon la tradition de la Loi sur l’aide sociale à la jeunesse dans les anciens Länder – est intégré à l’action sociale pour les jeunes (Jugendfürsorge). L’aide sociale aux jeunes était, contrairement au principe de subsidiarité de la République fédérale d’Allemagne, presque exclusivement du ressort des autorités publiques. Les efforts étaient centrés sur la partie fixe de l’aide sociale aux jeunes, spécialement l’accueil des enfants et des jeunes en foyer (Backhaus-Maul et Olk, 1992, p. 94). En outre, du fait de cette différence d’orientation, l’enseignement professionnel des travailleurs sociaux dans la République démocratique allemande présentait un autre profil. Il ne prévoyait guère de cours spécialisés pour les éducateurs sociaux dans les universités et une grande partie du travail social était assurée par des bénévoles (Backhaus-Maul et Olk, 1992, p. 95). ENSEIGNEMENT OBLIGATOIRE ET ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL La scolarité obligatoire en Allemagne a été instaurée au tournant du XIXe siècle par la création de l’école « populaire » (Volksschule) à l’intention des classes inférieures, se démarquant dès l’origine de l’enseignement secondaire qui menait à l’université. Cette différence transparaı̂t encore actuellement dans le système scolaire allemand. Il n’y a que pendant la République de Weimar avec l’école primaire (Grundschule, pour les enfants de 6 à 10 ans) qu’une même école était obligatoire pour tous. Jusque-là, il existait des écoles privées payantes – et chères – qui préparaient les enfants à l’entrée au lycée (Gymnasium) et qui, aux termes de la constitution de la République de Weimar, devaient être abolies (certaines d’entre elles, toutefois, survécurent jusqu’en 1933). 36 La polémique la plus importante et la plus longue de l’histoire de la politique scolaire en Allemagne a été la question de la fréquentation de l’enseignement secondaire (c’est-à-dire des écoles qui préparent à l’Abitur, le diplôme permettant d’entrer à l’université). Le fait d’avoir conservé et intégré le cursus sélectif d’enseignement secondaire appelé Gymnasium dans la structure de l’éducation publique en Allemagne implique que les élites sociales sont prêtes à fréquenter l’école publique. Elles n’ont pas besoin de passer par des écoles privées coûteuses pour reproduire et légitimer leur statut d’élites, comme c’est le cas dans de nombreux autres pays Membres de l’OCDE. Mais ceci implique également qu’en Allemagne, toute modification du système scolaire visant à l’égalité des chances Partie I : ALLEMAGNE interfère avec les intérêts des élites sociales plus fortement que dans d’autres pays. Ceci explique aussi la sélectivité marquée du système scolaire allemand, qui, pour l’immense majorité des enfants, décide, lorsqu’ils atteignent dix ans, dans quelle branche d’un système scolaire secondaire différencié verticalement ils entreront. Après la chute du régime nazi en 1945, les puissances d’occupation, désireuses de promouvoir le développement d’une société démocratique en Allemagne, ont soutenu les efforts de réforme qui visaient à instaurer une plus grande polyvalence dans le système scolaire. Dans la partie occidentale, il fut décidé de prolonger la durée de l’école primaire par deux années supplémentaires de scolarité commune à tous les enfants. Ce changement n’a survécu qu’à Berlin (côté occidental). Dans la zone d’occupation soviétique, un système scolaire intégré fut établi, qui englobait les classes du cours préparatoire à la quatrième, lesquelles représentaient la totalité de la scolarité générale obligatoire à l’époque. Cette différence entre les systèmes scolaires de la République démocratique allemande (RDA) et de la République fédérale d’Allemagne (RFA), le premier intégré, le second différencié et divisé en plusieurs branches, a survécu jusqu’à la réunification de l’Allemagne. Le principal changement opéré en RFA, à la suite des tentatives de réforme des années 60 et du début des années 70, a fait des écoles polyvalentes de certains Länder une quatrième branche de l’enseignement secondaire, s’ajoutant aux établissements d’enseignement secondaire général (Hauptschule), d’enseignement secondaire, cycle court (Realschule) et aux lycées (Gymnasium). En RDA, la structure intégrée des établissements d’enseignement secondaire polytechniques (Polytechnische Oberschulen, POS) fut initialement prolongée de dix ans et perdura ensuite jusqu’à la réunification. La seule différenciation introduite fut la création d’établissements d’enseignement spécial (Hilfsschulen), pour environ 5 pour cent des élèves, et d’établissements d’enseignement secondaire étendu (Erweiterte Oberschulen, EOS), incluant les classes de première et de terminale. Quinze pour cent des élèves qui obtenaient les diplômes nécessaires pour entrer à l’université avaient fréquenté les établissements d’enseignement secondaire étendu. Après la réunification, le système scolaire différencié fut étendu aux nouveaux Länder, avec certaines modifications en ce qui concerne la relation entre le cursus secondaire général et le secondaire, cycle court. Les taux de fréquentation des différents types d’enseignement secondaire passèrent presque instantanément aux niveaux atteints dans les anciens Länder après près de 40 ans d’évolution. Ainsi, près d’un tiers des enfants fréquentent le lycée, un tiers le cycle court d’enseignement secondaire et le tiers restant l’enseignement secondaire général. Ces chiffres varient selon la région. Dans les grandes villes, la proportion des élèves fréquentant le lycée (Gymnasium) s’élève souvent à 50 pour cent tandis que la part des élèves dans les écoles d’enseignement secondaire général est souvent inférieure à 20 pour cent. Mais cette fréquentation accrue de l’enseignement secondaire ne reflète pas les aspirations scolaires des parents. Comme le montrent les sondages effectués tous les deux ans, seuls 10 pour cent des parents souhaitent que leurs enfants aillent dans l’enseignement secondaire général, alors que 50 pour cent préféreraient le lycée. ENSEIGNEMENT ET FORMATION PROFESSIONNELS Le système de formation en alternance à l’école et en entreprise constitue la structure fondamentale de l’enseignement et de la formation professionnels en Allemagne. Ses éléments fondamentaux – stages pratiques en entreprise et enseignement complémentaire à l’école – avaient été également maintenus en RDA. Les grandes différences étaient que les entreprises n’étaient pas privées et que les écoles – du fait de leurs relations étroites avec les entreprises – pas complètement publiques. Les différences qui résultent des disparités entre les niveaux économiques des deux parties de l’Allemagne sont plus pertinentes pour l’évolution du système depuis la réunification. La RDA souffrait notamment de l’obsolescence de ses secteurs de la production et des services. Ces différences se reflétaient dans la nature des qualifications obtenues et ont rendu nécessaire la modernisation de l’enseignement et de la formation professionnels. Avec le déclin dramatique de l’économie des nouveaux Länder, beaucoup de sites de formation ont fermé. La reconstruction de l’économie n’a jusqu’à maintenant créé ni le nombre d’emplois nécessaire 37 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE ni un nombre approprié de places d’apprentissage dans les entreprises. Étant donné qu’en Allemagne, particulièrement en Allemagne orientale, l’enseignement et la formation professionnels sont considérés comme une responsabilité de la collectivité, beaucoup de places d’apprentissage sont finalement créées en dehors des entreprises, grâce aux deniers publics. ORIGINE ET ÉVOLUTION DE L’INTÉRÊT POUR LES SERVICES INTÉGRÉS Le débat sur l’intégration des services sociaux a commencé à la fin des années 60, à la suite d’une période de remise en place des structures et des organismes d’aide sociale créés par la République de Weimar. Ce sont les années 70, dans le contexte d’un débat sur la réorganisation des services sociaux communautaires, qui ont connu des discussions intenses sur ce sujet. D’importantes nouvelles orientations ont vu le jour avec le mouvement contestataire et estudiantin de la fin des années 60. Les sciences sociales ont fait pression en faveur d’un changement de cap et, peu à peu, les pratiques du travail social ont évolué. Les besoins des clients ont commencé à être analysés dans un contexte social. Pour l’essentiel, le travail social, pensait-on, ne devait pas se borner à aider les individus, mais aussi contribuer au développement de la société. Au cours de cette période, les actions réformatrices visaient à encourager la participation des clients et à réduire la hiérarchie (Barth, 1993, p. 115). Cette évolution dans la philosophie du travail social a eu un effet sur les théories et les méthodes de l’action sociale ainsi que sur les structures des organismes et des institutions. La prospérité économique et la tolérance politique vis-à-vis des réformes sociales au cours des années 70 ont facilité la promotion de projets modèles. Beaucoup de municipalités ont alors engagé des initiatives pour réorganiser leurs services sociaux. Dans l’histoire du travail social en Allemagne, ces initiatives peuvent être considérées comme des efforts essentiels pour l’intégration des services sociaux. Depuis les années 80, les approches de l’intégration des services se concentrent sur des programmes spécifiques. La réunification et la Loi sur les services aux enfants et aux jeunes (KJHG) ont donné de nouvelles impulsions. NIVEAUX DE MANDAT La structure générale de la Loi sur l’aide sociale aux jeunes du Reich (Reichsjugendwohlfahrtsgesetz, RJWG, votée en 1922) revue et complétée en 1961 par la Loi sur l’aide sociale à la jeunesse (Jugendwohlfahrtsgesetz, JWG) a constitué le fondement des services du travail social pour les jeunes et l’aide aux jeunes jusqu’en 1990, année où a été promulguée la nouvelle Loi sur les services aux enfants et aux jeunes (KJHG) (Kreft, 1993, p. 323). Les débats dans les milieux politiques et professionnels, ainsi que des rapports officiels sur les jeunes (présentés devant le Parlement allemand par le gouvernement fédéral au cours de chaque session parlementaire) ont contribué au développement des services aux jeunes (Der Bundesminister, 1990). La fin des années 80 a vu des discussions intenses à propos de la législation sur l’aide aux jeunes, qui se sont conclues par l’adoption de la Loi sur les services aux enfants et aux jeunes. Cette nouvelle loi, entrée en vigueur le 3 octobre 1990 dans les nouveaux Länder et le 1er janvier 1991 dans les anciens Länder, reflète l’évolution récente des idées sur les services aux jeunes et donne une nouvelle importance à la coopération et à l’intégration des services. La KJHG comprend plusieurs sections en faveur de l’intégration des services. 38 La section 4 astreint les organismes de service public à coopérer avec les organismes indépendants qui proposent des services aux jeunes. Dans les cas où un soutien scolaire doit être apporté sur une période prolongée, les organismes d’aide sociale aux jeunes sont tenus d’élaborer un plan de soutien. Pour empêcher que les problèmes ne soient considérés de façon partiale et pour imaginer les programmes les plus aptes à résoudre ces problèmes, ce plan doit être mis au point par des représentants de tous les organismes associés à la fourniture des services ou susceptibles de l’être (section 36.2, KJHG). Si nécessaire, des professionnels issus des différentes disciplines du travail social et de l’aide Partie I : ALLEMAGNE sociale doivent collaborer pour trouver la meilleure solution et la forme la plus adéquate de soutien ou de thérapie (section 72.1, KJHG). La section 78 astreint les organismes de services aux jeunes à créer des groupes de travail avec les organismes indépendants. Ces groupes de travail doivent viser à harmoniser les mesures et les programmes des entités qu’ils représentent, pour les rendre complémentaires les uns des autres. Pour favoriser la coopération entre les organismes publics et les organismes indépendants, les seconds doivent s’intégrer au processus de planification de l’aide sociale aux jeunes dont sont chargés les premiers (section 80.3, KJHG). Pour répondre aux exigences de synergie entre les services aux jeunes, il est demandé aux organismes d’aide sociale concernés de coopérer avec d’autres établissements tels que les écoles, les organismes de formation et le secteur de la santé publique (section 81, KJHG). Cet engagement n’a pas d’équivalent de l’autre côté. Seules les récentes modifications de la législation des établissements scolaires appellent à un engagement analogue. Bien que l’intégration des services soit un concept encouragé par la Loi sur les services aux enfants et aux jeunes, elle ne constitue pas, d’une manière générale, une obligation légale. D’abord, la plupart des sections qui évoquent l’intégration des services incluent des expressions du type « pourraient », voire « devraient », et peuvent donc être interprétées par chaque organisme d’aide sociale à la jeunesse selon ses propres idées. Ensuite, ces dispositions s’adressent aux seuls organismes publics, les organismes indépendants n’ayant aucune obligation à œuvrer pour l’intégration des services. SITES DE RECHERCHE Brême : Brême (Bremen en allemand) est une ville libre hanséatique depuis 1656. Située au fond de l’estuaire de la Weser, elle forme avec Bremerhaven, port de la mer du Nord, à une cinquantaine de kilomètres en aval, le plus petit Land de l’Allemagne occidentale. La population de ce Land est de 680 000 habitants (522 000 habitants pour Brême et 132 000 habitants pour Bremerhaven). Brême est depuis longtemps une ville républicaine et laı̈que. Au temps de la Ligue hanséatique, elle était gouvernée par un conseil de citoyens marchands. Ses habitants ont donc une forte tradition d’autonomie et d’identification à la cité, et sont fiers de leur ville. Brême a été touchée par la récession plus tard que la plupart des autres régions allemandes, mais plus durement. En 1994, la cité affichait le taux de chômage le plus élevé parmi les anciens Länder. La principale raison de ce déclin des emplois est la crise structurelle qui a frappé les industries les plus anciennes telles que la construction navale, les aciéries, l’agro-alimentaire, le tabac et la production de matériel de radio et de télévision. Leipzig : Leipzig se trouve dans le Land de Saxe-Anhalt et compte 500 000 habitants, dont 170 000 jeunes et enfants. La Saxe regroupe une centaine d’organismes à but non lucratif consacrés aux jeunes, dont un grand nombre d’organisations purement locales. A Leipzig même, on dénombre 150 associations indépendantes travaillant dans le domaine des services sociaux. Confrontée à une très grave crise économique, Leipzig a pour préoccupations majeures de rétablir des activités commerciales et industrielles viables, de créer des emplois, d’améliorer la situation du logement et de développer les possibilités pour les jeunes de 10 à 18 ans. Duisbourg : La ville de Duisbourg (Duisburg en allemand) est située dans le Land de Rhénanie du Nord-Westphalie. Ce Land compte pour 25 pour cent du produit intérieur brut de l’Allemagne occidentale et 30 pour cent de ses exportations. Cette puissance industrielle est due à 150 ans d’exploitation de la région riche en charbon qui borde la Ruhr, à la croissance de l’industrie allemande de l’acier et à l’évolution concomitante des industries de transformation et du commerce. Duisbourg est parmi les plus grands ports fluviaux du monde. Son importance actuelle trouve son origine à la fin du XIXe siècle, époque où la ville est devenue l’un des principaux centres des industries du fer, de l’acier et du charbon en Europe. Au XXe siècle, la demande d’acier et de charbon a connu une chute brutale qui a entraı̂né un accroissement continu du taux de chômage dans toute la région. Duisbourg est aujourd’hui entrée dans un processus de restructuration qui consiste à abandonner progressivement les industries lourdes pour développer le secteur des services. 39 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE INTÉGRATION DES SERVICES POUR LES ENFANTS D’ÂGE PRÉSCOLAIRE A BRÊME Institutions et partenaires clés Les services d’aide sociale et les services à la jeunesse de Brême sont organisés différemment de ceux des autres régions d’Allemagne. Dans les autres régions, les services d’aide sociale et les services à la jeunesse relèvent de bureaux distincts, en raison d’une législation qui recommande qu’ils soient fournis séparément. Ce type d’organisation a été critiqué dans les années 70, entre autres par les universitaires. Brême a donc cherché à modifier son organisation des services dans le sens recommandé par les études. En 1974, le département des Affaires sociales de Brême a financé une étude d’évaluation sur la structure et le travail des services sociaux de la ville. Les résultats de cette enquête ont démontré la nécessité d’une amélioration. En 1982, un projet pilote financé à hauteur de 650 000 DM par le ministère de la Jeunesse, de la Famille et de la Santé a été lancé dans le secteur sud. Il apparaissait nécessaire d’établir un système d’organisation qui prenne en charge toute la population, que ses individus aient ou non des problèmes particuliers. Il s’agit là d’une approche « d’intégration » ou « d’inclusion », qui tend à servir la communauté dans son ensemble et non à marginaliser ou à isoler certains groupes perçus comme « problématiques ». L’orientation vers le citoyen en tant que client et destinataire de services constitue une exigence centrale. Deux principes sont au centre de la réorganisation des services sociaux de Brême (Dolls et Hammetter, 1987, 1988). Le premier principe est « l’orientation par groupes cibles », qui implique un « concept d’action » (Handlungskonzept) intégrateur visant différentes catégories de population. En d’autres termes, les besoins des clients doivent être diagnostiqués dans le contexte de l’étape de la vie à laquelle ils se trouvent, et l’aide doit être « holistique » (ganzheitlich). Cette nouvelle approche consiste à utiliser des compétences professionnelles dans le travail avec les différentes catégories de population et à tenter d’éviter les lacunes dans la couverture de la population. Le second principe central est l’orientation par quartiers ou par régions, qui passe par un diagnostic des besoins dans le contexte local. Ceci signifie de plus que les organismes de services sociaux implantés au niveau régional doivent travailler ensemble pour réintégrer les clients dans les structures et le milieu régionaux (Dolls et Hammetter, 1988). Il s’agit là d’une tentative de création d’une communauté. Ces deux principes déterminent la nouvelle organisation des services sociaux à Brême et illustrent les deux dimensions de leur « organisation matricielle » novatrice. La structure organisationnelle qui répond à l’objectif de l’orientation par groupes cibles est la division des quatre départements régionaux des services sociaux en services sociaux de quartier (Bezirkssozialdienste) s’adressant à quatre groupes : les enfants et leur famille, les jeunes et leurs familles, les adultes sans enfants mineurs et les personnes âgées. Pour chaque groupe, il existe un service social de quartier responsable de toutes les actions définies par la loi. Il existe en outre des service sociaux de quartier spécialisés qui se concentrent sur des problèmes spéciaux indépendants des facteurs démographiques, et qui requièrent des connaissances professionnelles spécifiques (aide socioéconomique, aide sociale aux jeunes, tutelle de l’autorité locale, conseil pour l’éducation des enfants, aux jeunes et aux familles, et soins socio-psychiatriques). Le second objectif est reflété par la division régionale des services sociaux. Le bureau pour la santé, les jeunes et l’aide sociale de Brême possède quatre départements régionaux pour les quatre secteurs de la ville – sud, est, nord et centre-ouest. Chaque secteur compte entre 100 000 et 150 000 habitants. Chacun d’eux est divisé en districts de 20 000 à 40 000 personnes. Excepté dans le cas de la tutelle de l’autorité locale, tous les services sociaux de quartier sont divisés en plusieurs petits groupes de personnes responsables chacun d’un district. Chaque district est à son tour divisé en quartiers de 5 000 à 10 000 habitants. 40 Le bureau central des services sociaux gère les finances et contrôle et supervise le travail des organismes à caractère bénévole. Les bureaux au niveau de chaque secteur fournissent les services et sont chargés de veiller à leur qualité. Partie I : ALLEMAGNE La réorganisation des services sociaux par secteur et district est illustrée par le district de Huchting. Ce district, qui a fait l’objet de visites sur le terrain, fait partie du secteur sud de Brême. C’est un des endroits les plus défavorisés de l’agglomération, situation qui résulte de la politique d’aménagement et de construction mise en œuvre dans les années 60. Actuellement, 25 pour cent des familles y reçoivent l’aide sociale. Plusieurs comités distincts y coordonnent les différents organismes et établissements locaux. Il y a par exemple un comité de secteur auquel participent tous les directeurs de services sociaux de quartier et le directeur du bureau central du secteur. Au niveau du district, il existe un comité qui regroupe des éducateurs sociaux (du bureau d’aide sociale), responsables pour le district, et un expert de chaque organisme d’aide sociale du district (c’est-à-dire des écoles maternelles, des établissements et maisons de jeunes, des terrains de jeu, de la Ferme de la ville, du conseil local, du centre social, des services psychologiques scolaires, des organismes à but non lucratif et des services de santé). L’une des fonctions centrales du comité de district consiste à rassembler tous les prestataires de services sociaux et de créer un forum pour la discussion et la coopération. Ce type de coordination permet d’identifier les besoins de la population d’Huchting et d’améliorer le cadre de vie. Bien que ce comité n’ait qu’un rôle consultatif auprès du conseil et du ministère de l’État, il est devenu très influent. Il crée également des liens entre la communauté et la hiérarchie, en rapportant à l’administration les questions nouvelles qui se posent aux organismes concernés. En outre, un coordinateur a été nommé pour effectuer la liaison entre les niveaux d’administration local et central. Le rôle de ce coordinateur est axé sur le soutien à la coopération ainsi que sur la création et le développement de réseaux. Il assiste aux séances publiques du conseil local et de ses sous-commissions, en particulier celle des affaires sociales. Ceci permet un contact entre le conseil local et le reste du personnel, des élus locaux et des professionnels qui travaillent à Huchting. Le coordinateur doit agir comme un agent social. Il doit avoir une vue d’ensemble de tout le district et des problèmes propres aux quartiers. L’approche holistique de la planification des services constitue une méthode de travail novatrice. Cette structure organisationnelle, qui crée des liens entre l’administration de la ville de Brême et les activités locales, encourage aussi les pratiques coopératives entre les organismes locaux d’action sociale. Au cours de la mission à Huchting, certains organismes locaux ont effectivement été visités et d’autres ont été présentés lors d’une réunion au Centre des services sociaux de Huchting. Les partenaires clés du réseau des services sociaux de Huchting sont décrits dans la section suivante. Le Centre des mères de Huchting (Mütterzentrum Huchting) Le Centre des mères est destiné à des femmes et géré par des femmes. C’est un projet d’autoassistance lancé en 1987 par un groupe de femmes avec l’aide de travailleurs sociaux et le soutien du ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Affaires sociales. Les groupes cibles sont les femmes et leurs familles, quels que soient leur âge, leur nationalité ou leur confession. Le secteur de Huchting compte une forte proportion de femmes ayant un faible niveau d’instruction et qui sont au chômage ou n’ont jamais travaillé. Ces femmes se retrouvent confinées chez elles, et sont souvent déprimées du fait de leur isolement et de conditions de vie difficiles. La philosophie sous-tendant le projet est que le bien-être des mères a un effet positif sur celui des enfants. Pour aider les mères à surmonter les problèmes engendrés par toutes sortes de stress, notamment affectif, ainsi que par l’isolement domestique, le Centre des mères leur offre diverses possibilités de rencontrer d’autres femmes et leurs enfants. Il les aide également à trouver une formation ou une possibilité d’emploi. Pour échapper à leur anxiété, les mères peuvent venir au centre quand elles le veulent et s’inscrire à n’importe quelle activité. Un autre objectif important est de les encourager à partager leurs connaissances et leurs expériences. Toutefois, l’accent étant mis sur les activités bénévoles, les spécialistes n’ont qu’un rôle consultatif. Tous les services du centre (activités à l’heure du petit déjeuner, du déjeuner ou après l’école) sont fournis par les mères elles-mêmes. Elles reçoivent une rémunération minime versée par le fonds de soutien à l’aide sociale. Étant donné que le travail des femmes est rarement assorti d’une 41 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE contrepartie financière dans la société, le Centre des mères essaie de rémunérer tous les travaux et activités que ses membres effectuent. Le Centre des mères coopère avec toutes les associations du Centre des services sociaux de Huchting. Ces dernières prêtent leurs locaux pour les activités des mères et le personnel du Centre des mères a des contacts avec les conseillers professionnels pour se faire aider dans son travail. Diverses activités ont également lieu en collaboration étroite avec d’autres établissements. Des consultations de santé sont proposées aux mères de nourrissons, un pédiatre du centre de consultation infantile vient s’entretenir avec les mères. En outre, un spécialiste des enfants handicapés conseille le personnel sur la façon d’améliorer l’autonomie fonctionnelle des enfants, et informe les parents. Département régional des services sociaux – Sud : Service social pour les enfants et leurs familles (Amt für Soziale Dienste – Süd : Sozialdienst Kinder und deren Familien) Le Service social pour les enfants et leurs familles est l’un des services sociaux de quartier de l’organisation matricielle décrite ci-dessus. Bien que le bureau principal de ces services ne soit pas situé à Huchting, il occupe un petit bureau dans le centre de l’agglomération, qu’il utilise deux jours par semaine. Les groupes ciblés sont les familles avec enfants de moins de 12 ans, les familles monoparentales, les familles reconstituées, les familles étrangères et celles qui vivent de l’aide sociale. Le service apporte des conseils et des aides spéciales aux enfants et à leurs familles lorsque cela est nécessaire. Une approche spécifique est utilisée pour apporter une aide professionnelle aux familles en crise. Un professionnel qualifié assiste les familles chez elles sur la base d’un temps partiel et s’occupe des problèmes scolaires, de la gestion ménagère, du budget du foyer, etc. Cette personne agit comme un substitut des parents et essaie de soutenir et de stabiliser la structure familiale. Dans cette approche, l’accent est mis sur le conseil et le développement des capacités des familles à faire face à leurs problèmes au quotidien. Un autre type d’assistance est apportée aux familles dont l’un des parents est absent pour raison de maladie, de dépendance aux drogues ou à l’alcool, ou d’incarcération. Dans ce cas, une aide ménagère qualifiée se rend au domicile de la famille et se substitue au parent concerné. Ces deux types d’intervention sont considérés comme préventifs et servent à éviter de placer les enfants sous protection ou dans une famille d’accueil. Le Service social pour les enfants et leurs familles coopère avec toutes les organisations et associations travaillant sur les mêmes groupes cibles. Par exemple, il coopère avec le personnel des écoles et des structures préscolaires pour analyser les problèmes, ainsi qu’avec les autres organismes de soutien aux familles. Maison de la famille (Haus der Familie) 42 La Maison de la famille fait partie du département des Services sociaux. Son personnel se compose de dix personnes (trois travailleurs sociaux et sept éducateurs intervenant en sessions). Leur travail est axé sur l’enseignement. Ils organisent des projets, tels que des activités de week-end, et des séminaires pédagogiques, et offrent des possibilités de formation continue. Ils ont une approche classique d’auto-assistance et s’efforcent de susciter des initiatives. Les groupes cibles sont les parents avec enfants vivant dans les quartiers défavorisés, les enfants d’âge préscolaire ou scolaire ayant des difficultés de socialisation, les enfants étrangers, les jeunes filles et les femmes, les parents isolés et les femmes vivant dans des conditions sociales et financières difficiles. Ils proposent 20 activités collectives pour des groupes d’un nombre défini de personnes et n’ont qu’environ 120 clients au total. Ils essaient de coopérer avec d’autres associations lorsqu’ils voient poindre des problèmes et lorsqu’ils souhaitent mettre en place de nouvelles activités. L’objectif principal est d’aider les individus à améliorer eux-mêmes leur situation en réglant les problèmes de l’isolement, en développant des qualités de communication et en explorant des stratégies de formation et d’emploi tout en étant capables de faire face à leurs responsabilités familiales. Pour eux, le mot clé est l’autonomie, c’est-àdire l’autonomie des enfants et des adultes favorisant l’instauration de relations familiales fortes. Les principaux partenaires de la Maison de la famille sont le bureau central et les écoles maternelles desservant un ensemble de logements construits pour les familles immigrées venues de Partie I : ALLEMAGNE l’ex-Union soviétique. La Maison de la famille affecte pendant dix heures par semaine un coordinateur pour participer au comité de Huchting. Par ailleurs, il est prévu que 10 000 DM par an soient débloqués pendant trois ans pour les travaux coopératifs menés par tous les services d’aide à l’enfance de Huchting. Consultation infantile Cinq professionnels, des psychologues, des thérapeutes familiaux et des thérapeutes du comportement effectuent un suivi médico-pédagogique des enfants dans les secteurs sud de Brême. Les groupes ciblés sont les familles, les parents, les jeunes et les enfants qui présentent des difficultés scolaires, des problèmes dus à des conflits ou des troubles du comportement. Le suivi peut durer de quelques mois à plusieurs années. De plus, ces professionnels aident les enfants grâce à des cours de rattrapage ou à des méthodes thérapeutiques. Ce service est confidentiel, gratuit, et les familles le consultent volontairement. Il effectue une action préventive et travaille aussi auprès des familles ayant des problèmes graves. Ayant adopté une approche holistique, ces psychologues coopèrent avec les travailleurs sociaux, les professeurs et les médecins. La coopération avec les écoles et les médecins semble particulièrement satisfaisante. Services sanitaires aux enfants et aux jeunes Ces services sont organisés en 13 équipes de district qui comprennent un pédiatre, un infirmier et un médecin. Les équipes ont une « approche démographique » et travaillent avec la totalité de la population de moins de 18 ans dans des secteurs définis. Dans le cas présent, il s’agit du secteur de Huchting et d’un autre secteur du Sud de Brême. Cette approche holistique a été mise en place en 1981. Ces équipes travaillent en étroite collaboration avec les services sociaux, qui constituent une importante source d’informations. Elles participent également au comité de Huchting et ont de bonnes relations avec les autres services. Dans le cadre de la médecine préventive, elles se rendent également dans les écoles, les jardins d’enfants et les maternelles, et rencontrent les parents. Elles sont aussi engagées dans la coopération au travers de réunions d’étude de cas, et rencontrent régulièrement le personnel du suivi médico-pédagogique des enfants. La Ferme de la ville La Ferme de la ville, initiative lancée par un enseignant d’une école locale, est une organisation bénévole. Plus de 100 enfants s’occupent de la ferme, où ils peuvent venir quand ils le veulent. Le but de cette organisation est de donner aux enfants un espace qui leur permette de bâtir des structures sociales et de prendre des responsabilités. La ferme leur donne un sentiment d’importance. Accueil en journée (préscolaire et scolaire) La municipalité, ainsi que les églises et d’autres organismes bénévoles, gèrent des structures de garde d’enfants. Il existe aussi des structures issues d’initiatives d’auto-assistance créées par les parents. La ville dans son ensemble compte 71 centres pour les enfants de 3 à 12 ans (mais surtout pour les 3 à 6 ans) gérés par la communauté de Brême. Par ailleurs, le secteur sud compte 16 structures de garde communales qui accueillent 1 990 enfants. Huchting étant une zone défavorisée, les structures de garde de jour visitées par les experts de l’OCDE sont confrontées à un niveau élevé d’aliénation sociale. De nombreuses familles y vivent de l’aide sociale et, dans beaucoup de cas, les deux parents sont au chômage. Centre de garde Dietrich Bonhoefer pour les enfants d’âge préscolaire et scolaire : Ce centre de garde est rattaché à l’Église protestante. Il a ouvert en 1970, avec quatre groupes, et utilisait aussi un appartement pour garder en journée des enfants scolarisés. En 1980, les responsables se sont lancés dans la garde conjointe des enfants handicapés et non handicapés. Lorsque cette « première génération d’éducation intégrée » a atteint l’âge scolaire, le centre et les parents ont réussi à développer une extension du projet au sein de l’école. Huchting a ainsi été le premier quartier de Brême à posséder 43 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE une école primaire ordinaire accueillant dans une même structure des élèves normaux et des enfants souffrant de handicaps mentaux ou physiques graves. Plus d’une centaine d’enfants fréquentent aujourd’hui ce centre. Centre de garde Kindergarten Höhpost : La moitié des parents qui font appel à ce centre reçoivent des allocations au titre de l’aide sociale. Le personnel s’occupe de deux groupes : les enfants d’âge préscolaire et les enfants d’âge scolaire. Son approche consiste à mettre l’accent sur l’enseignement des valeurs sociales et à enrichir les activités ludiques. Les enfants bénéficient également de soins d’orthophonie, et le personnel est formé pour apporter au travail avec les enfants un complément en thérapie psychomotrice et sensorielle. On espère ainsi améliorer les compétences du personnel dans sa façon de structurer les activités destinées aux enfants. Ce centre pratique aussi une approche visant à intégrer les enfants défavorisés. La coopération entre ce centre et les autres établissements est importante. Ainsi, du personnel de consultation infantile vient parfois travailler à la maternelle pour éviter la stigmatisation de certains enfants. Le centre de garde coopère avec le bureau des services sociaux, par exemple pour déterminer si une aide familiale est nécessaire. De plus, une relation étroite a été tissée avec la Maison de la famille, le pédiatre et l’école. La coopération avec l’école présente deux grands volets : d’une part des réunions d’étude de cas d’enfants à problèmes ; d’autre part des efforts pour influencer ce qui se passe au sein de l’école. Soutien politique et financement Maintenir à Brême un réseau étendu de fourniture de services sociaux nécessite un important soutien financier. Les budgets publics étant plutôt serrés, l’Allemagne occidentale est de plus en plus réticente à financer un tel niveau de fourniture et a demandé à la ville de Brême d’abaisser ses exigences. Le financement des organismes à Huchting est assuré par diverses sources. Par exemple, le Centre des mères reçoit une aide financière issue du budget de l’aide sociale, des fonds de loterie et d’un fonds de financement des projets d’auto-assistance. Pour les groupes d’enfants d’âge scolaire ou préscolaire, ce centre reçoit de l’argent du bureau des services sociaux. Le département des Affaires sociales et de la Jeunesse du « Sénat » apporte aussi une contribution financière aux projets. Un professionnel spécialisé dans la petite enfance est payé par le ministère, qui finance également le matériel, les fournitures et la nourriture. Le département des Affaires familiales apporte un soutien financier et moral. Il a par exemple ouvert l’accès à des fonds qui n’auraient pas été disponibles sans lui. Le budget de la Maison de la famille provient de la municipalité. Il s’agit d’un service gratuit qui ne perçoit donc aucune forme de paiement. Le centre de garde Dietrich-Bonhoefer est financé et géré par l’église locale, qui est aussi l’employeur du personnel. Le centre de garde Kindergarten Höhpost est financé par l’État. Un type de financement complètement différent a été apporté à la Ferme de la ville, créée en 1991. Cette ferme a été construite en trois jours grâce à un programme de télévision intitulé « Maintenant ou jamais », qui a pour objectif de réaliser des projets spécifiques dans des délais très courts, en trouvant des parrains et des mécènes de toutes sortes, qui donnent de l’argent ou exécutent le travail. Les autorités locales ont fourni le terrain. Le bâtiment principal et d’autres constructions ont été financés par le Fonds social européen. Le projet est désormais géré par un programme local et les frais d’exploitation sont partagés par les départements de l’Éducation et des Services sociaux, qui, toutefois, sont eux-mêmes dépendants de parrainages et de donations. Facteurs favorisant et facteurs inhibant la collaboration 44 La réorganisation de la structure des services sociaux de Brême trouve son origine dans le contexte des mouvements de réforme des années 70 en Allemagne. On ne peut dire précisément si la dynamique de changement venait de la base (la communauté) ou du sommet (le gouvernement). Ces réformes ont été engagées à un niveau stratégique mais d’importants encouragements leur ont été fournis par Partie I : ALLEMAGNE les professionnels. Un grand nombre d’idées sont notamment venues de ceux qui travaillent directement sur le terrain. Les responsables au niveau politique ont décidé d’adopter ces idées et de lancer des projets pilotes. Un des facteurs positifs est la chaı̂ne de communication très courte entre les niveaux stratégique et politique. De même, les liens sont très satisfaisants entre les travailleurs sur le terrain et les responsables des opérations. L’avantage à long terme de ce système est que le personnel acquiert une certaine expérience de travail dans un cadre nouveau de coopération et de coordination. Au niveau local, la coopération a reçu, en 1991, un formidable coup de pouce de la part d’un atelier de travail intitulé « Être enfant à Huchting » (Kind-Sein in Huchting). Cet atelier a été ouvert à l’initiative de professionnels (notamment de directeurs d’établissements préscolaires) qui voulaient montrer ce dont ils étaient capables. Son objectif était d’analyser les problèmes des enfants de Huchting à partir de toutes les données disponibles sur les enfants et les familles. L’analyse a mis en lumière les lacunes qui existaient dans la fourniture des services. La moitié des besoins étaient liés à des problèmes nécessitant une approche coordonnée. Un comité de planification a été créé pour examiner tous les aspects de la fourniture de services aux enfants de Huchting. Ce comité surveille régulièrement qui fait quoi, quelles demandes sont satisfaites et s’il demeure des lacunes dans la fourniture des services. Les partenaires de ce comité sont des directeurs de jardins d’enfants et de services de pédiatrie, de centres de consultation infantile, d’aide sociale et de psychologie scolaire. Ils se rencontrent régulièrement mais leur participation étant bénévole, la continuité du système risque d’être menacée. L’un des problèmes fondamentaux à régler est celui de la concurrence négative qui s’exerce entre des organismes proposant des services analogues. Comme le montre l’exemple des centres de garde, réussir à ne plus envisager les choses en termes de concurrence constitue une étape importante vers la coopération. Les études ont montré que la force et le poids de ces organismes viennent du fait que les partenaires ne peuvent être divisés du point de vue du travail. Ils partagent les mêmes connaissances et les mêmes informations. Le comité de planification pour les projets des enfants de Huchting peut aussi contribuer à éviter des situations de compétition entre différentes initiatives car ses membres ont une vue d’ensemble des diverses activités. La coopération bénéficie d’un facteur positif : la cohabitation des services dans un même complexe social, le Centre des services sociaux. Cette cohabitation semble produire de bonnes relations personnelles entre les professionnels. Toutefois, il y a aussi des obstacles à la coopération. Certains problèmes se manifestent dans la coopération entre les écoles et les centres de garde, qui ont des attentes différentes les uns vis-à-vis des autres. Ainsi, les écoles attendent de l’aide pour les problèmes scolaires des enfants, tandis que les centres de garde se concentrent sur le développement des aptitudes sociales en tant que condition préalable à la résolution des problèmes scolaires. Or, ceci requiert des enseignants un rôle différent. Des professions différentes, aux domaines de travail distincts, doivent trouver les moyens d’accepter le travail des autres et de se compléter entre elles. Dans l’ensemble, la tolérance et les relations personnelles avec les collègues favorisent beaucoup la collaboration. Mais celle-ci est entravée par les procédures administratives, la rigidité et le manque de bonne volonté de personnes qui voient dans le projet une perte de temps et une source de stress. Résultats Le réseau de services de Huchting s’est développé grâce à l’équipe de coopération. Les professionnels ont des contacts personnels avec leurs confrères d’autres établissements et les écarts entre les services se comblent peu à peu. Cependant, plus de temps et d’engagement sont nécessaires de la part des différents partenaires. Il semble que cela vaille d’autant plus la peine que chaque établissement peut profiter des expériences des autres pour résoudre ses propres problèmes, et que le groupe est assez puissant. Le personnel et les membres de la Maison de la famille considèrent leur travail comme plus intéressant et plus agréable car susceptible d’être de meilleure qualité. Aucune action nouvelle ne 45 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE peut être planifiée ou réalisée en dehors d’une collaboration avec un ou plusieurs autres services. Les nouvelles actions peuvent être envisagées comme des projets plutôt que comme des réponses ponctuelles à des problèmes. En termes de bénéfice personnel, le contact avec d’autres professions rend le travail courant plus intéressant et élargit le champ des connaissances et des pratiques professionnelles. En outre, il permet d’éliminer une partie du stress lié à la responsabilité envers les franges les plus pauvres de la société. Il y a bien sûr aussi des avantages pour les clients, les lacunes dans le réseau des services sociaux s’étant réduites et les principes de la division en secteurs et groupes cibles ayant amélioré l’accès aux services sociaux. Les principaux bénéfices pour les femmes qui fréquentent le Centre des mères semblent être l’encouragement, le contact, l’égalité entre les membres, la diversité des formations et des travaux et la collaboration avec des professionnels, cette dernière contribuant à étendre leurs connaissances et à améliorer leur estime d’elles-mêmes. Toutefois, les mères du centre déclarent elles-mêmes avoir besoin de conseils professionnels mais se heurtent à la résistance de travailleurs sociaux qui ne croient pas en ce type d’activités. La seule activité qui semble obtenir une véritable reconnaissance est celle de la garde d’enfants. Une autre restriction importante tient à la pression que les hommes imposent à leurs épouses ou compagnes. Les hommes semblent craindre l’émancipation des femmes et certains leur interdisent de fréquenter le centre. Il semble qu’il y ait aussi besoin d’améliorer les liens avec les formations traditionnelles et l’accès aux possibilités d’emploi à l’extérieur. Discussion 46 La réorganisation des services sociaux à Brême a généré de nombreuses expériences positives. L’orientation par groupes cibles évite que certains groupes d’âge soient exclus des services sociaux. En outre, les pédagogues sociaux développent des compétences plus professionnelles dans leur domaine d’activité et les besoins des groupes cibles deviennent plus repérables. Enfin, dernier point mais non des moindres, l’organisation en fonction de ce principe facilite la coopération. Dans l’ensemble, la réorganisation des services sociaux à Brême a permis de créer un réseau vaste et complexe de services intégrés. Comme nous l’avons vu plus haut, les avantages à long terme de ce système sont que les partenaires engagés dans les projets gagnent une certaine expérience à œuvrer dans le cadre de nouvelles formes de coopération et de collaboration. Malheureusement, dans beaucoup de projets novateurs en faveur de l’intégration des services, le financement s’interrompt au moment où des liens et des structures de coopération satisfaisants commencent à se former. Le financement à court terme pose donc un réel problème. Au niveau régional, le comité de Huchting a été un élément clé de la réalisation d’une approche intégrée. Il se perçoit lui-même comme un groupe de pression puissant attaché à améliorer la fourniture des services dans le quartier conformément aux principes des groupes cibles et de la sectorisation. Au niveau des organes de décision, l’accent est aussi mis sur l’efficacité à résoudre les problèmes. Au niveau local, le travail social coopératif est perçu comme un moteur du développement du personnel, et comme un moyen d’améliorer la fourniture des services. Beaucoup pensent que l’efficacité du comité est accrue par le coordinateur. Celui-ci maintient ouverts les canaux de communication entre les services locaux et entre ces derniers et le niveau de décision. Au niveau stratégique, il semble être plus difficile de faire en sorte que les ministères coopèrent. Il existe néanmoins des réseaux informels entre les départements car le besoin de développer des liens pour travailler plus efficacement est effectivement reconnu. La concurrence entre services analogues semble poser problème. La communication et la discussion peuvent toutefois atténuer son effet néfaste sur la coopération, même si, avec les menaces de réduction des budgets, le risque de concurrence augmente encore. Il y aura toujours plusieurs organismes qui offriront des programmes semblables ou différents aux mêmes groupes cibles. Par exemple, il y a des similitudes entre les actions de la Maison de la famille et du Centre des mères en termes de groupes cibles et d’objectifs, mais il y a également d’importantes différences. Aucun des deux Partie I : ALLEMAGNE organismes ne saurait couvrir complètement les divers besoins et la myriade de problèmes rencontrés dans la communauté. Maintenir les structures coopératives et les liens satisfaisants qui existent entre les différents services semble être une condition fondamentale d’une bonne fourniture de services aux clients. A l’heure actuelle, une discussion est en cours sur le partage des responsabilités. Certains se demandent si la responsabilité de la gestion des budgets doit être transférée du niveau gouvernemental au niveau des secteurs. Cependant, s’ils avaient davantage de responsabilités, les quartiers devraient faire de difficiles choix de priorités. Dans un contexte de réduction des budgets municipaux, c’est une position problématique. Il y a néanmoins de bonnes raisons de transférer au niveau local le contrôle du financement. INTÉGRATION DES SERVICES POUR LES ENFANTS D’ÂGE SCOLAIRE A LEIPZIG Contexte En Allemagne orientale, les enfants, les jeunes et les familles sont confrontés à de nombreuses incertitudes du fait des changements rapides survenus dans leur société depuis les bouleversements de 1989 et la réunification de l’Allemagne en octobre 1990. La législation des anciens Länder est appliquée dans les nouveaux, et des institutions démocratiques ont dû être créées. Au sein des familles comme dans les relations entre les individus et les institutions, de grands changements sont en cours. Les problèmes qui en découlent sont encore accrus par les difficultés économiques. L’objectif principal de la visite à Leipzig portait donc sur les efforts à consentir pour forger des liens entre les services aux enfants, aux jeunes et aux familles, nouveaux ou en pleine transformation du fait de l’effondrement de la RDA. Depuis, en effet, une évolution radicale se produit. La communauté est passée d’un État autoritaire et paternaliste qui ne laissait aucune place au bénévolat à un système démocratique de gestion locale et d’administration des affaires publiques qui promeut et met en valeur le rôle des associations bénévoles dans le cadre du principe de subsidiarité. Les services aux enfants d’âge scolaire étant l’objectif central de la visite à Leipzig, il convient de mentionner que la Saxe vient d’adopter un système scolaire très sélectif semblable à celui de la Bavière. Les enseignants ne sont plus responsables de la garde des enfants après l’école. Le temps réservé aux loisirs et les programmes de garderie pour les enfants d’âge scolaire et les jeunes sont insuffisants. Le chômage et les problèmes de logement menacent la vie de famille tandis que la délinquance et la violence parmi les jeunes augmentent et que la xénophobie se développe. Les paragraphes ci-dessous présentent une brève description des partenaires engagés et des établissements visités à Leipzig ainsi que de la nature des soutiens politiques à la collaboration. Le processus de fourniture de services, les facteurs encourageant ou inhibant la collaboration, ainsi que les résultats pour les clients sont ensuite évoqués. Institutions et partenaires clés A Leipzig, l’étude de cas s’est centrée sur les activités de la branche locale du Centre régional pour l’aide aux enfants et aux jeunes étrangers (Regionale Arbeitsstellen zur Förderung ausländischer Kinder und Jugendlicher, RAA), organisme bénévole national. Cet organisme combine un service de soutien scolaire pour les enfants et les jeunes étrangers, un centre communautaire d’aide pédagogique et un organisme de terrain. Il a été fondé en 1980 par une initiative de la Fondation Freudenberg pour les grandes villes de la Ruhr frappées par l’effondrement de l’industrie minière et de l’acier. Ce centre compte aujourd’hui des antennes régionales dans 18 villes de la partie occidentale et dans onze villes de la partie orientale de l’Allemagne. Il vient en aide aux enfants et aux jeunes étrangers, tente de combattre la discrimination, de développer ou de créer un travail communautaire avec les jeunes marginalisés et ceux qui manifestent des comportements hostiles aux étrangers. L’un de ses objectifs est de faire régresser la violence à l’encontre des étrangers et des immigrés. Un autre est de travailler avec les jeunes Allemands qui ne supportent pas les étrangers ou se marginalisent de 47 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE la société. Le bureau du RAA à Leipzig a ouvert ses portes en janvier 1993. Au départ, il devait opérer conjointement avec le département de l’Éducation de la ville. Depuis, il a acquis plus d’autonomie. Leipzig compte environ 15 000 étrangers dont 200 enfants qui fréquentent principalement six écoles. Les étrangers représentent donc 3 pour cent de la population. C’est peu par rapport aux 8 pour cent des anciens Länder, et très peu comparé aux 10 pour cent ou plus de certaines villes de ces mêmes Länder. Cependant, Leipzig affiche le plus haut pourcentage d’étrangers de l’Allemagne orientale. La plupart d’entre eux sont des Européens de l’Est ; il n’y a pas de Turcs. La majeure partie des étrangers de Leipzig n’ont jamais été des travailleurs immigrés (les Gastarbeiter de l’Allemagne occidentale) mais sont venus soit pour étudier à l’université de la ville soit pour des raisons personnelles. Les réfugiés recherchant l’asile politique, contraints de vivre dans des hôtels ou des camps mal équipés avant d’obtenir l’asile politique ou de se voir refuser leur demande, sont peu nombreux. Toutefois, il y a une contradiction entre le faible taux d’étrangers en Allemagne orientale et le niveau d’hostilité qui leur est manifesté, qui est plus élevé que dans la partie occidentale de l’Allemagne. Les jeunes étrangers et leurs familles sont vulnérables et menacés à beaucoup d’égards, et l’action de nombreux organismes est nécessaire pour les protéger de l’exclusion sociale. Cependant, pour pouvoir leur apporter une aide efficace, il convient de coordonner différents services. C’est l’objectif du RAA de promouvoir la coopération entre les organismes et d’abaisser les barrières qui les séparent. Le RAA coopère avec le gouvernement local de différentes manières, par exemple dans un projet appelé « Écoles sans violence », mis en œuvre dans les établissements secondaires de premier cycle dans la partie orientale de la ville. La municipalité travaille avec le RAA pour résoudre les problèmes des immigrants et combattre la discrimination et la violence. Une autre initiative menée par le bureau scolaire s’intitule « Les écoles s’ouvriront aux associations bénévoles pour leur permettre de venir en aide aux élèves ». Le bureau d’aide au jeunes et le bureau de la culture ont travaillé ensemble à la mise au point de cette initiative. Le RAA joue aussi un rôle important dans le processus de rapprochement des écoles et des associations bénévoles. Il existe également un accord permanent de collaboration entre le bureau pour les étrangers et le RAA. Si un problème concernant un étranger scolarisé survient, ce bureau demande conseil au RAA et aux responsables de l’école pour tenter de le résoudre. Le personnel du RAA à Leipzig est assez réduit : trois personnes seulement gèrent toutes ses activités. Cette situation est due au rôle même du RAA, qui est censé agir comme une sorte de catalyseur. Ces trois personnes s’efforcent d’encourager d’autres organismes à développer des activités, de motiver les autres, de suggérer des idées, de fournir des informations et de pousser les membres des organismes et des associations à créer eux-mêmes les soutiens nécessaires. Soutien politique et financement Les ressources financières provenant de tous les niveaux de gouvernement peuvent alimenter les services sociaux novateurs de Leipzig. La planification préalable augmentant considérablement les chances d’obtenir un financement de l’État, Leipzig a élaboré un plan global, couvrant tous les domaines de l’action, de la planification et de l’évaluation pour la jeunesse, que la Loi sur les services aux enfants et aux jeunes exige mais que toutes les villes et communautés n’ont pas encore constitué. Il subsiste toutefois des obstacles liés aux procédures d’obtention d’un financement de l’État ou du Land. C’est pourquoi une amélioration de la planification, de la budgétisation, de l’organisation et de la coordination à tous les niveaux est recommandée. Un autre problème tient à ce que le financement du Land est distribué par deux ministères, celui des Affaires sociales et celui de l’Éducation, dont les règlements en ce qui concerne les subventions aux villes diffèrent. Après la réunification, une importante contribution est venue d’un programme du ministère du Travail octroyant des aides financières à l’emploi de personnel et à l’achat de matériel. Malheureusement, ce programme a pris fin en 1993. 48 Bien que l’on pensât qu’il serait difficile de trouver des financements pour traiter tous les problèmes des jeunes, le Conseil municipal a fourni une importante enveloppe financière. Le financement Partie I : ALLEMAGNE de la municipalité a augmenté ces dernières années. Il se montait à 2.9 millions DM en 1992, à 3.1 millions en 1993 et à 4.7 millions en 1994. Le département de la Jeunesse, de l’École et de l’Éducation a reçu 80 millions DM (sur 330 millions) pour la reconstruction de bâtiments et l’achat de matériel et d’équipements. Le financement du RAA provient de la municipalité, de la Fondation Freudenberg, de la Conférence fédérale des ministères de la Culture et de l’Éducation et du ministère de l’Éducation de la Saxe. Pratiques intégrées La démarche adoptée par le RAA pour tenter d’innover comprend plusieurs étapes. Sa méthode de travail consiste d’abord à établir le contact avec les autorités en charge des écoles, de comprendre les problèmes des élèves et d’identifier les écoles qui accueillent des étrangers et celles qui connaissent une violence et un absentéisme importants. Il sélectionne ensuite quelques établissements pour développer avec eux des relations de travail. Des pourparlers sont ouverts pour convaincre les enseignants des aspects positifs de leur engagement dans une collaboration. Des incitations, un soutien et des garanties doivent être fournis pour que les employés acceptent les risques qu’entraı̂ne le développement de relations « horizontales ». La fonction de l’organisme innovateur est de définir et de développer des bases et des concepts communs pour une collaboration entre les différentes professions et les différents organismes, et de les renforcer par une formation en service. L’organisme innovateur fournit conseils et soutien pour la coopération et la coordination, et prend des initiatives nouvelles. Le travail d’équipe avec les écoles peut être prévu sur une base à court terme ou à long terme. Dans ce dernier cas, le RAA cherche d’autres partenaires à Leipzig, tels que des associations bénévoles, susceptibles de développer des activités pour occuper les temps de loisir. Elles imagineront par exemple des activités pour de petits groupes de garçons de 8 à 10 ans qui ont tendance à faire l’école buissonnière et à considérer les enseignants comme des ennemis. Elles aideront les enfants à créer leurs propres programmes d’activités en utilisant les locaux ou le matériel de l’école. Autre exemple, un projet théâtral est monté pour créer un contact avec les filles de l’école. L’objectif est d’entraı̂ner les jeunes à s’investir dans une activité qui occupe leur temps libre à proximité de l’école, qui fasse évoluer leur attitude et finalement les incite à s’intéresser de nouveau à la vie scolaire. Dans certains cas, la coopération se fait à l’initiative des écoles. Certaines écoles ont demandé des ateliers axés sur les étrangers, d’autres ont souhaité une formation sur les moyens de traiter les conflits et d’autres encore ont cherché à se faire aider pour remédier aux conditions difficiles dans lesquelles elles travaillent. A la suite de la réunification de l’Allemagne et des changements apportés dans le système scolaire, de nombreux problèmes liés à la création des nouveaux types d’écoles ont surgi. Dans certains cas, des projets de rénovation imaginés par les élèves eux-mêmes ont été appuyés par le RAA. Le RAA utilise aussi l’approche en réseau pour atteindre des objectifs relatifs aux étrangers ou aux jeunes Allemands. Son but est de développer un réseau organisationnel, comprenant des représentants d’organismes publics et d’organismes bénévoles qui déploient des programmes dans les mêmes quartiers, de façon à coordonner leurs activités. Un réseau de ce type existe déjà par exemple à Grunau, quartier résidentiel de la périphérie de Leipzig dépourvu de toute infrastructure sociale, de commerces et d’espaces verts. Outre sa vocation de rassembler toutes les ressources et d’encourager la coopération sur des projets concrets et le partage d’expériences, ce réseau a aussi pour but de mettre au point des méthodes de travail avec les jeunes susceptibles d’enrayer la prolifération des bandes xénophobes. Le RAA coopère aussi avec des organismes comme la Young Men’s Christian Association (YMCA). Pour pouvoir organiser des activités culturelles ou artistiques dans la ville, sa branche locale collabore également avec la bibliothèque municipale. Cette branche organise aussi des rencontres avec des écrivains et parraine chaque année un festival et le salon littéraire d’automne. 49 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE Facteurs favorisant et facteurs inhibant la collaboration La mise en place de la législation et des règlements administratifs et politiques des anciens Länder dans les nouveaux Länder a posé de nombreux problèmes pour l’établissement de nouvelles structures politiques économiques et sociales. Parallèlement, toutefois, ce processus de transformation a été l’occasion de créer de véritables partenariats, les autorités étant moins rigides car tout était nouveau. On a ainsi constaté la réussite d’une coopération efficace entre divers départements du gouvernement local. Le processus de création de nouvelles structures d’action sociale en cette période de bouleversements sociaux s’est heurté à un obstacle sérieux : les décisions devaient être prises très rapidement. Le travail devait être fait alors même que les équipes étaient en train de se former. De plus, il était très difficile d’obtenir que les individus s’expriment sur leurs problèmes car, du temps de la RDA, ils avaient l’habitude d’accepter les décisions sans demander d’explication. Il est donc prévu que les activités soient organisées par le personnel des services sociaux, mais une bureaucratie pénalisante est déjà en train de se développer. Autre facteur de ralentissement issu du processus de réunification, le problème du règlement des droits de propriété. En effet, les terres et les immeubles confisqués par le régime de la RDA sont susceptibles d’être réclamés par leurs anciens propriétaires et, tant que le droit de propriété n’est pas confirmé, ils ne peuvent être utilisés. Par ailleurs, les incertitudes concernant les prévisions et la budgétisation sont plus fortes que d’habitude. Par exemple, la chute rapide du taux de natalité affecte la planification des programmes préscolaires et scolaires. Outre les problèmes généraux entraı̂nés par la réunification, d’autres facteurs entravent la coopération entre les écoles et les services sociaux. Alors que les enseignants des écoles sont bien placés pour aider les enfants, il y a traditionnellement peu de liens entre les écoles et les services sociaux dans la partie occidentale de l’Allemagne. Pire encore, l’incompréhension entre les enseignants et le personnel des services sociaux, voire la concurrence entre ces deux groupes, entravent la coopération. Dans les nouveaux Länder, la distance entre les écoles et les associations bénévoles est aussi un facteur dont il faut tenir compte. Enfin, le poids des « traditions » héritées de l’ex-RDA n’est pas non plus négligeable. En RDA, les écoles se chargeaient d’organiser tout le programme d’activités des jeunes durant la journée. Or, la mainmise qu’elles détenaient ainsi sur le corps et l’esprit des enfants, ainsi que les pressions exercées sur les familles qui refusaient de laisser leurs enfants entrer aux « Jeunes pionniers » et aux « Jeunesses allemandes libres » étaient fréquemment critiquées. Il est donc d’autant plus difficile de trouver de nouvelles façons d’associer les jeunes à des activités de loisir constructives donnant libre choix aux enfants comme aux parents. En RDA, il n’existait pas véritablement de professionnels de l’action sociale. Les personnes qui effectuent le travail social aujourd’hui n’ont donc pas le même type de « bagage » professionnel que leurs homologues des anciens Länder. Pour le travail du RAA sur les services intégrés aux enfants d’âge scolaire, il s’est avéré particulièrement positif que le directeur de l’école adhère totalement à l’idée de coopérer et que cette coopération soit fondée sur un choix volontaire. Le principe de subsidiarité a permis d’accroı̂tre le pouvoir d’innovation des associations bénévoles. Le développement, l’organisation et la création de réseaux au niveau communautaire contribuent aux activités d’intégration des services. Discussion 50 Le processus de transformation dans les nouveaux Länder a élevé d’importants obstacles au développement d’un réseau de services d’aide aux jeunes par des procédés démocratiques. A Leipzig, les acteurs au niveau local font preuve de compétence et de créativité dans le traitement des problèmes de la cité. Travailler dans un cadre nouveau transposé des anciens Länder leur fournit une orientation mais dresse également des obstacles. Toutefois, des ressources financières peuvent être employées pour stimuler des innovations conformes à la tradition démocratique occidentale. Il y aurait Partie I : ALLEMAGNE aussi des avantages à tirer du partage d’expérience entre les projets non seulement entre anciens et nouveaux Länder mais aussi avec d’autres pays. LES SERVICES INTÉGRÉS ET LE DÉFI DU CHÔMAGE DES JEUNES A DUISBOURG Contexte La visite à Duisbourg avait pour principaux objectifs la transition de l’école au travail et une initiative réussie d’adaptation du système d’apprentissage allemand aux exigences socio-économiques actuelles par l’intermédiaire de l’intégration accrue des services. Du fait de la diversification de l’économie et de l’innovation dans le secteur des affaires et de l’industrie à Duisbourg, il s’est avéré nécessaire de former les jeunes et de reformer la main-d’œuvre plus ancienne. Cet impératif a posé d’énormes défis aux services de l’enseignement professionnel et de l’emploi. Dans l’ensemble, toutefois, Duisbourg a remarquablement bien réussi à combattre le chômage des jeunes et à recycler les jeunes, y compris ceux « à haut risque », grâce à divers programmes de formation. L’intégration des services sociaux, sanitaires et éducatifs qui aident les jeunes dans leur transition de l’école à la vie active a considérablement favorisé ce processus. Institutions et partenaires clés Au début des années 80, alors que le chômage des jeunes augmentait et que le fossé entre l’offre et la demande de places d’apprentissage se creusait, Duisbourg a redoublé d’efforts pour combattre le chômage des jeunes et fournir un vaste éventail de formations professionnelles. Ce fossé est principalement dû aux effets combinés de l’évolution démographique et de la récession économique. La baisse de la demande d’acier et de charbon a aggravé les problèmes naissants. L’emploi des jeunes est donc devenu la priorité et le conseil municipal a institué une commission pour l’emploi des jeunes pour traiter de cette question. Comme cette commission ne pouvait s’occuper seule de ce problème, un Groupe d’aide professionnelle aux jeunes a été établi pour la seconder. Ce groupe s’est adjoint des représentants des Églises catholique et protestante, de l’association d’aide sociale aux travailleurs, des syndicats, du bureau de placement et des chambres de commerce. Un comité de coordination a été créé pour regrouper les efforts et conseiller la commission municipale pour l’emploi des jeunes. La lutte contre le chômage des jeunes et la contribution à leur insertion professionnelle passent par une coopération accrue entre les établissements et les organismes associés au processus. Le fonctionnement de la coopération et de l’intégration à Duisbourg a pu être étudié grâce à la visite de quelques établissements centraux. En raison de leurs responsabilités respectives – et bien codifiées – dans les domaines des services sociaux et de la formation et de l’orientation professionnelles, le bureau d’aide aux jeunes et le bureau de placement sont des partenaires clés dans le réseau existant à l’échelle de la ville. Le RAA, c’est-à-dire la branche du ministère de l’Éducation qui assure l’interface entre les services sociaux et éducatifs, constitue un autre organisme contribuant à l’intégration des services. Deux exemples importants de structures d’enseignement professionnel pour les jeunes, le Centre de formation professionnelle (Kupferhütte des Verein für Jugendberufshilfe) et l’école professionnelle Bertolt Brecht, ont été visités. Bureau d’aide aux jeunes, département de l’Éducation : Le bureau d’aide aux jeunes a un statut spécial au sein de l’administration municipale. Il travaille en étroite collaboration avec les hommes politiques, les administrateurs de la municipalité et les groupes privés. Ce statut lui vient, en partie, du fait qu’il forme une unité administrative ayant des représentations au niveau politique et au niveau privé. Aux termes de la Loi sur les services aux enfants et aux jeunes, il est l’organisme communautaire qui chapeaute tous les services aux jeunes. Il est chargé de s’occuper des enfants à risque, de la protection des enfants, des enfants présentant des besoins particuliers, des enfants maltraités, des problèmes de drogue chez les jeunes et du passage de l’école au monde du travail, le tout en finançant et en coordonnant les services locaux. Le bureau d’aide aux jeunes planifie ses activités et communique régulièrement ses initiatives aux autres participants de l’action pour les jeunes. Tous les employés municipaux concernés, tels que les enseignants et les conseillers, peuvent être associés à ses 51 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE initiatives. Le bureau d’aide aux jeunes a pour principal partenaire le bureau de placement. Une interaction intensive est nécessaire pour interpréter le mandat législatif associé aux programmes pour les jeunes. Pour déterminer quelles écoles requièrent une attention et une aide particulières pour leurs jeunes à risque, le bureau d’aide aux jeunes travaille avec le RAA. Étant donné que l’évolution du secteur primaire affecte les programmes de formation, le bureau d’aide aux jeunes recherche aussi la coopération des entreprises. Bureau de placement : Le bureau de placement est une agence du ministère fédéral du Travail et des Affaires sociales. Il est l’une des 184 branches de l’Agence fédérale de l’emploi chargée par la Loi sur la promotion du travail de mettre en œuvre la politique sociale et économique fédérale. Son objectif explicite actuel est « d’atteindre et de maintenir un niveau d’emploi élevé, d’améliorer constamment la structure de l’emploi et de promouvoir de cette façon la croissance économique ». L’Agence fédérale de l’emploi est chargée de l’orientation professionnelle, de la recherche d’emplois, de la formation professionnelle, de la création et du maintien des emplois, des indemnités de chômage et d’invalidité, des allocations familiales, des allocations aux handicapés et de la réalisation d’études sur l’emploi et le marché du travail. Le bureau de placement collabore étroitement avec tous les autres organismes concernés selon des accords et des conventions formels ou informels. Bien que des projets communs soient entrepris, la majorité des opérations et des mesures adoptées par le bureau de placement le sont en toute indépendance. Le bureau de placement coopère avec le bureau d’aide aux jeunes, tous deux étant intimement dépendants l’un de l’autre, surtout parce que les problèmes éducatifs et les problèmes sociaux sont étroitement liés. Une intense coopération existe entre ce bureau et les associations bénévoles qui aident les jeunes dans leur transition entre l’école et la vie active. Le bureau de placement contribue à coordonner les programmes et, lorsqu’il le faut, tente d’assurer la cohérence des prestations. Centre régional pour l’aide aux enfants et aux jeunes étrangers (RAA) : Les premiers RAA ont été créés en 1980 dans cinq villes de Rhénanie du Nord-Westphalie, dont Duisbourg. Depuis 1987, ils sont devenus des structures formelles. A l’heure actuelle, la Rhénanie du Nord-Westphalie compte 16 RAA. Comme nous l’avons indiqué plus haut, l’objectif des RAA est de réduire l’hostilité entre les groupes de population et de fournir aux jeunes des services spécifiques, tant à l’intérieur de l’école qu’à l’extérieur. Bien que le RAA de Duisbourg ait été créé pour répondre aux besoins des étudiants étrangers, il a si bien su relier les services entre eux, établir des liens de communication et résoudre les problèmes communautaires qu’il est devenu l’une des ressource principales pour traiter le problème du chômage des jeunes. Le RAA forme une passerelle entre les services éducatifs et sociaux en s’intéressant particulièrement à la planification intégrée et en employant de nombreux éducateurs sociaux. Il utilise une approche du développement communautaire pour traiter les problèmes sociaux et réduire les fossés entre la maison, l’école, et les organismes d’aide et de placement. Aux jeunes en transition entre l’école et la vie professionnelle, le RAA apporte des services de conseil préventif et curatif, agit lorsqu’il perçoit que des élèves sont sur le point d’abandonner l’école et s’assure qu’après avoir quitté l’école, les jeunes continuent à bénéficier des services dont ils ont besoin. Le RAA rencontre régulièrement les autres parties concernées à la fois par la planification des services et la gestion des cas. Une coopération s’articule également autour de l’utilisation et de la mise à jour d’une base de données locale, de groupes de travail spécialisés et de problèmes spécifiques. La relation avec le Service d’orientation professionnelle est particulièrement coopérative. Du fait de sa coopération avec ce service et avec le ministère du Travail, le RAA emploie des enseignants et des éducateurs sociaux, mais des problèmes surgissent parfois lorsque ces personnes travaillent dans les mêmes écoles et que leurs fonctions se recoupent. 52 École professionnelle Bertolt Brecht : Cet établissement dispense un enseignement professionnel à temps partiel aux élèves qui sont en apprentissage dans des entreprises. L’aspect novateur de l’école professionnelle Bertolt Brecht est le Kollegschule, un programme spécial préparant les élèves pour le certificat d’entrée dans l’enseignement supérieur. Cet établissement dispense un enseignement professionnel à temps partiel ainsi qu’à temps plein, pour les élèves qui n’ont pu obtenir de place en apprentissage. Les élèves peuvent donc y étudier en vue des examens de l’enseignement général. Cette école intègre donc les enseignements général et professionnel. L’école Bertolt Brecht compte Partie I : ALLEMAGNE 65 salariés et 1 700 élèves. Les cours portent sur les techniques d’ingénierie, les télécommunications, l’informatique, les techniques de l’information et la mécanique automobile. Les principaux partenaires de l’école sont les chambres de commerce, les entreprises, les universités, le Comité d’aide aux jeunes et le Comité pour l’emploi des jeunes. Centre de formation professionnelle (Kupferhütte des Vereins für Jugendberufshilfe) : Ce centre de formation a été créé en 1980. Il dispense un enseignement professionnel menant au même diplôme que celui qui est délivré à la fin d’un apprentissage conforme aux règles de la chambre de commerce. Il fournit des places de formation et donne une chance supplémentaire aux élèves ayant des besoins spécifiques et des problèmes personnels ou sociaux, qui forment un de ses groupes cibles. Ce centre accueille des élèves de 17 à 25 ans, issus de l’enseignement secondaire du premier cycle ou d’écoles spéciales. Au cours de leur formation professionnelle, ils effectuent une rotation entre le centre de formation, l’école professionnelle et leur poste en entreprise. Le centre propose aussi des cours d’aptitude à la vie sociale qui ne sont fournis ni par les écoles professionnelles ni par les écoles secondaires. Le président du centre et plusieurs autres membres du conseil de l’établissement siègent aussi au conseil municipal. Par ailleurs, le directeur du département de l’Éducation de la municipalité et plusieurs membres du Comité pour l’emploi des jeunes siègent au conseil d’établissement du centre. Le centre coopère avec les écoles professionnelles relevant du système en alternance, qui apportent la formation théorique, avec des entreprises, qui fournissent les stages pratiques, avec d’autres programmes de formation analogues et avec le bureau de placement. Soutien politique et financement Comme nous l’avons indiqué plus haut, le taux de chômage élevé des jeunes et le manque de places d’apprentissage, résultats de la crise de l’industrie de l’acier et de la restructuration du secteur économique, ont rendu nécessaire un renforcement et une coordination des activités. Le conseil municipal de Duisbourg a classé ces problèmes en tête de ses priorités et a formé des comités communaux pour développer des stratégies coordonnées. Il est difficile de décrire le financement d’un réseau vaste et complet d’organismes coopérant entre eux tel que celui de Duisbourg. Son financement provient du secteur public et du secteur privé. Le bureau de placement finance la majorité des projets de formation des jeunes et veille aussi à ce que chaque organisme réponde de ses actes. Avec un budget d’environ 5 millions DM, il soutient la formation professionnelle, des cours d’aptitude à la vie sociale et certains services de traitement spécialisés. Le bureau d’aide aux jeunes finance différents types de services sociaux, dont ceux des organismes privés à but non lucratif, tels que la paroisse et certaines autres institutions d’action sociale. Le RAA est une agence municipale financée par les trois niveaux de gouvernement. Le centre de formation est financé par le gouvernement central, le gouvernement régional, des fonds municipaux et des donations privées. Pour l’école professionnelle Bertolt Brecht, la communauté couvre les coûts d’administration, d’équipement et d’entretien des locaux, et l’État rémunère le personnel enseignant. Le bureau des statistiques fait aussi partie du réseau de Duisbourg. Ce bureau est une entité administrative de la municipalité de Duisbourg qui produit un rapport annuel sur la situation des jeunes en transition entre l’école et la vie active. Son financement est assuré par la municipalité de Duisbourg. Pratiques intégrées Les différents comités communaux décrits ci-dessus ont joué un rôle central dans la création et la coordination des activités à Duisbourg. Le rapport annuel que produit le bureau des statistiques constitue une base importante pour l’évaluation des processus dans le système scolaire et sur le marché du travail. Toutes les parties concernées coopèrent dans le cadre de l’utilisation et de la mise à jour de cette base de données. Parallèlement à la fonction de coordination des comités communaux et à plusieurs « tables rondes » consacrées à des problèmes spéciaux (tels que l’intégration des jeunes femmes et le traitement des jeunes à risque), il existe de nombreuses activités coopératives bilatérales 53 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE ou multilatérales auxquelles participent le gouvernement local, le bureau de placement, les associations bénévoles qui fournissent des services sociaux, les entreprises et les écoles. Aux termes de son règlement, le bureau d’aide aux jeunes chapeaute tous les services aux jeunes et coordonne les services locaux. Ainsi, lorsque le Comité d’aide aux jeunes prend des résolutions, c’est le bureau d’aide aux jeunes qui effectue le travail et les démarches pour trouver des fonds. Dans le but d’empêcher les jeunes d’abandonner leur scolarité et de les aider à trouver une place d’apprentissage, le bureau d’aide aux jeunes contacte le RAA pour déterminer quelles sont les écoles qui nécessitent une attention particulière. Le travail du RAA et du bureau d’aide aux jeunes consiste à assurer que tous les enfants des écoles secondaires du premier cycle aient un contact avec le département de l’Orientation professionnelle du ministère du Travail. Le RAA reste en contact pendant un an avec les jeunes qui quittent l’école sans diplôme. Ceux qui ne trouvent pas de travail sont suivis par les MAGS (bureaux consultatifs du ministère du Travail, de la Santé et des Affaires sociales). Le RAA et les MAGS travaillent ensemble pour éviter le chevauchement de leurs activités. Étant donné que le système en alternance n’offre pas suffisamment de places d’apprentissage, l’offre d’enseignement professionnel doit être élargie et des soutiens spéciaux pour les jeunes défavorisés sont requis. Les élèves à risque ont besoin d’une forme de scolarité qui apporte un plus grand soutien du point de vue social. Selon le principe de subsidiarité, les groupes privés tels que les associations d’action sociale et les associations confessionnelles sont soutenus dans leurs démarches pour aider les jeunes. La coopération est très forte entre ces groupes et le bureau de placement, lequel aide à coordonner les programmes et essaie de faire en sorte que les cours dispensés soient cohérents. Pour apporter aux jeunes défavorisés une formation professionnelle du type de celle proposée par le centre de formation, on recourt aux services d’enseignants spécialisés et d’éducateurs sociaux. En outre, des services de conseils sont fournis aux enseignants des écoles professionnelles. Les éducateurs sociaux et les enseignants se rencontrent régulièrement. Ils considèrent qu’ils ont par rapport aux élèves une mission d’action sociale qui ne fait pas partie du rôle classique de l’enseignant. Ils forment une passerelle entre l’école, le lieu de travail et les familles, car ils connaissent les besoins des élèves et ont des contacts avec les enseignants et les employeurs. Les différents aspects de la coopération incluent, entre autres, le développement de nouveaux plans de formation et la recherche d’emplois pour les jeunes à l’issue de la formation professionnelle. Ici, la coopération avec les entreprises constitue un facteur important. Le bureau d’aide aux jeunes travaille donc avec les entreprises et les organismes qui proposent des projets de création de programmes tirant parti de l’évolution du marché. L’école professionnelle Bertolt Brecht et les entreprises entretiennent également de bons contacts. Si ces dernières souhaitent voir modifier les cours ou en proposer de nouveaux, l’école étudie leurs propositions ; en retour, l’école encourage les entreprises à embaucher ses diplômés et à soutenir ses projets de formation. Facteurs favorisant et facteurs inhibant la collaboration 54 Le niveau atteint dans l’intégration des services est élevé. Ceci est dû au fait que les efforts de toutes les parties prenantes se sont concentrés sur un but spécifique. Les jeunes sont perçus comme un espoir pour l’avenir, et la volonté de résoudre le problème du chômage est largement soutenue. Un autre facteur positif tient à ce que la situation des jeunes arrivant sur le marché du travail était pire à Duisbourg que dans les autres villes. Duisbourg avait le plus fort pourcentage de jeunes quittant l’école sans véritable qualification de l’enseignement secondaire du premier cycle. Le taux de chômage était élevé et les emplois particulièrement rares. De plus, la création d’une base de données régionale utilisant les statistiques d’établissements et d’organisations œuvrant en coopération a favorisé la communication entre les acteurs concernés. Bien qu’il ait fallu au départ surmonter un certain scepticisme, ainsi que des différences dans l’interprétation de la situation des jeunes défavorisés, ce processus a engendré une coopération plutôt satisfaisante. Mais le succès de projets concrets dépend de facteurs positifs et négatifs spécifiques. Le RAA peut jouer un rôle clé dans le processus d’intégration des services sociaux dans et hors de l’école, en grande partie parce qu’il fait appel à des enseignants. Il y a donc une plus grande compréhension entre les Partie I : ALLEMAGNE enseignants des écoles car les problèmes et les solutions possibles sont discutés. Le cantonnement des enseignants dans leur rôle classique et les attitudes compétitives de certains enseignants et pédagogues sociaux sont évidemment des obstacles à l’intégration. Mais il y a aussi quelques frictions entre le RAA et le département de l’Orientation professionnelle du bureau de placement du fait que leurs fonctions se recoupent. Pour éviter les conflits d’intérêts, le RAA emploie des enseignants et des éducateurs sociaux par le biais de sa coopération avec le département de l’Orientation professionnelle et le ministère du Travail. L’intégration des services telle qu’elle a été réalisée par le centre de formation professionnelle est un autre exemple. Le succès de ce centre repose sur la couverture des besoins individuels des élèves, et sur l’adéquation aux normes de qualification du marché du travail. Le centre atteint cet objectif en employant des enseignants aussi bien que des éducateurs sociaux, en donnant aux enseignants une formation pédagogique axée sur le social, en assurant des rencontres régulières entre ces deux catégories de personnels et en confiant aux éducateurs sociaux la formation professionnelle ordinaire des élèves. Il fait plus encore. Les enseignants qui veulent travailler au centre sont sélectionnés sur la base de leur personnalité et de leur capacité à travailler avec les jeunes défavorisés. Le personnel a donc de bonnes qualifications pour établir des passerelles entre les jeunes et leurs familles, les écoles professionnelles classiques et le monde du travail. De plus, le responsable du centre considère que sa principale tâche est de créer une ambiance positive à l’école. Il écoute les critiques des jeunes et communique directement avec eux. Les domaines de formation doivent être adaptés au marché du travail. Malheureusement, les nouveaux domaines de formation sont tributaires des enveloppes budgétaires et sont le résultat de longues discussions entre les différentes parties prenantes. Les nouveaux programmes risquent donc d’être mis en œuvre alors qu’ils sont devenus moins nécessaires, et trop tard pour offrir des possibilités d’emploi. Résultats Une étude d’évaluation d’un projet de test sur les pays européens, lancé en 1983 à Oberhausen, Moers et Duisbourg, et visant à améliorer le passage des jeunes de l’école à la vie active, concluait que Duisbourg était la ville qui avait le mieux réussi. Il semble que Duisbourg a obtenu de bons résultats dans cette étude parce que ses problèmes étaient si graves qu’elle a dû développer des solutions novatrices et mettre de côté les rivalités professionnelles pour travailler comme une communauté réellement unifiée. Le rapport différencié sur la situation et les besoins des jeunes de Duisbourg constitue un résultat important des activités liées à leur insertion professionnelle. La production de ce rapport a non seulement fait avancer la coopération entre les organismes concernés, mais a également contribué à déterminer quels groupes de jeunes sont en situation de risque et à imaginer des programmes adéquats. Le développement de l’orientation professionnelle par le RAA constitue un autre résultat positif. Auparavant, il n’y avait de coopération qu’entre les écoles et le Service d’orientation professionnelle. Les élèves qui abandonnaient leur scolarité avant d’avoir reçu les conseils d’orientation habituels étaient particulièrement vulnérables. Avant le programme du RAA, ni les écoles ni le Service d’orientation professionnelle n’étaient conscients des besoins de ce groupe. Beaucoup d’enfants quittant l’école prématurément sont issus de l’immigration. Souvent, les élèves qui abandonnent l’école prématurément, et qui sont les plus susceptibles de se retrouver au chômage, ne supportent plus l’école. Des projets spéciaux ont donc été mis en œuvre pour tenter de les inciter à y rester. En outre, le RAA essaie d’identifier les élèves à risque par un système de repérage précoce, leur apporte une assistance sur une période continue et les aide à trouver un emploi. La baisse du nombre des enfants qui quittent l’école prématurément témoigne sans conteste de sa réussite. Les projets mis en œuvre depuis cherchent aussi à dépasser la simple fourniture de services en tentant d’influencer la législation en faveur des jeunes à risque. Les jeunes défavorisés qui suivent les formations professionnelles du centre de formation bénéficient aussi d’une attention plus soutenue, d’une ambiance plus conviviale et d’un soutien plus poussé 55 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE que dans les écoles classiques. Ces avantages sont perçus par les élèves comme une ressource réellement positive. Ce programme contribue donc à créer une structure qui maintient les étudiants sur la bonne voie. Toutefois, pour les filles, la seule possibilité de prolonger leur formation semble se trouver en dehors du système en alternance, par une formation professionnelle à temps plein dans le domaine des services publics et sanitaires. Néanmoins, il y a toujours des élèves qui quittent l’école sans diplôme ; il y a donc encore besoin d’étendre les activités. Dans l’ensemble, la coopération entre tous les partenaires concernés par le chômage des jeunes se révèle positive. La coopération entre les groupes concernés est à la base de la réussite des programmes mis en œuvre à Duisbourg. Dans ce contexte, le projet pilote de la Communauté européenne a mis en lumière le rôle important joué par les enseignants et les éducateurs sociaux chargés de l’orientation dans l’identification des jeunes à risque et l’adoption de mesures visant à les aider. En outre, les différents projets de Duisbourg sont très différenciés. Ils incluent des programmes de promotion pour ceux qui sont trop jeunes pour commencer une formation, des services d’orientation professionnelle, des stages de préparation à la vie sociale et des programmes de formation professionnelle. Les différents besoins des jeunes à risque sont donc couverts. Toutefois, même si de bons résultats ont été atteints, il ne faut pas oublier qu’il sera de plus en plus difficile pour les personnes peu qualifiées de trouver un emploi, car l’exigence de qualifications ne cesse d’augmenter. La municipalité a déjà admis qu’une formation seule ne suffit pas s’il n’y a pas d’emplois. Si la situation empire, elle proposera des formations de substitution pour occuper les jeunes. Ceci entraı̂nera la création d’un marché secondaire du travail dont les emplois seront financés par des fonds publics. Néanmoins, le travail actif et adapté des différents programmes améliore les chances de réussir pour les jeunes. CONCLUSION GÉNÉRALE Les études de cas décrites ici abordent une grande variété d’initiatives et de projets destinés à lier, coordonner et intégrer les services aux enfants et aux jeunes à risque et à leurs familles. Les contextes politiques et administratifs dans lesquels s’inscrivent ces études de cas (sur les services sociaux pour les enfants d’âge préscolaire et leurs familles à Brême, sur les services aux enfants d’âge scolaire à Leipzig et sur les services aux jeunes en situation de transition entre l’école et la vie active à Duisbourg) diffèrent de façon notable. La structure des services sociaux de Brême est le résultat d’un processus politique continu engagé par l’administration, qui se poursuit avec une participation croissante et souvent controversée de professionnels venus de la base et d’organismes indépendants de services aux jeunes. Les services aux enfants d’âge préscolaire et à leurs familles forment l’un des aspects de cette réorganisation générale des services sociaux. La situation à Leipzig est complètement différente. Trois ans après le remplacement des structures politiques et administratives de l’ex-RDA par celles de l’ex-RFA, les responsables se trouvaient confrontés à une absence totale d’amélioration. Dans ces conditions, le premier défi des services sociaux était de traiter les difficultés et les insuffisances évidentes engendrées par les importants changements survenus. Pour les enfants d’âge scolaire, il fallait principalement compenser les situations suivantes : – la fin du rôle « holistique » des écoles et des enseignants, qui, pour beaucoup, étaient contents de voir leurs responsabilités allégées ; – la réduction des capacités de garde de jour, en particulier pour les enfants des écoles primaires ; 56 – la suppression quasi totale des activités périscolaires comme les clubs et groupes d’activités collectives, qui étaient offertes principalement aux élèves de l’enseignement secondaire par les Partie I : ALLEMAGNE établissements eux-mêmes ou par l’organisation socialiste pour les jeunes, les « Jeunesses allemandes libres ». Ce n’est pas là une situation idéale pour envisager des concepts « ambitieux » de services intégrés, mais c’est un appel évident à améliorer la situation des groupes à risque, en essayant d’apporter une compensation pour ce qui a disparu, en instaurant une coopération, notamment avec les écoles, et en essayant de lier les activités et les ressources. La situation à Duisbourg se caractérise par le fait qu’il y est particulièrement difficile pour les jeunes de trouver leur voie sur le marché du travail, du fait du déclin de la sidérurgie et des mines. En conséquence, l’enseignement et la formation professionnels se sont vu conférer une priorité politique très élevée. Comme la promotion des qualifications professionnelles pour les jeunes défavorisés fait l’objet d’un consensus en Allemagne, le contexte politique général est favorable aux buts poursuivis par la communauté de Duisbourg. D’un autre côté, le passage de l’école à la vie active est l’un des domaines les plus complexes de l’action sociale, et l’intégration des services n’y est réalisable que dans une faible mesure. La coopération, la collaboration et la discussion des problèmes entre les organismes constituent probablement le maximum qui puisse être atteint dans l’application du concept de services intégrés à ce domaine. Les organismes concernés par cette période de transition sont les établissements à caractère professionnel (chambres d’artisanat, d’industrie et de commerce), l’administration du travail, les services aux jeunes et les écoles publiques. Dans les trois régions, l’intégration des services est liée à deux aspirations partagées par tous : – plutôt que de revoir et d’adapter la structure législative, développer une organisation des services sociaux qui réponde aux besoins de la population ; – plutôt que d’approcher les clients individuellement, prendre en charge l’ensemble de la communauté sans distinction d’âge, de type de problèmes, etc. Les facteurs qui facilitent ou entravent cette intégration des services varient. Les études de cas ont montré qu’on pouvait faire les généralisations suivantes : – Les spécialistes sur le terrain considèrent que les voies de communication les plus courtes possibles entre les niveaux politique et stratégique, ainsi qu’entre ces derniers et la base, sont bénéfiques pour les programmes. – Des groupes de spécialistes de terrain doivent travailler ensemble sur une période prolongée, avec le soutien du niveau stratégique de planification et de financement, pour créer des approches intégrées (Brême). – Lorsqu’une action coordonnée entre plusieurs organismes aux intérêts distincts, voire contradictoires, est nécessaire (par exemple en ce qui concerne le passage de l’école à la vie active), des groupes ou des comités négociant aux différents niveaux sont indispensables. Ces groupes et ces comités peuvent réunir la municipalité, les milieux d’affaires, les organismes d’action sociale, les syndicats, l’administration du travail, les partis politiques et d’autres établissements susceptibles de contribuer à l’amélioration des chances de réussite pour les jeunes (Duisbourg, Brême). – Les études qui répertorient les besoins de la communauté en terme de service d’aide sociale et identifient les ressources disponibles (en décrivant par qui et dans quelle mesure elles sont utilisées et à qui et dans quelle mesure elles sont efficaces) sont jugées utiles pour engager l’évolution vers l’intégration (Brême, Duisbourg). Ce type d’étude fournit une bonne base pour analyser les lacunes dans les prestations de services et la planification future. – La coordination de l’action par l’intermédiaire d’une grande variété d’organismes différents, ayant parfois des intérêts divergents, voire contradictoires, nécessite une concentration sur un objectif clair et spécifique (tel que l’enseignement et la formation professionnels pour tous les jeunes) ainsi qu’un consensus sur certaines valeurs (telles que le fait de considérer les jeunes comme espoir de l’avenir). Les professionnels engagés dans la prestation des services jouent un rôle clé dans l’intégration des services sur le terrain. Les services sociaux qui visent une bonne intégration des enfants et des 57 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE jeunes à risque dans des institutions « classiques » (jardins d’enfants, écoles, instituts de formation et d’enseignement professionnels) et l’accroissement de leurs chances de s’intégrer à la société (sur le plan professionnel, culturel ou politique, par exemple) ont besoin de professionnels (enseignants et éducateurs sociaux notamment) capables de construire des passerelles entre les différentes structures (écoles et entreprises par exemple) et les familles des jeunes. Il est également nécessaire d’apporter une aide pour que s’effectue le mieux possible le passage entre les différentes structures, entre le jardin d’enfants et l’école ou entre l’établissement de formation professionnelle et l’entreprise, par exemple, en préparant les jeunes aux exigences de leur situation future et en demandant à des professionnels qu’ils connaissent déjà (tuteurs de transition) de les accompagner dans leur nouvel environnement. D’une manière générale, la coordination et l’intégration des services débouchent sur une coopération plus large et plus intensive entre les professions sociales, éducatives et autres. Mais la coopération s’apprend. Un élément essentiel de la formation est d’apprendre à comprendre et à respecter les règles de travail des autres professions, de façon à éviter les malentendus et les conflits de fonctionnement. En Allemagne, la coopération entre les éducateurs sociaux et les enseignants souffre souvent de la transmission des règles déontologiques d’une profession à l’autre. Un élargissement du profil professionnel des groupes agissant ensemble paraı̂t nécessaire dans beaucoup de cas où l’objectif est l’intégration. Néanmoins, l’amélioration des services aux enfants et aux jeunes à risque est clairement liée à des circonstances économiques et politiques. Ceci est particulièrement évident dans tout ce qui touche au passage de l’école à la vie active (Duisbourg), bien que l’étude de cas concernant les enfants d’âge préscolaire (Brême) mette aussi l’accent sur la situation politique. Les efforts d’intégration et de coordination des services, s’ils sont efficaces, peuvent conduire à un accroissement de la bureaucratie. Certains processus générés de façon interne, qui facilitent la coopération sur le terrain et la coordination entre organismes, peuvent aussi engendrer des complexités qui interfèrent avec la communication (Duisbourg). 58 Partie I : ALLEMAGNE RÉFÉRENCES ADLER, H., GÜNTHER, K., LAMBACH, R. et VÖLKER, U. (1993), « Aufbau von Jugendhilfestrukturen in den neuen Bundesländern. Einige Informationen zur Lage der Jugendämter », Jugendhilfe, 31, pp. 129-134. ALFF, J. et KUNKEL, P.C. (1989), Jugend und Familie als Herausforderungen kommunaler Politik, Cologne. BACKHAUS-MAUL, H. et OLK, T. (1992), « Die Konstitution kommunaler Sozialpolitik – Probleme des Aufbaus sozialer Versorgungsstrukturen in den neuen Bundesländern », in C. Rühl (dir. pub.), Probleme der Einheit. Band 5 : Institutionelle Reorganisation in den neuen Bundesländern, Marbourg, pp. 83-112. BALLAUF, H. (1994), « Scheitern in Beruf und Lehre verhindern », Wie Jugendlichen am Übergang Schule – Arbeitswelt zu helfen ist. 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(1993), « Jugendhilfestationen – Konzeptionelle Grundgedanken und erste praktische Erfahrungen », Jugendhilfe, 31, 6, pp. 260-263. 62 2 AUSTRALIE Dans cette section, les études de cas sont axées sur les services intégrés fournis dans trois États de l’Australie : Victoria, Australie-Méridionale et Nouvelle-Galles du Sud. L’une des principales institutions fédérales responsables de la planification des services destinés aux jeunes défavorisés est le ministère de l’Emploi, de l’Éducation, de la Formation et de la Jeunesse. Dans le cadre du Programme d’équité nationale pour les écoles (National Equity Programme for Schools – NEPS) mis en œuvre en 1994, il finance des programmes spéciaux ciblant, d’une part, les élèves qui ont des problèmes physiques, affectifs ou comportementaux, susceptibles d’abandonner l’école, issus de milieux socio-économiques défavorisés et non anglophones ou géographiquement isolés et, d’autre part, les aborigènes et les populations insulaires du détroit de Torres. L’un de ces programmes est baptisé « Students at Risk » ou STAR. Lancé en 1990, il s’adresse aux élèves susceptibles d’abandonner l’école et traite tout particulièrement de la situation difficile des filles qui ont généralement plus de mal à trouver une orientation professionnelle. Tous les projets financés dans le cadre du programme STAR doivent être axés sur l’école, mais la participation d’agences extérieures – et donc un certain degré de coordination – est encouragée. Le ministère de l’Emploi, de l’Éducation, de la Formation et de la Jeunesse est également chargé d’améliorer les opportunités d’emploi des jeunes adultes à risque. Il existe depuis 1985 un réseau national de centres d’information et d’orientation pour les jeunes (Youth Access Centres – YAC) qui, rattachés aux Services de l’emploi du Commonwealth, leur permettent d’obtenir des informations et des conseils sur l’éducation, la formation et l’emploi, l’aide au revenu, la santé, le logement et les questions juridiques. Les YAC ont également pour vocation de faciliter la coordination entre les services locaux de la jeunesse. Ils sont notamment chargés de rédiger des dossiers intéressant les jeunes, de diffuser ces informations via des réseaux d’agence, de repérer les manques et les services fournis en double, de développer des liens avec d’autres prestataires, d’aider à l’élaboration de stratégies réunissant plusieurs agences et de participer à la planification coordonnée. La NEPS, le programme STAR et les YAC constituent l’épine dorsale des efforts locaux d’intégration des services dans les différents États australiens. Ils sont donc analysés plus en détail dans le cadre des trois études de cas qui suivent. 63 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE VICTORIA COHÉSION ET CONFLIT DANS LES EFFORTS FÉDÉRAUX, LOCAUX ET DES ÉTATS VISANT L’INTÉGRATION DES SERVICES par Jennifer Evans et Josette Combes RECHERCHE Les sites visités dans l’État de Victoria étaient situés à Melbourne et Bendigo. Il s’agissait de quatre établissements scolaires secondaires, de quatre centres d’information et d’orientation pour les jeunes et d’un projet géré par l’Armée du Salut (Crossroads) associant aide au logement, emploi et formation. Ce rapport est fondé sur les visites de ces sites, les entretiens avec des responsables du ministère de l’Éducation de l’État de Victoria, des Services de l’Emploi du Commonwealth, des YAC, et les documents fournis par les autorités fédérales, les autorités de l’État du Victoria et obtenus sur les sites visités. PRINCIPAUX GROUPES « A RISQUE » Pour l’objet de la présente étude, les jeunes « à risque » sont définis comme ceux étant susceptibles d’interrompre leur scolarité et ceux risquant de devenir des chômeurs de longue durée. Il s’agit donc d’adolescents et de jeunes adultes en fin de scolarité ou ayant quitté l’école depuis peu. La première section du rapport est consacrée à des projets mis en place dans les établissements scolaires pour venir en aide à des jeunes dont la scolarité est menacée par divers facteurs tels que l’absence de domicile fixe, l’instabilité familiale, le manque de ressources ou la toxicomanie. La deuxième section s’intéresse au fonctionnement des YAC, créés pour répondre aux besoins des jeunes au moment du passage de l’école à la vie active ou à l’enseignement supérieur/éducation permanente et gérés par les Services de l’emploi du Commonwealth (CES). La troisième section examine l’action menée par l’Armée du Salut (organisation non gouvernementale) dans le cadre de son projet Crossroads. CONTEXTE 64 L’Australie couvre une superficie totale de 8 millions de kilomètres carrés (l’équivalent de la partie continentale des États-Unis). Elle compte 17 millions d’habitants, groupés pour l’essentiel dans les villes du littoral. Quelque 2 pour cent des habitants sont d’origine aborigène et 20 pour cent ne sont pas nés en Australie. Jusqu’en 1945, les immigrants venaient essentiellement de Grande-Bretagne et d’Irlande. Après la Seconde guerre mondiale, ils ont été de plus en plus nombreux à venir d’autres pays d’Europe, et depuis dix ans, une part importante d’entre eux est originaire de la région de l’Asie pacifique. L’Australie est gouvernée selon un système fédéral, avec six États et deux Territoires. La capitale fédérale est Canberra. Chaque État et Territoire possède sa propre administration. L’éducation est placée sous la responsabilité des États, mais l’élaboration de la politique nationale d’éducation est du ressort du ministère fédéral de l’Emploi, de l’Éducation, de la Formation et de la Jeunesse (DEETYA). Partie I : AUSTRALIE L’économie dépend encore en grande partie de l’agriculture et de l’exploitation minière, mais le secteur des services – finances, tourisme, administration – est celui qui a connu l’essor le plus important récemment. Le pays consacre environ 4.9 pour cent de son PIB à l’éducation. Le financement du système éducatif (90 pour cent du coût des écoles publiques et 35 pour cent du coût des écoles privées) est assuré pour l’essentiel par les États et Territoires. Environ 25 pour cent des enfants fréquentent les écoles privées, qui sont en majorité catholiques. Si les États et Territoires jouent un rôle majeur dans la gestion des écoles et de l’enseignement technique non supérieur et de la formation continue (TAFE), ce sont les autorités fédérales, par l’intermédiaire du DEETYA, qui mettent en place des programmes spéciaux en faveur des aborigènes, migrants et élèves défavorisés. Le ministère fédéral de l’Éducation est aussi responsable de l’enseignement supérieur, de la recherche, des étudiants étrangers, de l’enseignement aborigène et multiculturel, de l’aide aux établissements scolaires et instituts de formation technique et continue, et de l’octroi d’aides financières aux élèves, notamment par le biais de deux programmes, ABSTUDY (destinés aux aborigènes de tous âges) et AUSTUDY (aide soumise à conditions de ressources pour les élèves du secondaire et du post-secondaire âgés de 16 ans et plus). Les écoles publiques et privées accueillent plus de 3.1 millions d’élèves. Le pays compte environ 10 000 établissements scolaires répartis comme suit : 70 pour cent d’écoles primaires, 16 pour cent d’écoles secondaires, 8 pour cent d’établissements combinés primaire-secondaire, et 4 pour cent d’établissements spécialisés. L’école est obligatoire de 6 à 15 ans (16 ans en Tasmanie). La plupart des enfants suivent à partir de cinq ans une année préparatoire. L’enseignement primaire dure six ou sept ans, suivis par cinq ou six ans dans le secondaire. Le taux d’encadrement se situe autour de un enseignant pour 18 élèves dans le primaire et de un pour 12 dans le secondaire. Les subventions de l’État fédéral se répartissent en quatre catégories : – les subventions générales périodiques pour frais de fonctionnement ; – les subventions en capital pour les équipements scolaires ; – les programmes ciblés en faveur des écoles et élèves aux besoins spéciaux ; – les subventions pour promouvoir des actions éducatives d’importance nationale. L’État fédéral gère les politiques et programmes associés à ces différents domaines de financement. Les dépenses totales en faveur de l’enseignement s’élèvent à plus de 13.5 milliards de dollars par an. En 1989, les ministères de l’Éducation au niveau fédéral et des États ont signé un document connu sous le nom de Déclaration de Hobart, s’engageant à collaborer en vue d’améliorer le système éducatif australien. TOUR D’HORIZON DES PRINCIPAUX PROGRAMMES Programme d’équité nationale pour les écoles Ce programme, entré en vigueur en 1994, regroupe en un cadre unique plusieurs projets autrefois gérés de façon distincte. Il bénéficie d’un financement total d’environ 280 millions de dollars. Ses objectifs sont d’offrir à des groupes ciblés – élèves défavorisés à cause de facteurs tels que la pauvreté, l’origine ethnique (aborigène ou insulaire du détroit de Torrès), l’analphabétisme, les problèmes familiaux, la violence ou la maltraitance, l’absence de domicile fixe, la toxicomanie ou l’alcoolisme – les mêmes chances que les autres pour réussir leur scolarité. Le Programme NEPS est constitué de onze composantes réparties en quatre catégories comme suit : • Accès – Anglais deuxième langue pour les élèves issus de milieux non anglophones. – Éducation spécialisée pour les enfants ayant des besoins spéciaux. 65 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE • Équité – Statut particulier pour les établissements situés dans des communautés défavorisées du point de vue socio-économique. – Prise en compte de la situation des élèves isolés dans des régions reculées. • Priorités nationales – Programme national d’alphabétisation et d’apprentissage. – Alphabétisation précoce. – Programme STAR (Students at Risk) pour les élèves susceptibles d’interrompre leur études secondaires. – Programme pour les élèves doués afin d’enrichir leur expérience éducative notamment lorsqu’il s’agit d’élèves handicapés ou socialement défavorisés. – Soutien aux élèves handicapés pour le passage de l’école à la vie active ou à l’enseignement supérieur. • Mesures d’encouragement – Égalité entre les sexes, programme de bourses pour encourager les filles à étudier les matières scientifiques en première et en terminale. – Programme concernant les élèves handicapés : subventions par élève pour permettre aux écoles de faire face aux frais entraı̂nés par l’accueil d’enfants handicapés. Le Programme NEPS ne comporte aucun volet concernant spécifiquement les enfants aborigènes et insulaires du détroit de Torrès, mais ils sont considérés comme le principal groupe visé par la plupart des programmes évoqués ci-dessus. Il faut en outre signaler l’existence d’un programme éducatif majeur géré par la Commission pour les aborigènes et insulaires du détroit de Torrès (ATSIC). Les responsables fédéraux et les autorités des États en charge de l’éducation ont réussi à s’entendre sur les objectifs déclarés, les groupes ciblés, les mécanismes de participation de la population, l’évaluation et la fourniture de chiffres cohérents sur les résultats des programmes concernant l’équité. Le Projet STAR, élément du Programme NEPS Le STAR est un dispositif fédéral introduit en 1990 dans le cadre du Programme de justice sociale en faveur des jeunes (Youth Social Justice Strategy). En 1995, 7 077 millions de dollars y ont été consacrés, dont 5 055 millions pour le secteur public et 2 022 millions pour le secteur privé. Le programme STAR est destiné aux élèves à risque susceptibles d’interrompre leurs études secondaires et ayant besoin d’une aide pour les mener à terme. Il s’agit d’élèves âgés de 19 ans au plus sur le point de quitter l’école ou l’ayant quittée depuis peu et dont les résultats scolaires sont affectés par des facteurs tels que l’éclatement de la cellule familiale, le nomadisme, la violence ou la maltraitance, l’absence de domicile fixe, l’absentéisme et la toxicomanie. Une attention particulière est portée aux aborigènes, aux insulaires du détroit de Torrès et aux élèves issus de familles non anglophones ou de milieux socio-économiques défavorisés, aux jeunes délinquants et aux élèves qui ne souhaitent pas poursuivre d’études supérieures mais qui pourraient bénéficier des dispositifs de formation continue. Les projets doivent être mis en place par les établissements scolaires, mais la participation d’associations extérieures est encouragée. Les établissements visités par l’équipe de l’OCDE bénéficiaient de subventions au titre du programme STAR. On trouvera ci-après une évocation de certaines questions soulevées lors de rencontres préliminaires avec des hauts responsables de l’éducation de l’État, avant les conclusions de ces visites. RÉUNIONS AVEC DES HAUTS RESPONSABLES DE L’ÉDUCATION DE L’ÉTAT, MELBOURNE 66 Le projet STAR est axé sur un soutien scolaire et social aux élèves susceptibles d’interrompre leurs études secondaires en raison de circonstances telles que l’absence de domicile fixe ou l’instabilité familiale. Même si les projets STAR en eux-mêmes sont nouveaux, ils sont emblématiques de l’appro- Partie I : AUSTRALIE che adoptée depuis un certain temps et concernent actuellement environ 10 pour cent des établissements secondaires. Suite à l’échec d’une tentative d’imposer la coopération au niveau local, les pouvoirs publics ont modifié leur approche et encouragent la coopération en facilitant les actions menées en collaboration depuis un certain temps pour répondre aux besoins des élèves de façon plus efficace et moins onéreuse. Les réseaux de communication entre les prestataires locaux sont satisfaisants. Les responsables STAR identifient les dispositifs locaux qui ont prouvé leur efficacité, puis mettent en place des cadres et protocoles. Cependant, il reste à offrir aux organismes extérieurs la possibilité de travailler en liaison avec les établissements scolaires. Par exemple, les services de santé souhaiteraient proposer des programmes d’éducation parentale dans les écoles. D’après le rapport fourni à l’équipe lors de la réunion, il est important que l’évolution et la coopération qui se font jour sur le terrain soient prises en compte dans l’élaboration des politiques. La première initiative a consisté à utiliser au mieux tous les services locaux visant l’enfance à risque en les invitant à se regrouper autour des établissements scolaires, en d’autres termes, à mettre en place un « guichet unique », un dispositif centralisateur permettant de régler tous les problèmes en un seul lieu. Cette initiative a conduit à la création du programme Extra Edge. Le programme Extra Edge est un projet de coordination des services destinés aux jeunes et scolaires, avec la participation des services de l’éducation, du bureau de la jeunesse, de l’association municipale du Victoria, des services sanitaires et sociaux, et d’organisations non gouvernementales (l’Armée du Salut et des fondations privées notamment). Il nécessite au niveau local la présence d’un coordinateur (un poste d’enseignant supplémentaire). Les établissements présentant un projet bien monté ont pu bénéficier d’un poste et d’une subvention sur trois ans. Les postes ont été pourvus par des procédures de sélection des candidats au niveau local. L’État du Victoria compte actuellement 18 projets, dont deux nouveaux. Ils sont financés par l’État fédéral, l’État du Victoria et divers ministères. En travaillant ensemble, les enseignants, les services sociaux et les services de santé ont découvert qu’ils avaient des objectifs communs, ce qui a permis de vaincre les résistances à un rapprochement. LE BENDIGO SENIOR SECONDARY COLLEGE Contexte Située à environ 156 kilomètres au nord de Melbourne, Bendigo est la première ville de la région et conserve des signes de son ancienne richesse, tirée de l’exploitation de mines d’or. C’est aujourd’hui une capitale régionale du centre de l’État du Victoria, desservant une population de 85 000 personnes employées essentiellement dans l’agriculture et les industries manufacturières. Sa population est en majorité anglo-saxonne, mais elle abrite également une communauté chinoise bien implantée (les chinois sont arrivés à Bendigo en 1854). Créé en 1907 parmi les premières écoles secondaires publiques du pays, le Bendigo Senior Secondary College (BSSC) a été le premier établissement secondaire du deuxième cycle de l’État du Victoria (1976). Il accueille aujourd’hui plus de 1 500 élèves de première et de terminale (16-18 ans). Principal établissement de la région, il propose un large éventail de matières pour l’examen de fin d’études secondaires du Victoria et travaille en liaison avec des instituts de formation technique et continue dans le cadre d’un dispositif baptisé « Dual Recognition » pour offrir aux élèves davantage d’options professionnelles. Il propose également des programmes d’apprentissage intensif et des passerelles avec stages en entreprise. On trouvera ci-après un condensé du Rapport annuel 1994 du BSSC. La plupart des informations présentées ici sont extraites de ce rapport et complétées par des précisions et une contribution fournies par le coordinateur du programme Extra Edge. Les objectifs de l’établissement sont : – offrir un environnement éducatif de qualité ; – promouvoir l’excellence dans tous les aspects du travail des élèves ; 67 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE – dispenser un enseignement de qualité ; – adopter des pratiques de gestion soutenant le programme scolaire de l’établissement et encourager une prise de décision et une communication efficaces ; – travailler avec la communauté éducative au sens large et la collectivité locale au sein de l’établissement. Input au niveau stratégique Ressources financières Après quasiment cinq années de controverse, de débats, d’enquêtes et de rapports successifs, le ministère de l’Éducation a décidé d’accorder 3 millions de dollars pour l’achèvement du plan directeur visant à faire de l’établissement un lieu d’apprentissage plus grand et mieux équipé. Au cours des trois années précédentes, une aide de 8 millions de dollars avait permis des améliorations remarquables telles que la construction d’un nouveau bâtiment de trois étages pour les arts, sciences, technologies et l’éducation physique, la rénovation des salles de musique, de théâtre et d’informatique, l’aménagement paysager des cours de récréation. Les nouvelles subventions serviront à consolider le BSSC sur un lieu unique, de façon à accueillir davantage d’élèves et à éviter de répartir les effectifs sur deux sites. Budget annuel Le budget annuel de l’établissement est d’environ 6 millions de dollars, coûts de fonctionnement, masse salariale et amortissement compris. Il est financé selon les procédures en vigueur dans tout l’État en fonction du coût par élève. La participation des parents s’élève à 122 000 dollars pour un budget total de 4 800 000 dollars, en baisse d’environ 10 pour cent depuis quatre ans. Le budget total de l’établissement est légèrement inférieur à 4 000 dollars par élève et le Conseil d’établissement souhaite améliorer la rentabilité pour assurer à la fois un service de qualité et prévoir l’installation d’équipements de technologies nouvelles pour répondre aux besoins éducatifs futurs. Input sur le terrain Politiques et stratégies Une attention particulière est portée à la question de l’absentéisme pour améliorer les taux d’assiduité. De nouvelles mesures introduites en 1994 ont permis de réduire de 66 pour cent les absences inexpliquées. Les élèves qui n’assistent pas à un cours sont invités à effectuer quatre heures d’étude obligatoires le dimanche pour rattraper leur retard. Chaque enseignant est responsable d’une classe en particulier (professeur principal) et doit notamment veiller au bien-être des élèves. Un coordinateur est chargé de cinq ou six classes de même année. L’équipe chargée de l’encadrement et de l’action sociale en faveur des élèves est ainsi composée de neuf coordinateurs d’année, de deux coordinateurs de l’action sociale et de deux conseillers d’orientation. Le tutorat est assuré par les professeurs principaux et des groupes de travail pour l’examen de fin d’études secondaires, le VCE. Un coordinateur de l’alphabétisation est chargé d’aider les élèves à risque par des cours particuliers. 68 Un éducateur et un animateur travaillent au Centre de ressources de l’établissement. Deux conseillers psycho-pédagogiques du Centre régional d’aide aux établissements scolaires, qui a pour mission d’assurer la liaison avec les services fournis, travaillent également au BSSC. Le projet Extra Edge vise à coordonner les services éducatifs et les autres services en direction de la jeunesse afin de combler les lacunes et d’éviter le double emploi. Le responsable du projet Extra Edge de l’établissement joue également un rôle clé dans la mise en œuvre du programme STAR. Partie I : AUSTRALIE Fonctionnement au niveau opérationnel et sur le terrain D’après le principal de l’établissement et président du conseil d’établissement, le BSSC est « une école pilote de l’avenir ». Le conseil a dû batailler pour obtenir un soutien financier afin d’acquérir les installations et équipements nécessaires à un environnement éducatif de première qualité. Avec la mise en œuvre du programme « Écoles du futur » (qui prévoit l’indépendance des établissements en matière de gestion) dans le Victoria, le BSSC a été contraint de se livrer à un examen approfondi de son organisation. L’objectif était de réduire l’ambiguı̈té et l’incertitude, de déléguer aux responsables de l’établissement une plus grande responsabilité morale et financière, et d’améliorer la communication interne et externe en matière d’affectation des ressources, de prise de décision, d’évaluation et de résultats. Formation du personnel Le perfectionnement des personnels est considéré comme déterminant pour un enseignement de qualité, un travail en collaboration et une indépendance de l’enseignant dans la gestion. La formation des enseignants se fait par le biais de divers stages, ateliers informatiques, conférences locales et internationales, d’un système de notification (concernant tous les personnels), d’une budgétisation globale, une gestion informatisée, et par une stratégie de gestion des ressources humaines et de sélection du personnel. Collaboration Chaque élève appartient à une classe, ces classes étant sous la responsabilité de neuf professeurs principaux sur qui repose le déclenchement de l’action sociale en faveur des élèves et qui signalent tout problème au coordinateur de l’action sociale. L’équipe chargée de l’action sociale adopte une approche globale pour répondre aux besoins des élèves : elle aide les élèves à résoudre les difficultés liées à leur situation familiale, par exemple l’absence de domicile fixe ou de ressources financières suite à l’éclatement de la cellule familiale, et dirige les jeunes sans-abri vers un foyer proche (St Lukes). Ce centre travaille en relation étroite avec l’école et sous son contrôle. Certains jeunes s’y présentent spontanément, d’autres sont envoyés par l’école. La coordinatrice de l’action sociale dit recevoir chaque année la visite d’environ 80 élèves ayant un problème quelconque à résoudre. Le projet Extra Edge concerne les élèves ayant des besoins spéciaux. Le BSSC a mis en place un système de collecte des données pour identifier les élèves à risque. Le coordinateur du projet est notamment chargé de : – définir et répertorier les élèves à risque ; – identifier les facteurs de risque ; – définir des priorités et délais d’intervention ; – élaborer et mettre en œuvre des options et programmes scolaires spécifiques pour les élèves (passerelles et stages en entreprise) ; – regrouper et coordonner les ressources et l’action des personnels pour aider les élèves à risque au sein du BSSC et dans la communauté en général. Les responsables du BSSC travaillent en liaison avec les établissements secondaires du premier cycle (de la 5e à la 2e) pour prendre connaissance des dossiers des élèves et repérer les élèves à risque et facteurs de risque en jeu. Les coordinateurs de niveau, les conseillers d’orientation et le coordinateur de l’action sociale en faveur des élèves organisent dans ces établissements des réunions d’information sur les procédures d’inscription et les matières proposées par le BSSC pour le VCE. Le personnel des établissements du premier cycle transmet les informations au responsable du projet Extra Edge. Il émet des recommandations et fournit des informations pour faciliter l’élaboration des programmes scolaires et le choix des matières pour les futurs élèves. Les renseignements fournis par le coordinateur de l’action sociale sont également déterminants pour l’identification des élèves à risque. Les conseillers d’orientation visitent les établissements pour offrir aux élèves conseils et assistance. 69 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE Tout changement dans le plan d’études nécessite l’autorisation des parents/tuteurs, sauf si l’élève est indépendant. Les professeurs principaux assurent une action de tutorat auprès des élèves tout au long de l’année. Le groupe de travail VCE aide les élèves à acquérir des compétences méthodologiques et à s’organiser de façon à réussir leur examen de fin d’études, et s’occupe systématiquement des élèves à risque. Dans le cadre de sa stratégie d’alphabétisation, le BSSC emploie un coordinateur de l’alphabétisation qui fait la liaison avec les établissements secondaires du premier cycle pour identifier les élèves ayant besoin d’un soutien scolaire et un programme est mis en œuvre en fonction des besoins de chacun. Un poste d’éducateur a été créé pour établir des passerelles entre l’école et la communauté. Ce rôle n’a apparemment pas été bien défini, et de nombreuses personnes se sont succédé à ce poste. Celle que nous avons rencontrée lors de notre visite n’avait été nommée que depuis peu. L’éducateur et l’animateur travaillent à partir du Centre de ressources situé près des bureaux du coordinateur de l’action sociale et du conseiller d’orientation. Ce centre comporte un coin cafétéria, une salle de réunion et un guichet d’information. Les responsables envisagent actuellement de regrouper tous les services en une seule salle. Participation de l’équipe éducative au sens large et de la communauté en général – Le principal du BSSC et des collèges situés en aval se réunissent entre eux tous les quinze jours, et de façon régulière avec le personnel d’encadrement et d’action sociale en faveur des élèves. – Les parents et élèves assistent à une réunion d’information de deux heures avant l’inscription au BSSC. – Une liaison électronique entre les centres de documentation permet l’accès à l’information. – Les programmes d’études Dual Recognition mettent l’accent sur la formation professionnelle et permettent aux élèves de passer à la fois le VCE et un certificat de formation technique et continue en deux ou trois ans. – Un programme de formation en apprentissage aux métiers de l’accueil a nécessité d’importants travaux de mise au point avec la Société de formation du Victoria central et le DEETYA. Il bénéficie de subventions au titre du programme Extra Edge. – L’établissement entretient des relations étroites avec l’Université de La Trobe située à Bendigo, où certains élèves préparant le VCE suivent un enseignement intensif et où la majorité des élèves s’inscrivent après leur VCE. – Les entreprises locales participent à l’élaboration des programmes d’études et proposent des visites et des réunions d’information. – Les parents d’élèves et associations locales apportent une contribution précieuse aux projets de l’établissement et à des réalisations concrètes. – Des rencontres sont organisées régulièrement avec les autres partenaires tels que le ministère des Services sociaux, la CASA, les établissements de soins, les services du planning familial, la police locale, les organismes de logement et les services psychiatriques. Plusieurs organismes interviennent pour fournir des services, mais une meilleure coordination permettrait de rentabiliser au maximum l’utilisation des ressources. Effets 70 Au cours des dernières années, 98 pour cent des élèves qui s’inscrivaient au BSSC pour passer le VCE et qui achevaient leur scolarité réussissaient à l’examen. Ces chiffres sont nettement supérieurs à la moyenne de l’État. Partie I : AUSTRALIE Avec l’entrée en vigueur de nouvelles mesures en 1994, le taux d’absentéisme a enregistré un net recul (moins 66 pour cent). Une enquête révèle que 97 pour cent des élèves et 97 pour cent des parents sont satisfaits des services éducatifs dispensés par le BSSC. Les enseignants estiment que le stress et les soucis liés au travail sont beaucoup plus importants au BSSC qu’ailleurs (les effectifs ont été réduits de 16 pour cent au cours des deux dernières années malgré l’accroissement de la charge de travail liée à l’indépendance en matière de gestion). Les élèves rencontrés ont confirmé que le personnel chargé de l’encadrement et de l’action sociale les avait aidés à résoudre leurs problèmes dans des moments difficiles. Les parents étaient très satisfaits de l’attitude positive adoptée par les enseignants et autres personnels vis-à-vis des élèves et de leur famille et se sont sentis encouragés et non pas dévalorisés comme cela avait été le cas dans d’autres établissements. L’indépendance en matière de gestion a modifié de façon substantielle la structure de l’école et amélioré ses performances économiques. Les parents et élèves sont très satisfaits de la gestion et de la possibilité qu’ils ont d’y participer effectivement. La coordination entre les différentes instances engagées travaillant avec l’établissement doit encore être améliorée pour maximiser leur efficience. Les relations avec les instituts de formation technique et continue ne sont pas suffisantes pour permettre aux élèves d’obtenir une double reconnaissance des cursus suivis. LE PROJET STAR (STUDENTS AT RISK) DANS LES DOYENNÉS (DEANERIES) DE MELBOURNE Contexte Un doyenné est une circonscription ecclésiastique regroupant dix paroisses. Quatre doyennés sont concernés par ce projet : celui de la péninsule de Mornington, celui de Dandenong et deux autres situés dans la banlieue ouest de Melbourne. Celui que nous avons visité est le doyenné de Sunshine, implanté dans un quartier d’industries manufacturières traditionnelles à l’ouest de Melbourne. Le revenu moyen y est inférieur à celui du reste de la zone métropolitaine, et le taux de chômage y est relativement élevé, notamment parmi les jeunes et les groupes non anglophones. Divers groupes ethniques cohabitent, issus de vagues d’immigration successives d’Europe du sud et de mouvements migratoires plus récents d’Indochine et d’Afrique. Ces groupes s’installent de préférence dans ce quartier, sûrs d’y trouver des logements relativement bon marché et des possibilités d’emploi non qualifié dans les usines proches. Le doyenné de Sunshine abrite plusieurs établissements secondaires catholiques, des écoles primaires paroissiales et des services communautaires. Le doyenné a adopté une stratégie consistant à aider ce groupement d’écoles à recenser et aider les groupes cibles d’élèves, en mettant l’accent sur les relations entre l’établissement scolaire, la famille, les communautés paroissiales et l’église, les instances municipales et autres organismes. Cette approche permet de regrouper des ressources plus importantes que celles dont disposent généralement les établissements pour venir en aide aux enfants et adolescents à risque. Dans ce cadre, le projet STAR a permis d’étudier tout un éventail de programmes et de stratégies en s’inspirant des méthodes adoptées par les écoles pour travailler avec les jeunes à risque. L’intégration des services au niveau de l’établissement scolaire a pour objectif de répondre de manière globale aux besoins des groupes ciblés. Pour ce faire, le personnel des organismes et services locaux doit travailler avec les enseignants, les jeunes et leurs parents dans le cadre de l’école. Cette approche met également l’école au centre de la vie des jeunes. Input au niveau stratégique L’Église catholique a affecté un budget de 392 000 dollars au projet STAR. Maria Minto Cahill est chargée de la coordination, de l’évaluation, du perfectionnement des personnels et de la gestion des 71 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE dispositifs de soutien. Le projet concerne quatre établissements secondaires et huit paroisses du doyenné. Une réunion a été organisée en juin 1993 pour clarifier le projet STAR et en définir le cadre d’application dans le doyenné de Sunshine. Input sur le terrain Les établissements secondaires hébergent le coordinateur STAR, lui fournissent le local de travail nécessaire et encouragent leur personnel à participer à la mise en œuvre du projet. Dans chacun des établissements, un enseignant joue le rôle de coordinateur de l’action sociale. Fonctionnement au niveau stratégique et sur le terrain L’application du projet STAR dans le doyenné de Sunshine a un double objectif : maintenir les enfants à l’école et réduire le taux d’abandon, et leur permettre de vivre une expérience scolaire positive allant au-delà des résultats scolaires, c’est-à-dire les aider à retrouver confiance en eux et espoir. Pendant une période préalable de six à neuf mois, les responsables ont commencé par tenter de répondre à des questions telles que : – Comment changer l’école ? Il est important que le projet STAR ne soit pas une simple action marginale de remédiation. – Comment clarifier l’identification des élèves à risque ? – Comment donner aux jeunes la possibilité de montrer leurs compétences ? Le travail de réflexion mené en collaboration a permis de : – comprendre la nécessité de mieux évaluer des besoins et de gérer les dossiers en distinguant soigneusement les informations confidentielles et celles pouvant être échangées ; – réaliser que l’école constitue le lieu idéal pour repérer les enfants à risque. En cas d’échec, les enfants sont souvent « perdus » pour les études scolaires normales et la plupart des tentatives de remédiation se soldent par des échecs ; – mettre en évidence que la participation de la communauté est indispensable à la réussite du projet. Il faut consacrer du temps à établir des relations de confiance entre les établissements et le personnel des organismes extérieurs. La culture scolaire (hiérarchie, discipline, programme d’études) doit être réexaminée pour permettre d’affiner les approches. L’intégration des services au niveau de l’établissement est une tendance nouvelle et des changements structuraux sont nécessaires pour la mise en œuvre du projet. Le groupe de référence STAR Un groupe de référence STAR a été mis en place avec pour mission d’assurer la gestion et la coordination permanentes du projet STAR dans le doyenné de Sunshine. Y siègent des représentants du Bureau de l’enseignement catholique, des directeurs d’écoles, des représentants du Doyenné, des représentants du personnel des différents établissements et le responsable du projet STAR. Le groupe se réunit régulièrement pour évaluer le projet et définir l’application de ses grandes lignes. Objectifs du projet 72 Huit grands objectifs ont été fixés et des initiatives sont en cours ou prévues pour chacun d’entre eux. Partie I : AUSTRALIE Objectif 1 : Favoriser l’acquisition de connaissances générales par des programmes destinés à améliorer les connaissances linguistiques et mathématiques, les attitudes et autres savoir-faire nécessaires aux élèves pour jouer un rôle efficace en société. Parmi les initiatives, on peut citer : – Le groupe de jeunes filles vietnamiennes. Avec l’aide d’une assistante sociale vietnamienne, le groupe a pour objectif de permettre aux jeunes filles de résoudre les conflits familiaux qui se font jour essentiellement en raison du décalage entre le mode de vie traditionnel des familles et le degré de liberté considéré comme « normal » par des jeunes filles vivant dans une société occidentale. De plus, nombre de ces jeunes filles ont été séparées de leur famille dans des camps pendant un certain temps avant de les retrouver en Australie. – Gestion du stress et de la colère. – Mise en place de relations familiales positives. – Groupes de soutien pour améliorer la confiance en soi et les savoir-faire. – Programme de découverte en commun : huit enseignants ont été formés pour aider les parents à acquérir des compétences parentales. – Programme scolaire en alternance : stages à temps partiel pour les élèves concernés. Un éducateur du quartier de Sunshine a mis en place un projet de scolarisation en alternance sur deux semaines prévoyant des activités de plein air et des « sports de l’extrême » le jeudi avec un groupe de 13 élèves. L’objectif était de leur faire prendre conscience qu’ils « peuvent y arriver » et de les motiver en leur fixant d’autres buts. – Programme de tutorat : un étudiant du Western Metropolitan College (institut de formation technique et continue) aide les élèves à acquérir des compétences méthodologiques et savoirfaire pour réussir le VCE. – Programme de relation avec la communauté : les élèves ont la possibilité d’acquérir une expérience de travail dans le secteur en faisant des stages dans des écoles primaires, cliniques, crèches, etc. Nous avons rencontré trois jeunes filles dont l’expérience avait été positive et gratifiante. L’idéal serait de mettre en place des projets s’intégrant au programme scolaire normal de façon à ce que les élèves ne soient pas marginalisés et que le travail effectué dans la communauté soit pris en compte. – Gestion par cas : lorsqu’un élève est repéré comme étant à risque, le coordinateur du projet STAR organise une réunion avec les personnes concernées – personnel de l’établissement et représentants de la communauté – afin de trouver des solutions aux problèmes de l’élève dans le cadre d’une action partenariale. Objectif 2 : Mettre au point un éventail de stratégies en service pour assurer le maintien des jeunes à risque dans la scolarité normale. L’action dans ce domaine prend essentiellement la forme d’exposés par les professionnels concernés et de réunions des enseignants pour élaborer des stratégies d’application du projet STAR dans le cadre du fonctionnement normal de l’établissement scolaire permettant d’améliorer la flexibilité et encourager la coopération en matière d’enseignement. Le personnel non enseignant a été formé et informé. Les prêtres de la paroisse ont participé à différentes réunions et ateliers pour mettre au point une « vision commune aux doyennés » et acquérir une meilleure connaissance des objectifs et stratégies du projet STAR. Des réunions de travail et ateliers ont permis aux participants d’échanger informations et points de vue sur les élèves à risque, de rassembler les données nécessaires et de mieux évaluer les besoins. Objectif 3 : Renforcer les liens entre l’école et la famille par une plus grande participation des parents des élèves à risque et un retour d’informations. L’intervention a été axée sur des programmes dans le cadre de l’école, des procédures d’orientation des élèves vers les services et des visites à la famille en collaboration avec le personnel d’organismes tels que les éducateurs de jeunes de la ville de Sunshine, le Groupe de soutien aux Vietnamiens, Laotiens et Cambodgiens et la conseillère familiale de la ville de Sunshine. On considère 73 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE que la qualité des relations entre les parents et l’école a une influence directe sur l’attitude (négative ou positive) des élèves à l’égard des études scolaires. Objectif 4 : Élaborer des stratégies de dépistage pour permettre aux conseillers, coordinateurs d’année et enseignants de mieux repérer les élèves à risque avant qu’ils ne soient exclus des études scolaires. Cette approche est indispensable pour un travail de prévention et de gestion des crises en synergie. Objectif 5 : Favoriser les innovations dans l’organisation des établissements scolaires. Il peut s’agir de programmes faisant appel à des compétences variées, des stages dans la communauté, un assouplissement des emplois du temps, des modifications des exigences de travail et systèmes de notification pour les ajuster aux besoins de chacun. Certains établissements ont adopté, en matière d’interruption des études et de réinsertion à la vie scolaire, des stratégies plus souples permettant aux élèves de reprendre des études à temps partiel. Il faut du temps pour convaincre les enseignants que des changements profonds s’imposent et que tous les élèves sont dignes d’intérêt. Objectif 6 : Permettre l’acquisition de compétences entrepreneuriales par des activités au sein de l’établissement scolaire et dans la communauté. Les actions à ce niveau prennent la forme de stages en entreprise (en centre de soins ou chez un fleuriste par exemple), d’activités de tutorat auprès des élèves du primaire par des élèves du secondaire, et de participation à des projets de la communauté, comme par exemple la création d’un club de jardinage au Centre d’activités pour adultes de Sunshine. Les élèves ont ainsi la possibilité de faire montre de leurs compétences hors du cadre scolaire. La communauté découvre ainsi les jeunes « à risque » et peut en acquérir une image plus positive. Les établissements scolaires peuvent intégrer ces activités au programme d’études de façon à assurer « la réussite pour tous ». Objectif 7 : Mise au point de projets nécessitant une collaboration et une coordination entre différents organismes. Outre les activités décrites précédemment et cogérées avec le personnel d’autres organismes, dans le cadre du programme STAR a été publié un « Annuaire des ressources et contacts destinés aux jeunes de la région ouest » contenant des informations sur un certain nombre d’organismes locaux et destiné à faciliter l’accès à l’information et aux services pour les jeunes concernés. Une subvention de 30 000 dollars a été accordée par le ministère de la Justice pour mettre en place diverses activités et un projet en direction des jeunes au centre commercial de Highpoint. Ce projet s’inscrit dans le cadre d’un programme de prévention de la délinquance juvénile et part du principe que lorsque les jeunes peuvent être utiles à leur communauté, ils risquent moins d’avoir maille à partir avec la justice. En collaboration avec les écoles, il permet à plusieurs organismes d’assurer une prise en charge viable et à long terme pendant que les jeunes sont accessibles, dans un lieu accueillant et sûr. Objectif 8 : Documenter, évaluer et diffuser les informations sur les approches fructueuses. Les rapports et bases de données sont partagés au sein des doyennés et avec les organismes concernés. Des réunions et séminaires sont organisés sur le thème des élèves à risque. Un fichier « élèves à risque » destiné aux enseignants et coordinateurs d’année est en cours d’élaboration. Les responsables jugent indispensable que les adultes en charge des élèves puissent obtenir des informations et recommandations afin d’améliorer leur approche. La publication des résultats est le meilleur moyen de les motiver et de les encourager à adopter des pratiques positives. Résultats 74 STAR est un projet financé par l’État fédéral australien. Comme toujours dans les projets faisant intervenir des instances à différents échelons, des ajustements s’imposent. Les acteurs sur le terrain et organismes locaux doivent être informés et consultés pour permettre l’adaptation des grandes lignes du projet aux réalités locales. Il faut du temps avant d’établir des relations et une certaine confiance entre les partenaires concernés, et avant d’amorcer les changements structuraux nécessaires. Partie I : AUSTRALIE D’après les jeunes bénéficiaires du projet que nous avons interrogés, les actions menées ont permis de susciter des attitudes positives à l’égard de l’école, d’améliorer la confiance en soi et d’encourager l’épanouissement des élèves concernés. Les jeunes filles ayant assuré des activités de tutorat auprès d’élèves du primaire ont affirmé qu’elles se sentaient plus sûres d’elles et comprenaient mieux la signification du processus éducatif dans son ensemble. Les garçons se sentaient plus motivés de rester à l’école et avaient découvert que les enseignants et les autres personnels étaient plus attentifs à leurs demandes et réagissaient de façon positive. Ceux d’entre eux ayant effectué un stage jugeaient que celui-ci leur avait permis de se confronter « au monde réel » et de témoigner de savoirfaire occultés par les exigences des programmes scolaires. Tous estimaient que cela les avait aidés à comprendre les bénéfices qu’ils pouvaient retirer de la scolarité. L’approche traditionnelle axée sur la sanction a cédé la place à une attitude plus positive vis-à-vis de la capacité des enfants à faire face à des tâches difficiles. Le projet fait l’objet d’une évaluation sérieuse et les données recueillies ont été intégrées à une évaluation nationale du programme STAR. Le projet fonctionne maintenant avec neuf partenaires : l’institut de formation technique et continue, l’Université, le YAC de Footscray, le Groupe de soutien aux jeunes Laotiens et Cambodgiens et le centre commercial de Highpoint entre autres. La plupart des actions menées pourraient être reproduites et les écoles sont prêtes à travailler à l’élaboration de programmes scolaires et de formation en service pour promouvoir l’équité et le soutien pour tous les enfants. COLLINGWOOD COLLEGE Contexte Il s’agit d’un établissement public regroupant des classes primaires (350 élèves) et secondaires (450 élèves). Les élèves accueillis proviennent essentiellement de familles non anglophones, notamment vietnamiennes, turques, grecques et africaines. L’établissement a mis en place deux programmes spéciaux d’enseignement de l’anglais deuxième langue : STEP UP, destiné aux élèves de familles de réfugiés, et LINK, un cours intensif qui concerne les élèves alphabétisés dans leur langue maternelle. L’école est située près d’un ensemble de logements sociaux et les élèves proviennent de milieux socio-économiques défavorisés. L’établissement dispense un enseignement normal et des personnels spécialisés y assurent un soutien dans le domaine de l’orientation professionnelle, de l’intégration et de l’action sociale en faveur des élèves. Le responsable du projet Extra Edge assure la coordination entre l’école et les services locaux en direction des élèves, afin de permettre un soutien plus efficace des élèves à risque. Input au niveau stratégique et sur le terrain Le projet Extra Edge est mené en concertation par plusieurs instances : la Direction de l’enseignement scolaire, qui a accordé un poste d’enseignant pour le responsable du projet, le Bureau de la jeunesse, qui a accordé une subvention de départ de 10 000 dollars, et les Services sanitaires et sociaux locaux, qui ont accordé 5 000 dollars pour des projets axés sur le logement. Près de 28 organismes privés et publics sont partenaires et représentés au Groupe de référence qui assure la coordination et l’évaluation du projet et se réunit tous les quinze jours. Fonctionnement sur le terrain Les instances participantes ont adopté un certain nombre de procédures de renvoi et de travail en commun entre services. Par exemple, les services du logement, de la santé et de l’action sociale traitent les dossiers ensemble. L’enseignant chargé du projet a pour mission de collaborer avec tous les services disponibles au sein de l’établissement scolaire et à l’extérieur pour répondre de façon cohérente aux besoins des enfants. 75 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE Des tensions se font jour entre les services sociaux et les enseignants sur la question du temps passé par les élèves à résoudre leurs problèmes de logement, temps qui est pris sur les heures de cours. Un document a d’ailleurs été rédigé sur le sujet et doit être examiné par les différents personnels concernés, enseignants et autres. Les réductions des subventions, accordées dans le cadre du projet AUSTUDY pour couvrir les frais de scolarité des élèves et versées directement aux familles bénéficiaires, sont lourdes de conséquences et pourraient faire échouer les efforts engagés pour venir en aide aux enfants. Il est prévu de créer un Centre de services aux jeunes et aux élèves, et la discussion porte actuellement sur le site d’implantation, dans l’enceinte de l’établissement scolaire ou à l’extérieur. Les écoles étant en concurrence pour l’accueil des élèves, on note une certaine tension entre des projets, tels que celui des « Écoles de demain », qui visent l’excellence et des résultats scolaires d’un très bon niveau, et les programmes du type d’Extra Edge, destinés aux élèves en difficulté. Un des obstacles à une mise en œuvre de ce programme est la crainte des dirigeants de l’établissement qui s’inquiètent de ce que l’image de leur école pourrait pâtir de la présence dans le secteur de jeunes qui profiteraient de la politique d’ouverture de l’établissement pour y faire du trafic de stupéfiants. Parmi les composantes du programme Extra Edge, on peut citer : – Le Programme d’éducation parentale pour les familles vietnamiennes : le pays compte un certain nombre de jeunes Vietnamiens à risque et sans-abri et doit faire face à un problème spécifique aux réfugiés : les familles ont été séparées pendant longtemps, parfois trois ou quatre ans, d’où une instabilité de la cellule familiale, des difficultés de communication, etc. Pour éviter l’éclatement des familles, les travailleurs sociaux participant au projet étaient à la recherche d’une approche innovante de l’éducation parentale, proche de la culture des personnes concernées et ont finalement décidé d’opter pour l’opéra vietnamien. En collaboration avec les parents, les élèves et les chefs de la communauté, ils ont écrit et réalisé un opéra sur le thème des relations parents-enfants, qui a connu un grand succès. Lors de l’élaboration d’un projet de ce type, il est important de ne pas perdre de vue l’incidence des actions menées par les autres services sur la vie de la famille (santé, éducation, etc.). – Le projet de tutorat : ce projet réalisé avec l’aide des élus locaux concerne les élèves ayant interrompu leur scolarité. L’approche adoptée est celle de l’enseignement par les condisciples, les jeunes ayant quitté l’école sont invités à suivre une formation pour venir en aide à des élèves susceptibles d’abandonner l’école, contre une rétribution de 20 dollars par semaine. Le projet concerne des jeunes de 15 à 19 ans. – Un projet invitant les écoles à recenser les adolescentes à risque : en collaboration avec un psychologue et à l’aide d’activités théâtrales, l’éducateur en charge du projet les formera à la résolution des conflits. Le projet s’adresse à des élèves de 5e et de 4e. 76 – L’école expérimentale The Island : cet établissement accueille les jeunes exclus du système scolaire classique ou l’ayant rejeté. En service depuis le milieu des années 80, il est le fruit d’une rencontre entre des ouvriers du bâtiment et un « visionnaire » persuadé qu’il fallait offrir aux élèves exclus du système scolaire un lieu où ils pourraient découvrir leurs atouts et centres d’intérêt. Fonctionnant jusqu’en 1991 à temps partiel, l’établissement est désormais ouvert à temps plein. Il est installé dans un entrepôt (avec toit de tôle et sol en béton), au fond d’une rue pavée et bénéficie du soutien du Fonds pour les ouvriers du bâtiment au chômage. Y travaillent un certain nombre d’enseignants (des « intervenants extérieurs ») dont un maçon, un nutritionniste, un menuisier, un informaticien et un ingénieur automobile qui exercent effectivement les métiers qu’ils enseignent. L’école emploie également à temps partiel un professeur d’éducation physique, un joaillier, un professeur de musique et un travailleur social, ainsi qu’un coordinateur. Cet établissement accueille des adolescents de 15 à 20 ans issus de la grande banlieue, pour une durée indéterminée, en moyenne un an. Les effectifs sont de 25 étudiants maximum et se composent essentiellement de garçons : lors de notre visite, quatre filles seulement y étaient inscrites. La culture de ce centre est axée sur le lieu de travail, et comble le vide laissé par le déclin de l’enseignement technique. Les jeunes accueillis ont échoué sur le plan scolaire et Partie I : AUSTRALIE manifestent le désir d’apprendre sur le tas. Ils sont ensuite orientés vers un emploi à temps partiel, à temps plein, ou un apprentissage. D’après les dossiers, un petit nombre d’entre eux reprend des études et très peu peuvent être considérés comme étant encore à risque. Les écoles, les condisciples et les familles orientent les élèves vers The Island, une école qui a su s’intégrer à la vie de la communauté. Le coordinateur des programmes scolaires et celui en charge de l’action sociale font partie du groupe de référence, qui est donc également en liaison avec l’école et s’intéresse à l’élaboration du programme d’études. Résultats On dispose de peu d’informations sur les résultats obtenus. Le projet Extra Edge a permis d’améliorer la collaboration, le travail en commun sur les programmes d’études et a contribué au succès des initiatives en faveur des jeunes. Le nombre élevé d’organismes partenaires (28) est un bon indicateur de la participation et de l’intérêt porté à une approche prenant en compte les préoccupations de l’école, ce qui est essentiel si l’on veut éviter de la marginaliser. Le soutien de la communauté doit également être encouragé. Des sessions de formation commune sont organisées pour les différents personnels concernés. Ainsi, les membres du groupe de référence participent à des programmes de perfectionnement dans le cadre d’Extra Edge. Nombre des accords conclus n’ont pas encore été formalisés et le partage des données devrait être plus facile lorsque le Centre de services aux jeunes et aux élèves, qui devrait constituer un guichet unique pour l’accès à un certain nombre de services coordonnés, commencera à fonctionner. KENSINGTON COMMUNITY HIGH SCHOOL (KCHS) Contexte La KCHS est située dans la partie ouest du grand Melbourne, un secteur relativement densément peuplé avec trois « grands ensembles » de logements sociaux. Il s’agissait à l’origine d’un quartier ouvrier de la ville, qui est depuis dix ans en cours d’embourgeoisement. La KCHS est un établissement secondaire public qui a vu le jour en 1975 à une époque où les écoles expérimentales étaient à la mode dans l’État du Victoria. Elle accueille principalement les élèves de la troisième à la terminale, mais peut en accueillir à partir de la 5e. Elle a été créée pour répondre aux besoins des élèves du secteur de Kensington qui ne poursuivaient pas leurs études au-delà de la scolarité obligatoire. Elle recrutait à l’origine essentiellement au niveau local, mais a étendu sa sphère d’influence. Entre le début et le milieu des années 80, elle a connu un essor rapide et accueilli des élèves venant quasiment de l’ensemble de la métropole. Au début des années 90, la population de l’établissement était principalement constituée d’élèves angloaustraliens dont les familles vivaient depuis deux ou trois générations de l’aide sociale, ainsi que d’un pourcentage non négligeable d’élèves aborigènes qui ont, par la suite, quitté l’établissement. Les élèves ne restaient pas longtemps dans l’école et bon nombre d’entre eux avaient d’importants problèmes psychologiques. Les agressions visant le personnel étaient fréquentes et l’endroit était devenu invivable pour les filles. De nombreux élèves reprenaient des études après une longue interruption et actuellement 35 pour cent d’entre eux sont sans domicile fixe ou placés sous la tutelle de l’État. Le nombre d’élèves issus de familles non anglophones est en augmentation et les familles monoparentales ou vivant exclusivement de l’aide sociale sont légion. En 1992, l’école s’est engagée dans un processus d’évaluation volontaire devant durer un an et destiné à déterminer le projet de l’établissement, les groupes ciblés, les procédures d’admission et les méthodes d’enseignement. 77 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE Depuis 1984, le personnel s’occupe de la gestion de l’établissement collectivement, et participe aux tâches administratives tout en assurant un nombre important d’heures de cours. Les intervenants extérieurs sont encouragés à participer à l’élaboration des programmes scolaires. La KCHS accueille une centaine d’élèves selon le principe d’égalité des chances et notamment d’égalité entre les sexes, et souhaite promouvoir le respect entre élèves et enseignants. Dans le cadre de l’initiative nationale Extra Edge, elle a élaboré un projet baptisé KEEP (Kensington Extra Edge Programme) visant à coordonner et à regrouper les services pour combler les lacunes et supprimer les doubles emplois. La Fondation DOXA pour la jeunesse, financée par des entreprises et donateurs privés, qui propose également des offres d’emploi pour permettre aux jeunes d’obtenir une formation professionnelle, soutient dans le secteur un projet baptisé ROCKS (Real Opportunities for Careers at Kensington) visant à offrir de vraies possibilités d’emploi à Kensington. Cette fondation gère également un projet intitulé « Hollingworth Cadetship » qui concerne l’ensemble de l’État du Victoria, et qui a été lancé en 1992 pour permettre aux élèves ayant obtenu le VCE et admis à l’université mais n’ayant pas les moyens de payer leurs études, de les mener à bien. Tous les frais sont couverts par le programme : achat de livres, transport, frais de scolarité, uniforme, cours particuliers et droits de scolarité. Chaque étudiant se voit attribuer un parrain, qui est une entreprise travaillant dans la spécialité choisie par lui, et qui lui garantit un travail rétribué à hauteur de 5 000 dollars par an pour toute la durée de ses études. A la fin de leurs études, tous les étudiants concernés sont embauchés pendant trois ans pour un travail à temps plein. Actuellement, 80 étudiants bénéficient de ce programme, pour un montant de 350 000 dollars. Le projet ROCKS s’en inspire mais la population ciblée est un groupe d’élèves plus jeunes en difficulté scolaire. Son objectif est de fournir à ces élèves à risque les savoir-faire nécessaires pour passer de l’école à un emploi à temps plein. Il est géré au niveau de l’établissement en coordination avec le projet KEEP, mais son autonomie est préservée. Input au plan stratégique Le budget actuel de l’établissement s’élève à 640 000 dollars, masse salariale comprise. Pour son projet Extra Edge, l’école bénéficie également d’une subvention de 135 000 dollars sur deux ans. La Fondation DOXA pour la jeunesse a accepté de financer un projet pilote en accordant 150 000 dollars sur trois ans, ce qui porte le budget annuel de l’école à 757 000 dollars. Fonctionnement sur le terrain Après l’année d’évaluation, il a été décidé de modifier les procédures d’inscription pour accorder la priorité à l’égalité entre les sexes et examiner les candidatures au cas par cas pour favoriser les élèves « à risque ». Le programme d’études est axé sur une approche de découverte des savoirs par l’action, qui permet aux élèves d’acquérir confiance en eux, mais il propose cependant un large éventail de matières figurant au programme du VCE. Les activités artistiques facultatives – théâtre, danse et musique – revêtent une grande importance car elles sont considérées comme un bon moyen pour les élèves de s’exprimer. Ambiance et philosophie 78 Dans le système éducatif en général, les écoles sont assez strictes pour ce qui concerne les questions de respect de la discipline ou le port de l’uniforme. Par contraste, la KCHS s’efforce de créer un environnement qui se rapproche de celui d’un établissement travaillant avec des adultes. Les élèves sont respectés en tant qu’individus. Par exemple, un enseignant qui a fait une erreur s’en excusera auprès de l’élève concerné. En cas de manquement au règlement de la part d’un élève, au lieu d’appliquer des sanctions et d’adopter une attitude répressive, les enseignants préfèrent examiner les règles et voir si elles sont adaptées, plutôt que de considérer systématiquement les élèves comme coupables. Partie I : AUSTRALIE Les élèves fréquentent l’établissement pour les raisons suivantes : – ils ont échoué ailleurs et c’est leur dernière chance ; – ils habitent le quartier ; – c’est la seule école où ils peuvent se livrer à leur activité favorite (le théâtre par exemple). On considère que les petites structures sont plus accueillantes pour les élèves. Ils peuvent se faire plus facilement des amis, ce qui est particulièrement important pour les enfants ayant déménagé souvent et qui ont perdu leurs contacts sociaux. La répartition des tâches entre les membres du personnel est souple, ce qui permet d’avoir des classes à effectifs réduits. Le recrutement du personnel n’est pas imposé à l’école par les services éducatifs locaux, comme c’est généralement le cas, mais il se fait en fonction de la motivation des personnes intéressées. Bon nombre de membres du personnel sont engagés dans l’action politique. Certains ont entrepris une formation en vue de se perfectionner, ce qui a nécessité un examen détaillé des programmes et de la philosophie de l’établissement. Les responsabilités sont partagées et les tâches sont assumées collectivement, le travail administratif se faisant après les heures de cours. Le coordinateur de l’établissement (le directeur) est élu par le personnel pour un mandat de trois ans. Jusqu’à une époque récente, le directeur changeait tous les ans, et des représentants des deux sexes se succédaient en alternance à ce poste. Les enseignants travaillent en équipe, se soutiennent mutuellement et tentent d’adopter une approche cohérente des relations avec les élèves. La dotation en personnel de l’établissement est la même que dans les autres écoles de l’État, mais le fonctionnement et le partage des tâches administratives permettent de ramener le taux d’encadrement à un pour dix. Personnel non enseignant Une infirmière du centre de soins du quartier assure une permanence de quelques heures par semaine dans l’établissement. Elle travaille directement avec les élèves, leur fournit diverses informations, propose des sessions d’éducation à la santé, etc. Des éducateurs travaillent avec les élèves à risque. Ce sont aussi eux qui orientent des jeunes en difficulté, notamment ceux qui refusent l’école, vers l’établissement. Ils proposent également des services différents : ainsi, un groupe de garçons travaillent avec un éducateur à l’acquisition de compétences sociales. L’éducatrice qui travaille avec les filles leur propose des ateliers sur l’image du corps, la gestion du stress, l’acquisition de la confiance en soi, et organise des activités de loisirs : équitation, netball, billard. Collaboration Le projet KEEP n’en est qu’à ses débuts, mais le processus de coordination est lancé. Ainsi, la KCHS et ses partenaires rédigent des demandes conjointes de financement pour des projets interorganismes. L’école peut participer aux réunions de planification des Services sociaux et de santé locaux ou peut intervenir par des contributions écrites. Les responsables de l’école s’inquiètent des conséquences que peut avoir, et a souvent, le déménagement des élèves, qui les oblige à quitter l’école et à perdre un point de repère essentiel dans leur vie. L’école peut demander la tenue d’une réunion pour examiner un cas précis lorsqu’elle tente d’obtenir pour un élève une aide spécifique de nature autre que scolaire. L’école s’efforce d’éviter les doubles emplois et de diriger les élèves vers les services compétents pour des questions de logement par exemple, ou tout autre problème précis. L’école et les projets qu’elle gère sont ouverts sur la communauté. Ainsi, les parents siègent au conseil d’établissement et donnent un coup de main pour assurer le fonctionnement au quotidien, le cas échéant. L’école tente de mettre sur pied un programme d’éducation parentale pour aider les parents à s’intéresser à la scolarité de leurs enfants. Elle organise une réunion avec les habitants du quartier au moins une fois par trimestre, et les occasions de rencontre sont fréquentes. L’école peut obtenir, sur demande, le soutien de divers services d’aide, comme n’importe quel autre établissement du système éducatif de l’État. 79 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE Elle a également établi des relations informelles avec divers organismes en raison du nombre d’élèves accueillis dans l’établissement et un réseau informel de travailleurs se met ainsi peu à peu en place. Le conseil d’établissement peut accueillir des gens occupant des fonctions très diverses. Par exemple, rien n’interdit aux employés des services sociaux locaux d’y siéger et, certaines années, ils ont même été plusieurs à le faire. En contrepartie, le personnel de l’école est également membre du conseil d’administration de divers organismes locaux et participe également à des manifestations ponctuelles et à des demandes conjointes de financement. Bien qu’informel, le réseau semble fonctionner et remplir son rôle en évitant les doubles emplois et en se mettant au service des plus vulnérables. Résultats Nous avons rencontré deux élèves de seconde et de terminale et trois parents. Les élèves considèrent que le système éducatif est trop traditionnel et restrictif et empêche les jeunes de donner libre cours à leur créativité. Pour parler de leurs problèmes, les élèves ont besoin qu’on leur témoigne du respect, et que des enseignants attentifs aient du temps à leur consacrer, dans des lieux accueillants. La solution de leurs problèmes est vitale pour la construction de leur personnalité. Depuis que l’établissement a modifié sa politique, le taux d’abandons a diminué. La parité entre les sexes a été atteinte : 50 pour cent des élèves sont des filles, et en cas de recrutement, les responsables s’efforcent de préserver l’équilibre entre hommes et femmes. Les parents jugent l’expérience positive et trouvent que les relations avec l’établissement sont bonnes. L’image de l’école était fort mauvaise avant la restructuration, et les parents hésitaient à y envoyer leurs enfants. Le bouche à oreille a fonctionné et, au niveau de la communauté, la KCHS est désormais considérée comme une bonne école. Pour les cours d’anglais et de mathématiques, les enseignants travaillent toujours avec les mêmes élèves, comme au primaire, une approche jugée très efficace. Les effectifs réduits permettent une réelle prise en charge individuelle. Les enseignants jugent leur travail très exigeant mais également très gratifiant. Alors que le recrutement était autrefois difficile, les candidats sont aujourd’hui nombreux. A l’heure actuelle, l’école consacre de nombreuses heures à travailler en concertation avec des organismes extérieurs pour répondre aux besoins des élèves. Malgré l’absence d’un protocole formel, il existe une réelle coopération entre les divers intervenants sur le terrain, essentiellement par des contacts individuels. Il est envisagé de formaliser cette collaboration, peut-être en regroupant les différents services dans l’enceinte de l’école. Les responsables de l’établissement souhaiteraient que les organismes proposent aux élèves des services personnalisés et les encouragent à se joindre à l’équipe éducative pour élaborer les projets des élèves. Il est important, pour ces derniers, de voir que l’on s’intéresse à leurs difficultés d’une manière globale. Conclusions Les préoccupations exprimées aux différents échelons de l’administration du pays ont suscité la mise en place de projets innovants en faveur des élèves à risque susceptibles d’interrompre leur scolarité. L’accent est mis sur la prévention et les actions visant à faciliter la réintégration des élèves après une interruption. 80 Au niveau local (sur le terrain), l’engagement des personnels et leur volonté de travailler en collaboration étaient particulièrement impressionnants. Les enseignants et les autres intervenants sont d’accord pour réexaminer le fonctionnement des services et les modifier, le cas échéant, pour répondre aux besoins des élèves avec une plus grande souplesse. C’est d’ailleurs un des points que les élèves jugent très importants. Partie I : AUSTRALIE Les aspects des projets déterminants pour la collaboration sont : – une bonne communication entre les intervenants ; – une formation commune des personnels ; – la sensibilité aux différences culturelles ; – la présence d’un coordonnateur ; – des objectifs clairement définis ; – une évaluation précise aboutissant à l’adaptation des programmes ; – un travail centré sur les besoins de l’enfant ; – la disponibilité de fonds. LES CENTRES D’INFORMATION ET D’ORIENTATION POUR LES JEUNES (YAC) Cette partie du rapport est consacrée aux YAC de Melbourne. Nos recherches en Australie ont surtout concerné les besoins des jeunes susceptibles d’interrompre leur scolarité, ou sur le point d’entrer dans la vie active ou de poursuivre des études au-delà du secondaire. Nous nous intéresserons ici à ces derniers et au fonctionnement des YAC qui ont été mis en place pour aider les jeunes en fin d’études secondaires dans le passage à la vie active ou l’enseignement supérieur/la formation continue et qui dépendent des Services de l’emploi du Commonwealth. Contexte Les YAC ont été créés en 1985 en tant que service local d’information, de conseil, d’aide psychopédagogique et d’orientation. Ils constituent pour les jeunes de la communauté où ils sont implantés un guichet unique permettant de s’informer sur les questions de : – éducation, formation et emploi ; – soutien aux revenus ; – santé ; – logement ; – problèmes juridiques. En 1991, les YAC ont été chargés spécifiquement de faciliter la coordination entre les services locaux en direction des jeunes, un rôle prévu par un rapport intitulé « Vers une Australie plus juste : stratégie pour une justice sociale en 1991-92 » (« Towards a Fairer Australia : Social Justice Strategy 1991-92 »). Dans une partie consacrée à l’évaluation du Programme de justice sociale en faveur des jeunes (lancé en 1989), le rapport se préoccupait de ce que les services en direction de la jeunesse au niveau local n’étaient intégrés et coordonnés de façon optimale. Ce rôle dévolu aux YAC, qui était non pas de superviser les prestataires mais de faciliter la coordination, devait être réexaminé en 1992. Le processus de coordination avait pour objectif spécifique de venir en aide à quatre groupes considérés comme particulièrement défavorisés et dont les besoins n’étaient pas couverts par le fonctionnement du système. Il s’agissait : – des jeunes urbains sans domicile fixe ; – des jeunes délinquants ; – des aborigènes et insulaires du détroit de Torrès ; – des jeunes issus de familles non anglophones. Les YAC devaient : – dresser le profil de la jeunesse locale et rassembler des informations sur les jeunes et les prestataires de services ; – diffuser et utiliser ces informations ; – déterminer les lacunes et les doubles emplois ; 81 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE – créer des liens avec les autres organismes travaillant auprès des jeunes ; – participer à la planification coordonnée des actions ; – aider à l’élaboration de stratégies communes à différents services, notamment dans le cadre de projets précis, afin de surmonter ces difficultés. Des lignes directrices ont été délivrées aux YAC sur la manière de réaliser ces objectifs de coordination au niveau local et concernant : – la coordination dans le cadre de la stratégie de justice sociale en faveur des jeunes ; – les responsabilités de coordination ; – le rôle de coordination des YAC ; – le regroupement des services pour faciliter la coordination ; – la coordination des programmes et services du ministère fédéral de l’Emploi, de l’Éducation, de la Formation et de la Jeunesse (DEETYA). En matière de coordination, le DEETYA a pour mission, en concertation avec les organismes fédéraux et locaux, de : – recenser les points d’information pour garantir un nombre suffisant de services adéquats au sein de la communauté ; – recenser les services disponibles pour faire en sorte que les besoins complexes des jeunes soient satisfaits ; – favoriser et/ou appuyer les relations entre les services pour améliorer les résultats auprès des jeunes ; – soutenir activement la coopération entre les services pour réduire les lacunes et pour déterminer et examiner collectivement les priorités ; – encourager les organismes travaillant auprès des jeunes à adopter une vision commune des problèmes et à élargir leurs connaissances en diffusant des informations appropriées (chiffres, résultats de la recherche). Le rôle de cette instance fédérale est donc d’encourager et de superviser les efforts de coordination. Au niveau de l’État du Victoria, des commissions de coordination des actions en faveur des jeunes sont chargées de la coordination et de la planification des actions menées par les organismes fédéraux et les services de l’État. L’accent est mis sur le rapprochement des programmes et services visant les jeunes défavorisés et sur l’élaboration de politiques au niveau de l’État. A ces commissions siègent des représentants des différents échelons de l’administration (fédéral, local et de l’État). Au niveau local, dans le cadre de leur rôle de coordonnateur, les YAC interviennent à différents niveaux, et notamment pour : – dresser le profil de la jeunesse locale et en particulier rassembler des informations sur les jeunes et les prestataires de services, dont les programmes et services fédéraux ; – diffuser et utiliser ces informations au sein de réseaux locaux inter-organismes ; – déterminer les lacunes et les doubles emplois et aider à l’élaboration de stratégies communes aux différents services concernés pour surmonter ces obstacles ; – créer des liens avec les autres organismes travaillant auprès des jeunes ; – participer à la planification coordonnée des actions et, si possible, mettre au point des cadres d’évaluation des résultats ; – aider à l’élaboration de stratégies communes à différents services, notamment dans le cadre de projets ponctuels précis. 82 Cependant, s’ils sont censés favoriser la coopération entres les services, les YAC n’ont pas vraiment à jouer un rôle directeur dans la coordination au niveau local, mais ont plutôt vocation à apporter un soutien aux initiatives locales en accueillant des réunions, en assurant un secrétariat d’appoint, en Partie I : AUSTRALIE diffusant des informations sur les jeunes et sur les services qu’ils proposent et leur mission de coordonnateur. Il s’agit donc davantage d’un rôle de conseil et de soutien plutôt que d’un rôle de direction ou de gestion. Une évaluation des YAC a été réalisée en 1992, et un rapport sur la question a été publié cette même année (Waller, 1992). L’auteur faisait état d’une « confusion et d’une incertitude au niveau local en ce qui concerne le rôle des YAC dans le domaine de la coordination » (p. 13). Cela n’a pas été sans conséquence pour la réaction des YAC et celle des personnels des services en faveur des jeunes quant au rôle des YAC et au bien-fondé de leur action. Les principales zones d’incertitude étaient : – l’étendue des responsabilités des YAC ; – le rôle des YAC en matière de coordination ; – l’objet des efforts de coordination. Plus fondamentalement, la confusion concernait la définition du terme « coordination ». D’après les services travaillant auprès des jeunes interrogés dans le cadre de l’évaluation, celui-ci recouvre un certain nombre de processus et d’activités qui sont : – le partage de l’information ; – l’identification des lacunes ; – le travail ponctuel sur des projets communs ; – l’intégration des services (en un guichet unique) ; – la pression en faveur du changement. Cependant, comme il a été dit précédemment, la mission confiée aux YAC par l’État fédéral recouvre les trois premiers points mais pas les deux derniers. Cette confusion a éveillé la suspicion au niveau local sur les intentions de l’État lors de la mise en place des YAC. En effet, certains craignaient que la coordination ne constitue un prétexte pour réduire les subventions. Malgré cette réaction négative de certains services dans les premiers temps, d’autres organismes ont estimé que le partage de l’information et les réunions communes étaient très utiles et souhaitaient aller plus loin en adoptant une planification et des projets communs. Le bien-fondé de la mission des YAC a donc été confirmé par les réactions au niveau local, et en dépit de difficultés de mise en route, certains craignant que les YAC tentent de se substituer aux structures locales de coordination déjà en place. Ainsi, bien que le besoin de coordination ait été identifié, c’est la délégation de ce rôle à l’échelle locale à un organisme fédéral qui a posé problème. Un des aspects de la coordination est la coordination des services rendus aux clients. Elle est centrée sur la spécificité des individus et vise à garantir que les jeunes les plus vulnérables ne « passent pas à travers les mailles du filet » et soient orientés comme il convient. Mais ce n’est pas la vocation des YAC, qui est d’assurer la coordination des structures, par le partage de l’information, l’identification des lacunes et la réalisation en partenariat de projets ponctuels. Une évaluation publiée en 1994 révèle un niveau élevé de satisfaction des jeunes vis-à-vis des services fournis (Budd et Cameron, 1994). La plupart d’entre eux ont reçu une information en matière d’emploi ou d’entretien d’embauche, ou un soutien financier pour leurs études. Cependant, l’enquête signalait que la plupart des clients des YAC n’avaient pas une idée précise de leur rôle. En ce qui concerne la mission générale des YAC de mettre en place un guichet unique répondant aux besoins multiples des clients, plus de 40 pour cent des jeunes qui s’y sont présentés ont reçu une information sur les prestations ou allocations versées par l’État, les questions de santé, de logement ou les problèmes personnels, et plus de 85 pour cent se déclaraient satisfaits des services fournis. L’évaluation portait également sur les relations avec les établissements scolaires et organismes travaillant auprès des jeunes. Les écoles semblaient satisfaites des services fournis par les YAC, qui consistaient essentiellement en des informations sur des questions d’emploi ou d’études. D’après 83 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE l’enquête, les YAC ne ciblaient les élèves susceptibles de quitter l’école avant la seconde que dans 48 pour cent des écoles visitées. Les services travaillant auprès des jeunes ayant répondu à l’enquête sont les suivants : foyers, centres d’accueil, services du logement des jeunes, services d’action sociale, organismes publics de l’État/fédéraux, services locaux, centres d’information juridique, services de l’emploi, services de santé, services d’assistance psychopédagogique, centres de désintoxication, dispensateurs de formation et un certain nombre d’instances variées, principalement des associations à caractère éducatif ou dépendant de l’église. Ces instances ont eu moins de contacts avec les YAC que les établissements scolaires. Au total, 64 pour cent avaient été en relation avec un YAC au cours des six derniers mois. Sur les 36 pour cent restants, 40 pour cent déclaraient ne pas avoir été contactés et 35 pour cent estimaient ne pas en savoir assez sur les YAC pour juger si le contact serait utile. Sur la question du processus de coordination, les services ayant eu des contacts avec les YAC jugeaient que l’approche la plus efficace était la participation à des réunions inter-services, et la moins efficace la planification commune et la promotion de la politique de l’État fédéral en direction des jeunes. Au plan national, 57 pour cent des organisations travaillant auprès des jeunes étaient satisfaites ou très satisfaites des activités de coordination des YAC. Le rapport concluait que « les activités de coordination étaient considérées par les écoles et organismes travaillant auprès des jeunes comme le principal domaine à améliorer » (p. 52). La section qui suit est la synthèse d’entretiens avec des responsables et intervenants sur le terrain des Services de l’emploi du Commonwealth et des YAC et des réponses à des questionnaires sur les résultats obtenus fournies par les responsables de YAC. Avant d’évoquer l’action des quatre YAC visités, nous présentons un compte-rendu d’une réunion préliminaire tenue avec des hauts responsables, au cours de laquelle ont été abordés les aspects essentiels de la coordination des services. Réunion avec des hauts responsables des Services de l’emploi et des YAC Lors de l’entretien, les points suivants ont été évoqués : – Il y a un problème d’articulation des responsabilités entre les trois échelons de l’administration (local, État, fédéral). Les YAC ont pour mission de lier éducation et formation à l’emploi, mais le ministère de l’Emploi, de l’Éducation, de la Formation et de la Jeunesse (DEETYA), sous la tutelle de qui sont placés les Services de l’emploi (CES) et les YAC, dépend des autorités fédérales alors que la politique de l’enseignement est du ressort des États. Ainsi, la politique de l’emploi et le rôle des YAC dans le passage de l’école à la vie active sont définis au niveau fédéral, alors que la politique de l’éducation et les affaires scolaires dépendent des États, ce qui rend difficile toute action commune. « Les trois échelons font la même chose en même temps, mais ils ne communiquent pas entre eux. » Favoriser le passage à la vie active ne peut se faire qu’au niveau local, car c’est une action qui est subordonnée à la connaissance du marché du travail local et des besoins en formation de la population locale, etc. Il est donc malaisé de définir une approche coordonnée. – Au niveau (stratégique) des hauts responsables, le directeur des Services de l’emploi du Commonwealth gère les services liés à l’emploi. Les YAC ne constituent qu’une petite partie de son travail. Les responsables des YAC sont généralement des fonctionnaires de rang inférieur (comme le prouve leur jeune âge – ils paraissent tous se situer autour de la trentaine). Il semble donc que le travail concernant le passage de l’école à la vie active ne soit pas considéré comme important ou prioritaire. 84 – Les YAC s’orientent vers une gestion par cas, plutôt que de toucher un large public. En d’autres termes, ils concentrent leurs efforts sur un nombre réduit de jeunes, chômeurs de longue durée ou susceptibles de le devenir. Partie I : AUSTRALIE – Certains personnels des YAC résistent à ce changement d’approche et considèrent comme utile le travail qu’ils accomplissaient auprès d’un grand nombre de jeunes et en relation avec des écoles et d’autres organismes. On leur demande maintenant de suivre étroitement l’évolution d’un petit nombre de jeunes à problèmes. – Le travail de gestion par cas est également proposé à des organismes locaux, de sorte que les YAC vont se trouver en concurrence avec des prestataires privés. Les autorités s’efforcent de réduire leurs coûts, et si les YAC perdent du terrain au profit de ces services privés, leurs effectifs seront réduits. – Le changement d’orientation des YAC est intervenu après la publication d’un rapport très critique sur le DEETYA et les services qu’il fournit. Ce rapport concluait que le ministère se fixait un champ d’action beaucoup trop large et que les ambitions de son personnel étaient trop grandes, et recommandait de recentrer les objectifs. – A mesure que le volume de services généraux proposés aux jeunes se contracte, il en ira de même pour les activités de coordination associées et l’accent sera mis sur les jeunes risquant le plus d’être exclus définitivement du monde du travail. – L’administration actuelle de l’État a réduit des fonds disponibles pour l’éducation et les services sociaux et le budget de nombreux projets en faveur des jeunes à risque a été laminé, ce qui rend la coordination encore plus difficile. – La prestation des services est davantage intégrée au niveau du terrain. Visites des YAC Nous avons visité quatre YAC à Melbourne : Footscray, Brunswick, Preston Koori et Melbourne (centre ville). Ces quatre YAC sont implantés dans des zones relativement déshéritées du point de vue socioéconomique, abritant un pourcentage élevé de familles non anglophones, une population mouvante d’immigrants, dont un nombre important ont des revenus inférieurs à la moyenne. Ces quartiers bâtis sur les industries traditionnelles en déclin connaissent un taux de chômage supérieur à la moyenne et bon nombre de jeunes quittent l’école avant l’âge de 17 ans. Le YAC de Preston Koori dessert une population de jeunes aborigènes et est géré par des femmes aborigènes, plus âgées que le personnel des autres YAC visités. Le YAC de Melbourne (centre ville) est situé près de la gare et partage ses locaux avec le Service de santé des jeunes et le Centre d’information de la jeunesse. Ce regroupement des services permet de proposer des services intégrés à une population très nécessiteuse et offre au personnel d’autres organismes désireux d’étendre leurs services la possibilité de venir travailler avec les jeunes qui constituent la clientèle du Centre. Lors de notre visite s’y trouvaient des employés du ministère de la Sécurité sociale, du Centre pour la santé des adolescents et du Service juridique de Melbourne nord. Ces quatre YAC travaillent auprès de jeunes présentant des problèmes divers : absence de domicile fixe, santé, santé mentale, relations familiales. Cette situation nécessite de travailler en relation avec d’autres organismes et la concertation s’effectue dans le cadre de réseaux inter-services plutôt que par une approche intégrée (sauf dans le YAC du centre ville de Melbourne décrit ci-dessus). Fonctionnement Le rôle dévolu aux YAC par les autorités en 1991 est de faciliter la coordination au niveau local des services en direction des jeunes. Dans ce cadre, les YAC ont pour mission de : – élaborer des plans d’action en faveur des jeunes ; – déterminer les lacunes ; – établir des liens avec les autres prestataires de services ; – aider à l’élaboration de stratégies inter-services, et notamment de projets communs, pour résoudre les problèmes. 85 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE Leur vocation n’est pas de susciter une réforme sociale (réforme systémique), mais d’appliquer la politique sociale définie selon une approche descendante. Les liens sont souvent distendus entre les autorités centrales chargées d’élaborer les politiques et les organismes locaux. Par exemple, dans le cadre d’une initiative commune du ministère de la Sécurité sociale (DSS) et du DEETYA, des fonds du programme d’emploi et de formation (Jobs, Employment, Training – JET) ont été accordés à des actions de « conciliation familiale », un domaine qui n’est pas considéré comme une priorité par le personnel des YAC. De même, le personnel des YAC a souvent mal ressenti la nouvelle définition de ses activités et l’adoption de la gestion par cas, et au niveau local, l’évaluation des YAC n’a pas été bien acceptée. Les acteurs locaux estiment qu’il y a un manque de coordination des efforts de planification aux niveaux de la stratégie et de l’élaboration des politiques et que les relations sur le terrain et au niveau opérationnel sont meilleures. Il y a également des difficultés de relations et de coordination entre l’État et les autorités fédérales au niveau stratégique, et notamment des problèmes de double emploi. Les autorités ne financent pas des structures mais des programmes. Dans les quartiers nord-ouest de Melbourne, un programme de coordination des services en direction de la jeunesse avait été mis en place mais il a été abandonné. L’évolution de la politique et son orientation vers une gestion par cas « dans les bureaux » risque d’interférer avec la mission de coordination confiée aux YAC à l’origine. « La coordination n’est plus une priorité. Actuellement, la préoccupation principale est la gestion par cas. L’accent est désormais mis uniquement sur les résultats. » Cependant, les YAC que nous avons visités ne s’orientent que très lentement vers une gestion par cas et continuent à participer à des activités de travail en réseau telles que la participation à des réunions communes avec les divers organismes locaux concernés, et utilisent leurs réseaux pour résoudre les multiples problèmes auxquels sont confrontés les jeunes ciblés. Ainsi, ils participent à des projets pour venir en aide à des jeunes sans-abri en collaboration avec des organismes publics et des associations pour leur fournir conseils et aide matérielle. La mission du YAC du Preston Koori diffère un peu de celle des autres en ce sens qu’il dessert une population de jeunes aborigènes et est fortement enraciné dans la communauté aborigène locale. Il est co-financé par trois services du DEETYA. Son personnel s’efforce d’atteindre le plus grand nombre possible de jeunes et concentre ses efforts sur un travail d’action sociale et d’assistance psychopédagogique, plutôt que de mettre l’accent sur la recherche d’emplois pour les jeunes. Cependant, le Centre travaille en collaboration avec des établissements scolaires et oriente les jeunes aborigènes vers d’autres services, comme par exemple un programme LEAP (travail lié à l’environnement) ayant un pôle d’intérêt aborigène. Les jeunes sont également encouragés à profiter de bourses comme celles offertes par le programme ABSTUDY, qui leur permet de poursuivre leurs études. Le personnel du centre travaille dans la communauté aborigène et s’emploie énergiquement à encourager les jeunes à intégrer l’enseignement supérieur, en organisant par exemple des visites à l’Université. Plus que les autres centres, le YAC de Preston Koori s’efforce de proposer un cadre informel et accueillant. Les deux personnes qui y travaillent sont aborigènes, ainsi que l’employé détaché des Services de l’emploi du Commonwealth dont le bureau est situé dans le centre. Comme nous l’avons mentionné précédemment, le YAC de Melbourne (centre ville) est le seul des quatre à partager ses locaux avec d’autres services. Il a été créé en 1990 par le bureau central du DEETYA à Canberra à titre expérimental pour évaluer les conséquences d’un regroupement de services. Le financement de départ a été assuré par Canberra, le YAC devant axer ses efforts sur les jeunes sans-abri. Les locaux abritent également un Centre d’information de la jeunesse et des Services sanitaires et sociaux locaux, ce qui permet aux jeunes d’avoir accès à divers services en un seul et même lieu. 86 Le groupe ciblé est celui des jeunes de 15 à 20 ans sans-abri ou en situation de précarité, l’objectif à long terme étant leur insertion dans la vie professionnelle. La plupart des jeunes accueillis ne se rendent pas compte qu’ils ont affaire à trois organismes différents, ceux-ci s’efforcent en effet de préserver un système ouvert. Les jeunes concernés peuvent être classés en deux catégories : ceux qui sont à la rue depuis longtemps et ceux en situation d’urgence. Partie I : AUSTRALIE Les jeunes à la rue depuis longtemps sont âgés de 12 à 21 ans. Ils ont été placés, ont fait de la prison, ont quitté l’école de bonne heure et sont peu alphabétisés. Ils dépendent de l’aide sociale et sont quotidiennement confrontés à des problèmes de violence, de drogue et d’alcool. Ils ont tendance à se regrouper en bandes. Ceux qui sont en situation d’urgence sont susceptibles d’entrer en contact par téléphone, ou d’avoir été orientés vers le centre par leur école ou un ami. En général, ils viennent juste de quitter le domicile familial et ne connaissent pas les services sociaux. Ils sont souvent encore à l’école. L’objectif est de leur trouver un logement à long terme, une aide financière, et d’éviter qu’ils s’installent dans cette situation. Le personnel du centre provient des trois services et est constitué d’assistants sociaux, de médecins, d’infirmiers, de psychologues, de fonctionnaires du DEETYA et de la sécurité sociale. Le YAC compte un directeur et trois employés à temps plein. Il s’agit d’employés expérimentés des Services de l’emploi du Commonwealth. Le YAC avait besoin de personnel qualifié et est entré en conflit avec l’administration qui envoyait des spécialistes mais qui étaient incapables de s’adapter à cette nouvelle façon de travailler. Les Services de santé des jeunes assurent des permanences et emploient un personnel à temps partiel. Un coordinateur y travaille, ainsi que deux infirmiers. Les médecins viennent tenir des permanences. Le service compte également un psychiatre et un infirmier psychiatrique. Le Centre d’information de la jeunesse fonctionne avec un coordonnateur et deux éducateurs à temps plein. En plus d’assurer un suivi individuel des jeunes, ils travaillent également en collaboration avec les écoles et des groupes de jeunes. Le directeur du YAC estimait que pour mettre en place un tel système, il est indispensable que les responsables de chacun des services concernés sachent à quoi ils s’engagent. Pour ce projet, les trois organismes partenaires ont mis en place des protocoles communs. L’avantage pour les jeunes est qu’ils ont accès à un large éventail de services rapidement et efficacement. Mais pour les employés et les cadres, la situation est plus compliquée et il a fallu élaborer de nouvelles méthodes de travail en commun. Il existe un accord informel pour le partage des ressources (télécopieur, photocopieuse, etc.). La configuration du projet ne pose pas de problèmes structurels, mais il y a parfois des heurts entre les personnes. De plus, l’absence de structure est problématique et il y a parfois des problèmes de respect de la confidentialité (notamment pour le personnel des services de santé). Il n’a pas été défini de grandes lignes permettant de confronter les résultats obtenus à un modèle théorique. Actuellement, les trois échelons de l’administration s’entendent de façon informelle, mais il est nécessaire d’établir un protocole d’accord. En effet, en l’absence de celui-ci, il est difficile de mettre en place un modèle et d’évaluer les atouts et faiblesses d’un tel système. Conclusion Le rôle des YAC dans la coordination des services en direction des jeunes Dans l’ensemble, l’impression est que le rôle des YAC est d’abord de mettre en place des réseaux pour faciliter l’accès des jeunes à un large éventail de services. Il n’y a pas d’intégration des services et, sauf au YAC de Melbourne centre, pas de regroupement dans des locaux communs. Nous n’avons pas pu discuter avec les employés des autres organismes de leurs relations avec les YAC et notre analyse s’appuie essentiellement sur les déclarations des directeurs des YAC. On pourrait penser qu’étant donné la complexité de l’organisation des services, et la répartition des responsabilités entre les trois échelons de l’administration, le rôle centralisateur et coordonnateur confié aux YAC constitue la meilleure approche, celle qui permet d’apporter un soutien global aux jeunes chômeurs. Cependant, il n’a pas été possible de vérifier le bien-fondé du statut de « personne à risque » accordé aux jeunes accueillis dans les YAC. Celui-ci est considéré uniquement du point de vue du chômage. Les autres problèmes, tels que l’absence de domicile fixe ou la toxicomanie, ne sont considérés que comme des aspects de la question devant être réglés pour permettre au jeune de trouver et de conserver un 87 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE emploi. Les autres organismes pourraient estimer qu’il n’est pas toujours approprié de mettre l’accent sur la capacité à trouver un emploi, mais nous n’avons pas pu confirmer ou infirmer une telle hypothèse. De plus, les changements intervenus récemment dans le mode de prestation des services ont été ressentis par les cadres et le personnel comme susceptibles de limiter l’importance du travail en réseau et de l’extension des services, le personnel concentrant ses efforts sur la gestion par cas des jeunes jugés comme étant les plus à risque. Mais il se pourrait justement que ces jeunes soient ceux ayant le plus besoin d’une approche intégrée de leur problèmes. L’ARMÉE DU SALUT : LE RÉSEAU CROSSROADS DE SOUTIEN ET D’AIDE AU LOGEMENT Introduction Le réseau Crossroads est constitué d’un certain nombre de projets visant les personnes sans-abri. L’objectif est de leur trouver un logement mais aussi de régler les différents problèmes auxquels ces personnes sont généralement confrontées. Les informations ci-après sont tirées d’un rapport sur le projet Crossroads et de discussions avec les responsables du projet (McDonald, 1993). Les services proposés incluent : • Services d’urgence : – l’aiguillage pour l’obtention d’informations ; – l’échange de seringues ; – l’aide matérielle ; – le logement d’urgence. • Hébergement : – programme de meublés ; – logements familiaux ; – logements pour jeunes adultes ; – soutien juridique aux jeunes ; – hébergement spécialisé pour les jeunes ; – foyers pour les jeunes. • Emploi : – trois programmes concernant le marché du travail. • Formation : – trois programmes de formation Skillshare ; – service de placement. Input L’Armée du Salut se définit comme « une organisation non gouvernementale pluridisciplinaire travaillant à moyenne et grande échelle ». Son budget annuel est de 5.8 millions de dollars. Bien qu’ils travaillent avec un certain nombre d’autres services, dont la sécurité sociale et des services de conseil juridique, la plupart des employés sont salariés de l’Armée du Salut. Fonctionnement 88 Le fonctionnement de l’organisation est décrit dans une brochure intitulée « Sans-abri – une approche intégrée » (« Homelessness – An Integrated Response »). Elle gère un Centre d’urgence dans le quartier de St Kilda, un quartier déshérité de Melbourne, où les sans-abri peuvent obtenir une aide socio-psychologique en cas de crise, un soutien d’urgence et une assistance financière. L’Armée du Partie I : AUSTRALIE Salut dirige également le plus grand centre d’échange de seringues de l’État du Victoria. Le centre est ouvert sept jours sur sept. Le centre d’hébergement d’urgence de St Kilda propose un hébergement d’urgence, des conseils juridiques et une aide aux jeunes de 15 à 30 ans et aux familles sans-abri. Le centre les aide également à obtenir un logement sûr, stable à long terme en les intégrant à ses programmes de logement à plus long terme, qui visent différents groupes : les familles, les célibataires, les jeunes et les sans-abri de longue date. Il met également à disposition un foyer pour les jeunes de 16 à 20 ans afin de les aider à vivre de façon indépendante, et propose un service d’aide aux jeunes de 13 à 16 ans sous le coup d’une décision de justice, pour leur permettre de se réconcilier avec leur famille ou les placer dans un environnement favorable. Dans le cadre de ce travail auprès des sans-abri ou des personnes menacées de le devenir, la priorité est accordée à l’obtention d’un logement sûr à long terme. Un autre volet du projet Crossroads est de faciliter l’accès à la formation et à l’emploi. L’Armée du Salut gère ainsi trois sociétés permettant d’offrir des emplois aux personnes en difficulté : une fabrique de meubles baptisée « This Way Up », une entreprise de nettoyage et un magasin de détail. Chaque semaine, ces trois structures accueillent 65 jeunes à risque ou sans-abri pour un emploi ou une formation. Ces programmes bénéficient d’une aide financière du DEETYA. Est également proposé un programme de formation Skillshare destiné aux chômeurs de longue durée dans les domaines suivants : menuiserie, restauration de meubles, travail de bureau, informatique, restauration et métiers de l’accueil. Les installations de ce programme sont financées par le DEETYA. Le réseau Crossroads permet également à des jeunes ayant abandonné leurs études de poursuivre leur formation. Un projet de placement permet aux jeunes d’acquérir une expérience de travail et accorde un soutien à ceux qui ont trouvé un emploi et à leurs employeurs. Un club d’entraide pour chômeurs propose un stage intensif de trois semaines pour les personnes à la recherche d’un emploi. Les aumôniers de l’Armée du Salut proposent également une aide et des conseils aux personnes en difficulté dans le cadre du réseau Crossroads. L’Armée du Salut est membre d’un certains nombre d’organisations locales telles que : le Groupe de protection de l’enfance de la région ouest, les Services psychiatriques pour adolescents de la région ouest, le Conseil en faveur des sans-abri, les Services régionaux aux handicapés, le Forum des familles sans-abri de l’État du Victoria et le Groupe des personnes doublement handicapées du Victoria. Un certain nombre d’intervenants dans le projet Crossroads ont été détachés par d’autres organismes. Ainsi, le Royal Children’s Hospital fournit un psychologue et l’institut de formation technique et continue de Broadmeadows, un enseignant. Crossroads considère de son devoir de proposer un soutien et une formation aux autres organismes travaillant dans le même domaine. Il organise des stages de formation pour les professionnels d’autres services et propose également des places en formation pour les clients d’autres organismes et un accès préférentiel aux clients d’autres services travaillant en direction des sans-abri. Ainsi, dans leur action auprès des personnes sans-abri et en situation de crise, les personnels de Crossroads sont amenés à travailler avec divers organismes. Il est clair qu’ils rendent des services inestimables aux personnes en grande difficulté. Cependant, leur conception de l’intégration des services est essentiellement axée sur le réseau intégré d’aide du projet Crossroads qui leur permet de résoudre les multiples problèmes auxquels sont confrontés leurs clients. Malheureusement, une telle coordination des services est beaucoup plus difficile à mettre en place lorsque l’on a affaire à des organismes distincts. 89 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE CONCLUSION Les autorités fédérales et l’État du Victoria soutiennent activement les projets coordonnés d’intervention auprès de l’enfance à risque. Cependant, s’ils sont responsables du financement, les décisions sur les services à fournir sont souvent prises au niveau local. Cette approche s’inscrit dans la politique d’éducation de l’État, qui vise à accorder de plus grandes responsabilités aux établissements scolaires en matière de gestion. Les projets permettant une réelle souplesse au niveau local, comme le projet STAR, sont bien accueillis et répondent efficacement aux besoins des enfants défavorisés. Les écoles du Victoria mettent l’accent sur les résultats scolaires mais sont également très actives en ce qui concerne le bien-être des élèves (qui est un déterminant de la réussite scolaire). Des travailleurs sociaux travaillent souvent dans les établissements scolaires et les enseignants jouent également un rôle actif dans ce domaine. D’ailleurs, nombre d’entre eux ont été formés sur le sujet. Ils sont souvent désireux de travailler directement avec les enfants à risque, mais aussi avec d’autres professionnels spécialistes en la matière. Les YAC du Victoria jouent un rôle important en aidant les jeunes défavorisés à la recherche d’un emploi. Ils sont également chargés d’encourager les réseaux existants de services coordonnés ou d’en créer, le cas échéant. Cependant, ils sont parfois perçus comme des concurrents par d’autres organismes. Si leur succès est mitigé, il semble cependant qu’une plus grande coopération entre les autorités fédérales, celles de l’État et les autorités locales responsables des YAC permettrait d’en faire un instrument efficace au service des jeunes chômeurs. 90 Partie I : AUSTRALIE RÉFÉRENCES BUDD, N. et CAMERON, M. (1994), National Survey of Client Satisfaction with Youth Access Centres (YACs), December 1993 – March 1994, ministère de l’Emploi, de l’Éducation et de la Formation, Canberra. McDONALD, P. (1993), Confronting the Chaos. A Report of the SANS Project, Armée du Salut, Melbourne. WALLER, V. (1992), Review of the Interim Co-ordination Role of Youth Access Centres (YACs), ministère de l’Emploi, de l’Éducation et de la Formation, Canberra. 91 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE AUSTRALIE-MÉRIDIONALE UN PIONNIER DANS LA MISE EN PLACE DE STRUCTURES EFFICACES POUR L’INTÉGRATION DES SERVICES par Mary Lewis et Lucienne Roussel INTRODUCTION Le voyage d’étude dans l’État d’Australie-Méridionale a permis d’aborder cinq aspects essentiels de l’intégration des services : 1) les programmes spécifiques visant les jeunes défavorisés mis en œuvre conjointement par les autorités fédérales et celles de l’État ; 2) les centres d’information et d’orientation pour les jeunes ; 3) le système d’orientation inter-organismes mis au point en AustralieMéridionale pour coordonner les services en direction des 5 pour cent de jeunes nécessitant une approche pluridisciplinaire ; 4) les stratégies élaborées par des établissements scolaires pour lutter contre les inégalités et prévoyant une intégration des services, et 5) les mesures prises par le Conseil de district de Murat Bay pour coordonner le travail avec la communauté aborigène. Nous avons été accueillies par le ministère fédéral de l’Emploi, de l’Éducation, de la Formation et de la Jeunesse, et le ministère de l’État d’Australie-Méridionale chargé de l’Éducation et des Services à l’enfance (DECS). Le partenariat entre ces deux instances constitue un excellent exemple de coordination et d’intégration des services en faveur des jeunes défavorisés susceptibles d’abandonner prématurément l’école sans qualifications professionnelles et de se trouver confrontés à un chômage de longue durée et à la pauvreté. En application de politiques explicites en faveur de la jeunesse élaborées dans une perspective de justice sociale, divers organismes sont amenés à collaborer pour apporter des solutions globales au problème des inégalités scolaires. PROGRAMMES DU DEPARTMENT OF EMPLOYMENT, EDUCATION, TRAINING AND YOUTH AFFAIRS 92 Depuis 1987, le DEETYA coordonne dans ces différents domaines les politiques visant à restructurer et à rationaliser les programmes nationaux en faveur de la main-d’œuvre pour répondre à l’évolution des besoins des entreprises, aider les groupes défavorisés à trouver un emploi et améliorer l’efficacité du marché du travail. Le Programme de justice sociale en faveur des jeunes propose diverses approches pour compenser les inégalités scolaires. L’une d’elles est la Stratégie nationale pour l’équité à l’école (National Strategy for Equity in Schooling), élaborée pour faciliter la scolarisation des élèves issus de six groupes dont la participation et les résultats scolaires sont nettement inférieurs à ceux de la population dans son ensemble. Il s’agit : – des élèves handicapés ou présentant des difficultés cognitives et/ou des troubles affectifs et comportementaux ; – des élèves susceptibles d’abandonner les études ; – des élèves de milieux socio-économiques défavorisés ou vivant dans la pauvreté ; – des élèves aborigènes et insulaires du détroit de Torrès ; – des élèves de familles non anglophones nécessitant une aide pour l’apprentissage de l’anglais ; – des élèves isolés du point de vue géographique (Ministerial Council on Education, Employment, Training and Youth Affairs, 1994). Partie I : AUSTRALIE Le projet STAR (Students at Risk), lancé en 1990, est un autre exemple d’initiative fédérale. Son objectif est d’élaborer, dans des écoles publiques, des programmes spécifiques pour encourager certaines catégories d’élèves susceptibles de « décrocher » à poursuivre et achever leurs études secondaires. Les filles sont plus particulièrement visées, car elles sont les plus nombreuses à quitter l’école sans perspective d’emploi. Dans le cadre du projet STAR, 13 établissements ou groupements d’établissements secondaires d’Australie-Méridionale ont bénéficié de subventions. D’après les recherches, les élèves bénéficiaires des programmes STAR avaient vécu une ou plusieurs des situations suivantes, ce qui avait influé sur leur scolarité : pauvreté, maltraitance, absence de domicile fixe/de vie familiale, instabilité familiale, harcèlement sexuel, racisme, grossesse ou responsabilités parentales, perte d’un être proche, responsabilités familiales et interruptions prolongées de la scolarisation (Paterson, 1993). Le DEETYA gère également sur tout le territoire un réseau d’environ 128 YAC proposant aux jeunes de 15 à 20 ans ou plus âgés, des services spécialisés : orientation vers différents services, information sur les prestations sociales et aides disponibles en matière d’emploi, d’éducation et de formation. Les YAC ont fait l’objet de nombreuses évaluations qui ont, dans l’ensemble, été positives. Les aspects susceptibles d’être améliorés ont été répertoriés et des modifications sont en cours (Budd et Cameron, 1994). De nombreux YAC sont situés dans les locaux des Services de l’emploi du Commonwealth, mais certains ont été implantés de façon à attirer les jeunes les plus défavorisés et exclus. Grâce à des services de gestion au cas par cas, les jeunes ayant quitté l’école sans qualification, se trouvant au chômage ou étant confrontés à diverses difficultés, reçoivent une aide personnalisée leur permettant de s’orienter dans le labyrinthe de l’administration et de percevoir des prestations. N’importe quel jeune inscrit depuis trois mois auprès des Services de l’emploi peut bénéficier de ces services. Ce délai a été instauré car de nombreux jeunes sont susceptibles de le mettre à profit pour trouver un emploi ou de résoudre leurs problèmes. Cependant, les groupes à risque répertoriés, tels que les aborigènes, les sans-abri, les personnes handicapées, les minorités non anglophones, les élèves non assidus à l’école et ceux ayant terminé leur études avant la seconde, peuvent obtenir une aide immédiate. Outre l’aide à l’emploi ou à la formation, les YAC fournissent également une aide concrète dans des domaines tels que le logement, la santé et l’obtention de prestations sociales, telles que l’aide financière. AUSTUDY, prestation soumise à conditions de ressources, est accordée aux élèves pauvres âgés de 16 ans ou plus et aux jeunes sans-abri entreprenant des études secondaires ou supérieures à temps plein dans certaines filières. Il existe un programme analogue, baptisé ABSTUDY, en faveur des aborigènes et insulaires du détroit de Torrès. Les YAC ont été conçus comme des lieux d’accueil autant que comme des centres de référence technique. Au niveau local, les YAC sont chargés de coordonner les services en direction des jeunes, « encourager plutôt que diriger le processus de coordination entre les instances gouvernementales et les organismes locaux, en acceptant le rôle légitime que les collectivités locales et la communauté peuvent jouer » (Waller, 1992, p. 5). Cependant, ce rôle de coordonnateur joué par les YAC varie considérablement d’une localité à une autre. Nous avons visité deux YAC en Australie-Méridionale. L’un, situé dans un centre commercial moderne et intégré aux Services de l’emploi (CES), dessert les communes de Salisbury et Woodville, qui abritent d’importantes communautés non anglophones. Sur ce site, une division des CES (baptisée Employment Assistance Australia) propose des services individualisés aux jeunes de 18 ans et plus. Le YAC centre son action sur les jeunes de moins de 18 ans remplissant les conditions requises pour les stages « Initiative de formation des jeunes » (Youth Training Initiative – YTI) – initiative qui permet d’avoir accès à des services individualisés plus rapidement qu’auparavant – et pour l’Allocation formation des jeunes (Youth Training Allowance – YTA), modulée selon trois tarifs en fonction des conditions de vie des bénéficiaires. La directrice des Services de l’emploi du Commonwealth a souligné la nécessité d’une aide en faveur de la jeunesse, rendue urgente par la grave crise qui affecte le pays depuis 1991 et a rappelé que dans l’État d’Australie-Méridionale, 30 pour cent environ des jeunes étaient au chômage depuis plus de deux ans. En compagnie du responsable des dossiers du YAC, elle a évoqué leurs efforts pour créer des liens avec les entreprises et les autres organismes prestataires de services du secteur. Ils sont en relation avec sept établissements secondaires et une école expérimentale, et leur proposent des cassettes vidéo sur différentes possibilités d’emploi, informent le personnel de ces établissements des 93 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE programmes qu’ils mettent en place et travaillent à l’extension de leurs services pour faire connaı̂tre les possibilités de formation ouvertes par la récente YTI. Les liens avec l’institut de formation technique et continue (TAFE) sont essentiels pour la mise au point de programmes de formation adaptés aux conditions locales. Un psychologue du travail propose divers services tels que des tests pour des emplois sur des chaı̂nes de montage. Les tests peuvent être réalisés à l’intention des entreprises qui en font la demande. L’une des stratégies adoptées est de proposer aux entreprises un service de recrutement gratuit si elles acceptent d’embaucher un certain nombre de jeunes défavorisés. L’affichage des offres d’emploi sur des panneaux mis à la disposition de tous est un service proposé gratuitement aux entreprises dans tout le pays. Celles-ci peuvent également s’informer sur les programmes de subventions et de formation. Par exemple, dans le cadre de certains programmes de gestion du marché du travail, sont proposées des consultations avec un psychologue clinicien ou un spécialiste du suicide dans les secteurs confrontés à des taux élevés de suicide parmi les jeunes. Le DEETYA dispose d’un programme d’intervention spécial (Special Intervention Programme – SIP) doté d’un budget souple permettant de financer des projets individuels ou locaux sur mesure. Ainsi, dans le cadre de ce programme, un jeune a pu bénéficier d’une aide financière pour réparer sa voiture, qui lui était indispensable pour continuer à travailler. Des fonds ont également été utilisés pour adapter des locaux et faciliter l’emploi de jeunes handicapés. L’Annexe des jeunes de Salisbury, un projet éducatif particulier décrit ci-après a, lui aussi, bénéficié d’une aide du SIP. La directrice des Services de l’emploi souligne la position stratégique des Services de l’emploi et des YAC dans les négociations entre les instances fédérales, des États, locales et les entreprises de la région. Elle travaille en collaboration étroite avec le département fédéral du Logement et du Développement régional, les entreprises, les syndicats, les collectivités locales et les organismes à caractère éducatif pour promouvoir le développement industriel et commercial et mettre en place une Commission régionale de l’éducation, de la formation et de l’emploi pour le secteur nord d’Adélaı̈de (NAREET). D’autres actions sont également menées en coopération au niveau régional pour trouver des solutions spécifiques aux problèmes des jeunes chômeurs : 1) le premier programme scolaire pour la création d’entreprise par les jeunes, dans le cadre duquel de jeunes chômeurs défavorisés acquièrent les compétences nécessaires à la création d’une petite entreprise et reçoivent une aide pour concrétiser leurs projets et créer de vrais emplois (par exemple, stands de vente de sandwiches sur les terrains de base-ball) ; 2) des programmes de formation en mécanique automobile et en informatique pour les jeunes qui passent parfois jusqu’à trois ans dans des centres de détention ; et 3) un Service de réinsertion des délinquants permettant à des délinquants de tous âges d’élaborer des plans de carrière à court terme. Le responsable des dossiers du YAC dirige une équipe de trois conseillers et a récemment été élu président d’un réseau informel de travail en direction des jeunes auquel siègent des personnels de divers organismes et dont l’objectif est de fournir à ceux travaillant auprès des jeunes une formation et des informations sur les ressources disponibles. Les membres du réseau se réunissent tous les trois mois. Un comité exécutif se réunit une fois par mois pour gérer les fonds versés par le programme de lutte contre la délinquance de l’État. La directrice des Services de l’emploi insiste sur le fait qu’il est indispensable de travailler en réseau pour se tenir au courant des changements dans les services disponibles et pour trouver les solutions les mieux adaptées en matière d’organisation afin de s’adapter à la décentralisation en cours et aux réductions budgétaires dans plusieurs grands organismes fédéraux. L’autre YAC visité est situé à Port Adélaı̈de, une partie de l’agglomération qui détient le pourcentage le plus élevé de population vivant exclusivement de l’aide sociale. Port Adélaı̈de est dotée d’un Conseil local et fonctionne davantage comme une commune rurale. Le YAC n’est pas situé dans les locaux des Services de l’emploi, et dessert une population multi-culturelle et aborigène en coopération avec les établissements scolaires et instituts d’éducation technique et continue du district. L’AUSTRALIE-MÉRIDIONALE ET SA POPULATION 94 L’Australie-Méridionale est l’un des six États et deux Territoires qui constituent l’État fédéral australien. Située au centre sud du pays, elle a la réputation d’être « l’État le plus dur et le plus sec du Partie I : AUSTRALIE plus aride des continents peuplés de la terre » (Fodor’s, 1995, p. 353). Le pays et chacun des États sont dotés d’un régime parlementaire. Près de 99 pour cent de la population d’Australie-Méridionale est concentrée sur une région fertile autour d’Adélaı̈de, la capitale de l’État. La moitié nord de l’État n’a pratiquement pas changé depuis l’arrivée des premiers colons en Australie. Les documents qui nous ont été remis font état d’une population d’environ 1.5 million d’habitants, dont 29 pour cent sont âgés de moins de 29 ans. Cependant, l’Australie-Méridionale connaı̂t à la fois la croissance démographique la plus rapide et le pourcentage de personnes âgées le plus important de tous les États australiens. Dix pour cent des habitants sont nés à l’étranger et environ 15 pour cent ont une langue maternelle autre que l’anglais. Les aborigènes et insulaires du détroit de Torrès constituent environ 1 pour cent de la population totale de l’État, 1.5 pour cent dans la partie nord, et 0.6 pour cent dans la partie sud, une proportion plus élevée que dans les autres États. En mars 1995, le taux de chômage était de 10.3 pour cent dans l’État, contre 8.7 pour cent pour l’ensemble de l’Australie. Chez les familles monoparentales d’Australie-Méridionale, le taux de chômage est d’environ 18 pour cent. D’après les statistiques, 21.1 pour cent des demandeurs d’emploi de la partie nord et 14.4 pour cent de ceux de la partie sud sont des parents isolés avec des enfants à charge. Le chômage touche davantage les personnes d’origine étrangère et les aborigènes connaissent, quant à eux, des taux de chômage trois fois plus élevés que la moyenne. Les enfants à risque du point de vue éducatif sont bien souvent issus de ces familles. L’agriculture est la principale activité de l’Australie-Méridionale, qui compte 18 600 entreprises agricoles, mais 25 pour cent d’entre elles emploient moins de cinq personnes. La plupart des emplois se trouvent dans les services communautaires (20.9 pour cent), le commerce de gros et de détail (18 pour cent), l’industrie manufacturière (12.4 pour cent) et la finance, l’immobilier et les services aux entreprises (10.9 pour cent). La répartition entre les différentes catégories socioprofessionnelles varie entre les deux régions. Ainsi, au sud, où se trouvent la plupart des grandes villes, les pourcentages de cadres supérieurs (12.8 pour cent), de professions libérales (14 pour cent), d’employés de bureau (14 pour cent) et de vendeurs (14.5 pour cent) sont à peu près équivalents. En revanche, dans le nord, on trouve peu d’emplois de direction et de gestion (10.8 pour cent) et d’avantage d’ouvriers non qualifiés (14.5 pour cent, contre 11.7 pour cent dans le sud). De même, le pourcentage de professions libérales est plus faible (9 pour cent au lieu de 14 pour cent). SYSTÈME ÉDUCATIF En Australie, ce sont les États qui sont chargés de l’administration et du financement du système éducatif et celui-ci varie d’un État à l’autre. Cependant, en 1989, le ministère fédéral de l’Éducation et les responsables des systèmes éducatifs des États et des Territoires ont signé la convention de Hobart définissant dix objectifs nationaux pour les établissements scolaires australiens, instituant ainsi un effort de collaboration national. Depuis, un cadre national a été mis en place pour les programmes scolaires pour huit grands thèmes d’étude. Outre les écoles publiques, l’État compte également deux organisations d’écoles indépendantes, l’association catholique et une association de toutes les autres écoles indépendantes. Dans l’ensemble du pays, les établissements privés représentent 25 pour cent des écoles et accueillent 28 pour cent de la population scolaire (DEETYA, 1993). En AustralieMéridionale, environ 10 pour cent des élèves fréquentent des établissements privés. L’État d’AustralieMéridionale assure le financement du système éducatif, écoles privées incluses, à hauteur d’environ 90 pour cent. Les écoles privées doivent respecter les normes définies par l’État et peuvent percevoir des droits d’inscription. Dans l’ensemble des États, le système éducatif est divisé en quatre niveaux : préscolaire, primaire, secondaire et post-secondaire. La scolarité est obligatoire jusqu’à 15 ans, c’est-à-dire après la seconde. Les élèves qui souhaitent s’orienter vers des études supérieures doivent encore effectuer deux années supplémentaires. En Australie-Méridionale, le système éducatif comporte une année préparatoire pour les enfants de 5 ans, le jardin d’enfants, qui n’est pas obligatoire, mais qui est largement fréquenté. Les associations bénévoles locales jouent un rôle important dans la création et la gestion de ces jardins d’enfants. Les premiers jardins d’enfants publics ont été implantés dans les quartiers défavorisés, puis dans les zones à forte population où ils étaient absents ou inadaptés, et enfin dans les zones rurales 95 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE isolées. L’école primaire s’étale sur sept ans et le secondaire sur cinq ans. Les jardins d’enfants, écoles primaires et secondaires publics sont gratuits pour les citoyens australiens et les résidents permanents, mais une participation financière peut être demandée pour les manuels scolaires et l’utilisation des équipements scolaires. Une caractéristique importante de l’enseignement post-secondaire concernant plus particulièrement les jeunes à risque est l’existence d’instituts de formation technique et continue (TAFE) qui proposent un large éventail de formations pour les élèves quittant l’école après la seconde, notamment des formations professionnelles ou paraprofessionnelles, à temps plein ou à temps partiel, sanctionnées par des brevets ou certificats. Les cours théoriques peuvent être complétés par une expérience pratique, dans le cadre d’un apprentissage par exemple. Ces instituts sont financés par l’État (85 pour cent) et les autorités fédérales (15 pour cent). Bien que ces établissements soient gérés au niveau des États, les certificats sont définis dans le cadre d’une nomenclature nationale instituée en 1989. Le ministère de l’Éducation et des Services à l’Enfance (DECS) d’Australie-Méridionale a fixé des objectifs de résultats dans le cadre de son programme triennal de justice sociale lancé en 1992, qui spécifiait qu’en plus des catégories d’élèves à risque définies par les autorités fédérales, les groupes suivants devaient être ciblés : enfants maltraités, adolescentes enceintes ou mères, élèves de familles nomades. Un des objectifs était d’augmenter de 15 pour cent l’assiduité des aborigènes et des élèves détenteurs d’une carte scolaire (enfants issus de familles à faibles revenus recevant une petite aide financière pour leur scolarité) : dans certains établissements, notamment dans les zones urbaines, cette dernière catégorie représente jusqu’à 66 pour cent des élèves. D’après les statistiques, en août 1991, seules trois écoles dans tout l’État ne comptaient aucun détenteur de carte. Ceux-ci sont environ 67 500. Un autre objectif était une progression de 20 pour cent du nombre de ces élèves poursuivant leur scolarité jusqu’à la terminale. D’après les documents qui nous ont été remis, le taux de participation jusqu’à la terminale est en progression régulière dans l’État d’Australie-Méridionale et était de 86.3 pour cent en 1993 : 89.7 pour cent pour les filles et de 83.0 pour cent pour les garçons. Le pourcentage le plus élevé jamais enregistré a été de 92.7 pour cent en 1992. 96 Le langage et les actions du DECS en faveur des enfants et jeunes en difficultés sont imprégnés des notions de justice sociale. Ainsi, le terme officiel « d’encadrement des comportements » remplace les « mesures disciplinaires » utilisées dans de nombreux endroits. Ce terme implique qu’il y a des raisons à une mauvaise conduite, et que l’élève et l’enseignant ont tous deux besoin d’une aide pour comprendre et traiter les difficultés sous-jacentes. Le DECS propose aux personnels des établissements scolaires un programme d’aide à l’encadrement des comportements pour faire face aux élèves difficiles dans les contextes les plus défavorisés. Dans le cadre de ce programme, 80 conseillers fournissent une aide socio-psychologique avant que l’enfant ne soit signalé à des services extérieurs à l’école. Fueloep (1995) note qu’actuellement, l’attention se porte sur un groupe réduit d’élèves au comportement violent et imprévisible, qui ne sont pas psychotiques mais très perturbés et pour lesquels les structures et les compétences professionnelles existantes ne sont pas adaptées. Les conseillers tentent de les répertorier et de leur venir en aide plus précocement, car ils sont susceptibles de présenter rapidement des troubles du comportement, même si jusqu’à présent il n’a pas été nécessaire de les exclure définitivement de l’école, et s’ils gardent le contact avec l’institution. Sweetman (1995) les décrit comme des absentéistes passifs ou actifs, des jeunes confrontés à de grandes difficultés en dehors de l’école (pauvreté, maltraitance, toxicomanie, délinquance proche du crime, mères adolescentes ou familles en crise). Près de 50 000 jeunes sont menacés de devenir des sans-abri. Le programme mis au point par Sweetman permet, lorsqu’ils sont identifiés, le recours à une personne, généralement un enseignant, qui réagit rapidement et cherche les ressources nécessaires pour maintenir le jeune à l’école et éviter une dégradation de la situation. Généralement, un contrat est élaboré avec le jeune, qui prévoit l’assiduité aux cours et la réalisation de tâches éducatives conçues spécialement à son intention. Pour garantir le succès d’une telle approche, les directeurs d’établissement et enseignants reçoivent une formation sur les questions de justice sociale, qui doit leur permettre d’adopter une attitude positive face à ces élèves. En tant que directrice des programmes scolaires pour l’équité, Mme Sweetman est chargée de superviser la mise au point de matériel pédagogique reflétant l’expérience et les centres d’intérêt des élèves les plus défavorisés. Par exemple, certains cours Partie I : AUSTRALIE abordent la question de la naissance des inégalités sociales, montrent comment le harcèlement sexuel et la violence familiale sont liés à la notion de différence entre les sexes. Les fonctionnaires des Services en faveur de l’équité travaillent également avec la division des programmes scolaires pour s’assurer que l’ensemble du matériel éducatif prend en compte la spécificité de tous les élèves. Mme Sweetman est également chargée des projets STAR, du programme pour les régions rurales et des programmes pour les établissements défavorisés dans l’ensemble de l’État. Les écoles indépendantes ont la possibilité d’acheter les modules de formation mis au point par le DECS, mais elles l’utilisent rarement. D’après Sweetman (1995), les écoles catholiques « ont adhéré à la philosophie d’encadrement des comportements du DECS et l’ont adaptée suivant les règles du catholicisme ». D’après Dillon (1995), en principe, le programme d’encadrement des comportements incarne la réforme du système éducatif et le droit à la réussite pour tous les élèves. La nouvelle documentation en cours de rédaction met l’accent sur les programmes scolaires. Une scolarisation à domicile ou dans un établissement expérimental pourra être proposée aux élèves ne pouvant être accueillis dans les écoles ordinaires, et les services de divers organismes seront sollicités dans le cadre d’une approche pluridisciplinaire pour faciliter la réintégration à la vie scolaire normale. « Possibility 14 » est un exemple de cette scolarisation en alternance. Il s’agit d’un programme d’un trimestre accueillant sur la base du volontariat neuf élèves de 14 ans perturbant la vie scolaire et celle de la collectivité en général et qui ont épuisé les possibilités offertes par le DECS, les Services à la famille et à l’enfance et les dispositifs de la justice en faveur des mineurs. Si le programme scolaire correspond à celui d’un établissement secondaire précis, les participants ne sont pas en relation avec les élèves qui le fréquentent. Ils sont choisis par l’intermédiaire de la Procédure d’orientation interorganismes (Interagency Referral Process – IRP) décrite plus loin. Le programme est axé sur l’action et conçu pour stimuler l’estime de soi et susciter des vocations professionnelles. Par exemple, il y a des cours d’autodéfense, d’éducation à la santé et d’auto-valorisation, de kayak, de natation/plongée, d’escalade, d’aide à la prise de décision et à la résolution de problèmes, de secourisme, des cours de lecture, d’écriture et de mathématiques, d’informatique et de traitement de texte. Des efforts sont faits pour déterminer les centres d’intérêts des jeunes susceptibles de favoriser le choix d’un métier, et une journée par semaine est consacrée à une expérience de travail. Cette formation leur permet de prendre contact avec la vie active, de se préparer à un entretien d’embauche, d’acquérir une expérience et de reconnaı̂tre et combattre le harcèlement sexuel. Le programme est considéré comme emblématique de l’intégration des services car il a été créé à la base et financé par diverses instances dont le DECS, les YAC, les entreprises et l’église. Certains organismes proposent également des modules d’activités ou de formation. Ainsi, les cours d’éducation à la santé et d’auto-valorisation ont été assurés par les Services de santé mentale des enfants et adolescents (CAMHS). Les services de police proposent des activités permettant aux jeunes de considérer la police différemment, de découvrir certains aspects de son travail, et de participer à des tâches quotidiennes telles que nettoyer les écuries et s’occuper des chevaux. Les adolescents sont encadrés par trois personnes travaillant en équipe : un enseignant/ directeur, un conseiller et un responsable de l’encadrement des comportements. Des moniteurs bénévoles avaient été recrutés dans la communauté, mais en raison d’incidents, liés à leur désir de surprotection des jeunes, il a été décidé de ne plus faire appel à des bénévoles. Les meilleurs d’entre eux seront engagés, après une formation supplémentaire, et payés 12 dollars de l’heure plus les frais. D’après les évaluations réalisées, ce projet est un réel succès. Deux participants seulement ont abandonné et à la fin du projet, 80 pour cent des jeunes ont repris une scolarité normale. Certains trouvent un emploi ou poursuivent leur formation dans un institut de formation technique et continue ou dans le cadre d’un travail. Le projet est mixte. Les filles devraient être majoritaires dans la prochaine promotion et l’équipe sera renforcée par l’arrivée d’un travailleur social. Dans le cadre de ce projet, les jeunes ont également la possibilité de participer à une randonnée avec l’armée et la police, ce qui leur permet de découvrir le « jungle », la vie en groupe et le travail d’équipe, et de résoudre des problèmes dans des conditions extrêmes (franchir une rivière, une passerelle ou une clôture électrique en transportant du matériel, par exemple). Si l’avenir du financement est incertain, les responsables sont néanmoins optimistes et envisagent de proposer un programme analogue aux jeunes de 15 ans. 97 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE AUTRES PROGRAMMES D’AIDE A LA POURSUITE DE LA SCOLARITÉ MIS EN PLACE PAR LES ÉCOLES L’équipe d’aide aux élèves de la Paralowie R-12 School : une approche préventive 98 La Paralowie School a été classée parmi les écoles défavorisées, ce qui lui permet de bénéficier d’une subvention annuelle exceptionnelle de 70 000 dollars destinés à renforcer l’équipe éducative ou à obtenir des ressources supplémentaires. L’établissement accueille 1 100 élèves de 5 à 15 ans et compte environ 65 enseignants. Les effectifs moyens sont de 27 élèves par classe. De nombreux enfants sont issus de milieux multiculturels et non anglophones ou présentant d’autres indicateurs de handicap socio-économique. D’après le directeur de l’établissement, depuis 20 ans, le système éducatif d’Australie-Méridionale doit prendre en charge les questions de santé, de santé mentale et d’aide à la famille parce que les ressources affectées aux autres secteurs sont en baisse. L’accent a été mis sur le regroupement des services au sein des établissements scolaires, un moyen d’éviter les doubles emplois. L’école devient ainsi un guichet unique pour les différents services dont le personnel peut également conseiller les responsables de l’administration de l’école. Le directeur de l’établissement a mis en place une impressionnante Équipe d’aide aux élèves pour élaborer un éventail de programmes et d’approches afin d’éviter l’échec scolaire et l’abandon en cours de scolarité. L’équipe regroupe les personnes suivantes employées par le système éducatif : le directeur de l’établissement, deux conseillers du secondaire, un conseiller pour le primaire, un enseignant responsable d’un programme baptisé Middle School Enterprise, un coordonnateur de la formation accélérée (éducation spécialisée), un responsable des relations avec la communauté et le directeur de l’Annexe des jeunes de Salisbury, un programme éducatif et de logement pour des jeunes plus âgés ne pouvant vivre dans leur famille. Un infirmier employé par le Service de santé de l’enfant, de l’adolescent et de la famille (CAFHS), la coordinatrice du projet STAR et un stagiaire employés par le DEETYA, basés à l’école, font également partie de l’équipe. Le rôle de ces différents intervenants sera décrit ultérieurement. Pour le ministère de l’Éducation et des Services à l’enfance (DECS), le conseiller pour l’école primaire a pour mission d’axer l’aide psychopédagogique sur des approches préventives et de développement sur le long terme. Cette description du travail de conseiller prend en compte les besoins de tous les membres de la communauté scolaire en matière de développement de la personnalité, contrairement au conseil en cas d’urgence qui exclut la plupart des membres de cette communauté scolaire. L’intervention d’urgence et le travail individualisé ne sont qu’une partie du travail. Le conseiller négocie avec l’ensemble de la communauté scolaire pour obtenir les changements nécessaires, pour assurer la direction de la politique d’encadrement des comportements et permettre l’accès aux ressources et aux services à l’ensemble des élèves. De plus, le conseiller doit adapter ses méthodes pour améliorer les compétences des enseignants en matière d’encadrement des comportements des élèves. Le conseiller doit avoir une formation d’enseignant et de conseiller psychopédagogique. Il doit également être capable d’organiser et de diriger des stages de formation sur l’encadrement des comportements à la fois dans la classe et dans l’ensemble de l’établissement. Le conseiller de la Paralowie School nous a fourni des exemples de son travail et expliqué l’organisation de sessions avec des garçons rebelles ou des filles renfermées. Il travaille en équipe avec des enseignants de classes ordinaires sur la gestion des conflits, la médiation par les condisciples et les attitudes protectrices. Il travaille avec les parents pour déterminer les services dont ils ont besoin et utilise sa formation spécialisée auprès des aborigènes et autres minorités. Il a introduit des procédures de travail originales baptisées « Kid Map » et utilisées par l’Équipe d’aide aux élèves, qui a identifié environ 14 points jugés importants par les élèves de tous les niveaux : les problèmes d’assiduité, la maltraitance, le repli sur soi, le manque de confiance en soi, l’absence d’amis, la violence, le harcèlement, les brutalités, les problèmes affectifs, les troubles des conduites alimentaires, l’absence de domicile fixe, la sexualité et les relations entre les divers organismes d’aide sociale. Les élèves confrontés à ces difficultés ont pu être repérés lors d’entretiens avec les enseignants et le personnel. Ce processus a permis de comprendre que les problèmes familiaux étaient à Partie I : AUSTRALIE l’origine de nombreux symptômes, et de déterminer les lacunes des services. Ayant déterminé des groupes d’élèves confrontés aux mêmes problèmes, l’équipe a pu élaborer des programmes collectifs, plutôt qu’individuels. Cette approche a permis la mise en place de réseaux de soutien entre les élèves et la naissance d’amitiés. Les procédures Kid Map ont également joué un rôle dans la prise de décisions concernant d’autres questions scolaires telles que l’élaboration de programmes d’études pour l’éducation à la santé et le développement personnel, la répartition des moyens d’aide, la formation et le perfectionnement des enseignants et la définition des stratégies et objectifs d’ensemble pour le projet de l’école. L’équipe travaille dans le respect de la confidentialité des informations, qui sont mises à jour à mesure que la situation évolue pour les élèves, les familles et les enseignants. Le dossier Kid Map est donc un document dynamique régulièrement réactualisé et qui permet à l’équipe d’améliorer le bien-être des élèves et de réduire la fréquence des situations de crise. Les conseillers pour le secondaire, qui travaillent avec des élèves plus âgés, considèrent que leur travail consiste pour l’essentiel à apporter une aide individuelle aux élèves lors de situations conflictuelles et d’obtenir les services nécessaires. Ils travaillent également avec de petits groupes d’élèves souffre-douleur pour les aider à s’en sortir. Ils jouent également le rôle de conseiller d’orientation (matières à choisir, possibilités de carrières). Le projet Middle School Enterprise constitue une alternative pour les élèves encore scolarisés dans le système éducatif classique mais qui en perturbent le fonctionnement. Ils peuvent y apprendre à réparer ou à remettre en état des vélos, à jouer de la guitare ou à améliorer leurs compétences langagières et mathématiques grâce à l’informatique. L’accent est mis sur ce que les élèves savent faire et non sur leurs lacunes. L’objectif est de les maintenir dans le système scolaire et d’éviter leur exclusion. Le projet a également pour but d’aider les enseignants et de les former à une vision plus globale des programmes d’études. L’établissement peut se targuer d’avoir ramené son taux d’absentéisme à un niveau encore jamais atteint. Ce projet fait actuellement l’objet de recherches financées par le Workmen’s Compensation Programme. D’après l’enseignant spécialisé, le psychologue scolaire estime que 10 pour cent des élèves accueillis dans l’établissement présentent des difficultés d’ordre cognitif. Nombre d’entre eux sont des garçons issus de familles pauvres et ayant des problèmes de comportement, ainsi que des difficultés à écrire et à compter. L’école emploie trois enseignants spécialisés, mais il n’y a pas de classe à part pour les élèves en difficulté. La priorité va à la formation de l’ensemble du corps enseignant, afin de développer les compétences nécessaires et de proposer un tutorat et des programmes d’éducation physique adaptés aux élèves. Le responsable des relations avec la communauté et l’infirmier travaillent avec les parents dans le cadre de groupes d’aide aux parents, de programmes axés sur la vie familiale et d’activités scolaires. A titre d’exemple des actions menées, on peut citer le projet Partners in Education, qui regroupe 9 à 12 parents pendant deux heures par semaine sur une durée de neuf semaines, pour apprendre à lire et à utiliser la bibliothèque. La coordinatrice STAR s’occupe essentiellement de filles de la 4e à la terminale, répertoriées comme étant à risque, et qui auraient sans doute abandonné l’école sans un soutien personnalisé. Le nombre d’élèves susceptibles d’être aidées dépasse les possibilités du projet STAR et la coordinatrice doit donc procéder à des entretiens et déterminer des priorités. Elle travaille en individuel ou en groupe, selon des méthodes axées sur les relations. Elle définit, avec chacune des élèves concernées, des objectifs individuels en vue du choix d’un futur métier et les oriente vers les services compétents en cas de besoin. Le travail en groupe est axé sur le développement du soutien des pairs et les compétences en matière de résolution de problèmes et de mise en confiance. Elle travaille sur des problèmes concernant l’école dans son ensemble et pour soutenir l’idée que les femmes peuvent avoir un métier gratifiant. Par exemple, elle organise des conférences faisant intervenir des femmes ayant réussi leur carrière afin de fournir des modèles aux élèves. Deux enseignants employés par le DECS travaillent à la mise en place et à la gestion de l’Annexe des jeunes de Salisbury, un programme d’hébergement original pour les élèves de la Paralowie School et d’un autre établissement secondaire, menacés d’être exclus ou susceptibles de ne pas poursuivre 99 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE au-delà de la scolarité obligatoire. Une vingtaine de jeunes – dix de chaque établissement – sont accueillis dans une vaste maison achetée pour les besoins du projet : en effet, le taux de jeunes sansabri est élevé dans la communauté. Les jeunes bénéficient de services éducatifs et d’aide sociale. Le projet est financé par le DEETYA, le Conseil de district de Salisbury, le Réseau pour la jeunesse de Salisbury et le Comité « Tous ensemble contre la criminalité » (« Together Against Crime »). Le projet est placé sous la tutelle de l’Association métropolitaine des jeunes. L’action est au cœur de la philosophie du projet, qui vise à aider les jeunes à acquérir des compétences pour la création de petites entreprises : vente de meubles d’occasion, remise en état de guitares, restauration, entretien de bicyclettes, etc. Le projet est en place depuis trois ans. Les responsables prévoient d’acheter du terrain pour proposer des activités agricoles. Écoles de Fremont et Elizabeth City : concertation avec les organismes locaux Les établissements secondaires Fremont High School et Elizabeth City High School ont également été classés parmi les écoles défavorisées et utilisent fréquemment la Procédure d’orientation interorganismes (IRP) décrite plus loin. Un fait est particulièrement révélateur du handicap socioéconomique des élèves accueillis dans ces établissements : à Fremont, 54 pour cent des élèves possèdent la carte scolaire (donnant droit à une aide financière pour les familles les plus démunies), 2.7 pour cent sont issus de familles non anglophones et 3.1 pour cent sont aborigènes. Pour l’école d’Elizabeth City, les chiffres correspondants sont de 66, 13 et 4.2 pour cent respectivement. Ce pourcentage d’aborigènes est par ailleurs le plus élevé de la région métropolitaine. Une proportion importante des élèves ont des problèmes de comportement. Le nombre d’exclusions temporaires et de réunions inter-organismes concernant les élèves est des plus élevés de l’État. Les écoles sont situées dans une banlieue industrielle aujourd’hui délaissée par les entreprises et confrontée à un chômage structurel à long terme. Dans certaines familles, on n’a pas travaillé depuis trois générations et le taux de chômage chez les jeunes de 15 à 18 ans du secteur est de 75 pour cent. Le coordinateur du projet STAR de cet établissement scolaire a réuni une équipe de représentants des principaux services du secteur travaillant auprès des jeunes dans les quartiers desservis par les deux écoles, qui travaillent ensemble et accueillent 1 057 élèves du secondaire. Il a mis l’accent sur le fait qu’il faut aider les élèves tant qu’ils sont à l’école et qu’il est impossible au seul personnel enseignant de les aider à obtenir la totalité des services et prestations dont ils ont besoin et auxquels ils ont droit. Les jeunes de moins de 16 ans sont les moins bien informés sur les services qui leur sont destinés. C’est pour ces raisons que le coordinateur STAR a décidé de travailler avec des représentants des services plutôt que de créer un projet STAR au sein de l’établissement. Lors de la visite de l’école, les représentants d’un large éventail d’organismes privés et publics nous ont expliqué comment ils travaillaient avec le coordinateur STAR pour faciliter la prestation de services et la résolution des problèmes dans une approche individualisée. Le Programme STAR permet une grande souplesse dans les méthodes d’identification des élèves à risque. Dans les deux établissements concernés, le principal critère est l’absentéisme, et la plupart des élèves concernés par le projet STAR sont des filles. Avant la mise en place du projet STAR, il n’existait aucune liaison systématique entre l’école et les services éducatifs, sanitaires et sociaux de la communauté. La création d’une équipe de personnes appartenant à ces services dans l’enceinte de l’école permet au personnel enseignant de se consacrer à sa mission éducative. Le coordinateur est également convaincu que les projets spécialement adaptés accentuent la marginalisation des élèves et s’efforce d’adopter une approche psychosociale pour travailler avec les familles et les organismes sociaux afin de résoudre les problèmes de fond qui perturbent la scolarité des élèves. Les élèves, les parents, les personnels des services susceptibles d’être utiles se retrouvent pour discuter ensemble des solutions possibles. INITIATIVES PRISES PAR LES AUTORITÉS D’AUSTRALIE-MÉRIDIONALE POUR FAVORISER L’INTÉGRATION DES SERVICES 100 L’année 1987 a marqué le début d’une campagne en faveur d’une meilleure coordination des services de santé, d’éducation et d’action sociale pour la population d’âge scolaire présentant un Partie I : AUSTRALIE sérieux handicap social et des difficultés de comportement. Une équipe de haut niveau a été créée conjointement par les ministères de l’Éducation, de la Santé et de l’Action sociale (rebaptisés, depuis, Services à la famille et à l’enfance – FACS) avec pour mission d’examiner les problèmes posés par ces enfants, de passer en revue les services existants, d’étudier la possibilité d’une approche pluridisciplinaire par la concertation entre organismes, et de faire des recommandations pour l’action future. Après une étude approfondie des procédures en vigueur dans les trois secteurs de la santé, de l’éducation et de l’action sociale, l’équipe a rendu un rapport (Stratmann, 1988) contenant 32 recommandations pour améliorer la coordination entre les services. Le conseil des ministres de l’État a approuvé ces propositions et demandé leur application dans les trois années à venir, entre 1989 et 1991. Le financement a été assuré par le budget de l’État pour la justice sociale et un Comité chargé des services éducatifs, sanitaires et sociaux regroupant les ministres de la Santé, de l’Éducation, de l’Action sociale, du Logement, des Collectivités territoriales et des Services connexes, a été chargé de veiller à la mise en œuvre de ces mesures. Environ 50 pour cent des recommandations nécessitaient des actions pouvant être prises en collaboration par un ou deux organismes, et elles ont été adoptées dans un délai de 12 mois. Le processus d’étude et les recommandations du rapport Stratmann ont été influencés par la lecture de travaux sur la coordination des services éducatifs, sanitaires et sociaux. Quelques-uns des points ayant joué un rôle essentiel sont résumés ci-après. « (...) Il est antiéconomique de faire intervenir une structure inter-organismes pour une approche pluridisciplinaire dans des situations où les solutions sont simples ou directes (...). On estime qu’une approche pluridisciplinaire et inter-organismes s’impose pour environ 5 pour cent de la population scolaire, 4 pour cent pouvant être aidés dans le cadre de l’établissement scolaire et 1 pour cent dans une autre structure. Dans sa forme la plus simple, la coordination implique de répondre aux besoins multiples des jeunes en mettant en place des réseaux permettant de regrouper les services compétents en un tout cohérent caractérisé par une approche commune de l’élaboration des mesures, de la planification et de la fourniture des services. Les facteurs qui favorisent et caractérisent la coordination des services sont : l’existence de secteurs communs, le regroupement d’un certain nombre de services au niveau local, des critères de sélection communs, un travail collectif en matière de collecte d’informations, d’évaluation, de planification, de gestion et d’examen des dossiers, une administration décentralisée, la définition d’un rôle fonctionnel pour un directeur généraliste, le fonctionnement d’une structure de services coordonnés en réseau et un système informatisé commun pour la gestion et les dossiers. La coordination des services implique la prise en compte des trois aspects de polyvalence, de compatibilité et de coopération dans les quatre domaines clés que sont les programmes et services, les ressources, les clients et les informations. La polyvalence suppose que tous les services nécessaires aux groupes ciblés existent ou soient demandés, sinon la coordination ne fait que renforcer le statu quo. La compatibilité exige que tous les services existants entretiennent des liens adaptés et interviennent dans un ordre correspondant aux priorités des bénéficiaires. La coopération est la reconnaissance de l’importance accordée à la qualité des relations entre prestataires et entre les prestataires et les bénéficiaires. Pour un fonctionnement optimal, ces quatre éléments doivent être coordonnés à un niveau spécifique. Il est préférable que la coordination des ressources se fasse au niveau de l’État ou du comté, celle des programmes et services relève plutôt de chacune des instances participant à l’effort de coordination, les bénéficiaires peuvent être confiés à un coordinateur travaillant en réseau au plan local, et les informations, quant à elles, doivent être coordonnées à tous les niveaux. Une structure de prestation de services coordonnée et efficace doit reposer sur un groupement formel, au niveau de l’État ou du comté, des organismes prestataires de services, qui y seront représentés par leur responsable des programmes et leur directeur. Définie dans le cadre des attributions d’un État ou d’un comté spécifiant une prestation de services polyvalente, cette association des différents organismes permet de maximiser les avantages et de réduire au minimum les coûts relatifs à l’organisation. Les interactions régulières au niveau du comité d’associa- 101 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE tion imposent la circulation de l’information et permettent aux responsables des programmes de prendre conscience de la nécessité de coordonner certains programmes et services pour répondre aux besoins multiples des clients des différents services. Une telle association constitue une tribune et regroupe les compétences pour la définition de la coordination, tandis que les directeurs sont garants de l’engagement et du soutien administratif nécessaires. Ce type d’approche accroı̂t considérablement la visibilité, et donc la transparence des programmes qui sont alors soumis à un examen minutieux de la part des professionnels appartenant à d’autres organismes. A elle seule, une association ne constitue pas une structure permettant une prestation efficace et intégrée des services. Elle doit être accompagnée d’une unité de travail offrant un point fixe d’aiguillage et de coordination des dossiers. Enfin, il convient de mettre en place un groupe régional chargé de superviser les résultats obtenus localement et de veiller au bien-être des bénéficiaires, de coordonner les services et ressources au niveau local et d’obtenir le soutien des dirigeants locaux (Stratmann, 1988, pp. 8-10). » Une attention particulière a été portée à la mise en œuvre des recommandations nécessitant la participation des trois grands services (éducation, santé, action sociale) pour venir en aide à la minorité de jeunes pour lesquels une approche coordonnée s’impose. Des procédures de planification et de développement inter-organismes ont été lancées au plus haut niveau administratif. La gestion des activités a été confiée à un Comité inter-organismes au niveau de l’État (State Interagency Committee – SIC), qui regroupe des hauts responsables des ministères de l’Éducation et de la Santé et des Services à la famille et à l’enfance, sous la présidence d’un représentant du Directeur général de l’éducation. Ce Comité rend compte des progrès accomplis au Comité des services éducatifs, sanitaires et sociaux tous les six mois. De même, comme cela avait été demandé, une évaluation a été réalisée par un chercheur indépendant dans les trois années ayant suivi l’adoption des recommandations. Par le biais de ses comités à l’échelon de l’État et des régions, le SIC fournit la structure d’ensemble nécessaire à la coordination entre organismes. Les procédures d’orientation inter-organismes (IRP), en vigueur dans tout l’État à partir de 1991 constituent le point de contact local pour l’orientation, l’évaluation, la coordination et l’examen des dossiers. Ces procédures sont utilisées sur une base volontaire et non pas coercitive. Le modèle utilisé pour la coordination entre les organismes mis en place dans l’ensemble de l’État est le fruit de discussions avec les personnels placés en contact direct avec les bénéficiaires. Il a ensuite été approuvé par le SIC, les directeurs généraux des trois secteurs et le Comité des services éducatifs, sanitaires et sociaux du gouvernement australien. Au SIC siègent actuellement les personnes suivantes : – le Directeur des programmes du ministère de l’Éducation et des Services à l’enfance (DECS), qui en est président ; – le Directeur général adjoint des Services à la famille et à l’enfance (FACS) ; – le Directeur des soins de santé primaire, de la Commission pour la santé d’Australie-Méridionale (SAHC) ; – le Directeur général du Service de santé mentale des enfants et des adolescents (CAMHS), région nord ; – le Directeur du CAMHS région sud ; – le Responsable des programmes scolaires, des services de santé de l’enfant, de l’adolescent et de la famille (CAFHS). Le SIC se réunit tous les trois mois pour examiner les questions concernant la prestation coordonnée de services aux enfants d’âge scolaire défavorisés du point de vue socio-économique et ayant des problèmes de comportement. Son rôle est de : – surveiller les progrès des organismes à l’échelon local et de l’État en matière de partage des responsabilités et d’engagement à collaborer avec les autres services ; 102 – coordonner toutes les initiatives inter-organismes en faveur des enfants d’âge scolaire socialement défavorisés et ayant des problèmes comportementaux ; Partie I : AUSTRALIE – favoriser et évaluer la mise en œuvre des recommandations du rapport Stratmann ; – recommander des modifications des politiques existantes, le cas échéant, et aider à assurer la cohérence entre les nouvelles mesures dans le cadre de la coordination inter-organismes ; – étudier des stratégies d’intervention efficaces, synergiques et précoces en faveur de la population ciblée et encourager leur mise en œuvre ; – rendre compte régulièrement aux directeurs généraux, ministres et comités ministériels compétents. Des groupes inter-organismes régionaux qui rassemblent les directeurs régionaux du DECS, du FACS et du SAHC se réunissent régulièrement pour : – assurer le suivi des projets inter-organismes en cours en faveur des enfants d’âge scolaire défavorisés et ayant des problèmes de comportement ; – élaborer des plans de fourniture coordonnée des services et définir des objectifs communs ; – étudier et concrétiser des solutions de regroupement et de collaboration ; – rendre compte au SIC de leurs conclusions et de leurs besoins en matière d’intervention et de planification. Dans la mesure où la nature des services fournis est liée aux besoins de la communauté locale et à divers facteurs locaux, la planification et la prestation sont gérées au niveau local (Fueloep et al., 1995). LA PROCÉDURE D’ORIENTATION INTER-ORGANISMES (SYSTÈME IRP) L’effort d’intégration des services entrepris en Australie-Méridionale a eu pour conséquence inattendue et inestimable la mise en place d’une procédure d’orientation inter-organismes, le système IRP, conçu pour faciliter l’action en faveur des 5 pour cent d’enfants d’âge scolaire défavorisés et ayant de graves problèmes de comportement nécessitant une approche pluridisciplinaire de la part de plusieurs organismes. Afin de répertorier ces jeunes, la définition de travail du groupe cible est la suivante : les enfants et adolescents d’âge scolaire dont les chances de mener à terme leur scolarité et de réussir leur passage à la vie active et à l’âge adulte sont menacées par un ou plusieurs des facteurs suivants : – un repli sur soi marqué ou des graves troubles affectifs (dépression, tendances suicidaires, toxicomanie et alcoolisme chroniques, incidents psychotiques) ; – des actes perturbateurs, violents ou illégaux ; – une assiduité insuffisante liée à l’absentéisme, à la mobilité familiale, etc. La structure et le fonctionnement de l’IRP nécessitent dans chaque secteur géographique un point de contact permettant à ces élèves en grande difficulté d’accéder à tous les services de santé, d’éducation et d’aide sociale extérieurs à l’école. La philosophie de l’IRP repose sur les éléments suivants : – une approche globale intégrée de l’évaluation, de la gestion et de l’examen des dossiers ; – des points de contact permettant de doter les secteurs de la santé et de l’action sociale de meilleurs services éducatifs pour leurs clients ; – une liaison entre des personnes nommées dans le secteur de la santé et de l’aide sociale pour faciliter l’accès à leurs services ; – un certain nombre de procédures différentes afin de pourvoir de façon individualisée aux besoins de chacun ; – un contrôle de la qualité pour éviter la répétition et la surproduction de services et un retrait précoce et inutile des élèves de leur environnement scolaire habituel ; – une certaine sensibilité à l’origine ethnique de la personne (en particulier pour les aborigènes) ou à son handicap ; – un protocole inter-organismes pour l’échange d’informations sur les dossiers. 103 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE La procédure IRP peut être découpée en quatre étapes : 1) orientation ; 2) évaluation ; 3) planification et gestion du dossier ; et 4) examen du dossier. Six principaux points d’orientation sont implantés dans les six bureaux régionaux du DECS, dont quatre en ville et deux en zone rurale. Les enfants peuvent être signalés auprès de ces points par divers intervenants, dont les directeurs d’établissement, le personnel d’encadrement intermédiaire des services de santé et d’aide sociale, les associations et les praticiens privés. Chaque bureau est doté d’un responsable de l’orientation interorganismes (IRM), qui traite les demandes et coordonne la participation des organismes dans le cadre d’un groupe réunissant les responsables sur le terrain des bureaux de la santé, de l’aide sociale et de l’éducation du secteur, et d’autres types de réseau dans les régions rurales peu peuplées. Les responsables de l’orientation inter-organismes sont payés par le DECS. Ils peuvent adopter des méthodes de travail différentes en fonction de la situation locale et de leur personnalité. Ils possèdent généralement une formation dans le domaine pédagogique et de l’aide socio-psychologique. Nous avons eu un entretien avec Sue Jager et Janine Harvey, deux IRM de la région métropolitaine d’Adélaı̈de. S. Jager est directeur administratif du Beafield Education Centre, un programme éducatif alternatif qui propose un large éventail d’activités sur divers sites pour des jeunes présentant de graves problèmes de comportement ne pouvant être scolarisés dans une école traditionnelle. J. Harvey est coordinatrice des services de soutien scolaire du CAMHS (service de santé mentale). En plus d’un diplôme de conseiller d’éducation dans le primaire et le secondaire, elles ont suivi trois années de formation en thérapie familiale. Dans la classification du DECS, elles sont au même niveau que les directeurs-adjoints d’établissement. Elles ont souligné que le complément de formation qu’elles ont suivi n’a pas eu d’influence sur leur rémunération. Les autres personnes présentes étaient Gerri Walker, directeur du Beafield Education Centre, Chris Seeboth, coordinateur des services de soutien scolaire du CAMHS, et Alana Cox, responsable de l’équipe chargée des problèmes de l’adolescent et de la famille au FACS. La composition de ce groupe est caractéristique des Groupes de consultation inter-organismes qui regroupent de hauts responsables et rencontrent régulièrement l’IRM pour examiner le suivi des dossiers et prendre les décisions concernant la gestion, les engagements en matière de ressources, les tendances des procédures d’orientation et les besoins futurs. Lorsqu’un organisme estime qu’un élève doit faire l’objet d’une approche coordonnée, l’employé compétent peut le signaler au responsable de l’orientation inter-organismes (IRM) sans que l’intéressé ou ses parents soient au courant, avant de faire une demande officielle de prise en charge par les services inter-organismes. Cette phase préliminaire permet au personnel de déterminer si une collaboration inter-organismes approfondie est nécessaire. Ces consultations avec l’IRM peuvent porter sur : – l’échange d’informations suffisantes pour identifier l’élève et les raisons de la consultation ; – la nature de l’intervention de l’organisme (ou des organismes) ; – la (les) personne(s) actuellement chargée(s) du dossier ; – les mesures à prendre avec l’élève/la famille ; – la nécessité d’une collaboration entre organismes, et le cas échéant, le choix d’un interlocuteur pour dialoguer avec les parents/tuteurs et l’enfant afin de les informer et d’obtenir leur coopération ; – toutes les informations indispensables pour assurer la sécurité ou la protection de l’élève ; – les mesures susceptibles d’être prises à court terme (South Australia DECS, 1992). Lorsque l’IRM reçoit une demande formelle de prise en charge de la part d’un organisme, il doit déterminer quels sont les services et les personnels qui ont travaillé sur ce dossier par le passé. Il réunit pour ce faire les personnes et représentants d’organismes compétents afin d’obtenir le maximum de précisions sur : – les évaluations déjà effectuées ; – l’avis des professionnels ayant travaillé sur le dossier ; 104 – les moyens mis en œuvre avec succès ; Partie I : AUSTRALIE – les points nécessitant une évaluation/intervention ; – les mesures à prendre pour éviter la répétition et des évaluations inutiles (South Australia DECS, 1992). Ensemble, ils mettent au point une stratégie d’encadrement et décident qui aura la charge de contacter l’enfant et sa famille/son tuteur pour obtenir leur coopération. Celle-ci est indispensable pour que la procédure coordonnée de gestion du dossier par plusieurs organismes puisse être lancée. La personne désignée doit user de tact et de prudence pour évoquer les préoccupations ayant conduit à signaler l’enfant. Il peut s’agir de : – détails précis concernant les besoins et difficultés de l’élève ; – en cas d’actes de violence et de destruction, l’obligation faite à l’école de veiller à la sécurité de l’élève et de tous les autres membres de la communauté scolaire ; – la nécessité d’un soutien approfondi pour l’élève ; – possibilités autres, si l’élève et/ou ses parents refusent la prise en charge coordonnée du dossier, à savoir l’exclusion temporaire, les mesures disciplinaires ou toute autre action juridique pouvant être entreprises par une instance compétente. Les jeunes qui acceptent la procédure d’orientation inter-organismes signent un document confirmant leur accord et participent avec leur famille à des réunions régulières dans le cadre du processus d’évaluation. L’IRM doit s’assurer que les parents/tuteurs et élèves, si leur âge leur permet, signent un formulaire par lequel ils confirment leur engagement et acceptent que des informations les concernant soient communiquées. Ce document permet aux personnes chargées du dossier d’obtenir des informations d’organismes ne dépendant pas du ministère de l’Éducation. La participation active des élèves est encouragée en fonction de leur âge et de leurs capacités intellectuelles. Les élèves âgés de 13 ans ou plus doivent être pleinement associés et informés de tous les aspects de la procédure et sont autorisés à désigner une personne pour les aider lorsqu’ils participent aux réunions. Le dossier est confié à une personne précise, en général par l’organisme dont les services sont jugés les plus importants pour l’élève. Si le problème principal semble relever de la santé mentale, les services du CAMHS assurent la gestion du dossier. S’il s’agit d’une question d’aide sociale ou de protection de l’enfance, c’est le FACS qui sera désigné. Lorsqu’un organisme a été désigné pour s’occuper du dossier, un membre de son personnel est chargé d’assurer la prestation des services auprès du bénéficiaire. Dans certains cas, la décision concernant la gestion du dossier est influencée par les autorités judiciaires, comme par exemple dans les affaires de maltraitance ou de délinquance juvénile. Après ces différentes étapes, a lieu une autre réunion regroupant l’IRM, le responsable du dossier et les autres personnels chargés de la fourniture des services pour élaborer un programme. C’est au cours de cette réunion que les participants se mettent d’accord sur le rôle et les responsabilités de chacun, notamment du bénéficiaire et du personnel assurant les services. Afin d’apporter une réponse adaptée aux besoins individuels, la planification et la gestion des dossiers sont généralement axées autour de quatre stratégies : – un programme au sein de l’école, sous la surveillance de l’équipe éducative ; – un programme prévoyant un soutien hors de l’établissement mais faisant intervenir du personnel des services de l’éducation ; – un programme d’aide assuré par les services de la santé et de l’action sociale ; – un programme inter-organismes ou la participation de plusieurs services à des actions rendues nécessaires par la complexité de la situation. Des réunions d’examen des dossiers sont organisées par le responsable du dossier pour : – examiner les progrès accomplis par l’élève et résoudre les problèmes ; – évaluer les besoins actuels de l’élève et élaborer de nouveaux plans d’action ; – apporter une nouvelle aide, le cas échéant ; – mettre fin à la participation d’un organisme si elle n’est plus nécessaire ; 105 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE – poursuivre le programme avec l’élève et l’école en adaptant le plan d’action si nécessaire ; – fixer la date de la prochaine réunion d’étude du dossier ou classer le dossier. Si le comportement d’un élève se détériore ou s’il reste problématique, la procédure d’orientation est relancée. En concertation avec la personne qui signale l’élève, l’IRM entreprend une réévaluation de la situation de l’élève et élabore un nouveau plan qui est ensuite renégocié avec le personnel de l’école, l’élève et sa famille. Si le comportement de l’enfant ne s’améliore pas, le responsable de l’orientation inter-organismes pourra proposer différentes solutions, qui seront discutées avec l’école et la famille. Les possibilités offertes sont les suivantes : – le placement dans une autre école (ordinaire ou spécialisée) ; – un programme de transition vers une autre filière ; – un programme de scolarisation ouverte faisant intervenir un professionnel qui supervise le travail scolaire, les progrès en matière de comportement, et qui apporte un soutien et une aide psychopédagogique ; – une formation professionnelle, théorique ou sur le tas ; – des activités destinées à susciter un changement de comportement de façon positive, par exemple, une randonnée dans le désert. Lorsqu’il n’est pas possible de négocier une de ces possibilités, ou lorsque le comportement de l’élève continue à poser des problèmes, le responsable de l’orientation inter-organismes lance une procédure d’examen des solutions possibles, à l’issue de laquelle la solution recommandée par le responsable est obligatoirement adoptée. Entre le quatrième trimestre de 1990 et le troisième trimestre de 1991, 1 436 enfants d’âge scolaire (soit 0.79 pour cent du total) ont fait l’objet d’une procédure d’orientation inter-organismes. D’après Jager et Harvey (1995), à l’heure actuelle, environ 2 pour cent des élèves des écoles publiques, soit 3 700 élèves, bénéficient de cette procédure. La réussite des autorités d’Australie-Méridionale dans la mise en place et le soutien de la Procédure d’orientation inter-organismes (IRP) est imputable au dynamisme des personnels d’encadrement à un niveau supérieur et intermédiaire qui se sont engagés à travailler pour améliorer le système au fur et à mesure de l’expérience acquise. De même, le travail ayant précédé la rédaction du rapport Stratmann et l’apport de ressources supplémentaires qui ont permis la mise en œuvre des recommandations contenues dans celui-ci ont créé un climat propice à la coordination dans les trois principaux organismes de services à l’enfance. L’IRP fonctionne depuis plus de quatre ans et les ministres du gouvernement nouvellement élu se sont engagés formellement à le préserver. Cependant, les difficultés économiques actuelles et les contraintes budgétaires pourraient constituer une menace pour sa pérennité. 106 Les membres de l’IRP rencontrés au Beafield Education Centre ont exprimé leurs inquiétudes quant à son avenir et confirmé les résultats obtenus. Ils ont évoqué plusieurs aspects de la phase de démarrage et des trois premières années qui ont été très riches d’enseignements. Outre le SIC (Comité inter-organismes au niveau de l’État), il existait plusieurs groupes de responsables de haut niveau chargés de la politique régionale et de la planification. Au cours des trois premiers mois, une vaste consultation a été organisée pour mettre en lumière les réseaux de coordination informels existants et répertorier les pratiques les plus efficaces dans le système. De nombreux comités inter-organismes locaux se sont penchés sur les éventuels obstacles à un bon fonctionnement de l’IRP. Leur contribution a été prise en compte par les autres comités chargés de la planification globale, de sorte qu’il a été possible de surmonter les obstacles. Deux chefs de projet ont été désignés, l’un issu des services d’action sociale, l’autre de l’éducation. Des outils de formation adaptés ont été élaborés pour les personnels des trois secteurs. Les chefs de projet actuellement en fonction ne sont ni du FACS ni du CAMHS, mais issus du DECS : l’un est chargé de superviser la politique d’encadrement des comportements, l’autre a pour mission d’établir des liens avec les programmes de lutte contre la délinquance. Seeboth (1995) est convaincu qu’il serait utile de maintenir en place des chefs de projet du FACS et du CAMHS. Certains se sont demandé si les relations primordiales existant entre le SIC et les intervenants Partie I : AUSTRALIE sur le terrain dans le cadre de l’IRP n’avaient pas été interrompues, même si les responsables d’organismes de leur région continuent à se rencontrer régulièrement. Certains problèmes n’ont pas encore été résolus. Par exemple, les secteurs géographiques placés sous la responsabilité des différents organismes ne se superposent pas toujours exactement. Les organismes participant à l’IRP relèvent des autorités de l’État et, d’autres, fournissant des services susceptibles d’être utiles, dépendent des autorités locales ou fédérales. L’information sur l’IRP ne parvient pas toujours de façon systématique aux personnels en contact direct avec les clients et il leur est par conséquent difficile de se tenir au courant des derniers changements majeurs. En raison des mouvements de personnel, de nombreux employés n’ont pas reçu de formation concernant l’IRP et aucune formation systématique n’a été mise en place. Le FACS emploie de nombreux contractuels pour de courtes périodes et la plupart d’entre eux ignorent tout de l’IRP. Les responsabilités découlant de l’application de l’IRP ne figurent pas dans les descriptions de fonctions concernées par le système, de sorte que la procédure ne reçoit pas l’attention et la reconnaissance qu’elle mérite. La planification stratégique en vigueur au cours des trois premières années aurait encore son utilité. S’il y a unanimité sur le fait que l’IRP a amélioré le soutien aux jeunes et à leurs familles, et permis la progression des résultats scolaires, certains considèrent qu’il est nécessaire de démontrer plus systématiquement les avantages du système. Les responsables de programmes du DECS affirment que, grâce à l’IRP, le personnel des ministères, à tous les niveaux, a pu approfondir sa connaissance des clients, des programmes, des services et du jargon des autres services. Cela a permis d’identifier les doubles emplois, les obstacles à la coordination et les facteurs entravant la participation des clients, et d’y remédier. D’autres services, tels que les services de justice pour enfants, envisagent d’appliquer cette procédure dans leur secteur. Ce modèle offre une grande souplesse, qui est importante, car les structures d’aide des régions rurales ou isolées sont souvent différentes de celles des zones urbaines. Par exemple, il peut y avoir un responsable de l’orientation inter-organismes sans qu’il y ait une structure spécifique gérée par le DECS. En zone rurale, les personnes responsables de l’IRP peuvent également constituer l’équipe d’encadrement des comportements (Dillon, 1995). Fueloep (1995) pense que le travail en réseau indispensable à tous les niveaux pour faire fonctionner l’IRP est plus facile à obtenir dans un État de petite taille. Cox, responsable d’une équipe de soutien aux adolescents et à leur famille du FACS a évoqué un dossier traité par l’IRP qui témoigne de la complexité de la collaboration souvent indispensable entre les divers organismes. La gravité du cas illustre également le fait que les problèmes de nombreux jeunes signalés à l’IRP ne pourront être résolus tant que des liens ne seront pas établis entre la famille et l’école. L’élève, âgé de 13 ans, présentait de sérieux problèmes de comportement à l’école. Il était violent envers les autres élèves et ne pouvait se concentrer plus d’une minute sur une tâche. Pendant deux ans, l’école a tenté de l’aider avec une équipe d’encadrement des comportements du DECS chargée de conseiller les enseignants et une personne chargée du soutien scolaire. Les membres des équipes d’encadrement des comportements ont tous une formation pédagogique et éventuellement d’autres qualifications, mais les personnes assurant le soutien scolaire ne sont pas des professionnels. Les mesures prises n’ont pas permis de remédier à son comportement violent ni aux autres problèmes. Le cas a été signalé à l’IRP. Il a été décidé que le CAMHS assurerait la gestion du dossier et les interventions en thérapie familiale. Au cours de ce processus, des problèmes de délaissement et de violence familiale ont été constatés. En raison de son comportement dangereux et inacceptable, l’adolescent a dû être exclu de l’école pour une durée de quatre à six semaines, avec un programme de scolarisation en alternance. Il aurait pu être admis dans un centre d’enseignement offrant à la fois une prise en charge éducative individualisée et des services thérapeutiques, mais faute de place, cela n’a pas été possible, et il a donc été pris en charge dans le cadre d’une « scolarisation ouverte », ce qui signifie qu’il restait à domicile, et était en contact téléphonique avec son enseignant. Sa mère était censée surveiller son travail mais ne pouvait pas faire face. A ce stade, ses parents ont accepté de signer une demande de placement volontaire par l’intermédiaire du FACS. Ensuite, dans le cadre de l’IRP, il a été convenu que la gestion du dossier serait confiée au FACS. L’adolescent a été placé en famille d’accueil, pour une durée prévue de six mois au minimum. Petit à petit, il a commencé à suivre les cours du centre d’enseignement. De l’avis des personnels du FACS et des services de l’éducation, il progressait, mais lorsqu’il s’est plaint à son père qu’un éducateur chargé de surveiller l’accueil familial 107 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE avait tenté d’abuser de lui, ses parents sont revenus sur leur demande de placement volontaire et l’ont repris chez eux. Les responsables du FACS et des services de l’éducation sont persuadés qu’il mentait. Son comportement a régressé et il a été signalé à plusieurs reprises au FACS qu’il portait des traces de coups. Il est redevenu violent. Il a de nouveau été signalé à l’IRP. Le FACS et le CAMHS sont à nouveau intervenus mais les parents ont porté plainte auprès d’un comité d’évaluation de la gestion pluridisciplinaire, financé par les autorités fédérales et dont le rôle est d’évaluer les services fournis aux personnes handicapées mentales, de convoquer les organismes concernés et de faire des recommandations en vue d’améliorer les services. Ce comité regroupe des psychiatres, des éducateurs, des psychologues et divers autres professionnels dont les fonctions sont les mêmes que celles des personnels ayant assuré la prestation des services examinés. Ce comité a recommandé un ordre de placement et de protection. Le FACS a jugé cette décision appropriée mais ne disposait pas de suffisamment de preuves pour porter l’affaire devant les tribunaux. La dynamique familiale reste problématique tant qu’elle encourage les jeunes à monter les services les uns contre les autres ou les parents contre les professionnels. Le jeune en question reste violent et a récemment agressé sa mère ainsi que deux membres des services éducatifs. Il ne peut suivre les cours que trois jours par semaine et pas plus de deux heures par jour, avec un soutien permanent. Lorsque les éducateurs tentent de structurer davantage son projet, son comportement se détériore. Il a déjà eu des démêlés avec les services de police et les tribunaux. Le FACS envisage de faire intervenir les services de préservation de la famille. Ce cas illustre la nécessité d’une intervention coordonnée de plusieurs organismes, à la fois pour fournir les services nécessaires et pour des raisons de respect de la loi. Il montre combien il est important de décider dans le cadre de la coordination entre services de l’organisme et de la personne qui assureront la gestion du dossier aux différentes phases du travail avec un jeune et sa famille. L’exemple cité est celui d’un jeune et de sa famille présentant un comportement hostile et destructeur et incapable de sortir d’un cycle de manipulations ayant échoué. Ces manipulations ont pu être mises en lumière par l’IRP. Des moyens considérables ont été mis en œuvre, mais les services auraient dû déployer encore davantage d’énergie s’ils avaient travaillé chacun de leur côté. AUTRES RELATIONS AVEC LE SECTEUR DE LA SANTÉ MENTALE Le CAMHS a lancé en 1990 un service de soutien aux écoles en application des recommandations du rapport Stratmann (1988). Un éventail de services variés sont proposés dans les groupes d’écoles les plus défavorisées des parties nord et ouest d’Adélaı̈de : programmes de prévention et de promotion de la santé, soutien thérapeutique individuel aux élèves et à leur famille. Ces derniers services sont limités à quatre groupements d’écoles comprenant 16 écoles primaires et quatre établissements secondaires. Une évaluation du Service de soutien aux écoles réalisée en 1994 a permis de constater que 22 programmes de formation et de perfectionnement avaient été proposés aux élèves et personnels des écoles, et avaient concerné 589 personnes. De plus, 229 élèves et 12 enseignants ont participé à deux programmes collectifs axés sur des questions éducatives et de thérapie (Lock et al., 1995). LES ABORIGÈNES ET INSULAIRES DU DÉTROIT DE TORRÈS 108 Plusieurs publications fédérales confirment le handicap socio-économique des aborigènes dans l’ensemble du pays et évoquent les politiques mises en œuvre pour y remédier : – Revenu : Le revenu moyen des indigènes est inférieur aux deux tiers du revenu moyen australien (ATSIC, 1994a). – Éducation : Entre 1985 et 1992, le taux de participation des jeunes aborigènes jusqu’à la terminale est passé de 14 à 25 pour cent. Pour les autres élèves, le taux est passé de 58 à 78 pour cent (ATSIC, 1994a). – Chômage : Entre 1986 et 1991, le taux de chômage total en Australie est passé de 9.2 pour cent à 11.7 pour cent de la population active, mais en 1991 chez les aborigènes, le taux de chômage était 2.6 fois plus élevé que dans le reste de la population, ce qui dénote un progrès par rapport à 1986, où il était 3.8 fois plus élevé. Le chômage de longue durée est particulièrement préoccupant chez les aborigènes et concerne entre 60 et 70 pour cent des demandeurs d’emploi Partie I : AUSTRALIE indigènes, alors qu’il ne concerne que 46 pour cent du total des chômeurs. Une politique de développement des emplois aborigènes a été lancée en 1987 avec pour objectif d’améliorer l’emploi et le revenu des aborigènes pour les amener au même niveau que ceux du reste des Australiens d’ici à l’an 2000. Cette politique prévoit notamment : 1) une aide à la formation et à la recherche d’emploi pour faciliter l’accès à l’emploi sur le marché primaire dans les secteurs privé et public ; 2) une aide à l’emploi dans le cadre de projets d’emploi pour le développement communautaire (Community Development Employment Projects – CDEP) ; 3) une aide à la création d’entreprises entièrement gérées et détenues par des aborigènes ; et 4) des mesures pour améliorer la participation des aborigènes à la gestion des projets, depuis la création jusqu’à la mise en œuvre (ATSIC, 1994a). – Santé : A la naissance, l’espérance de vie des aborigènes de sexe masculin est très inférieure à la moyenne nationale (jusqu’à 18 ans de moins). Pour les femmes, l’écart est de 20 ans. Dans certaines régions, la mortalité infantile est plus de trois fois supérieure à la moyenne nationale. En 1990, les autorités fédérales ont décidé de consacrer 232 millions de dollars à la mise en œuvre d’une politique nationale pour la santé des aborigènes (National Aboriginal Health Strategy – NAHS), à la condition qu’à partir de 1991-92, les États et Territoires acceptent d’y consacrer des sommes équivalentes, ce qui a permis une augmentation des dépenses dans les domaines de la santé, du logement et de l’infrastructure en faveur des indigènes (ATSIC, 1994a). – Criminalité : Les indigènes sont sur-représentés dans le système pénal. En 1992, ils étaient 26 fois plus nombreux que les autres groupes ethniques en détention préventive. En 1993, un détenu sur sept était aborigène. Ils sont 15 fois plus nombreux que les autres dans les prisons australiennes. En 1992, les autorités ont décidé de s’attaquer au problème en lançant deux programmes d’une durée de cinq ans. Le premier visait à réduire les crimes et délits commis par les aborigènes, et le deuxième était axé sur des mesures ayant pour but d’améliorer les perspectives d’emploi et le statut socio-économique des aborigènes en général. Certains programmes déjà en place, tels que l’aide judiciaire, l’accès à la propriété foncière et les projets d’emplois pour le développement communautaire, ont été renforcés. De nouveaux programmes ont été mis en place, tels que le Programme d’initiatives économiques communautaires. La plupart des fonds accordés sont versés à l’ATSIC (ATSIC, 1994a). – La Commission pour les aborigènes et insulaires du détroit de Torrès (Aboriginal and Torres Strait Islander Commission – ATSIC) : Elle a été créée en mars 1990 pour donner enfin aux indigènes australiens le droit de prendre les décisions concernant leurs communautés. L’ATSIC a remplacé le ministère des Affaires aborigènes et la Commission du développement aborigène. Sa création a constitué un changement radical d’orientation et visait à mettre en application le principe d’autodétermination des peuples indigènes, à garantir une plus grande justice sociale et l’équité pour tous. C’est une organisation décentralisée avec des composantes de représentation, d’action législative et d’administration. Elle comprend 35 conseils régionaux élus par les aborigènes et est composée de 17 membres choisis parmi les 35 Présidents de conseil. La tâche principale des membres de la commission est d’élaborer des politiques nationales en faveur des indigènes. Le budget 1993-94 s’est élevé à 928.1 millions de dollars, dont 251.9 ont été consacrés à des projets d’emplois pour le développement communautaire (CDEP). Ces projets constituent une alternative aux prestations de chômage habituelles. Les bénéficiaires, qui doivent satisfaire à certaines conditions, travaillent deux jours par semaine en échange d’une rémunération équivalente à leurs allocations de chômage dans les secteurs suivants : rénovation, construction et/ou entretien de bâtiments, mécanique/travail d’atelier, entretien de parcs, jardinage, groupes d’activités féminines, travail administratif/de bureau, commerce, ostréiculture, élevage d’émeus et de volaille, magasinage, emplois de chauffeurs, de bûcherons, services de santé, nettoyage, soudage, pêche, puériculture, aide ménagère, services de sécurité, production musicale et d’émissions télévisées. Les autres dépenses se sont réparties comme suit : 199.4 millions de dollars ont été consacrés au logement et à l’infrastructure communautaire, 115.9 millions aux services administratifs, 75.7 millions à la santé, la lutte contre les toxicomanies, les sports et loisirs, 40.4 millions à la formation et à la planification communautaires, 109 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE 40 millions à la société de développement commercial des auberges aborigènes, 32.4 millions aux services juridiques aborigènes, aux questions internationales et droits de l’homme, 29.4 millions aux initiatives économiques communautaires et à l’aide à la création d’entreprise, 28.9 millions à des prêts immobiliers, 22.9 millions à des actions de regroupement familial, aide à l’enfance, aux jeunes et soutien familial, 22.8 millions à des versements au fonds foncier régional, à l’acquisition et à l’entretien de terres, 16.8 millions aux collectivités locales, à la préservation de l’art, de la culture et de la langue aborigènes, 15.3 millions à la protection des titres de propriété et de l’héritage indigènes, et de l’environnement, 15.1 millions à la branche législative, 11.1 millions au programme de financement des entreprises, 5.1 millions à la sensibilisation de l’opinion publique et aux questions féminines, et 5 millions à diverses autres actions (ATSIC, 1994a et 1994b). – Jugement MABO et Loi de 1993 sur les droits de propriété indigènes : Dans la décision rendue le 3 juin 1992, la Cour suprême australienne réfutait le principe de terra nullius selon lequel l’Australie était une terre vierge à l’arrivée des Britanniques. Au contraire, elle déclarait qu’en 1788, la terre d’Australie appartenait aux peuples indigènes selon leurs propres lois et coutumes et qu’ils continueraient à en être détenteurs tant qu’ils observeraient leurs lois traditionnelles et tant que leurs terres n’auraient pas été aliénées par un processus non entaché de nullité par les autorités. Elle déclarait également que la Loi de 1975 sur la discrimination raciale protégeait les droits de propriété indigènes contre une extinction sans indemnisation, jetant le doute sur la validité de certaines concessions accordées depuis 1875. En conséquence, la Loi de 1993 sur les droits de propriété indigènes a été votée pour : 1) prononcer la validation de concessions accordées par le passé sur des terres ou masses d’eau et susceptibles d’être invalidées par la reconnaissance des droits indigènes de propriété ; 2) instituer un Tribunal des droits de propriété indigènes chargé de décider sur quelles terres ces droits s’appliquent encore ; 3) prévoir les conditions d’indemnisation des indigènes lorsque leurs titres ont été aliénés par un processus valide ; 4) accorder des droits de négociation aux propriétaires indigènes lorsque des sociétés minières ou autres souhaitent acquérir des terres ; 5) créer un Fonds foncier destiné à aider les indigènes qui ne sont plus propriétaires (ATSIC, 1994a). – Réconciliation : La réconciliation, le rapprochement entre les indigènes et non indigènes dans une Australie unie, est devenue un objectif officiel des autorités, et en 1991, le gouvernement fédéral a adopté une loi portant sur la création d’un Conseil de la réconciliation auquel siègent douze aborigènes, deux insulaires du détroit de Torrès et onze australiens non aborigènes. Dans le cadre de cette initiative ont également été institués une Commission mixte sur les terres aborigènes et l’exploitation minière qui regroupe les chefs des conseils fonciers aborigènes et les hauts responsables de grandes sociétés minières, un réseau des Australiens en faveur de la réconciliation, des cercles d’étude regroupant des personnes qui s’informent sur l’histoire des indigènes pour œuvrer en faveur de la réconciliation, et une semaine annuelle de prières pour la réconciliation (ATSIC, 1994a). Nombre des mesures décrites ci-dessus ont pour objectif de favoriser l’autodétermination pour les indigènes, mais la notion de réconciliation va plus loin en encourageant une intégration sociale complète. Les mesures prises par les autorités afin de favoriser la justice sociale et l’équité pour les indigènes et d’encourager à la réconciliation constituent pour les administrations à tous les échelons et les institutions privées et publiques une incitation à coordonner les services en direction des aborigènes. INTÉGRATION DES SERVICES DANS UNE PETITE COMMUNAUTÉ DE LA CÔTE OCCIDENTALE DE L’AUSTRALIE-MÉRIDIONALE Objet de la visite à Ceduna 110 Ceduna a été choisie pour plusieurs raisons. Tout d’abord, le Conseil de district de Murat Bay a été salué par tous les responsables nationaux pour sa créativité et son travail avec la communauté aborigène. Le plan économique local, élaboré en concertation avec la communauté aborigène, est devenu Partie I : AUSTRALIE un projet d’importance nationale et est considéré comme un modèle pour l’ensemble des collectivités locales. C’est le seul exemple d’un accord entre une collectivité territoriale et la communauté aborigène (Irvine, 1995). L’ATSIC a exprimé en ces termes son point de vue sur cette réussite : « Des négociations fructueuses ont été entreprises avec le Conseil de district de Murat Bay afin d’élaborer un plan communautaire intégré de façon à garantir un réseau de prestation de services efficace et rationnel sur l’ensemble du territoire relevant du conseil. Le plan communautaire tentera de suivre les recommandations du plan du Conseil régional et de satisfaire aux besoins de tous les membres de la communauté. Il est souhaité que l’élaboration du plan communautaire de Ceduna et sa mise en œuvre puissent servir de modèle aux autres collectivités locales de la région » (ATSIC, 1994a, p. 260). De plus, l’école luthérienne de Crossways montre comment une école indépendante peut œuvrer à la réconciliation avec la communauté aborigène. Le Conseil de district de Ceduna est le premier à avoir mis en place un Réseau jeunesse, dépendant du conseil, et chargé de coordonner le travail de l’ensemble des organisations travaillant auprès des jeunes dans la communauté. Les conclusions relatives à chacun des objectifs seront présentées après une description des caractéristiques de la région. Contexte social, économique, politique et démographique Ceduna, une petite ville isolée située sur les rives de Murat Bay, se trouve à 780 km à l’ouest d’Adélaı̈de et à 480 km de la frontière avec l’Australie occidentale. Au recensement de 1991, la population desservie par le Conseil de district de Murat Bay s’élevait à 3 654 personnes, dont 551 aborigènes (soit 15 pour cent). Par rapport aux autres régions relevant de conseils de district, et sur la base des chiffres du recensement de 1986, Murat Bay a une population relativement jeune. Elle se situe dans le premier quart des districts de l’État en ce qui concerne le pourcentage de jeunes de 10-17 ans et de jeunes adultes de 18-24 ans, la proportion de chômeurs de 15-19 ans, le nombre de familles monoparentales et de ménages ayant un revenu inférieur à 9 000 dollars par an. Par contre, elle se situe dans le deuxième quart de l’ensemble des districts pour ce qui est de la proportion de personnes ayant un revenu supérieur à 26 000 dollars (Collins et Miller, 1992). Ceduna est le centre d’attraction et d’affaires de la côte ouest et d’une vaste région consacrée à la culture céréalière et à l’élevage. Le commerce de gros des céréales, le gypse et le sel constituent les principales activités portuaires qui sont implantées à Thevenard, à deux kilomètres de la ville. Le secteur de l’enseignement fournit la majorité des emplois. La région offre un large éventail d’installations sportives et de loisirs permettant de pratiquer la natation, le surf, la voile et la pêche. Ceduna abrite le siège de l’ATSIC ainsi que le siège régional de plusieurs administrations publiques. La région ne compte aucune industrie lourde. Irvine (1995) signalait que 80 pour cent des créations de petites entreprises avaient échoué parce que les intéressés ne disposaient pas des compétences nécessaires. Le directeur de l’institut local de formation technique et continue décrit Ceduna comme une communauté rurale marginale et une ville peu prospère. De nombreux agriculteurs ont connu une période très difficile en raison de la sécheresse et de la crise économique rurale qui les ont contraints à quitter leurs terres ou forcé à se reconvertir en-dehors du blé et de l’élevage ovin. De nombreux habitants de Ceduna vivent de l’aide sociale. Les taux de criminalité et de chômage y sont élevés. Une proportion significative des élèves abandonnent leurs études avant la terminale et n’obtiennent pas les qualifications qui leur permettraient de trouver un emploi, ce qui compromet leurs perspectives d’avenir. La zone couverte par le Conseil de district de Murat Bay compte le pourcentage d’aborigènes le plus élevé de toutes les collectivités locales dans l’État d’Australie-Méridionale. Les aborigènes et insulaires du détroit de Torrès représentent plus de 4 pour cent de la région desservie par le Conseil régional ATSIC de Wangka Wilurrara, qui est élu directement par les indigènes vivant dans cette région de 355 000 km2, contre 1.2 pour cent pour l’ensemble de l’Australie-Méridionale (ATSIC, 1994a, p. 259). Irvine, président du Conseil de district de Murat Bay a expliqué que Ceduna avait accueilli de nombreux aborigènes déplacés avant la réalisation des essais atomiques à Maralinga dans les 111 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE années 50. A l’école publique, 190 (soit 38 pour cent) des 500 enfants accueillis depuis la section préscolaire jusqu’à la terminale sont des aborigènes. A l’école luthérienne, de la section préparatoire jusqu’à la cinquième, le chiffre correspondant est de 60 pour cent. Dans les communautés aborigènes, la notion de famille recouvre un groupe beaucoup plus large que dans la plupart des sociétés européennes. Ainsi, le terme de cousin peut désigner des parents très éloignés. Un enfant qui déménage en cours d’année pour intégrer une partie de la famille élargie habitant dans une autre ville peut être confronté à d’importants problèmes d’adaptation à la vie scolaire et sociale. De plus, les aborigènes de la région ont des modes de vie variés, qui peuvent être traditionnels ou modernes. D’après l’ATSIC (1994a) : « De nombreux aborigènes et insulaires du détroit de Torrès se sentent mal à l’aise dans des villes comme Ceduna et Port Lincoln et choisissent de regagner leur région natale pour échapper aux problèmes sociaux auxquels ils sont confrontés en ville. Dans la région, 11 pour cent d’entre eux sont propriétaires de leur logement ou en passe de l’être, et 50 pour cent vivent dans des logements sociaux. La fourniture de logements aux communautés/associations et aux personnes nouvellement installées sur leurs terres natales dans l’ensemble de la région de Ceduna reste une des priorités du Conseil régional » (p. 259). Coordination entre le Conseil de district de Ceduna et la communauté aborigène 112 C’est le bureau régional de l’ATSIC qui finance les services en faveur des aborigènes de la région de Ceduna. L’Association pour le progrès en faveur des indigènes de la côte ouest (Far West Aboriginal Progress Association – FWAPA) est l’instance locale par l’intermédiaire de laquelle l’ATSIC finance les projets dans la ville de Ceduna. Les autorités fédérales et des États accordent également des aides pour les projets ou personnes remplissant les conditions requises. Une part importante des recettes du Conseil de district provient de subventions proportionnelles liées au nombre de personnes résidant dans la région, aborigènes compris. En effet, en Australie, les aides financières sont réparties selon les besoins. Sans coordination entre le Conseil de district, les organismes fédéraux et au niveau de l’État, la FWAPA et les autres associations bénévoles et organisations aborigènes, il existe un risque réel de répétition des efforts en direction de la communauté aborigène. Pendant longtemps, de nombreux aborigènes nomades sont passés par Ceduna ou s’y sont arrêtés quelque temps, et Irvine (1995) considère que leurs besoins n’ont pas été pris en compte. C’est aux autorités locales qu’il incombe de trouver un logement temporaire aux personnes vivant en campement ou de passage, et ce point est devenu une priorité du Conseil de district actuel, après une évaluation réalisée à sa demande par des consultants extérieurs (Nicholas Clark and Associates, 1994). Les recommandations sur le financement, la conception, la construction et la gestion d’un campement municipal par le Conseil de district et la communauté aborigène sont actuellement en cours d’application. Le Conseil de district de Murat Bay est le seul d’Australie à avoir signé un accord avec la communauté aborigène pour élaborer un plan commun de développement économique pour la région. Lors de l’élaboration de programmes visant les mêmes problèmes ou populations, le Conseil de district et le Conseil régional de l’ATSIC, ou sa filiale locale, la FWAPA, se penchent sur leurs ressources financières mutuelles et se mettent d’accord sur des plans communs évitant la répétition des efforts et des dépenses et permettant une gestion commune. M. Lewis et L. Roussel ont eu la possibilité de rencontrer par deux fois tous les membres du Conseil de district et le Coordonnateur du programme de prévention de la délinquance. Leur volonté de réconciliation et de coordination avec la communauté aborigène était évidente. Ils ont discuté ouvertement des conséquences du racisme dont les aborigènes ont été victimes de la part des institutions. Ils ont exprimé leur souhait d’instaurer des relations plus ouvertes et plus justes d’un point de vue social. Ils ont souligné combien l’évolution de la politique sociale envers les Australiens indigènes décrite ci-dessus avait précipité des changements affectant directement la vie à Ceduna sur le plan économique, social, éducatif, de la justice, et des services. Cette évolution de la politique Partie I : AUSTRALIE sociale ouvre également des perspectives nouvelles d’échanges mutuels et de coopération. Cependant, il est difficile de les concrétiser. Pour lancer le processus, le Conseil de district a pris l’initiative de s’adresser aux chefs de la communauté aborigène. Malgré des réactions de rejet et de nombreuses difficultés, ils ont persisté. Lorsqu’il leur a été demandé d’expliquer comment ils sont parvenus à instaurer une planification commune avec la communauté aborigène, ils ont attribué le succès de leur démarche à la qualité des relations établies avec les chefs locaux de cette communauté. Ils avaient également l’impression que la presse locale n’était pas impartiale dans son évocation de certaines questions liées aux initiatives du Conseil de district et aux aborigènes. Après « avoir été réprimandés » (Irvine, 1995), les journalistes locaux ont changé de ton. Le Conseil a également suscité l’intérêt et le soutien de l’ensemble de la communauté de Ceduna en diffusant un spot télévisé et en éditant une série de cassettes vidéo sur les possibilités offertes par la région de Ceduna dans les domaines économique et des loisirs dans un rayon de 1 500 km. Au lieu d’acteurs professionnels, ces films mettaient en scène la population locale dans un tableau évoquant la richesse multiculturelle, les gens et les ressources de la région. Ces films ont été projetés dans l’ensemble de l’Australie et ont contribué à créer et conforter une image de soi positive pour cette communauté. Le programme de prévention de la criminalité et le Réseau jeunesse mis en place par le Conseil Le Conseil de district a également su tirer parti d’une autre initiative dynamique, le programme de prévention de la criminalité mis en place par le ministère de la Justice d’Australie-Méridionale. Les autorités locales ont la possibilité d’obtenir des subventions pour étudier les facteurs sous-jacents à la criminalité et mettre en œuvre des stratégies pour les combattre. L’accent est mis avant tout sur la prévention et un large éventail d’actions sont possibles : il peut par exemple s’agir d’initiatives de développement local concernant l’ensemble de la population et permettant d’améliorer l’image de soi de la collectivité et de contribuer à son essor économique, à la sécurité et à la justice sociale. Le maintien de l’ordre par la population, une stratégie axée sur des interventions préventives, est répandu en Australie-Méridionale. A Ceduna, le programme a démarré en 1990-91 avec la création d’un Comité directeur sous les auspices du Conseil de district. Des courriers ont été envoyés aux présidents des associations locales privées et publiques, les invitant à participer à l’élaboration d’une proposition susceptible d’être subventionnée. Deux chercheurs qualifiés ont été engagés pour effectuer une étude sur la façon dont le problème de la criminalité était perçu par la population, et dresser des statistiques officielles sur le sujet. Un total de 296 groupes et individus ont participé au processus d’étude et aux réunions publiques (Collins et Miller, 1992). Les personnes interrogées considéraient que la lutte contre la criminalité passait par la prise en compte de cinq aspects déterminants de la vie locale : les difficultés de la jeunesse, la violence familiale, l’alcoolisme et la toxicomanie, l’éducation et l’acquisition de compétences pour lutter contre le chômage, et le développement communautaire. Les statistiques disponibles révélaient que Ceduna se situait au troisième rang pour la fréquence des mauvais traitements à enfants dans les zones urbaines pour la division nord du FACS. Les chiffres sur la violence familiale en Australie-Méridionale n’étaient pas disponibles. Le foyer pour femmes battues le plus proche est situé à 440 km, soit quatre heures de route, de Ceduna. En 1990-91, le Centre de sobriété a accueilli 591 personnes, mais ne dispose que de cinq lits, ce qui révèle le besoin urgent d’un centre de désintoxication à Ceduna. D’après les statistiques officielles des services de police d’Australie-Méridionale pour 1990, Murat Bay a un taux de délits violents supérieur à la moyenne pour l’ensemble de l’Australie-Méridionale (3 426.3 pour 100 000 habitants contre 1 076.1). Il en est de même pour les délits concernant les biens (19 043.8 contre 11 035.2). Les mineurs représentent 20 pour cent des inculpés pour coups et blessures et 47.6 pour cent des auteurs présumés de délits contre des biens (Collins et Miller, 1992, p. 28). Le processus de consultation de la population a permis de mettre en lumière les besoins suivants : 1) un lieu d’accueil pour des études surveillées destiné aux jeunes ne pouvant obtenir une aide aux devoirs à la maison (une tentative avait été faite, mais avait échoué en raison de l’insuffisance des moyens et de l’absence de motivation des élèves après une journée de classe) ; 2) un programme de 113 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE petit déjeuner à l’école ; 3) un centre d’hébergement/foyer pour les femmes et un service d’intervention d’urgence pour les cas de violence conjugale et de mauvais traitements à enfant ; 4) un centre de désintoxication/réinsertion ; 5) des programmes d’alphabétisation pour jeunes et adultes ; 6) un service de conciliation ; 7) un renforcement des effectifs de police pour favoriser la communication avec certains groupes ; 8) des services d’aide pour les victimes d’actes criminels ; 9) davantage d’informations inter-culturelles, d’interaction et d’intégration ; 10) une participation accrue des anciens dans des actions auprès des jeunes pour apaiser leurs craintes mutuelles ; 11) des projets de soutien aux familles pour l’éducation des enfants ; 12) une meilleure prise en charge des enfants par les parents ; 13) un accès plus facile aux informations sur les responsabilités et droits parentaux ; 14) des logements pour les jeunes sans abri ; 15) davantage de possibilités d’emploi pour la population dans son ensemble ; 16) des installations de loisirs pour les jeunes de moins de 18 ans ; 17) des services de transport pour répondre aux besoins des jeunes ; 18) un meilleur éclairage public et davantage de cabines téléphoniques dans le quartier de logements sociaux (Collins et Miller, 1992). Le Comité « Tous ensemble contre la criminalité » de Ceduna a été créé en mai 1991. Des comités ont également été mis en place pour étudier les cinq domaines jugés prioritaires par la population. Ils ont pour mission de définir des priorités pour le financement, de fournir des recommandations pour la mise en œuvre de mesures, d’évaluer les résultats et de présenter des rapports d’avancement au Conseil de district. En octobre 1991, des propositions concernant chacun des cinq domaines mentionnés ont reçu une aide du ministère de la Justice (250 000 dollars sur deux ans). Le Conseil de district a engagé un responsable de la prévention de la criminalité pour gérer les activités des programmes. En juin 1992, un responsable de projet aborigène a été recruté afin d’engager un processus de consultation auprès de la population aborigène. La lecture des divers ouvrages publiés dans le monde entier concernant la prévention de la délinquance a révélé qu’une stratégie de développement local était indispensable pour réussir dans ce domaine (Collins et Miller, 1992). Le Conseil de district juge nécessaires une planification et une coordination accrues entre les différents organismes pour la répartition des fonds accordés par diverses sources. Cela permettrait d’éviter la répétition des efforts et le gaspillage des ressources, et ainsi de fournir de nouveaux services. La mise en place du Réseau jeunesse de Ceduna est l’un des grands projets instaurés par le Conseil de district et le Comité « Tous ensemble contre la criminalité ». L’ensemble des organismes de la région travaillant auprès des jeunes ont été invités à un atelier sur les organismes et le travail social en direction des jeunes qui s’est tenu le 2 novembre 1994. Cet atelier a attiré un nombre important d’intervenants et a révélé leur volonté d’améliorer les services en faveur des jeunes à Ceduna. Suite à cette rencontre, un Réseau jeunesse de Ceduna a été formé et a tenu sa première réunion le 30 novembre 1994. Il a le statut de Comité consultatif auprès du Conseil de district. Un protocole d’accord signé entre le Conseil de district et le Comité du Réseau jeunesse énumère les termes de l’accord en vigueur pour une durée de deux ans expirant au 31 janvier 1997. Le réseau a pour rôle et responsabilité de : 1) mettre en œuvre des projets en faveur des jeunes et rendre compte de l’utilisation des fonds accordés ; 2) fournir aux particuliers et associations la possibilité d’exprimer leur intérêt et de participer à l’élaboration et à la mise en œuvre de stratégies et de programmes au plan local ; 3) négocier avec les organismes des accords de financement avec les bailleurs de fonds ; 4) orienter et soutenir le personnel employé pour la mise en œuvre des projets retenus ; 5) fusionner les moyens et sources de financement en faveur des jeunes pour l’ensemble du district ; 6) améliorer les ressources et moyens de communication disponibles pour les jeunes ; 7) servir de véhicule pour la recherche, l’obtention et la gestion des fonds destinés à la formation des jeunes et à des projets communautaires ; et 8) fournir au Conseil des rapports semestriels sur le financement et les résultats. 114 Le Conseil de district utilise le Réseau jeunesse comme un forum par l’intermédiaire duquel les organismes partagent les informations sur les ressources dont ils disposent, leur mission, leurs objectifs, les lacunes, et dans le cadre duquel ils s’engagent à planifier de façon concertée leurs efforts et leurs ressources, à éviter la répétition et à mettre en place de nouveaux services pour les jeunes. Les organismes membres du réseau se sont engagés à respecter ce processus. Au départ, les autorités scolaires de la région de Ceduna hésitaient à participer à une action nécessitant un tel degré d’ouverture et d’échanges, mais sont désormais partie prenante. Les membres du Conseil ont exprimé l’opi- Partie I : AUSTRALIE nion que nombre des problèmes de la communauté trouvaient leur origine à l’école de Ceduna et que les installations scolaires étaient sous-exploitées. Le Réseau a donc décidé de mettre en place dans l’enceinte de l’école un centre d’information pour les jeunes tenu par des responsables du réseau et des bénévoles et ouvert entre midi et deux à compter du premier trimestre 1995. La nomination du chef d’établissement n’est pas du ressort du Conseil de district, qui estime qu’étant donné l’importance de cette position pour la collectivité, les autorités locales devraient avoir leur mot à dire. Les membres du Conseil de district considèrent que les jeunes n’ont pas suffisamment l’occasion de définir leurs propres problèmes et les solutions à y apporter. Leur objectif à long terme est de créer un mini-conseil des jeunes qui aurait un rôle consultatif auprès du Conseil. A l’époque de la visite, une enquête venait d’être engagée auprès des jeunes de 13 à 19 ans, axée sur un questionnaire et des entretiens. Le rôle de la responsable de la prévention de la criminalité est d’assurer la liaison avec les associations. Elle préside diverses réunions, en rédige le compte-rendu et publie un bulletin d’information. Elle planifie et met en œuvre divers projets et participe activement à ceux dirigés par d’autres. Un projet particulièrement intéressant a été le premier camp « Surf Culture » de la côte ouest, financé essentiellement par le Comité « Tous ensemble contre la criminalité ». Des leçons de surf et des équipements ont été achetés auprès de Surf Culture Australia, un des principaux fournisseurs commerciaux de professeurs, d’entraı̂neurs et d’équipements de surf. Le FACS a fourni la nourriture, le matériel de camping et quelques moniteurs. Un total de 19 jeunes, dont huit aborigènes au moins, y ont participé. Suite à ce camp et à un autre organisé trois mois plus tard, trois jeunes aborigènes ont présenté leur candidature, qui a été retenue, pour être intégrés à l’équipe open masculine de surf d’Australie-Méridionale qui a concouru contre les équipes des autres États lors d’une compétition annuelle Koori qui s’est déroulée à Wreck Bay en Nouvelle-Galles du Sud. Certains participants ont exprimé leur intention de faire des stages de perfectionnement. Cette amélioration des compétences et de l’intérêt suscité par le surf pourraient faire naı̂tre des vocations et créer des emplois à Murat Bay, qui dispose de magnifiques plages adaptées à la pratique de ce sport. Les jeunes ont beaucoup appris sur les questions de sécurité et de santé liées au surf. D’autres camps et compétitions interclubs sont prévus. D’autres camps ont été organisés pour les enfants et jeunes de 8 à 15 ans, avec pour activités principales la pêche, le football et la natation. Ils ont connu un certain succès. Un stage de trois jours, avec hébergement, a également été organisé pour les filles, mettant l’accent sur la conscience de soi, les relations, la résolution de conflits, la confiance en soi, la toxicomanie, l’alcoolisme, le sida et diverses questions juridiques. De nombreuses autres activités de loisir ont été organisées, qui pourraient susciter des vocations. Un programme sur la violence familiale et un atelier sur la mise en place d’un foyer pour femmes battues sont également à l’ordre du jour. Le secteur éducatif à Ceduna Le voyage à Ceduna prévoyait la visite du centre d’accueil préscolaire pour les enfants aborigènes de 3 à 4 ans, géré par la FWAPA, du jardin d’enfants financé par l’État pour les enfants de 4 à 6 ans, de l’école de Ceduna qui accueille les élèves du jardin d’enfants jusqu’à la terminale, et de l’école luthérienne de Crossways, qui accueille les élèves depuis la section préparatoire (5 ans) jusqu’à la cinquième. Le directeur de l’école luthérienne a été un de ceux qui nous ont accueillies. Son établissement est considéré comme un bon exemple de l’action susceptible d’être menée par une école privée qui prend à cœur la mission d’intégration et de réconciliation avec les aborigènes et qui est devenue l’un des moteurs de la communauté. Les enfants aborigènes peuvent effectuer leur scolarité primaire au sein de leur communauté mais doivent venir à Ceduna pour suivre des études secondaires. Les autorités assurent le transport par bus depuis les communautés avoisinantes. Nous avons également visité l’Institut Spencer de formation technique et continue de Ceduna. Centre d’accueil préscolaire aborigène : Nous avons eu un entretien avec la directrice et visité les locaux en dehors des heures de cours. Le centre a été créé il y a 20 ans par des parents aborigènes sous les auspices de la FWAPA. Il est financé pour l’essentiel par cette dernière, qui ne rémunère cependant pas la directrice. Mme Armstrong préférerait un comité de gestion composé de parents en lieu et place 115 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE de l’actuel conseil d’administration. Elle est elle-même aborigène, issue d’une communauté installée dans une autre région du pays et a une formation d’enseignant du primaire. Elle travaille avec une assistante. Les livres et le matériel sont fournis par le DEETYA. Le centre accueille des enfants de 3 à 4 ans. Au moment de la visite, 21 étaient inscrits, et une quinzaine venaient une demi-journée, quatre jours par semaine. L’objectif principal du centre est de socialiser les enfants aborigènes dans un environnement imprégné de culture et de langue aborigènes et de les préparer à entrer au jardin d’enfants classique. Un autre objectif est la préservation de la langue aborigène. Jardin d’enfants : Le centre pour les enfants de Murat Bay est un jardin d’enfants financé par les autorités et dont la fréquentation est facultative. Nous avons eu un entretien avec les deux codirecteurs, dont l’un est aborigène. Ils nous ont donné l’impression de travailler en harmonie. Le budget du centre varie en fonction du nombre d’enfants inscrits au cours du trimestre précédent. Les codirecteurs ont une formation de directeur, et les deux autres employés ont une formation de professionnels de la petite enfance qui leur permet de travailler auprès d’enfants de 0 à 8 ans. L’établissement est considéré comme prioritaire par les autorités et bénéficie donc de subventions plus importantes. Cependant, le comité local de gestion bénévole doit trouver un financement pour le budget de fonctionnement, qui est en partie assuré par la participation financière des parents. La FWAPA organise le transport, qui est commun avec celui de son centre d’accueil. Certains enfants venant de l’extérieur profitent des transports scolaires publics. Le centre abrite également des services de santé pour les aborigènes et dispense des soins dentaires aux enfants scolarisés. Le nouveau ministère de l’Éducation et des Services à l’enfance d’Australie-Méridionale étant maintenant responsable des jardins d’enfants, il faut s’attendre à un partage plus systématique des ressources avec les écoles publiques de la région. Les codirecteurs ont expliqué que leurs principaux problèmes sont la gestion optimale de la diversité culturelle et la paperasserie exigée par les organismes publics, pour qui la flexibilité est inconnue. Ceduna est si éloignée des autres régions habitées d’Australie-Méridionale que le partage des ressources est une absolue nécessité. La formation en service du personnel est considérée comme une priorité et les employés participent à un groupe de formation en service inter-organismes dans le cadre d’un partage des ressources. Des intervenants extérieurs sont venus débattre de sujets tels que le racisme, le développement social, les services éducatifs, sanitaires et sociaux, l’obligation de signaler les cas de maltraitance, les comportements surprotecteurs et les services de santé. Les 62 enfants inscrits sont répartis en trois groupes. Le premier vient quatre matinées par semaine et les deux autres, deux journées complètes. Le fonctionnement est centré sur les enfants, dont on reconnaı̂t la diversité culturelle, le droit à la différence dans les procédures d’apprentissage et l’origine socio-économique. Certains sont des enfants d’agriculteurs, qui viennent en car, d’autres sont issus de la communauté grecque de Ceduna. La moitié environ sont des aborigènes nomades dont les besoins fondamentaux n’ont pas été satisfaits. Le personnel du centre travaille en coordination avec la garderie et le centre de jour pour les familles sur les questions d’encadrement des comportements, car certains enfants fréquentent à la fois le jardin d’enfants et la garderie. Le taux d’encadrement est de un pour dix. Les familles habitant dans un rayon de 300 km peuvent utiliser le centre et ses services mobiles, dont une ludothèque. Les services mobiles sont plus particulièrement destinés aux familles isolées et servent à intervenir précocement auprès d’enfants handicapés ou ayant des besoins spéciaux. Il y a également une halte-garderie gérée par les parents pour les enfants de 0 à 6 ans. A l’occasion, le jardin d’enfants peut assurer la prise en charge d’un enfant en situation d’urgence. La coordination avec le FACS est indispensable dans les cas de négligence ou de maltraitance. 116 Des programmes de transition ont été élaborés pour les enfants et leurs familles afin de préparer l’entrée à l’école luthérienne ou à l’école de Ceduna. Ils prévoient des réunions regroupant le personnel du jardin d’enfants, celui de l’école primaire, les parents, une aide pour les inscriptions, le partage d’informations et l’organisation de visites des écoles pour les enfants. L’école luthérienne emploie un responsable de la transition qui est chargé de mettre en œuvre une série de mesures et une stratégie visant à encourager les parents à prendre une part active dans l’entrée de leur enfant à l’école. La planification de la transition pour un enfant avec des besoins particuliers commence très tôt. Le bon Partie I : AUSTRALIE déroulement de cette étape délicate peut nécessiter l’intervention d’une équipe de spécialistes et d’un conseiller d’orientation. École luthérienne de Crossways : Le directeur de cet établissement a fait son credo de la réconciliation avec les aborigènes. Depuis son arrivée, la proportion d’élèves aborigènes dans l’école est passée à 60 pour cent du total. Le programme d’études a été modifié pour prendre en compte la diversité des procédures d’apprentissage, et met l’accent sur l’expérimentation, l’observation et l’émulation. Le programme doit être culturellement ouvert et inclut des séances d’étude de l’histoire des aborigènes pour tous. Le directeur est convaincu que la présence de nombreux élèves aborigènes a suscité un nouvel élan dans la communauté. Selon la philosophie de l’école, chaque enseignant doit avoir rencontré la famille de chacun de ses élèves. S’il le souhaite, il peut être accompagné d’un aborigène lors de ses visites. Les parents aborigènes se rendent maintenant plus fréquemment à l’école que par le passé, et visitent même les classes. L’établissement de liens étroits avec le service de santé des aborigènes a abouti à l’élaboration d’un programme permettant à chaque enfant aborigène une visite médicale réalisée par un médecin aborigène, avec l’autorisation des parents. Cette mesure est considérée comme un pas de plus vers l’intégration sociale. En liaison avec le programme local d’emplois pour le développement communautaire (CDEP), le directeur a pu recruter six personnes travaillant deux jours par semaine dans son établissement, ces personnes étant rémunérées par le CDEP, elles ne coûtent rien à l’école. Ce personnel supplémentaire a su apporter de nouvelles compétences et des capacités diverses – artistiques par exemple – dans son travail auprès des enfants. Certains se sont même proposés pour travailler plus de deux jours par semaine. Le budget annuel de l’école luthérienne de Crossways s’élève à 430 000 dollars. Comme toutes les écoles privées en Australie, elle reçoit un soutien des autorités fédérales et de l’État. De plus, elle perçoit des droits d’inscription annuels s’élevant à 400 dollars par enfant, avec un tarif dégressif pour le deuxième et le troisième enfant. Si un enfant bénéficie de l’aide sociale, l’école obtient une allocation couvrant une partie des frais et des fournitures scolaires, ce qui ramène la participation des parents à 100 dollars. Plus de 50 pour cent des enfants accueillis à l’école de Crossways sont dans ce cas. L’association des parents d’élèves et amis de l’école participe également à la collecte de fonds pour des projets spécifiques. Il existe également un programme de sensibilisation des parents et d’aide aux élèves aborigènes qui accorde 200 dollars par enfant pour les activités. Ces contributions volontaires ne sont pas intégrées au budget de l’école, mais elles ont permis l’achat d’ordinateurs et l’organisation d’excursions pour les enfants. Les chefs d’établissement de la région ouest se réunissent deux fois par trimestre pour discuter de leurs programmes, échanger des idées, partager des programmes de formation en service et certains équipements. De plus, toutes les écoles de la région ont acheté un bus en commun pour les excursions et classes de découvertes des enfants. Le directeur est également en relation avec le Conseil de district et le Comité « Tous ensemble contre la criminalité ». Il est arrivé que des enfants d’une dizaine d’années soient responsables de petits délits et il considère que les actions préventives menées par ces deux organismes peuvent être utiles à son établissement. Les besoins élémentaires de nombreux enfants accueillis à l’école de Crossways ne sont pas résolus, ils sont souvent confrontés à des problèmes familiaux, et le directeur souhaiterait multiplier les actions en coordination avec les organismes et programmes de services éducatifs, sanitaires, sociaux et familiaux. Ceduna Area School : Cet établissement accueille les élèves depuis le jardin d’enfants jusqu’à la terminale. Sur les 500 enfants inscrits, 190 (soit 38 pour cent du total) sont aborigènes. L’école a mis en place une équipe éducative aborigène composée de deux enseignants et de trois éducateurs. Une sixième personne est chargée des relations avec les familles. Ces personnes jouent le rôle de modèles pour les enfants aborigènes. Une des missions de l’équipe consiste à garder le contact avec les élèves qui quittent l’école. L’absentéisme est parfois lié à la culture aborigène : en effet, il arrive que les familles aborigènes soient nomades ou envoient leurs enfants vivre ailleurs avec un parent en cours d’année scolaire sans en notifier l’école. En conséquence, dans le cadre de leurs responsabilités, les écoles doivent mettre tout en œuvre pour les retrouver et faciliter leur adaptation à un nouvel environnement éducatif. Le directeur adjoint que nous avons interrogé a déclaré que l’établissement était une des douze écoles australiennes ayant reçu des subventions pour élaborer des projets 117 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE éducatifs pour les jeunes à risque en tenant compte de leurs aspirations. Des efforts sont en cours pour obtenir une aide financière afin de créer un programme scolaire pour les élèves nomades, qui suivrait les jeunes aborigènes dans tous leurs déplacements. La plupart des projets éducatifs sont élaborés par l’institut local de formation technique et continue, car il est clair que les élèves ne pourront pas suivre une scolarisation normale. Quelques élèves au comportement perturbateur sont également concernés par ces projets éducatifs. D’autres ont des résultats insuffisants qui ne leur permettraient pas de passer dans la classe supérieure, et abandonneraient leurs études s’ils n’avaient pas une autre possibilité. Dans ces cas, le personnel de l’établissement négocie avec les élèves et leur famille pour les convaincre qu’il est préférable pour eux de suivre une formation correspondant à leurs compétences à l’institut de formation technique et continue. L’élaboration de certains de ces projets éducatifs nécessite un travail en collaboration avec d’autres organismes ou des entreprises pour un programme de formation en alternance. Institut de formation technique et continue (TAFE) : Le Spencer Institute de Ceduna est l’un des 287 instituts de formation technique et continue que compte le pays. Les programmes d’études proposés concernent les domaines suivants : commerce, enseignement aborigène, services éducatifs, sanitaires et sociaux, mécanique, alphabétisation des adultes. La mise au point du programme d’éducation aborigène s’est faite par le biais de consultations avec diverses associations aborigènes et organismes publics. Les méthodes pédagogiques sont adaptées pour permettre l’élaboration de programmes d’études correspondant aux intérêts et aptitudes des élèves. L’institut accueille environ 350 étudiants par an, dont une part importante à temps partiel seulement. Le personnel est composé de six à sept enseignants à temps plein, mais de nombreux spécialistes viennent y assurer des cours dans des domaines spécifiques. Le personnel non enseignant est composé d’un conseiller d’orientation, d’un bibliothécaire à temps partiel, d’un concierge et d’un réceptionniste. 118 En partenariat avec la Ceduna Area School, un programme spécial de formation professionnelle (Special Initiative Vocational Training Programme – SIVTP) a été mis au point pour les jeunes qui refusent de poursuivre leurs études dans un établissement scolaire. Il a bénéficié d’aides financières ou en nature du DEETYA, du Comité local de prévention de la criminalité, de l’Institut de formation technique et continue, de la Ceduna Area School, du programme d’accès rural, de Kickstart (un programme de l’État d’Australie-Méridionale destiné aux jeunes chômeurs), et de divers organismes locaux. Le financement était assuré pour douze mois et de nouvelles aides seront nécessaires pour la poursuite du programme qui est considéré comme un succès. Le SIVTP est dirigé par un Comité de gestion de cinq personnes représentant l’institut de formation technique et continue, le programme de prévention de la criminalité, la Ceduna Area School, les Services à la famille et à l’enfance, le DEETYA et une enseignante/coordinatrice. Celle-ci est chargée d’encourager les initiatives entre condisciples, de suivre chaque élève personnellement, de prodiguer à tous encouragements, conseils et aide, ainsi qu’un soutien scolaire. Depuis la mise en place du programme en mai 1994, 27 jeunes en ont bénéficié. Six d’entre eux ont obtenu un emploi à temps plein ou partiel. Six ont poursuivi leurs études pour passer le certificat de fin d’études secondaires d’Australie-Méridionale (South Australia Certificate of Education – SACE). Douze n’ont pas encore terminé le programme. Pour trois autres, l’avenir est incertain. La majorité d’entre eux étaient au chômage et avaient interrompu leurs études lorsqu’il leur a été proposé de suivre le SIVTP. Bien que le programme ait été conçu à la fois pour les aborigènes et les autres, aucun élève aborigène ne s’est inscrit, d’où une certaine déception des responsables. De même, en raison des difficultés à faire garder les enfants, peu de filles en ont profité. Au début du programme, des objectifs à court terme, plutôt qu’à long terme, sont définis avec les élèves en fonction de leurs aptitudes. Ils sont davantage considérés comme des adultes que comme des adolescents et l’on attend d’eux qu’ils se prennent en charge et assument leurs responsabilités. Le fait de suivre des études dans un établissement fréquenté par des adultes, comme c’est le cas de l’institut de formation technique et continue, semble motivant à certains d’entre eux qui ne se plaisaient pas à la Ceduna Area School. Le programme d’études comporte un certain nombre d’activités concrètes qui obligent les élèves à s’intéresser à la vie active, à élaborer des projets précis, à entreprendre des démarches de recherche d’emploi, à acquérir les compétences nécessaires à un entretien d’embauche et à redécouvrir l’écrit. Le programme comporte également des cours traditionnels, et des épreuves de rédaction et Partie I : AUSTRALIE de lecture. Les six premières semaines, le programme était le suivant : informatique, mécanique automobile légère, communication, éducation au choix, compétences méthodologiques. Les élèves avaient également la possibilité de passer un brevet de secourisme. Ensuite, ils ont été encouragés à choisir les matières utiles pour la carrière qu’ils envisageaient. Certains ont sélectionné des modules du programme d’études commerciales ou de services éducatifs, sanitaires et sociaux. D’autres ont opté pour l’action sociale, la sécurité et l’hygiène en milieu professionnel, l’esthétique, la couture, la menuiserie, les mathématiques ou l’horticulture. Les cours d’informatique se sont poursuivis tout au long de l’année, et étaient essentiellement axés sur l’utilisation de traitements de textes et de tableurs, et la gestion de base de données. Au cours du dernier trimestre, deux modules étaient proposés. L’un concernait la restauration, et était assuré par un professionnel dans un bar-restaurant. Le second était constitué de cours achetés auprès du Conseil de formation du commerce de détail et concernait les relations avec la clientèle et services aux clients. Le directeur de l’institut a attribué le succès de cette première année aux efforts déployés par le Comité de direction en matière de gestion, d’engagement et de résolution de problèmes, et aux qualités personnelles et d’organisation de la coordinatrice. Il estimait que le principal obstacle à la coordination des efforts en faveur des jeunes à risque est la politique sociale ou la façon dont elle est administrée. D’après lui, la souplesse est indispensable pour élaborer des plans d’études pour les jeunes à risque qui ont abandonné leurs études ou sont susceptibles de le faire. Si les autorités souhaitent mettre en place un système sans faille de prestations et de services pour répondre aux besoins de chacun, dans la réalité, les démarches administratives sont tellement contraignantes qu’il est très difficile d’adopter une approche globale et de fusionner les subventions ayant des objectifs similaires. Par exemple, AUSTUDY, un programme fédéral d’aide aux étudiants, est destiné avant tout aux étudiants à temps plein, ce qui risque de desservir les jeunes à risque, pour qui un programme d’études à temps partiel ou personnalisé est souvent mieux adapté. Il a fallu négocier avec acharnement auprès des autorités compétentes pour obtenir la permission d’utiliser ces fonds pour les programmes d’études individualisés mis en œuvre par l’Institut de formation technique et continue. Le directeur a indiqué que parfois les autorités locales ont pu obtenir des fonds pour l’institut quand celui-ci ne pouvait le faire directement. Le rôle de coordination joué par l’actuel Conseil de district a permis de rapprocher l’institut d’autres organismes travaillant auprès des jeunes. RÉSUMÉ ET CONCLUSION Un thème récurrent lors de notre visite en Australie-Méridionale a été l’objectif de justice sociale en faveur des adolescents qui interrompent leurs études secondaires ou sont susceptibles de le faire. Les programmes du gouvernement fédéral en matière d’équité, d’aide financière, de logement et projets ciblés constituent un matelas permettant de répondre aux besoins essentiels des jeunes dont le handicap est lié à la pauvreté, à la discrimination, à l’absence d’ouverture du système vers les autres cultures et à divers autres facteurs sur lesquels les jeunes eux-mêmes n’ont aucun pouvoir. Les autorités fédérales ont été chargées par le peuple australien de coordonner les politiques de l’éducation, de l’emploi et de la formation en rapport avec la gestion du marché du travail. Dans certaines régions, le taux de chômage des jeunes est très élevé. Le fait que les autorités fédérales élaborent un si grand nombre de mesures et de programmes destinés spécifiquement aux jeunes en difficulté est emblématique de l’engagement de la nation tout entière. Les YAC, placés sous la tutelle des Services de l’emploi du Commonwealth, ont pour mission de coordonner les services en direction des jeunes au niveau local. Leur succès dépend néanmoins de la coopération entre les autorités locales et de l’État et les autres organismes privés et publics. Les qualités de leadership et de coordination des responsables des Services de l’emploi du Commonwealth et du personnel des YAC constituent un autre élément déterminant. Il n’y a pas d’exigences spécifiques concernant les qualifications requises pour la gestion des dossiers dans les YAC. Les domaines d’intervention des YAC visités présentaient une grande diversité. Certains mettent l’accent sur la gestion individualisée des dossiers, c’est-à-dire l’intégration des services au niveau individuel. Le YAC de Salisbury axait ses efforts sur la planification et la coordination avec les entreprises et les autres organismes éducatifs ou services éducatifs, sanitaires et sociaux pour résoudre les problèmes de fond des jeunes. Un tel objectif nécessite de consacrer du temps à l’analyse et à la compréhension du marché du travail local, de façon à proposer, sur un 119 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE 120 mode systématique, des services et programmes spécifiques aux entreprises et aux écoles afin d’encourager l’emploi des jeunes. Les responsables des organismes fédéraux doivent viser les mêmes objectifs pour que les programmes ciblés élaborés par Canberra permettent de lutter contre les inégalités dans le domaine éducatif. De plus, les autorités des États doivent suppléer aux programmes fédéraux. Le gouvernement d’Australie-Méridionale au plus haut niveau a proposé ce type d’engagement dans son initiative de 1987 destinée à encourager l’intégration des services pour les jeunes d’âge scolaire ayant de sérieux problèmes sociaux et de comportement. Le rapport Stratmann (1988) a émis des recommandations en direction des grands services administratifs chargés des mesures concernant les jeunes. Les autorités d’Australie-Méridionale ont également fourni les moyens d’appliquer la plupart de ces recommandations dans le cadre de son budget en faveur de la justice sociale. Des procédures d’orientation inter-organismes (IRP) ont été soigneusement élaborées et mises en œuvre pour faciliter un travail multidisciplinaire et inter-organismes auprès des jeunes et de leur famille ayant besoin des services de deux grands organismes publics ou plus. Les entretiens avec des cadres administratifs moyens et le personnel en contact avec les clients travaillant dans le cadre de l’IRP témoignent d’une compréhension clinique approfondie des problèmes des bénéficiaires et d’un respect mutuel pour les compétences professionnelles des autres. Ces personnels ont également prouvé leur capacité à répartir différemment les responsabilités pour gérer les dossiers des jeunes en difficulté et de leur famille de façon à améliorer les possibilités d’intervention définies par la loi et susceptibles d’être facilitées par des relations professionnelles efficaces, tout en respectant les droits des jeunes et de leurs parents. Ils ont exprimé leur enthousiasme pour le système, mais également leur volonté de le pérenniser, de l’améliorer et d’étendre son champ d’action. Une caractéristique notable de l’Australie-Méridionale est que le secteur éducatif a prouvé sa capacité à organiser et à consacrer des ressources importantes pour soutenir l’intégration des services. Au sein des établissements, ce sont généralement des personnels enseignants qui assurent l’action sociale en direction des jeunes, mais l’Australie-Méridionale est un État où le secteur éducatif reconnaı̂t la nécessité de faire intervenir d’autres organismes et professions pour maintenir certains jeunes dans le système scolaire. Le ministère de l’Éducation et des Services à l’enfance considère également les innovations pédagogiques comme indispensables pour en finir avec les attitudes discriminatoires sexistes et racistes, favoriser la tolérance vis-à-vis des autres cultures et réaliser les objectifs de justice sociale. L’intégration des services et la réconciliation avec les Australiens aborigènes ont constitué un autre thème majeur de l’étude de cas sur l’Australie-Méridionale. Les questions associées à ces deux thèmes ont été soulevées dans chacun des sites visités, mais c’est surtout à Ceduna, une petite ville isolée de la côte ouest de l’État, qu’elles constituent une priorité pour les autorités locales. Le Conseil de district de Murat Bay y a entrepris une intégration des services fondée sur le développement communautaire. La région placée sous la responsabilité de ce Conseil abrite le pourcentage d’aborigènes le plus élevé de toutes les collectivités territoriales d’Australie-Méridionale. Le plan économique local élaboré avec la communauté aborigène est devenu un projet d’importance nationale. Le travail accompli par le Conseil est étudié lors de conférences réunissant les responsables de collectivités locales et constitue un modèle qui pourrait être adopté par d’autres villes. La coopération et les efforts d’intégration des services avec les associations aborigènes étaient manifestes dans plusieurs domaines essentiels au bien-être de la population locale, c’est-à-dire le logement, la lutte contre l’alcoolisme et la toxicomanie, l’éducation à tous les niveaux, les loisirs, le maintien de l’ordre et la prévention de la criminalité. Des efforts de coordination ont été entrepris au niveau de la planification financière pour maximiser les possibilités d’utilisation des aides versées au Conseil de district, à diverses organisations et aux associations aborigènes. Il s’agit là de stratégies prometteuses qui sont indispensables pour réaliser une intégration efficace des services. La politique australienne en faveur des jeunes a fait son chemin jusqu’à ce coin perdu de la côte ouest. Ce Conseil de district est le premier à mettre en place un Réseau jeunesse regroupant des représentants de tous les organismes travaillant auprès des jeunes dans le district, et qui joue le rôle de consultant officiel auprès du Conseil et qui a été chargé de coordonner les services en direction des Partie I : AUSTRALIE jeunes pour une période de deux ans. Une approche efficace du développement communautaire a été adoptée lors du processus de mise en place du réseau. Tout d’abord, la communauté a été consultée par une enquête visant à établir la perception des besoins. Le Conseil s’est appuyé sur les résultats pour mettre en place cinq comités de travail distincts chargés d’élaborer des plans pour répondre aux besoins identifiés dans les principaux domaines. Le Comité de la jeunesse est devenu le Réseau jeunesse. Les quatre autres instances sont en cours de développement. La réussite dans les autres domaines permettra également d’améliorer la vie quotidienne des jeunes. Pendant les entretiens et visites à Ceduna, la cohésion et la fierté nées de ce projet sont apparues clairement. 121 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE RÉFÉRENCES ATSIC (Aboriginal and Torres Strait Islander Commission) (1994a), Annual Report, 1993-94, Canberra. ATSIC (1994b), What is ATSIC ?, Canberra. Australian Conference of Directors-General of Education and the Commonwealth Youth Bureau, Department of Employment, Education and Training, « Children and youth at risk : Effective programmes and practices », document ronéotypé. BUDD, N. et CAMERON, M. (1994), Client Surveys Report : National Survey of Client Satisfaction With Youth Access Centres, December 1993-March 1994, DEETYA Economic and Policy Analysis Division, Evaluation and Monitoring Branch, Canberra. COLLINS, R. et MILLER, V. (1992), Draft Two Year Crime Prevention Plan for Ceduna, Together Against Crime, Conseil de District de Murat Bay, Ceduna. 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Lorsque l’équilibre budgétaire devient une priorité pour les autorités, ce sont la santé, l’éducation et l’action sociale qui sont menacées. L’intégration des services sociaux se généralise dans le monde entier et constitue pour les décideurs australiens un moyen permettant à la fois d’améliorer les services et de réaliser des économies. On trouvera ci-après une évaluation descriptive de huit programmes publics de services en direction des jeunes mis en place en Nouvelle-Galles du Sud et ayant reçu la visite de l’équipe de l’OCDE. SITUATION GÉNÉRALE En Australie, les politiques régissant la fourniture de services aux familles et enfants sont du ressort des six États et deux territoires autonomes qui sont représentés au parlement bicaméral, à Canberra. Chaque État possède des domaines réservés sur lesquels il exerce sa souveraineté ainsi qu’une Constitution propre, élit un gouverneur et un parlement et dispose d’un pouvoir exécutif et judiciaire. La constitution australienne prévoit un système parallèle au niveau fédéral (judiciaire, législatif, exécutif). Bien que compétent concernant le divorce, le mariage et la sécurité sociale, le niveau fédéral ne peut voter les lois ayant trait à l’enfance, domaine dans lequel la législation des États a prééminence sur celle de l’État fédéral. La plupart des mesures relatives à l’enfance (santé, éducation et action sociale) sont donc élaborées par les États, de sorte qu’il existe de nombreuses différences dans les pratiques, la réglementation et l’organisation des services d’un État à l’autre. Le lieu de résidence d’un enfant est important puisque les services sont administrés par des lois, organismes et programmes relevant des États et qu’il n’existe aucune politique nationale de l’enfance. Cependant, lorsque des programmes nationaux se révèlent indispensables, les australiens savent tirer parti des lois fédérales pour proposer un large éventail de services à la jeunesse, ce qui est vrai notamment dans le domaine de l’emploi des jeunes. Contrairement à de nombreux pays du monde qui offrent aux jeunes des services traditionnels dans le cadre de programmes distincts de santé, d’éducation et d’action sociale, l’Australie a adopté une approche globale et relie aux services pour l’emploi les actions dans les domaines de la santé mentale, la prévention du suicide, l’éducation sexuelle, la lutte contre la toxicomanie, le rattrapage scolaire et la réinsertion des délinquants. D’après le dernier recensement officiel, en 1993, l’Australie comptait 17.6 millions d’habitants. La Nouvelle-Galles du Sud en est l’État le plus riche et le plus peuplé (près de 5 millions d’habitants). Comme dans le reste du pays, l’essentiel de la population vit le long du littoral. Les exemples donnés ici concernent Sydney, première ville de l’État, et Newcastle, ville minière (charbon) et port important. 123 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE Ces deux villes sont durement frappées par une récession qui maintient le chômage à des niveaux sans précédent depuis 1990. Un rapport sur la répartition de la richesse en Australie rédigé en 1992 par les évêques de l’Église catholique a attiré l’attention du pays sur les conséquences de la récession et la pauvreté qu’elle entraı̂nait pour les familles et les enfants. Ce rapport concluait que l’Australie était devenue le moins égalitaire des pays occidentaux (Australian Catholic Bishops, 1992). La nature des facteurs de risque touchant les jeunes dans l’ensemble de l’Australie fait l’objet d’une littérature abondante. La Fondation pour la jeunesse australienne concluait dans son rapport « Une génération perdue » (« A Lost Generation ») (1994) que plus d’un demi-million de jeunes âgés de 15 à 24 ans vivaient en marge de la société australienne, sans exercer d’emploi ni poursuivre des études à temps plein. Le taux de suicide des jeunes australiens est le plus élevé du monde : près de 2 000 jeunes se donnent la mort chaque année, et ils sont beaucoup plus nombreux à tenter de le faire. On dénombre 40 suicides par semaine, soit six par jour, ou un toutes les quatre heures. Le taux de suicide chez les jeunes de 14 à 19 ans a progressé de 600 pour cent au cours des 25 dernières années, et le suicide est devenu la première cause de mortalité chez les jeunes, avant les accidents de la route. La toxicomanie est également un problème grave et la moitié des consommateurs de drogues illicites ont moins de 20 ans. La jeunesse australienne est décrite comme découragée et profondément désespérée. Avec ses régions au tissu urbain très dense, la Nouvelle-Galles du Sud est surreprésentée dans ces chiffres. Les problèmes de santé mentale des jeunes sont également plus marqués au sein de l’importante population aborigène vivant dans cette région. Le chômage des jeunes est considéré comme l’un des principaux facteurs de risque : 40 pour cent des chômeurs sont des jeunes de moins de 25 ans. D’après l’Australian Youth Foundation (1995), le chômage est le problème numéro un des jeunes : il faudrait aux 15-24 ans en moyenne 20 mois pour trouver un emploi et lorsqu’ils en trouvent un, il est souvent mal payé, sous-qualifié et précaire. Le Centre d’études sur le travail de l’Université d’Adélaı̈de prévoit que d’ici l’an 2000, il n’y aura pas d’emploi à temps plein pour les jeunes de moins de 19 ans. Bien que la croissance ait connu un léger sursaut au début de l’année 1994 (le chômage est passé du niveau record de 11.4 à 9.4 pour cent), le pays reste frappé par une grave crise économique et compte trois millions de demandeurs d’emploi. Le chômage des jeunes se situe autour de 25 pour cent. Reconnaissant l’ampleur de la crise, les autorités australiennes ont publié un livre blanc sur l’emploi et la croissance, qui fait date. Ce document, intitulé « Une nation au travail » (« Working Nation », 1994), propose un plan d’action sur quatre ans, avec un budget de 6.5 milliards de dollars australiens, afin de ramener le taux de chômage à 5 pour cent d’ici à l’an 2000. Des programmes ont été mis en place pour résoudre les problèmes du chômage de longue durée et de la formation des jeunes. Dans le cadre des efforts de formulation et d’application des mesures concernant une stratégie nationale pour l’équité à l’école (National Strategy for Equity at School) (Ministerial Council of Education, Employment, Training and Youth Affairs, 1994), les autorités ont accordé la priorité à une série d’objectifs et de mesures qui reflètent l’engagement à long terme de l’Australie à traiter les causes économiques et sociales de l’échec scolaire. Les programmes issus de cette réflexion et d’autres initiatives plus récentes sont de nature globale. De plus, ils ont abouti en 1994 à la mise en place par les autorités d’un Programme de justice sociale en faveur des jeunes (Youth Social Justice Strategy – YSJS) qui vise plus particulièrement à assurer la coordination entre les projets et services locaux et fédéraux afin d’améliorer les résultats scolaires des enfants et adolescents à risque. Ce programme propose un large éventail de services aux jeunes : logement pour les sans-abri, soutien au revenu, aide à la recherche d’emploi, éducation, santé, information et conseil. Ces mesures ont permis, dans plusieurs cas, une intégration réussie, fondée sur des réseaux de communication locaux et l’action des prestataires au niveau local en vue de coordonner les services en direction des jeunes. POLITIQUES ET STRUCTURES ÉDUCATIVES FÉDÉRALES ET DE L’ÉTAT 124 D’après la constitution, l’éducation et la formation sont du ressort des États et territoires. Cependant, les autorités fédérales, responsables du développement économique du pays, jouent un rôle non Partie I : AUSTRALIE négligeable dans ce domaine. L’enseignement est réparti en trois secteurs : les écoles primaires et secondaires (publiques et privées), la formation professionnelle et l’éducation permanente, dispensées pour l’essentiel dans des instituts de formation technique et continue (TAFE), et les universités. Nombre des mesures concernant directement l’enfance et la jeunesse sont mises en oeuvre dans le cadre du système éducatif. Les écoles de la Nouvelle-Galles du Sud accueillent un tiers du total des effectifs du pays dans le secondaire et le primaire. Le ministère de l’Éducation de la Nouvelle-Galles du Sud met en oeuvre la plupart des mesures élaborées par les autorités fédérales ou au niveau de l’État. Les objectifs fixés par l’État pour les écoles publiques et privées témoignent, comme dans de nombreuses régions du monde, de l’intérêt particulier porté à de nombreux aspects : les résultats, la responsabilité, l’assurance-qualité, l’équité, la réforme des programmes et l’intégration des élèves ayant des besoins particuliers (Ministerial Council of Education, Employment, Training and Youth Affairs, 1993). Les échanges avec la communauté et la participation de celle-ci sont implicitement considérés comme un moyen d’améliorer l’efficacité de l’école et de faciliter la collaboration entre les établissements scolaires et les services d’aide à l’enfance. Par hasard, les deux écoles mentionnées ciaprès faisaient l’objet d’un audit d’assurance-qualité lors de la visite de l’équipe de l’OCDE. Il a été intéressant de constater que l’un des critères d’évaluation était l’efficacité des personnels dans les actions menées en concertation avec les autres organismes locaux. Cependant, il n’a été fait référence à aucune disposition locale sur l’intégration des services. De plus, les avantages potentiels de l’intégration des services n’ont pas non plus été évoqués lors des discussions sur les élèves ayant des besoins spéciaux ou confrontés à des difficultés socio-économiques. Intégration des services en direction des jeunes Le ministère fédéral de l’Emploi, de l’Éducation, de la Formation et de la Jeunesse (DEETYA) tente de fournir des services complets intégrés et coordonnés dans le cadre d’un projet baptisé « réseau pour la jeunesse » (Youth Network), qui vise à relier les services fournis par trois ministères fédéraux : le ministère de la Santé, du Logement, des Collectivités locales et des Services communautaires (qui finance les programmes de lutte contre le sida, la toxicomanie et l’alcoolisme, le logement et le programme Medicare d’aide médicale gratuite) ; le ministère de la Protection sociale (qui finance les allocations pour recherche d’emploi, les allocations New Start, les aides aux jeunes sans-abri, les pensions pour parent isolé, et le programme JET), et le ministère de l’Emploi, de l’Éducation, de la Formation et de la Jeunesse (qui finance le programme AUSTUDY destiné à aider des jeunes de 16 ans ou plus remplissant certaines conditions à poursuivre leurs études, et le projet ABSTUDY, un dispositif analogue destiné aux Aborigènes et aux jeunes insulaires du détroit de Torrès). Ce ministère est également responsable des centres d’orientation professionnelle, de l’aide à l’enfance isolée et du programme de contribution à l’enseignement supérieur. Les efforts du DEETYA en faveur des jeunes se concrétisent par les YAC, qui sont gérés par les Services de l’emploi du Commonwealth et souvent installés dans les mêmes locaux. Une étude de ces services par Chesterman et Schwager (citée dans Waller, 1992) ayant permis d’identifier divers problèmes au niveau des efforts de coordination, les YAC ont été chargés de coordonner les services en direction de la jeunesse. Dans ce contexte, le terme de coordination implique une planification plus rationnelle des services fournis, un travail en réseau entre les services et une gestion individualisée des dossiers. L’ambition première de ce projet est de fournir aux jeunes un soutien financier, des conseils d’orientation professionnelle, une formation, un emploi, un logement et une aide pour résoudre des problèmes personnels et de santé. Les centres d’information et d’orientation pour les jeunes La création des YAC constitue la tentative la plus manifeste d’intégration des services pour la jeunesse en Australie. Ils ont été mis en place avec pour mission de fournir des informations, des conseils et d’aiguiller les jeunes vers d’autres services. Ils ont été aménagés de façon à offrir aux jeunes la possibilité de résoudre l’ensemble de leurs problèmes en un lieu unique dans un environnement accueillant, convivial et détendu. D’après le résumé de trois enquêtes nationales sur la satisfaction des usagers, plus de 85 pour cent des jeunes, des organismes pour la jeunesse et établissements 125 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE secondaires les ayant utilisés se déclaraient satisfaits des informations fournies par les YAC (Department of Employment, Education and Training, 1994). Bien qu’ils aient pour mission spécifique de coordonner les services en direction des jeunes, ils interviennent essentiellement en assurant le partage des informations et l’identification des lacunes. Ce rôle a dû évoluer face à la résistance qu’ont opposée les services pour la jeunesse des États et des collectivités locales à la participation d’organismes fédéraux à l’intégration des programmes et services. En effet, ces services craignaient que les efforts d’intégration n’aboutissent à la fusion des programmes dans l’objectif de réduire les coûts. En conséquence, les YAC ont pour seule mission, clairement délimitée, de « favoriser le processus de coordination entre les organismes de l’État et ceux des collectivités locales (...). Les prestataires semblent préférer que la coordination des services en faveur des jeunes soit placée sous la responsabilité des autorités locales ou des organisations locales » (Waller, 1992). Programme pour les élèves à risque (STAR) Le DEETYA finance un projet baptisé « Programme pour les élèves à risque » (STAR) ayant pour objectif de repérer les élèves susceptibles d’abandonner l’école en cours de scolarité et de leur fournir les services adéquats afin d’augmenter leurs chances de terminer leurs études. Ce programme prévoit notamment un soutien scolaire pour maintenir les élèves à risque dans le système, des efforts particuliers de renforcement des relations et de la communication école-famille, la mise au point de méthodes plus efficaces de dépistage, l’assouplissement des structures pour faciliter la réinsertion scolaire, et la recherche de moyens d’améliorer les échanges entre l’école et les entreprises. Le résumé de dix études de cas commandées par le ministère de l’Éducation permet de dresser un tableau détaillé de ces efforts (Coopers et Lybrand, 1992). Ce rapport conclut que le programme STAR présente une caractéristique remarquable : il est parvenu à « faire autant avec si peu (...) pour améliorer la scolarité des élèves risquant de quitter l’école avant la fin de leur scolarité ». L’étude souligne également l’importance d’accorder aux établissements scolaires une plus grande autonomie en matière d’action sociale en faveur des élèves et l’efficacité d’une approche considérant les jeunes comme des individus à part entière et non des membres d’un groupe particulier. Trois YAC ont été visités : le YAC City Central de Sydney, celui de Marrickville et celui de Newcastle. Des projets STAR étaient en cours dans la plupart des écoles et services observés. INTÉGRATION DES SERVICES A SYDNEY Services pour la jeunesse de South Sydney Contexte South Sydney est un quartier étendu (78 000 habitants) abritant essentiellement une population ouvrière et la plus importante communauté aborigène urbaine d’Australie, ainsi que divers groupes d’immigrants. Le quartier est confronté à un certain nombre de problèmes courants dans le centre des grandes villes tels que la pollution atmosphérique, la surpopulation, l’absence de lieux de détente et l’insécurité. Le taux de chômage y est trois fois plus élevé que la moyenne nationale. Malgré un nombre important de familles à faible revenu et de logements sociaux, le mélange des cultures crée un dynamisme qui, conjugué à la volonté de développement de la communauté, fait de South Sydney un endroit passionnant où vivre et travailler. Les services ont été créés par une vingtaine de prestataires pour faire face aux problèmes complexes auxquels sont confrontés les jeunes, en réponse à une demande de la population qui souhaitait une collaboration entre les services en direction des jeunes dans ce quartier de la ville et une approche globale des problèmes. Input 126 Les services sont fondés sur l’idée de respect de la personne, la reconnaissance des droits, la justice sociale, l’autodétermination et l’importance de l’autonomie personnelle axée sur l’acquisition Partie I : AUSTRALIE des compétences et connaissances nécessaires. Les services fonctionnent en collaboration et selon une approche globale. Ils interviennent dans les domaines suivants : 1) prévention sur le terrain ; 2) développement communautaire ; 3) aide à la formation et à l’emploi ; 4) accès au soutien du revenu ; 5) programmes éducatifs ; 6) information et services de santé ; 7) protection judiciaire des jeunes et soutien para-juridique ; 8) conseils ; 9) musique, vidéo, arts communautaires ; 10) sports et loisirs ; 11) création de petites entreprises ; 12) publication ; 13) travail individualisé et aide sociopsychologique ; 14) alphabétisation ; 15) aide judiciaire. Le financement est assuré par divers organismes à l’échelon de l’État et au niveau fédéral. D’importantes subventions exceptionnelles ont été accordées pour des projets particuliers. Le centre emploie cinq personnes qui travaillent sur le terrain. Des stagiaires et graphistes travaillent dans une imprimerie opérationnelle depuis peu. L’ensemble du personnel reçoit deux semaines de formation en service par an. Les personnes assurant l’aide socio-psychologique font l’objet d’une surveillance suivie. Fonctionnement L’objectif des services est d’intégrer les jeunes à la vie de la communauté pour leur permettre d’acquérir confiance en eux et optimisme quant à leurs capacités à résoudre les problèmes de l’adolescence et les obstacles structurels (socio-économiques) auxquels ils sont confrontés, grâce à des projets constructifs et coopératifs. La plupart (80 pour cent) des quelque 450 jeunes fréquentant le centre chaque année y viennent de leur propre chef. Les autres sont envoyés par des organismes extérieurs ou les tribunaux. Contrairement à beaucoup de prestataires spécialisés, les services ont été créés en 1978 conjointement par plusieurs organismes et travaillent en relations étroites avec un certain nombre de services et de ministères (Santé ; Emploi, Éducation et Formation ; Services de l’emploi ; Protection sociale ; et Services communautaires). Le centre organise des réunions bimensuelles des services en faveur des jeunes et son financement est assuré par un grand nombre d’organismes divers. Effets Les taux de participation élevés des groupes ciblés (jeunes aborigènes, jeunes non anglophones, délinquants ; jeunes ayant quitté l’école et jeunes femmes) semblent indiquer que les stratégies actuelles d’action communautaire et de participation sont efficaces. Cleveland Street High School Contexte Cet établissement secondaire dessert l’un des quartiers les plus défavorisés de Sydney, où la population est confrontée à un certain nombre de problèmes sociaux interdépendants : pauvreté, chômage, instabilité familiale, divorce, familles monoparentales, maltraitance des enfants, taux élevé de délinquance et de violence. Input Outre le soutien au financement et à l’aménagement des programmes pour le bon fonctionnement de l’école et la mise en place des services généralement associés, d’importantes subventions spéciales ont été accordées pour un programme de réinsertion scolaire visant les jeunes aborigènes, et un centre d’enseignement de l’anglais. Le programme Back-to-School s’adresse à des jeunes aborigènes de 12 à 15 ans ayant cessé de fréquenter l’école depuis longtemps et livrés à eux-mêmes dans les rues de la capitale. Les cours intensifs d’initiation à l’anglais dispensés par le centre sont destinés à des jeunes immigrants non anglophones. Ce programme est proposé sous la forme de sessions de 30 à 50 semaines en dehors de l’établissement. 127 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE Fonctionnement Bien que l’établissement n’ait aucun protocole officiel de coopération avec les autres services en direction des jeunes, il travaille en étroite collaboration avec eux sur la base de relations personnelles de longue date. Il participe aux réunions regroupant les divers organismes compétents qui sont organisées par les services pour la jeunesse de South Sydney. Il entretient des relations particulièrement fructueuses avec les services de police, les services médicaux, les associations aborigènes, et les établissements d’enseignement technique. Des organismes extérieurs fournissent souvent des programmes de formation en service pour les enseignants et des programmes spéciaux pour les élèves. Effets Le projet a permis à de jeunes aborigènes de poursuivre ou de reprendre leur scolarité. Grâce à un effort concerté visant à instaurer un respect mutuel et valoriser la culture aborigène, cet établissement offre un environnement éducatif efficace et motivant. Arthur Phillip High School Contexte Cet établissement d’enseignement général situé dans le quartier d’affaires central de Paramatta a su mêler avec succès tradition et innovation, comme en témoigne l’utilisation d’un réseau informatique local parallèlement au maintien en l’État d’une salle de classe de 1875. Au cours de ses 120 années d’existence, cette école a formé un nombre impressionnant d’artistes, d’acteurs et d’écrivains de renom international. Elle accueille une population multiculturelle variée non anglophone de 870 élèves originaires à plus de 90 pour cent de 60 pays différents. La plupart de ces élèves sont issus de familles qui bénéficient d’une aide sociale ou financière. Input Cette école emploie 75 enseignants pour les tâches d’enseignement ordinaire et comporte six classes adaptées dotées chacune d’un enseignant spécialisé. Elle participe également à des programmes bénéficiant de fonds spéciaux en faveur des élèves défavorisés et à risque. Les enseignants ont à leur disposition un important matériel informatique et de technologies de l’information. L’établissement a mis en place un certain nombre de dispositifs formels qui permettent et encouragent la participation de la communauté, des parents et des élèves à l’élaboration de la politique de l’établissement et à la prise de décision. Une subvention spéciale du ministère fédéral de l’Éducation au titre du programme STAR et une aide de Burnside, association d’aide à la famille et à l’enfance gérée par l’Église unie d’Australie, ont permis de mettre en place un centre d’études scolaires. Ce centre fonctionne deux jours par semaine dans la bibliothèque de l’établissement : une aide aux devoirs y est apportée après les cours aux élèves signalés par leurs professeurs. Chaque trimestre, une vingtaine d’élèves ont la possibilité d’y travailler en tutorat, de dialoguer avec leurs professeurs, de faire leurs devoirs et même de prendre une collation. Les tuteurs sont choisis parmi les élèves de l’établissement. L’objectif du centre est d’améliorer les résultats scolaires, l’estime de soi des élèves, leur attitude vis-à-vis de l’éducation, leurs aptitudes sociales, et d’utiliser au mieux les ressources de l’établissement. Fonctionnement 128 L’essentiel des échanges avec les autres organismes se fait sur un modèle de coopération. Si le centre fonctionne sur le modèle de l’association Burnside pour les activités postscolaires, il n’est en rien une extension de cet organisme, mais s’inscrit plutôt dans la mission éducative de l’établissement. La gestion du centre est assurée par un comité de gestion auquel siègent des représentants de l’école, de l’association et des autorités locales. Partie I : AUSTRALIE Effets Le taux de poursuite des études au-delà de l’âge de la scolarité obligatoire est exceptionnellement élevé. Le centre fait actuellement l’objet d’une évaluation formelle. D’après les premiers indicateurs examinés, il semble que le centre remplisse de façon efficace les objectifs fixés. Les entrevues avec les élèves et documents fournis indiquent que ceux-ci sont satisfaits des services reçus et considèrent le centre comme un moyen de réaliser leurs objectifs en matière d’éducation. Cranebrook High School et Jamison High School Contexte La Cranebrook High School est un établissement secondaire situé dans le nouveau quartier d’habitation, en expansion, de Sydney ouest. Les familles de ce quartier se situent dans la tranche des revenus moyens et faibles, et sont confrontées à de sérieux problèmes de chômage, de violence domestique et de délinquance juvénile. Les principaux problèmes sociaux sont le chômage et l’éclatement de la cellule familiale. Par contraste, la Jamison High School dessert un quartier proche dont les habitants se situent essentiellement dans les classes moyennes. Input Les membres du personnel des deux établissements travaillent en collaboration avec divers organismes sociaux dans le cadre de projets financés essentiellement par l’État fédéral tels que le programme STAR. Centre Barnado de Penrith Barnado est une association importante qui concentre ses activités sur le soutien caritatif à la famille et à l’enfance en Nouvelle-Galles du Sud et à Canberra. Elle vient en aide aux familles en s’efforçant d’éviter toute ingérence et axe aujourd’hui sa stratégie sur des mesures permettant d’éviter le placement des enfants en famille d’accueil. Le Centre de Penrith est situé en face de la Cranebrook High School et propose divers programmes d’aide à 1 500 personnes par mois. Dans le cadre de son projet ADAPT (prévention sur le terrain et services en faveur des jeunes), le centre travaille en collaboration avec les deux écoles (Cranebrook et Jamison) à un programme d’aide aux adolescents, le programme pour les adolescents difficiles (Radical Adolescent Programme – RAP), financé dans le cadre du projet STAR. Il participe également au Project Links, avec le club des jeunes créé par les services de police de Penrith et le ministère de l’Éducation, les deux principaux partenaires du projet. Ces dispositifs visent à aider les jeunes à poursuivre leur scolarité malgré des facteurs de risque tels que l’absence de domicile fixe, les problèmes familiaux et de relations avec les autres élèves. Club des jeunes des services de police de Penrith La création du club des jeunes des services de police de Penrith par la police locale s’inscrit dans un effort entrepris par les services dans l’ensemble de la Nouvelle-Galles du Sud et dans la quasitotalité du pays pour venir en aide aux jeunes de 8 à 21 ans. Cet organisme, qui a vu le jour en 1937, est une branche autonome des services de police et est reconnu d’utilité publique. Il propose un large éventail de programmes de prévention de la délinquance dans ses 53 clubs (31 au niveau des comtés et 22 dans les grandes villes). Chaque club élabore une stratégie en fonction des besoins de la communauté concernée : création de foyers, activités sportives et de loisir. Programmes Worklink (liens avec la vie professionnelle) et enseignement professionnel Ces dispositifs ont été élaborés pour répondre à un besoin d’extension de l’enseignement professionnel. Ils facilitent le passage de l’école à la vie active et les liens entre l’école et la communauté. Ils sont gérés par un certain nombre d’organismes locaux tels que Wirraway (centre communautaire privé). 129 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE Leur objectif global est d’encourager les élèves à poursuivre leur scolarité et donc à améliorer leurs chances de s’insérer dans la vie professionnelle. Fonctionnement Le programme RAP propose des sessions en groupes (organisées par matière) aux élèves à risque susceptibles d’abandonner leur scolarité. Les sessions hebdomadaires d’une heure sont axées sur les compétences de base, l’information, la communication, l’estime de soi, l’aide sociale et un soutien de suivi. Le programme Project Links, qui fonctionne dans les locaux du club des jeunes des services de police, vise à faciliter le retour à l’école des élèves après une exclusion, par l’amélioration des aptitudes scolaires et sociales. Effets L’évaluation des programmes est encourageante. L’assiduité et la participation en classe des élèves bénéficiaires se sont améliorées. Les élèves sont également moins agressifs et ont une attitude plus positive à l’égard de l’école et de la vie familiale. Nepean High School Contexte Penrith est une ville de banlieue conservatrice, moyennement peuplée et relativement isolée. Une mesure récente visant à modifier la carte scolaire s’est traduite par un accroissement spectaculaire de la diversité des élèves fréquentant la Nepean High School. Actuellement, les 900 élèves de cet établissement secondaire polyvalent sont issus de trois écoles primaires situées à proximité. Bien que la plupart d’entre eux soient des Anglo-australiens, leur milieu socio-économique et leur niveau scolaire varient considérablement. L’alcoolisme, la toxicomanie, l’absentéisme et les grossesses précoces sont considérés comme les principaux facteurs de risque dans l’établissement. Input L’établissement se définit comme « une communauté scolaire attentive, attachée à la réussite, la responsabilisation, l’identité et au bien-être de ses élèves ». Il entretien des liens étroits avec la communauté. Le projet STAR financé par les autorités fédérales fournit un soutien spécial aux jeunes ayant des problèmes scolaires et de comportement. Il coordonne l’action du Bureau d’orientation professionnelle, du Centre d’accueil des jeunes de Penrith et de l’Insearch Camp Organisation. Pour en bénéficier, les élèves doivent être âgés de 14-15 ans, à risque d’une façon ou d’une autre, présenter les aptitudes scolaires pour obtenir le certificat de fin d’études secondaires et désireux de réussir. Ils doivent également être soutenus par leurs parents, ceux-ci devant adhérer à la philosophie de l’école et aux objectifs du projet STAR. Fonctionnement Les élèves doivent fixer eux-mêmes leurs objectifs scolaires. Ces derniers font partie intégrante de la culture et s’expriment par l’adhésion à un code de conduite commun. Le personnel employé pour le projet STAR assure la diffusion des services et la coordination avec les programmes locaux. Il facilite également la coordination de l’équipe éducative pour intégrer les services en fonction des besoins des élèves bénéficiaires. Effets 130 On note chez les élèves participant au programme STAR « un changement net (et positif) de comportement ». La consommation de drogue et d’alcool dans l’établissement a diminué, ainsi que l’absentéisme, et le nombre d’élèves poursuivant leurs études au-delà de la fin de la scolarité obligatoire (15 ans) est en progression. Partie I : AUSTRALIE INTÉGRATION DES SERVICES A NEWCASTLE Jasper-Gateshead High School Contexte Newcastle se trouve dans la région de Hunter qui s’étend sur 35 000 km2 en Nouvelle-Galles du Sud. Outre des activités minières (charbon) et sidérurgiques traditionnelles, la région est caractérisée par des industries manufacturières, agricoles, viticoles, et de production d’électricité. Newcastle, la ville la plus peuplée de cette zone, souffre d’un niveau élevé de chômage et de pauvreté. Au total, 37 pour cent des familles sont monoparentales et 25 pour cent sont considérées comme vivant en dessous du seuil de pauvreté. Le programme Jasper-Gateshead, qui s’adresse à 15 élèves issus des établissements secondaires de la région, est situé dans la banlieue de Newcastle, à Windale, où vivent un nombre élevé de familles monoparentales pauvres. Les jeunes concernés sont, pour l’essentiel, livrés à eux-mêmes dans la rue après avoir été exclus de façon temporaire ou définitive des écoles du quartier. Ce programme est placé sous la responsabilité du directeur de la Gateshead High School et fonctionne cinq jours par semaine avec un enseignant non permanent, pour proposer une solution se substituant à la structure scolaire normale. Contrairement à l’enseignement par correspondance ou à distance, ce programme, axé sur la participation volontaire des élèves, propose un niveau élevé de soutien et d’attention individuelle. Une grande importance est accordée à la conduite et à l’assiduité. L’objectif est d’améliorer les compétences et résultats scolaires, de proposer des modèles de comportement, d’accroı̂tre l’estime de soi des jeunes et de les aider à surmonter l’aliénation sociale. Input Le programme est implanté dans les locaux du club des jeunes de la police de Lake Macquarie. Des fonctionnaires de police participent aux sorties et servent de modèles. L’entreprise locale de transports en commun fournit des cartes de transport gratuites aux jeunes inscrits au programme. Fonctionnement Outre la participation directe du responsable des relations école-famille chargé de prévenir l’absentéisme (qui signale les élèves) et d’un fonctionnaire de police, ce programme demande une coordination formelle et informelle des autres organismes et services compétents. Le personnel du programme Jasper est membre du Comité de réseau de la communauté d’Eastlakes, comme la plupart des organismes sociaux locaux. Effets Bien que l’assiduité des élèves soit irrégulière, le programme donne satisfaction aux participants, à leurs familles et aux autres membres de la communauté. Chez la majorité des élèves, l’assiduité, l’attitude à l’égard de l’école et des objectifs scolaires fixés se sont améliorées, ainsi que l’estime de soi. En 1994, ce projet a reçu un prix spécial de l’Institut australien de criminologie. Centre de soutien aux adolescents de Hunter (Hunter Adolescent Support Unit – HASU) – Jesmond High School Contexte Ce service concerne 26 des 36 écoles de la région. Bien que la plupart des élèves concernés soient issus de milieux socio-économiques défavorisés, ils constituent un échantillon représentatif de la population. Ils ont tous eu des démêlés avec la justice, ont souvent été exclus de l’école et, dans le cadre d’une mise en liberté sous caution ou avec mise à l’essai, participent au programme en vue d’une réinsertion scolaire. Ce programme accueille 24 élèves, dont la plupart ont des problèmes de comportement. 131 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE Input Le programme fonctionne avec 5 à 8 enseignants, deux auxiliaires, un psychologue à temps partiel, un conseiller d’orientation et des employés administratifs. Il est installé dans une aile accueillante et bien équipée de la Jesmond High School. Fonctionnement La gestion par cas se fait chaque mois en association avec l’équipe locale des services sanitaires chargée des adolescents, en coopération active avec les services concernés par chacun des cas. Des membres du programme participent également à une nouvelle série de réunions regroupant les différents organismes travaillant auprès des jeunes. Effets Deux évaluations externes du programme révèlent que les actes de violence commis par les participants sont en diminution. Cette tendance à la baisse semble stable. Un indicateur, la réintégration scolaire, a montré que le taux de réinsertion des élèves ayant participé au projet HASU était de 37 pour cent contre 24 pour cent en moyenne pour les bénéficiaires d’autres programmes mis en oeuvre dans l’État. Les évaluations ont considéré le programme comme exemplaire et estimé qu’il était d’un bon rapport coût/résultats et plein de promesses pour l’avenir. Worimi School (The Annexe) Contexte Cette école et son centre de réadaptation ouvert (The Annexe) font partie d’un centre de détention pour mineurs qui accueille 38 enfants et adolescents de 10 à 20 ans. Les enfants placés dans ce centre peuvent avoir commis des crimes ou simplement avoir besoin d’être protégés de parents violents. Le personnel de l’école et celui du centre de détention ont une conception très différente des choses : le personnel du centre trouve l’école trop complaisante et laxiste sur les questions de sécurité. Le personnel de l’école s’intéresse davantage aux besoins sociaux et éducatifs des jeunes plutôt qu’aux raisons qui les ont conduits au centre. Input L’école emploie quatre enseignants et un infirmier qui travaillent avec le service social et psychologique du centre. Fonctionnement L’école propose un programme varié et souple. Un plan éducatif, dont la mise en oeuvre peut se poursuivre après le départ du centre, est élaboré pour chacun des élèves. La coordination des services par le YAC local permet en effet aux élèves de continuer leurs études au centre de soutien des adolescents de Hunter (HASU), ou dans un institut de formation technique et continue. Effets 132 Bien que la coordination entre l’école et les organismes extérieurs soit satisfaisante, la coopération interne entre l’équipe enseignante et les employés du centre de détention pose problème. Ces derniers considèrent que leur travail est peu valorisé, mal payé, et que leurs perspectives professionnelles sont médiocres. Par contraste, les enseignants souhaiteraient travailler selon un modèle de gestion par cas et attendent un niveau d’engagement et de compétences plus élevé de la part des éducateurs du centre. Malgré leurs divergences de vues, la valeur et l’efficacité du travail accompli auprès des jeunes sont unanimement reconnues par les autres organismes. Partie I : AUSTRALIE CONCLUSION Le Programme de justice sociale en faveur des jeunes évoqué précédemment est un programme de grande envergure visant l’intégration des services en direction de la jeunesse par la coordination de la planification et de la fourniture des services à tous les échelons de l’administration. Rares sont les pays de l’OCDE qui se sont engagés dans un tel effort au plan national pour intégrer leurs services par l’intermédiaire de centres d’information et d’orientation pour les jeunes (YAC). Ces centres ont pour mission de rassembler et de fournir des services d’orientation, d’information et de conseil aux jeunes australiens. Cependant, si en Nouvelle-Galles du Sud, l’intégration des services est restée limitée, c’est en raison des tentatives de coordination des services menées par les YAC. Au départ, leur rôle se cantonnait à un travail de partage de l’information et d’identification des lacunes et doubles emplois au niveau de la fourniture des services. Il y a eu de la part des services concernés un effort concerté pour empêcher les YAC de prendre le contrôle du processus d’intégration. Waller (1992) note que « les services en direction de la jeunesse réagissent négativement à l’idée qu’un organisme fédéral puisse être chargé d’assurer la coordination entre les services et leur éventuelle intégration, ou d’imposer des changements. En effet, les organismes fédéraux sont souvent perçus comme cachant une volonté de rationalisation qui se traduirait par une baisse des financements et des effectifs ». En conséquence, Waller (1992) conclut que « la coordination des services au niveau structurel doit être reconnue comme distincte de la coordination au niveau de la fourniture des services en faveur des jeunes (...) ; la première facilite la mise en place d’un réseau cohésif de services alors que l’objectif de la seconde permet de mieux répondre aux besoins individuels des jeunes grâce à ce réseau de services ». Dans ce cadre précis, l’action de coordination des YAC est appréciée et bien acceptée par les prestataires de services. En NouvelleGalles du Sud, les YAC ont exprimé leur préoccupation en ce qui concerne l’inadéquation entre leur rôle limité de coordination et la nécessité de mettre en place des services pour les jeunes à risque. Dans le meilleur des cas, les services de Nouvelle-Galles du Sud étudiés fonctionnent à un niveau d’intégration pouvant être décrit comme informel et coopératif, de sorte que la mise en place de réseaux et la coordination des programmes dépendent de la diplomatie et des compétences relationnelles des responsables actuels. Le caractère fragile et relativement provisoire de ces alliances crée, notamment lorsque l’efficacité des services fournis s’améliore, un besoin de structuration et de stabilité. Les politiques actuelles conférant aux YAC une mission de coordination des services ont abouti à la mise en place de communautés sous la forme de relations et de réseaux professionnels. Le besoin de formaliser de tels arrangements ne doit pas surprendre. Il constitue en fait une étape souhaitable dans les efforts visant à accroı̂tre l’efficacité des services et devrait être anticipé et encouragé lors de l’élaboration des prochaines mesures dans ce domaine. 133 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE RÉFÉRENCES AUSTRALIAN CATHOLIC BISHOPS (1992), Catholic Bishops Report, Sydney, Australie. AUSTRALIAN YOUTH FOUNDATION (1994), A Lost Generation, Sydney, Australie. COOPERS et LYBRAND (1992), Students at Risk Programme : Case Studies, DEET, Canberra. DEPARTMENT OF EMPLOYMENT, EDUCATION AND TRAINING (1994), « National survey of client satisfaction with Youth Access Centres (YACs) », DEET Evaluation and Monitoring Branch, DEET, Canberra. DEPARTMENT OF EMPLOYMENT, EDUCATION AND TRAINING (1995), « Briefing package for OECD Delegates ». MINISTERIAL COUNCIL OF EDUCATION, EMPLOYMENT, TRAINING AND YOUTH AFFAIRS (1993), National Report on Schooling in Australia, Curriculum Corporation, Victoria. MINISTERIAL COUNCIL OF EDUCATION, EMPLOYMENT, TRAINING AND YOUTH AFFAIRS (1994), National Strategy for Equity in Schooling, Curriculum Corporation, Victoria. RILEY, M. (1995), « Outlook for jobs begins to dim », The Sydney Herald, Sydney, Australie. VOLPE, R. (1995), Doing More with More : A Report on Ontario Efforts to Integrate Children’s Services, OCDE, Paris. WALLER, V. (1992), Review of the Interim Co-ordination Role of the Youth Access Centres (YACs), Evaluation and Monitoring Branch, Services des publications du gouvernement australien, Canberra, Australie. Working Nation (1994), Service des publications du gouvernement australien, Canberra, Australie. 134 3 CANADA Les études de cas qui suivent décrivent des programmes d’intégration des services dans quatre provinces du Canada : le Saskatchewan, l’Alberta, l’Ontario et le Nouveau-Brunswick. La plupart des programmes canadiens analysés dans les études de cas sont le fruit d’initiatives prises au niveau des États. Les initiatives fédérales et locales sont beaucoup plus rares au Canada qu’aux États-Unis. Le rôle limité des autorités fédérales dans la planification et la fourniture des services trouve son origine dans le British-North America Act daté de 1867, qui pose les fondements de la relation entre les autorités nationales et les provinces. Fait intéressant, si les provinces disposent d’une relative indépendance dans le domaine de l’éducation, de la santé et des services sociaux, cela n’empêche pas la quasi-totalité d’entre elles de privilégier le concept d’intégration. Même si les autorités fédérales ne sont guère en mesure d’influer sur la fourniture des services éducatifs, sanitaires et sociaux au niveau des États, elles ont depuis longtemps reconnu l’importance de l’intégration. Dès 1970, un rapport national de la Commission chargée des problèmes affectifs et d’apprentissage des enfants (Commission on Emotional and Learning Disorders in Children) (Toronto), intitulé « Un million d’enfants » (« One Million Children »), conclut que le manque de coordination des services constitue « le problème numéro un » de la fourniture d’une aide aux enfants. Aujourd’hui, les programmes d’action qui sont mis en œuvre dans tout le pays indiquent la poursuite d’un engagement national au profit d’une fourniture de services efficaces (et intégrés) pour les enfants à risque. Les études de cas qui suivent reflètent les efforts relativement autonomes déployés par les autorités provinciales pour réaliser l’intégration des services. 135 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE SASKATCHEWAN CONJUGUER LES EFFORTS POUR INTÉGRER LES SERVICES DU SOMMET VERS LA BASE ET DE LA BASE VERS LE SOMMET par Josette Combes et Jennifer Evans SITUATION GÉNÉRALE Le Saskatchewan est l’une des dix provinces qui forment le Canada. Son nom lui vient du mot indien Cree kisiskatchewan qui signifie « la rivière qui coule vite ». Il est situé dans la partie centre-ouest du pays et est réputé pour ses grandes plaines qui produisent la moitié des six grandes cultures d’exportation du Canada (blé, avoine, orge, seigle, lin et colza canola) et ses élevages de bovins, d’ovins, de porcins et de volailles. Quelque 60 000 exploitations agricoles d’une taille moyenne de 440 hectares, implantées essentiellement dans la partie sud de la province, occupent environ un tiers de sa superficie totale, qui est de 651 900 km2. Un autre tiers est consacré à l’exploitation forestière commerciale et le dernier tiers, dans le nord de la province, est constitué de roches précambriennes. Les autres sources de revenu sont la potasse (deux tiers des réserves mondiales exploitables), l’uranium (10 pour cent des réserves mondiales exploitables) et le gaz. DÉMOGRAPHIE Lors du recensement de 1991, la province comptait 988 930 habitants, dont les deux tiers vivent en zone urbaine. S’il ne correspond qu’à 3.6 pour cent de la population canadienne, le Saskatchewan représente 6.5 pour cent de la masse terrestre totale du pays. On y dénombre treize grandes agglomérations, 146 villes et 376 villages. Le taux d’activité y est plus élevé que la moyenne nationale (67.1 pour cent contre 66.6 pour cent) et le taux de chômage y est de 7.4 pour cent (8.2 pour cent au niveau national). Comme l’ensemble des Canadiens, les habitants du Saskatchewan ont des ancêtres aux origines très diverses (Britanniques, Allemands, Ukrainiens, Scandinaves, Français, Indiens, Néerlandais, Polonais, Métis, Hongrois, Chinois, Russes). La proportion d’enfants et de jeunes y est plus élevée que dans le reste du pays. Le Saskatchewan est devenu une province canadienne en 1905. Son assemblée territoriale compte 66 membres et siège à Regina, la capitale provinciale. Le Nouveau Parti Démocrate est arrivé au pouvoir récemment. D’après ses représentants, les anciens dirigeants avaient gravement amputé les budgets sociaux et de l’éducation avec des conséquences catastrophiques en termes du nombre de personnes en difficulté. A l’instar de la plupart des pays développés, le Saskatchewan est touché par la crise économique et, comme ailleurs, cela se traduit par une aggravation de la pauvreté dans les couches les plus défavorisées de la société. GROUPES « A RISQUE » 136 Au Saskatchewan, on utilise la définition générale des « enfants à risque » (citée dans l’introduction). Une étude très bien documentée du ministère de l’Éducation, de la Formation et de l’Emploi du Saskatchewan définit la population à haut risque comme étant répartie en « trois grandes Partie I : CANADA catégories : les enfants, les jeunes et les familles pauvres, les Indiens et les Métis, les parents seuls et les parents adolescents » (Gouvernement du Saskatchewan, 1994b). Les paragraphes qui suivent sont extraits de ce rapport. Enfants, jeunes et familles pauvres « D’après les chiffres sur le revenu disponible après impôts, 10.9 pour cent des familles du Saskatchewan (1991) et 16.1 pour cent des enfants de moins de 16 ans vivent dans la pauvreté(...) » « En décembre 1993, les services d’aide sociale géraient 38 973 dossiers concernant 78 406 personnes (...). » « Le taux de chômage a progressé et les allocations versées aux chômeurs ont diminué. De plus, les autorités fédérales ont délégué aux provinces la responsabilité de s’occuper des Indiens vivant en dehors des réserves (...). » « Une étude réalisée dans l’Ontario révèle que les enfants pauvres sont deux fois plus touchés que les autres par des troubles affectifs et comportementaux, des résultats scolaires médiocres, le tabagisme chronique et la dégradation des aptitudes sociales » (pp. 2-3 de l’original). Une fois de plus, c’est surtout l’effet cumulé de ces facteurs qui est significatif, mais ils sont souvent corrélés. Indiens et Métis Le Saskatchewan compte 80 000 Indiens et 40 000 Métis, qui représentent actuellement 12 pour cent de sa population totale. Cette proportion devrait être portée à 18 pour cent en 2006. Près d’un tiers des bénéficiaires de l’aide sociale ont des origines métisses ou indiennes (p. 3 de l’original). Parents seuls et parents adolescents Les familles monoparentales représentent 12 pour cent des familles du Saskatchewan ; 82 pour cent d’entre elles sont dirigées par une femme et 56 pour cent dépendent de l’aide sociale à des degrés divers. La grande majorité d’entre elles (85 pour cent) bénéficient de ce soutien pendant une période relativement longue : 15 mois en moyenne. En 1992, sur 14 951 enfants, 34 étaient mis au monde par des adolescentes âgées de 10 à 14 ans, et 1 590 par des adolescentes âgées de 15 à 19 ans. Les enfants ainsi nés sont des enfants à risque : risque élevé de prématurité, de faible poids à la naissance, de retards de développement et de maltraitance (p. 4 de l’original). Le rapport dresse une liste des facteurs de risque (pp. 2-11 de l’original) : – Logement insuffisant : Cela concerne 13.4 pour cent des familles, avec un taux un peu plus élevé pour les familles urbaines que les familles rurales. La situation s’est aggravée depuis que les autorités fédérales ont cessé de financer des logements sociaux (sauf ceux situés dans les réserves). – Manque de suivi prénatal : Un faible poids à la naissance augmente les risques de mortalité infantile et de handicap et il est généralement lié à la pauvreté ainsi qu’à l’alcoolisme et à la toxicomanie (tabagisme y compris). – Insuffisance alimentaire : Dix banques alimentaires délivrent des produits gratuitement à Regina et dans les principales villes de la province. Elles ont réalisé 79 000 distributions à ce jour. Près d’un million de repas ont été servi à des enfants insuffisamment nourris en 1992-93 par le Programme de nutrition et de développement des enfants (Child Nutrition and Development Programme). – Problèmes de santé : Le lien entre la pauvreté et les problèmes de santé a été clairement établi. Étant donné le niveau relativement élevé de pauvreté dans le Saskatchewan, la santé de nombreux enfants est menacée. 137 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE – Maladies sexuellement transmissibles (MST) : En 1992, la tranche d’âge des 15-19 ans était celle pour laquelle on relevait le nombre le plus élevé de cas de MST. – Enfants victimes de maltraitance et de négligence : Entre 1987 et 1993, le nombre de cas est passé de 2 600 à plus de 3 476, et 30 décès d’enfants ont été attribués à des actes de maltraitance ou à la négligence (1989-93). – Violence familiale : Environ 46 pour cent des femmes du Saskatchewan indiquent avoir été victimes d’actes de violence de la part d’hommes et 25 pour cent signalent des actes de violence de leur conjoint. Les femmes ayant subi la violence paternelle sont plus susceptibles de connaı̂tre une relation conjugale marquée par la violence. Un tiers des enfants vivant dans des foyers violents sont victimes de maltraitance. – Violence sexuelle : Dans une étude menée en 1993, 32 pour cent des femmes du Saskatchewan et 37 pour cent des femmes canadiennes signalaient avoir été agressées sexuellement. On estime qu’une fille sur quatre et un garçon sur dix sont victimes d’agressions sexuelles (depuis des attouchements jusqu’au viol) avant l’âge adulte. – Alcoolisme et toxicomanie : Trente-deux services de lutte contre l’alcoolisme et la toxicomanie ouverts dans les centres de santé du Saskatchewan fournissent une aide dans ces domaines. Les chiffres révèlent une hausse spectaculaire du nombre de clients âgés de moins de 15 ans (22 pour cent), mais une diminution du nombre des 15-19 ans concernés. Globalement, 18 pour cent des jeunes consomment de l’alcool et des drogues. – Suicide des jeunes : En 1992, le taux de suicide le plus élevé depuis 10 ans a été enregistré pour la tranche d’âge 15-19 ans (25.1 pour 100 000). – Délinquance juvénile : En 1992-1993, 4 791 mineurs (77 pour cent de garçons et 23 pour cent de filles) ont été condamnés, certains pour plusieurs délits. Un total de 86 pour cent des cas étaient des infractions sans voies de faits. Quelque 291 jeunes étaient en détention ou en liberté surveillée et 2 350 étaient inscrits à des programmes communautaires. – Taux d’abandon scolaire : Une étude statistique canadienne de 1991 révèle que 16 pour cent des élèves du Saskatchewan quittent l’école avant la fin de leurs études secondaires. Le taux d’abandon scolaire est beaucoup plus élevé parmi les Indiens et les Métis (jusqu’à 90 pour cent). L’abandon scolaire est fortement corrélé à la dépendance vis-à-vis de l’aide sociale. Au total, 56 pour cent des bénéficiaires de l’aide sociale ont quitté l’école avant la classe de seconde et 84 pour cent avant la terminale. – Comportement à l’école : Les enseignants notent un accroissement du nombre d’incidents violents (agressions physiques et verbales) en même temps qu’un abaissement de l’âge des jeunes impliqués. Pour conclure cette description, il peut être utile de rappeler que les groupes les plus à risque sont les Indiens et les Métis. Il est facile de déduire de tous ces chiffres que ce sont ces populations qui sont les plus exposées à des facteurs de risque tels que la faim, le manque de suivi prénatal, les grossesses d’adolescentes, un faible niveau d’instruction et des démêlés avec la justice. En se fondant sur ces chiffres, les autorités ont lancé un Plan d’action en faveur des enfants (Gouvernement du Saskatchewan, 1993), document d’étude destiné à promouvoir « une approche commune des particuliers, autorités, associations et communautés dans leur action en faveur des enfants ». Ce plan est considéré comme la pierre de touche des efforts visant à instaurer des modèles nouveaux de collaboration entre les ministères et les divers organismes compétents. Il sera détaillé ciaprès avant la présentation des visites de sites. POLITIQUES SOCIALE, DE SANTÉ ET D’ÉDUCATION Éducation 138 L’éducation est placée sous la responsabilité des provinces : le pays ne dispose pas de structure fédérale (c’est-à-dire couvrant l’ensemble du Canada). Le ministère de l’Éducation, de la Formation et Partie I : CANADA de l’Emploi du Saskatchewan est chargé des programmes éducatifs, du jardin d’enfants à l’enseignement supérieur. Il définit les orientations, politiques et plans généraux, et élabore les programmes d’études pour les élèves ayant des besoins particuliers. Dans le cadre global de l’enseignement, il définit des programmes scolaires, des dispositifs de formation en cours d’emploi, facilite l’innovation et fournit un large éventail de moyens et de personnels de soutien pour répondre aux besoins éducatifs des enfants et jeunes de la province. En 1992-93, le budget annuel de l’éducation était de 888.6 millions de dollars, destiné essentiellement aux divisions scolaires de la province, et pour moitié aux écoles primaires et secondaires (du jardin d’enfants à la terminale). Le système est divisé en sept bureaux régionaux et 114 divisions, à la tête desquelles se trouve un conseil élu composé de sept personnes. La plupart des divisions comptent moins de 1 000 élèves (notamment en zone rurale). Environ 50 pour cent accueillent moins de 100 élèves. Chaque personne élue représente une sous-division. On compte au total 849 écoles qui reçoivent une aide publique ; elles se répartissent en quatre catégories : publiques, catholiques, francophones et indépendantes. Parmi elles, 734 sont des écoles publiques accueillant 161 386 élèves, et 115 des écoles privées accueillant 33 849 élèves. On compte en plus 3 392 élèves dans les écoles indépendantes (chiffres de 1992-93). Ces chiffres sont extraits du rapport sur les indicateurs de l’enseignement dans le Saskatchewan (Saskatchewan Education Indicators, ministère de l’Éducation, de la Formation et de l’Emploi, 1994). Le financement des écoles est assuré à parts égales par la province et les autorités locales via les recettes fiscales collectées dans chacune des divisions. Ce financement n’est généralement pas assorti de conditions particulières et il est lié au nombre d’élèves. Le système compte un certain nombre d’écoles dites communautaires, implantées dans des zones urbaines depuis 1980. Une subvention leur est accordée en fonction de leurs caractéristiques (125 000 dollars par établissement). Cette somme est destinée à financer le travail avec la communauté, des programmes de nutrition et des postes d’aide-enseignants (souvent d’origine métisse ou indienne) afin d’améliorer le taux d’encadrement et de faire entrer des personnes d’origine autochtone dans le système éducatif. Un Conseil des écoles communautaires regroupe des représentants des parents d’élèves et de la communauté. Les écoles implantées dans les réserves relèvent des autorités fédérales mais appliquent le programme des écoles publiques. Un certain nombre d’associations jouent un rôle influent dans le système éducatif : la SSTA (Saskatchewan Schools Trustees’ Association), association bénévole qui regroupe tous les membres élus des divisions scolaires, la SFT (Saskatchewan Teachers’ Federation), association professionnelle et syndicat de tous les enseignants de la province, et LEADS (League of Educational Administrators, Directors and Superintendents), qui regroupe les présidents des divisions scolaires. Le taux d’encadrement dans la province est légèrement supérieur à la moyenne pour le Canada, soit un membre du personnel (enseignant et administratif) pour 17 élèves, contre un pour 16 pour le Canada dans son ensemble. Services sociaux C’est le service public le plus important, qui emploie plus de 2 000 personnes. Il est chargé des mesures de soutien au revenu, des services en faveur de la famille et des jeunes (dont l’aide sociale à l’enfance et les services destinés aux jeunes délinquants) et des dispositifs communautaires ciblant les personnes handicapées. La protection infantile est gérée au niveau de la province (agréments et autorisations, soutien, création de nouvelles structures, subventions de démarrage, coûts de fonctionnement et prestations aux familles à faible revenu). En 1992-93, environ 116 centres de protection infantile et 458 familles accueillaient chaque mois 3 617 enfants en moyenne. Près de 2 700 familles perçoivent une aide au titre de la protection infantile. Malgré des efforts récents en vue d’améliorer l’éducation des jeunes enfants à la fois sur le plan quantitatif (104 places supplémentaires) et qualitatif (introduction d’une subvention à la formation), le niveau des ressources reste très bas par rapport aux besoins. L’essentiel du budget des services sociaux, qui était de 424.1 millions de dollars en 1992-93, est consacré à des dispositifs de soutien au 139 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE revenu (62.7 pour cent), à des actions en faveur de la famille et des jeunes (14.10 pour cent) et à la protection infantile (3.13 pour cent). Les services ont récemment été réorganisés et divisés en 11 régions administratives qui ne coı̈ncident pas avec les sept bureaux régionaux de l’éducation. Les programmes sont contrôlés au niveau central mais les services sont gérés au niveau des régions. Certains programmes n’ont pas encore été délégués (comme l’aide sociale à l’enfance et l’intégration communautaire, encore gérés au niveau central en 1994). Contrairement à ce qui se fait dans le système éducatif, les régions ne sont pas dotées d’une commission chargée de superviser les représentations locales des services sociaux. Services de santé Les services de santé traversent actuellement une période de changements. Le Saskatchewan dispose d’un programme sanitaire accessible à tous. Le concept-clé en est la santé, c’est-à-dire un état de total bien-être physique, mental et social et non pas seulement l’absence de maladie ou d’infirmité. Vu sous cet angle, le système canadien présente plusieurs lacunes : – l’importance accordée aux services assurés a conduit à un système de soins de santé et non à un système de santé ; – le client n’est pas au centre du système ; – une approche plus globale est nécessaire. Les réformes engagées par le Saskatchewan se sont inscrites dans un mouvement plus global de redéfinition des objectifs du système de santé, désormais axés sur le bien-être général des individus. Cette notion a été définie dans la loi canadienne sur la santé. La nécessité de réformer le système conduit à une restructuration des bureaux de santé en 30 commissions de districts composées de membres nommés par les habitants. Un total de 52 hôpitaux ont été fermés et remplacés par des bureaux de santé. La mauvaise gestion des lits d’hôpital avait entraı̂né une distorsion du financement et de la fourniture des services. Le budget provincial de la santé était de 1.6 milliard de dollars. Le ministère fédéral a participé à la modification du financement du programme. Les districts de santé ont reçu 4 millions de dollars pour mettre l’accent sur des actions préventives. De nombreux changements ont dû toutefois être introduits en même temps. Les professionnels ont dû modifier leur façon de travailler, héritée d’une gestion institutionnelle du système de santé. Ils ont dû affronter le « choc culturel » qu’a constitué la fermeture d’hôpitaux, par exemple. Plusieurs notions clés sont utilisées pour décrire les objectifs du système : « système de santé axé sur le client », « services intégrés au niveau de la communauté ». Les districts de santé ont été délimités sur la base des réponses fournies par les communautés, invitées par le ministère à se constituer en districts. C’est pourquoi ils ne correspondent pas aux divisions des services sociaux ou éducatifs, ce qui pourrait représenter un obstacle pour l’intégration des services. La première étape vers un ajustement structurel a été la création de Commissions sanitaires de district chargées de l’administration et de la fourniture des services de soins en cas de maladie grave, de soins à long terme et de soins à domicile et d’urgence. La deuxième étape sera lancée lorsque les responsables de district seront prêts et impliquera la délégation de services à la communauté (santé mentale, santé publique et lutte contre les toxicomanies). PLAN D’ACTION EN FAVEUR DES ENFANTS DU SASKATCHEWAN : UN CADRE D’INTÉGRATION DES SERVICES 140 En 1992, après un rapport du Protecteur du citoyen sur des décès d’enfants consécutifs à des sévices ou actes de négligence, les autorités ont décidé de concentrer leurs moyens et ressources sur la protection infantile. En juin 1993, le ministère de l’Éducation, de la Formation et de l’Emploi du Saskatchewan a répondu à ce rapport en publiant un document d’orientation intitulé « Les enfants d’abord : une invitation à travailler ensemble » (« Children First : An Invitation to Work Together »), qui Partie I : CANADA proposait une approche commune des problèmes de l’enfance ainsi qu’un ensemble d’objectifs visant à améliorer le bien-être des enfants dans la province (Gouvernement du Saskatchewan, 1993). Les objectifs énoncés stipulaient que les enfants doivent être : – pris en compte (il faut leur accorder la priorité dans l’ordre du jour au niveau de la législation, des politiques, des programmes et services) ; – protégés (contre les agressions, traumatismes, mort violente, sévices physiques et sexuels, la négligence et l’exploitation) ; – en sécurité (bénéficier d’une alimentation, d’un environnement financier, social, affectif et spirituel adéquat, avoir des loisirs) ; – en bonne santé (notamment avoir confiance en eux et s’accepter tels qu’ils sont) ; – ouverts sur le plan culturel (respecter les valeurs culturelles des autres et être respectés) ; – responsables sur le plan social (avoir la possibilité d’être autonomes et de contribuer utilement à la vie de la communauté) ; – en mesure d’acquérir un savoir et un savoir-faire (leur permettant de concrétiser leurs potentialités) (p. 19 de l’original). Les principes directeurs sont axés sur sept points clés : – Les actions destinées à améliorer le bien-être des enfants doivent relever de la prévention primaire, être culturellement appropriées, axées sur le soutien, menées en collaboration et selon une approche globale, encourager la participation et se dérouler au niveau de la communauté. – Pour garantir la réussite du Plan d’action, un suivi doit être assuré à différents échelons. – Le Conseil de santé au niveau provincial : ce groupe basé dans la communauté fournira les orientations stratégiques aux autorités pour la politique de santé publique et fera des recommandations sur les actions à engager. – Le Conseil de l’enfance : cet organe, créé par le Plan d’action, est un comité élu par la communauté. Le Conseil de santé au niveau provincial et le Conseil de l’enfance travailleront ensemble sous la tutelle des ministères définis dans le Plan d’action. – Le Conseil de l’éducation : il travaillera avec les organismes énumérés ci-dessus pour garantir la pérennité du processus de changement en cours. Il servira de comité de vigilance au niveau des autorités elles-mêmes. – Le Comité de pilotage interministériel : des fonctionnaires de différents ministères y seront nommés et travailleront avec les différents ministères au niveau de la province et des régions, examineront les propositions émanant de différentes instances et formuleront des recommandations. – Les organismes publics participant à la mise en œuvre du Plan d’action devraient être les suivants : la Commission du Saskatchewan sur l’alcoolisme et la toxicomanie, les services de l’éducation, de la formation et de l’emploi, les services sociaux, de santé, de la justice, le Secrétariat aux femmes, le Secrétariat aux affaires indiennes et métisses, et les autorités municipales. En plus du réajustement de leurs limites administratives et procédures, le Plan d’action en faveur des enfants accorde des subventions aux initiatives locales sous réserve qu’elles respectent les objectifs du Plan. En 1994, les autorités ont publié une liste impressionnante des actions menées localement et au niveau de la province pour mettre en œuvre les objectifs du Plan d’action et préserver l’élan en faveur du changement (Gouvernement du Saskatchewan, 1994a). 141 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE PROGRAMME « TRAVAILLER ENSEMBLE POUR FAIRE TOMBER LES OBSTACLES A L’APPRENTISSAGE : INTÉGRER LES SERVICES QUI TRAVAILLENT EN LIAISON AVEC L’ÉCOLE POUR LES ENFANTS ET ADOLESCENTS A RISQUE » « L’objectif est de faire naı̂tre chez les prestataires de services sociaux une nouvelle culture qui soit caractérisée par la coopération et la collaboration et des configurations nouvelles de fourniture de services offrant des réponses globales et intégrées aux besoins des enfants et familles du Saskatchewan » (Gouvernement du Saskatchewan, 1994c). Tel est le message délivré par les ministères de l’Éducation et des Services sociaux au début du document d’orientation. Il témoigne de l’engagement des autorités provinciales envers la politique d’intégration des services. L’initiative d’intégration des services en liaison avec l’école est l’une des principales mesures entreprises dans le cadre du Plan d’action en faveur des enfants élaboré par le Saskatchewan, et elle est considérée comme un premier pas vers la prise en compte des besoins des enfants par un processus de collaboration fondé sur une approche globale. Au total, 20 projets pilotes ont fait l’objet d’évaluations et les résultats ont été pris en compte pour l’élaboration de nouvelles recommandations et définitions. Le programme prévoit la participation de plusieurs instances publiques dont : le ministère de l’Éducation, de la Formation et de l’Emploi, les services de santé et les services sociaux, les autorités municipales, la justice, le Secrétariat aux affaires indiennes et métisses, la Fédération des associations familiales et scolaires, la Fédération des enseignants, la School Trustees’ Association, la League of Educational Administrators, Directors and Superintendents et la Métis Nation. Au niveau local, les projets d’intégration des services se font en collaboration avec les entreprises, les églises, les associations locales, les organismes non gouvernementaux à vocation sociale privés et les organisations autochtones. Ce programme souligne l’importance des mesures préventives. Un rapport du Centre de recherche de la School Trustees’ Association paru après un forum sur l’intégration des services en milieu scolaire (9-10 novembre 1992) cite une déclaration du Comité américain pour le développement économique selon laquelle « chaque dollar dépensé dans des programmes d’éducation préscolaire permet d’économiser six dollars en actions d’orthopédagogie, action sociale et lutte contre la délinquance » (Lorraine Thompson Information Services Limited, 1992). En se fondant sur l’examen des ouvrages parus sur le sujet, le rapport identifie neuf principes constituant la clé du succès pour l’intégration des services : – répondre aux demandes des personnes concernant leurs enfants ; – se représenter l’enfant dans le contexte familial, et la famille dans le contexte de son réseau social et communautaire ; – identifier les atouts des enfants, de la famille et de la communauté et les exploiter ; – accorder au personnel chargé du programme le temps, la formation et les compétences pour instaurer des relations durables de confiance avec les enfants, les familles et les communautés ; – prévoir des actions à la fois de prévention et d’intervention pour les enfants et adolescents en grand danger ; – accorder la priorité aux besoins des enfants, et non à des questions institutionnelles ou d’une autre nature ; – faire participer tous les acteurs à la prise de décisions ; – proposer un éventail exhaustif de services ; 142 – disposer d’une grande souplesse dans la planification et la fourniture des services (pp. 9-11). Partie I : CANADA Le projet de rapport du ministère de l’Éducation, de la Formation et de l’Emploi (« Travailler ensemble pour faire tomber les obstacles à l’apprentissage »), publié en 1994 et cité ci-dessus, propose huit principes et stratégies pour favoriser une culture de la collaboration : – mettre l’enfant au centre des actions menées ; – prévenir ; – coopérer ; – faire participer ; – garantir l’équité ; – adopter des approches holistiques et polyvalentes ; – favoriser l’ouverture culturelle ; – se donner les moyens nécessaires (p. 15). « De plus, le mouvement vers l’intégration des services en liaison avec l’école est une responsabilité partagée entre les autorités provinciales, les écoles et communautés. La participation de la communauté et le partage des tâches avec les autorités pour lancer, orienter et gérer les différents aspects du processus de changement sont déterminants pour sa réussite. La province peut avoir une vision d’ensemble, élaborer les politiques, encourager la coordination et travailler à faire tomber les obstacles structurels ou d’une autre nature. Les écoles et communautés doivent prendre la direction des opérations et susciter les processus et relations de collaboration. L’objectif est d’identifier les besoins locaux et les solutions qui permettront de résoudre efficacement les problèmes spécifiques posés grâce aux ressources disponibles dans la communauté » (p. iv). Le rapport fournit des exemples de projets de collaboration et dresse les grandes lignes des contributions, rôles, responsabilités et domaines de compétences possibles des diverses organisations et individus susceptibles de participer à l’intégration des services. Les observations qui suivent sont fondées sur des entretiens avec des hauts responsables de l’éducation, des services sociaux et de la santé, ainsi que sur des discussions avec le Comité de travail des ministres sur l’intégration des services en liaison avec l’école. Ressources et formation Le ministère de l’Éducation, de la Formation et de l’Emploi propose un large éventail de programmes et de services, du jardin d’enfants à la terminale et jusque dans l’enseignement supérieur, au niveau de la province. Il assure l’élaboration des programmes scolaires, la formation en cours d’emploi pour les enseignants, accorde des subventions aux conseils scolaires ainsi que des bourses. Les directeurs régionaux de l’éducation rencontrent les différents acteurs pour mettre en œuvre la nouvelle politique de collaboration et d’intégration afin de satisfaire les besoins multiples des enfants et familles à risque. Les directeurs et coordinateurs régionaux de l’éducation spécialisée siègent dans des Comités interorganismes régionaux qui réunissent des représentants des branches régionales de chacun des ministères du Saskatchewan participant à la mise en œuvre du Plan d’action en faveur des enfants. Le perfectionnement des enseignants est planifié et géré avec les informations fournies par d’autres organismes. Le ministère de l’Éducation, de la Formation et de l’Emploi rassemble des données sur les élèves, les écoles et programmes et les publie. Un système de tableau d’affichage électronique a été mis au point et permet aux divisions scolaires et écoles d’accéder à ces informations et de communiquer et échanger des informations avec leurs collègues. Collaboration Les autorités provinciales et le personnel des organismes au niveau local souhaitent parvenir à la fusion des diverses sources de financement. Un bon exemple est la nouvelle procédure de financement instaurée pour approuver les subventions de prévention et de soutien destinées à des projets 143 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE nouveaux en faveur des enfants. Les organisations au niveau de la communauté peuvent déposer leur demande auprès du Comité d’examen de subventions pour les actions de soutien et de prévention qui examine ces propositions avec les personnels travaillant au niveau des régions et de la province. Les échanges de ressources (personnel, équipements et moyens de transport) sont plus susceptibles d’intervenir au niveau local dans le cadre des projets. Des espaces de travail sont mis à la disposition des partenaires pour rencontrer les clients dans un but précis (par exemple, les professionnels de la santé dans les établissements scolaires, les travailleurs sociaux dans les centres de santé, etc.). Des accords de partage des services conclus entre les divisions scolaires leur permettent de partager les services des psychologues, conseillers d’orientation, orthophonistes. L’approche de l’intégration des services en milieu scolaire part du principe que l’école est une institution ouverte à tous et que, par conséquent, les clients (parents ou enfants) peuvent y être contactés plus facilement. Les établissements scolaires jouent ainsi un rôle central dans la planification et l’organisation des services intégrés. Obstacles La masse critique d’individus travaillant en collaboration n’a pas encore été atteinte. Même au sein des ministères subsiste une fragmentation des structures et des processus. La culture du travail en collaboration n’a pas encore complètement supplanté l’approche sectorielle. Les principales raisons en faveur de l’amélioration de la collaboration étaient les suivantes : chevauchement des différents organismes, utilisation inadéquate des ressources, risques de confusion pour les clients cherchant à accéder à tel ou tel service. Bien qu’à l’échelon supérieur, les autorités soient réellement en faveur de la collaboration, la mise en œuvre de l’intégration des services n’est pas homogène au niveau du terrain. Le soutien du processus de collaboration exige des apports financiers et des structures locales différentes. La collaboration implique un ajustement des services à tous les niveaux. « Il y a tant de choses à gérer en même temps. » Les cultures et valeurs professionnelles varient entre les organismes et les individus. Les protocoles, recommandations et orientations existent, mais il reste du chemin à parcourir pour définir des valeurs et objectifs communs dans l’optique de la collaboration. Une intense activité est actuellement déployée, à tous les niveaux de l’administration du Saskatchewan et parmi la population, pour étudier et promouvoir le changement vers l’intégration des services. Certains exemples de projets de collaboration sont donnés ci-après. Les informations proviennent de visites de sites, d’entretiens avec les acteurs clés des projets (dont les clients), des réponses à un questionnaire écrit, ainsi que d’extraits de divers documents fournis par les responsables de projet. LES VISITES DE SITES 144 Elles ont été soigneusement préparées. L’équipe d’experts a été très bien accueillie et la plus grande attention portée à ses besoins (professionnels ou personnels). Le dévouement à l’égard de l’équipe de l’OCDE témoigne de la volonté de ceux qui participent à la mise en œuvre du Plan d’action en faveur des enfants à contribuer à sa réussite. A tous les niveaux, les personnes rencontrées ont manifesté un engagement et un enthousiasme profonds pour les services centrés sur la communauté et pour les actions multidisciplinaires. Malgré des difficultés de toutes sortes liées à la complexité des situations auxquelles elles sont confrontées, les personnes étaient prêtes à répondre à nos questions avec la plus grande franchise et à évoquer sans détour leur travail et les obstacles qu’elles doivent surmonter. Les deux visites de sites ont été organisées suivant un protocole identique : brève rencontre avec les acteurs décisifs, visite de l’école et du quartier et série d’entretiens avec divers membres de la communauté locale. Tous les participants étaient représentés : hauts fonctionnaires, intervenants au niveau du terrain, aides-enseignants, parents et élèves. Des informations et documents tels que des brochures, des projets, des rapports d’évaluation et des statistiques ont été fournis en abondance. Le Saskatchewan est particulièrement intéressé par les résultats des recherches de l’OCDE et attend avec impatience la publication des informations sur les autres pays Membres. Partie I : CANADA École communautaire Princess Alexandra, Saskatoon Situation générale Saskatoon, fondée en 1883, a acquis le statut de ville en 1906. C’est aujourd’hui la plus grande ville du Saskatchewan, avec une population de 194 000 habitants. Bâtie sur les rives de la Saskatchewan, elle a été créée par regroupement de trois villages de pionniers, Saskatoon (rive ouest), Nutana (rive est) et Riversdale (à l’ouest de la voie ferrée). Son nom, Saskatoon, est dérivé du nom indien Cree Mis-sask-quah-toomina (qui est un pluriel, le singulier s’obtenant en supprimant le « a » final), donné par les Indiens à une baie – en abondance dans cette zone. La ville se classe parmi les dix premières grandes villes du Canada avec un coût de la vie inférieur de 25 pour cent à la moyenne nationale. La fiscalité (impôts fonciers locaux et régionaux et taxe professionnelle) y est inférieure de 47 pour cent à la moyenne nationale. L’université du Saskatchewan reçoit chaque année plus de 46 millions de dollars destinés à la recherche, ce qui en fait l’une des plus prestigieuses universités d’Amérique du Nord dans ce domaine. Les principales activités de la région sont l’agriculture, l’exploitation minière, les industries manufacturières, l’agro-alimentaire, le tourisme, les transports, la technologie, le bâtiment et la finance. Connue comme étant le centre des technologies nouvelles de la province, Saskatoon est spécialisée dans des domaines tels que la biotechnologie, la micro-électronique, les logiciels, l’aérospatiale, l’agroalimentaire, l’agriculture, l’industrie pharmaceutique et vétérinaire. Saskatoon et la province sont des leaders mondiaux en radio-télémétrie, communications par satellite, communication numérique, robotique minière, et dans les techniques de construction permettant d’économiser l’énergie. Innovation Place, pôle de recherche de Saskatoon, est le premier et le plus diversifié des centres de ressources techniques de l’Ouest canadien. Saskatoon possède un centre d’affaires relativement réduit entouré de huit grands quartiers. Ceuxci ont de nombreuses caractéristiques en commun sur le plan du logement et de la population, mais présentent d’importantes différences. La ville a connu une période d’essor dans la construction d’immeubles suite à l’application d’un programme fédéral d’incitations fiscales visant à réduire la pénurie de logements locatifs dans l’ensemble du pays, qui a eu pour conséquences certains déséquilibres et des dérives incontrôlables. En 1977, le Conseil municipal a déclaré un « gel sur les constructions d’appartements » de façon à mener à bien une étude approfondie permettant d’orienter les décisions en termes de densité, d’occupation des sols et d’aménagement ultérieur. Les chiffres du recensement de 1991 révèlent les grandes tendances démographiques. La principale tranche d’âge est celle des 20-40 ans. Les anglophones représentent 84.2 pour cent de la population. Les langues des autres communautés représentent chacune moins de 3 pour cent de la population. Les effectifs scolaires sont de 22 315 élèves dans les écoles publiques et 13 826 dans les écoles catholiques (pas de chiffres pour les autres types d’établissements). La ville compte 42 écoles élémentaires, huit établissements d’enseignement secondaire et une université. En 1991, le revenu moyen des ménages était de 49 032 dollars par an, et la taille moyenne des foyers était de trois personnes. Les familles monoparentales représentaient 10 pour cent du total. Il existe d’importants écarts d’un quartier à un autre. Le niveau de revenu des ménages varie, selon le quartier, du simple au quadruple (24 006 dollars pour le plus bas et 98 479 pour le plus élevé). La proportion de familles monoparentales peut aller de 27.8 pour cent à moins de 1 pour cent. Ces chiffres sont d’ailleurs corrélés, ce qui n’est guère surprenant : le niveau de revenu le plus bas est celui du quartier où les familles monoparentales sont les plus nombreuses et le niveau d’instruction le plus bas. L’école Princess Alexandra est située dans le quartier de Riversdale qui présente la plupart des indicateurs de risque : faible revenu des ménages, proportion élevée de familles monoparentales (15.3 pour cent), pourcentage élevé de non anglophones (40 pour cent) et faible niveau de réussite scolaire (66.2 pour cent des élèves quittent l’école en classe de troisième à 13 ans ou sans diplôme). La majorité des élèves (près de 80 pour cent) sont d’origine autochtone. Les 20 pour cent restants sont essentiellement des élèves d’origine asiatique ou caucasienne. En début d’année, 66 pour cent des 145 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE élèves sont nouveaux et il se produit un renouvellement de 66 pour cent des effectifs dans le courant de l’année. L’une des conséquences de ce taux élevé d’élèves de passage est que la majorité des élèves accumulent un retard de deux à quatre ans par rapport à leurs condisciples des écoles situées dans les banlieues aisées. En moyenne, environ 80 pour cent des familles sont en contact direct avec les services sociaux et/ou le système judiciaire, et 60 pour cent vivent exclusivement de l’aide sociale. Input – niveau stratégique Le concept d’école communautaire : « L’école communautaire est soucieuse de la participation de tous les membres de la communauté qu’elle dessert. Elle cherche à améliorer l’environnement dans son ensemble et la qualité de la vie pour les enfants, les familles, les personnes âgées, de tous ceux qui vivent dans le quartier. Elle s’efforce de mettre les organismes de santé, d’action sociale, de loisir et d’éducation à la portée des gens » (Jack Stevens, coordinateur de l’école communautaire de Vancouver, cité dans le Community Schools Programme, mars 1990). La notion d’école communautaire a fait son apparition au Canada en 1966 à l’école communautaire de Flemington Road à North York, Toronto. Les écoles communautaires ont trois grands objectifs : – proposer un programme scolaire axé sur la communauté ; – constituer un lieu de vie pour la communauté ; – fournir des services à la communauté. Les ambitions du Saskatchewan dans ce domaine sont les suivantes : – susciter une meilleure participation et compréhension de la communauté dans le domaine des affaires scolaires ; – prévoir le développement d’activités qui améliorent l’apprentissage chez les enfants et les adultes, encouragent la tolérance raciale et culturelle, notamment entre les groupes constituant la communauté et contribuent à créer un environnement sûr pour le bien-être physique des enfants ; – amener les parents et autres habitants du quartier à participer à l’élaboration de la politique de l’école, de son règlement, de son programme d’études, au financement et à l’entretien des installations ; – développer le sens de la communauté dans le quartier de l’école ; – informer les parents d’élèves et habitants du quartier sur les questions éducatives et événements particuliers de la vie de l’école ; – encourager les habitants à définir et mettre en place des activités pour les adultes dans l’établissement et dans la communauté ; – faire participer les habitants du quartier aux débats sur l’utilisation des ressources de la communauté et des organismes afin de soutenir le programme éducatif et satisfaire les besoins de la communauté. Un élément déterminant du modèle de l’école communautaire est la présence, aux côtés du personnel habituel, d’aides-enseignants, d’un coordinateur d’école communautaire, des personnels administratifs de soutien et d’un coordinateur de la nutrition chargé de mettre en œuvre le programme nutritionnel. En 1990, la Commission de l’éducation de Saskatoon a organisé un symposium afin d’élaborer un plan pour les écoles élémentaires des quartiers déshérités du centre ville, selon quatre grands axes : – améliorer les résultats scolaires ; – encourager un comportement plus positif des élèves ; – améliorer leur confiance en eux ; 146 – donner un pouvoir de décision aux communautés et parents des quartiers défavorisés du centre ville. Partie I : CANADA Dans ce plan, les élèves à risque sont définis comme « les élèves dont les besoins sociaux, affectifs, physiques et/ou intellectuels n’ont pas été satisfaits, ce qui entraı̂ne des situations chroniques ou urgentes dans lesquelles ils sont incapables d’assurer leur réussite sur les plans scolaire, personnel et social ». Contexte Les autorités du Saskatchewan ont défini des critères pour déterminer les écoles susceptibles d’obtenir le statut d’école communautaire. L’école Princess Alexandra qui a été retenue est située dans le quartier de Riversdale pour lequel les statistiques concernant les principaux facteurs de risque sont les suivantes : – 47 pour cent de la population de plus de 15 ans ne travaillent pas ; – 22 pour cent des ménages sont des familles monoparentales ; – 28.3 pour cent des foyers n’ont pas l’anglais comme première langue ; – 36.6 pour cent des ménages ont un niveau d’instruction inférieur à la classe de troisième ; – 42.6 pour cent des ménages ont un revenu inférieur à 20 000 dollars par an ; – 63.6 pour cent des élèves sont d’origine indienne ou métisse ; – 56 pour cent des ménages vivent dans un logement de type locatif (Saskatoon Board of Education, 5 avril 1994). L’école Princess Alexandra est l’une des quatre écoles bénéficiant du Plan pour les écoles du centre ville élaboré par les autorités municipales et mis en œuvre à partir de l’année scolaire 1988-89. L’école accueille actuellement 150 élèves. Les principaux problèmes sont le nomadisme des élèves, l’écart culturel entre l’école et le domicile, les retards scolaires, le manque d’estime de soi, le désœuvrement des jeunes, qui errent dans les rues, la prostitution précoce, la délinquance, la proportion élevée de familles vivant exclusivement de l’aide sociale, et le nombre élevé d’enfants ayant besoin d’être protégés. Processus – niveau du terrain Climat général : Le chef d’établissement et le personnel ont décidé de répondre aux besoins des élèves en rendant leur école « volontairement accueillante » et en s’efforçant de l’ouvrir à la communauté du quartier par la prise en compte de la culture autochtone de nombreux élèves. Cela s’est fait au niveau de la décoration de l’école et par la création d’une troupe de danse Hoop. Plus en profondeur, les besoins éducatifs des élèves d’origine autochtone ont été pris en compte par la mise en place de classes permettant un regroupement par cycle et par une approche thématique dans l’ensemble de l’établissement. Le groupement des élèves par cycle est considéré comme plus en harmonie avec la « philosophie holistique des Américains autochtones ». Il renforce l’estime de soi et l’affiliation culturelle. Un des premiers objectifs identifiés par le personnel de l’école était d’encourager la coopération entre les élèves. Lorsque les élèves se retrouvent dans des groupes où les âges et compétences sont différents, il en résulte des interactions plus positives. Le Plan recommandait notamment d’améliorer l’aspect des établissements et leur confort. Pendant la visite de l’établissement, le directeur, John Barton, a souligné ce point, qu’il considère comme déterminant pour la réussite des autres efforts destinés à améliorer les résultats scolaires au sein de l’établissement. Ainsi, les murs ont été repeints pour accueillir les dessins et peintures des enfants, renouvelés tout au long de l’année. Cette approche a notamment nécessité des modifications élémentaires, comme l’agencement du bureau du directeur ou l’installation de plantes vertes, de posters avec des slogans encourageants, des photographies ou des tableaux de membres des « Premières nations » respectés ou ayant réussi. L’école propose actuellement huit programmes pour répondre aux besoins de la communauté : un programme de réinsertion scolaire, des actions d’aide à l’apprentissage de la lecture, des groupements par cycles pour l’apprentissage, l’adoption de thèmes communs à toute l’école, une éducation 147 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE physique quotidienne de qualité, un accueil préscolaire, un centre de documentation (ouvert de 7 heures à 21 heures) et une journée de scolarisation alternative. Les autres programmes se font en collaboration avec des organismes locaux : la troupe de danse Hoop, les bénévoles de l’hôpital St Paul, un partenariat avec le journal Star Phoenix et le Nutana College, la rédaction de bulletins destinés aux parents sur les progrès des élèves, un programme de liaison avec la police du centre ville et des dispositifs de liaison entre l’école et les familles. Pendant les entretiens, nous avons pu interroger certains membres du personnel et des participants aux différents programmes. Accueil préscolaire : Les quatre écoles communautaires publiques, les associations locales et les citoyens intéressés ont créé le Comité préscolaire du centre ville qui a une double mission : assurer l’harmonisation des programmes de préscolarisation mis en œuvre dans les quatre écoles communautaires et coordonner la collecte de fonds pour ces programmes. L’accueil préscolaire fonctionne dans l’établissement sous la direction d’une personne élue par la communauté et un conseil d’administration (où siègent le directeur de l’école, des travailleurs sociaux et des parents). Il est financé à 75 pour cent par les autorités et à 25 pour cent par des actions de collecte de fonds. Les églises et amicales soutiennent activement ces efforts. Une vingtaine d’enfants de 3 et 4 ans sont ainsi accueillis trois jours par semaine de 9 heures 30 à 12 heures 30. En plus des activités préscolaires sont proposées de nombreuses activités en direction de la communauté : groupes de lecture pour donner aux parents des idées et les encourager à lire des histoires avec leurs enfants, goûters et « cercles de guérison » (ou groupes de discussion, tradition indienne destinée à permettre aux personnes de parler de leurs problèmes). Bien que l’accueil préscolaire soit gratuit, il est cependant difficile de convaincre les autochtones d’y amener leurs enfants et les groupes pour adultes doivent s’efforcer de convaincre les parents des bienfaits de la préscolarisation. Programme de réinsertion scolaire : Il est géré par Radius Tutoring, centre communautaire pour l’éducation, l’emploi et la formation. Les élèves y sont envoyés, généralement après avoir quitté l’école, pour y acquérir une nouvelle façon d’aborder l’école. La stratégie est axée sur les relations personnelles, la responsabilité individuelle et un processus d’évaluation des aptitudes de chacun. Il ne s’agit pas d’une école expérimentale mais plutôt d’un programme visant à induire des changements de comportement. Après leur réinsertion scolaire, les élèves sont suivis par un responsable de liaison. Environ 20 places sont réservées aux élèves de l’école Princess Alexandra. Un total de 31 élèves ont ainsi été aidés entre septembre et décembre 1993. Le taux d’encadrement y est d’un adulte pour six à huit élèves. Le programme est financé par des subventions fédérales annuelles (dans le cadre de l’initiative Stay-inSchool Initiative). Les autres sources de financement proviennent de la Commission de l’éducation de Saskatoon, qui finance les places, et dans une moindre mesure, des services sociaux de Saskatoon (10 pour cent), ainsi que des donateurs privés. Groupements par cycle : L’école compte actuellement six classes ordinaires et des groupements éducatifs spécialisés. Les deux classes de chacun des groupes appartiennent au même cycle. Ainsi, le premier groupe est constitué de deux classes de niveau 1 et 2 (jardin d’enfants), le groupe intermédiaire de deux classes de niveau 3, 4, 5, et le groupe supérieur de deux classes de niveau 6, 7 et 8. Les réunions hebdomadaires de ces groupes mobilisent généralement les deux enseignants, les aidesenseignants, le personnel éducatif spécialisé (notamment l’enseignant chargé du centre de documentation), et le bibliothécaire. Dans chacun des groupes, la différence d’âge peut aller jusqu’à cinq ans entre les élèves les plus jeunes et les plus âgés. Les enseignants et élèves pensent que cela permet aux élèves d’oublier les étiquettes associées aux âges et aux niveaux. Ainsi, certains élèves en cours élémentaire première année ont encore besoin de jouets et d’activités ludiques, ce qui est tout à fait permis dans le cadre du groupement par cycle. 148 Fonctionnement de l’établissement : L’école est ouverte de 7 heures 30 à 23 heures et sert le petit déjeuner et le déjeuner. Elle est ouverte après les heures de classe et propose des activités de loisirs : danse Hoop, art, artisanat et cuisine, cours d’alphabétisation pour les adultes, et permet aux élèves d’utiliser le centre de documentation pour y faire leurs devoirs tranquillement. Elle a mis en place une journée scolaire alternative, ce qui permet aux élèves d’être accueillis dans un lieu sûr, et un système Partie I : CANADA de correspondance interne pour encourager les activités d’écriture. Les enseignants rédigent à l’attention des familles des bulletins sur les progrès des élèves. La troupe de danse Hoop : Elle a été créée pour susciter la fierté de la communauté vis-à-vis de sa culture autochtone. Elle s’est produite dans quatre provinces du pays et a participé à un film publicitaire destiné à la télévision. Ses membres ont fourni des conseils à de nombreux groupes locaux et provinciaux. La troupe s’est produite dans diverses rencontres nationales et provinciales et a pris en charge plus de 20 visites de l’école. Elle a accepté de se produire lors de la visite des experts de l’OCDE et a fait la preuve de son talent. La danse Hoop est un spectacle impressionnant et s’effectue à l’aide de cerceaux, que les danseurs font tourner autour d’eux en évoluant à vive allure pour représenter des métaphores de la création. Partenariats de l’école : L’école travaille en partenariat avec le journal Star Phoenix et le Nutana College pour encourager la création artistique par des échanges entre les deux écoles, qui sont largement évoqués dans le journal. Dix salariés de l’entreprise travaillent avec des élèves de l’école auprès desquels ils jouent le rôle de tuteurs et de modèle. Star Phoenix est l’un des grands journaux de Saskatoon. Un partenariat a également été mis en place pour créer des liens entre le monde du travail et l’école et a permis l’organisation d’expositions dans lesquelles les travaux des élèves ont été présentés et ont pu être vendus à leur profit grâce aux entreprises locales. Programme de liaison avec les services de police du centre ville : Les services de police ont mis en place une section éducative et ont décidé d’organiser des visites amicales dans les écoles élémentaires afin de faire disparaı̂tre la méfiance de certains habitants à leur encontre. Lors de ces visites, le fonctionnaire de police est en uniforme et s’efforce d’entrer en contact avec les élèves. Un centre d’assistance a été créé dans un bâtiment fourni par le Programme d’amélioration du commerce (Business Improvement District – BID), qui a également fourni des ordinateurs et du matériel de bureau. On y dispense des cours d’initiation à l’informatique et c’est également un centre de prévention de la délinquance où les habitants du voisinage peuvent venir déposer des plaintes. Il est ouvert de 9 heures à 21 heures. L’association Community Partners y travaille bénévolement. Le groupe Zero Tolerance est une autre association locale qui travaille avec la communauté pour débarrasser le quartier de la prostitution en prenant des photos des clients des prostituées. Les services de police financent le salaire des fonctionnaires de police et fournissent le matériel, mais l’essentiel du financement provient de la communauté. Il s’agit d’un partenariat entre l’école, l’association communautaire et les services de police. Les étudiants du Programme Human Justice de Regina et de l’Université de Saskatoon y participent. Une étudiante en doctorat termine actuellement une enquête sur ce dispositif. Programme d’amélioration du commerce de Riversdale (BID) : La Commission du BID regroupe neuf personnes, huit hommes et une femme, et un conseiller municipal nommé par la ville de Saskatoon. Elle se réunit une fois par mois. Créée en mars 1990, elle s’est fixé pour objectifs de : – rénover la zone commerciale qui avait souffert de la crise ; – lutter contre la toute-puissance des grands centres commerciaux ; – mettre en valeur le caractère multiculturel du quartier. Le quartier était particulièrement sinistré. Il comptait deux pubs dont la direction laissait à désirer. Le BID les a fait fermer et rouvrir après un changement de direction, ce qui a permis de stabiliser la situation. Les prostituées ont également disparu. La Commission du BID se préoccupe de la situation d’enfants livrés à eux-mêmes dans les rues, qui se regroupent en bandes et commettent des actes de vandalisme. Elle a lancé des initiatives, notamment un programme de nettoyage des trottoirs et chaussées, et a commandé des fresques afin d’améliorer l’aspect du quartier. Elle participe au financement de diverses manifestations et à l’entretien du centre de police. Collaboration – input aux niveaux stratégique, opérationnel et du terrain Les services de l’éducation de Saskatoon participent à la rémunération de la coordinatrice de l’école communautaire et des aides-enseignants et au financement d’activités extra-scolaires pour les 149 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE enfants. La coordinatrice de l’école communautaire se définit comme étant chargée d’« organiser des activités extrascolaires pour les enfants, de tenter d’améliorer la vie des familles et de travailler avec l’association du quartier pour organiser des événements précis ». Les aides-enseignants autochtones sont chargés d’aider les enseignants, d’améliorer le fonctionnement quotidien de la classe et de faciliter les groupements par cycle des élèves. « Les aidesenseignants devraient être des autochtones appartenant à la communauté dans laquelle l’école est implantée. En tant qu’interprète culturel, l’aide-enseignant deviendra l’une des voix de la communauté dans la classe. Il peut aider les enseignants à prendre conscience des différences culturelles qui créent une distance entre l’école et la famille. L’aide-enseignant et l’enseignant forment une équipe qui travaille en collaboration. L’enseignant se charge de la planification des activités, du diagnostic des problèmes, et l’aide-enseignant lui vient en aide dans ses tâches quotidiennes et lui fait découvrir l’environnement social des élèves » (Community Schools Programme, mars 1990). La ville de Saskatoon participe directement à la mise en place de programmes pour ses habitants, via son bureau des loisirs. Elle soutient 43 associations de quartier, s’assure de la solidité de leur organisation et de la formation des responsables, leur accorde des subventions et aides pour la création d’activités. Ce sont les associations qui assurent la gestion des activités. Elles sont regroupées en six districts sur l’ensemble de la ville. Il existe également des programmes conjoints couvrant plusieurs districts : ainsi, un programme de vérification du parc de logements par les services de lutte contre l’incendie de la ville a été mis en place. Les associations travaillent auprès de la communauté autochtone. Elles souhaitaient, par exemple, augmenter la fréquentation de la piscine par les enfants autochtones. Après des discussions avec la communauté, elles se sont aperçues que les enfants n’allaient pas à la piscine car ils ne savaient pas comment s’y conduire : par exemple, ils ne savaient pas s’ils devaient ou non garder leurs sousvêtements sous leur maillot de bain. L’association du quartier a donc décidé d’engager des maı̂tresnageurs autochtones. Dans le cadre d’un effort inter-organismes, un centre d’accueil des jeunes (EGADZ) a été créé au centre ville. Il est fréquenté par une importante proportion de jeunes autochtones. Un certain nombre d’organismes participent à son fonctionnement et aux divers programmes mis en place : réintégration à l’école, santé, nutrition. Il s’agit d’une première en matière de travail inter-organismes. Pour siéger au conseil d’administration, les organismes doivent être parties prenantes du programme. Collaboration – fonctionnement aux niveaux stratégique et opérationnel 150 La Commission de l’éducation de Saskatoon compte sept membres élus pour une durée de trois ans. Elle élabore les politiques et les met en œuvre. Les directeurs d’établissement et administrateurs du bureau central se réunissent deux fois par mois pour examiner les questions administratives, de planification et de perfectionnement des personnels. Les membres élus de la commission se rendent dans les écoles par deux pour garder le contact avec les parents et la communauté. Les administrateurs du bureau central se rendent régulièrement dans les établissements pour rester en communication avec les personnels, élèves et parents. Les directeurs régionaux de l’éducation : Ils sont le lien entre les autorités et les acteurs au niveau local et sont chargés de fixer le budget des établissements et de fournir des conseils pour l’interprétation de la réglementation adoptée par les autorités. C’est pourquoi ils comptent dans leurs rangs un spécialiste des programmes scolaires et un expert en éducation spécialisée. Ils sont censés travailler avec leurs homologues des services sociaux et de santé, et ce, bien que les divisions administratives des trois services ne coı̈ncident pas. Le Conseil de l’enfance du Saskatchewan : Cette instance a été créée dans le cadre du Plan d’action en faveur des enfants. Elle regroupe des personnels qui travaillent aux niveaux stratégique et opérationnel des services éducatifs, sanitaires et sociaux et participent au processus d’intégration des services. Le directeur de l’école Princess Alexandra en fait partie. Ce conseil est placé sous la responsabilité du Comité de pilotage inter-organismes, qui rassemble des représentants de chacun des ministères et qui est chargé de la mise en œuvre du Plan d’action en faveur des enfants. Partie I : CANADA Collaboration au niveau du terrain La planification et la prise de décisions sont effectuées par l’ensemble du personnel et la communauté lors de réunions mensuelles. Les personnels se réunissent chaque semaine en dehors des heures de classe, et tous les mois pendant les heures de classe pour examiner certaines questions, organiser et mettre en œuvre des plans de formation. L’association du quartier joue un rôle essentiel. Le Comité des loisirs autochtones contribue à la mise en œuvre de programmes pour les jeunes autochtones (danse Hoop, arts et artisanat autochtones). Il travaille avec le Conseil multiculturel pour répondre aux besoins des autres communautés. Créé à l’origine par les services des loisirs pour organiser des activités de loisirs, il s’intéresse depuis peu à des problèmes touchant à la vie du quartier. Un de ses objectifs est de stabiliser la population en fournissant des logements de meilleure qualité, de faire passer la proportion de propriétaires de 47 à 54 pour cent. Il a mené un programme de contrôle de la qualité des logements en collaboration avec les services de lutte contre l’incendie, ce qui a eu pour conséquence de limiter les locations de taudis, et a contraint quelques-uns des propriétaires à renoncer à leurs gains peu scrupuleux. Formation : Les enseignants ont peu de possibilités de formation leur permettant de se préparer à travailler avec des élèves autochtones. L’ITEP (Indian Teacher Education Programme) assure la formation des autochtones avec un programme d’études spécial (deux années à part et deux années de formation commune). Cependant, la plupart des enseignants indiens choisissent de retourner enseigner dans les réserves et ils font défaut dans les écoles de la ville. Entre 1990 et 1993, un stage annuel de deux jours a été organisé dans l’objectif de réunir les conseillers municipaux du centre ville, les enseignants, les auxiliaires, les personnels de soutien et parents afin de repréciser les objectifs du plan et de trouver de nouvelles idées. Résultats Une évaluation de l’application du Plan pour les écoles du centre ville entre 1990 et 1993, réalisée par un comité ad hoc composé de membres de la Commission de l’éducation de la ville, a été publiée le 5 avril 1994 (Saskatoon Board of Education, 1994). Le rapport final a été rédigé par Don Huim. Angela Ward, de l’Université du Saskatchewan, a co-signé un rapport sur l’approche de l’apprentissage par groupes (cluster approach) adoptée par l’école Princess Alexandra. Elle fournit des statistiques sur les inscriptions et le taux de nomadisme des élèves, et émet un certain nombre de recommandations : – mettre l’accent sur l’accueil préscolaire. En fait, les quatre écoles communautaires du centre ville ont mis en place un dispositif de ce type ; – mettre en place un programme d’intervention étendu pour aider les élèves qui ne savent pas lire après une année passée au jardin d’enfants ; – permettre l’accès à l’informatique ; – travailler en vue d’un taux d’encadrement idéal d’un professeur pour 15 élèves ; – améliorer le modèle d’apprentissage en coopération pour personnaliser et individualiser l’enseignement ; – prévoir des moyens pour la nutrition et l’hygiène ; – augmenter l’horaire de travail des personnels de soutien aux élèves ; – encourager les programmes de réinsertion scolaire pour les élèves absentéistes ou nomades ; – améliorer le contenu des programmes d’étude : langue et civilisation maternelles, aptitudes langagières, préparation à la vie quotidienne, expérience de travail, tolérance culturelle ; – mettre au point des tests fondés sur des critères adéquats ; – améliorer l’aspect et le confort des établissements ; – prévoir des réunions annuelles d’orientation et des séances de suivi ; 151 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE – poursuivre le programme Education Equity pour donner aux élèves, notamment ceux d’origine autochtone, des modèles d’enseignants ayant réussi ; – renforcer les contacts avec les parents, les visites aux familles, l’éducation parentale et l’amélioration des compétences parentales ; – créer un conseil de planification inter-organismes regroupant toutes les instances compétentes ; – continuer à soutenir les associations communautaires ; – poursuivre et améliorer le cofinancement par tous les échelons de l’administration (fédéral, provincial, local) ; – étudier la possibilité de création d’un centre communautaire intégré. Toutes ces recommandations sont actuellement suivies, avec des différences notables entre les établissements. Interrogé sur les changements intervenus, le personnel a fait état de progrès dans tous les domaines, et souligne le bien-fondé des thèmes et activités axés sur la culture autochtone, des programmes d’amélioration des compétences langagières et des aptitudes sociales, et des possibilités de pratiques sportives et de loisirs. Cependant, les efforts de modification des programmes scolaires sont entravés par le manque de ressources financières. Les programmes de formation des enseignants sont jugés indispensables pour l’adoption de pratiques de collaboration. Le personnel note une amélioration du comportement des élèves en classe et une fierté plus grande parmi eux. L’atmosphère générale et l’aspect des écoles se sont améliorés, mais des réparations et rénovations sont encore nécessaires. Les entretiens avec un certain nombre de personnes directement concernées par le projet de l’école Princess Alexandra confirment l’impression générale. L’aptitude des élèves à vivre en société, leur intérêt pour l’école et leur motivation se sont améliorés. Ils semblent mieux intégrés à leur communauté. Les relations interculturelles se sont elles aussi améliorées malgré le racisme environnant. La délinquance, l’absentéisme et le nomadisme sont en baisse, même s’ils constituent encore des problèmes graves. L’intérêt des parents pour l’école s’accroı̂t lentement, mais reste insuffisant. Les autochtones participent à la vie associative et à la prise de décisions dans le quartier. Les groupements par cycle, la présence d’enseignants ressources (professeurs consultants) et d’aides-enseignants sont considérés comme particulièrement utiles. L’impression générale est que le plan a permis d’accomplir un travail précieux. La collaboration s’est améliorée à tous les niveaux. Désormais, les enseignants posent leur candidature pour travailler à l’école Princess Alexandra et demandent à y rester. L’école est en train de devenir un centre de ressources pour la communauté, les familles peuvent y passer n’importe quand après les heures de classe. De plus, le quartier dans son ensemble s’est considérablement amélioré. Problèmes et enjeux 152 Le principal problème est la sous-représentation des autochtones à tous les niveaux. Seuls trois enseignants sont d’origine autochtone, les membres du conseil d’administration de l’association communautaire sont essentiellement des Blancs et seules deux nations sur les douze que compte le quartier y sont représentées. Les parents d’origine indienne sont peu présents aux réunions car « ils ne comprennent pas comment cela fonctionne, ils se sentent incapables de changer les choses » (David Fineday, parent, membre du conseil d’administration de l’association communautaire). L’école Princess Alexandra a adopté un principe d’éducation et d’harmonie, et a pour vocation de répondre aux besoins de tous les élèves et de leur famille. C’est pourquoi, par exemple, la troupe de danse Hoop est ouverte à tous : elle compte des Indiens, des Métis, et plusieurs garçons et filles non autochtones. Les chanteurs et percussionnistes sont généralement des hommes et garçons d’origine autochtone. Un autre obstacle est l’absence, dans l’enceinte de l’établissement, d’un espace communautaire qui pourrait être réservé aux parents. D’après certaines des personnes interrogées, l’image du quartier reste négative, alors que rien ne le justifie plus. Partie I : CANADA L’appareil judiciaire, qui est considéré comme partial vis-à-vis des autochtones, ne soutient pas les efforts de rénovation. Facteurs propices au travail en collaboration Les facteurs suivants semblent contribuer à améliorer la collaboration : – un cadre précis, avec un financement adapté, une vision commune et des recommandations pertinentes ; – un suivi clair du processus, avec des séances régulières d’évaluation ; – l’engagement du personnel et la volonté de sortir de la routine et de participer à des activités après les heures de classe ; – une bonne gestion par le directeur d’établissement, qui doit être confiant, optimiste, souple et capable de s’adapter à des situations nouvelles, de déléguer des responsabilités aux personnels et membres de la communauté, et d’accepter le point de vue des autres ; il est unanimement reconnu que John Barton, directeur de l’école Princess Alexandra, possède ces qualités ; – une planification attentive et détaillée des activités ; – une formation préalable et en cours d’emploi de tout le personnel ; – la participation des familles et des communautés ; – l’équité et la communication entre le personnel et les bénévoles. Obstacles à la collaboration Les intervenants sur le terrain considèrent que les tâches administratives prennent beaucoup trop de temps. Il y a conflit entre l’orientation du processus et la difficulté pour certains de déléguer. La gravité des situations décourage parfois les efforts d’amélioration. Souvent, les clients sont passifs ou réticents. Malgré les efforts, la communication entre les services n’est pas toujours parfaite, notamment en raison de la non-concordance des divisions administratives et du manque de temps au niveau stratégique. Un autre facteur est la fatigue des personnels liée au travail supplémentaire, aux manifestations et activités organisées après les heures de classe (auxquelles s’ajoute le temps consacré à la collecte de fonds pour pallier l’insuffisance des moyens). Enfin, la formation au travail en collaboration est insuffisante. Groupe des citoyens de West Flat, Prince Albert Situation générale La ville de Prince Albert est située au nord de Saskatoon, à la frontière des deux grandes zones géographiques qui constituent le Saskatchewan : au nord se trouvent les forêts et le début du plateau canadien, et au sud les prairies et plaines. La ville compte 33 000 habitants et ses principales ressources économiques sont l’agriculture, la sylviculture et, dans une moindre mesure, l’exploitation minière et le tourisme. Le système pénal fournit un certain nombre d’emplois à Prince Albert qui abrite deux centres de détention provinciaux et un pénitencier fédéral. Le secteur primaire induit de nombreux services en aval : fabrication de papier, agro-alimentaire et tourisme. La proportion d’autochtones dans la population est de 30-40 pour cent, et devrait passer à 50 pour cent d’ici l’an 2000. La région de Prince Albert abrite 14 tribus des Premières nations, qui regroupent une population d’environ 25 000 personnes. Le déclin de leurs sources traditionnelles de revenu se traduit par un exode important des Indiens qui quittent les réserves. La région dans son ensemble souffre de la baisse du prix des produits agricoles et des coûts élevés de production. 153 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE Le quartier de West Flat : Il compte environ 25 pour cent de la population totale de la ville et présente un nombre élevé d’indicateurs de risque : – un chômage élevé, et donc des revenus bas ; – un nombre élevé de logements locatifs et de qualité inférieure aux normes en vigueur ; – un taux élevé de nomadisme ; – un nombre important de familles monoparentales et de familles reconstituées ; – le taux de grossesses adolescentes le plus élevé de la province (17 pour cent des naissances) ; – une proportion importante d’enfants d’âge scolaire (60 pour cent, contre 30 pour cent pour le reste de la province). De nombreux habitants du quartier sont d’origine autochtone et l’anglais n’est pas leur première langue. La plupart d’entre eux ont été élevés dans des pensionnats (ce qui était très courant il y a encore une vingtaine d’années) et n’ont pas pu apprendre à exercer leur métier de parent. Ils ne peuvent souvent pas s’appuyer sur un réseau familial. Nombre de parents ont reçu une éducation très sommaire et ne considèrent pas l’école comme une priorité pour leurs enfants. Le taux d’illétrisme est donc très élevé. L’alcoolisme et la délinquance sont très répandus et les personnes âgées ont un fort sentiment d’insécurité. Il existe « un degré élevé de frustration et de colère, conjugué à une impuissance et un désespoir acquis. Ils ne voient pas comment s’en sortir » (Yvonne Gryoerick, membre de la communauté, enquête sur West Flat). Le quartier dans son ensemble souffre d’une image négative, d’une perception défavorable et d’un manque d’information du public, et dans une certaine mesure, d’une médiatisation excessive. Programmes communautaires de West Flat : En 1991, une poignée de femmes a commencé à se préoccuper de la fréquence des demandes d’intervention de la police dans le quartier. Le sentiment d’insécurité était tel que les personnes âgées n’osaient plus sortir de chez elles. Les principaux problèmes étaient l’alcoolisme, la violence, la fabrication d’alcool de contrebande, et les cambriolages. Le taux d’absentéisme et de grossesse chez les adolescentes était également très préoccupant. Pour en finir avec la passivité de la population et l’inciter à prendre les choses en main, une enquête a été menée. Un comité de pilotage a été créé pour mener à bien le travail pendant l’été. Il a été aidé par un membre du Conseil tribal, qui a assuré le traitement et l’analyse des données par informatique. Le directeur de l’école communautaire St Michael s’est chargé de la rédaction du rapport. En août et en septembre de l’année suivante, le bâtiment de l’école devait être laissé vacant. La personne chargée de la banque alimentaire envisageait de s’y installer, ainsi que le club du troisième âge, mais une partie importante du bâtiment restait inoccupée. L’Association communautaire a donc demandé à s’y installer. Le directeur régional des services sociaux a obtenu une aide de 9 000 dollars afin de financer la location du bâtiment pour une durée de six mois. Le Groupe des citoyens de West Flat (West Flat Citizens’ Group) a été créé pour gérer ce fonds. La structure de base était une association à but non lucratif dotée d’un conseil d’administration composé de bénévoles. Le Groupe a alors élaboré une proposition avec l’aide du ministère de l’Éducation, de la Formation et de l’Emploi, et des Services sociaux et de santé au niveau de la province. Une approche intégrée et axée sur les besoins de la communauté a été considérée comme la meilleure solution aux problèmes existants. La ville de Prince Albert a ensuite fait l’acquisition du bâtiment et accepté de le rénover pour accueillir les différents programmes mis en place suite à l’enquête et aux propositions. Le projet s’inscrit dans le cadre du Plan d’action en faveur des enfants du Saskatchewan. Les programmes suivants sont proposés : 154 – Éducation : Accueil préscolaire pour les enfants de 3 et 4 ans, programme EAGLE pour les jeunes de 15-18 ans incapables de s’adapter au système scolaire, éducation parentale, assurée par un travailleur social spécialisé dans l’aide aux parents adolescents, éducation à la santé et à la nutrition, services d’orthophonie, assurés dans le centre par des infirmiers des services de santé. Partie I : CANADA – Loisirs : Des activités de loisirs sont proposées régulièrement aux enfants et jeunes (patinage, natation, cinéma, boums, sorties familiales, soirées gymnastique). – Logement : La rénovation de l’habitat est assurée pour les personnes âgées et les familles à faible revenu. La main-d’œuvre est fournie gratuitement par New Careers Corporation. Ce sont les propriétaires qui achètent les matériaux nécessaires. Les services du logement du Saskatchewan ont donné leur agrément pour 20 logements situés près du Centre communautaire et destinés à des personnes âgées et des familles. – Maintien de l’ordre : Un bureau d’accueil est géré par des bénévoles de West Flat en collaboration avec la police de Prince Albert. Des patrouilles sont organisées dans le quartier. – Programme pour les personnes âgées : Il sera élaboré dans le cadre du projet pour le logement. Accueil préscolaire : Une structure est ouverte depuis le 4 octobre 1993. D’une capacité de 90 places, elle accueille actuellement 73 enfants deux demi-journées par semaine. Nous avons rendu visite à deux groupes différents composés d’une quinzaine d’enfants. Le personnel se compose d’un directeur, d’une conseillère familiale à mi-temps qui gère le programme à l’attention des parents adolescents et effectue des visites à domicile, et de quatre enseignants (deux pour chaque classe). Cinq parents y viennent chaque jour à titre bénévole. Le projet est financé par les services sociaux et de santé, d’une part, et de l’éducation, de la formation et de l’emploi, d’autre part. Les services de santé organisent des visites médicales. Le travail de santé est réalisé conjointement avec un infirmier des services de santé publique. Un nutritionniste prépare le petit déjeuner deux fois par semaine. Un assistant dentaire assure des examens de dépistage. Le comité d’éducation préscolaire est composé de membres des services sociaux, des présidents du Groupe des citoyens de West Flat, des directeurs et coordinateurs des deux écoles communautaires du quartier, et de représentants des services de santé (un infirmier, un nutritionniste, un assistant dentaire, un orthophoniste et une puéricultrice). Il se réunit tous les mois et participe à des réunions avec un groupe des « Réseaux de soutien familial ». L’objectif de l’accueil préscolaire est de donner un bon départ aux enfants et de favoriser le développement de leurs compétences cognitives, physiques, sociales et de communication. La plupart des enfants sont d’origine indienne ou métisse et l’anglais n’est pas leur première langue. Bien qu’il soit réservé en priorité aux enfants de West Flat, le centre peut accueillir des enfants d’autres quartiers, en fonction des places disponibles. Programme EAGLE (Education, A Good Learning Experience – « L’éducation : une bonne expérience de l’apprentissage ») : Ce programme est financé par les ministères de l’Éducation, de la Formation et de l’Emploi, et des Services sociaux. Il a été mis en place pour répondre aux besoins des trop nombreux élèves qui abandonnaient leur scolarité. Il est constitué de différents volets : enseignement, préparation à la vie quotidienne et acquisition de compétences professionnelles. Le personnel se compose d’un enseignant et d’un travailleur social. Quinze élèves peuvent être accueillis à la fois. Lors de notre visite, ils étaient neuf, dont une adolescente enceinte. Outre les cours ordinaires, le programme prévoit un service d’orientation, un suivi médical, des cours de nutrition et des activités de loisirs. Il utilise les équipements de l’établissement d’enseignement secondaire, notamment la salle informatique et la piscine, et le personnel travaille avec les enseignants de l’école pour faciliter la réintégration des élèves lorsqu’ils se sentent prêts. Le travailleur social peut aller chercher les élèves chez eux s’ils n’ont pas de moyens de transport. Les repas sont préparés par les élèves à tour de rôle. Nous avons eu un entretien avec une adolescente de 16 ans enceinte (elle-même née lorsque sa mère avait 16 ans). Elle nous a confié qu’elle n’aurait jamais pu faire face à sa situation dans un établissement ordinaire et qu’elle manquait régulièrement les cours lorsqu’elle était à l’école. Elle estimait avoir besoin d’aide pour sa maternité et jugeait utile de se retrouver avec d’autres adolescents confrontés à des problèmes similaires et issus du même milieu. Maintien de l’ordre : En 1991, après des protestations en masse de la part des personnes âgées vivant à West Flat, et suite à l’enquête d’évaluation des besoins, les autorités ont estimé qu’une présence policière accrue était nécessaire dans le secteur. En raison des restrictions budgétaires imposées à la police de la ville, qui devait en outre faire face à une importante charge de travail, il a été décidé que 155 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE des bénévoles du quartier assureraient une permanence dans un centre d’accueil de la police, dont le site a été choisi de façon à être « au cœur des choses ». En conséquence, une partie des fauteurs de troubles ont quitté le quartier. Les bénévoles qui travaillent au centre orientent les plaignants vers le commissariat de police, participent à la recherche de personnes disparues et interviennent lorsqu’ils estiment que des actions de maintien de l’ordre s’imposent. Quatre équipes se relaient et il existe également une unité mobile de crise qui assure des interventions sociales. Les « Citoyens bénévoles » (Volunteer Citizens) travaillent avec leur propre véhicule. Ils patrouillent par deux et sont en communication radio avec la police. Entre 50 et 60 bénévoles effectuent ainsi un travail d’ı̂lotage, dont des parents du centre d’accueil préscolaire. Ce travail est supervisé par un responsable de liaison qui a assuré deux séances d’information sur le statut juridique des bénévoles, qui ne sont pas « des fonctionnaires auxiliaires autorisés à participer directement à l’arrestation de malfaiteurs ». Des conseils leur ont été donnés sur les situations qui nécessitent l’intervention de la police, sur les événements à signaler. L’objectif est de faire reculer la peur, qui est disproportionnée par rapport au niveau de délinquance, et de susciter une prise de conscience chez les habitants du quartier. La création du centre et la mise en place des patrouilles ont déjà permis d’apaiser les craintes des habitants et, à ceux qui y participent, de répondre eux-mêmes à leurs besoins de sécurité. Input – niveau stratégique Il ressort des entretiens et réponses aux questionnaires que presque tous les services participent à la majorité des programmes. L’accueil préscolaire était une initiative de la population, mais il est devenu l’un des deux projets pilotes de la Région V du Bureau de l’éducation, de la formation et de l’emploi du Saskatchewan dans le cadre du plan « Les enfants d’abord ». Il fera l’objet d’une évaluation après trois années de fonctionnement. Selon les résultats obtenus, un débat sera ouvert sur son devenir. Les services sociaux sont responsables in fine de l’ensemble des services à l’enfance mais concentrent leurs efforts sur l’aide financière et les services de protection infantile. Ils emploient actuellement 8.5 travailleurs sociaux sur le secteur : un chef de projet, trois éducateurs d’enfants d’âge préscolaire, deux spécialistes de l’aide familiale, un conseiller pour les parents adolescents, un secrétaire et un spécialiste de l’aide aux parents qui travaille à mi-temps au programme d’accueil préscolaire. Quatre postes ont été créés. Ces emplois sont financés par les services sociaux. Les sommes nécessaires sont attribuées au programme d’accueil préscolaire (la majorité provenant du budget de l’éducation) et au projet EAGLE. Les services de santé délèguent des infirmiers et des spécialistes (orthophoniste, diététicien, travailleur social spécialisé en psychiatrie). La ville a prêté le bâtiment et délégué un employé des services d’urbanisme qui travaille aux programmes de rénovation. Des comités interorganismes sont présents dans les deux écoles communautaires du quartier. Trois ministères (Santé ; Éducation, Formation et Emploi ; Services sociaux) y participent. Les services de police de la ville paient la location du centre d’accueil et les frais connexes, et rémunèrent le responsable de liaison, qui ne travaille pas exclusivement sur ce projet. Le budget consacré à ces programmes, hors masse salariale, est le suivant : Préscolaire EAGLE Coordinateur Évaluation 98 96 30 20 000 000 000 000 $ $ $ $ Input – niveau du terrain 156 Une part importante du travail est effectuée par des bénévoles. Le centre d’accueil de la police a été meublé par les habitants et les membres des patrouilles paient eux-mêmes l’essence pour leur véhicule. Les bénévoles passent également du temps à organiser des collectes de fonds. Les réparations des logements sont effectuées à prix coûtant. L’engagement direct est essentiellement le fait d’intervenants sur le terrain. Partie I : CANADA Fonctionnement – niveaux stratégique et opérationnel La plupart des personnes ayant répondu au questionnaire de l’OCDE indiquent que les réunions font partie de leur travail quotidien. La planification et la gestion sont assurées en commun et, en fonction de leur rôle dans le programme, avec la participation de représentants des services municipaux ou provinciaux. La municipalité est partenaire des actions menées depuis qu’un des membres du Groupe des citoyens de West Flat, conseillère municipale, est devenu maire de la ville, position qui a permis d’accélérer la prise de décisions. Le directeur régional des services sociaux a fourni une liste impressionnante de comités dans lesquels divers organismes se retrouvent côte à côte. Parmi eux, on peut citer : – le programme « Les enfants d’abord », qui réunit des conseils d’établissement des écoles privées et publiques, le personnel des écoles Queen Mary, St Michael et Carleton, et les services sociaux et de santé mentale ; – le « Réseau de soutien familial », qui regroupe 32 services, organismes et personnes intéressées pour le partage d’information et la résolution de problèmes sur une base régulière ; – des rencontres régulières sont organisées, auxquelles participent collectivement ou à un niveau plus réduit les services suivants : le « Réseau de soutien familial », 18 associations privées, les services de santé mentale, les services aux familles catholiques, l’unité mobile de crise et le Children’s Haven (pour les enfants victimes d’abus sexuels), la police municipale et son unité mobile de crise (services d’urgence), le comité du maire pour le développement communautaire (lutte contre la faim, la violence, les gangs, le racisme et les problèmes de logement), le programme « Les enfants d’abord » de West Flat, les services de santé mentale et les conseils d’administration des écoles privées et publiques (mise au point d’un programme pour un centre de thérapie de groupe), et le Groupe de partenariat de Prince Albert contre la violence familiale (réunissant tous les acteurs de la communauté). Ce dernier groupe a également mis au point un modèle de gestion par cas. N’importe quel organisme participant peut demander la tenue d’une réunion, et une conférence de planification commune sera organisée pour mettre au point un plan collectif et désigner un responsable du dossier. Formation : Un large éventail de formations ont été proposées aux personnels des différents organismes pour améliorer les efforts de collaboration. Le personnel du programme d’éducation parentale « Nobody’s perfect » a formé le personnel de divers organismes et services qui a ensuite formé tous les clients des organismes et services concernés. La Maison de transition du centre communautaire a informé sur la violence familiale le personnel des services et d’autres organismes. Le service de protection infantile a formé le personnel de l’unité mobile de crise et le personnel du Conseil tribal. Une formation à la gestion par cas a été dispensée à certains membres de l’unité mobile de crise et a été proposée aux membres des différents groupes. Le Conseil contre les sévices aux enfants de Prince Albert a assuré une formation en la matière à tous les organismes et services de la ville. Ensemble, l’Association provinciale des familles d’accueil et les services sociaux ont mis au point un programme de formation et créé des équipes régionales chargées de former les futures familles d’accueil. Partage des ressources et des informations : La création d’une base de données commune en est encore à ses débuts. Les associations et programmes peuvent utiliser des moyens publics (photocopieuses, papier et articles) ou autres équipements professionnels. Les véhicules de l’administration peuvent être loués au personnel de l’association communautaire ou pour le transport du personnel ou des enfants. Les fonctionnaires sont régulièrement sollicités pour aider les associations et particuliers à s’orienter dans le dédale administratif afin d’accélérer le processus de suivi des dossiers. Il n’existe pas de point d’entrée unique ni de service de tutelle couvrant l’ensemble des programmes. Une des personnes interrogées soulignait que cela était aussi bien et qu’un point d’entrée unique pouvait entraı̂ner une certaine rigidité. « Quel que soit le service sollicité, il doit être possible 157 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE de fournir facilement au client l’aide dont il a besoin dans une situation particulière, même si cela nécessite la participation d’autres organismes. » Fonctionnement – niveau du terrain Le Groupe des citoyens de West Flat est une association à but non lucratif ouverte à tous (c’est-àdire aux 8 000 à 10 000 habitants du quartier qui seraient intéressés). La poignée de femmes à l’origine du projet avait organisé un « thé de protestation » pour en finir avec l’attitude revendicative des habitants et les amener à se prendre en charge pour améliorer la situation. Dès le début, le groupe a travaillé en collaboration avec les membres du Conseil municipal et les services compétents. L’organisation des programmes a été le fruit d’une vaste consultation de la population et d’un travail de recherche de la part des particuliers et conseillers de différents services. Le conseil d’administration des programmes est composé de représentants de la communauté et des services participants. Le personnel prend part à l’évaluation et à la planification. Formation : Le personnel du centre d’accueil préscolaire suit une formation en puériculture à l’Institut des arts, sciences et techniques appliqués du Saskatchewan (SIAST). Il participe également à des stages de formation organisés par l’association locale d’aide à l’enfance et les œuvres « Saint John Ambulance ». Le personnel du projet EAGLE suit des cours de perfectionnement avec le personnel de la division des écoles privées catholiques de Prince Albert. Une formation en cours d’emploi aux activités de maintien de l’ordre a été dispensée par la police, des avocats et un juge local. Les membres du conseil d’administration et le personnel ont participé à des réunions et ateliers communs (par exemple, sur la violence familiale). Les personnes travaillant à l’accueil préscolaire et participant au projet EAGLE assistent à des réunions d’étude de cas. Partage des ressources et des informations : L’accueil préscolaire et le projet EAGLE partagent certaines ressources telles que les équipements ou installations de sport et de loisirs avec les écoles élémentaires et secondaires. Ils profitent également de certains de leurs moyens de transport. Aucun protocole de collaboration n’a encore été défini mais il est envisagé de demander aux élèves du projet EAGLE de diriger des ateliers d’art pour les élèves du cours élémentaire deuxième année et du cours moyen première année. Résultats Les parents se déclarent satisfaits des programmes et ont noté des progrès chez leurs enfants au niveau du langage et des aptitudes sociales. Cependant, certains ne voient l’accueil préscolaire que comme une garderie améliorée. Les professionnels soulignent néanmoins l’importance des programmes de prévention pour amener les parents à prendre conscience de la valeur de leurs enfants. Les services sociaux ont mis en place un projet d’évaluation et de suivi sur trois ans. Le taux de participation active au projet EAGLE est de 98 pour cent. Il est encore trop tôt pour évaluer son succès. La jeune fille enceinte que nous avons interrogée déclarait que le programme lui avait permis de renouer avec son père, leurs relations s’étant dégradées du fait de sa grossesse. Elle estimait être prête à reprendre des études afin de mieux gérer son avenir. La peur de la délinquance a diminué grâce à l’initiative de maintien de l’ordre. 158 La plupart des partenaires considèrent que la plus belle réussite des programmes a été le niveau élevé de participation de la communauté. Le large éventail de programmes proposés, depuis l’accueil préscolaire pour les 3 et 4 ans, jusqu’aux actions menées dans les domaines de la santé, des loisirs, de l’éducation et du logement, reflète l’approche globale adoptée pour l’intégration des services. Les membres de la communauté avaient le sentiment de « faire ce qu’il faut », après avoir été pendant de nombreuses années submergés par un sentiment d’impuissance. Le bénévolat donne aux individus le sentiment d’être utile à quelque chose. Un nombre important d’Indiens et de Métis participent aux actions menées, bien qu’il soit parfois difficile de les identifier. Partie I : CANADA Facteurs propices au travail en collaboration L’initiative du Groupe des citoyens de West Flat est arrivée au bon moment, c’est-à-dire pratiquement en même temps qu’était lancé le Plan d’action en faveur des enfants. Des fonds ont pu être consacrés à des projets axés sur les besoins des communautés, ce qui a évité le découragement consécutif aux retards et reports des prises de décision. Une nouvelle culture du partenariat a émergé, qui a permis le travail en commun et le partage des ressources, une collaboration activement soutenue par les autorités provinciales. La petitesse de la ville, qui permet aux habitants de se connaı̂tre facilement, a certainement contribué à faciliter la collaboration, de même que la volonté d’une communauté qui avait défini ses besoins et décidé de se prendre en charge. Obstacles à la collaboration Malgré le niveau impressionnant du travail en collaboration à Prince Albert, les personnes interrogées ont cependant jugé qu’il restait des obstacles à surmonter. Parmi eux, on peut citer la nonconcordance des divisions administratives des services sociaux, de l’éducation et de la santé et la réticence des administrations à se lancer dans des actions communes. De plus, il faudrait consacrer du temps à la collaboration pendant la journée de travail. Des obstacles subsistent au niveau de la législation (par exemple, les lois sur la protection des informations interdisent la communication d’informations entre les services de santé et ceux de l’éducation). Au niveau local, certains problèmes empêchent encore les personnes de vivre en harmonie. Une des craintes exprimées est que les individus ayant une attitude négative prennent le dessus et réduisent à néant le travail accompli. CONCLUSION La notion d’intégration des services a été adoptée aux niveaux stratégique, opérationnel et du terrain. A Prince Albert, elle a d’ores et déjà fait la preuve de son bien-fondé et de son efficience. Cependant, c’est un processus long et difficile si l’on accorde pas suffisamment de temps aux personnes concernées pour adopter des pratiques de collaboration. Étant donné le nombre de réunions et de comités, on se demande comment les personnes trouvent le temps de mener à bien leur travail quotidien. La participation et la délégation de responsabilités à la communauté sont indispensables pour répondre de façon adaptée aux besoins des familles et des enfants. Il est difficile d’obtenir la participation des autochtones. Les différences culturelles entre eux et les Blancs n’ont pas encore été surmontées, malgré des réformes structurelles telles que la consultation systématique du Secrétariat des affaires indiennes et métisses ou du Conseil tribal. Une longue histoire de ségrégation et d’injustice a laissé des marques douloureuses des deux côtés. Les actions préventives sont encore trop récentes pour avoir atteint leurs objectifs d’équité, de confiance en soi, de fierté culturelle et d’équilibre social. Cependant, la province du Saskatchewan est allée de l’avant et s’est fixé comme priorité d’accorder à tous les enfants le respect de leurs droits élémentaires, quelle que soit leur origine. L’approche globale commence à faire son chemin parmi les intervenants sur le terrain, de même que chez les personnels d’encadrement à un haut niveau. L’efficacité du programme par rapport à son coût n’a pas encore été évaluée. Cela doit-il pour autant constituer un obstacle à l’adoption du concept d’intégration des services si les résultats escomptés en termes de bien-être sont obtenus ? 159 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE RÉFÉRENCES COMMUNITY SCHOOLS PROGRAMME (1990), Document d’orientation, Saskatchewan Education, mars. GOUVERNEMENT DU SASKATCHEWAN (1993), Children First : An Invitation to Work Together (Les enfants d’abord : une invitation à travailler ensemble), Gouvernement du Saskatchewan, Regina. GOUVERNEMENT DU SASKATCHEWAN (1994a) Saskatchewan’s Action Plan for Children, Overview of Provincial and Local Actions, Gouvernement du Saskatchewan, Regina, avril. GOUVERNEMENT DU SASKATCHEWAN (1994b), Saskatchewan Children and Families at Risk, Demographic Risk Factors, Gouvernement du Saskatchewan, Regina, mai. GOUVERNEMENT DU SASKATCHEWAN (1994c), Working Together to Address Barriers to Learning. A Policy Framework for Integrated School-linked Services for Children and Youth at Risk (Travailler ensemble pour faire tomber les obstacles à l’apprentissage : intégrer les services qui travaillent en liaison avec l’école pour les enfants et adolescents à risque), projet, Gouvernement du Saskatchewan, Regina. LORAINE THOMPSON INFORMATION SERVICES LIMITED (dir. pub.) (1992), Building a Community for Learning : Integrated School-based Services, SSTA Research Centre, Rapport 92-16, Saskatchewan School Trustees Association, Regina. SASKATCHEWAN EDUCATION, TRAINING AND EMPLOYMENT (1994), Saskatchewan Education Indicators Report. K-12 Schooling : How Well Are We Doing ?, Saskatchewan Education, Training and Employment, Regina. SASKATOON BOARD OF EDUCATION (1994), Inner-city School Concept Plan Evaluation, Saskatoon Board of Education, Saskatoon. 160 Partie I : CANADA ALBERTA CHANGEMENT RADICAL EN FAVEUR DE L’INTÉGRATION DES SERVICES par Lucienne Roussel et Mary Lewis SITUATION GÉNÉRALE Population La province de l’Alberta, dans l’ouest du Canada, est une région de plaines et de hautes montagnes (la chaı̂ne des Rocheuses). Elle compte 2 681 300 habitants. Ce chiffre est stable, voire légèrement en hausse (+34 400 personnes entre 1992 et 1993). La majeure partie de la population est citadine, les ruraux ne représentant que 20.2 pour cent. Les zones les plus peuplées sont de loin celle d’Edmonton, capitale politique et administrative de la province (933 911 habitants), et ses environs, et celle de Calgary (854 934 habitants). Les autochtones, qui comprennent les Indiens (99 650 personnes), les Inuits (2 825 personnes) et les Métis (56 310 personnes), forment 5.5 pour cent de la population de l’Alberta, contre 3.6 pour cent dans le reste du pays. Situation économique En décembre 1992, le taux de chômage des hommes était estimé à 9.9 pour cent (contre 11.9 pour cent pour l’ensemble du Canada) et le taux de chômage des femmes à 8.9 pour cent (contre 10.4 pour cent au niveau national). Le nombre total des sans-emploi est en baisse puisqu’il est passé de 137 733 personnes en 1993 à 132 100 en 1994. Le revenu annuel moyen a légèrement augmenté, de 20 830 dollars canadiens en 1989 à 22 477 dollars canadiens en 1991. L’Alberta est une province agricole et un important producteur de céréales et de bétail. C’est toutefois le pétrole qui a donné une forte impulsion à l’économie locale dans les années 50. Aujourd’hui, l’Alberta contribue pour 80 pour cent à la production nationale de pétrole. Calgary est ainsi devenue le centre de l’industrie pétrolière en même temps qu’une ville de rang international. En dépit des problèmes économiques apparus ces dernières années, elle demeure l’une des agglomérations les plus riches du Canada. Edmonton, siège du gouvernement provincial, est aussi un important centre d’affaires et d’échanges commerciaux. Bien sûr, ce panorama socio-économique a tendance à masquer les disparités. Ainsi, Edmonton compte une importante proportion de résidents percevant des aides financières au titre du programme Supports for Independence. Ils représentent 42 pour cent du total des personnes recevant ce type d’aide dans la province. A Wetaskiwin, le revenu moyen est inférieur à la moyenne de la province. Calgary possède également des poches de pauvreté et un certain nombre de familles qui y vivent connaissent de graves difficultés financières. Organisation administrative L’Alberta est devenue une province du Canada en 1905. Le British-North American Act a alors donné au Parlement canadien le pouvoir de légiférer « en ce qui concerne toutes les affaires ne relevant pas des compétences conférées exclusivement aux gouvernements des provinces par le présent acte ». Le gouvernement fédéral détient donc les pouvoirs dans plusieurs domaines, dont ceux de la défense, de la collecte des taxes et impôts, de la monnaie, des banques et de la lutte contre le chômage. En cas 161 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE de conflit de pouvoirs entre le Parlement et le gouvernement provincial, c’est l’autorité fédérale qui a la prééminence. La responsabilité de gérer et de financer certains services comme les routes, les écoles et les hôpitaux incombe à la province, qui a pouvoir de décision sur les taxes et impôts prélevés directement au niveau municipal ou provincial et destiné au financement de programmes de la province. L’enseignement ainsi que l’essentiel de la législation sur le travail et du système de sécurité sociale sont également des domaines dans lesquels le gouvernement provincial détient des pouvoirs pratiquement exclusifs. Les administrations municipales des provinces sont généralement responsables des écoles et des hôpitaux locaux, les premières étant souvent administrées par leur propre conseil de membres élus. Les ressources proviennent des taxes et impôts locaux et des subventions de la province. Les services aux autochtones forment un cas à part et diffèrent selon que les bénéficiaires vivent ou non dans des réserves. Tout ce qui touche à la santé et aux affaires sociales est du ressort d’institutions directement gérées et financées par le gouvernement fédéral, et non par des services à l’échelle de la province, ce qui vaut également pour les personnes vivant en dehors des réserves. Les personnes qui vivent dans des réserves bénéficient d’un statut régi par des traités, qui leur confère certaines prérogatives telles que des droits de chasse et des exemptions d’impôts, aux termes d’accords passés entre leurs ancêtres et la Couronne. Ces populations ont leur propre système éducatif, financé par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et satisfaisant aux critères appliqués dans la province. PRINCIPAUX GROUPES « A RISQUE » Environ 40 pour cent des autochtones (42 405 personnes) ont moins de 15 ans. Entre 42 et 47 pour cent des enfants vus, pour une raison ou une autre, par les services d’aide sociale à l’enfance sont des autochtones. De son côté, la justice estime que les jeunes autochtones forment 31 pour cent des cas qu’elle répertorie. Le taux d’abandon scolaire parmi les jeunes autochtones, qui atteint parfois 30 pour cent, commence également à inquiéter les autorités. Les difficultés culturelles et linguistiques peuvent décourager la fréquentation de l’école. Avant 1970, les jeunes autochtones étaient placés dans des pensionnats, loin de leur famille. Au début des années 70, des écoles ont été créées dans les réserves. Avant cela, les familles n’étaient guère habituées à discuter des besoins éducatifs de leurs enfants. Le chômage est particulièrement élevé parmi les autochtones, où il touche près de 20 pour cent des actifs, soit presque moitié plus que dans les autres groupes de la population. Dans les régions les plus reculées, cette situation est parfois due aux possibilités d’emploi limitées. Cependant, si les jeunes autochtones sont un groupe à haut risque, ils ne sont pas les seuls à avoir des problèmes et ne constituent pas non plus l’unique catégorie « à risque », terme pour lequel il n’existe pas de définition officielle claire. En outre, en dépit de nombreuses difficultés, les familles autochtones aisées et en bonne santé sont nombreuses et en augmentation. Comme dans beaucoup de villes du monde industrialisé, la violence et la délinquance se développent dans la frange la plus jeune de la population. Partout, cette tendance, ainsi que le nombre de jeunes en difficulté ayant des problèmes de comportement et totalement étrangers à l’éducation scolaire, suscitent de plus en plus de préoccupations. 162 D’une manière générale, les jeunes de la catégorie « à risque » sont victimes de conditions de logement inadéquates, de difficultés économiques et de problèmes familiaux parfois graves. Quinze pour cent des familles d’Edmonton, par exemple, sont des familles monoparentales. La proportion est analogue dans toutes les zones, dans toutes les villes et dans tous les comtés. Un certain nombre de ces familles vivent en dessous du seuil de pauvreté national, en particulier celles qui sont dirigées par une femme. Partie I : CANADA ORGANISATION DES SERVICES ET FINANCEMENT AU NIVEAU PROVINCIAL Services sociaux Les principaux domaines couverts par les services sociaux sont les programmes pour le revenu et l’emploi, l’aide sociale à l’enfance, la garde des enfants et l’aide aux personnes frappées d’une incapacité. Certains programmes portent également sur la prévention des problèmes liés à la violence domestique. Les soutiens existants visent les personnes sans emploi, peu qualifiées et vivant de l’aide sociale. Un projet est à l’étude pour aider les personnes à développer leurs méthodes de recherche d’emploi et leur proposer des formations en rapport avec le travail. Son objectif est d’aider les clients à quitter leur situation d’assuré social pour celle de travailleur et à devenir financièrement autonomes. Le gouvernement fédéral est en train de redéfinir l’ensemble de la politique sociale du Canada, et en particulier le système national de sécurité sociale. Jusqu’ici, le coût des différents programmes était supporté par la province et par l’administration fédérale. Même si la nature exacte de la réforme n’a pas encore été présentée en détail, il semble y avoir un consensus sur la nécessité de revoir les méthodes de financement. Les fonds apportés à l’Alberta par le gouvernement fédéral pour les programmes sociaux sont en baisse depuis 1992 et de nouvelles coupes budgétaires sont prévues chaque année jusqu’en 1996. Services de santé Les habitants de l’Alberta sont très fiers de leur système de santé. Les statistiques révèlent que leur espérance de vie moyenne s’est considérablement allongée et qu’elle est aujourd’hui légèrement supérieure à celle des Canadiens en général. Une amélioration s’est également produite dans le domaine de la mortalité enfantine, qui est passée de 17.5 pour mille en 1972 à 8.1 pour mille en 1990. Le système de santé connaı̂t actuellement d’importants changements. Dix-sept autorités sanitaires régionales assument la responsabilité des services médicaux de la province. Le gouvernement fédéral participe au financement du régime d’assurance santé de l’Alberta, programme complet qui inclut les honoraires des médecins et les frais d’hospitalisation et qui couvre au moins 95 pour cent de la population. Le budget 1994-95 consacrait 3.77 milliards de dollars canadiens aux dépenses de santé et 133 millions aux bâtiments, équipements et services. La fourniture de services spécialisés étant du ressort des provinces, les services de santé de ces dernières englobent toutes les prestations hospitalières (soins intensifs, hospitalisations de longue durée, santé mentale et santé publique). La santé publique couvre une variété de secteurs allant des soins à domicile à l’éducation de la population à l’environnement et à la santé. Pour 1994, un budget de 264.3 millions de dollars canadiens lui a été accordé. Ces chiffres font de l’Alberta la troisième province canadienne pour les dépenses de santé par habitant. Jusqu’en 1993, le ministère de la Santé comprenait neuf divisions chapeautant différents secteurs dont la santé publique et la santé mentale. Les services de santé sont actuellement restructurés pour être remplacés par 17 autorités régionales, chacune dotée de son propre conseil d’administration. Chaque autorité sera responsable de tous les aspects sanitaires dans sa région. Une administration provinciale a été créée pour faire la liaison avec les autorités locales et préparer un projet d’organisation locale des services de santé mentale. Services de l’éducation L’enseignement est exclusivement du ressort de la province. Les écoles situées dans des réserves reçoivent le financement du gouvernement fédéral si elles satisfont aux critères fixés par la province. L’Alberta comprend deux ministères de l’Éducation : l’un pour l’enseignement primaire et secondaire, l’autre pour l’enseignement supérieur. Edmonton, Calgary et Lethbridge possèdent d’importantes universités et plusieurs établissements d’enseignement technique et professionnel. La province 163 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE est divisée en 170 arrondissements scolaires et compte 1 500 écoles et 500 000 élèves dans l’enseignement élémentaire. Le nombre moyen d’élèves par arrondissement scolaire est donc assez faible. Si certains arrondissements scolaires, celui de Calgary par exemple, accueillent 100 000 élèves, d’autres, en revanche, n’en comptent qu’une centaine. L’enseignement scolaire comprend 12 niveaux, les six premiers formant l’enseignement primaire et les six autres l’enseignement secondaire. La scolarité débute à l’âge de cinq ans et demi par une année d’éducation préscolaire non obligatoire, mais 98 pour cent des enfants sont effectivement préscolarisés à cet âge. Le système éducatif est formé d’écoles publiques et d’un réseau d’écoles catholiques, également financées par l’État. Dans l’Alberta, ce réseau constitue un arrondissement scolaire distinct. Il y a également un certain nombre d’écoles privées financées à 75 pour cent par la province. La gestion des écoles est dévolue aux conseils scolaires locaux, dont les membres sont élus ou nommés. Ces conseils supervisent la construction des bâtiments scolaires, les transports scolaires et le recrutement du personnel. Leur budget est soumis à l’approbation ministérielle. Auparavant, 60 pour cent des fonds étaient apportés par la province, le reste provenant de la fiscalité locale, mais le système est en train d’être modifié. L’objectif est de transférer au niveau local toutes les décisions concernant le recrutement du personnel et les programmes d’enseignement, tandis que le financement proviendra entièrement du gouvernement provincial. Ce dernier collectera tous les impôts et les redistribuera dans l’ensemble de la province, pour garantir des ressources plus équitables et assurer une plus grande égalité entre tous les résidents, quel que soit leur lieu d’habitation. Cela devrait également permettre aux écoles d’assurer plus de services. Un autre changement important concerne le mode de financement des écoles. Au lieu de recevoir, en début d’année scolaire, une enveloppe annuelle fonction du nombre d’inscriptions, elles percevront leurs fonds en deux versements, l’un en début d’année et l’autre en cours d’année, selon le nombre d’élèves effectivement inscrits à chaque date. La subvention suivra l’élève s’il change d’école mais s’arrêtera s’il quitte définitivement le circuit scolaire. Le gouvernement entend ainsi encourager les établissements à faire leur possible pour empêcher les élèves de changer d’école ou d’abandonner leur scolarité. Ministère de la Justice La législation sur les jeunes délinquants est en cours de révision. Actuellement, la moitié des coûts est financée par la province et l’autre par le gouvernement fédéral. Les réductions budgétaires prévues affecteront les programmes destinés aux adultes plutôt que ceux ciblant les jeunes. De nombreux programmes sont gérés en coopération avec d’autres ministères et sont, par conséquent, financés par au moins deux sources. Par exemple, le ministère de la Santé participe au financement des programmes d’évaluation des jeunes délinquants. La nécessité de coordonner l’action de plusieurs services est souvent flagrante. C’est le cas, par exemple, lorsque de jeunes délinquants sont libérés de prison ou mis en liberté surveillée dans la communauté. Beaucoup de programmes de réinsertion sont gérés par la communauté. ORIGINE ET RÉALISATION DE L’INTÉGRATION DES SERVICES Politique gouvernementale 164 Une évolution importante est en cours dans la politique gouvernementale, qui a déjà subi plusieurs grands changements. Depuis quelques années, le gouvernement fédéral et la province voient leurs déficits budgétaires se creuser de façon inquiétante. Il est devenu indispensable de revoir la politique appliquée dans chaque secteur et d’envisager des moyens plus économiques de fournir les services. La sauvegarde de l’avenir de chaque famille et de l’économie dans son ensemble a entraı̂né des restructurations radicales et l’adoption de nouvelles priorités. Partie I : CANADA De plus, différentes études indiquent que, dans certains cas, le public n’a pas suffisamment accès aux services et que, en dépit du vaste choix de prestataires, le résultat et la qualité ne sont pas toujours à la hauteur des normes fixées. Un rapport conjoint du ministère de l’Éducation et des services de Calgary a ainsi montré que beaucoup de services et d’associations s’occupaient des mêmes familles ou des mêmes enfants et qu’une partie du travail était par conséquent réalisée en double. Par ailleurs, la prestation des services présentait des déficiences et des lacunes. La volonté d’améliorer l’efficience et la qualité, née du besoin de gérer un budget réduit de la façon la plus rationnelle possible, implique de mettre à plat l’ensemble du système et de changer la philosophie et la culture dominantes de chaque service administratif. Si cette remise en question est le fruit de la détermination du gouvernement provincial, elle reflète également les préoccupations et la volonté de la population. Dans de nombreux cas, la communauté elle-même a lancé des initiatives pour améliorer la fourniture des services, en particulier sur le plan de l’efficience et de l’aide aux enfants et aux familles. La province a en conséquence élaboré un plan sur trois ans qui, à terme, devrait rendre le système plus opérationnel et les coûts plus conformes à la réalité économique. Les objectifs de ce plan sont les suivants : – éliminer le gaspillage et les redondances ; – augmenter la productivité ; – encourager le travail d’équipe et l’innovation ; – réduire les procédures administratives et supprimer les règlements inutiles ; – faire passer le gouvernement provincial du statut de prestataire direct de services à celui de facilitateur pour les organismes ultérieurement chargés de fournir les services ; – donner au gouvernement provincial la responsabilité de l’ajustement des stratégies, de leur suivi et de leur financement ; – fixer des objectifs et définir des étapes ; – étendre les possibilités de participation du secteur privé ; – faire participer financièrement les clients aux services qu’ils reçoivent. Tout cela doit se faire sans augmentation d’impôt. Il ne s’agit pas tant de trouver de nouvelles ressources que de modifier la façon dont les fonds disponibles sont utilisés. Tous les ministères ont entrepris de discuter de ces orientations et de revoir leurs objectifs, leurs structures et leurs méthodes de travail en conséquence. Le ministère de l’Éducation, par exemple, s’est fixé neuf objectifs. L’un d’eux est d’améliorer la coordination entre les ministères, les services locaux et les différentes associations qui s’occupent d’enfants ayant des incapacités ou d’enfants à problèmes. Les trois autres ministères concernés (Santé, Justice et Services sociaux) ont fait de même et, dans leurs projets, mettent clairement l’accent sur le besoin de coordination et d’efficience. Un Commissaire aux services à l’enfance a été nommé en 1993 pour étudier les possibilités de réformer les services aux familles et aux jeunes fournis par les ministères de la Santé, des Services sociaux, de l’Éducation et de la Justice. En juin 1994, ce Commissaire a soumis une série de recommandations. La mise en œuvre du nouveau système devrait commencer en juin 1995. Les directives données au Commissaire précisent que les nouveaux services doivent être réalisables dans les limites du budget alloué, être rapidement disponibles pour le public et tenir compte des besoins et des priorités de la communauté. Les services doivent également être gérés et fournis au niveau de la communauté et former un réseau permettant leur intégration. Cette nouvelle politique vise donc clairement à une décentralisation de grande ampleur, qui est perçue comme la solution la plus efficiente dans tous les domaines, puisqu’elle délègue la responsabilité et l’engagement à des personnes privées et à la communauté dans son ensemble. 165 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE « Coordination des services à l’enfance » Le programme « Coordination des services à l’enfance » a été mis en place dans le but de faire travailler quatre ministères (Justice, Santé, Éducation et Services sociaux) en partenariat avec les communautés pour améliorer les services destinés aux enfants. Un des volets du programme consistait à étudier comment les responsables du gouvernement central pouvaient collaborer avec les communautés pour éliminer les obstacles administratifs et introduire des méthodes fondées sur une approche multidisciplinaire et intégrée de la fourniture des services. Au niveau central (sous-ministres adjoints), un comité de travail a été constitué avec deux représentants de chaque ministère. Les membres du comité de travail assurent également la liaison avec des sites pilotes particuliers, leur fournissent une assistance et cherchent avec eux les moyens de supprimer les derniers obstacles susceptibles d’entraver les services aux familles. Chaque projet local est contr ôlé par deux personnes issues de deux minist ères. Ces personnes repr ésentent officiellement les ministères mais aussi des ressources humaines. L’une doit systématiquement assister aux réunions sur le site, pendant que l’autre contribue aux activités d’évaluation. Les deux membres du comité de travail affectés sur un site pilote sont responsables de la communication et doivent rendre compte à l’échelon central de tout problème éventuel. Il va de soi que le fait de travailler aussi près de la population leur donne une solide connaissance des questions et des problèmes locaux, ce qui leur permet de devenir de bons intermédiaires, voire de véritables avocats pour les projets locaux. Recherche et évaluation Un sous-groupe du comité de travail central a élaboré une procédure de contrôle et d’évaluation pour le programme « Coordination des services à l’enfance ». Un projet d’étude a été monté pour réaliser une première évaluation. Il s’agit, dans un premier temps, de faire le point sur les méthodes de travail et les actions qui affectent la planification et la fourniture des services, au niveau de la province et au niveau local. La deuxième partie de l’évaluation se penchera sur les résultats du point de vue des enfants et des familles pour savoir quel type de services sont apportés et en quoi la situation actuelle diffère de la situation antérieure. Le projet d’évaluation servira à des experts extérieurs à collecter des données de base et préparer des synthèses des résultats des évaluations locales. Ce projet servira aussi de base de discussion pour les équipes travaillant sur le terrain, qui seront libres de l’adapter pour leurs propres besoins. Bien que les communautés soient probablement plus intéressées par la partie du questionnaire qui les concerne directement, elles ont également reçu l’autre partie, relative à la province. Elles peuvent ainsi avoir un aperçu des interactions entre les différents niveaux concernés par le programme. Rien ne les empêche, d’ailleurs, d’ajouter leurs propres commentaires. Pour réaliser leur évaluation, elles peuvent, si elles le souhaitent, obtenir l’aide de spécialistes des ministères. Dans tous les cas, les experts doivent être informés de la méthode d’évaluation finalement sélectionnée. Le projet d’étude a été préparé en collaboration avec les sous-ministres adjoints, le comité de travail interministériel et des comités locaux. L’objectif est d’obtenir au moins trente réponses de chaque communauté, si possible à chacun des niveaux d’autorité. 166 L’évaluation interne est un facteur clé de ce projet. Un consultant a testé le questionnaire sur le terrain et aidera à analyser les réponses. Le sous-comité d’évaluation s’occupera également d’interpréter les résultats et de rédiger un rapport. Les communautés d’Edmonton et de Calgary ont signé un contrat avec le même consultant pour faire évaluer leurs propres programmes. Pour l’évaluation finale, les communautés seront représentées dans le sous-comité. L’évaluation sera probablement l’un des principaux sujets évoqués lors du Forum d’automne qui rassemblera toutes les communautés associées à ce projet. Partie I : CANADA Trois ministères (Santé, Services sociaux et Éducation) financent, à hauteur de 100 000 dollars canadiens par an, l’évaluation, la consultation, la facilitation et la planification sur les sites. L’utilisation des fonds est contrôlée par le comité interministériel des sous-ministres adjoints. INITIATIVES LOCALES DANS LE CADRE DU PROGRAMME « COORDINATION DES SERVICES A L’ENFANCE » Cinq sites ont été sélectionnés pour être étudiés dans le cadre du projet « Coordination des services à l’enfance » : Calgary, Edmonton, Lethbridge, Wabasca-Demarais et Wetaskiwin. Les paragraphes ci-après décrivent la manière dont les responsables locaux se sont personnellement engagés dans le processus de changement. A Calgary, le projet Opening Doors concerne surtout la communauté, mais les directeurs et les professeurs des écoles y sont très étroitement associés, tant au niveau de l’arrondissement scolaire qu’à celui de leur école. Ce projet vise à créer des mécanismes pour établir des liens entre les prestataires de services, leurs supérieurs et les administrateurs dans les différents ministères. Il a pour but de faire tomber les obstacles et de réduire le cloisonnement des services destinés aux familles et aux enfants. Des représentants des communautés participent également au projet en organisant leurs propres services. Dans l’une des communautés de la ville, les familles avaient auparavant pour interlocuteurs 82 associations et services différents, tous spécialisés dans le traitement des problèmes d’ordre familial. A Edmonton, le projet Partners for Youth est fondé sur une approche multidisciplinaire mais est particulièrement axé sur les écoles, qui donnent aux familles l’accès à un éventail complet de services. Le projet de Lethbridge est plus diversifié. L’idée est de faire participer le plus grand nombre possible de membres de la communauté aux discussions et aux travaux. Ce projet comporte trois volets. Le premier est une initiative appelée « 5th on 5th », qui concerne un lycée pratiquant des méthodes nouvelles. Les deux autres sont des regroupements de plusieurs programmes, le premier associant le Centre de développement familial et communautaire et une structure d’aide appelée « Parents’ Place », le second englobant le Centre d’évaluation préscolaire et l’Unité de pédiatrie neuromusculaire. A Wabasca-Demarais et Wetaskiwin, l’action est axée sur les questions sociales et sanitaires, envisagées dans une large perspective collective. Une brève description de chaque site pilote, des institutions concernées et de leur organisation est donnée ci-après. Chaque projet est ensuite analysé en termes du type de soutien qu’il reçoit dans son effort pour intégrer les services, des ressources et de la formation dont il dispose, des aspects positifs et négatifs qu’il peut présenter et des résultats obtenus sur le plan de l’intégration. Sites pilotes Avec 727 719 habitants, Calgary est l’une des plus grandes villes du Canada. Devenue un important centre d’affaires dans les années 50, grâce au développement de l’industrie pétrolière, c’est aujourd’hui une agglomération prospère dont la majeure partie de la population bénéficie d’un bon niveau de vie et d’éducation. Le chômage y avoisine 10 pour cent. Edmonton (627 000 habitants) est la capitale administrative de l’Alberta. C’est aussi un important centre d’affaires et de commerce. Le taux de chômage y est d’environ 11 pour cent. Le taux d’abandon de la scolarité est de 8.5 pour cent et le taux de chômage des jeunes particulièrement élevé (de 10 à 20 pour cent). Edmonton est une ville calme et accueillante, même si, depuis quelque temps, elle connaı̂t, comme beaucoup d’autres villes, une montée de la violence des jeunes. Lethbridge est une agglomération plus petite, qui compte 63 000 habitants. C’est aussi un important centre d’affaires qui dessert tout le sud de l’Alberta. La ville est au cœur d’une région dont les principales activités sont l’agriculture et l’élevage. La population de Lethbridge comprend de nombreux groupes ethniques différents. Il y a en particulier deux grandes réserves indiennes à proximité de 167 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE la ville. Les moins de 18 ans forment 28 pour cent de la population. Bien que la région continue à se développer, le chômage y atteint 12 pour cent. Wabasca-Demarais fait partie d’une communauté autochtone. C’est la première zone à avoir été incluse dans le projet « Coordination des services à l’enfance ». Elle couvre une vaste superficie à 385 km au nord-est d’Edmonton. Elle regroupe six réserves et compte quelque 5 000 habitants. Le coût de la vie y est assez élevé et le revenu moyen par habitant est bas. Les emplois sont rares et les problèmes sociaux relativement graves. La zone dispose de plusieurs infrastructures locales, dont un hôpital, des services de santé mentale, des établissements de protection infantile et des programmes de formation pour adultes. Elle possède également des écoles, chacune avec son propre conseiller, ainsi qu’un conseiller familial pour les trois écoles de la communauté. Toutefois, un certain nombre d’habitants de la région vivent de façon très isolée et n’ont aucun accès à ces services. Wetaskiwin est une petite communauté de 10 700 habitants, principalement agricole, avec quelques petites industries. Une grande partie des habitants travaillent chaque jour à Edmonton. Les revenus individuels sont assez faibles, et inférieurs à la moyenne de la province (30.9 pour cent des habitants gagnent moins de 20 000 dollars canadiens par an). Le niveau d’éducation n’est pas non plus très élevé et les familles monoparentales sont nombreuses (16.5 pour cent). Cette zone est proche d’une grande réserve indienne. Les services à l’enfance sont nombreux et beaucoup de projets sont menés conjointement par la communauté et les arrondissements scolaires. Mise en route des projets Le projet Opening Doors de Calgary a commencé en 1991. Cette année-là, la Commission scolaire et le ministère concerné se sont réunis avec tous les services et associations s’occupant de jeunes à risque et de leurs familles. L’objectif de la consultation était de trouver les moyens de répondre de façon plus adaptée aux besoins des clients. Un rapport, dit rapport Thomas, avait montré de nombreuses failles dans le système, ainsi que la possibilité d’améliorer la communication entre les prestataires de services et la population. Il soulignait également l’insatisfaction et le mécontentement de la population face à des services qu’elle jugeait inadaptés à ses besoins. Parents et élèves regrettaient de ne pas être suffisamment consultés et déploraient la difficulté d’accès aux services. Ce rapport a servi de base à des discussions ultérieures et le personnel a été invité à participer. C’est ainsi que le projet Opening Doors a vu le jour. Les autorités scolaires ont été les premières concernées par le projet Opening Doors. Calgary est l’un des plus importants arrondissements scolaires de l’Alberta pour l’enseignement public. Sur 130 000 élèves, 96 000 fréquentent en effet une école publique. Le projet a donc été axé sur la coordination et le regroupement des services dans les écoles, pour les rendre plus accessibles aux parents et aux enfants. Un autre résultat attendu de ce projet était l’amélioration des conditions dans les classes elles-mêmes. En 1992, la Commission scolaire a reconnu l’importance de la collaboration entre les services et la nécessité d’un travail commun. Puis, en août 1993, le gouvernement de l’Alberta a lancé des discussions sur la coordination des services (programme « Coordination des services à l’enfance ») et a demandé à Calgary d’être l’un des cinq sites pilotes à participer à cette initiative commune avec les quatre ministères. 168 Le projet Partners for Youth a vu le jour à la suite d’un congrès sur la prévention intitulé « Safer Cities » qui s’est tenu à Montréal en 1989. En 1990, le maire de la ville a mis sur pied un comité de travail regroupant 15 membres de la population choisis plus pour leur compétence que pour leur appartenance à une institution ou un organisme particuliers. La police et le ministère de l’Emploi ont aussi envoyé chacun un représentant. Les discussions étaient axées sur la prévention de la délinquance grâce à l’action sociale. Entre mai 1991 et mai 1992, plusieurs rapports établis en liaison avec les communautés concernées ont été publiés. Ils contenaient 149 recommandations insistant sur l’importance d’initiatives sociales étroitement ciblées et touchant l’ensemble de la communauté, pour développer le sens de la responsabilité. Partie I : CANADA A Edmonton, comme dans d’autres localités de l’Alberta, la fragmentation des services posait un réel problème. Certains services étaient en effet assurés directement par la province et d’autres par des associations ou des services locaux. Les services à l’enfance et à la jeunesse d’Edmonton étaient aussi organisés sur une base très spécialisée, chaque service traitant un seul type de problème. La coordination des services à l’enfance et à la jeunesse était donc une priorité. Le programme Partners for Youth est un projet pilote qui vise à regrouper plusieurs services en un seul lieu pour faciliter l’accès de la population à ces prestations. En avril 1992, de hauts responsables de chaque service se sont réunis pour affiner encore l’idée du projet et prendre des dispositions pour la mise en place d’unités multiservices et multidisciplinaires au niveau des écoles. En septembre 1993, deux sites pilotes ont commencé à fonctionner, l’un à l’école secondaire de premier cycle de Wellington et l’autre à l’école secondaire catholique de premier cycle de St Nicholas. Le projet de Lethbridge a été mis en place dans une communauté qui avait déjà une certaine habitude de la collaboration entre les services. Des exemples de cette collaboration sont le Centre d’évaluation et de traitement préscolaires (Preschool Assessment and Treatment Centre – PATC), l’Unité de pédiatrie neuromusculaire (Paediatric Neuromuscular Unit – PNMU) et le Programme de développement de la famille et de la communauté (Family and Community Development Programme – FCDP), qui sont eux-mêmes les fruits d’un effort de coordination lancé en 1978. La PNMU a été créée suite à une action de coordination entre les parents, l’hôpital régional et l’hôpital pédiatrique de l’Alberta. Le PATC a été créé par les trois districts de santé en 1982. Enfin, le FCDP est un projet commun qui réunit les services sociaux de l’Alberta, la ville de Lethbridge et les deux arrondissements scolaires. En 1987, des discussions étaient également en cours et une initiative de prévention était lancée en direction des enfants à risque âgés de 5 à 13 ans. C’est dans ce contexte que la communauté de Lethbridge a été invitée à devenir l’un des cinq sites pilotes. Dans le cadre du projet de Lethbridge, les ministères de l’Éducation, de la Famille et des Services sociaux sont chargés d’assurer la liaison avec les sites et de leur apporter le soutien nécessaire. A Lethbridge, l’important était d’obtenir la participation directe du plus grand nombre de personnes possible plutôt que de se concentrer sur un projet unique. Trois projets locaux ont donc été sélectionnés : – Celui résultant de la fusion du PATC et de la PNMU. – Celui résultant de la fusion des programmes FCDP et « Parents’ Place ». – Un programme intitulé Outreach, qui met à la disposition des jeunes de 15 à 24 ans un arsenal d’aides pour la formation, l’emploi et le développement personnel. Ce programme est mené par l’arrondissement scolaire, le centre pour l’emploi des jeunes, les services de formation de la province et le service fédéral de l’emploi. La communauté de Wabasca-Demarais a été choisie par le comité de travail interministériel parce qu’elle avait déjà une certaine expérience du travail interdisciplinaire et des services communs. A Wabasca-Demarais, il est particulièrement important de renforcer les liens entre les différentes institutions et administrations, car un grand nombre d’administrés autochtones font appel aux services fédéraux et provinciaux. Après un grave incident en 1982, où un adolescent s’était suicidé, la communauté a pris conscience de la nécessité de rassembler les forces disponibles, en premier lieu pour se pencher sur les problèmes affectifs des jeunes. D’où la création du comité « Let’s Talk » (« Parlons-en »), service local pour la santé mentale, constitué sous la forme d’une association à but non lucratif. Son objectif est d’aider les habitants de la communauté à devenir autonomes et à se soutenir les uns les autres. Un groupe pilote a été créé localement. Il comprend des bénévoles venant de plusieurs institutions de la communauté et des représentants des quatre ministères, au niveau fédéral et au niveau provincial. Le comité fonctionne depuis 1993. Le projet de Wetaskiwin a aussi été choisi en raison de l’expérience du travail interdisciplinaire que possédait cette communauté. Le principal exemple de cette expérience était le bureau de santé de Wetoka, créé en 1982, dont le but est d’améliorer et de promouvoir les initiatives sanitaires dans tous les domaines et pour tous les groupes de population. Chaque année, le projet de Wetaskiwin est 169 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE réexaminé pour vérifier qu’il répond bien aux besoins répertoriés. Le travail est principalement axé sur la prévention à grande échelle. L’objectif principal du projet interdisciplinaire actuel, dans le cadre de l’initiative « Coordination des services à l’enfance », est d’améliorer cette catégorie de prestations et, surtout, de faciliter l’accès à un système qui s’était révélé bien trop complexe pour être vraiment utile à la population locale. Il a donc été décidé d’établir une coopération entre les ministères concernés et la communauté, d’optimiser l’utilisation des ressources et de partager les responsabilités du traitement des cas, de définir des stratégies concertées et d’éliminer les obstacles, les failles et les redondances. Ressources financières et formation 170 A Calgary, le projet bénéficie du soutien des responsables officiels les plus haut placés, mais ne reçoit pas de financement spécial. Les fonds sont apportés par les services qui participent au projet, via les circuits habituels. L’une des questions à l’ordre du jour est celle de la formation du personnel chargé du passage à une fourniture globale. Cette formation pourrait se faire sous la forme de discussions communes sur la façon d’organiser une équipe. Cela permettrait d’obtenir une image claire des attentes individuelles, d’envisager les différentes méthodes possibles pour la gestion par cas et d’aider à résoudre les conflits. Au sein d’un même service, les personnes engagées dans ce processus n’ont pas les mêmes problèmes ni les mêmes modalités de travail que leurs collègues qui ne sont pas associés au projet. Cet élément doit être pris en compte par leurs supérieurs lorsqu’ils évaluent leur travail. On a donc mis en place des sessions de formation aux services communs. Par exemple, des spécialistes de l’hôpital pédiatrique de l’Alberta montrent aux auxiliaires des écoles comment agir avec les enfants présentant des incapacités. Les services sociaux organisent des stages à l’intention des services fédéraux des ressources humaines et du Centre de formation et d’évaluation. Ce travail de formation réciproque est essentiel et constitue un excellent moyen pour bâtir un esprit d’équipe. L’initiative a aussi pour vocation de redistribuer les ressources. Ainsi, le service de santé mentale met trois spécialistes à la disposition des écoles pour fournir une assistance aux professeurs et élèves, et deux spécialistes à la disposition des services de santé. De même, un infirmier passe deux journées par semaine dans les écoles. Le travail est désormais axé sur la prévention plutôt que sur la gestion des crises. Les services sociaux et familiaux ont désigné deux assistants sociaux à l’enfance pour faire partie de l’équipe interdisciplinaire. Deux membres du personnel de la police de Calgary participent également au projet. Pour l’instant, ces services ne sont pas situés au même endroit, mais le regroupement est l’un des objectifs du projet. A Edmonton, le projet Partners for Youth bénéficie de l’aval et du soutien des responsables officiels à tous les niveaux mais il n’a pas encore reçu de financement spécifique. Il reçoit des ressources au cas par cas, en fonction des besoins et demandes de chaque service. Les services sociaux, par exemple, ont affecté un membre de leur personnel à temps plein dans l’école de Wellington, où le nombre d’élèves présentant des problèmes sociaux est particulièrement élevé. Un travailleur social consacre aussi une demi-journée par semaine à l’école de St Nicholas. Du fait du nouveau système, il a dû modifier son approche, avec l’autorisation de son ministère, et passer de la gestion des crises au cas par cas à des méthodes fondées sur la prévention. Le reste de la semaine, cependant, il poursuit normalement son travail habituel. Sa nouvelle approche a l’entière caution de ses supérieurs, mais suscite certains problèmes parmi ses collègues. Les employés des services sociaux de la ville consacrent désormais trois jours par semaine à chaque site. Enfin, la police passe au minimum une demi-journée par semaine sur le terrain. L’organisation YMCA participe également au projet en donnant des cours extra-scolaires et des cours d’alphabétisation. Au niveau local, deux personnes consacrent au moins une demi-journée par semaine à ces activités. Partie I : CANADA Toutes ces ressources proviennent en fait de transferts entre les services. Les partenaires s’engagent sur une base informelle et le secteur privé d’Edmonton joue également un rôle. De toute façon, ce programme n’est pas une entité financière en soi et ne peut recevoir de fonds directement. Les trois projets de Lethbridge, c’est-à-dire la fusion des programmes FCDP et « Parents’ Place », celle de la PNMU et du PATC, et le programme Outreach, constituent des approches différentes pour des problèmes et des préoccupations analogues. Bien que le regroupement des programmes FCDP et « Parents’ Place » soit déjà bien avancé, les deux programmes ne se déroulent pas sur le même site et chaque cas n’est pas traité par la même personne. Les transports et les ressources administratives ne sont pas non plus mis en commun de façon formelle ou systématique. Le FCDP a affecté un cinquième d’un poste de psychologue au programme « Parents’ Place ». En réalité, la seule ressource supplémentaire qui ait été allouée est celle du temps que le personnel consacre à planifier la mise en œuvre du projet. En ce qui concerne le regroupement de la PNMU et du PATC, on peut noter que ces deux structures sont déjà habituées à travailler sur une base multidisciplinaire. La nouvelle entité rendra plus facile l’accès de la population à un éventail élargi de services, puisque ces derniers seront regroupés sur le même site. Ce changement vise à mettre davantage l’accent sur la prévention que sur le traitement direct. Par exemple, le Service de santé mentale souhaitait faire partie du nouveau centre pour travailler plus facilement avec d’autres services. L’hôpital régional de Lethbridge voulait que la PNMU se joigne à la nouvelle organisation pour s’implanter dans la communauté et rapprocher le prestataire de services de sa clientèle, tout en libérant un espace appréciable dans les locaux de l’hôpital. Les écoles sont, bien évidemment, les premiers partenaires. Le nouvel organisme sera financé par un fonds communautaire semblable à celui utilisé pour le PATC. Quant au matériel hautement spécialisé dont la PNMU est susceptible d’avoir besoin, il continuera probablement à être financé par des contributions sur une base volontaire. Pour l’instant, le PATC est situé dans les locaux du service d’orthophonie et de l’unité de santé publique, et le travail se fait sur une base conjointe. Le PATC est également convenu avec la PNMU que cette dernière assure, contre rémunération, le suivi psychologique des enfants qu’il a à examiner. Un comité regroupant les services concernés étudie la meilleure façon d’organiser les services et d’améliorer le processus interdisciplinaire. Le conseil d’administration de l’hôpital soutient fermement le lancement de ce projet et a en particulier insisté pour que la PNMU conserve, au sein de la nouvelle structure, l’intégralité de ses ressources actuelles. Les clients de ces services approuvent aussi le regroupement car ils sont conscients qu’il faut améliorer le partage des ressources et des compétences du personnel, et savent que la nouvelle organisation fera gagner du temps aux familles et aux enfants. Les familles sont en fait les premiers partenaires de la PNMU. Le projet Outreach, conçu pour répondre aux besoins des jeunes qui, pour diverses raisons, ne s’intègrent pas dans le système scolaire traditionnel, reçoit le concours du gouvernement fédéral, du ministère de l’Éducation et des services d’évaluation et de l’emploi. Tous les services, y compris l’enseignement, seront plus accessibles aux personnes concernées car ils seront regroupés au rez-dechaussée d’un centre d’affaires proche d’une grande galerie marchande et auront des horaires d’ouverture étendus. Ce projet a reçu un important soutien local, mais ses ressources sont quelque peu limitées. Pour l’instant, il dispose d’un bâtiment, mais les fonds nécessaires pour adapter les locaux ne sont pas encore disponibles. D’autres services rejoindront par la suite ceux qui sont déjà inclus dans le programme et apporteront leurs propres ressources. Quoi qu’il en soit, l’incertitude quant au financement à venir rend difficile toute planification à long terme. Le projet de Wabasca-Demarais a reçu le soutien officiel des politiques et des administrateurs à tous les niveaux. Le service « Let’s Talk » a été développé. En 1983, il comptait une sténodactylographe, un directeur et un conseiller à temps partiel, et servait 75 clients. En 1992, il avait 12 employés et 480 clients, et s’occupait de trois secteurs de services. La plupart de ses ressources lui sont fournies aux 171 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE termes d’un accord entre le Service de santé mentale (un coordinateur, un conseiller et un autre poste à plein temps) et le service scolaire de la communauté (un directeur de l’enseignement, un secrétaire à temps partiel et des ressources de fonctionnement). Diverses fondations et initiatives de formation et d’intégration ont permis de répondre aux besoins d’année en année. Le projet de Wetaskiwin a été mis sur pied avec le soutien de hauts responsables du gouvernement présents lors des premières réunions de lancement du programme, ainsi que de membres élus des services locaux. Ces personnes font également partie du groupe pilote créé par la suite. Aucune ressource supplémentaire n’a été affectée à ce projet. Collaboration Lors de l’élaboration des nouveaux projets, les partenaires se sont penchés, entre autres, sur les différentes solutions apportées à des problèmes analogues dans d’autres régions ou d’autres pays, telles que le programme New Beginnings de San Diego, en Californie. Dans l’arrondissement scolaire de Huntington Hills, à Calgary, choisi comme premier site de démonstration pour le programme Opening Doors, un Groupe de ressources communautaires (Community Resource Group, CGR) a été créé avec des prestataires de services locaux pour superviser la mise en place du projet. Ses membres viennent de divers services locaux, dont de grands organismes publics tels que les ministères de l’Éducation, des Services sociaux, de la Santé et de la Justice. Le CRG compte parmi ses membres le directeur adjoint de l’école, un policier, un professionnel de la santé mentale, un employé des services à l’enfance, un représentant des services sociaux de l’Alberta et un parent d’élève. Avec le soutien de leurs supérieurs, les membres du CRG ont défini leur propre rôle et élaboré des méthodes de travail en équipe. Un des critères de sélection de ces personnes est qu’elles ont toutes, dans leur emploi précédent, cherché à innover pour répondre de façon plus appropriée aux besoins répertoriés dans leur communauté. Tout en s’intégrant au projet commun, le CRG travaille en étroite collaboration avec le groupe de ressources des élèves, présent dans les écoles pour traiter des problèmes de comportement ou de scolarité des élèves. Ce groupe comprend des administrateurs, le professeur de l’élève concerné et éventuellement un infirmier ou un conseiller d’éducation. Jusqu’à la création du CRG, le groupe de ressources des élèves ne pouvait pas traiter les problèmes qui relevaient de plusieurs services. D’où l’importance du CRG, puisqu’il facilite la liaison entre les différents services s’occupant d’un même enfant. Cependant, il est rapidement apparu que l’on ne pouvait créer ce type d’organisme dans chacune des neuf écoles de l’arrondissement scolaire. Après avoir examiné les études existantes sur ce sujet, le groupe pilote du projet Opening Doors a décidé de baser le programme non pas dans une école, mais dans la communauté elle-même. L’accès aux services du CRG a en conséquence été ouvert à toutes les personnes intéressées. Le groupe se réunit une fois par semaine pendant une demi-journée. Au départ, chaque membre a dû informer les autres de ses méthodes de travail habituelles, des missions que son employeur lui avait confiées, etc., dans l’optique de former une vraie équipe et de constituer une base de confiance. Au début, les membres du groupe ont tous eu quelque difficulté à se détacher de leurs méthodes habituelles, ce qui n’est guère surprenant étant donné qu’ils venaient de services différents, avec une culture de travail et une formation distinctes. Au bout de quelque temps, les barrières ont toutefois commencé à tomber. Il n’était cependant pas question d’ignorer l’apport inestimable et hautement nécessaire que représentait l’expérience tirée par chacun de son activité principale. 172 Chaque service a dû accepter les aménagements nécessaires et autoriser son personnel à se montrer plus souple et à faire passer le client ou la communauté avant le service lui-même. Ainsi, dans certains cas, les infirmiers doivent jouer le rôle d’assistants sociaux pour rassurer les familles qu’ils rencontrent. Un spécialiste de la santé mentale a dû adopter une nouvelle approche étant donné qu’il voyait désormais ses patients dans un nouvel environnement. Un responsable des services sociaux a maintenant une plus grande latitude pour intervenir plus tôt. Désormais, le cas de chaque enfant est Partie I : CANADA géré par une seule personne, même s’il est suffisamment complexe pour nécessiter de faire appel à différents services. Il a fallu s’employer à rétablir la confiance entre la communauté et les prestataires de services, quelque peu malmenée par la réduction ou la fermeture de certains services à la suite des coupes budgétaires effectuées dans plusieurs secteurs. Le groupe pilote du programme Opening Doors pour l’ensemble de la ville se réunit chaque mois et traite de problèmes à la fois plus fondamentaux et plus larges, tels que la confidentialité, la définition de priorités pour chaque service et les relations avec les autres associations. Le CRG et le groupe pilote se réunissent toutes les six semaines. Aucun coordinateur n’ayant été nommé, les tâches incombent à chaque membre à tour de rôle, mais cette organisation fondée sur le bénévolat ne pourra pas durer. De plus, l’importance et le rôle des professeurs eux-mêmes n’ont pas encore été clairement définis. Le comité de travail devrait inclure un professeur, sous quel statut que ce soit. En tout état de cause, les syndicats semblent soutenir le projet. Dans le projet Partners for Youth d’Edmonton, les partenaires sont les autorités scolaires, les services à l’enfance, les services de santé mentale, de santé, la justice, la ville d’Edmonton (représentée par différents départements ministériels, dont ceux des parcs et loisirs et de la police), les écoles publiques et catholiques et la YMCA. L’Association des services aux enfants et aux jeunes et l’Hôpital Glenrose participent également à ce projet. Dans chaque école est basée une équipe de professionnels des différents services et associations. Lorsque l’étude a été réalisée, les équipes ne travaillaient ensemble que depuis quatre mois et devaient encore régler un certain nombre de problèmes, auxquels s’ajoutait, d’une manière générale, le manque de temps de chacun. La plus grande partie des personnels n’avait encore jamais eu l’occasion de travailler ensemble et a donc dû commencer par faire connaissance, développer une nouvelle forme de relations et forger un ensemble de valeurs communes. Parallèlement, chacun devait continuer à gérer sa charge de travail habituelle, particulièrement lourde à ce moment puisqu’un jeune avait tenté de se suicider et qu’un parent d’élève s’était effectivement suicidé. Un point mérite d’être souligné : les relations entre les membres des différents services et le personnel de la YMCA n’ont posé aucune problème. Ce dernier a en effet un mandat plus large et plus souple que le personnel des services locaux ou provinciaux et est recruté en partie en fonction de sa capacité à changer et s’adapter. Pour ce projet comme pour les autres, les questions de confidentialité ne gênent pas réellement le travail d’équipe, étant donné que les informations concernant un enfant sont partagées par toutes les personnes travaillant sur ce cas. Le poids des habitudes semble être plus gênant que les règles imposées. Cependant, il n’a pas encore été possible de créer une base de données commune pour tous les services concernés. De même, il n’y a pas de système commun de recensement des cas. D’une manière générale, peu de documents ont été rédigés jusqu’ici, ce qui risque de poser des problèmes, en particulier pour les activités d’évaluation. Par exemple, le ministère de la Justice est autorisé à utiliser les informations consignées par la police mais pas celles recueillies par les travailleurs sociaux. Localement, l’équipe s’est mise d’accord sur une procédure, qui demande toutefois à être précisée. Cette situation a montré à quel point les systèmes d’information utilisés par certains services étaient incompatibles. Le ministère des Services aux communautés et aux familles publie, en collaboration avec huit autres partenaires, un rapport annuel, mais celui-ci ne traite pas particulièrement du projet Partners for Youth. Le projet dans son ensemble est supervisé par un groupe pilote créé plusieurs mois avant le lancement du programme. Ce groupe, composé de hauts responsables de ministères et d’associations, se réunissait initialement chaque semaine. Ces réunions n’ont lieu désormais que tous les quinze jours, chaque fois sur un site différent. 173 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE Au sein du groupe pilote, une personne est plus spécifiquement responsable de la liaison avec un site particulier, approche qui reflète celle adoptée par le comité de travail provincial vis-à-vis des différents sites pilotes. Cette personne rencontre au moins une fois par mois les équipes qui travaillent sur le terrain. Une réunion hebdomadaire de tous les prestataires de services est également organisée dans chaque école. Ici, le processus d’intégration des services dépend largement du soutien du groupe pilote. Un objectif commun semble réellement exister. Le personnel s’implique réellement et a une bonne compréhension du rôle et des devoirs de chacun des partenaires. Le fait que l’ensemble du personnel travaille au même endroit semble également propre à favoriser un changement dans les attitudes et les pratiques. A Lethbridge, les deux structures désormais regroupées (« Parents’ Place » et le FCDP) travaillent ensemble de façon informelle depuis sept ans. Elles sont sur un pied d’égalité et partagent le même point de vue, à savoir que leurs services doivent privilégier la clientèle. C’est là un point extrêmement important, plus important encore, à leurs yeux, que n’importe quelle question purement technique. Le problème central est le changement d’attitude. Il est donc essentiel que les personnes destinées à travailler ensemble sur la base d’une approche nouvelle puissent organiser des groupes de discussion. C’est en soupesant les avantages et les inconvénients de chaque organisation qu’elles pourront faire évoluer les comportements et donner de l’élan à la nouvelle structure. Le PATC et la PNMU organisent des séances de formation communes à l’intention des différents professionnels (professeurs, assistants, etc.) appelés à travailler avec les jeunes qui présentent des incapacités. Pour les besoins de formation, ils regroupent le plus possible leurs ressources avec celles d’autres institutions. Toutefois, les services ne disposent pas d’une base de données communes sur les clients qu’ils se « partagent ». Pendant la période de transition en cours, les conseils d’administration des deux organismes (le PATC et l’hôpital qui régit la PNMU) organisent des réunions communes pour étudier et tenter de résoudre les problèmes posés par le regroupement. Le projet Outreach disposera de son propre comité de surveillance qui comprendra des membres de la communauté, des employeurs et des professionnels, ainsi que des représentants des services et des pouvoirs publics. Les renseignements de base concernant les clients sont soigneusement consignés, et ce processus continuera après la réforme. Les informations sont toutefois détruites dès que le client cesse de faire appel au service. Avec l’accord du client, elles peuvent toutefois être partagées avec d’autres structures. Le projet Wabasca-Demarais est dirigé par un groupe pilote et par plusieurs commissions temporaires qui s’intéressent à des catégories de problèmes spécifiques. L’inventaire des besoins de la communauté, qui est actuellement dressé, servira à définir des priorités qui devront être traitées de façon urgente. Une évaluation sera également réalisée à partir de statistiques et des réponses des clients à un questionnaire. Un effort particulier sera fait sur la communication, pour que toute la communauté soit parfaitement au courant des services mis à sa disposition. Enfin, il existe un projet de mise en réseau et de formation qui sera utilisé par tous les services concernés. A Wetaskiwin, le groupe pilote a organisé un atelier de discussion pour définir les buts précis du projet et l’objectif général de l’initiative. Cet atelier a débouché sur un important changement d’orientation, à savoir que, désormais, il ne s’agit plus de s’intéresser aux enfants à risque, mais aux enfants en général. Des rapports sont régulièrement envoyés à tous les représentants élus, collègues et groupes de services associés pour qu’ils soient mieux informés. De même, diverses séances d’information ont été organisées à l’intention des différents groupes de la population, pour obtenir leur collaboration et leur soutien. 174 Pour le moment, il n’y a pas de point d’accès unique pour tous les services, mais quelques efforts initiaux ont été déployés pour les regrouper dans un même lieu. Par exemple, tout ce qui a trait à l’enseignement est situé dans une école, les services juridiques sont groupés au même endroit, etc. L’initiative « Coordination des services à l’enfance » envisage de concentrer tous les services dans les écoles locales. Partie I : CANADA Tous les services ou organismes se rencontrent périodiquement pour faire le point sur le cas de chaque enfant. Les services de justice et de santé jugent essentiel de consulter les autres organismes avant d’introduire leurs plans de formation. Les infirmiers, par exemple, travaillent avec les familles, mais aussi avec les écoles et avec le personnel des services sociaux ; les écoles coopèrent avec le bureau de santé de Wetoka pour mettre au point des programmes à l’intention des enfants ayant des besoins spécifiques. Pour l’instant, cependant, il n’y a pas de fichier d’admission unique utilisable par tous les services concernés. Les différents services sont représentés dans un organisme spécial et dans l’initiative « Coordination des services à l’enfance ». Des réunions ont régulièrement lieu entre le directeur adjoint des écoles, le chef des services sociaux et le directeur régional chargé de placer les enfants sous protection. Des sessions communes de formation aux services sont organisées. Par exemple, le bureau de santé de Wetoka aide à former des membres du personnel des écoles ou de l’hôpital. Les séances de formation interne du ministère de la Justice et du Bureau de santé de Wetoka sont ouvertes aux autres professionnels. D’une manière générale, les banques de données ne sont pas exploitées sur une base commune, excepté dans quelques cas particuliers. Quant au matériel, seul le bureau de santé de Wetoka offre des services de photocopie ou de dactylographie gratuits. Les services scolaires coordonnent le transport, en particulier pour les enfants présentant des incapacités qui sont accueillis dans des jardins d’enfants. Wetaskiwin compte beaucoup sur l’initiative « Coordination des services à l’enfance » pour promouvoir la coordination. Pour l’instant, le projet est peu avancé et il y a effectivement matière à améliorer la coordination. Les écoles et les services sociaux, par exemple, auraient intérêt à mettre certaines de leurs ressources en commun. En mai 1994, plusieurs initiatives avaient été établies sur une base commune, dont un comité pour la mise sous protection des enfants, un service de santé mentale, ainsi que plusieurs comités de liaison et services sanitaires scolaires. Tous ces services travaillent sur une base interdisciplinaire, en liaison avec la communauté et les représentants des communautés autochtones. Facteurs positifs et facteurs négatifs Dans le cas de l’initiative Opening Doors de Calgary, le manque de temps est particulièrement déploré. En effet, le travail d’étude, les réunions de coordination, etc., s’ajoutent à la charge de travail quotidienne. Les responsables officiels ont également souligné les problèmes que posent les incompatibilités occasionnelles entre les structures, les politiques et les méthodes de financement des différents niveaux d’administration (fédéral, provincial et municipal). Il semble que ce soit l’un des obstacles les plus difficiles à surmonter. Dans de nombreux cas, la rigidité des services résulte des méthodes de financement et des mandats pour la fourniture des prestations. Bien que les ressources disponibles soient vastes, elles servent souvent à régler un type particulier de problème plutôt qu’à répondre aux besoins précis des familles et des enfants. Ces besoins ne peuvent être convenablement satisfaits par un seul service. De plus, les différents services répartissent leurs secteurs différemment. En conséquence, leurs activités se chevauchent parfois. Ces chevauchements posent des problèmes d’organisation lorsque les services tentent de se coordonner. Les procédures administratives peuvent également entraver les efforts d’assouplissement des services. Enfin, la confidentialité constitue un problème, mais il s’agit plus d’un problème de culture professionnelle que d’un obstacle juridique. La crainte générale, exprimée ou non, est celle de la perte de pouvoir, c’est-à-dire la peur de voir d’autres personnes « empiéter sur son territoire ». Cela vaut pour chaque niveau de responsabilité et pour chaque poste. 175 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE Les réussites ne seront pas forcément visibles immédiatement étant donné que l’objectif est une évolution des systèmes et que la motivation doit être soutenue tout au long du projet. La caution et l’engagement des hauts responsables sont essentiels pour inciter le personnel à un engagement durable. Surtout, il convient de rassurer chacun sur le fait que ni son emploi ni son statut ne seront menacés. Cependant, quelques signes de réussite sont déjà manifestes. Les familles apprécient de n’avoir affaire qu’à une personne, en particulier lorsque des questions d’éducation sont en jeu. Le responsable des services à l’enfance estime également que le travail de prévention actuel apporte une plus grande satisfaction aux familles et il est apprécié par la communauté. La police se sent déjà plus proche de la population et a le sentiment que la délinquance recule. La communauté se trouve un peu plus engagée dans le processus. Au niveau de la base, le manque de temps et de ressources humaines pose des problèmes similaires, mais les principales difficultés semblent être celles liées aux relations et à la communication entre les professionnels, entre les professionnels et la communauté et entre les différents groupes, comités et commissions mis en place. Par exemple, Huntington Hills (Calgary) publie un périodique dans le but d’atténuer ce problème. D’autres préoccupations du personnel concernent la stabilité des emplois et la façon dont les fonctions sont définies par rapport à celles d’autres personnes, spécialistes et non-spécialistes. Les mêmes remarques sont formulées pour le projet d’Edmonton, à savoir que l’ensemble des personnes concernées doit développer une vision commune et, par des formations réciproques ou des réunions de discussion, acquérir une meilleure compréhension des domaines de chacun et développer une politique de communication interne et externe. Le plan d’évaluation en est encore à ses débuts et aucune conclusion ne peut actuellement en être tirée. Néanmoins, les premières impressions sont positives. Les études réalisées dans les écoles et auprès des jeunes révèlent une amélioration des résultats scolaires et du comportement des élèves. Les jeunes semblent se sentir plus en sécurité à la fois dans la communauté et à l’école. L’intensification des efforts de prévention de la violence domestique est également appréciée. Les professionnels se sont rendu compte que leurs nouvelles méthodes avaient un impact bénéfique sur leur travail externe au projet, à tel point que la ville a reçu de nombreuses demandes de création de projets similaires. Toutefois, pour que ce système se développe, les procédures administratives devront être allégées. Les hauts responsables devront aussi accepter que leurs subordonnés innovent et agissent hors de leur mandat habituel, définir de nouvelles méthodes pour évaluer leur travail et les soutenir si des conflits internes apparaissent. Le projet de Lethbridge rencontre également des problèmes de communication, dus en partie à l’absence d’enseignants dans le comité pilote. Les rigidités structurelles, le corporatisme et la crainte d’une perte de pouvoirs partielle semblent être les premiers obstacles à surmonter. Par exemple, les prestataires de services doivent être encouragés à ne pas classer les enfants dans des catégories rigides. Un changement d’attitude majeur, mais difficile, est évidemment nécessaire. On peut se demander si tous ceux qui sont engagés dans le projet sont réellement poussés par ce désir de changement ou simplement tentés par les avantages financiers à tirer d’une telle réforme. 176 Au niveau de la base, des changements d’orientation apparaissent déjà dans les méthodes de fonctionnement et dans les rapports avec la clientèle. Le FCDP consacre désormais 74 pour cent de son temps à la fourniture de services, contre 65 pour cent initialement prévus. Il passe aussi moins de temps à assurer les liaisons avec la communauté et la formation interne. Dans les prochaines années, ses activités de prestataire direct de services vont certainement diminuer au profit d’un développement des actions préventives. Cependant, pour l’instant, le responsable de l’équipe médicale consacre encore beaucoup, voire trop de temps au traitement des cas. Depuis 1992, les coûts par enfant augmentent. Ce sont principalement des écoles qui envoient des « clients » au FCDP, mais elles en envoient de moins en moins car la liste d’attente est trop longue. Néanmoins, le FCDP reçoit aussi des clients envoyés par d’autres organismes ou institutions. On attend beaucoup d’avantages du regroupement des entités et de l’installation dans de nouveaux locaux. En particulier, le fait de faciliter l’accès Partie I : CANADA des services devrait améliorer de façon globale la prestation des services aux familles. En outre, la nouvelle approche adoptée va permettre aux familles d’avoir davantage voix au chapitre, ce que beaucoup réclamaient. Ce progrès est particulièrement apprécié des familles qui ont affaire à la PNMU ou au PATC, car elles sont désormais plus étroitement associées au traitement du cas de leur enfant. Le rôle joué par les écoles doit encore être précisé. Des parents ont en effet signalé des problèmes de liaison entre écoles et services, les premières ne semblant pas reconnaı̂tre ni même être conscientes des compétences que le PATC, entre autres, peut leur apporter. La différence entre les méthodes de gestion de l’hôpital et des services communautaires pose également des problèmes. Qui plus est, les projets de regroupement de structures se heurtent à des difficultés liées au statut du personnel et à la définition de ses missions. Ces obstacles empêchent la planification à long terme et retardent donc la mise en œuvre du programme, ce qui inquiète les familles. Le nouveau centre ne pourra pas fournir à lui seul tous les services souhaités. Il fera donc appel à des intervenants extérieurs et à d’autres institutions pour les tests psychologiques, l’évaluation et l’action sociale. Cette fois, c’est le personnel que cette situation inquiète. Le programme Outreach a été conçu pour tenter de réduire le coût social du chômage des jeunes et du manque de qualifications. Cependant, des doutes subsistent sur l’avenir de son financement, de sorte qu’il n’est pas possible d’affirmer qu’il pourra fournir tous les services requis. A Wabasca-Demarais, la collaboration entre la communauté et les prestataires de services s’améliore. Il subsiste toutefois divers problèmes de coordination dus au fait que beaucoup de services ne sont pas gérés localement. Le financement pose également problème lorsqu’il faut décider quel échelon de l’administration devra payer les services nécessaires pour un enfant. Une prise de conscience de la communauté est, semble-t-il, cruciale pour améliorer la coordination. Moins les services seront liés à un échelon administratif, plus ils seront efficaces. Toutes les ressources pourraient être regroupées, mais un problème d’ordre politique se poserait alors, puisque cela impliquerait de conférer plus de pouvoir à la communauté. D’autre part, la communauté est relativement méfiante visà-vis de la décentralisation, qu’elle considère parfois comme une tactique pour masquer des coupes budgétaires. Wetaskiwin doit peut-être s’attendre à des problèmes de rémunération du personnel dans un avenir proche. Tous les professionnels travaillant ensemble sur les mêmes cas et dans les mêmes conditions voudront en effet être payés sur la même base. On redoute aussi des changements dans les relations et l’autorité exercée au niveau central et au niveau local. Le gouvernement provincial acceptera-t-il de céder une part de son pouvoir de contrôle et soutiendra-t-il la gestion publique locale d’un vaste éventail d’initiatives ? La participation des employés des ministères est essentielle, mais varie d’un individu à l’autre. Le problème se complique de la présence d’une vaste communauté autochtone. On attend beaucoup de l’évaluation en cours, qui devrait contribuer à faire avancer le projet. CONCLUSION Dans l’Alberta, tous les types de services sont très fragmentés, mais ils existent et sont très nombreux. Cette abondance est justement un inconvénient, en particulier pour les plus démunis, qui ne savent pas toujours vers qui se tourner pour chercher les meilleures solutions à leurs problèmes. Au niveau local, il ne semble pas y avoir de liste précise de tous les services, organismes et associations existants ni de leurs activités. Les principaux objectifs de l’initiative « Coordination des services à l’enfance » sont par conséquent de clarifier et d’ordonner ce tableau, de favoriser l’intégration des services et de rendre ces services plus accessibles. Parallèlement, il est apparu que, même lorsque plusieurs institutions sont présentes pour fournir des services, il n’en demeure pas moins des hiatus dans les prestations. Il fallait donc rationaliser le réseau et réduire les coûts générés par une mauvaise organisation. Le financement abondant et généreux des premières années est certainement en partie responsable de cette situation. On 177 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE attendait en effet des services qu’ils répondent aux besoins au moment où ceux-ci se manifestent, sans évaluation préalable systématique des possibilités de modifier les services existants ou d’en créer de nouveaux. Cette situation est souvent déplorée à tous les niveaux, et il semble qu’il y ait un consensus sur la nécessité de rationaliser les choix et les dépenses, étant donné les réductions financières générales imposées par la plupart des institutions de financement. L’initiative « Coordination des services à l’enfance » est un projet très cohérent, qui bénéficie d’un engagement marqué tant au niveau du sommet, la province, qu’au niveau de la base, les communautés. La façon dont cette initiative est organisée (informer de la base vers le sommet, expliquer, donner aux personnes l’occasion de s’exprimer, tout en associant les plus hauts niveaux d’autorité) manifeste un évident désir de coordination et de communication. Cette volonté de permettre à la population de s’exprimer et de faire connaı̂tre ses points de vue se reflète également dans le mode de coordination des services locaux, qui passe par la création et la mise en relation de nombreux groupes pilotes, comités et commissions temporaires. Une autre forme importante de soutien a été trouvée lors du forum qui s’est tenu à l’automne 1993. Chaque site pilote pouvait venir y présenter son projet et discuter de ses problèmes avec les autres communautés partenaires de l’initiative « Coordination des services à l’enfance ». Ils ont également pu suggérer des solutions possibles à leurs homologues ou aux responsables au niveau du gouvernement provincial. Certains facteurs tels que le sentiment de ne plus être isolé, la possibilité de partager problèmes et idées avec d’autres, le sentiment que le gouvernement central s’intéresse aussi réellement aux projets, ont créé un climat de motivation et d’encouragement pour tous les participants. Dans tous ces projets, les initiatives conçues au niveau provincial coı̈ncident clairement avec des initiatives locales nouvelles ou anciennes. Les sites ont été bien choisis et se sont montrés réceptifs. Il se peut que le gouvernement fédéral ou provincial ait ressenti une forte pression de la part de la communauté pour lancer ces initiatives. De plus, les initiatives locales ont pu être renforcées et développées parce que le gouvernement provincial soutenait et encourageait leurs objectifs et l’esprit dans lequel elles avaient été entreprises. D’une manière générale, la caution et l’engagement des hauts responsables au niveau du gouvernement de la province sont considérés comme essentiels au succès de l’entreprise. Il y avait donc toutes les chances pour que les changements soient facilités, puisque la direction adoptée par le gouvernement provincial était en phase avec les besoins et les choix au niveau de la base. « Changer la façon dont nous opérons », en particulier resserrer le réseau des services et empêcher tout chevauchement de fonctions, pose un double problème de gestion des ressources humaines : – La redéfinition des positions implique un redéploiement du personnel et des ressources qui peut, dans certains cas, entraı̂ner des redondances. Pour la période 1994-95, il est prévu de diminuer le coût du personnel central de 5 pour cent. Les mêmes mesures sont prévues au niveau local. – Il faudra revoir les descriptions des emplois, ou bien le personnel devra apprendre à modifier ses méthodes et ses attitudes de travail. Cela implique un effort planifié de formation continue du personnel. Un tel travail nécessite une ouverture de chacun vers les autres, vers leurs méthodes, leur langage et leur culture professionnelle. Par exemple, chacun doit être clair sur ce qu’il entend par « client », certains services donnant au terme une connotation plus étroite que d’autres. Ainsi, pour le ministère de la Santé, ce terme recouvre l’ensemble de la communauté, tandis que pour les services sociaux, le groupe ciblé, ou « clientèle », est plus spécifique et plus restreint. 178 Les différents comités semblent avoir déjà surmonté les préjugés et les obstacles, qui se sont finalement révélés beaucoup moins importants que ce que l’on craignait. Cela a fait naı̂tre ou renforcé la confiance et le respect mutuels. En particulier, sur le sujet sensible de la confidentialité, le changement d’attitude semble avoir progressé utilement. Il prouve que, sous réserve de prendre certaines précautions, les possibilités de partage de l’information étaient finalement bien plus nombreuses que ce que l’on imaginait au départ. Beaucoup de personnes mentionnent la surcharge de travail Partie I : CANADA engendrée et l’impact que le nouveau système risque d’avoir sur les emplois, en particulier ceux des personnels de santé et des services sociaux. Les professeurs semblent moins concernés, bien que les écoles soient parfois évoquées. Les responsables administratifs et les directeurs d’école semblent être beaucoup plus engagés que le personnel enseignant, qui ne paraı̂t pas avoir beaucoup participé au débat général ni avoir remis en question les méthodes d’enseignement requises par le nouveau système. La nouvelle manière d’opérer devrait changer de façon substantielle le travail du personnel et, malgré les efforts de formation et d’information, des inquiétudes persistent ou apparaissent quant au maintien des emplois et à la reconnaissance des compétences. Il est confirmé que des spécialistes compétents seront toujours nécessaires, mais le besoin en personnel moins qualifié, ou « nonspécialiste », est souvent évoqué. Les emplois doivent être redéfinis car ils s’ouvrent pour couvrir des domaines plus vastes, jusqu’à, dans certains cas, donner l’impression d’empiéter sur d’autres domaines. Le personnel participant aux initiatives se trouve donc dans une situation ambiguë où il a besoin de la compréhension et du soutien tant de ses supérieurs que de ses collègues. En tout état de cause, il est d’autant plus essentiel d’obtenir la caution des hommes politiques et des hauts responsables que la réforme implique des changements de réglementation et d’organisation. Même si, comme certains le soutiennent, ces changements sont moins cruciaux que l’évolution nécessaire des comportements, ils doivent être traités correctement, sous peine d’aggraver les problèmes existants ou de servir d’excuse à ceux qui sont hostiles au changement. Un autre facteur clé de l’initiative est la décentralisation des ressources et de la prise de décisions. La nécessité de rapprocher les services de la base peut s’expliquer par la volonté d’être plus axé sur le « client » et par la nécessité de donner plus de poids aux individus et à la communauté dans la définition de la fourniture des services. C’est un changement assez radical puisqu’il implique le transfert d’une partie des pouvoirs du niveau fédéral au niveau provincial. Cependant, le transfert de la province à la communauté risque de soulever deux questions, à savoir : « Y a-t-il quelque motif caché derrière ce transfert d’autorité ? » et « La communauté obtiendra-t-elle effectivement les pouvoirs et le financement dont elle a besoin ? ». L’importance de la communauté est encore renforcée par le fait qu’elle est fréquemment perçue comme l’échelon idéal pour mettre en place une coordination des services avec un unique point d’accès. Dans les cas étudiés, les écoles se sont souvent révélées les meilleurs endroits pour installer des services d’un type nouveau. Parfois, cependant, le bien-fondé de cette évolution a été mis en doute et on s’est demandé s’il était bon que les écoles soient ainsi ouvertes au grand public. Dans ce cas, la communauté s’est vu donner la préférence par rapport aux écoles. D’une manière générale, il n’y a pas de financement particulier pour aider à organiser ces projets pilotes. Les ressources supplémentaires trouvées pour certains programmes ou institutions proviennent d’une redistribution de ressources entre les différents services, en fonction des positions adoptées par les responsables, après évaluation des besoins et réorganisation de tout ou partie du dispositif local. Tout cela semble être réalisé sur une base entièrement informelle. Une période de transition est inévitable. La réorganisation et la rationalisation des services devraient normalement générer des économies sur certains services et ainsi libérer plus de ressources pour les autres. Pendant ce temps, les responsables des projets devront faire avec les ressources dont ils disposent ou chercher des soutiens extérieurs. Ainsi, certaines fondations ont réussi à trouver des fonds sur une base provisoire pour couvrir le coût des nouveaux services pendant la période de transition. Le financement n’est donc pas systématiquement (et ne sera jamais) un processus simple, ce qui pourrait provoquer des malentendus, voire des tensions, susceptibles de porter atteinte à l’image du projet de développement présenté aux clients. Le plus important est le passage à une politique fondée sur la prévention, évolution qui aura un impact sur les choix budgétaires. Là encore, il devrait être possible d’éliminer certains coûts sociaux majeurs et donc de diminuer d’autant le coût de traitement des crises graves. Il n’est pas possible, bien sûr, de prévoir combien de temps durera cette phase transitoire. 179 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE Les projets qui constituent la base expérimentale de l’initiative « Coordination des services à l’enfance » dans l’Alberta sont très récents et, si l’on peut déjà discuter des problèmes rencontrés ou perçus, il est encore trop tôt pour voir quelles conclusions pourront être tirées des évaluations en cours. Voici cependant quelques-uns des avantages que la coordination des services peut permettre d’obtenir : – une meilleure compréhension entre les différents services concernés et entre les gouvernements provincial et municipal ; – un moindre cloisonnement des services ; – la satisfaction des parents et des professionnels ; – l’amélioration de l’accès aux services ; – la participation d’un plus grand nombre de personnes à tous les niveaux ; – une meilleure protection des enfants ; – une meilleure réponse aux besoins réels des enfants et des familles. Certaines difficultés persistent toutefois, en particulier : – des conflits d’autorité entre individus et organismes ; – des divergences d’approche et de culture entre les ministères ; – trop de temps et d’énergie consacrés aux réunions nécessaires à chaque niveau pour traiter les problèmes ; – des incertitudes sur le financement et donc sur le maintien, voire sur la création, des services nécessaires au traitement et au suivi de chaque cas ; – des problèmes de réglementation et d’éthique professionnelle. Étant donné l’étendue des engagements, il faut espérer que ces problèmes, désormais admis par tous les niveaux, finiront par trouver des solutions. Les évaluations partielles attendues sur les deux prochaines années d’expérimentation devraient aider à éviter les pièges et à formuler des recommandations, au moment où l’Alberta dans son ensemble évolue vers des services intégrés et fondés sur la communauté. 180 Partie I : CANADA ONTARIO L’INTÉGRATION DES SERVICES DANS LA PROVINCE LA PLUS RICHE DU CANADA par Richard Volpe, Peter Evans et Philippa Hurrell INTRODUCTION Ce rapport constitue une évaluation descriptive des trois principaux exemples de services intégrés destinés aux enfants vivant dans la province de l’Ontario, au Canada. Ces exemples sont tirés d’un programme en cours et de deux projets pilotes de fourniture de services aux enfants et aux jeunes, d’âges divers, ainsi qu’à leurs familles. Ces programmes sont le Waterloo County Education-Work Connection Demonstration Project, destiné aux jeunes de 12 à 16 ans, le projet « Partir du bon pied pour un avenir meilleur » (« Better Beginnings, Better Futures ») de Sudbury, qui cible les enfants de 4 à 8 ans, et le programme « Intégration des services à l’enfance dans le nord de l’Ontario » (« Integrated Services for Northern Children » – ISNC), destiné aux enfants de 0 à 18 ans. Les trois études de cas sont accompagnées d’une brève analyse du cadre général et de l’historique des efforts visant à la mise en œuvre de services sociaux, sanitaires et éducatifs intégrés, destinés aux enfants et aux familles à risque dans l’Ontario. Ces études contiennent des informations provenant de documents relatifs aux programmes concernés, de rapports d’évaluation et d’entretiens avec des décideurs, des responsables de programmes, des prestataires et des clients. SITUATION GÉNÉRALE L’Ontario regroupe un tiers de la population du Canada. Quelque 27 pour cent de la population de cette province sont âgés de moins de 19 ans (Statistique Canada, 1993). Bien que l’Ontario soit la principale province canadienne pour les industries de transformation, la croissance des industries lourdes connaı̂t un recul important depuis dix ans. Les jeunes sont parmi les plus gravement touchés par la forte récession qui touche cette province depuis la fin des années 80. La conjoncture économique actuelle entraı̂ne une diminution des dépenses publiques et encourage le développement de services coordonnés, qui permettent de réduire les redondances et sont plus rentables. Alors que les services disposent de moins de moyens financiers, les besoins des enfants augmentent. Environ 18 pour cent des enfants âgés de 4 à 16 ans présentent des troubles du comportement et sont menacés d’échec social et scolaire (Offord et Boyle, 1987). Entre 10 et 15 pour cent environ des enfants d’âge scolaire ont des difficultés d’apprentissage et l’on considère que quelque 23 pour cent des jeunes âgés de 15 à 24 ans risquent d’abandonner l’école. Sur le marché du travail, les jeunes représentent le seul groupe qui se heurte à la fois à un déclin de l’employabilité et à des taux de chômage relativement élevés. En 1993, le taux de chômage des jeunes dans l’Ontario était de 18.7 pour cent (59 000 personnes). Ce chiffre correspond au double du taux de chômage national qui est de 9.3 pour cent. Les jeunes, qui forment 16 pour cent de la maind’œuvre de l’Ontario, représentent ainsi 30 pour cent des sans-emploi. Tout en constituant le plus important apport de main-d’œuvre nouvelle, ils ont également le plus de risques de dépendre de l’aide sociale. 181 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE INPUT Depuis la fin des années 70, le gouvernement de l’Ontario tente de réformer les services destinés aux enfants via l’intégration, la participation des communautés locales dans la planification, la clarification de l’obligation de rendre des comptes et l’utilisation de systèmes d’information complets dans les activités de planification et d’évaluation. Cette entreprise se caractérise principalement par l’importance accordée aux besoins éducatifs, sanitaires et sociaux plutôt qu’aux services professionnels. Pour résoudre les nombreux problèmes découlant d’actions de coordination, il faut développer des protocoles entre les organismes, rassembler en un code cohérent les diverses lois qui concernent les enfants, et mettre en place un cadre d’intervention et de planification unifié. Certaines stratégies d’intégration spécifiques comprennent : le recours à des centres de services polyvalents (par exemple, les écoles communautaires et les commerces multiservices) ; la mise en place de protocoles entre organismes et de lois générales ; le regroupement de ministères et d’organismes. L’engagement de l’Ontario pour ces approches est illustré dans cette optique et se retrouve dans le document « Investir dans l’enfance » (« Investing in Children », ministère des Services sociaux et communautaires de l’Ontario, 1988), qui a servi de base aux efforts actuels d’intégration des services. Ce rapport ébauchait un plan global permettant aux secteurs concernés des pouvoirs publics de se concentrer sur le développement des enfants, sur l’intervention, sur la santé et sur le traitement. Bien que ce document affirme l’importance de la coopération interministérielle, comme la structure de planification actuelle, il n’a donné de l’élan qu’à l’intégration intraministérielle. Deux rapports officiels de première importance ont également contribué à l’intégration des services. En 1990, le rapport du Comité consultatif sur les services à l’enfance, intitulé « Les enfants d’abord » (« Children First ») a exposé un plan interministériel de fourniture de services intégrés. Fondée sur le principe développé par Edward Zigler selon lequel l’école doit être l’axe central des services, cette proposition établissait un projet nouveau pour la fourniture complète de services, ces derniers étant considérés comme un droit pour la population. Ce document a été étayé en 1994 par le rapport du Conseil du Premier ministre sur la santé, « Nos enfants et nos jeunes d’aujourd’hui : l’Ontario de demain » (« Yours, Mine and Ours : Ontario’s Children and Youth »). Passant en revue les conclusions des recherches et des théories relatives aux grandes transitions qui jalonnent la vie, ce rapport a conclu que la nature du développement des personnes requiert une coopération interministérielle. Plus récemment, la Commission royale sur l’éducation (1994) réclamait des réformes fondamentales, notamment une participation plus importante des parents et des organismes communautaires et une plus grande intégration des services dans les écoles de l’Ontario. L’Ontario a promulgué une législation qui soutient les efforts d’intégration et qui les complique en même temps. Le gouvernement de la province a adopté la Loi sur les services à l’enfance et à la famille en 1984 (Child and Family Services Act – CFSA) dans le but de regrouper un grand nombre de services destinés à l’enfance dans une même enveloppe budgétaire au fonctionnement souple et dans un même ensemble de dispositions juridiques. Cette législation a contribué à l’établissement d’un ensemble commun de principes, de définitions, d’objectifs et de spécifications concernant le financement et l’obligation de rendre des comptes. Bien que la Loi sur l’Éducation (1980) ne fasse pas mention d’une collaboration entre les établissements scolaires et les services sociaux et de santé, de nombreux conseils scolaires collaborent avec ces services. Cette loi permet aux conseils scolaires de mettre en place des structures de garde d’enfants. Elle permet également aux écoles d’employer des enseignants en finançant leur coût dans le cadre de programmes de services d’aide sociale et de santé. La Loi sur les jeunes contrevenants (1984) a fait passer de 16 à 18 ans l’âge minimal de comparution devant les tribunaux pour adultes. Cette loi a créé des difficultés dans la répartition des pouvoirs entre le ministère des Services sociaux et communautaires et le ministère du Solliciteur général et des services correctionnels. A présent, ces deux ministères doivent travailler conjointement sur les cas qui impliquent de jeunes délinquants âgés de moins de 18 ans. Ils doivent également coordonner les services d’action sociale et d’aide économique avec les services d’incarcération et de supervision. 182 En avril 1993, le ministère des Services sociaux et communautaires a annoncé une série de nouvelles orientations pour les services aux enfants financés dans le cadre de la loi sur les services à Partie I : CANADA l’enfant et à la famille. Le nouveau cadre stratégique des services financiers au terme de cette loi comprend six orientations destinées à modifier ou à développer le système actuel des services destinés aux enfants et financés par le ministère des Services sociaux et communautaires. Il s’agit des aspects suivants : intégration, accès coordonné aux prestations, amélioration de la planification locale, équité dans la répartition des ressources, définition de groupes prioritaires et amélioration du processus consistant à rendre des comptes. Depuis l’annonce de ces mesures, les responsables au sein de ce ministère, conjointement avec d’autres parties concernées, travaillent à fournir des informations sur les changements spécifiques que cette évolution nécessitera dans l’organisation et la fourniture des services destinés aux enfants. QUELLES SONT LES CAUSES DE LA DIFFICULTÉ D’INTÉGRATION DES SERVICES DANS L’ONTARIO ? La structure administrative des services destinés aux enfants dans l’Ontario se compose de ministères distincts, qui fonctionnent sans réellement coopérer entre eux. Bien que plusieurs tentatives aient été mises en œuvre pour rationaliser le système (par exemple, transférer la responsabilité des services de santé mentale pour les enfants au ministère des Services sociaux et communautaires), la répartition traditionnelle des responsabilités entre les ministères subsiste. Le ministère des Services sociaux et communautaires est chargé de fournir tous les services de protection infantile, la plupart des services de santé mentale pour les enfants, les services destinés aux personnes handicapées par un retard de développement et la plupart des services destinés aux jeunes délinquants. Le ministère de la Santé est chargé de fournir les services de santé en institution pour les enfants (et les adultes), les services de réadaptation physique fondés sur des structures communautaires et les services de santé publique. Enfin, le ministère de l’Éducation et de la Formation est responsable de l’enseignement de base et de la plupart des services d’éducation spécialisée pour les enfants. Le ministère des Services sociaux et communautaires a créé et financé des services distincts d’aide aux enfants (par exemple, des sociétés d’aide à l’enfance, des centres de santé mentale pour enfants, des associations et des programmes pour les personnes handicapées par un retard de développement, des programmes et des services destinés aux jeunes délinquants). De son côté, le ministère de la Santé a créé et financé des services distincts assurant des soins de santé en institution ou fondés sur des structures communautaires. Quant au ministère de l’Éducation et de la Formation, il a financé la plupart des services d’éducation spécialisée, via des conseils scolaires autonomes. Les services destinés aux enfants et aux jeunes relèvent actuellement de plusieurs ministères, de centaines d’administrations locales et de plus d’un millier d’organismes. Chacune de ces organisations possède son mandat, sa zone d’action, ses ressources et son processus permettant de rendre des comptes. Il n’existe aucune politique, à l’échelle du pays ou des provinces, apportant une cohérence à la myriade des programmes destinés aux enfants et aux familles. Les principaux obstacles à l’intégration des services sont les différentes sphères de pouvoir, les différents mécanismes de financement et les structures de gestion des ministères qui font souvent bénéficier les mêmes personnes de leurs prestations. L’organisation actuelle des services aux enfants, dans sa conception et son mode de fonctionnement, est très éloignée d’un système cohérent de prestations. SITUATION ACTUELLE DE L’INTÉGRATION DES SERVICES DANS L’ONTARIO La situation économique actuelle et la crise budgétaire qu’elle a entraı̂née accentuent considérablement la nécessité de passer de la planification à la mise en place réelle de services coordonnés au niveau de la province, plus efficaces et moins onéreux. Les mesures actuelles qui ciblent les enfants reflètent cet état de fait. Le cadre stratégique des services financiers au terme de la loi sur les services à l’enfance et à la famille, adopté en 1994 par le ministère des Services sociaux et communautaires, est un projet d’intégration des services. Il résulte de consultations et de recommandations de groupes de travail, de consommateurs et de communautés. Sa mission première consiste à créer un système de services, financé sur la base de l’initiative, qui garantit que les enfants et leur famille bénéficient le plus largement possible des ressources disponibles. Le nouveau cadre reconnaı̂t explicitement que des 183 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE changements seront nécessaires dans de nombreuses structures et dans les procédures actuelles de fourniture. Il vise à orienter l’utilisation de centaines de millions de dollars de fonds publics sur une base annuelle. Les ministères de l’Éducation et de la Santé élaborent également des politiques parallèles pour l’intégration des services destinés aux enfants et aux familles bien que ces politiques soient moins explicites. Le rapport de la Commission royale sur l’éducation, « Pour l’amour d’apprendre » (« For the Love of Learning », 1994), définit clairement des propositions et des stratégies destinées à accorder aux communautés une plus grande influence dans les établissements scolaires et à en faire l’axe des services intégrés. On espère, à ce niveau, que les efforts intraministériels fructueux dans le domaine de l’intégration, conjugués à plusieurs projets pilotes communs, bien conçus et financés, serviront de base à des changements orientés vers une plus grande intégration des services destinés aux enfants. Le gouvernement de l’Ontario a montré sa ferme intention d’intégrer les services sur le long terme. Il semble conscient des manques existants dans l’organisation actuelle des services qui ne permettent pas de s’occuper de nombreux enfants. En outre, les instances décisionnaires font preuve d’une bonne connaissance des modèles de développement humain et de croissance. Ces modèles soulignent l’importance de considérer l’enfant dans sa globalité, mais également l’influence essentielle de l’environnement micro-économique et macro-économique de l’enfant et de sa famille. Les rapports et les comptes rendus ministériels sur l’intégration concluent à la nécessité de créer « un système de services complet et plus efficace, fondé sur l’équité, en accord avec les objectifs de développement harmonieux des enfants, et permettant aux individus de développer leurs propres capacités en leur fournissant les services nécessaires ». Dans un effort apparent de « faire plus avec moins », le gouvernement de l’Ontario s’est fixé comme objectif à long terme d’intégrer les services destinés aux enfants. Cependant, les implications d’un tel projet, dans une période où les moyens financiers sont limités et incertains, ont suscité une résistance massive à tout changement. En effet, on soupçonne l’intégration de faire référence en réalité à une fusion qui ne serait pas destinée à améliorer les services, mais à réaliser des économies en réduisant les effectifs. C’est pourquoi les syndicats et les associations professionnelles s’opposent vivement à l’intégration. La conjugaison de ces facteurs empêche la mise en place généralisée de l’intégration des services. A ce jour, ce que le gouvernement de l’Ontario a réussi le mieux, c’est de démontrer les bénéfices de l’intégration dans un certain nombre de projets. Ces trois projets sont étudiés dans le présent document. Ils représentent des initiatives exemplaires dans ce domaine. Chacun d’eux constitue un effort d’aide à la collaboration et à la coordination entre les ministères chargés de l’éducation, de la santé et de l’action sociale. Ces trois programmes englobent des services destinés aux enfants d’âge préscolaire, aux enfants d’âge scolaire, aux jeunes en insertion professionnelle et aux familles d’enfants et de jeunes à risque. L’intégration figure clairement sur le calendrier d’action du gouvernement de l’Ontario. Les trois programmes décrits ci-après sont structurés de façon à représenter trois différents niveaux d’intégration (du plus faible au plus élevé), tels qu’ils sont décrits par Swan et Morgan (1993). Le projet d’Eastwood présente les caractéristiques d’une coopération efficace entre les organismes communautaires. Le projet de Sudbury fournit l’exemple d’une communauté qui coordonne ses activités avec les organismes et les services locaux. Enfin, le projet de Cochrane/Timiskaming illustre une forme de collaboration à grande échelle entre organismes. WATERLOO COUNTY EDUCATION-WORK CONNECTION DEMONSTRATION PROJECT Contexte 184 Le comté de Waterloo est situé au cœur de la partie sud de l’Ontario. Il comprend les zones urbaines de Kitchener-Waterloo et Cambridge et les cantons ruraux de Wellesley, Wilmot, North Dumfries et Elimra. Il compte environ 387 000 habitants. L’économie locale repose sur l’agriculture, le commerce et l’industrie. Il s’agit d’une région de classes moyennes en termes de revenu et de statut Partie I : CANADA socio-économique. Elle comprend deux universités et un collège communautaire*, et deux conseils scolaires (un pour les élèves des écoles publiques et un autre pour les élèves catholiques). Le taux d’abandon de la scolarité, qui avoisine 11 pour cent, est un sujet de préoccupation dans toute la province, ce qui a incité le ministère de l’Éducation à prendre des mesures pour supprimer les obstacles auxquels se heurtent les établissements scolaires dans leurs efforts destinés à remédier à ce problème. La lutte contre la violence à l’école a été considérée comme un moyen de maintenir les élèves à l’école. Par conséquent, de nombreux conseils scolaires ont adopté des mesures de « tolérance zéro vis-à-vis de l’agression ». La mise en œuvre de ces mesures a nécessité de coordonner les efforts des écoles, de la police et du système de droit pénal, afin de trouver de nouvelles solutions de placement des élèves. Selon le ministère de la Formation professionnelle de l’Ontario (1992), en l’an 2000, 63 pour cent des nouveaux emplois au Canada nécessiteront un niveau d’études supérieures à la terminale. Toutefois, le Conseil économique du Canada (1992) a annoncé que si la tendance à l’abandon de la scolarité n’est pas inversée en dix ans, les écoles canadiennes enverront sur le marché du travail un million de jeunes illettrés. Si le problème n’est pas résolu, le taux d’abandon de la scolarité implique une perte inacceptable en potentiel humain, des coûts sociaux élevés et un grave déficit dans la mise à disposition des compétences nécessaires à l’accroissement de la productivité et des revenus de tous les Canadiens. L’étude « Leaving School Study » (1992), commandée dans le cadre de l’initiative fédérale Stay-in-School Initiative, confirme que, « par rapport aux élèves qui terminent leurs études secondaires, ceux qui abandonnent ces études ont plus de risques de ne pas trouver d’emploi et de disposer de revenus réduits ». Ce rapport suggère également que l’abandon de la scolarité est lié à la délinquance, à l’usage de stupéfiants, à la dépendance économique et à une qualité de vie médiocre. Chaque année, des centaines d’élèves de la communauté de Waterloo quittent le lycée avant la fin de leurs études secondaires pour rejoindre les millions de jeunes à la recherche d’un emploi, sans posséder les compétences nécessaires qui leur garantiraient un travail. Certains n’espèrent rien de l’école car ils ne voient aucun lien entre ce qu’ils y apprennent et leur préparation à l’entrée dans le monde du travail. D’autres viennent de classes sociales défavorisées et ne reçoivent aucun soutien moral chez eux. La communauté est donc confrontée à une catégorie d’élèves qui disposent d’un potentiel énorme mais dont les besoins ne peuvent pas être satisfaits par le système scolaire actuel. Ces élèves n’évoluent pas dans un environnement scolaire qui les soutient. Par le passé, les élèves dans cette situation quittaient l’école et trouvaient un travail. Aujourd’hui, il n’existe aucune possibilité en dehors de l’école. Un grand nombre de ces élèves ne s’intègre pas au système éducatif actuel, à vocation générale et à horaires fixes. Ils changent donc souvent d’options, de programmes et même d’école, mais rarement avec profit car ils restent dans un environnement scolaire étroit. Par conséquent, ils sont toujours un peu plus en retard par rapport aux autres élèves et leur frustration grandit. Le programme de l’Eastwood Collegiate Institute, dans le comté de Waterloo, décrit ci-dessous, offre un bon modèle reproductible, qui intègre les efforts de l’école et de la communauté pour maintenir les élèves dans le processus d’acquisition de connaissances, de compétences et du comportement nécessaires à la réussite au XXIe siècle. Input Dans le comté de Waterloo, on développe actuellement l’approche coordonnée de la fourniture des services. Les deux conseils scolaires (public et catholique) se rencontrent régulièrement pour examiner leurs domaines d’intérêt communs et pour partager certains dispositifs et services de transport. Ils développent aussi ensemble des procédures en accord avec les programmes commandés au niveau de la province, par exemple les initiatives Employment Equity. Le conseil scolaire de l’école publique de Waterloo coopère également avec divers autres organismes dans la région, dont les * Il s’agit d’un établissement non universitaire, qui propose des cours post-secondaries pour l’obtention d’un diplôme universitaire ou non. 185 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE services d’aide à la famille, le bureau de santé régional et la police régionale de Waterloo, pour offrir aux élèves une continuité dans la fourniture des services. Les administrateurs publics des universités, des hôpitaux, des municipalités et des conseils scolaires se rencontrent régulièrement pour étudier les moyens de mettre en commun les ressources. Le conseil scolaire a travaillé en étroite collaboration avec le Eastwood Collegiate Institute. Celui-ci est un établissement d’enseignement secondaire polyvalent, qui accueille 1 398 élèves de 13 à 19 ans (718 garçons et 680 filles). Il y a un professeur pour 15 élèves. Eastwood est l’un des 16 établissements d’enseignement secondaire de la région de Waterloo. La plupart de ses élèves sont issus de milieux aisés ou relativement aisés. Cherchant à réduire le taux d’abandon de la scolarité, le conseil scolaire a reconnu l’importance de la participation de la communauté et encouragé le recours à des tuteurs dans cet établissement pour aider les élèves à risque. En outre, une personne chargée de l’attribution des bourses travaille avec le gouvernement fédéral, des fondations et des entreprises pour obtenir des ressources supplémentaires. L’initiative Excellence in Education a débouché sur le programme Stay-in-School Initiative, destiné aux élèves susceptibles de quitter prématurément l’école. Un volet de ce programme, axé sur la lutte contre l’absentéisme (« Attendance Works »), encourage les employeurs de la région à proposer des emplois d’été aux élèves assidus. Les parents sont incités à faire la lecture à leurs enfants, et des systèmes de récompense et de reconnaissance des résultats sont prévus pour les élèves. Une classe d’enseignement a été créée dans les locaux municipaux de la ville de Kitchener pour permettre aux élèves à risque de combiner l’acquisition d’un savoir théorique et une expérience de travail dans les services de la ville. La Commission scolaire fournit des services sociaux et psychologiques à cet établissement scolaire et le gouvernement régional met à disposition des services médicaux. Ces deux services, ainsi que le personnel de l’établissement, travaillent à la mise en place d’un programme contre les troubles de l’alimentation, aidés par un responsable de la gestion par cas (un conseiller pédagogique) qui suit les procédures validées et organise le programme. Les services sociaux et psychologiques sont situés dans un centre d’éducation (Education Center), alors que les organismes d’aide sociale à l’enfance se trouvent sur un autre site. Des employés de ces organismes travaillent dans les établissements scolaires avec le personnel du centre d’éducation pour fournir les services prévus par les programmes. Bien que les services destinés aux élèves soient fondés sur l’école, les prestataires travaillent souvent sur des sites éloignés les uns des autres. Le ministère de l’Éducation et de la Formation apporte son soutien à cette approche en coopération. Il est également intéressé par la création de commerces multiservices dans les zones rurales. En pratique, l’intégration de deux services, par exemple une structure de garde et un jardin d’enfants sur un même site (dans une école communautaire), n’est pas très difficile, mais l’intégration d’un plus grand nombre de services est une tâche ardue. La difficulté du regroupement des services tient au fait que les organismes sont financés par différentes sources. Fonctionnement 186 Actuellement, l’intégration des services dans le comté de Waterloo est au stade de la coopération. Comme le montre le personnel à Eastwood, une direction est essentielle pour évoluer à travers le système (à l’intérieur et à l’extérieur de l’école) et mettre en œuvre les changements. Toute autre forme de développement, par exemple le regroupement de services, doit être décidée par le gouvernement de la province. Une intégration plus poussée risque d’accroı̂tre les procédures bureaucratiques. A Waterloo, on tente d’équilibrer la coordination et l’innovation apportée par les éducateurs travaillant sur le terrain, ce qui implique des rencontres régulières avec d’autres organismes pour des études de cas et la planification dans le domaine de l’éducation spécialisée, par exemple. Bien que les établissements scolaires de Waterloo ne partagent pas leur personnel avec d’autres organismes et n’emploient pas non plus de personnel conjointement avec ces organismes, il existe des accords collectifs qui permettent de faire appel à des travailleurs sociaux à la place d’enseignants ou d’autres catégories de personnel. Ces mesures ont été mises en place avec de très grande précautions, Partie I : CANADA via la négociation et la réduction naturelle des effectifs. Elles ont conduit à une plus grande coopération entre les services de la région et au développement du traitement des cas individuels dans les écoles. Elles ont ainsi facilité le traitement des problèmes des enfants des rues et des élèves qui font l’école buissonnière, afin d’assurer la liaison avec les tribunaux et de trouver des solutions de remplacement pour les élèves qui ne s’adaptent pas à l’école. Cependant, une fraction plus grande de la population (notamment les élèves, les parents et les entreprises) doit être incluse dans ces initiatives intégrées. Le programme d’enseignement polyvalent alternatif d’Eastwood (Eastwood Comprehensive Alternative Education Programme Model) a démarré en 1990 en tant que projet « Transition vers la vie active ». Il comprend un programme d’enseignement en coopération, un programme de tutorat et une procédure d’évaluation des besoins (voir ci-dessous). Il a été développé en association avec la communauté afin de mobiliser tous les services au sein des écoles (c’est-à-dire l’orientation, l’éducation spécialisée, la bibliothèque, l’enseignement en coopération et l’administration) et trouver des moyens d’amener les partenaires de la collectivité dans les établissements scolaires, pour aider les élèves dans l’acquisition de connaissances pendant la période de transition vers la vie active. Son principal objectif consiste à encourager le changement et améliorer le comportement des élèves, leur compréhension d’eux-mêmes et du monde qui les entoure. Ces changements rendront la vie des élèves plus satisfaisante et les aideront à aller jusqu’au bout de leur scolarité. Programme d’enseignement en coopération : Les élèves suivent un enseignement général couplé à un programme d’enseignement en coopération par niveaux, destiné à les aider à développer les compétences, le comportement et les connaissances nécessaires dans le monde du travail. Ce programme comporte trois volets. Le premier est un système de tutorat dans le cadre duquel les élèves font office de tuteurs dans les classes de niveau inférieur. Le deuxième est un système de placement dans un organisme à but non lucratif ou dans un organisme communautaire. Enfin, le troisième volet est un système de placement que l’élève peut choisir. Généralement, il opte pour un placement dans le secteur commercial (par exemple dans un magasin de vente au détail, de réparation de bicyclettes ou dans une station de radio). Programme de tutorat : Dans le cadre de ce programme, les élèves sont aidés par des tuteurs, qui sont soit des personnes d’un certain âge, soit des représentants d’entreprises qui proposent des places d’apprentissage. Le rôle de ces personnes consiste à conseiller les élèves et à les aider à développer un sens de la communauté. Il peut s’agir aussi bien d’hommes que de femmes. Ces tuteurs sont difficiles à trouver, puisque, sur 200 candidats, sept seulement exercent une activité professionnelle. On trouve également des bénévoles à la retraite qui ont connu une réussite notoire au cours de leur vie professionnelle. Ce lien entre les générations représente une partie essentielle du programme. En effet, l’aspect intergénérationnel ajoute une dimension qui permet aux élèves d’être en contact avec des personnes expérimentées, compréhensives et qui peuvent leur fournir une aide. Ces personnes ne sont pas des professeurs et pratiquent une forme d’écoute différente. Le volet « entreprise » de ce programme a été développé en coopération avec Mutual Group, partenaire de l’école. Les tuteurs qui travaillent en entreprise sont employés dans des sociétés locales. Le profil de vingt à trente élèves et d’un nombre similaire de tuteurs est établi pour être mis en correspondance. Élèves et tuteurs se rencontrent pendant six semaines dans l’école. Les tuteurs passent une heure par semaine avec les élèves considérés à risque. Leur apportant « un soutien, une orientation et une certaine cohérence », ils représentent une sorte de modèle de copain et d’ami à imiter. Ils montrent leur travail aux élèves qui participent à certaines activités, dont des loisirs, l’organisation de cours et l’apprentissage de la vie quotidienne. En outre, le tuteur sert de lien entre le monde de l’entreprise et celui de l’enseignement. Procédure d’évaluation des besoins : Conformément à une décision de l’Ontario de ne plus regrouper les élèves par classes de niveau, le programme comprend une autre procédure qui consiste à repérer les élèves ayant besoin d’un soutien dans une matière spécifique. Afin de réduire le taux d’abandon de la scolarité, un système d’entraide entre élèves (Buddy System for Niners) a été mis en place. Il consiste à constituer des équipes d’élèves de troisième qui sont aidés par des élèves des classes supérieures. C’est le « tutorat inter-âges ». Un programme de médiation entre condisciples est envisagé. Il compléterait le travail des conseillers qui sont encore 187 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE considérés comme des représentants de l’autorité. Les élèves peuvent consulter, de façon individuelle, un conseiller d’orientation ou utiliser un système informatique d’orientation. Eastwood travaille également avec des services communautaires tels que les hôpitaux, la police, les universités et les services destinés aux enfants et aux familles. Dans l’enceinte de l’établissement scolaire, diverses activités sont organisées par l’assemblée des élèves afin de créer un sens de la communauté (par exemple, des journées spéciales : rallyes automobiles, fête du printemps, fête de l’automne, chorale de Noël et la mise en place d’activités sportives à l’intérieur de l’établissement). Effets Eastwood a été décrit par les élèves comme un établissement sûr et confortable. En outre, ceux-ci ont déclaré qu’ils avaient de bons professeurs qui leur permettaient de faire des choix significatifs. Ils ont même indiqué qu’ils appréciaient de nombreuses activités comme les clubs, par exemple. Toutefois, le manque d’engagement de ces élèves dans la vie de l’école peut être illustré par leur manque de connaissance de la structure de direction. Ainsi, un ancien élève expliquait pourquoi il ne participait pas aux activités de l’école : « Je pense que c’était parce que j’étais timide, le genre de personne qui ne participe pas à quelque activité que ce soit si on ne vient pas la chercher, qui ne va pas faire d’efforts. » Cet élève suggère de rendre ces activités plus accessibles à des personnes comme lui. Un élève a décrit les conseillers pédagogiques de l’école comme des personnes « compréhensives, bienveillantes et serviables », alors qu’un autre les a considérés comme « formalistes et ayant une attitude impersonnelle ». Le programme d’enseignement polyvalent alternatif d’Eastwood est une réussite puisque 90 pour cent des élèves participants n’arrêtent pas leur scolarité et trouvent du travail. Ce programme tente de soutenir les élèves à risque dans de nombreux aspects de leur vie, au sein et en dehors de l’école, notamment en répondant à leurs besoins affectifs et de stabilité. PROJET « PARTIR DU BON PIED POUR UN AVENIR MEILLEUR », SUDBURY Contexte 188 Sudbury est une ville moyenne de l’Ontario. Connue comme « la porte du nord », elle lutte depuis quelques années pour se dégager de sa dépendance envers un secteur minier en déclin. Sa population est composée d’importantes communautés d’autochtones, de francophones et de néo-Canadiens. Le projet de Sudbury englobe deux quartiers voisins désignés collectivement par « la zone de Donovan-Flour Mill ». La population de Flour Mill est en majorité francophone. Elle doit son nom aux silos à grains qui font sa spécificité. La population de la zone de Donovan est multiculturelle, composée principalement de familles d’Européens anglophones et d’autochtones. Ce projet propose des programmes en français et en anglais. En 1986, 4 000 enfants vivaient dans ces quartiers de Sudbury dont le niveau socio-économique est bas dans son ensemble. La même année, on comptait 48 pour cent d’enfants parlant l’anglais, 38 pour cent le français et 14 pour cent une autre langue. Environ un enfant sur 10 était issu d’une famille d’autochtones. Le projet a été lancé en janvier 1991. Il cible les enfants âgés de 4 à 8 ans et leurs familles. Il est financé par le ministère des Services sociaux et communautaires, des services officiels, des fondations, le gouvernement fédéral et la communauté. Il s’inscrit dans le cadre d’un projet pilote à grande échelle, organisé au niveau de la province et intitulé « Partir du bon pied pour un avenir meilleur ». Le projet « Partir du bon pied pour un avenir meilleur » est une vaste initiative interministérielle s’étendant sur sept ans et englobant les ministères de la Santé, de l’Éducation et de la Formation, ainsi que le ministère des Services sociaux et communautaires et le ministère fédéral des Affaires indiennes et du nord canadien. Il a été introduit en 1990. Les fonds engagés étaient suffisants pour que le projet dure cinq ans. De récentes répartitions de ressources ont permis d’allonger cette durée. Dans le cadre d’une évaluation, le ministère des Services sociaux et communautaires apportera des fonds destinés à suivre les enfants jusque dans leur vingt-cinquième année environ. Douze projets pilotes de prévention primaire dans des zones économiquement défavorisées sont concernés. Chacun de ces projets Partie I : CANADA comprend un programme complet, sur vingt ans, d’évaluation du développement comportemental et affectif des enfants concernés, divisés en deux groupes : ceux âgés de 0 à 4 ans et ceux de 4 à 8 ans. Pour pouvoir bénéficier d’un financement, les communautés devaient élaborer un plan de développement local et un modèle intégré de planification des services. Les objectifs du projet sont les suivants : – la prévention des problèmes sociaux, affectifs, comportementaux, physiques et cognitifs graves chez les enfants ; – la promotion des capacités sociales, affectives, comportementales, physiques et cognitives chez les enfants ; – l’amélioration de l’aptitude des communautés et des familles défavorisées sur le plan socioéconomique à subvenir aux besoins des enfants. Le centre d’accueil des autochtones de N’Swakamok parraine le projet de Sudbury au niveau juridique et administratif. A partir du 1er avril 1995, l’association « Partir du bon pied pour un avenir meilleur », récemment déclarée officiellement, assumera les responsabilités administratives et juridiques liées au projet. Depuis le début du programme, cette association se charge du développement de celui-ci. Tout membre de la communauté qui accepte les principes de l’association peut y adhérer. Les personnes vivant en dehors de la communauté peuvent également être membres associés. Le projet a été conçu en 1989 par un comité composé de représentants du centre d’accueil des autochtones, des services de santé mentale pour les enfants, de l’Université laurentienne, de la Commission scolaire de Sudbury, de la John Howard Society, de SHARE (association de locataires de logements sociaux), de l’autorité chargée des questions de logement dans le district de Sudbury, du Département des Affaires sanitaires et sociales et de l’Association multiculturelle d’art populaire. Cette association fonctionne depuis le début selon le principe de la participation et du consensus. Elle s’est clairement engagée à permettre à des personnes vivant et travaillant avec les enfants de mettre en place des processus et des structures sans le contrôle d’experts (Reitsman-Street, 1994). Le projet cherche à représenter toutes les cultures de la communauté (cultures autochtone, francophone et anglophone). Les organisations qui fournissent des services de proximité sont représentées dans un comité consultatif de la communauté. L’engagement de la communauté s’est traduit par une attention soutenue à l’égard d’une évaluation continue, à vocation descriptive et formatrice. L’association poursuit un objectif clair : promouvoir un environnement sain via un processus décisionnel communautaire, qui inscrit les services traditionnels dans des structures d’organisation équitables et appropriées sur le plan culturel. Input Fait significatif, 26 membres associés au projet sur 30 vivent dans la zone de Donovan-Flour Mill. Ainsi, les fonds alloués au projet restent dans la communauté. Ces travailleurs communautaires et bénévoles sont au cœur des efforts déployés pour créer un environnement accueillant. Ils mènent des activités sur divers fronts afin d’accompagner et de développer l’aptitude des habitants à subvenir à leurs propres besoins. Cette population locale doit gagner sa vie, s’occuper de ses enfants, s’instruire et tenter d’apprécier la vie et de lui trouver un sens au sein de la communauté. Contrairement à la plupart des communautés qui disposent de revenus faibles, cette zone cherche à se développer, à s’organiser et à mettre en place des services contrôlés et exploités par des membres de la communauté. Le projet « Partir du bon pied pour un avenir meilleur » de Sudbury donne l’orientation générale et collecte des ressources pour que la communauté conserve la responsabilité du programme et, partant, qu’un sens du travail accompli soit encouragé. La section qui suit décrit les programmes spéciaux conçus par la communauté pour répondre à ses propres besoins. Chaque jour, environ 150 enfants et leurs parents participent à tel ou tel volet du programme. 189 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE Fonctionnement Activités de développement communautaire : Un comité consultatif communautaire a été mis sur pied pour faciliter la communication et les relations de travail entre la population et les professionnels. Ce comité regroupe le chef de la police, le maire, les directeurs généraux de la Société d’aide aux enfants (Children’s Aid Society) et du Centre pour les enfants et la famille et du directeur de la santé publique. Les membres et les partenaires d’organismes participent à la plupart des projets spéciaux, notamment dans des domaines d’intérêt collectif, tels que la santé, l’éducation, le travail et l’écologie. Pour que la communauté se développe, il faut qu’elle assure des fonctions d’orientation et de contrôle. L’animation et la formation constituent des éléments clés du projet. Les visites aux habitants et le recrutement des membres s’effectuent sur une base permanente. Les non-résidents qui partagent la vision du projet sont encouragés à y participer. Des formations à l’aide à l’enfance, aux premiers secours et à d’autres services spécialisés sont également assurées. Le renouveau de la communauté s’illustre également par la création d’espaces verts. Des jardins ont été créés, des cours et des parcs nettoyés, et des aménagements paysagers réalisés en vue d’améliorer la qualité de vie et la sécurité au niveau local. L’aide financière d’une fondation a permis d’engager un spécialiste pour faciliter la mise en œuvre de ces actions. Concernant les loisirs et l’acquisition de compétences, il existe plusieurs activités, dont des ateliers spécialisés, des formations au théâtre, à la prise de parole en public et à la résolution des conflits. Ces expériences favorisent la cohésion et l’identification au groupe. Des fonds particuliers ont servi à engager un animateur pour les adolescents, dans le but de développer un centre d’apprentissage et d’obtenir un appui financier stable. Développement économique communautaire : En 1993, le projet a créé une entité appelée GEODE (Grassroots Economic Opportunity Development and Evaluation – développement et évaluation des opportunités économiques au niveau de la base) pour accroı̂tre la viabilité économique locale. Un programme d’échange de compétences développe la participation de la communauté et permet de répondre à divers besoins. Ces activités montrent l’utilité de la coopération au niveau microéconomique. Association Better Beginnings : Avec l’intégration de cette association en avril 1995, le projet progresse largement vers l’un de ses principaux objectifs : la mise en place d’une organisation communautaire indépendante. Les membres ont élu un conseil de treize personnes chargées de créer cette nouvelle organisation. Développement scolaire : Les membres de la communauté ont clairement manifesté leur intérêt envers l’école et sa relation avec la communauté. Dans l’objectif d’accroı̂tre la sensibilité culturelle, des parents autochtones se sont regroupés. Des programmes culturels autochtones, afro-canadiens et latino-américains ont été mis en place dans quatre écoles (activités manuelles, musique et enseignement des traditions). En outre, dans certaines écoles, un programme intitulé « Playground Peacemakers » (« La paix dans la cour d’école ») a été lancé. 190 Soutien aux parents : L’utilisation gratuite d’un local de la ville de Sudbury permet la réalisation de programmes multiculturels spécialisés (activités de loisirs). Des ateliers d’art, d’artisanat et de cuisine, du patinage et divers sports collectifs sont proposés. Des programmes d’aide à l’enfance axés sur la coopération ont été mis en place dans certaines écoles. Des visites chez les familles résidentes se déroulent l’après-midi. Elles donnent l’occasion aux parents et aux jeunes enfants de participer à un éventail d’activités avec d’autres membres de la communauté. Afin d’encourager la participation des parents, une brochure leur expliquant le projet a été élaborée. Des animateurs socioculturels rendent visite aux familles et aident les parents à se joindre au projet. En outre, un centre d’aide aux jeunes mères (Teen Mom’s Drop-in) et un centre de soutien aux parents ont été créés. Enfin, diverses activités en plein air sont organisées : camping et programmes d’été, avec sorties à la campagne ou à la plage, sensibilisation à la protection de l’environnement, activités artistiques et sports d’été. Partie I : CANADA Effets Bien que les données longitudinales de la recherche associée au projet « Partir du bon pied pour un avenir meilleur » soient toujours en cours de planification, des chercheurs sur le terrain ont réuni avec soin des indications sur l’avancement du projet, le processus d’encouragement à la participation de la communauté, et un certain nombre de premiers résultats positifs, tels que le développement d’un sentiment d’appartenance et d’identification à la communauté. De plus, les programmes scolaires mis en place dans le cadre du projet contribuent à des résultats impressionnants en lecture et en mathématiques. PROJET D’INTÉGRATION DES SERVICES A L’ENFANCE DANS LE NORD DE L’ONTARIO, COCHRANE/TIMISKAMING Contexte Le nord de l’Ontario représente 90 pour cent du territoire de cette province, mais regroupe seulement 10 pour cent de sa population. La fourniture de services professionnels pose des problèmes considérables. La région souffre donc d’un manque de services destinés aux enfants. Les enfants des zones rurales ou isolées sont particulièrement touchés par cette situation. Des services considérés comme courants dans le sud de la région n’existent pas pour de nombreux enfants du nord. La création du programme « Intégration des services à l’enfance dans le nord de l’Ontario » vise principalement à s’attaquer aux obstacles d’ordre géographique qui empêchent la fourniture des services d’aide traditionnels à l’enfance. Ainsi, avant que ce programme n’existe, la personne qui habitait dans une zone rurale ou isolée du nord de l’Ontario devait parcourir des centaines de kilomètres, en voiture ou en avion, pour faire examiner son enfant par un psychologue ou un orthophoniste. Les enfants les plus touchés par cette situation sont ceux dont les difficultés sont multiples, et qui doivent être suivis par plusieurs professionnels qui dépendent d’un service ministériel et d’un autre organisme, d’où un recoupement des prestations. Input Tous ces problèmes étant de plus en plus reconnus dans l’Ontario, le ministère des Services sociaux et communautaires a été réorganisé en 1978 dans le but de « consolider les services à l’enfance et d’améliorer la coordination des différents programmes ». Pour résoudre les difficultés inhérentes à la région du nord, un comité a été mis sur pied (il est composé de hauts responsables ministériels du nord de l’Ontario) de façon à développer des stratégies de portée étendue. Ce nouveau comité a nommé un certain nombre d’employés ministériels pour qu’ils participent au Groupe de travail pour l’évaluation des services dans le nord de l’Ontario. La création de ce groupe de travail se fonde notamment sur le souhait de maximiser la coordination interministérielle et la coopération entre les organismes et les professionnels pour le traitement des cas individuels. Initialement, ce groupe de travail comprenait du personnel des ministères des Services sociaux et communautaires et de l’Éducation. Cependant, la nécessité d’une participation du ministère de la Santé ayant été reconnue, des membres de son personnel ont rejoint le groupe. Le premier résultat concret obtenu par le Groupe de travail pour l’évaluation des services dans le nord de l’Ontario a été la création d’un protocole interministériel, qui définit de façon claire les responsabilités de chaque ministère en ce qui concerne les services d’évaluation destinés aux enfants, et qui jette les bases pour de nouvelles évolutions. Le Groupe de travail pour l’évaluation des services dans le nord de l’Ontario a mené sa mission de 1980 à 1987. Parmi ses nombreuses tâches de première importance, on trouve une étude sur les prestataires de services d’aide aux enfants situés dans la région nord de l’Ontario et un test pilote d’un programme coordonné d’évaluation dans le district de Timiskaming. Les leçons tirées de cette expérience ont conduit à la création et à l’approbation de la « Politique d’initiatives pour le nord canadien » en 1988. Le résultat le plus important de cette nouvelle politique a été l’approbation, par le Conseil des ministres de l’Ontario, d’un fonds annuel pour la mise en place d’un nouveau programme de services à l’enfance : le programme « Intégration des services à l’enfance dans le nord de l’Ontario ». Ce 191 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE programme constituait une réponse systématique et continue du gouvernement de l’Ontario au besoin d’intégration des services mis en évidence par le travail du Groupe de travail pour l’évaluation des services dans le nord de l’Ontario. Les modèles intégrés de gestion et de prestation des services sélectionnés dans le cadre de ce programme ont été soigneusement choisis par une étude des meilleures pratiques. Le nouveau budget approuvé pour ce programme a été spécifiquement consacré à la fourniture de services aux enfants et aux familles vivant dans les régions rurales ou isolées du nord de l’Ontario. Ces efforts ont conduit à la création d’un système de services intégrés (évaluations, interventions et consultations relatives à la santé mentale des enfants, à la réadaptation physique et à l’éducation spécialisée) pour les enfants de ces régions. Fonctionnement Le programme « Intégration des services à l’enfance », qui est déployé dans les zones rurales et isolées du nord de l’Ontario depuis le début de l’année 1990, est un modèle réussi de collaboration entre ministères et organismes. Son objectif est d’améliorer l’accès aux services dans les zones isolées et disposant d’un nombre insuffisant de services. A cette fin, le programme s’appuie sur des personnels « satellites » basés dans des communautés rurales ou isolées et en relation avec des « groupes ressources » situés dans des zones urbaines et composés de professionnels de différentes disciplines (psychologie, éducation spécialisée et physiothérapie, par exemple). Les personnels « satellites » sont des acteurs clés du programme d’intégration des services. Ils servent de points d’accès entre les familles et les services et assurent la gestion des cas individuels pour tous les enfants et les familles accueillis dans le cadre de ce programme. Les clients sont les enfants à risque et leurs parents qui vivent dans des communautés rurales ou isolées du nord de l’Ontario. Comme nous l’avons noté plus haut, ceux qui vivent dans des zones urbaines n’ont pas accès aux services fournis dans le cadre de ce programme. De nombreux enfants ont besoin d’une éducation spécialisée, d’une réadaptation physique et de soins de santé mentale. Le programme vise à leur fournir des services entièrement intégrés et plus efficaces. Ainsi, ces enfants ont les meilleures chances d’atteindre leur potentiel maximal. Le programme est financé par les ministères des Services sociaux et communautaires, de la Santé, et de l’Éducation et de la Formation. Les prestataires sont des psychiatres, des psychologues et des psychométriciens (financés par le ministère des Services sociaux et communautaires), des orthophonistes, des physiothérapeutes et des médecins du travail (financés par le ministère de la Santé), ainsi que des psychopédagogues (financés par le ministère de l’Éducation et de la Formation). Ces trois ministères fournissent également du personnel administratif. Conjointement avec des personnels des ministères du Développement du nord et des mines, de hauts responsables venant de leurs rangs participent également directement au programme d’intégration des services en tant que membres de comités de gestion interministériels. Ces comités sont chargés du suivi et de l’évaluation des activités en cours. Depuis 1990, année de la mise en œuvre de ce programme, plus de 6 000 enfants en ont bénéficié. De nombreux facteurs ont influé sur cette mise en œuvre, et notamment la création et l’attribution de certaines responsabilités à de nouvelles structures de gestion interministérielles, la nécessité d’évaluer de façon formelle la mise en œuvre et le fonctionnement du programme, l’attribution de nouvelles ressources financières et la décision de financer les six sites de façon égale, malgré les grandes différences dans les taux de population vivant en zone rurale ou isolée. De plus, il a été décidé, au début, que tel ou tel groupe ou organisme serait invité à participer au nouveau programme, mais également que celui-ci concernerait uniquement les zones rurales ou isolées. Tous les efforts devaient être mis en œuvre pour faire progresser l’intégration et la coordination interministérielle que la classe politique appelait de ses voeux. Sur les six sites retenus dans le cadre du programme, c’est celui de Cochrane/Timiskaming qui obtient les meilleurs résultats selon les critères d’évaluation du projet. Le rapport final sur la mise en œuvre de ce programme l’a cité comme le meilleur exemple de fonctionnement du programme et a noté qu’à de nombreux égards, ce site pouvait servir de référence aux autres sites. 192 La zone de Cochrane/Timiskaming est en grande partie rurale, avec une faible densité de population. Quelques villes, de 400 à 7 000 habitants, sont dispersées le long de la voie routière principale. Partie I : CANADA Timmins est la plus grande ville. Elle compte 45 000 habitants. Bien que le siège du site Cochrane/ Timiskaming soit situé à Timmins, comme indiqué précédemment, les habitants de cette zone urbaine n’ont pas droit aux services proposés. La population totale de la zone Cochrane/Timiskaming s’élève à 100 000 habitants. C’est le deuxième groupe de population de zones rurales ou isolées bénéficiant du programme, avec 20 pour cent de la population du nord de l’Ontario. Une autre caractéristique importante de cette zone est le nombre relativement élevé de francophones. L’évaluation et la fourniture des services dans des communautés qui ont accès à peu de prestations doivent satisfaire à un objectif particulièrement difficile : répondre à des besoins culturels et linguistiques spécifiques. Ce site fonctionne comme prévu puisque la priorité est clairement accordée aux enfants à problèmes multiples, qui nécessitent la fourniture de services par différents départements ministériels. Le personnel du projet est parvenu à éviter d’être en concurrence avec les services déjà existants et à ne pas fournir les mêmes prestations. L’équipe qui travaille sur ce site fait preuve de cohésion et elle est dirigée de manière appropriée. Le comité de gestion du site peut mener à bien sa mission sans souffrir d’un trop grand degré d’intervention des organismes et des structures de micro-gestion. Les activités de planification, d’évaluation, de consultation et d’intervention démontrent leur utilité, telle qu’elle est évaluée et perçue, pour la communauté. Effets Le programme d’intégration des services à l’enfance dans le nord de l’Ontario comprend trois aspects inédits. Premièrement, il fait appel à des personnels satellites (traitement des cas individuels) qui mènent des actions de vulgarisation et traitent toutes les demandes de prestations, coordonnent les services, assurent le suivi, résolvent les problèmes et aident les professionnels. Leur position de membres de la communauté leur permet de s’inscrire dans des systèmes d’aide « naturels » et professionnels. Deuxièmement, il faut citer l’utilisation efficace d’un système informatique de gestion pour le suivi des cas et du programme. Ce système forme une toile d’araignée (réseau) électronique qui assure la cohésion du programme. Troisièmement, l’avantage de disposer d’un plan d’évaluation systématique et continu intégré au projet apporte une certaine tangibilité à celui-ci, ce qui donne un fondement solide au développement de sa philosophie et de ses objectifs. Bien que le site de Cochrane/ Timiskaming représente le meilleur exemple de réalisation des objectifs de ce projet, le programme d’intégration des services prouve, d’une manière générale, la valeur et la capacité d’intégration poussée des services destinés aux enfants. La mise en œuvre réussie de ce programme novateur sur le site de Cochrane/Timiskaming tient à de nombreux facteurs, dont une direction locale forte, une équipe dévouée et la possession d’informations utiles recueillies grâce à une évaluation poussée des avancées du programme. Ce processus permet d’aller plus loin au niveau des localités et de la province, car il contribue à améliorer tout le système des services destinés aux enfants. Les responsables du ministère des Services sociaux et communautaires ont intégré les données recueillies grâce à l’évaluation du programme dans le nouveau cadre stratégique des services financiers au terme de la loi sur les services à l’enfance et à la famille. L’orientation vers l’intégration améliorée des services et vers l’accès coordonné aux prestations a été fortement influencée par la mise en œuvre fructueuse de ces mesures au sein du programme d’intégration des services à l’enfance dans le nord de l’Ontario. CONCLUSION L’Ontario s’est engagé dans l’exploration des perspectives et des promesses de prévention primaire des problèmes des enfants rencontrés dans les années 80. Les premiers modèles élaborés dans cette optique étaient inspirés de ceux appliqués dans les domaines de la santé publique et de la psychiatrie sociale. Ces dernières années, l’accent est davantage mis sur la communauté et le renforcement des capacités. Insister sur l’équité ou reconnaı̂tre l’intérêt de la diversité et le fait que l’existence d’opportunités ne garantit pas à elle seule des prestations équitables, tous ces aspects gagnent en importance dans la politique publique de l’Ontario. La prise en compte de ces principes résulte des conséquences des changements économiques mondiaux, des évolutions démographiques rapides, de 193 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE l’exigence de changement associée aux idées féministes et d’une modification des modèles qui ont conduit à un regain d’intérêt pour la conceptualisation, indissociable du contexte. Le recadrage de la politique sociale liée à ces considérations a un effet similaire à celui de l’écologie sur la politique économique et commerciale. L’analyse des programmes fait apparaı̂tre plusieurs observations relatives à l’intégration des services. L’intégration des services fonctionne parmi les communautés qui font face à des problèmes du même ordre que l’intégration peut permettre de mieux résoudre. En outre, le principe d’intégration est facilité par le partage de valeurs, la compréhension parallèle de questions pratiques et une perception analogue des priorités parmi les professionnels. Il n’est pas certain que l’intégration des services permette, à court terme, de réaliser des économies. Il semble plutôt que la probabilité d’intégration des services augmente avec l’accroissement des apports financiers et de ressources. Bien qu’elles puissent être nécessaires à l’intégration réussie des services, ces conditions ne suffisent pas à elles seules ni en elles-mêmes. L’équipe dirigeante représente un aspect clé du succès de l’intégration des services. Le programme de Cochrane/Timiskaming fournit des exemples d’autorité efficace, fondée sur une structure hiérarchique traditionnelle. Des relations formelles et très rationalisées sont nouées entre les organismes travaillant en coopération. Par opposition, l’équipe dirigeante du projet de Sudbury est charismatique et s’appuie sur la communauté. Si l’intégration des services doit contribuer à la construction de la société civile et à une plus grande participation des citoyens, ces deux formes d’autorité doivent être mises en place afin de permettre la prévision politique et la solidarité sociale. La collaboration des citoyens doit être intégrée au fonctionnement des structures publiques. Cela n’est possible que si la bonne volonté et la confiance sont suffisantes pour aider les réseaux de citoyens et de professionnels travaillant en collaboration. 194 Partie I : CANADA RÉFÉRENCES COMMISSION ROYALE SUR L’ÉDUCATION (1994), Pour l’amour d’apprendre, Gouvernement de l’Ontario. CONSEIL ÉCONOMIQUE DU CANADA (1992), Report on the Economic Consequences of Early School Leaving, Ottawa, Ontario. CONWAY, J.F. (1993), The Canadian Family in Crisis, James Lorimer and Company, Toronto. LEARNING SCHOOL STUDY (1992), Stay-in-School Initiative, Ottawa. LOI SUR L’ÉDUCATION (1980), Lois refondues en 1989, Queens Printer, Province de l’Ontario, Toronto, Ontario. LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS (1984), Gouvernement du Canada. LOI SUR LES SERVICES A L’ENFANCE ET A LA FAMILLE (1995), Gouvernement de l’Ontario. MALONEY, C. (1990), Les enfants d’abord, ministère des Services sociaux et communautaires de l’Ontario, Toronto. 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SWAN, W. et MORGAN, J. (1993), Collaborating for Comprehensive Services for Young Children and Their Families, Brookes, Baltimore. 195 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE NOUVEAU-BRUNSWICK TRAVAILLER MIEUX GRÂCE A L’INTÉGRATION DES SERVICES par Peter Evans INTRODUCTION Situation générale La province canadienne du Nouveau-Brunswick, dont la capitale est Fredericton, est située sur la côte est. Elle est entourée par la Nouvelle-Écosse, le Québec et l’État américain du Maine. Elle s’étend sur environ 322 kilomètres du nord au sud et sur 242 kilomètres d’est en ouest. Elle forme un rectangle de 73 437 kilomètres carrés. Son paysage se compose de montagnes et de plateaux, avec quatre grands lacs. Les principaux secteurs d’activité sont : le tourisme, l’exploitation forestière, l’extraction minière, la pêche et l’agriculture. Les principales industries de transformation sont l’agro-alimentaire, le papier, la métallurgie, les équipements de transport, les produits minéraux non métalliques et les métaux de première fusion. Le Nouveau-Brunswick est la seule province du Canada officiellement bilingue : 34 pour cent de sa population est francophone. En 1994, la population totale comptait environ 726 800 personnes, dont 138 000 enfants d’âge scolaire. La structure gouvernementale est centralisée et le système d’imposition local se limite à la collecte des taxes foncières. Le Nouveau-Brunswick est divisé en huit arrondissements scolaires et sept antennes sanitaires. En 1994-1995, le budget de l’éducation était de 614.1 millions de dollars canadiens. Dans ce secteur, la province s’est donné pour mission « de faire en sorte que chaque élève acquière les connaissances nécessaires pour continuer à apprendre tout au long de son existence, réussir sa vie personnelle et contribuer à une société productive, équitable et démocratique ». Au Nouveau-Brunswick, le taux d’abandon de la scolarité est le plus bas de tout le Canada. Cependant, depuis 1985, comme dans le reste du pays, le nombre croissant d’enfants qui vivent dans la pauvreté et qui ont des problèmes de santé, ainsi que des problèmes d’apprentissage suscitent des préoccupations. Ces élèves sont menacés d’échec scolaire et risquent de ne pas obtenir les qualifications nécessaires pour réussir leur insertion professionnelle. 196 Plusieurs changements importants sont apparus vers la fin des années 80. Le gouvernement du Canada et celui de la province du Nouveau-Brunswick ont, d’un commun accord, mis sur pied, entre 1988 et 1991, une « Stratégie jeunesse » (Youth Strategy), reconduite ensuite jusqu’en 1993 (voir Rankine et Plummer, 1990, pour une évaluation concernant la première période). Une initiative, Stay-inSchool, a été lancée en 1990. La Youth Strategy constitue un cadre pour le développement d’opportunités de formation et d’emploi pour les jeunes entre 15 et 24 ans. L’initiative Stay-in-School s’adresse aux adolescents de 12 à 18 ans (Plummer, 1992). En 1995, un programme intitulé Youth Services Partnership (Partenariat pour les services à la jeunesse) est venu se substituer au binôme Youth Strategy/Stay-in-School Initiative. Nombre d’initiatives se poursuivent dans ce nouveau cadre, plus directement orienté sur les jeunes les plus à risque en termes d’insertion professionnelle (obtention d’un emploi régulier) et d’accession à une vie autonome. Partie I : CANADA En 1984, le Conseil des ministres du Nouveau-Brunswick a reconnu la nécessité d’une réforme de la fourniture des services, après qu’un document de travail du Cabinet de la réforme gouvernementale a souligné que : « Le système éducatif ne peut pas s’appuyer uniquement sur les enseignants pour apporter aux élèves le meilleur environnement d’apprentissage possible. Les enseignants, les administrateurs et les parents doivent avoir accès à toute une gamme de services de soutien professionnel visant à faciliter aux élèves le processus d’apprentissage et à leur assurer un environnement d’apprentissage de qualité » (voir Nouveau-Brunswick, 1993). Face à ce constat, à des considérations de rentabilité et d’efficience, et à la nécessité d’éliminer les redondances étant donné la rareté des ressources, il a été décidé de développer le concept de services coordonnés de soutien à l’éducation. A partir de 1986, le ministère de la Santé et des Services communautaires a reçu pour mandat de rechercher les moyens de mettre en place des services de soutien à l’éducation, ce qui a conduit à l’adoption de nouvelles dispositions, dans un premier temps sur la période 1988-93, prévoyant la fourniture d’un éventail limité de services par le ministère de l’Éducation, et d’une panoplie plus large par le ministère de la Santé et des Services communautaires. Les deux ministères ont développé ces services à travers un travail de planification commun, en partie afin d’éviter d’éventuels conflits dans la fourniture des prestations, liés aux principes divergents des professionnels de la santé et de l’éducation, ainsi que la fourniture en double des prestations par deux organismes distincts. En 1994, les efforts ont été concentrés sur l’obtention de ressources supplémentaires au profit des services travaillant ensemble. Niveau stratégique Au niveau stratégique, la section des services aux élèves du ministère de l’Éducation est responsable des élèves en difficulté, ainsi que des programmes destinés à les aider à réussir leur parcours scolaire. Ces activités englobent des initiatives de maintien en milieu scolaire, des programmes d’orientation, d’insertion professionnelle, la communication interministérielle, ainsi que d’autres activités relatives à l’aménagement des programmes, au développement des connaissances professionnelles, aux comités d’élèves, aux activités périscolaires et à l’enseignement assisté par ordinateur pour les élèves ayant des besoins spécifiques. La fourniture de programmes et services nécessite la collaboration et la concertation entre plusieurs ministères du gouvernement de la province, dont les ministères de la Santé et des Services communautaires, du Développement des ressources humaines du Nouveau-Brunswick, des Sports et Loisirs, de l’Enseignement supérieur et du Travail, du Solliciteur général, de la Justice, des Biens et Services et des Agences fédérales chargées de la Santé, des Affaires sociales et des Affaires indiennes. Bien qu’il n’existe pas, au niveau central, de cohabitation entre les différents personnels ni de partage des ressources administratives, une étroite collaboration a été mise en place avec les Services de soutien à l’éducation – gérés par le ministère de la Santé et des Services communautaires – et avec les établissements d’enseignement supérieur. Des réunions sont organisées régulièrement avec ce ministère afin, par exemple, d’élaborer des protocoles. Les ministres et les hauts responsables des différents ministères se rencontrent également régulièrement pour passer en revue les questions liées à la législation et à la politique publique. Ces dispositifs, lancés en 1990, partent du principe que « la répartition des ressources et la fourniture des services aux enfants d’âge scolaire pourraient être optimisées si elles étaient confiées au ministère chargé de fournir les services sanitaires et sociaux à l’ensemble de la population ». En particulier (voir Nouveau-Brunswick, 1993), cela permettrait une meilleure coordination des services sociaux et sanitaires ainsi que des ressources connexes, l’élimination des redondances, le développement d’un certain niveau de services professionnels à l’échelle de la province, une utilisation optimale du personnel qualifié, le maintien de relations professionnelles avec le réseau des services sanitaires et communautaires fournissant déjà des prestations aux enfants ou aux familles, la réduction de la concurrence inutile à laquelle se livrent parfois deux systèmes pour obtenir le partage des ressources 197 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE humaines. Ces services englobent les soins infirmiers, les soins d’ergothérapie, de kinésithérapie, de psychologie, d’action sociale (voir également le programme pilote STAR décrit plus loin) et d’orthophonie. Leur collaboration avec les écoles a pour objet d’améliorer la capacité des élèves à réussir leur scolarité au sein du système public. Les accords sont régis par la Loi scolaire de 1990 qui a été amendée et par la Loi de 1995 sur les services à la famille. Les services englobent l’éducation, la santé mentale, le soutien au revenu (STAR), l’assistance aux mères adolescentes, aux alcooliques ou aux toxicomanes, l’aide au logement, les loisirs et la CESPA (Commission de l’enseignement spécial des provinces de l’Atlantique). Ces services sont régis par onze principes directeurs. Ils doivent être fondés sur la communauté, fournis dans le milieu scolaire ou à domicile, accessibles, flexibles et bilingues, permettre de consulter et de faire participer les parents aux décisions d’admission, aider les élèves à mieux apprendre avec le moins d’interruptions possibles, réduire la dépendance, promouvoir un mode de vie aussi normal que possible, éviter l’atomisation des services et les redondances et offrir toute transparence via des responsabilités et pouvoirs clairement définis. Un Comité de programmation des opérations au niveau provincial a été créé pour mettre ces accords en application. Sa mission officielle consiste à « superviser le développement et la mise en œuvre des services sanitaires et sociaux aux élèves à l’intérieur du système scolaire public ». Il comprend des membres du ministère de la Santé et des Services communautaires, du ministère de l’Éducation, de la Commission de la santé mentale, du ministère du Développement des ressources humaines du Nouveau-Brunswick, et rend compte de ses activités au sous-ministre adjoint aux services sociaux communautaires et d’aide aux familles, ainsi qu’au Bureau du Solliciteur général. Ce comité a pour objet d’établir des liens interministériels pour l’organisation et la coordination de la fourniture des services de soutien à l’éducation, de mettre en place des accords formels entre les deux ministères pour la fourniture des services, de définir des priorités et des lignes directrices, d’instaurer des mécanismes de financement à long terme et de résoudre les problèmes au niveau opérationnel à mesure de leur survenue. En 1995, deux nouveaux ministères – le ministère chargé du Développement des ressources humaines et le ministère du Nouveau-Brunswick et du Solliciteur général – ont rejoint le Comité de programmation des opérations au niveau provincial qui, en 1996, a été rebaptisé Comité omnibus pour l’enfance et la jeunesse. Un groupe de professionnels a été chargé de fournir ces services. Il comprend des personnels du programme des services de soutien qui traitent exclusivement les cas envoyés par les établissements scolaires, des personnels des services sanitaires et sociaux employés par les arrondissements scolaires, qui sont chargés de la même mission, ainsi que des équipes pluridisciplinaires de la Division « Famille et services sociaux communautaires » (FSSC), pour les enfants ayant des besoins spécifiques, qui traitent les cas envoyés par les écoles et par cette Division. Ce groupe de professionnels est placé sous l’autorité d’un contrôleur FSSC, chargé d’améliorer l’accès des clients aux services et d’optimiser la répartition des ressources qui sont très limitées. Des accords ont été élaborés concernant les nouveaux processus permettant aux professionnels de rendre compte de leurs activités et la mise en place d’une procédure de transfert des ressources financières des arrondissements scolaires vers le ministère de la Santé et des Services communautaires, afin de créer des postes supplémentaires exclusivement destinés aux services de soutien. Le Comité de programmation des opérations au niveau provincial est également chargé de la répartition adéquate des ressources à travers la province. La responsabilité de la mise en application détaillée de ces accords est confiée aux Comités de programmation des opérations au niveau régional, aujourd’hui rebaptisés Comités omnibus régionaux, qui sont composés de représentants des parties intéressées, mais qui ne comptent aucun représentant de la clientèle. Leur responsabilité couvre également l’optimisation des ressources régionales afin de répondre aux besoins des élèves, la définition d’une procédure de soumission, l’identification et la résolution des problèmes, ainsi que le suivi de la mise en œuvre des services. 198 Les professionnels chargés de ces services doivent concevoir et gérer un programme de mise en œuvre, couvrant l’identification d’objectifs fonctionnels et mesurables, ainsi qu’une description de la Partie I : CANADA méthode d’intervention à mettre en œuvre et un échéancier comportant des dates d’achèvement. Une procédure de suivi et d’évaluation est également requise, ainsi qu’un processus de compte rendu des objectifs atteints et des progrès réalisés. En outre, ce programme doit mettre l’accent sur la collaboration avec la famille et/ou l’enfant, l’école et d’autres professionnels concernés, et il doit se concentrer sur la réussite scolaire de l’enfant. Enfin, il doit être réaliste et tenir compte du niveau des ressources disponibles. Le modèle d’intervention peut faire appel à la consultation via le suivi des programmes appliqués par d’autres professionnels, ou fondé sur l’intervention directe. Le respect de la confidentialité est essentiel. La Loi de 1995 sur les services à la famille permet le partage des informations avec le personnel scolaire, sans l’accord préalable des parents. Néanmoins, l’accord des parents est nécessaire pour que ces informations soient partagées entre le personnel scolaire et les professionnels des services d’aide. Le système informatique de la FSSC conserve un dossier sur chaque client. Une récente évaluation du fonctionnement des Services de soutien à l’éducation a révélé qu’ils servaient des prestations à environ 3 pour cent de la population d’âge scolaire (Dilworth et al., 1994), et une autre étude a fait la preuve de leur efficacité, à travers l’avis des professionnels concernés et celui des enseignants, dans un grand nombre de domaines liés à l’école : progrès de la scolarité, comportement et assiduité aux cours (Lapointe, 1994). Mise en œuvre Le dispositif, qui est centré sur les pouvoirs publics et n’englobe pas le secteur associatif, a été mis en place selon une approche descendante qui, avec du recul, aurait pu être mieux adaptée (Dingwall, 1994). Par exemple, la communication avec les services concernés aurait pu être plus intense et, durant les deux premières années, des problèmes de compréhension mutuelle se sont manifestés. Les conseils scolaires craignaient que le ministère de la Santé et des Services communautaires ne puisse pas fournir les prestations nécessaires, mais la question a été résolue grâce à l’attribution de ressources supplémentaires destinées à la restructuration dans les limites d’un budget qui, à l’époque, connaissait encore une évolution ascendante. Mis à part les problèmes évoqués précédemment, aucun autre obstacle majeur n’a été constaté, au moins au niveau stratégique. Les avantages perçus, parmi lesquels l’homogénéité de la qualité des services à travers la province, l’introduction d’un contrôle des professionnels, l’élimination des redondances et la définition claire des responsabilités de chacun – qui ne représentent qu’un faible surcroı̂t de travail administratif – laissent à penser que la coordination des services devrait permettre de réaliser des économies. Aucun budget de formation supplémentaire n’a été prévu pour aider à la mise en place de ce dispositif. Les initiatives pour la petite enfance, l’aménagement des programmes et de la pédagogie, le programme STAR d’insertion professionnelle pour les adolescents, constituent d’autres actions visant à prévenir ou résoudre les problèmes rencontrés par les élèves et les familles à risque. Initiatives pour la petite enfance Les initiatives pour la petite enfance ont été lancées en 1992 pour répondre aux problèmes de santé infantile évoqués précédemment et pour améliorer l’acquisition de connaissances. Ces initiatives devaient répondre aux besoins de l’ensemble de la population à risque, qui représente environ 15 pour cent de la population totale (ministère de la Santé et des Services communautaires, 1993). Elles impliquent un travail de collaboration entre la Division des services médicaux et de la santé publique et la Division des services communautaires et d’aide aux familles. Sept initiatives ont été dénombrées. La Division de la santé publique est chargée du suivi et des interventions prénatales et postnatales renforcées (y compris la nutrition) et des services de santé préscolaire qui ont fait l’objet d’un reciblage. Ces actions sont liées à quatre initiatives menées par la FSSC : intervention précoce à domicile, services de garde intégrés, services de prévention sociale et services d’aide économique aux familles, visant à aider les familles reconnues prioritaires à gérer leurs ressources et à devenir autonomes. Ces services mettent l’accent sur la prévention et l’intervention, de façon à promouvoir la santé des jeunes enfants et des familles, notamment celles à risque. Une évaluation du niveau de risque est 199 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE menée par un infirmier à l’occasion de visites à domicile, qui peuvent déboucher sur des prestations complémentaires, réservées à 5 pour cent de la population. L’objectif est que les jeunes enfants arrivent au jardin d’enfants dans les meilleures conditions de santé possibles, afin qu’ils puissent développer tout leur potentiel. Scolarité L’initiative Stay-in-School cherche à développer des méthodes susceptibles d’améliorer l’environnement affectif des élèves et des enseignants à travers « des stratégies et des structures nouvelles », notamment la conception d’une éducation plus individualisée via des programmes de parrainage et de tutorat, des sessions de rattrapage pendant l’été, des stratégies de coopération et d’autres méthodes (programmes d’orientation professionnelle et d’enseignement assisté par ordinateur, notamment). De plus, des actions de développement des compétences des enseignants ont été lancées pour leur permettre d’apprendre à conseiller les jeunes et, plus généralement, pour les sensibiliser aux problèmes des enfants à risque. Des méthodes de promotion de l’instruction élémentaire, comme la lecture et l’écriture, ont été encouragées, par le biais du tutorat entre pairs, par exemple (Plummer, 1993). Une caractéristique commune à un grand nombre de ces stratégies novatrices est l’intervention d’autres prestataires de services et de tuteurs et médiateurs entre les écoles et d’autres institutions. Transition vers la vie active Entre 1987 et 1994, l’initiative Stay-in-School proposait des programmes d’insertion professionnelle, principalement à travers deux méthodes efficaces : d’une part, l’enseignement en coopération, c’est-à-dire un enseignement structuré autour de l’école et du milieu professionnel, et d’autre part, des ateliers d’orientation professionnelle, grâce auxquels les élèves acquièrent, pendant les mois d’été, une autonomie fonctionnelle et une expérience professionnelle (Rankine et Plummer, 1990). Pour améliorer encore l’insertion professionnelle des jeunes, des Access Centres ont également été mis en place dans trois villes du Nouveau-Brunswick. Ils s’adressent aux jeunes qui risquent de tomber dans la délinquance ou qui ont déjà eu affaire à la justice, aux adolescents qui sont susceptibles d’abandonner l’école et à ceux qui ont des problèmes familiaux. Les jeunes âgés de 16 à 19 ans ont été identifiés comme étant les plus à risque (en effet, la législation ne prévoit pas de système de soutien pour les 16-18 ans), et les ministères de l’Éducation, de la Santé et des Services communautaires, de la Santé mentale, de la Protection sociale, de l’Aide au revenu et de la Justice, entre autres, se sont associés pour soutenir la création de ces centres. Ces derniers sont conçus comme des structures de jour pouvant accueillir jusqu’à 200 adolescents pour les aider à retrouver le chemin de l’école. En 1995, les Access Centres ont interrompu leurs activités et la plupart de leurs programmes ont été transférés aux ministères du Développement des ressources humaines (du Nouveau-Brunswick). Services destinés aux adolescents à risque (programme STAR) 200 Le programme pilote STAR (Services destinés aux adolescents à risque) fonctionne sous la houlette du ministère de la Santé et des Services communautaires dans les trois principales zones urbaines de la province : Fredericton, Moncton et Saint John (ministère de la Santé et des Services communautaires, 1994). Ce programme a pour vocation de réduire les risques qui menacent directement les 16-19 ans et de les aider à trouver un mode de vie stable afin de pouvoir poursuivre leur scolarité, retourner à l’école ou encore trouver un emploi. Les travailleurs sociaux qui œuvrent dans le cadre du programme STAR respectent les droits de la famille et reconnaissent qu’il faut répondre aux besoins des jeunes en collaboration avec les jeunes eux-mêmes, leur famille, la communauté et les pouvoirs publics. Ils s’occupent en premier lieu des jeunes en situation de crise, qui ont le plus besoin d’aide, et ensuite de ceux qui présentent des problèmes multiples à cause desquels, sans l’intervention des travailleurs sociaux, il leur serait impossible de poursuivre leur scolarité ou un programme de formation, et donc de réussir leur insertion professionnelle. Partie I : CANADA Conclusion Le Nouveau-Brunswick a compris la nécessité pour les jeunes menacés d’échec scolaire de pouvoir bénéficier d’une structure de services de grande portée, couvrant l’ensemble de cette population, répondant du mieux possible à ses besoins, tout en éliminant les redondances, les incohérences et les inefficiences. Dès lors, une large panoplie de réformes a été mise en place, facilitées par la coopération entre un grand nombre de ministères, et les modifications nécessaires ont été apportées à la législation. VISITE DE SITE : WOODSTOCK Situation générale et principaux dispositifs Le 12e arrondissement scolaire, celui de Woodstock, a été choisi comme sujet d’étude par le ministère de l’Éducation. Il couvre 2 438 kilomètres carrés et environ 5 000 enfants scolarisés. L’arrièrepays est une zone rurale, avec quelques secteurs d’activité. La population est composée en majorité de ménages à revenu faible ou moyen. Les principaux problèmes identifiés sont la pauvreté, le manque de transports, l’éclatement de la cellule familiale, la violence et le manque d’estime personnelle. Une étude comparative menée par Dilworth, Sanford et al. (1994) a révélé que, sur les 18 arrondissements scolaires du Nouveau-Brunswick couvrant des cas bénéficiant des services de soutien à l’éducation, le 12e arrondissement se situait dans la moyenne. Ainsi, à maints égards, Woodstock constitue le reflet fidèle de la province en général. Les problèmes des enfants et des jeunes à risque ont été cernés grâce à des études menées par l’arrondissement scolaire lui-même. Le résultat de ces recherches a montré que les élèves abandonnaient l’école parce qu’ils ne recevaient pas suffisamment de soutien dans le milieu scolaire. La principale raison donnée était l’attitude de tel ou tel enseignant. Parmi les autres causes fréquentes, on peut citer le redoublement, l’absentéisme, le manque d’intérêt manifesté par les éducateurs ou les parents, des difficultés scolaires, ou encore une grossesse. Cependant, il a été démontré que la présence de la communauté, des parents, de l’école et des enseignants était susceptible d’aider les élèves à mener une vie normale et de leur éviter de quitter l’école. Une analyse des données relatives au maintien des effectifs scolaires jusqu’à la classe de terminale a révélé que la situation n’avait cessé de s’améliorer entre 1986 et 1991 (peut-être grâce au succès des stratégies évoquées dans l’introduction de ce rapport) et qu’elle était bien meilleure que dans le reste du pays (Woodstock, 1991). Des discussions avec les professionnels des services éducatifs ont permis d’identifier les problèmes liés au fait d’enseigner à des enfants, notamment la coordination des services et la communication avec les autres organismes (Woodstock, 1992). La figure 1 représente l’ensemble des services aux élèves de Woodstock. En 1992-93, ces services étaient fournis par une équipe de 14 professionnels encadrés par un directeur, soit l’équivalent de 13.5 postes à temps plein, divisés en quatre groupes. L’équipe éducative, comprenant quatre professionnels chargés des services aux écoles, est spécialisée dans les élèves présentant des besoins spécifiques, l’insertion professionnelle et la psychométrie scolaire. Le groupe CESPA, composé de trois enseignants itinérants, est chargé des malentendants et des malvoyants. Une équipe de deux personnes, dépendant du programme Stay-in-School, aide les élèves à risque à l’école, dans leur classe et dans la communauté en général. Tous ces professionnels sont épaulés par une équipe des Services de soutien à l’éducation composée de deux travailleurs sociaux (dont un à temps partiel), de deux orthophonistes et d’un ergothérapeute à mi-temps. Dans la pratique, à Woodstock, il existe une continuité dans les services aux personnes à risque et à celles qui présentent des incapacités. Les sections qui suivent synthétisent des informations fournies par les professionnels, notamment, mettant l’accent sur les services aux enfants à risque. En raison de leur caractère intégré, les services sociaux communautaires et d’aide aux familles seront d’abord brièvement présentés, puis nous donnerons des informations recueillies auprès des travailleurs sociaux chargés des services aux élèves, du ministère de la Santé et des Services communautaires de soutien à l’éducation, ainsi qu’auprès d’une école et d’un parent d’élève. Seront également résumés les 201 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE Figure 1. Carte des services intégrés aux élèves, au niveau de la communauté H&CS MHC PH CRLB CEIC SSE EHS ENSEIGNEMENT A&DC CIEVA ÉTUDIANT DOMICILE I-TEAM WACL CESPA S-HG C-VCDS POLICE YAC P LÉGENDE SSE ................................................................................................. Services de soutien à l'éducation CIEVA ................................................ Community Industries Employment Vocational Activities CRLB ..................................................................................... Community Residential Living Board CEIC ................................................................................... Centre Emploi et Immigration Canada YAC ..........................................................Centre d'information et d'orientation pour les jeunes EHS ...................................................................................................... Extramural Hospital Services I-Team ............................................................................................................ Équipe pluridisciplinaire C-VCDS ............................................................. Carelton-Victoria Child Development Services CESPA .......................... Commission de l'enseignement spécial des provinces de l'Atlantique WACL .................................................................. Woodstock Association for Community Living P ............................................................................................................................................... Probation PH ................................................................................................................................... Santé publique MHC ............................................................................................................ Centre de santé mentale S-HG ................................................................................................ Ministère du Solliciteur général A&DC ...................................................................... Alcohol and Drug Dependency Commission 202 Source : Auteur. Partie I : CANADA renseignements obtenus à propos de l’initiative pour la petite enfance, de l’Access Centre et du service de probation. Enfin, nous tirerons les conclusions de toutes ces informations. Services aux élèves Division « Famille et services sociaux communautaires » (FSSC) de Woodstock : niveau opérationnel Contexte et input Le Nouveau-Brunswick compte sept antennes sanitaires qui ne se recoupent pas avec les arrondissements scolaires. La 3e antenne couvre Woodstock et une population de 55 000 personnes. Les principaux problèmes traités sont les abus sexuels et les problèmes de violence familiale, le manque d’aptitude des parents à éduquer leurs enfants et de faibles aptitudes à la socialisation. La FSSC est une division du ministère de la Santé et des Services communautaires. Elle offre à la fois des services prévus par la loi et des services non prévus par la loi et dispose d’un budget annuel de 6 200 000 dollars canadiens. Les services prévus par la loi couvrent la protection des enfants et des adultes ainsi que la surveillance des enfants placés, généralement dans des foyers d’accueil. Les services non prévus par la loi englobent l’adoption, les services aux enfants présentant des besoins spécifiques (soins supplétifs ou services de transport, par exemple), les services de soutien à l’éducation (action sociale, aide psychologique et orthophonie), les services d’intervention précoce (s’apparentant aux services de soutien à l’éducation mais destinés à la petite enfance), les services de garde pour les enfants de 3 ans et demi à 5 ans, les services destinés aux jeunes à risque (insertion professionnelle, à l’essai dans trois districts seulement), l’évaluation de la situation sociale pour déterminer si les jeunes peuvent bénéficier d’une aide au revenu, les services aux personnes âgées, aux adultes handicapés et les services d’urgence sociale. Ces services travaillent ensemble en fonction des besoins. Ils ont généralement été lancés sous la forme de programmes gouvernementaux par différents ministères, puis, au fil des ans, ils ont peu à peu été centralisés au sein du ministère de la Santé et des Services communautaires et du ministère de l’Éducation. Des organismes privés se sont également créés pour apporter leur soutien. Les principaux partenaires dans l’organisation des services intégrés sont la FSSC, le 12e arrondissement scolaire, les services de santé publique, de santé mentale, d’intervention précoce (organisation privée à but non lucratif), le ministère de l’Aide au revenu et le ministère fédéral du Développement des ressources humaines. Le besoin d’intégration des services est devenu manifeste au milieu des années 80, lorsque les problèmes familiaux ont commencé à empiéter sur le milieu scolaire et que la nécessité d’une approche holistique a été reconnue. Le concept a bénéficié d’appuis politiques et de la volonté de coopération entre les ministères, et il a reçu les ressources financières et humaines nécessaires. A l’origine, l’approche intégrée a été planifiée par le ministère de l’Éducation, le ministère de la Santé et des Services communautaires et les autorités locales chargées de l’éducation. Deux postes de travailleur social et d’orthophoniste ont été créés, mais il manquait des soins infirmiers. Fonctionnement Les décisions et l’organisation incombent généralement au responsable de site FSSC (qui fait partie du Comité de programmation des opérations au niveau local), aux directeurs des 12e et 13e arrondissements scolaires (sous la houlette du directeur des services aux élèves), à l’infirmier surveillant et au directeur du centre de santé mentale. Le personnel des Services de soutien à l’éducation cohabite avec l’équipe de soutien à l’éducation dans les bureaux du 12e arrondissement scolaire. Il travaille avec les enseignants au sein des écoles, suivant une approche fondée sur la consultation, pour développer l’aptitude des professeurs principaux à répondre aux besoins des enfants dont ils ont la charge. Les professeurs consultants jouent également un rôle majeur. Ils sont responsables du soutien à l’éducation pour les élèves défavorisés et ceux qui ont des besoins spécifiques. Le personnel des Services de soutien à l’éducation, travaillant en équipe avec les membres du conseil d’établissement, contribue largement au succès du processus. 203 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE C’est pourquoi les postes vacants des Services de soutien à l’éducation sont pourvus en priorité. Le personnel des Services de soutien à l’éducation a également gagné en crédibilité en assurant la formation en cours d’emploi des professeurs principaux. L’insuffisance des ressources disponibles, des connaissances et le manque de compréhension des autres disciplines par le personnel enseignant constituent les principaux obstacles au développement harmonieux de la coordination des services. Dans certains cas, cette réaction a conduit à un rejet pur et simple ou à une extrême réticence vis-à-vis des nouveaux dispositifs officiels. La direction au quotidien du personnel des Services de soutien à l’éducation est assurée par le directeur régional des services de santé et des services communautaires, qui travaille en étroite collaboration avec le directeur des services aux élèves du 12e arrondissement scolaire. Les responsables de la FSSC ont conscience des avantages que présente la collaboration entre ces deux équipes et celle-ci sera poursuivie tant que ses bénéfices seront visibles. La relation de travail est étroite et efficace. Effets L’intégration des services permet de réduire le temps de réponse, de cibler plus efficacement les ressources, d’améliorer la planification et l’intervention au cas par cas, ainsi que le soutien aux enseignants et aux parents. En revanche, se pose parfois la question de savoir de qui dépend le personnel des services de soutien à l’éducation. La base de données gérée par les services communautaires et sanitaires est alimentée régulièrement. Les services sont fournis à l’éducation à travers un accord formel, avec formulaire d’inscription commun et planification conjointe de la fourniture des services. Il existe, au niveau de l’arrondissement, un comité de gestion chargé des questions relatives aux services aux enfants, et les données sont partagées « à la demande ». L’accord des parents est sollicité afin d’éviter les problèmes de confidentialité. Les ressources (locaux, matériel informatique et fournitures) du personnel de la section FCSS lui sont fournies par le ministère de l’Éducation, et la FSSC apporte parfois une contribution financière. Selon le système informatique RPSS (1992-93), les chiffres moyens concernant les dossiers répertoriés mensuellement sur la province sont les suivants (statistiques de la Division « Famille et services sociaux communautaires », 1992-93) : – Protection infantile 1 936 – Enfants à statut temporaire 337 – Enfants placés 896 – Enfants présentant des besoins 643 – Soins subventionnés aux enfants 95 – Jeunes contrevenants placés en milieu ouvert 105 Division « Famille et services sociaux communautaires » (FSSC) à Woodstock : niveau du terrain Comme indiqué précédemment, les écoles reçoivent l’aide d’une équipe de services aux élèves, composée de 15 personnes. Les consultants des services aux élèves travaillent en dehors des bureaux du district, pour épauler les enseignants au sein des écoles. Leur travail consiste à gérer et coordonner l’aide apportée aux élèves par les enseignants (en particulier les professeurs consultants), à élaborer des programmes d’enseignement individualisés pour certains élèves, à jouer un rôle de tuteur, à dispenser une formation en cours d’emploi et à assurer le lien avec les autres organismes. 204 Les sections suivantes exposent en détail le point de vue de divers professionnels qui interviennent sur le terrain. Partie I : CANADA Professionnels de l’éducation travaillant au sein de l’équipe des services aux élèves Contexte et input Le travail avec des services extérieurs a débuté en 1985, suite à la décision d’intégrer tous les élèves présentant des incapacités au sein du système scolaire traditionnel (Projet 85, loi modifiant la Loi scolaire*). Les bénéfices des services intégrés mis en place avec ce groupe se sont étendus aux élèves présentant des besoins particuliers, y compris les élèves à risque. Avant l’intégration des services, chaque professionnel travaillait individuellement et de façon isolée. Depuis la mise en place de cette intégration, les prestataires de services se rencontrent régulièrement pour discuter des problèmes et les résoudre, et les parents et les élèves eux-mêmes sont plus directement concernés. Les partenaires clés sont les parents, les élèves, le ministère de la Santé et des Services communautaires, les services d’intervention précoce, les associations locales pour l’animation communautaire, les enseignants, la santé publique, les administrateurs, les délégués à la probation, la santé mentale, la police, et le comité communautaire de lutte contre le suicide. Le directeur des services aux élèves de l’arrondissement scolaire a également joué un rôle moteur. Le service chargé de conduire la coordination oriente ses activités en fonction de l’âge des enfants. Pour les enfants d’âge préscolaire, il s’agit des services d’intervention précoce ; pour les enfants d’âge scolaire, des autorités chargées de l’éducation ; pour les enfants plus âgés, de diverses agences pour l’emploi, comme le CIEVA (Community Industries Employment Vocational Activities). Bien que la législation relative à l’intégration des élèves handicapés soit fréquemment citée comme le point de départ du processus, il semble que la coordination ait été le résultat direct de l’initiative locale, avec la revendication d’une approche holistique et du partage de l’information, la volonté de réduire la charge de travail des parents en mettant à leur disposition plusieurs services sur un même site, d’accroı̂tre l’efficience des services, ainsi que d’initiatives gouvernementales menées dans d’autres ministères (Services de soutien à l’éducation, par exemple). L’objectif, clairement défini, était de fournir un service de meilleure qualité aux élèves et à leurs familles. Les professionnels de l’éducation ont également souligné que les demandes concernant l’approche intégrée émanaient d’un ensemble de personnes partageant le même point de vue. Les parents soutenaient activement la mise en place de services intégrés et mieux adaptés, notamment pour les élèves handicapés, et les administrateurs locaux partageaient ces préoccupations. Par ailleurs, les réductions budgétaires au niveau du gouvernement central plaidaient également en faveur de la réforme. Malgré ces réductions, les professionnels ont souligné que les financements nécessaires à la rémunération des professeurs consultants et des professeurs auxiliaires, à la formation en cours d’emploi et à l’achat des matériels avaient été mis à leur disposition. Il semble qu’aucune contribution financière n’ait fait défaut. Fonctionnement Le processus de collaboration a été décrit comme très étendu et ouvert à toute personne désireuse d’y participer. Néanmoins, la participation des parents et des élèves n’a pas été aussi importante que certains l’avaient souhaité. Les stratégies utilisées pour développer ce processus incluent le choix d’un organisme chef de file, la mise en œuvre d’une approche de résolution des problèmes permettant d’organiser des réunions brèves et efficaces, le développement d’un travail d’équipe et la formation de partenariats au sein de la communauté, des sources de financement multiples, la formation, le développement du rôle des professeurs consultants et du programme de conseil, des initiatives existantes, et le suivi permanent du système et du processus. La nature formatrice du processus d’évaluation a été perçue comme étant à l’origine de l’évolution constante du système et de l’interdépendance accrue entre les professionnels. Le développement d’une vision commune a également revêtu une grande importance, ainsi que celui d’un climat favorable à la réussite scolaire. La mise en place des services de * Le « Projet 85 » figure aujourd’hui dans la Loi de 1973 sur les écoles du Nouveau-Brunswick aux sections 1. 52 et 53. Il a été intégré en 1987. 205 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE soutien à l’éducation dans les bureaux de l’arrondissement scolaire a également été soulignée comme une stratégie essentielle. L’insuffisance du temps à consacrer aux réunions, le manque de retour d’information, la réticence de certains qui se cramponnent à leur rôle traditionnel et la persistance de stéréotypes, la peur du changement, l’insuffisance des actions de formation et le manque de perspectives communes ont été signalés comme les principaux obstacles au changement. Les professionnels ont indiqué que leur travail d’équipe reposait sur un modèle de résolution des problèmes nécessitant la mise à jour et le développement constant du processus. L’approche interactive adoptée vis-à-vis des clients est une solution holistique et d’avenir, dans laquelle l’intervention du client dans les décisions le concernant est un élément crucial. Le soutien de la communauté est également un facteur de réussite globale. Effets Les bénéfices de l’intégration ont été associés à l’adoption d’approches plus créatives, à un soutien et un esprit d’équipe accrus, se traduisant par un travail plus gratifiant, et permettant de répondre plus rapidement et de façon plus adaptée aux besoins des clients. Les problèmes de redondances des prestations et les pertes de temps sont moins fréquents et il est possible d’obtenir plus de résultats en faisant appel à moins de professionnels de l’éducation. La qualité de vie des clients s’améliore également. A l’avenir, les réductions budgétaires devraient accroı̂tre la nécessité de la participation de la communauté. Celle-ci devrait contribuer davantage à la vie de l’école, et les élèves devraient être amenés à se former en dehors de l’école, ces deux mouvements inverses ayant pour effet de rapprocher le milieu scolaire du reste de la communauté. L’intégration a néanmoins été reconnue comme directement à l’origine de certains problèmes, comme la difficulté d’organiser des réunions en raison du nombre de personnes à contacter. L’organisation des réunions et toutes les activités de ce type donnent beaucoup de travail supplémentaire. La confidentialité est également une question importante et, même si dans la pratique, le problème ne semble pas s’être posé de façon aiguë, il semble que certains groupes de professionnels se montrent plus prudents et attentifs que d’autres. Enfin, il faut un certain état d’esprit pour envisager les problèmes comme autant de défis à relever pour parvenir à des méthodes de travail plus « intelligentes ». Des archives sont généralement conservées par les établissements scolaires concernant les programmes et interventions, les réunions et recommandations relatives aux actions à entreprendre. Il s’agit de dossiers sur papier ou informatisés. L’information est partagée à la demande. Pour les clients, les répercussions sont apparemment très importantes. Ils développent un plus grand respect d’eux-mêmes, poursuivent leur scolarité, et réussissent à s’intégrer à la communauté. Travailleurs sociaux de l’équipe des services aux élèves Contexte 206 Les professionnels de l’éducation mentionnés précédemment reçoivent également le soutien d’une équipe de travailleurs sociaux, qui partagent leurs bureaux au sein de l’arrondissement scolaire, et dont la mission consiste à apporter leur aide aux élèves à risque, à leurs familles et au personnel scolaire. Leurs services englobent la préparation des parents à l’éducation des enfants, la gestion des comportements difficiles, la lutte contre le suicide, la préparation à la gestion des situations conflictuelles, l’information sur les programmes d’étude des autochtones, ainsi que des projets communautaires (comme le tutorat communautaire et l’orientation des familles), la formation et la sensibilisation des enseignants, un rôle d’intermédiaire avec les autres organismes communautaires, l’organisation des activités scolaires des élèves à risque (à la fois au niveau social et scolaire), et un service direct d’orientation destiné aux élèves et à leur famille. Ces prestations sont fournies à domicile, à l’école ou encore dans d’autres structures communautaires. Partie I : CANADA L’équipe travaille de cette manière depuis 1988, date de création du premier poste de travailleur social. Le rôle de ce dernier au sein de l’école a été élargi depuis lors. Une importante réflexion a été menée quant à l’élaboration d’un nouveau mode de fourniture des services permettant de répondre directement aux clients, tout en traitant les problèmes plus généraux à l’ambiance scolaire et de réussite de l’ensemble des élèves. Les travailleurs sociaux scolaires ont été intégrés à l’équipe des services aux élèves de l’arrondissement scolaire, de façon à ce que leur travail vis-à-vis des élèves ne reste pas isolé (comme c’était le cas avec l’ancienne méthode de travail). Ce changement a été accepté et il a permis un meilleur équilibre entre les actions de prévention et d’intervention. Les trois travailleurs sociaux sont unanimes concernant le rôle clé du partenariat entre les services de santé et d’éducation, ainsi qu’avec d’autres organismes. Ils ont confirmé que ce sont les services aux élèves qui dirigent les opérations en veillant au bon fonctionnement du processus de collaboration et de l’orientation des actions entreprises. Néanmoins, en fonction de l’action envisagée, la direction des opérations peut être confiée à des personnes différentes. La mise en place de la coopération a été favorisée par la prise de conscience générale, parmi les membres de l’équipe de services aux élèves, de l’intérêt que présentait ce type d’approche pour le traitement des problèmes rencontrés par les élèves. Elle permettait d’apporter une aide globale, des services plus efficaces et d’obtenir un véritable changement du mode de vie des élèves. Input Outre une opinion publique locale favorable, le « Projet 85 » a appuyé l’approche intégrée. Les travailleurs sociaux disposent de la flexibilité nécessaire pour agir de la manière qu’ils considèrent la plus adaptée aux besoins de leurs clients, qui confirment retirer des bénéfices de cette approche. La communauté a également réservé un accueil très positif à l’intégration. Cet appui s’est concrétisé aux niveaux politique et opérationnel, sous la forme d’un soutien moral, d’orientations, d’actions de formation, de la mise à disposition d’installations, de personnel, et d’actions de sensibilisation du public. L’organisation a tout d’abord été le fait des services de santé et d’éducation ainsi que du comité de programmation au niveau régional. Des réunions d’organisation et des actions de formation ont été organisées pour mettre en œuvre les nouvelles méthodes de travail. L’arrondissement scolaire local a fourni les bureaux et les équipements nécessaires, ce qui, au début, a inévitablement entraı̂né une certaine concurrence entre les différents professionnels. Fonctionnement Comme nous l’avons noté plus haut, il est apparu qu’un grand nombre d’organismes participaient à ce processus. Ils ont mentionné l’efficacité des mesures de soutien du conseil scolaire dans la mise en œuvre des approches intégrées, la méthode de résolution de problèmes, l’existence d’une vision commune, l’harmonisation des perspectives des différents professionnels et la capacité des Services de soutien à l’éducation à travailler en partenariat avec d’autres organismes. Parmi les obstacles ont été signalés la réticence de certains professionnels à adopter la nouvelle approche, certains problèmes de communication avec les autres membres de l’équipe, le manque de soutien apporté au personnel dans la mise en œuvre des nouvelles méthodes de travail, le manque de responsabilités accordées aux professionnels et d’informations susceptibles de les aider à prendre les décisions nécessaires. Le manque de temps à consacrer à la réflexion sur les méthodes de travail à adopter et leur efficacité a également été cité comme un obstacle. Les relations entre les partenaires ont été décrites comme étant « de qualité ». Il existe une mise en commun des informations, une base de connaissances commune, n’excluant cependant pas la spécificité du travail de chacun. Il en résulte une conception de l’aide au client fondée sur la collaboration et un mode de résolution des problèmes ayant recours, autant que nécessaire, à des ressources externes comme celles présentes au sein de la communauté. Le plan de gestion individualisée tient compte du point de vue des clients. 207 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE Effets L’approche en collaboration a permis d’améliorer l’efficacité des services et les relations entre les professionnels, elle a fait évoluer les systèmes et le mode de vie des clients, permis la création d’un environnement de travail plus encourageant et la prise de conscience de l’intérêt, pour la qualité et la diversité des services, de l’utilisation d’un ensemble de stratégies communes. Par ailleurs, à l’avenir, elle devrait permettre d’optimiser encore l’efficience des services, de réduire les changements de personnel et le gaspillage. L’objectif n’est pas de travailler plus, mais de travailler mieux. Les difficultés de communication et de gestion du personnel ont constitué la principale conséquence négative et imprévue de l’approche intégrée. Par exemple, trouver le temps de communiquer et d’organiser la coopération, avec le travail supplémentaire que cela représente, et faire face à des situations conflictuelles et des clients difficiles, plutôt que de les éviter, constituaient de nouveaux défis à relever. Les informations relatives aux actions décidées en commun, aux études démographiques, à la gestion individualisée des dossiers et aux réunions concernant chaque cas, ainsi que les rapports d’avancement des activités, sont conservés dans les fichiers centraux du conseil scolaire et dans les dossiers informatisés des élèves. Ces données sont transmises à d’autres prestataires, sur autorisation du client. La confidentialité ne pose pas de problème majeur. Pour les élèves, l’approche intégrée se traduit par de meilleures connaissances générales, la capacité de résoudre des situations conflictuelles et de communiquer. On peut également mentionner une expérience sociale différente, qui se traduit par une meilleure acceptation des élèves en difficulté par leurs condisciples, un plus faible niveau de marginalisation, d’isolement et d’abandon de la scolarité. Rôle des orthophonistes au sein de l’équipe de services aux élèves Contexte 208 Les orthophonistes rattachés au ministère de la Santé et des Services communautaires font partie des Services de soutien à l’éducation. Ils ont une mission d’évaluation et d’accueil (consultation et intervention directe) des élèves ayant des difficultés à communiquer. Ces services sont destinés aux élèves du primaire. Certains services s’adressent néanmoins aux enfants d’âge préscolaire, d’autres aux élèves du secondaire. Ils prennent la forme de consultations et d’une planification avec les enseignants et les parents, d’un travail direct avec les élèves qui ont des problèmes de communication et d’actions de prévention telles que la formation des enseignants en cours d’emploi et l’éducation des parents. La plupart de ce travail est réalisé au sein des établissements scolaires, souvent en collaboration avec les enseignants et les services spécialisés de soutien à l’éducation. Pour les élèves présentant des handicaps sensoriels, il est fait appel, si nécessaire, à des infirmiers de santé publique, des ergothérapeutes et des kinésithérapeutes. Le travail des orthophonistes est aujourd’hui beaucoup mieux coordonné qu’auparavant. Leurs principaux partenaires au sein des écoles sont les professeurs consultants, qui abordent les problèmes les plus complexes. L’orthophoniste fait le lien entre les enseignants et la famille pour les cas moins graves. En janvier 1997, les orthophonistes ne dépendront plus des services de soutien à l’éducation et passeront sous la tutelle de régions rattachées au ministère de la Santé et des Services sociaux et gérées par les centres hospitaliers régionaux. L’objectif à long terme est de mettre en place un ensemble intégré de ressources communautaires et de services de réadaptation, incluant ergothérapie, kinésithérapie et orthophonie. La consultation et la collaboration continueront à faire partie de la gestion interdisciplinaire des services fournis directement aux enfants au sein du système scolaire public. Intégrer tous les services nécessaires à l’enfant dans sa vie quotidienne semble essentiel pour répondre de façon globale à l’ensemble de ses besoins et permet une certaine cohérence entre les services fournis dans le milieu scolaire et en dehors. L’objectif est de faire en sorte que la thérapie s’intègre aussi naturellement que possible au quotidien de l’enfant. Partie I : CANADA Input Les demandes de mise en place de partenariats émanent directement du ministère de la Santé et des Services communautaires ainsi que du conseil scolaire. Un soutien a été apporté au développement de l’aptitude des professionnels au travail d’équipe. Fonctionnement Les dossiers sont gérés (en coordination), les objectifs identifiés et les réunions organisées au sein de l’école. Dans certains établissements scolaires, l’attention portée à la collaboration permet d’accroı̂tre la somme des compétences du personnel. Cependant, le manque de temps à consacrer à la coordination se révèle un obstacle. Les méthodes de travail évoluent en fonction des besoins. Les programmes définis avec les parents, les élèves et les enseignants évoluent et peuvent être de type général ou spécifique à l’enfant. Le degré de participation de la communauté est faible. Effets L’approche intégrée permet surtout de définir des programmes beaucoup plus pragmatiques, réalistes et fonctionnels, qui peuvent contribuer à généraliser le processus d’acquisition des connaissances. Des données sont rassemblées sur chaque cas, avec une évaluation et des conclusions, sur papier ou sous la forme d’archives informatiques, réalisées par le bureau de l’arrondissement scolaire ainsi que par les écoles, afin d’élaborer les programmes individualisés. Une copie du dossier est fournie aux parents et les informations sont partagées avec d’autres organismes. La confidentialité est une question importante, même si les informations sont souvent communiquées de façon informelle. Établissement d’enseignement secondaire de premier cycle de Woodstock : le point de vue d’une école Contexte La zone de couverture de l’école est une région rurale composée de foyers dont le revenu est relativement faible. L’étude a porté essentiellement sur un élève en particulier. Outre les enseignants, celui-ci reçoit le soutien d’un professeur consultant, d’un professeur auxiliaire, d’un conseiller, d’un coordinateur de l’enseignement en coopération, d’un tuteur et d’un inspecteur de site. Le tuteur et l’inspecteur de site apportent à l’élève une aide et un soutien amical. Si ces acteurs ont chacun un rôle différent à jouer, en revanche, tous sont favorables au travail d’équipe avec les autres services y compris le personnel du bureau de l’arrondissement scolaire. Ils ont souligné que les méthodes de travail sont différentes des dispositifs préalables, qui étaient davantage axés sur des services individualisés. La personnalisation de l’enseignement est aujourd’hui devenue une pratique courante alors qu’auparavant, tous les élèves suivaient le même programme. Les personnes interrogées – un inspecteur de site relevant du ministère de la Santé et des Services communautaires, un tuteur dont l’activité est financée par le programme pour la communauté indienne, un conseiller d’orientation, un coordinateur de l’enseignement en coopération, un professeur consultant et un enseignant (tous rémunérés sur le budget de l’éducation) – représentaient un large éventail de services. Ce groupe de professionnels, ainsi que d’autres acteurs comme les travailleurs sociaux, travaillent main dans la main, sous la direction de l’établissement scolaire, pour organiser et fournir le meilleur ensemble possible de services aux élèves, en mettant l’accent sur les progrès réalisés aux niveaux éducatif, personnel, social, ainsi qu’en termes de motivation et de perspectives d’emploi. 209 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE Input Toutes les personnes interrogées ont confirmé avoir bénéficié du soutien d’un grand nombre de personnes et d’organismes : hommes politiques, administrateurs, professionnels, entreprises, communauté. Des ressources supplémentaires sont venues s’ajouter sous la forme de personnels de soutien, d’actions de formation en cours d’emploi pour les enseignants, de financement et de systèmes d’information. Les contraintes financières ont néanmoins constitué un problème, suscitant notamment la crainte que les postes de professeurs consultants soient supprimés. Les services d’aide professionnelle ont constitué un lien utile entre les entreprises et les établissements scolaires, et ont aidé à résoudre les problèmes de confusion survenus à l’origine dans le traitement des demandes d’emploi. Fonctionnement En termes de fonctionnement, il est clair que les innovations sont mises en place via la négociation et le large soutien apporté par différents organismes et la communauté. Les principaux obstacles rencontrés sont le manque de moyens financiers et les réticences au changement de la part de certains professionnels. Le recours à des professeurs consultants est un succès. La participation des clients et le traitement au cas par cas constituent un gage de réussite du processus. Le modèle a tout d’abord été mis en œuvre selon une approche descendante et a évolué pour intégrer un ensemble d’élèves plus large, à mesure que des fonds, notamment pour la formation en cours d’emploi, ont été débloqués. Les organismes ont également pris davantage conscience de la situation. Effets D’une manière générale, on a considéré que l’intégration offrait les avantages suivants : une meilleure compréhension des services et de la mission des autres intervenants, un meilleur niveau de communication, des résultats scolaires plus satisfaisants, un plus grand respect de soi de la part des clients, une meilleure efficience, autant de bénéfices confirmés par un travail d’évaluation externe (Lapointe, 1994). De l’avis général, ces avantages devaient être accompagnés d’une amélioration des perspectives d’avenir des clients. Parmi les personnes interrogées, certaines ont également mentionné une plus grande satisfaction personnelle. Les professionnels espèrent que l’échange d’information s’améliorera de façon à réduire le temps qui doit être consacré à la collecte de ces données. Des informations sur le besoin et le niveau de formalisme ont été rassemblées. Certaines données étaient personnelles. D’autres, concernant les programmes personnalisés et les progrès des élèves, ont été conservées sur disquettes informatiques. La plupart de ces informations pouvaient être partagées, sur autorisation. La confidentialité a été considérée comme un aspect important, sans que cela soit un obstacle majeur. En revanche, l’insertion professionnelle a été considérée comme un problème. Les stages professionnels permettent aux employeurs de connaı̂tre les élèves, ce qui est un point positif. Cependant, si les entreprises ne prolongent pas leur soutien au-delà de l’école, l’expérience professionnelle des élèves se dévalorise et ces élèves peuvent rencontrer des difficultés pour trouver un emploi. La communauté a souvent été moins ouverte sur l’extérieur que les établissements scolaires. Quelques conséquences négatives ont été mentionnées, telles qu’une tension accrue dans les relations entre les professionnels et une augmentation du temps nécessaire à la préparation des professionnels à travailler avec des élèves à risque. Néanmoins, d’une façon générale, les résultats ont été globalement perçus comme positifs. Point de vue d’un parent d’élève 210 Un point de vue différent a été exprimé par une mère d’élève. Celle-ci a cité les nombreux services auxquels elle avait fait appel, expliquant que les nouveaux accords avaient permis une meilleure collaboration et un plus grand partage de l’information. Elle a également souligné qu’elle avait été à l’origine d’un grand nombre de réunions pluridisciplinaires, admettant néanmoins avoir été consultée et bien informée quant à l’organisation des services. Elle estime que les professionnels sont efficaces Partie I : CANADA et à l’écoute des besoins. Elle a été consultée par l’école mais pas par les services sociaux sur les décisions concernant son enfant. Cette procédure lui a permis de mieux connaı̂tre les services disponibles et les démarches à entreprendre pour y avoir accès. Il semble pourtant difficile d’entrer en contact avec les travailleurs sociaux, en raison de leur charge de travail. Par ailleurs, les familles d’accueil reçoivent une information insuffisante concernant les enfants qu’ils reçoivent. Il semble que des ressources gouvernementales supplémentaires soient nécessaires pour optimiser le système. Ces ressources permettraient d’augmenter les effectifs et d’informer plus amplement les enfants placés et leurs familles d’accueil. Conclusion Les différents professionnels qui composent l’équipe des services aux élèves travaillent ensemble et avec les établissements scolaires pour développer un système d’aide cohérent, intégrant parents et enfants, qui semble être très efficace. Les résultats sont positifs : réduction du taux d’abandon de la scolarité, meilleure qualité des services et plus grand respect de soi de la part des clients. La priorité de cette nouvelle approche est de répondre de façon globale aux problèmes des élèves et de leur famille, dans un contexte de réussite scolaire. Les problèmes liés à la mise en place d’une nouvelle méthode de travail ont été globalement surmontés et le problème de la confidentialité, par exemple, n’est pas perçu comme une entrave au travail de coordination. Bien qu’il soit difficile de réserver du temps pour organiser des réunions de planification, tous les professionnels s’accordent à affirmer qu’ils reçoivent le soutien des administrateurs et hommes politiques locaux et nationaux. Par ailleurs, ils estiment qu’une approche intégrée constitue un modus operandi plus « intelligent » que les méthodes fragmentaires utilisées précédemment. Il est à noter que ces changements sont apparus dans le contexte de réformes visant à intégrer les enfants handicapés et les élèves à risque à l’intérieur du système scolaire traditionnel, en assurant une transition aussi harmonieuse que possible avec leur milieu familial. Services à la petite enfance Initiative pour la petite enfance et santé scolaire Contexte et input Les services de santé publique sont organisés sous la forme d’une association chargée de promouvoir la santé et la prévention des maladies. Elle comprend 14 personnes, réparties dans trois bureaux de santé publique situés à Woodstock, Perth et Plaster Rock. Un large éventail de services est proposé, visant à protéger la santé publique, mais une attention particulière est accordée à l’initiative pour la petite enfance, au programme de santé scolaire, aux services de pédiatrie, et au suivi des maladies contagieuses. L’initiative pour la petite enfance s’occupe de la santé prénatale, des visites à domicile des mères et des bébés, et des consultations médicales pour les jeunes enfants de 3 ans et demi. Elle travaille d’une façon plus organisée que les services qui l’ont précédée. Ses principaux partenaires sont les personnels infirmiers de santé publique, les nutritionnistes, les services de santé mentale, la Division FSSC, les services d’intervention précoce, les services de maternité des hôpitaux, les services intégrés de garde d’enfants, les médecins, les orthophonistes, les services d’aide au revenu et les 12e et 13e arrondissements scolaires. L’initiative pour la petite enfance a été lancée par des gestionnaires, des infirmiers et des nutritionnistes pour améliorer le niveau de santé des enfants arrivant au jardin d’enfants, et sa mise en place a reçu le soutien d’un certain nombre de responsables politiques et d’administrateurs. Ces derniers ont appuyé le développement de ce programme et ont fourni une formation en cours d’emploi ainsi que certains équipements. 211 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE Fonctionnement Les principaux acteurs intervenant dans l’organisation et le processus décisionnel sont les gestionnaires, les administrateurs et les professionnels. Même si les clients participent aux décisions concernant le traitement, leur intervention, ainsi que celle des infirmiers, semble insuffisante. La formation, la mise en place du Comité consultatif régional de l’initiative pour la petite enfance (qui se réunit régulièrement pour évaluer la progression de la mise en œuvre de l’initiative et pour favoriser la collaboration entre les organismes), et le développement de mécanismes de suivi plus adaptés, ont permis aux infirmiers de repérer plus facilement les enfants ayant de graves problèmes de santé et d’adresser leurs dossiers aux partenaires appropriés. La formation et une meilleure communication ont été considérées comme des stratégies efficaces dans la mise en œuvre de l’approche intégrée. Les obstacles cités sont le manque de ressources humaines et de communication. Le partenariat revêt la forme de rencontres informelles entre deux parties prenantes ou de réunions communes. Le programme de santé scolaire est conduit par le Comité de santé scolaire du 12e arrondissement scolaire, qui veille à la santé des élèves au sein des écoles. Il propose des services infirmiers traditionnels (informations, conseils et consultations) aux élèves et aux enseignants. Les services de pédiatrie sont responsables des vaccinations, diffusent une information sanitaire, et contrôlent la croissance et le développement des enfants de 0 à 16 ans. Dans le cadre de la surveillance des maladies contagieuses, les personnes porteuses d’une maladie sexuellement transmissible ou de toute autre maladie de ce type sont informées des risques de transmission. Effets L’intégration des services permet l’identification précoce des problèmes de santé et l’envoi des dossiers aux organismes appropriés, une amélioration des services (de nutrition et d’intervention précoce, par exemple), un partage des informations et une meilleure communication entre les professionnels, et la tenue d’une base de données plus complète. Les progrès sanitaires et sociaux se traduisent par de meilleures perspectives d’avenir pour les clients, des bases de données sans cesse améliorées et le partage des connaissances entre les professionnels. Néanmoins, certains problèmes ont été cités, dont une augmentation de la charge de travail non compensée par un accroissement des ressources humaines, et qui se reflète par une augmentation de la pression supportée par les personnels. Un formulaire d’évaluation est conservé pour chaque enfant. Un questionnaire de santé est rempli pour chaque enfant âgé de 3 ans et demi. Il est transmis à l’établissement scolaire avant l’entrée de l’enfant au jardin d’enfants. Les données sont conservées sous la forme d’un dossier papier et d’un fichier informatique, et ne sont partagées avec d’autres organismes que sur autorisation. La confidentialité est une question importante et l’information ne peut être transmise sans autorisation que dans le cas où l’on soupçonne qu’un enfant est victime de mauvais traitement ou de négligence. Les infirmiers de santé publique estiment que l’approche intégrée a pour principal intérêt que les clients accèdent « aux avantages qu’ils souhaitaient obtenir ». Programme d’intervention précoce 212 A l’initiative pour la petite enfance est venu s’ajouter le programme d’intervention précoce Carelton Victoria Child Development Services Incorporated (CVCDSI). Il s’agit d’un service non statutaire, fondé sur la communauté, qui s’intéresse essentiellement au développement de l’enfant du point de vue familial. Sa mission est essentiellement préventive, mais une aide directe est également apportée aux familles. Le service fonctionne à travers des visites à domicile, une évaluation des besoins, et élabore, conjointement avec la famille et d’autres prestataires de services, un programme individuel d’aide aux familles. Les visites régulières à domicile permettent d’apporter l’aide nécessaire, d’aider au développement de liens familiaux adéquats, à l’acquisition de connaissances du système judiciaire, à la gestion des suivis, à l’adaptation du programme individuel d’aide aux familles, à l’établissement de rapports d’avancement et à la transition du milieu familial vers des structures de Partie I : CANADA garde ou l’école. A la demande de la famille, des réunions pluridisciplinaires peuvent être organisées, s’il semble nécessaire d’assurer une coordination entre les services. Il s’agit d’un service externe du ministère de la Santé et des Services communautaires, financé à hauteur de 3 000 dollars canadiens par famille. D’autres organismes peuvent participer au processus, si la famille est d’accord, mais il n’existe pas de programme commun placé sous la responsabilité conjointe de plusieurs organismes. Une coopération dans le domaine de la formation est en train d’être mise au point avec d’autres organismes. Les infirmiers de santé publique gèrent et conservent les dossiers des familles bénéficiant de services d’intervention précoce. Tous les dossiers empruntent le même chemin, qui passe par une évaluation des services de santé publique. Les infirmiers consultent les écoles dont ils s’occupent et organisent des visites, ils participent aux réunions du personnel de l’école pour expliquer le rôle des services de santé publique. Bien qu’à Woodstock, les équipes de santé publique, de santé mentale, d’aide au revenu et la Division FSSC soient logés dans le même immeuble, il n’existe pas de véritable cohabitation entre eux. A ce jour, les services de santé publique ont rarement contribué au perfectionnement professionnel d’autres organismes dans les écoles, des services de santé mentale, de la Division FSSC et du service d’aide au revenu. Il n’existe pas de formulaire d’inscription commun, mais des statistiques sont disponibles concernant le travail de l’initiative pour la petite enfance. Depuis la mise en place de l’initiative, en décembre 1993, des réunions sont régulièrement organisées avec les autres organismes qui adressent des dossiers aux services de santé publique. Il arrive que ceux-ci, à leur tour, adressent des clients à d’autres organismes. Il existe, par exemple, un groupe consultatif régional de l’initiative pour la petite enfance qui comprend des représentants des autres organismes travaillant dans ce sens. Les services de santé publique constituent le point d’accès unique aux services à l’enfance (sauf en cas de mauvais traitement à enfant ou de négligence) et, sous la tutelle de l’initiative pour la petite enfance, sont chargés de gérer le dossier de chaque enfant et de sa famille. Il existe des procédures d’organisation, de soumission et de retour d’information aux autres organismes. Des réunions de suivi en commun viennent d’être mises en place. Cependant, il n’existe pas de structure responsable de l’ensemble des services à l’enfance et il n’existe pas de projets d’intégration plus poussée. Conclusion Les services à la petite enfance et les services sanitaires coordonnent leurs activités avec celles d’autres services tels que l’éducation, afin d’améliorer le processus d’apprentissage. Certaines difficultés ont du être surmontées, par exemple l’augmentation de la charge de travail, mais la coordination semble être bénéfique aux clients. Autres services Insertion professionnelle Contexte L’Access Centre de Woodstock, ouvert depuis 1989, est une petite association spécialisée dans les services d’orientation et d’aide à la recherche d’emploi des jeunes. Il s’agit d’un service d’intervention visant essentiellement à supprimer les obstacles spécifiques à l’embauche de certains jeunes et liés à leur niveau d’éducation, de formation ou d’expérience professionnelle. Le centre conseille les jeunes en matière d’orientation et propose un large éventail de tests spécialisés visant à évaluer le niveau d’éducation, l’intelligence, la personnalité, le type de profession à envisager. Il s’agit d’un service bénévole. Les conseillers élaborent un programme individuel pour chaque jeune et orientent les clients vers un certain nombre de programmes et services fédéraux, provinciaux, ou encore vers des associations. Les jeunes sont encadrés par un coordinateur et quatre conseillers, l’un des postes étant financé au niveau fédéral. Les jeunes sont âgés de 15 à 24 ans, ne sont plus scolarisés, occupent un 213 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE 214 emploi précaire ou sont au chômage. La plupart n’ont pas terminé le cycle d’enseignement secondaire. Ces dernières années, la clientèle a évolué. Auparavant, la moyenne d’âge était moins élevée et les jeunes avaient poursuivi leur scolarité jusqu’à la classe de seconde. Les besoins sont extrêmement variés. Les jeunes à risque reçoivent généralement peu de soutien de la part de leur famille et ont souvent des antécédents de délinquance, de consommation de drogue ou d’alcool. Le centre essaie de leur apporter amitié et aide, met l’accent sur les besoins d’éducation et de développement personnel, et tente de trouver une autre solution à l’école pour les élèves à risque. Les prestations sont fournies dans le cadre de rendez-vous ou de consultations de jour. La Youth Strategy, mise en place au niveau provincial et fédéral, a pris fin en 1995. Les employés des Access Centres ont été transférés dans des organismes fédéraux ou provinciaux du Développement des ressources humaines. La Youth Strategy a été remplacée par le Youth Services Partnership, afin de poursuivre les efforts de collaboration visant à faciliter l’insertion professionnelle des jeunes. A travers la nouvelle initiative pour l’avenir des jeunes (Youth Futures Initiative), financée par la province, les jeunes de 15 à 24 ans qui se posent des questions concernant leur avenir sont invités à contacter le bureau local de développement des ressources humaines du Nouveau-Brunswick. Les conseillers qui travaillent dans ces bureaux aident les jeunes à accéder aux services et programmes fédéraux et provinciaux qui leur sont destinés. Le financement accordé au niveau fédéral aux programmes fondés sur l’école, supprimé en 1995, a été relayé par la province qui, à travers l’initiative pour l’avenir des jeunes, permet aux arrondissements scolaires de garder un certain nombre de leurs initiatives de maintien des jeunes à l’école. Depuis 1989, le centre travaille en réseau avec d’autres services, auparavant fournis par des ministères partenaires mais dont les clients ne faisaient pas un usage satisfaisant. Les partenaires clés du centre sont la Division Emploi et Immigration Canada (Développement des ressources humaines) et le ministère de l’Enseignement supérieur et du Travail, ainsi que le ministère de l’Éducation du Nouveau-Brunswick, celui de l’Aide au revenu (Développement des ressources humaines NouveauBrunswick) et le ministère du Solliciteur général. Dans une moindre mesure, le ministère de la Santé et des Services communautaires et le ministère des Affaires gouvernementales travaillent également en collaboration avec ce centre. Le travail de coopération est tiré par la Youth Strategy du NouveauBrunswick et par les besoins accrus en personnel des ministères directeurs. La mission du centre consiste à fournir des services mieux adaptés aux jeunes sans emploi et ayant quitté l’école. Ultérieurement, l’initiative Stay-in-School est venue s’associer à ce partenariat, afin d’aider les jeunes à obtenir le niveau d’éducation, de formation et d’expérience professionnelle indispensable pour accéder au monde du travail. L’Access Centre est financé conjointement par le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, et son budget a connu dernièrement d’importantes réductions (plus de 50 pour cent pour le budget consacré aux services et programmes fédéraux et une baisse plus légère pour le budget consacré aux programmes locaux). En 1994, le budget total était de 740 000 dollars canadiens. Les ministères partenaires (Éducation, Aide au revenu et Bureau du Solliciteur général) disposent de budgets séparés. L’organisme prend souvent lui-même l’initiative de consulter d’autres agences pour des programmes de fourniture de services, aussi bien au niveau de la conception des programmes que de la gestion individuelle des dossiers, afin d’optimiser les prestations fournies. Des réunions d’évaluation sont organisées entre tous les organismes. De plus, les conseillers négocient avec les personnels des autres agences afin d’obtenir des ressources pour la mise en place des programmes individuels, et mettent également leurs ressources à la disposition des autres organismes. Les Access Centres disposent de places réservées à leurs clients dans les collèges communautaires. Il existe également un programme d’insertion professionnelle qui propose aux jeunes d’occuper pendant plusieurs semaines un emploi rémunéré. Dans le cas de jeunes clients de plusieurs organismes, des réunions sont organisées pour définir la marche à suivre. Les centres proposent des actions de formation à destination d’autres organismes ainsi qu’aux collèges de la région. L’Access Centre contribue aux archives informatiques de Fredericton des services provinciaux à la jeunesse. Il existe également une copie papier des formulaires d’inscription, dont les informations sont Partie I : CANADA intégrées à la base de données par l’organisme qui reçoit le client. Le formulaire d’inscription est propre au centre. Les formulaires des autres organismes sont utilisés lorsque le dossier d’un client leur est adressé. L’Access Centre fonctionne avec un comité interdépartemental, le Comité local de gestion et de prestation des services (LDMC), co-présidé par le directeur du centre local pour l’emploi et par le proviseur du collège communautaire. Les autres membres sont des délégués des ministères partenaires. Il n’y a pas de réunions régulières entre le personnel du centre et les professionnels des autres organismes. Des rencontres ont lieu de façon ponctuelle, en fonction des besoins. L’Access Centre a été choisi comme point d’accès unique aux services d’insertion professionnelle pour les jeunes en difficulté. Cependant, il existe des variations selon les régions, en raison de conflits de compétences entre les organismes, de différences dans le style de gestion ou d’un manque de ressources disponibles. Les services sont plus intégrés dans les grands centres que dans les zones rurales. A Woodstock, le processus de collaboration et de consultation entre les services n’a jamais atteint le niveau escompté par la Youth Strategy. L’insuffisance des financements et le type de gestion adopté ont été cités comme les principaux obstacles à la mise en place d’un point d’accès unique à un ensemble de services pour les jeunes à risque. Les Access Centres ont été incités à innover, à se montrer flexibles et non bureaucratiques, ce qui se traduit par une absence de formalisme, notamment dans les accords passés avec d’autres organismes. A Woodstock, les accords existants ont été maintenus de préférence au développement de nouveaux dispositifs et de nouvelles méthodes d’intervention. La Youth Strategy et les services de l’Access Centre sont gérés en commun par les ministères provinciaux et fédéraux. La fourniture des services est généralement financée au niveau fédéral et gérée au niveau provincial, mais une collaboration plus grande est nécessaire. Des allocations de transport sont également fournies par différentes sources et ministères et le budget opérationnel du Centre est alloué conjointement par des sources fédérales et provinciales. D’autres financements communs sont consacrés au personnel et aux programmes d’aide. Input Le Secrétaire fédéral (Formation et jeunesse) et le Premier ministre du Nouveau-Brunswick ont soutenu l’approche intégrée. D’autres ministères les ont rejoints, avec un financement supplémentaire provenant de la Youth Strategy. D’autres programmes ont été mis en place, notamment le programme de prospection des carrières et préparation à l’emploi. Sa mission consiste à fournir une préparation à la vie quotidienne, une aide à l’orientation professionnelle et à aider les jeunes à progresser dans leur parcours scolaire via un programme de financement pour la formation provenant de la Youth Strategy. A Woodstock, le volet scolaire n’est pas financé au niveau fédéral. Le ministère du Solliciteur général a reçu des fonds destinés aux détenus, et le ministère de l’Éducation un financement pour les travailleurs sociaux au sein des établissements scolaires. Aujourd’hui, participent également au processus le ministère de la Santé et des Services communautaires, les services de conseil aux indigènes, les services de consultation destinés aux toxicomanes et aux alcooliques, et les programmes de maintien des jeunes à l’école. Fonctionnement L’organisation est assurée en grande partie par les ministères directeurs ainsi que par les bureaux centraux et régionaux. Au niveau local, des comités ont pour mission d’évaluer les propositions soumises par des groupes de gestion ou des équipes de professionnels. Les décisions de financement relèvent de l’organisme qui reçoit le budget. Une participation plus importante des organisations privées à but non lucratif destinées aux jeunes et des travailleurs de terrain au processus décisionnel est souhaitable. De l’avis général, la gestion n’est pas en adéquation avec les besoins des jeunes tels qu’ils sont répertoriés par les professionnels de terrain. 215 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE Les stratégies de mise en œuvre englobent une large panoplie d’actions, allant de la consultation publique à l’utilisation des dossiers d’archives. Le service a été réexaminé et réévalué et des modifications ont été suggérées. Elles sont en suspens jusqu’à la restructuration de la Youth Strategy. Les stratégies les plus efficaces pour le développement de l’approche d’intégration des services sont les consultations avec les parties intéressées, les demandes de financement autres que la Youth Strategy pour des services non fournis précédemment, la promotion, au niveau central et régional, de la Youth Strategy, et le partage de l’expérience au niveau de la gestion locale. Parmi les obstacles, on peut citer les méthodes de gestion traditionnelles, la crainte de devoir partager son pouvoir décisionnel et son champ d’action, les différences au niveau des mandats, et les divergences d’opinion quant à l’importance de l’éducation pour l’emploi des jeunes. Les conseillers cherchent à ouvrir des horizons aux jeunes et les encouragent. Ils tirent profit du partage de l’information avec les autres professionnels et du développement de programmes individuels. La communauté et le secteur privé sont favorables à l’intégration mais leur soutien financier est encore très faible. L’aide prend le plus souvent la forme d’une expérience professionnelle proposée aux jeunes et de programmes de formation directe, pour lesquels les clients reçoivent une compensation financière. Effets L’intégration des services permet de mieux connaı̂tre les besoins des jeunes, de rénover les services, et de mettre en place une aide à l’éducation plus conséquente. D’une manière générale, on constate une meilleure compréhension des responsabilités et des contributions des différents ministères. Par ailleurs, certaines approches ont pu être testées et sont aujourd’hui appliquées. Les avantages escomptés sont très divers : une efficacité accrue dans la fourniture des services, une continuité des services aux clients dans leur transition entre l’école et le monde du travail, la valorisation de la méthode fondée sur les conseils individualisés, un point d’accès unique pour l’ensemble des services. Il est également souhaité que l’évaluation des besoins conduise à la conception de programmes individuels, que les informations relatives au marché du travail permettent d’orienter la formation de façon cohérente, que moins de jeunes passent entre les mailles du filet, que davantage puissent rester à l’école et que les conseillers d’orientation soient plus nombreux au sein et hors des établissements scolaires. Peu de conséquences négatives ont été mentionnées. L’information des clients est très importante. Les renseignements les plus personnels sont gardés confidentiels et uniquement archivés sur papier, le reste des informations étant archivées sous la forme de fichiers informatiques dans le système de gestion informatisée auquel ont accès les directeurs régionaux et les responsables de l’administration centrale. Des statistiques sont communiquées régulièrement au Comité de gestion (LDMC). La confidentialité est une question cruciale pour les services de conseil. Cependant, le partage de l’information étant l’une des caractéristiques de la Youth Strategy, le problème ne se pose pas. Les résultats de cette nouvelle approche au niveau de la clientèle sont très divers. Les cinq dernières années ont été marquées par une transition d’une situation caractérisée par un haut niveau de scolarisation et un faible niveau de services voués à la formation et à l’emploi, vers un plus grand nombre de clients ayant suivi une formation mais nécessitant des services d’aide à l’emploi. Ainsi, il semble que les jeunes obtiennent le niveau de qualification, de formation professionnelle et les conseils d’orientation professionnelle nécessaires pour accéder à l’emploi. Néanmoins, les résultats actuels en terme d’emplois ne sont pas satisfaisants, dans la mesure où les services d’aide de Woodstock ne sont pas adaptés dans ce domaine. Cependant, les nouveaux clients sont le plus souvent envoyés par les jeunes eux-mêmes, ce qui constitue sans doute la preuve de la réussite du Centre. Probation 216 Le programme de probation prend la forme d’une association provinciale statutaire, basée à Woodstock. Le service de Woodstock représente 6 pour cent des prestations du programme sur Partie I : CANADA l’ensemble de la province, avec un budget annuel de 180 000 dollars canadiens. Le bureau de probation aide la justice en menant des enquêtes, en produisant des rapports écrits et en assurant l’exécution des décisions judiciaires. Le conseil et la surveillance des clients font également partie des services offerts et peuvent se faire à domicile. Le service de probation consulte le ministère de la Santé et des Services communautaires, le service de santé mentale, les écoles, les foyers d’accueil, ainsi que l’Access Centre, pour faire exécuter les décisions de justice ou formuler des recommandations pour sanctionner tel ou tel délit. C’est donc le service de probation qui conduit ces activités. Il existe peu d’interactions avec les autres services en termes de formation et de partage de l’information. Des réunions sont périodiquement organisées avec d’autres prestataires comme les Access Centre. Le ministère de la Santé et des Services communautaires participe également au processus. Il met à disposition des foyers d’accueil pour les jeunes placés en milieu ouvert. Les clients bénéficient des services d’autres organismes, notamment des services de santé mentale, des écoles, du ministère de la Santé et des Services communautaires et des Access Centres. Les autres ressources ne sont pas partagées de façon permanente mais peuvent être utilisées lorsque le besoin s’en fait sentir. Des réunions de suivi sont également organisées de façon ponctuelle. Ces réunions et la communication accrue aident à la mise en place des services intégrés. Cependant, la résistance de certains responsables, notamment au niveau du centre de santé mentale, qui ne souhaitent pas fournir de services aux délinquants, fait naı̂tre l’idée d’une fourniture en double de ces services. Quoi qu’il en soit, les organismes coopèrent les uns avec les autres, on note une amélioration de la qualité des services, de la communication et des relations entre les professionnels, ainsi que du partage des compétences et de l’efficience. Quelques problèmes de confidentialité existent, mais ils ne sont pas insurmontables. Néanmoins, certains organismes sont très attachés à leur territoire d’action, ce qui peut parfois générer des conflits. Les dossiers des clients sont conservés sur papier et comportent les informations relatives à l’environnement familial, aux antécédents médicaux, à la scolarité, à l’emploi, à la consommation de drogue, à la situation financière et aux antécédents judiciaires. Ces informations sont partagées selon les besoins. Les clients mis à l’épreuve semblent réagir de façon positive, bien qu’il n’existe pas d’informations statistiques à ce propos. Selon le personnel interrogé, la plupart des jeunes ne récidivent pas. CONCLUSION La province canadienne du Nouveau-Brunswick a pris conscience que les autorités chargées de l’éducation ne pouvaient pas, à elles seules, garantir la réussite scolaire des élèves à risque. Une approche holistique a donc été mise en œuvre, regroupant un grand nombre d’acteurs, notamment les services de l’éducation, de la santé, de la protection sociale, de l’aide au revenu et de la recherche d’emploi, ainsi que des ressources locales et fédérales, dans le cadre d’efforts concertés en faveur des enfants d’ âge pr éscolaire, des enfants d’ âge scolaire et des jeunes en phase d’insertion professionnelle. A Woodstock, du moins, cette évolution permet de faire évoluer les méthodes de travail des services, en encourageant une plus grande réaction vis-à-vis des besoins des élèves et des familles. Administrateurs, professionnels, parents et élèves reconnaissent généralement l’efficacité de cette initiative. Cependant, il est évident qu’il reste beaucoup à faire, en particulier pour faire participer plus pleinement la communauté, notamment à travers la création d’opportunités d’emplois. Des services d’aide compétents destinés aux écoles, aux enseignants, aux élèves et aux familles ont fait leur apparition, via un modèle de résolution des problèmes qui repose sur le partage de l’information et des compétences, en vue d’atteindre les objectifs définis. Il est clair que des réformes aussi étendues et efficaces sont le fruit d’un engagement collectif – législateur, décideurs, hommes de terrain, associations – et durable. La réussite de l’intégration scolaire des élèves présentant des incapacités est directement le résultat de cette approche, qui pourrait donc servir à lutter plus généralement contre l’exclusion sociale. 217 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE RÉFÉRENCES DILWORTH, C., SANFORD, S. avec la participation de CHRISTIE, M. et QUIGG, D. (1994), Services de soutien à l’éducation (SSE), Phase I : projet d’évaluation ; Section II : relevé du nombre de cas, Division de la Planification et de l’Évaluation, ministère de la Santé et des Services communautaires, Nouveau-Brunswick. DINGWALL, A. (1994), communication personnelle. LOI SCOLAIRE DU NOUVEAU-BRUNSWICK (1973), R.S.N.B, Nouveau-Brunswick. LOI SUR LES SERVICES A LA FAMILLE (1973), élargie en 1995, R.S.N.B, Nouveau-Brunswick. LAPOINTE, R. (1994), Services de soutien à l’éducation (SSE), Projet d’évaluation, Phase II : perception de l’efficacité, Division de la planification et de l’évaluation, ministère de la Santé et des Services communautaires, NouveauBrunswick. MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES COMMUNAUTAIRES (1993), Sommaire des initiatives pour la petite enfance, travail en collaboration entre la Division des Services médicaux et de l’hygiène publique et la Division de la famille et des Services sociaux, ministère de la Santé et des Services communautaires, Nouveau-Brunswick. MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES COMMUNAUTAIRES (1994), « Services destinés aux adolescents à risque (STAR) », projet de normes, Division famille et services sociaux communautaires (FSSC) du ministère de la Santé et des Services communautaires, Nouveau-Brunswick, document ronéotypé. NOUVEAU-BRUNSWICK (1984), « Document de travail sur les services de soutien à l’éducation, Cabinet de la réforme gouvernementale », Nouveau-Brunswick (cité dans Nouveau-Brunswick, 1993). NOUVEAU-BRUNSWICK (1993), Support Services to Education – Programme Service Standards, ministère de l’Éducation/ ministère de la Santé et des Services communautaires, Student Services Branch (Division anglophone), NouveauBrunswick, septembre. PLUMMER, G. (1992), « Stratégie jeunesse/L’école avant tout » (bilan), ministère de l’Éducation (Division anglophone), Nouveau-Brunswick, document ronéotypé. PLUMMER, G. (1993), « Peer tutoring programmes – an overview », Nouveau-Brunswick, document ronéotypé. RANKINE, F. et PLUMMER, G. (1990), « Youth strategy activities », ministère de l’Éducation (Division anglophone), Nouveau-Brunswick, document ronéotypé. SYSTÈME RPSS (1992/93), Statistiques du programme de la Division famille et services sociaux communautaires. WOODSTOCK (1991), « Weighing the options : students at-risk and school success, School Districts 28 and 29 dropout research study », Woodstock, Nouveau-Brunswick, document ronéotypé. WOODSTOCK (1992), « Schooling and at-risk youth : Strategies and actions », Summary report on recommendations from six seminars on the educational issues related to students at risk, School Districts 28 and 29 Woodstock N.B. and School Districts 30 and 31 Perth-Andover, N.B, Woodstock, Nouveau-Brunswick, document ronéotypé. 218 4 ÉTATS-UNIS Les études de cas qui suivent décrivent des exemples des meilleures pratiques dans le domaine des services intégrés au Missouri, à New York et en Californie. L’accent est mis sur des programmes locaux ciblant les enfants à risque. Les États-Unis sont un cas intéressant à analyser car le gouvernement fédéral, les autorités des États et les organisations communautaires participent tous à l’élaboration de programmes intégrés. Dans la mesure où les études de cas américaines se penchent sur les services intégrés dans différents États et différentes municipalités, le gouvernement fédéral, qui chapeaute l’ensemble, n’est pas pris en compte avec autant d’attention. En effet, son action est analysée à part, dans un autre document intitulé Des services efficaces pour les enfants et familles à risque (OCDE, 1996). Cependant, afin de placer les initiatives des autorités des États et locales dans un contexte national plus large, la présente contribution décrira brièvement les mesures fédérales destinées à promouvoir l’intégration des services pour les enfants à risque. Depuis plus de 30 ans, le gouvernement fédéral met en œuvre des mesures qui encouragent, directement ou indirectement, l’intégration des services. Ces dernières années, plusieurs grands programmes ont été introduits en vue de promouvoir l’intégration dans les différents États américains (de plus en plus autonomes). Ainsi, le Programme Empowerment Zone and Enterprise Community a été lancé en 1993 dans le but de revitaliser les communautés via la création d’emplois. Pour pouvoir bénéficier d’un financement dans le cadre de ce programme, les communautés doivent présenter un plan d’amélioration des conditions socio-économiques locales qui repose sur la participation d’un vaste ensemble d’organisations et d’individus, et notamment les autorités des États et les autorités locales, les milieux d’affaires et les établissements financiers, les groupements de proximité et les résidents. Les fonds (environ un million de dollars au total) versés aux Empowerment Zones et aux Enterprise Communities retenues peuvent être consacrés à la prévention et au traitement de l’alcoolisme et de la toxicomanie, à la formation et l’emploi des adultes, à des dispositifs encourageant l’accès à la propriété ou encore à des services extrascolaires fournis par des organisations d’intérêt collectif. C’est également en 1993 que le gouvernement fédéral a introduit le programme de préservation et de soutien de la famille (Family Preservation and Family Support) afin d’inciter et de permettre aux autorités des États de créer, de développer ou de faire fonctionner des services encourageant et aidant les familles à risque ou en crise à rester ensemble. Une enveloppe budgétaire de 900 millions de dollars sur cinq ans a été accordée à cet effet. Le ministère de la Santé et des Affaires sociales a toutefois promis de fournir un financement supplémentaire, dont le montant est laissé à sa discrétion, aux autorités des États et aux communautés qui intègrent des services d’obstétrique, de consultation infantile et de santé mentale dans leurs programmes de soutien et de protection des familles, et donc encouragent l’intégration des services. En 1994, la Loi Goals 2000 a été adoptée aux États-Unis. Elle définit, pour la première fois, des normes nationales fondées sur le libre choix concernant le contenu des programmes scolaires et les résultats dans le domaine éducatif. Goals 2000 encourage l’intégration en indiquant qu’il faut impérativement élaborer des programmes d’amélioration de l’école au niveau des États, en créant un vaste groupe de travail spécialement à cet effet, constitué du Gouverneur et de l’administrateur général des établissements d’enseignement au niveau des États, des personnels de l’éducation, à tous les niveaux, de représentants des parents et des communautés, ainsi que des représentants des autorités des États et des autorités locales chargées notamment de la santé et des services sociaux. De plus, ces 219 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE programmes d’amélioration doivent décrire des mécanismes permettant de coordonner la réforme scolaire et les programmes d’ouverture de l’école sur le monde du travail et de formation professionnelle, ainsi que des stratégies destinées à accroı̂tre la participation de la communauté. Enfin, la Loi École-entreprise, promulguée en 1994 et appliquée conjointement par les ministères de l’Éducation et du Travail, vise à promouvoir des partenariats entre les établissements d’enseignement, les entreprises et d’autres structures afin de faciliter la transition de l’école à la vie active. Au niveau des États, le Gouverneur, l’administrateur général des établissements d’enseignement au niveau des États et les responsables des organismes publics chargés de la formation professionnelle, de l’emploi, du développement économique, de l’enseignement complémentaire et d’autres domaines connexes sont tenus de collaborer dans le cadre de la planification et de l’élaboration d’un dispositif école-entreprise. Les études de cas qui suivent exposent certains aspects de la législation fédérale (y compris ceux qui viennent d’être décrits), même si toutes les références seront résolument ancrées dans le contexte des activités au niveau des États ou des municipalités. 220 Partie I : ÉTATS-UNIS MISSOURI L’INTÉGRATION DES SERVICES PAR LE BIAIS D’UN PARTENARIAT ENTRE LE SECTEUR PUBLIC ET LE SECTEUR PRIVÉ par Philippa Hurrell et Richard Volpe INTRODUCTION Les États-Unis sont une démocratie libérale avec une idéologie populaire dominée par les notions d’intervention limitée de l’État, de liberté individuelle et d’autosuffisance. Ce type particulier de libéralisme marque profondément les institutions américaines et joue un rôle important dans la définition de la fourniture de services sociaux, sanitaires et éducatifs aux États-Unis. Plus spécifiquement, il aboutit à des services caractérisés par une faible participation de l’État fédéral et des États et une participation significative des organismes privés. L’individualisme libéral américain a également créé une société dans laquelle opportunités et « réussite » cohabitent avec aliénation et « échec ». Dans ces conditions, comme dans le reste du monde, il existe un fossé considérable, qui ne fait que se creuser, entre les riches et les pauvres. En 1990, plus de 20 pour cent de tous les enfants américains vivaient dans la pauvreté. Aujourd’hui, un très grand nombre d’enfants continuent de vivre dans des situations « à risque », menacés par des problèmes qui vont de la sous-alimentation à la violence des gangs et la toxicomanie. C’est en s’inscrivant dans un tel contexte que le présent document examinera les initiatives prises par les autorités locales et de l’État du Missouri pour fournir des services éducatifs, sanitaires et sociaux « intégrés » aux enfants et aux jeunes à risque ainsi qu’à leurs familles. De nombreux pays de l’OCDE considèrent l’intégration comme la stratégie la plus efficace pour répondre aux besoins des enfants tout en réduisant les coûts de la fourniture. Ce rapport aura pour objectif principal d’étudier par des exemples le fonctionnement des meilleures pratiques dans l’intégration des services, les barrières qui font obstacle à une coopération efficace et la manière dont se concrétisent les efforts d’intégration. Ce rapport se concentre sur les initiatives prises par l’État du Missouri et les autorités locales dans lesquelles la collaboration avec les autres organismes, les entreprises ou la communauté revêt une importance certaine. INITIATIVES DE L’ÉTAT DU MISSOURI Le Family Investment Trust est au premier plan des efforts déployés par le Missouri pour promouvoir l’intégration des services et constitue la principale voie de réforme du système. Créé en 1993 par décret (executive order) du Gouverneur du Missouri, ce trust est un partenariat mi-public mi-privé entre des fonctionnaires et des responsables du secteur privé chargés de mettre en place des systèmes de fourniture de services éducatifs, sanitaires et sociaux au sein de la communauté et permettant d’obtenir des résultats positifs et mesurables pour les familles et les enfants du Missouri. Le Gouverneur a choisi de ne pas placer ce Trust sous la tutelle du gouvernement de l’État du Missouri afin qu’il survive aux changements de majorité politique. Siègent au conseil d’administration du Trust quatre hauts fonctionnaires de l’État du Missouri : les directeurs des ministères de l’Éducation primaire et secondaire, de la Santé, de la Santé mentale et des Services sociaux ainsi qu’un groupe de chefs 221 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE d’entreprises et de personnalités de la société civile. En s’ouvrant à des fonctionnaires haut placés, le Trust espère faciliter la coopération entre les organismes de fourniture des services ainsi que des stratégies de financement visant à satisfaire aux besoins de la communauté. Le Trust a pour mission de susciter trois types de changements : – changer la manière dont les organismes répondent aux besoins des familles par la promotion du recours aux services préventifs axés sur les familles ; – changer la manière dont les décisions sont prises par la promotion d’un processus décisionnel de type participatif au niveau local, avec participation des secteurs public et privé ; – changer la manière dont l’argent est dépensé par la promotion du recours aux « dollars flexibles » pour améliorer les revenus des familles et réduire les tracasseries administratives qu’entraı̂ne le financement par les pouvoirs publics. Ce Trust élabore à l’heure actuelle une stratégie de fonctionnement à l’échelle de l’État du Missouri et un plan d’application de la législation fédérale sur la préservation et le soutien de la famille. Le principal objectif est de mettre en place un cadre visant à améliorer le revenu des familles, à identifier et promouvoir des stratégies de fonctionnement en collaboration et à développer les capacités au niveau de la communauté. Sur deux ans, quatre fondations ont versé au total près de 1 million de dollars pour le lancement de ce Trust. Bien qu’opérant à l’échelle de l’État du Missouri, ce Trust passe par divers organismes locaux de planification et de décision. Le Family Investment Trust est l’un des premiers catalyseurs du changement au niveau de l’État. Cependant, des actions dynamiques visant à améliorer les services éducatifs, sanitaires et sociaux sont également engagées au niveau local et au niveau des communes. Kansas City constitue peut-être l’exemple le plus important pour les activités au niveau des municipalités. Depuis cinq ans, cette ville déploie en effet tous ses efforts pour parvenir à son objectif déclaré de « réinventer le gouvernement » par diverses initiatives. INITIATIVES MUNICIPALES : KANSAS CITY LINC A Kansas City, la Commission locale des investissements (Local Investment Commission – LINC) constitue le principal moteur de la réforme des services éducatifs, sanitaires et sociaux. Il s’agit d’un groupe de chefs d’entreprise et de personnalités de la société civile, de professionnels des services sociaux, de participants à ces services et de simples citoyens chargés par le ministère des Services sociaux du Missouri de superviser la réforme du système de fourniture de services sociaux de la ville. Désignée en novembre 1992, cette commission (ou son comité de gestion) se compose de 23 profanes d’horizons très divers. Elle est épaulée dans sa mission par un « cabinet » composé de 15 professionnels lui apportant ses compétences techniques pour tous les aspects du système. Cette commission s’est dotée de sept groupes de travail chargés de planifier la réforme dans les domaines de l’aide aux enfants et aux familles, de la santé, de la réforme de la protection sociale, des services para- et périscolaires, du logement et de la sécurité, des entreprises et du développement économique et des personnes âgées. 222 LINC a pour ambition de créer une communauté ouvrant aux enfants et aux familles de véritables possibilités de parvenir à l’autosuffisance, de réaliser leur potentiel et de contribuer au bien-être collectif. LINC considère qu’elle doit jouer un rôle moteur et inciter la communauté de Kansas City à créer le « meilleur système » pour venir en aide aux enfants et à leurs familles, « faire en sorte que le système soit responsable de ses actions » et « changer l’attitude du public vis-à-vis du système » (Missouri Department of Social Services, 1994a, p. 1). Ses responsables sont persuadés qu’il faut tendre Partie I : ÉTATS-UNIS vers un système à la fois intégré et géré à l’échelon local. Le système que LINC envisage pour Kansas City se caractérise par : – une large palette de services de prévention, de traitement et de soutien accessibles et fournis dans le cadre d’une structure administrative avec un système conjoint de gestion des cas et de sélection des bénéficiaires ; – des méthodes garantissant que les services adéquats sont dispensés et ajustés à l’évolution des besoins des familles ; – une concentration sur la famille dans son ensemble comme participant, ressource et alliée du système ; – des efforts pour donner aux familles les moyens de l’autosuffisance dans une atmosphère de respect mutuel ; – une insistance sur les besoins des participants, les valeurs de la communauté et l’obtention d’améliorations mesurables pour les enfants et leur famille ; – des mécanismes de financement flexibles permettant une utilisation des ressources propre à satisfaire aux besoins des participants. Le directeur du ministère des Services sociaux du Missouri, Scott Best (pseudonyme), ayant fait de la Commission un « agent de l’État », LINC est habilitée à œuvrer à la réalisation de ces objectifs. Pour y parvenir, LINC recourt essentiellement à une stratégie de collaboration qui regroupe les partenaires au sein de la communauté pour élaborer des objectifs communs, planifier et mettre en œuvre conjointement les services, évaluer les procédures et services nouveaux, mettre en commun leurs ressources pour favoriser l’innovation, traiter les problèmes communs et déléguer la responsabilité de chacun pour les résultats de leurs efforts conjoints. La Commission a défini des grands principes pour orienter les travaux des groupes de travail. Ces groupes ont pour mission de développer des recommandations spécifiques pour la réforme de la fourniture des services. Leurs objectifs sont à l’heure actuelle les suivants : – Aide aux enfants et aux familles : Développer un système d’aide sociale à l’enfance intégré et fourni par une équipe dirigeante locale efficiente, résoudre le problème des ressources et mettre en place une structure de fourniture opérationnelle. – Santé : Faire le bilan du système actuel de fourniture de soins de santé pour identifier les populations non desservies et les obstacles à la fourniture des services, et concevoir un système efficace de fourniture de soins de santé pour les populations pauvres ou menacées par la pauvreté. – Réforme de la protection sociale : Développer un modèle d’autosuffisance de nature à être élargi, œuvrer à la diffusion des réussites avérées des programmes FUTURES et FUTURES CONNECTION et maximiser les opportunités présentées par l’initiative « Communautés du XXIe siècle » (21st Century Communities) (voir ci-dessous pour une description des programmes FUTURES et Communautés du XXIe siècle). – Services sociaux para- et périscolaires : Évaluer les besoins en vue de définir la base de la conception des services sociaux et médicaux pouvant être fournis aux enfants et à leurs familles de manière efficiente et accessible via le système scolaire existant. – Logement et sécurité : Développer des stratégies visant à accroı̂tre l’offre de logements confortables, financièrement abordables et sûrs, améliorer la sécurité dans les quartiers et appuyer le volet logement de l’initiative « Communautés du XXIe siècle ». – Entreprises et développement économique : Identifier les entreprises ayant la volonté de créer des emplois et de développer des opportunités de carrière dans les quartiers relevant de l’initiative « Communautés du XXIe siècle ». 223 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE – Personnes âgées : Développer un système d’aide aux personnes âgées, et, si nécessaire, de fourniture de soins de qualité dans des établissements spécialisés. Aider les familles et les proches à créer un environnement attentif et sûr pour les personnes âgées. Si la collaboration constitue une caractéristique définitoire de LINC, le charisme de ses responsables a joué un rôle de poids dans sa création et continue de déterminer dans une large mesure son succès. Scott Best, directeur des Services sociaux, et Harry Hamilton (pseudonyme), homme d’affaires en vue de Kansas City, sont les deux figures clés du développement de LINC. Harry Hamilton a apporté le concept LINC et Scott Best l’a officiellement mandaté pour lancer la réforme. Ces deux hommes œuvrent sans relâche à sa promotion. Ils sont les deux moteurs de LINC sans lesquels Kansas City n’aurait pas connu de réforme de fond. Ils mettent tous deux à profit leur pouvoir considérable pour amorcer le changement en vue d’un avenir meilleur. La rhétorique qui préside au développement de LINC est spectaculaire et enthousiasmante. Les ouvrages sur LINC mentionnent « une révolution tranquille mais saisissante dans l’administration des services sociaux », « une reconnaissance inédite du fait que la ville peut détenir elle-même la capacité de résoudre ses problèmes », et « une nouvelle ère dans laquelle les ressources publiques sont un catalyseur pour un changement radical, orienté vers l’avenir » (Missouri Department of Social Services, 1994b, p. 1). Cette approche dynamise et motive les responsables administratifs des services sociaux, les prestataires et la communauté. « Communautés du XXIe siècle » L’une des principales attributions de LINC consiste à gérer l’initiative « Communautés du XXIe siècle », à savoir une approche globale, sur dix ans, du développement des communautés urbaines à bas revenu. Un groupe de planification composé de représentants de trois groupes de travail LINC (Réforme de la protection sociale, Logement et sécurité, et Entreprises et développement économique) est chargé de l’élaboration du programme. Kansas City est le premier site pilote pour cette initiative. Elle sera mise en œuvre par des partenariats avec les pouvoirs publics, le secteur privé et les organismes communautaires opérant au niveau local. Les programmes qui ont d’ores et déjà des succès à leur actif, comme Head Start, FUTURES et FUTURES CONNECTION, ainsi que les services responsables de l’application de l’aide à l’enfance, seront regroupés dans le cadre de nouvelles initiatives dans les domaines de la création d’emplois, des compléments de salaire, des compétences professionnelles, de la disposition à l’apprentissage pour les enfants et du soutien aux familles et au quartier. Dans la perspective de la mise en œuvre de l’initiative « Communautés du XXIe siècle », une demande spéciale de dérogation fédérale a été déposée auprès du ministère de la Santé et des Services éducatifs, sanitaires et sociaux. Cette demande de dérogation vise à : – autoriser l’utilisation des subventions versées au titre de l’aide aux familles avec des enfants à charge (Aid to Families with Dependent Children – AFDC) à des fins de complément de salaire pour une durée pouvant aller jusqu’à quatre ans ; – autoriser les participants bénéficiant de compléments de salaires à accumuler un patrimoine pouvant s’élever jusqu’à 10 000 dollars pendant ces quatre années, qui seront destinés à des usages spécifiques, par exemple les études des enfants ou le lancement d’une entreprise ; – autoriser les participants bénéficiant de compléments de salaire à continuer de percevoir des avantages non salariaux, par exemple Medicaid, et des prestations pour la garde des enfants, pendant une durée pouvant aller jusqu’à quatre ans (cette mesure est considérée comme importante dans le cas des emplois ne fournissant pas de couverture) ; – autoriser les parents à recevoir des allocations familiales et à obtenir les prestations maximales lorsqu’ils occupent un emploi ouvrant droit à un complément de salaire. 224 L’octroi par le gouvernement fédéral de cette dérogation est vital pour la réalisation de l’objectif de redynamisation des communautés économiquement désavantagées. Il importe de noter que cette Partie I : ÉTATS-UNIS dérogation a été obtenue par les efforts (nécessairement) résolus de Scott Best, directeur des Services sociaux. Les activités proposées dans le cadre de cette initiative relèvent des grands domaines suivants : – Création d’emplois : Cette initiative vise à créer de nouveaux emplois dans les entreprises qui recrutent, qui seraient sinon parties s’installer à l’étranger, pour mettre en place des activités implantées dans la communauté. Un plan de complément de salaire par lequel les employeurs reçoivent une subvention couvrant la différence entre le salaire qu’ils versent et celui qu’ils verseraient s’ils étaient installés à l’étranger, permet aux personnes recrutées de percevoir un salaire acceptable et constitue une incitation à l’embauche. Les salariés y gagnent car ils continuent de bénéficier des prestations pour la garde des enfants et des prestations de santé que l’on perd normalement lorsqu’on est embauché. Pour éviter que les employeurs ne fassent une utilisation abusive de ces salaires subventionnés par l’État, les emplois avec complément de salaire sont conditionnés par la garantie des emplois non subventionnés qui donnent lieu à des salaires « normaux ». A cet égard, il convient de souligner que, dans la mesure où les salaires minimaux sont si faibles aux États-Unis, de nombreuses personnes occupant un emploi à temps plein vivent dans la pauvreté. Cette initiative a également pour ambition de fournir une formation aux techniques de gestion des entreprises et un parrainage aux personnes qui souhaitent créer leur propre affaire. – Formation professionnelle : Cette initiative a pour objectif de fournir des cours théoriques et une formation professionnelle de préparation à l’emploi. Ces activités seront coordonnées avec les programmes existants tels que ceux proposés par FUTURES et dans le cadre de la Loi sur le partenariat pour la formation professionnelle (Job Training Partnership Act). – Éducation : Cette initiative mettra en place une stratégie globale pour faire en sorte que tous les enfants soient en état d’apprendre lorsqu’ils entrent à l’école. Elle se concentrera sur les causes évitables de la diminution des capacités d’apprentissage, par exemple l’insuffisance pondérale à la naissance, l’exposition prénatale aux stupéfiants ou à l’alcool et la malnutrition, et sur les dépistages préventifs et les vaccinations. Cette initiative veillera également à mettre en place une gestion globale des cas afin de fournir une palette de services aux familles ayant des besoins multiples. En outre, elle fera en sorte que les écoles locales, les programmes Head Start et l’initiative Parents as Teachers constituent un réseau intégré apportant des services complets de développement pour les enfants d’âge préscolaire et scolaire. Le programme « Communautés du XXIe siècle » comprendra un volet d’évaluation important, destiné à déterminer avec certitude l’ampleur de ses effets. Une partie tierce, indépendante, évaluera son impact sur la population, les entreprises et l’infrastructure communautaire et procédera à une analyse des coûts par rapport aux avantages du point de vue des participants, des pouvoirs publics et des contribuables. Cette évaluation sera de type longitudinal. Comité consultatif FUTURES pour Kansas City Les efforts déployés pour « réinventer » le gouvernement à Kansas City ont en fait débuté en juillet 1989, lorsqu’un groupe de citoyens engagés et de représentants d’organismes locaux a élaboré, sous la houlette de Heart of America United Way, des recommandations pour l’application des dispositions de la réforme de la protection sociale contenues dans la Loi de 1988 sur l’aide aux familles. Deux années plus tard, en janvier 1991, le ministère des Services sociaux du Missouri a chargé le Comité consultatif FUTURES pour Kansas City de mettre en œuvre cette réforme. Ce comité a été invité à concevoir et superviser l’application du programme de formation « Opportunités d’emplois et compétences élémentaires » (« Job Opportunities and Basic Skills » – JOBS), instauré par la loi sur l’aide aux familles, dans les trois comtés autour de Kansas City. En pratique, FUTURES constitue l’initiative « JOBS pour le Missouri », avec pour objectif premier d’aider les personnes à parvenir à l’autosuffisance économique. Fait significatif, c’est le succès du comité consultatif de FUTURES qui a conduit Scott Best, directeur du ministère des Services sociaux, à croire qu’une organisation plus étendue, consacrée à la 225 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE 226 coopération entre le secteur public et le secteur privé, avait toutes les chances de fonctionner. C’est à partir de cette idée qu’a été créée LINC, qui incarne nombre des principes et méthodes de travail du comité consultatif. Une fois LINC mise sur pied, le rôle du comité consultatif a été intégré à celui du Comité de réforme de la protection sociale de LINC (qui travaille également à l’initiative « Communautés du XXIe siècle »). LINC est ainsi devenue le « bébé » qui s’est développé à partir de « l’embryon » qu’était le comité consultatif FUTURES. Les clients exclusifs du programme FUTURES sont les membres adultes des familles qui reçoivent l’aide aux familles avec des enfants à charge (AFDC). Ce programme leur propose des cours et des formations professionnelles pour les préparer à l’emploi. Il fonctionne grâce à la coordination entre différents organismes publics opérant au niveau de l’État – dans les domaines de l’action sociale, de l’éducation primaire et secondaire, des relations entre partenaires sociaux, du développement économique et de la santé mentale – qui gèrent des différents volets du programme. Les cours habituels sont des cours d’éducation élémentaire pour adultes, des cours d’anglais langue étrangère, des cours d’éducation post-secondaire, de la formation professionnelle, de la formation de préparation à l’emploi, de l’aide à la recherche d’emploi, de la formation en entreprise, des expériences de travail communautaire et des expériences du monde du travail non conventionnel. Afin de lever les obstacles à l’application des programmes, les participants sont en droit de recevoir une aide de base, concernant par exemple la garde de leurs enfants, les transports, les frais engagés pour la formation et le programme Medicaid. Le programme FUTURES pour Kansas City compte parmi les nombreuses initiatives JOBS qui ont été mises en œuvre dans tous les États-Unis. Cependant, il présente ses caractéristiques propres et se décrit lui-même comme « un écart par rapport à la manière dont l’État du Missouri gère les programmes éducatifs, sanitaires et sociaux mandatés au niveau fédéral ». Ce programme présente les caractéristiques énoncées ci-après. Participation de la communauté : Contrairement à bon nombre de programmes FUTURES, ce programme est destiné à favoriser la participation de la communauté locale et du secteur privé. Il est « géré localement » et a été qualifié de « réponse de la base aux pouvoirs publics à la réponse des pouvoirs publics à la base » (Missouri Department of Social Services, 1994c, p. 1). En d’autres termes, il représente l’engagement de la communauté aux objectifs fixés par les pouvoirs publics et la volonté des pouvoirs publics de déléguer certaines de leurs attributions à la communauté. Ce programme a été élaboré par six sous-comités, présidés par les membres du comité consultatif mais comprenant également des représentants du secteur privé et du secteur public apportant des compétences spéciales. Approche de la fournitures de services : Ce programme applique des principes spéciaux à la fourniture des services sociaux. Ces valeurs ont été communiquées au personnel de la division des services familiaux (ministère des Services sociaux) qui met en œuvre ce programme et qui constitue un partenaire important au niveau de l’État pour la fourniture des services. Les personnes chargées de la gestion des cas sont appelées « avocats » et les destinataires des services sont les « participants ». Ces appellations rendent le jargon de la fourniture de services sociaux moins péjoratif et plus facilement acceptable, alors qu’à l’échelle nationale, le recours aux services sociaux est mal considéré. Ce programme utilise également un système particulier de gestion des cas, conçu par l’Université du Kansas, et que l’on appelle « modèle des points forts ». Ce modèle se concentre sur les points forts et les objectifs des participants dans tous les aspects de leur vie. Les services sont fournis localement, dans un cadre convivial accessible aux participants, qui n’ont plus besoin de se rendre dans des administrations éloignées de leur domicile (et souvent intimidantes). Collaboration : Le programme FUTURES de Kansas City insiste sur la collaboration avec les partenaires du secteur public et du secteur privé. Des partenariats spéciaux ont été mis en place avec les organismes suivants : le Conseil pour le plein emploi, les programmes Adult Basic Education (éducation élémentaire pour les adultes) dans quatre districts, Employment Security (sécurité de l’emploi), le Centre de bilan professionnel et de planification des carrières (Career Exploration and Assessment Centre – Penn Valley Community College) et le réseau pour l’emploi des femmes (Women’s Employment Network). Par leur participation à un sous-comité spécial, ces organismes ont pris part à l’élaboration initiale du programme et continuent de contribuer à son amélioration. Ce programme Partie I : ÉTATS-UNIS essaie de tirer parti de leurs services plutôt que de les dupliquer, et de combler toutes les lacunes dans leur fourniture. L’augmentation du nombre des cours d’éducation élémentaire pour les adultes, avec des ateliers sur l’éducation des enfants, l’autonomie dans la vie quotidienne, la planification des carrières et les conseils de consommation, en constitue un exemple type. Participation du secteur privé : Le secteur privé est bien représenté au sein du comité consultatif et de ses sous-comités. La décision de l’Assemblée générale du Missouri de sous-traiter de nouveaux services plutôt que d’élargir les services existants a encouragé, et même nécessité, la participation du secteur privé. En conséquence, le comité consultatif a rendu public un « appel à candidatures » et adjugé des contrats de « direction des programmes FUTURES complets » à cinq organismes privés. Cette mesure visait à mettre au banc d’essai la « privatisation » d’un programme jusqu’alors géré par l’État. La rémunération de ces organismes est fonction des résultats, et les performances sont comparées à celles des programmes administrés par l’État du Missouri. Programme axé sur les résultats et la responsabilité : Outre les mesures des résultats commandées par le gouvernement fédéral, qui portent sur les taux de participation et les catégories de personnes servies, Kansas City a défini des mesures supplémentaires réalisées pour son propre compte. Ces mesures portent sur les résultats scolaires, les pourcentages de formations menées à terme, les taux de salaires de ceux qui trouvent un emploi et le nombre des personnes qui conservent leur emploi. En 1994, le gouvernement du Missouri a commandé une analyse statistique des résultats pour les participants de FUTURES (Missouri Department of Social Services, 1994d). Cette analyse a permis de déterminer que la participation au programme FUTURES augmentait les chances pour les individus de ne plus avoir besoin de l’AFDC pendant au moins douze mois. Le comité consultatif a également commandé une évaluation des procédures afin de définir les moyens d’améliorer le programme. Le succès, largement reconnu, de l’approche adoptée par Kansas City pour le programme FUTURES se reflète dans la reproduction de nombre de ses innovations dans tout l’État du Missouri. Cette attitude témoigne de la volonté du gouvernement de cet État de tirer les enseignements au niveau local et d’implanter ailleurs les « bonnes idées ». Le Partenariat pour les enfants Contrairement à LINC, à l’initiative « Communautés du XXIe siècle » et à FUTURES, qui sont par essence des initiatives du secteur public avec une forte participation du secteur privé, le Partenariat pour les enfants (Partnership for Children) est avant tout une initiative du secteur privé. Développé par Heart of America United Way et la Greater Kansas City Community Foundation, ce programme de dix ans, mis en place en 1991, vise « à améliorer les conditions de vie des enfants en mobilisant les personnalités disposant d’un certain pouvoir au sein de la communauté et en leur demandant d’œuvrer en leur nom » (Partnership for Children, 1993, p. 1). Le comité directeur du Partenariat pour les enfants est composé de représentants des conseils d’administration des deux organismes qui lui ont donné le jour, ainsi que des représentants de la communauté. Chaque année, afin de stimuler l’action communautaire, le Partenariat produit un bulletin annuel sur la situation des enfants dans l’agglomération de Kansas City. En 1993-94, ce bulletin a attribué la note D+ à Kansas City (qui correspond à « gravement insuffisant »), soit une stagnation par rapport à 1992. Cependant, il a également fait état d’une forte réaction de la communauté suite au bulletin publié pour l’année 1992, ce qui a provoqué des améliorations dans certains domaines clés tels que les vaccinations, la garde des entants et la pauvreté. L’un des éléments les plus importants de ce bulletin annuel est le tableau récapitulatif des performances de l’agglomération de Kansas City dans chacun des quatre domaines de référence : sécurité, santé, éducation et adolescents. Ce tableau indique les notes pour 1992 et 1993-94 dans chacun de ces domaines et les tendances sur les cinq dernières années, des comparaisons avec la moyenne nationale et les résultats obtenus par rapport aux objectifs fixés pour l’an 2000 (lorsqu’ils sont disponibles). Le tableau 1 fournit des informations immédiatement parlantes, et remplit donc bien la fonction pour laquelle il est conçu : « informer les citoyens sur les besoins des enfants ». 227 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE Tableau 1. Récapitulatif des performances de l’agglomération de Kansas City pour les enfants à risque (Partnership for Children, 1993, p. 12) Tendance sur cinq ans Moyenne nationale % de réalisation des objectifs pour l’an 2000 Sécurité Délinquance avec violence Mauvais traitement à enfant et négligence Aide aux familles avec des enfants à charge Aggravation Incomplète Incomplète Pire Pire ND ND ND ND Santé Premiers soins prénataux Insuffisance pondérale à la naissance Mortalité infantile Vaccinations Programme pour les femmes, les bébés et les enfants Amélioration Stabilisation Amélioration Incomplète Incomplète Mieux Pire Mieux Pire ND Dans Dans Dans Dans ND Éducation Disposition à la scolarité Résultats scolaires Études secondaires menées à terme Réussites post-secondaires Incomplète Amélioration Aggravation Incomplète ND Mieux Mieux ND Incomplète ND Dans les 11-24 % ND Adolescents Naissances Alcoolisme et toxicomanie Homicides Aggravation Amélioration Aggravation Pire Pire ND Dans les 25-49 % Plus de 74 % ND Catégorie les les les les 10 % 25-49 % 25-49 % 50-74 % Note : ND = Données non disponibles pour les États-Unis ou les objectifs pour l’an 2000. Incomplète = données non disponibles pour l’agglomération. C’est en collectant ce type de données détaillées sur l’agglomération de Kansas City que le Partenariat pour les enfants est parvenu à obtenir un soutien significatif de la part de la communauté. Il importe de souligner que cette tâche a été facilitée par le sens exacerbé de la communauté et de la responsabilité collective qui prévaut à Kansas City, bien qu’il s’agisse d’un milieu urbain. INITIATIVES MUNICIPALES : ST LOUIS Les efforts de la municipalité pour intégrer les services éducatifs, sanitaires et sociaux sont bien moins développés à St Louis qu’à Kansas City. En réalité, aucun de ces efforts n’a été porté à notre attention. L’un de nos interlocuteurs a attribué cette absence à la nature plus conservatrice de St Louis et du moindre intérêt dont témoignent ses milieux d’affaires à l’égard d’une participation aux services sociaux fournis par le secteur public. L’administration des services intégrés Afin d’étudier la nature de la stratégie mise en place dans le Missouri, cette étude de cas s’est concentrée sur LINC, soit le moteur de l’organisation des services éducatifs, sanitaires et sociaux à Kansas City. Il s’agit peut-être aussi du meilleur exemple de collaboration entre secteur privé et secteur public dans le Missouri pour répondre aux besoins des enfants et des familles à risque. Nous avons évoqué plus haut la structure et les objectifs généraux de LINC, et les paragraphes qui suivent fournissent davantage de détails, particulièrement en ce qui concerne les procédures qui ont permis le succès du fonctionnement de LINC. L’instauration de LINC 228 LINC a été instaurée grâce à la collaboration de deux personnalités importantes au sein de la communauté : Scott Best, pour le secteur public, et Harry Hamilton, pour les milieux d’affaires. Au cours Partie I : ÉTATS-UNIS des phases initiales, ces deux hommes ont œuvré sans relâche à la promotion du concept de LINC et à l’obtention de la participation du secteur privé. Scott Best estimait que les services sociaux publics devaient jouer un rôle central dans la coordination des services sociaux privés, mais aussi leur apporter un soutien financier. Il estimait également que la communauté devait jouer un rôle dans les prises de décisions stratégiques. Dans ses efforts pour l’instauration de LINC, il a considérablement insisté sur la participation des entreprises, pensant que s’il parvenait à obtenir que ces dernières consacrent du temps à ce projet et le soutiennent, « l’argent suivrait ». Pour y parvenir, il a appelé les entreprises à l’improviste et a été accueilli par une volonté générale de coopérer. Son tour de force a été de convaincre les propriétaires d’une importante entreprise locale de participer. On considérait que ces deux hommes « avaient le bras long » et « savaient prendre les choses en mains ». La mise en place de LINC n’a pas été facile. Pour réaliser son objectif, Scott Best a dû opter pour une démarche très politique, il a « pris des coups » et a dû admettre les conséquences juridiques des actions en lesquelles il croyait. Il a également encouragé les autres à partager ses convictions par des descriptions et des discours persuasifs sur ce que LINC devait être. L’un de nos interlocuteurs nous a par exemple raconté que Scott Best avait l’habitude de déclarer « notre défi, c’est d’être suffisamment audacieux, notre défi, c’est de prendre des risques ». Mentionnant les qualités de meneur d’hommes de Scott Best, ce même interlocuteur nous a indiqué qu’il « avait de l’entregent », « savait très bien mettre les choses en perspectives » et « se trouvait au bon endroit au bon moment ». Harry Hamilton, septuagénaire, est président de sa propre société. C’est lui qui a imaginé de faire participer la communauté à l’organisation des services sociaux, et, comme Scott Best, il a joué un rôle moteur dans le développement de LINC. Pour convaincre les entreprises de participer au projet, il a su tirer parti de sa position dans la communauté et du respect qu’il inspirait. Il avait aidé plusieurs personnes à se sortir de situations difficiles, et a donc pu demander « qu’on lui renvoie l’ascenseur ». Il a contacté les entreprises pour leur présenter le projet LINC. En conséquence, plusieurs personnalités des milieux d’affaires font aujourd’hui partie du conseil d’administration des organismes concernés et prennent leur mission très à cœur. Harry Hamilton considère que leur participation relève d’un altruisme authentique : « Ils ne pensent pas à ce qu’ils peuvent en retirer, mais à ce qu’ils peuvent apporter à la communauté ». Il interprète également cette participation en termes éthiques : « il faut être au-dessus de la mêlée » et « faire ce qui est bien moralement ». L’une des principales préoccupations de Harry Hamilton consistait à instaurer de bonnes relations avec les autres organismes. Il ne voulait pas que LINC soit considérée comme un nouveau venu importun. Il a donc également présenté son projet à divers organismes, y compris la puissante United Way, en insistant sur le fait que LINC souhaitait collaborer avec eux, ne créerait pas de nouvelles agences et ne devait pas être considérée comme un concurrent. En conséquence, LINC a été acceptée presque immédiatement, mais, comme Harry Hamilton avait l’habitude de dire, c’était parce qu’il avait fait « son travail ». Il a également établi des contacts avec des groupes au sein de la communauté pour les encourager à participer au projet. La communauté hispanique de Kansas City, dans un premier temps plutôt surprise d’être sollicitée, constitue un exemple type. En effet, l’un de ses membres a déclaré « après toutes ces années passées sans nous adresser la parole, pourquoi nous parler maintenant ? ». Harry Hamilton a réussi à surmonter ce scepticisme de départ, et la communauté hispanique est aujourd’hui représentée au sein de la commission. Ressources LINC est à la tête d’un budget total de 273 millions de dollars, comprenant à la fois les fonds fournis par l’État fédéral et ceux alloués par l’État du Missouri. Cet argent provient de nombreuses sources différentes, posant diverses conditions pour son utilisation. Cependant, LINC s’efforce d’accroı̂tre la flexibilité dans l’affectation des fonds, ce qui devrait se répercuter sur le budget 1995. Les ressources financières considérables de LINC sont complétées par le travail bénévole que réalisent de nombreuses personnes appartenant à la communauté au sein de ses groupes de travail. 229 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE Structure et procédures mises en œuvre par LINC L’organigramme de LINC est habituellement appelé le « mille-pattes ». La commission, qui chapeaute la hiérarchie, est composée de divers représentants de la communauté. Intentionnellement, la commission ne compte aucune figure politique, pour éviter les perturbations liées aux changements de majorité politique et les prises de décisions motivées par le clientélisme. Un cabinet de professionnels, qui sont consultés régulièrement, travaille en étroite collaboration avec la commission. Comme nous l’a dit l’un de nos interlocuteurs, « dans une certaine mesure, les profanes ne comprennent pas bien comment le système fonctionne », par conséquent, ils ont besoin de l’avis d’un expert pour orienter leur décision. Cependant, le fait que la commission reste strictement composée de non professionnels est considéré comme essentiel car il évite les rivalités liées aux intérêts des différentes disciplines. Les activités dans les domaines spécifiques sont réparties en sept grands groupes de travail. Dès le début, ces groupes ont eu toute liberté pour faire « quelque chose de différent », aussi rapidement qu’ils le souhaitaient. Si ce degré de liberté a nécessité certains « ajustements pénibles des mentalités », certains des groupes de travail ont été rapides comme l’éclair, et d’autres ont fait des avancées significatives. Facteurs favorisant la collaboration La collaboration a été facilitée par le fait que de nombreuses personnes affectées aux services sociaux de LINC avaient travaillé ensemble pendant 15 ou 20 ans. Si Kansas City est surtout un centre urbain, la mobilité professionnelle y est relativement faible dans de nombreux secteurs. Par conséquent, les services sociaux y favorisent des relations proches de celles que l’on peut observer dans une grande famille. Résultats Selon Harry Hamilton, LINC a de nombreuses réalisations à son actif : le personnel affecté aux services sociaux a « déployé ses ailes », « les fers ont sauté » et « il s’est libéré ». Les aspects politiques de l’organisation des services ont été supprimés, et une « véritable gestion communautaire » s’est imposée. Les autres États témoignent d’un vif intérêt pour l’approche LINC, qui devrait être bientôt reprise à Kansas City, cette fois dans le Kansas. A ce jour, les résultats de LINC n’ont fait l’objet d’aucune évaluation formelle, même si une telle évaluation s’avère nécessaire. D’après nos contacts informels, il est clair, cependant, que LINC est parvenue à motiver et insuffler de l’enthousiasme dans la gestion des services sociaux de l’État du Missouri. INTÉGRATION DES SERVICES POUR LES ENFANTS D’ÂGE PRÉSCOLAIRE New Start (Kansas City) Situation générale 230 New Start a été développé par la Child Development Corporation (KCMC) qui est le bénéficiaire du programme Head Start à Kansas City. A la différence des programmes Head Start qui proposent des services à la demi-journée, New Start propose des services de garde d’enfants toute la journée et toute l’année. En partenariat avec d’autres organismes, par exemple FUTURES et le Conseil pour le plein emploi, il propose également des services éducatifs et d’emploi pour les parents. Ont droit à ce programme les familles à bas revenu qui travaillent, qui étudient ou qui prennent part à un programme de formation professionnelle. Il a pour objectif d’aider les familles à parvenir à l’autosuffisance par un emploi adéquat. Partie I : ÉTATS-UNIS Les sources de financement Les premiers fonds débloqués pour le programme New Start ont été apportés par diverses sources, fédérales, de l’État du Missouri et privées, y compris le Bureau fédéral des services pour le développement humain (US Office of Human Development Services), le ministère des Services sociaux du Missouri, KCMC, la Greater Kansas City Community Foundation et la Hall Family Foundation. Les fonds privés ont été consacrés à la formation du personnel, au recrutement d’un avocat spécialisé dans les affaires familiales et à la modernisation du centre d’apprentissage pour les enfants à l’aide d’un équipement à la pointe de la technique. Actuellement, le financement est assuré par Head Start, le ministère des Services sociaux et les parents. Procédure de fourniture des services Le Goppert Child Development Centre, à Kansas City, est l’un des organismes qui fournissent les services de New Start. Ce centre propose un service de garde et un service éducatif de grande qualité pour les enfants entre 6 h 30 et 18 h 00 (avec un maximum de dix heures par jour et par enfant). Le petit déjeuner, le déjeuner et le goûter sont offerts gratuitement à tous les enfants et un large éventail de services sanitaires, de soins dentaires et de santé mentale (dépistages, vaccinations et autres soins) sont également mis à leur disposition. Les parents sont incités à participer autant que possible aux activités éducatives, qui comprennent également des sorties au musée, au théâtre et au zoo. Ils sont également invités à apporter leur contribution à la planification des activités pédagogiques lors des réunions mensuelles des parents. Un avocat spécialisé dans les affaires familiales, qui a également une connaissance du travail social, est disponible pour aider les familles qui ont des problèmes d’ordre pratique, et, le cas échéant, les diriger vers les services compétents. Cet avocat peut également puiser dans un petit budget pour acheter de menus articles susceptibles d’améliorer la situation des familles : par exemple un réveil pour que les parents puissent arriver à l’heure au travail, ou encore de la lessive pour permettre à une mère de laver les vêtements que son enfant porte à l’école. Le centre Goppert peut offrir 100 places du programme New Start aux enfants défavorisés. Les enfants inscrits doivent respecter un taux d’assiduité d’au moins 85 pour cent. Selon l’un de nos interlocuteurs, la fréquentation de ce centre est très satisfaisante et ce programme remporte un vif succès auprès des parents, qui se sentent concernés et apportent souvent une aide bénévole. FUTURES offre une éducation pour adultes aux parents qui demandent l’AFDC (aide sociale). La plupart des parents travaillent en autodidactes, guidés par un enseignant pour adultes, pour préparer leur GED (General Educational Development Certificate, équivalent d’un diplôme de fin d’études secondaires). Les parents qui étudient plus de 20 heures par semaine ont droit à une prime hebdomadaire de 25 dollars. En moyenne, 15 à 16 adultes suivent ce programme chaque jour, et parmi eux, 9 ou 10 ont des enfants qui participent au programme New Start. Nombreux sont les parents qui apportent ponctuellement une aide au personnel qui s’occupe de leurs enfants au rez-de-chaussée. FUTURES collabore également avec le Conseil pour le plein emploi afin de fournir aux parents une formation professionnelle adéquate et des conseils sur le monde du travail. Chaque adulte est mis en contact avec un avocat de FUTURES, possédant une expérience du travail social, qui rencontre les parents toutes les semaines pour discuter des problèmes et donner des conseils. Ils bénéficient également d’une formation dans le cadre du « modèle des points forts » évoqué plus haut. Comme le programme New Start, FUTURES remporte un grand succès, et de nombreux parents se sont inscrits sur les listes d’attente. Grâce à la collaboration entre New Start et FUTURES, les parents ont le temps d’étudier et d’obtenir leur GED pendant que les enfants sont occupés ailleurs. Les témoignages de deux participants à FUTURES, reproduits ci-dessous, soulignent les avantages, mais aussi les inconvénients, de ces programmes. Anita et Thomas (pseudonymes) : Anita, 24 ans, est une célibataire de race noire mère de trois enfants âgés de 16 mois, 4 et 5 ans. Thomas, l’enfant qui a quatre ans, suit le programme New Start, l’aı̂né vit dans un autre district et le plus jeune est gardé par sa grand-mère. Anita n’a pas obtenu son GED. Elle a quitté l’école à 15 ans, et est au chômage. Avec l’aide de FUTURES, elle essaie d’avoir le GED afin 231 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE d’être mieux qualifiée pour trouver du travail. Le fait de percevoir une allocation chômage la gêne et elle veut s’en sortir aussi rapidement que possible. Son fils Thomas souffre de troubles de la parole qui nécessitent un traitement. Anita suit désormais régulièrement le programme FUTURES. Elle apporte également sa contribution au programme New Start en participant à des réunions de parents et en proposant son aide pour les sorties éducatives. Grâce à New Start, Thomas est traité par un orthophoniste. Anita est très satisfaite de cette disposition qui lui permet de s’instruire dans une partie du bâtiment pendant que son fils est gardé dans une autre partie. Elle trouve ce système très pratique même si elle estime qu’il pourrait être amélioré par un élargissement des services de garde aux nourrissons. En effet, pour le moment, elle doit faire garder le sien ailleurs. Son avocat l’a considérablement aidée, notamment pour la planification de son avenir et pour lui permettre de retrouver son amour-propre. Thomas est également très content de fréquenter le centre. Carla et Naomi (pseudonymes) : Carla, 25 ans, est aussi une célibataire noire mère de trois enfants âgés de 2, 3 et 7 ans. La fillette âgée de 3 ans, Naomi, suit le programme New Start. Carla a quitté l’école à 18 ans car elle était enceinte, n’a pas obtenu son GED et est actuellement au chômage. Cependant, grâce à FUTURES, elle a l’intention d’avoir le GED et de suivre ensuite une formation d’infirmière. Contrairement à Anita, Carla voit rarement son avocat et reçoit peu de conseils. Cependant, elle apprécie le service de garde des enfants et estime que sa fille est contente et en profite. Elle est moins satisfaite des cours de préparation au GED, qu’elle juge trop longs. Évaluation du programme Une évaluation des trois premières années du programme New Start, achevée en 1993, démontre « sans ambiguı̈té l’impact de New Start en tant que prestataire de services de garde d’enfants d’excellente qualité, appropriés au bon développement de l’enfant et conçus pour les préparer à l’école tout en apportant un considérable soutien aux familles ». Cette évaluation a permis de découvrir que grâce aux services de garde en journée complète, les parents amélioraient leur productivité, pouvaient travailler plus longtemps et ramener des revenus plus élevés à la maison. Parents as Teachers (St Louis) Situation générale L’initiative Parents as Teachers (PAT) est un partenariat « maison-école-communauté » conçu pour apporter aux parents, entre le début de la grossesse et le cinquième anniversaire de l’enfant, des informations et un soutien afin que ces enfants puissent prendre le meilleur départ possible dans la vie (Parents as Teachers National Center, 1993a, p. 2). Lancé en 1981 dans le Missouri, ce programme, se fonde sur l’idée selon laquelle les premières années de la vie sont déterminantes pour la réussite scolaire, et que les parents, qui sont les premiers enseignants des enfants, jouent un rôle crucial dans leur développement. Cette initiative s’inscrit souvent dans le cadre des programmes préscolaires plus larges, tels que Head Start, ou dans un ensemble plus vaste de services d’aide familiale. Cette initiative s’appuie sur le bénévolat et est accessible aux parents de toutes les catégories sociales : « les riches et les pauvres », comme l’a indiqué l’un de nos interlocuteurs. Il s’agit notamment d’éviter le traumatisme que suscitent souvent les services visant des catégories particulières de la population. Une enquête a récemment démontré que sur tous les participants au programme PAT, 36 pour cent étaient des familles avec des revenus réduits et 14 pour cent des familles de parents adolescents (Parents as Teachers National Center, 1993b). 232 Le principal objectif de ce programme consiste à donner aux parents les moyens d’élever leurs enfants afin qu’ils aient de bons résultats scolaires, d’améliorer la confiance des parents concernant ce qu’ils peuvent faire pour leurs enfants et d’améliorer les relations parents-enfants et les relations au sein de la famille. Ce programme fonctionne dans tout le Missouri, même si son centre national est situé à St Louis. Partie I : ÉTATS-UNIS Financement et formation L’initiative Parents as Teachers bénéficie de ressources très diverses, émanant de l’État fédéral, des États, des fondations et des entreprises. Parmi les organismes qui assurent le financement, citons : – La Fondation Danforth : elle finance les subventions de collaboration « Ready to Learn » pour onze programmes PAT. Ces fonds sont consacrés à des projets visant une collaboration interdisciplinaire et une programmation efficace. – La Fondation Nancy Reagan : elle verse une subvention pour la révision, la mise à l’essai in situ et la distribution d’un guide intitulé « Teen Parent Supplement of the Parents as Teachers Programme Planning and Implementation Guide ». – Le ministère de l’Éducation du Missouri : ce ministère distribue des fonds fédéraux pour la prévention des problèmes liés à la drogue à un programme de formation qui aide les éducateurs parentaux à comprendre les besoins des familles touchées par l’alcoolisme ou la toxicomanie. – Le ministère des Services sociaux du Missouri : ce ministère verse une subvention globale pour la formation en service des prestataires de services de garde d’enfants à Hollister, Missouri, via le Parents as Teachers National Center. – Le ministère fédéral de l’Éducation (réseau de diffusion national) : ce ministère débloque des fonds fédéraux pour le développement d’un système de collecte des données sur la qualité du programme provenant des « sites PAT ». – Le gouvernement fédéral : il verse des subventions pour l’aide aux familles dans le cadre de la législation sur la préservation et le soutien de la famille. Ces subventions sont gérées par les organismes d’aide sociale à l’enfance, mais permettent au PAT de collaborer à la fourniture des services d’aide aux familles. Des subventions fédérales sont également versées au titre de la Loi Goals 2000. Le Parents as Teachers National Center, à St Louis, Missouri, constitue le principal organisme de formation, de recherche et d’élaboration des programmes. Entre autres, ce centre est chargé de l’agrément des éducateurs parentaux, de l’aide technique, des conférences organisées à l’échelle nationale, de l’élaboration des programme et du matériel didactique ainsi que de l’adaptation aux autres organes et aux autres États. La formation est dispensée dans les instituts Parents as Teachers dans tous les États-Unis et à l’étranger et s’appuie sur le Guide de planification et d’application du programme PAT, de 600 pages. Ce guide donne des informations sur une vaste palette de sujets : l’organisation des programmes, les programmes de visite à domicile, les programmes de réunion, les ressources allouées aux éducateurs pour les parents, les propositions de consignation des résultats et les projets de formulaires d’évaluation ainsi que les documents distribués aux parents. Une formation spéciale est dispensée aux éducateurs parentaux qui travaillent avec des parents adolescents ou d’autres catégories présentant des besoins importants. Fonctionnement du programme Les quatre composantes du programme Parents as Teachers sont les visites personnelles, les réunions de groupe, les bilans de développement et un réseau de ressources. Les éducateurs parentaux, auxquels le programme PAT dispense une formation spéciale sur le développement des enfants et la pratique des visites à domicile, rencontrent régulièrement l’enfant et ses parents, normalement au foyer de l’enfant. La fréquence de ces visites (hebdomadaires, bimensuelles ou mensuelles) varie suivant les besoins et les souhaits de la famille. Les éducateurs parentaux donnent aux parents des informations personnalisées ainsi que des conseils sur le développement de l’enfant et l’éducation spécifiquement adaptée au stade de développement de l’enfant. On aide les parents à comprendre ce qu’ils peuvent attendre de leurs enfants aux différents stades de développement, et on leur enseigne les activités pédagogiques parents-enfants appropriées. Les réunions de groupe se tiennent en dehors des heures de bureau afin que les parents puissent partager les réussites et les préoccupations communes concernant le développement et le comportement des enfants et qu’ils puissent bénéficier des conseils supplémentaires du personnel du PAT et 233 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE des intervenants extérieurs. Les activités parents-enfants font également partie intégrante de ces réunions et visent à renforcer la cohésion familiale. Certains lieux de réunion, dont les écoles et les centres de ressources aux familles, sont en mesure de proposer en plus une composante « impromptue » qui donne aux parents la possibilité d’utiliser les équipements du site et de rencontrer informellement les autres parents et les éducateurs parentaux. Les bilans de développement sont réalisés chaque année, dès que l’enfant a un an, pour rassurer les parents sur le bon développement de leur enfant et pour identifier les problèmes éventuels afin d’agir à temps. Les parents sont également invités à évaluer en permanence le développement de leur enfant. Parents as Teachers aide également les parents à accéder à d’autres services dans la communauté. C’est ce qu’on appelle le « réseau de ressources », qui relie services éducatifs, sanitaires et sociaux. Activités de collaboration Le programme PAT collabore avec de nombreux organismes qui souhaitent adopter son approche de l’aide aux familles. En partenariat avec le centre national pour l’alphabétisation des familles (National Centre for Family Literacy) et les services destinés aux enfants de 0 à 3 ans prévus dans le programme d’éducation familiale et infantile du bureau des affaires indiennes, il assure des visites à domicile. Le programme PAT fonctionne aujourd’hui dans plus de 20 réserves indiennes. Les éducateurs parentaux, qui sont tous des Indiens de souche, sont incités à procéder aux adaptations culturelles nécessaires des programmes et du matériel didactique PAT. PAT fournit également du matériel didactique et de formation aux centres de garde d’enfants qui souhaitent utiliser le modèle PAT. En outre, les fonds mis à disposition par la Fondation AT&T permettent à ce programme d’assurer une assistance technique sur site et des consultations téléphoniques structurées sur les cinq sites de garde d’enfants. Autre exemple de cette collaboration fructueuse, le partenariat conclu entre PAT et le ministère de l’Éducation primaire et secondaire du Missouri, qui a abouti à la mise en place de la composante de PAT destinée aux enfants de trois à cinq ans. Cette initiative correspond à une demande des parents, qui réclamaient un soutien pour les enfants au-delà de l’âge de trois ans. Le programme PAT est également intégré avec le programme FUTURES qui accorde des crédits spéciaux aux parents participant au PAT. Grâce aux subventions de collaboration « Ready to Learn » versées depuis 1992 par la Fondation Danforth, PAT espère accroı̂tre le niveau de collaboration avec les autres organismes. Dans ses propositions initiales concernant ces subventions, il était clair que rares étaient les demandeurs qui connaissaient la signification de « collaboration » : « L’ensemble des propositions initiales a fait apparaı̂tre que de nombreux candidats n’étaient pas familiarisés avec le concept de ‘‘collaboration’’ tel qu’il est couramment utilisé dans le domaine des sciences sociales. Nombre des propositions décrivaient les efforts de ‘‘diffusion’’ ou de ‘‘coopération’’ plutôt qu’une véritable collaboration. Il a été défini que l’octroi de subventions à des projets prometteurs, suivi par la fourniture d’une assistance technique pendant le processus de développement, qui pouvait prendre des années, constituerait une occasion d’éduquer les bénéficiaires sur cette question. En conséquence, plusieurs projets ont redoublé d’efforts pour atteindre l’objectif d’une collaboration plus complète. » Les demandeurs retenus pour l’octroi de la subvention ont été invités à rédiger des rapports sur leurs activités de collaboration. Ces rapports apporteront des descriptions détaillées des différents modèles de collaboration entre les programmes PAT et les organismes communautaires. Évaluation 234 En 1985, il est ressorti d’une évaluation indépendante d’un programme pilote regroupant 350 familles du Missouri qu’à l’âge de trois ans, les enfants suivant le programme PAT étaient beaucoup plus avancés sur des aspects tels que le langage, le développement social, la résolution des problèmes et autres capacités intellectuelles que les enfants qui n’en bénéficiaient pas. Cette évaluation a Partie I : ÉTATS-UNIS également fait apparaı̂tre que leurs parents avaient des attitudes plus positives à l’égard du district scolaire local. Une étude de suivi du programme pilote, réalisée en 1989, a démontré que les enfants du programme PAT en cours préparatoire obtenaient des notes nettement meilleures en lecture et en mathématiques qu’un groupe témoin. Qui plus est, les parents participant au programme PAT étaient plus nombreux que les autres à avoir pris contact avec les enseignants et à jouer un rôle actif dans l’éducation de leurs enfants. Une évaluation supplémentaire, effectuée en 1991, a abouti aux mêmes résultats. Dans la mesure où la seule dépense importante du programme PAT est engagée pour rémunérer les éducateurs parentaux, il s’agit d’une initiative qui revient peu cher tout en étant efficace. Par conséquent, elle reçoit un soutien considérable de la part de l’État fédéral, des États et du secteur privé, ce qui lui a permis de passer de quatre sites pilotes dans le Missouri à plus de 1 500 programmes locaux dans 43 États, et Washington DC. Cette approche a également été mise en œuvre jusqu’à Ste Lucie (Antilles), au Royaume-Uni, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Cependant, même si elle ne coûte pas cher, l’insuffisance des fonds disponibles face à la demande élevée provoque l’apparition de listes d’attente dans la plupart des États. Le foyer d’accueil d’urgence pour enfants de St Louis Situation générale Le foyer d’accueil d’urgence pour enfants de St Louis a ouvert ses portes en 1986, avec pour objectif premier d’éviter que les parents ne se rendent coupables de mauvais traitement et de négligence vis-à-vis de leurs enfants. Il s’agit d’un service temporaire destiné aux enfants (de 0 à 8 ans) de familles en situation de crise, par exemple en cas d’hospitalisation d’un des deux parents, d’absence de logement ou de violence domestique. Ce foyer accueille les enfants à risque pendant une durée pouvant atteindre trois jours, est ouvert 24 heures sur 24, sept jour sur sept. Il a une capacité de neuf places. Ce sont le plus souvent les parents isolés et les familles à bas revenus qui demandent à ce que leurs enfants bénéficient de ce service. Ce foyer d’accueil pour enfants comble une lacune évidente dans les services infantiles, et constitue la seule structure dans la région de St Louis à laquelle les parents puissent volontairement confier leurs enfants. Plus récemment, il a ouvert deux autres structures, également dans la région de St Louis. Comme la première, ces deux nouvelles structures sont implantées dans des hôpitaux locaux. Ce foyer d’accueil pour enfants compte actuellement 36 salariés qui ont une expérience du travail social, du conseil, de l’éducation de la petite enfance et des enfants présentant des besoins particuliers. Il est dirigé par un conseil d’administration regroupant 23 personnes et composé à la fois de professionnels et de membres de la communauté. Il comprend également un comité consultatif pour les parents composé de cinq familles qui ont déjà eu recours à ses services. Financement et formation Le foyer d’accueil pour enfants tire son financement de sources variées. Outre les subventions fédérales et l’aide de United Way, il bénéficie également de fonds versés par diverses fondations et des personnes privées qu’il sollicite dans le cadre de ses activités permanentes de collecte de fonds. Il demande également aux parents dont les enfants séjournent au foyer de faire un don de 5 dollars par jour, même si, dans la pratique, les parents se plient rarement à cette demande. Le Deaconess Hospital apporte un important soutien non financier en mettant gratuitement à disposition des chambres, des services médicaux et des repas. Le foyer d’accueil pour enfants bénéficie également des services bénévoles d’infirmiers stagiaires qui fréquentent l’école d’infirmiers toute proche. D’autres organismes assurent la formation du personnel pour les aspects spéciaux tels que les interventions en cas de crise, les problèmes de logement et de violence domestique. En outre, il arrive que le foyer conclue des partenariats avec d’autres organismes pour la mise en place de sessions de formation communes. 235 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE Fourniture des services Ce foyer pour enfants fournit une large palette de services, dont un service de garde 24 heures sur 24, des examens médicaux, des bilans de développement, des interventions en cas de crise, des conseils, des orientations vers d’autres services, des programmes d’éducation parentale et du soutien de suivi. Ce sont en général d’autres services qui envoient les parents sur le foyer pour enfants. Il est fréquent que les parents y soient envoyés par le service des urgences de l’hôpital local pour résoudre un problème pressant de garde d’enfants pour un patient admis. Le foyer pour enfants refuse les enfants s’il ne dispose pas de la signature des parents acceptant de placer leur enfant. Cette disposition pose parfois des problèmes lorsque l’hôpital souhaite de toute urgence que l’enfant soit confié à cette structure et se heurte à la rigidité des règles de consultation parentale préalable à l’admission définies par le foyer. Il arrive que les travailleurs des services sociaux se heurtent au même problème : lorsqu’ils essaient de joindre le foyer pour placer un enfant, ils apprennent que ce dernier préfère avoir affaire aux parents. Ces règles sont strictement respectées pour préserver les droits des parents. Les réunions avec les parents donnent l’occasion d’élaborer un programme d’objectifs familiaux, de discuter des problèmes et de suggérer des solutions. Les parents sont souvent orientés vers d’autres organismes qui peuvent leur fournir les services appropriés. A cet égard, l’annuaire des services de United Way fait véritablement office de bible et regorge d’informations détaillées sur les services disponibles. La collaboration avec l’hôpital pour la fourniture des services aux enfants du foyer est de manière générale satisfaisante. Cependant, certains médecins sont parfois réticents à l’idée de rendre visite au foyer d’accueil d’urgence pour enfants pour lui apporter leur soutien médical car ils ne sont pas remboursés. En dehors de l’hôpital, le foyer coopère avec des organismes qui servent déjà des clients et les organismes qui sont sollicités par les clients. Le personnel rend également visite à d’autres organismes pour faire connaı̂tre les services du foyer pour enfants. A un niveau plus stratégique, la promotion de la coordination avec les autres organismes est assurée par la participation à diverses commissions inter-organismes, y compris la Commission de l’État du Missouri pour l’application de la Loi sur les services de préservation et de soutien de la famille, le Comité de planification des foyers d’accueil d’urgence pour enfants de l’État du Missouri et le Comité pour la garde des enfants du Centre Penrose de soutien aux familles, évoqué plus bas. Résultats Environ 75 pour cent des parents qui ont utilisé les services du foyer sont contactés avec succès en vue de la collecte d’informations concernant le suivi des enfants. Parmi ces parents, environ 60 pour cent ont été en relation avec d’autres services pour un soutien continu. Même dans ces cas-là, le personnel du foyer reste bien souvent inquiet sur le sort de l’enfant lorsqu’il rentre chez lui. Environ 40 pour cent des familles qui demandent l’aide du foyer l’ont déjà utilisée. Il existe une règle qui indique que les parents n’ont pas le droit de recourir aux services du foyer plus d’une fois tous les six mois, mais on peut y déroger dans des circonstances exceptionnelles. United Way, qui cofinance ce foyer pour enfants, encourage la direction à réaliser une évaluation détaillée, pour l’instant sans résultat. INTÉGRATION DES SERVICES POUR LES ENFANTS D’ÂGE SCOLAIRE Le Centre médico-social William Herron, établissement d’enseignement secondaire pour les professions de santé (South-east Health Professions Magnet High School), Kansas City Contexte 236 L’une des premières initiatives de fourniture des services LINC a été de créer dix centres médicosociaux dans les écoles de la région de Kansas City en vue de traiter le problème du taux élevé de Partie I : ÉTATS-UNIS troubles de santé évitables chez les enfants de cette ville. A l’heure actuelle, deux centres fonctionnent, dont l’un est implanté dans la South-east High School. La South-east High School est une école d’enseignement spécialisé dans les professions de santé qui se trouve dans un quartier à bas revenus de Kansas City. Beaucoup des élèves qui fréquentent cet établissement peuvent être qualifiés « d’enfants à risque ». Un certain nombre d’entre eux appartiennent à des minorités ethniques, à des familles à bas revenus ou monoparentales dans lesquelles la consommation d’alcool ou de drogue est élevée. Beaucoup de ces familles ne sont pas couvertes par une assurance maladie. Le nombre des grossesses chez les adolescentes et de parents adolescents est très élevé. A l’époque où nous avons visité cet établissement pour nos recherches, 70 des 550 élèves de l’école étaient des jeunes mères. Les élèves qui ont des responsabilités parentales abandonnent souvent leur scolarité. Plus de 90 pour cent des élèves viennent en bus au lycée depuis d’autres quartiers afin d’atteindre l’objectif d’un ratio de 70 pour cent de Noirs pour 30 pour cent de Blancs. Si cette mesure atténue les effets de la ségrégation, elle empêche cependant l’établissement de fonctionner comme une « école communautaire ». La plupart des élèves et leurs familles vivent bien trop loin. Les problèmes sociaux des élèves accroissent les tensions chez les enseignants. L’un de nos interlocuteurs a laissé entendre que certains professeurs étaient quasiment au bout du rouleau : « ils ne peuvent plus faire face » et « ne savent plus quoi faire ». L’apparence de l’école, qui ressemble surtout à une prison, les portails verrouillés, le détecteur de métaux à l’entrée et les patrouilles des services de sécurité de l’école dans les couloirs, tous ces éléments témoignent de la montée de la violence, tant de la part des élèves que des gangs de l’extérieur qui essaient de s’y introduire. Dans ces conditions, les professeurs ont compris que les programmes et le matériel pédagogique de qualité ne suffisaient pas et qu’il fallait commencer par résoudre les problèmes sanitaires et sociaux bien ancrés pour que les enfants soient en mesure d’apprendre. Sources de financement Les fonds de départ du centre médico-social sont épuisés. LINC a donc mis en place un nouveau partenariat de financement avec le ministère des Services sociaux du Missouri, le district scolaire de Kansas City et les Community Funding Partners, qui regroupent plusieurs fondations. Ce partenariat doit permettre au centre de rester opérationnel et empêcher sa fermeture. Avec ses partenaires, LINC a créé une commission de transfert du School-based Health Centre Transition Committee chargée de superviser le fonctionnement du centre médico-social et d’élaborer une solution à long terme aux problèmes de financement et de gestion. Le centre sanitaire de Swope Parkway gère ce centre comme une structure « satellite » et négocie avec la commission de transfert pour le remboursement. Suite à une dérogation du gouvernement fédéral et un récent projet de loi sur la santé de l’État du Missouri, le district scolaire de Kansas City dans le Missouri dispose aujourd’hui de fonds fédéraux pour les soins de santé afin de fournir des services sanitaires aux écoles. A cet effet, huit nouveaux centres médico-sociaux seront créés, qui viendront s’ajouter aux deux qui existent déjà. Fourniture des services Le centre médico-social s’appuie sur une équipe pluridisciplinaire composée d’une infirmière, d’un assistant médical, d’un travailleur social et d’une personne chargée des admissions. Les services d’un médecin, d’un conseiller sur la toxicomanie et l’alcoolisme, d’un nutritionniste et d’un coordinateur de l’information sanitaire sont également disponibles grâce à la coopération avec le centre sanitaire de Swope Parkway. Les principaux services fournis par le centre sont des bilans de santé, des examens en laboratoire, des thérapies et des conseils dans plusieurs domaines dont la nutrition, les problèmes de relation avec la famille ou les camarades, les problèmes scolaires, la sexualité, la grossesse et la toxicomanie. Pour devenir membres du centre médico-social, les parents d’élèves doivent remplir un formulaire spécial par lequel ils acceptent que leurs enfants reçoivent des soins de santé dans les locaux de l’école. Ils doivent également verser une cotisation de 5 dollars. Certains parents refusent de signer ce 237 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE formulaire car ils se méfient fortement de toute intervention des pouvoirs publics dont ils estiment qu’elle empiète sur leurs libertés. D’autres craignent que la fréquentation du centre médico-social contraigne leurs enfants de manquer certains cours. Pour traiter les problèmes des enfants, le personnel du centre travaille en équipe : l’infirmière et le travailleur social sont très souvent en contact entre eux, et avec les enseignants et le personnel du centre sanitaire de Swope Parkway. La coopération avec ce dernier pose parfois problème en raison du financement. Plus précisément, le centre sanitaire de Swope Parkway estime qu’il ne devrait pas avoir à fournir et à financer des services destinés à des enfants qui vivent en dehors du district dont il est chargé. En effet, de nombreux enfants entrent dans cette catégorie car ils vivent dans d’autres districts et sont amenés chaque jour en bus à l’école. Résultats Environ 70 pour cent des élèves sont devenus membres du centre médico-social. Le directeur de l’établissement indique que c’est grâce à ce centre que les taux d’absentéisme ont baissé, car les enfants peuvent se faire traiter à l’intérieur de l’école. Il fait également état d’une baisse des taux de suicide. Cependant, le nombre des grossesses n’a pas bougé. INTÉGRATION DES SERVICES POUR L’INSERTION DES JEUNES DANS LE MONDE DU TRAVAIL Le Réseau pour l’emploi des femmes (Kansas City) Situation générale Le Réseau pour l’emploi des femmes (Women’s Employment Network – WEN) a été fondé en 1986 par deux habitantes de Kansas City qui appartenaient à l’élite aisée de la ville, décrites par l’un de nos interlocuteurs comme « des piliers de la communauté », attachées à l’amélioration des conditions de vie locales. Il s’agit d’un organisme privé qui a été sélectionné pour gérer un programme FUTURES « privatisé », parallèlement au programme principal, géré par l’État du Missouri. Le WEN a pour objectif premier « d’aider les femmes à bas revenus à parvenir à l’autosuffisance, à retrouver leur dignité et leur indépendance grâce à un emploi assorti d’une rémunération suffisante » (Women’s Employment Network, 1993, p. 1). Chaque année, il sert entre 200 et 250 femmes à risque. La plupart des femmes qui viennent au WEN ont entre 25 et 35 ans. La majorité d’entre elles proviennent de milieux défavorisés et beaucoup appartiennent à la deuxième génération de personnes dépendantes de l’aide sociale. Cependant, environ un quart d’entre elles viennent de familles de la classe moyenne. Au total, 74 pour cent sont afro-américaines et 70 pour cent sont des mères célibataires avec des enfants à charge. L’un de nos interlocuteurs a souligné que nombre de ces femmes « ont une vie professionnelle satisfaisante, mais quelque chose qui s’est mal passé par ailleurs », le plus souvent un divorce. Sources de financement et activités de formation 238 Le WEN bénéficie d’un financement provenant de sources diverses. Les subventions fédérales et de l’État du Missouri sont versées par le Conseil pour le plein emploi, le ministère des Services sociaux du Missouri, le Conseil des entreprises privées de Kansas City, le ministère du Développement économique du Missouri et le Conseil du Missouri sur le développement économique et la formation des femmes. La subvention versée par le Conseil pour le plein emploi correspond à de l’argent débloqué au titre de la Loi fédérale sur le partenariat pour la formation professionnelle. Les fonds émanant du ministère des Services sociaux du Missouri comprennent une subvention fédérale pour le programme FUTURES dans le Missouri, mis en œuvre par le WEN. Ces fonds publics sont complétés par des contributions financières substantielles émanant de 15 fondations privées, dont la Hallmark Corporate Foundation (les cartes Hallmark). Le WEN bénéficie également d’un soutien non financier du ministère pour la Sécurité de l’emploi du Missouri, qui a détaché l’un de ses fonctionnaires dans les bureaux du WEN, et du district scolaire du Missouri, qui « prête » au WEN l’un de ses formateurs pour Partie I : ÉTATS-UNIS adultes. Le fonctionnaire du ministère de la Sécurité de l’emploi a un ordinateur relié à la base de données du ministère recensant les emplois disponibles, que les membres du réseau en quête d’emploi peuvent consulter. Un petit groupe de fondations et d’organisme caritatifs financent également un projet spécial mis en place par le WEN, appelé Extended Support Pilot Project. Ce projet a pour objectif d’élaborer, de mettre en œuvre et de tester les activités d’évaluation, de suivi et de recherche et de fournir un soutien à long terme aux diplômées du WEN. Le personnel est formé dans le cadre d’autres programmes et d’autres organismes, dont le Conseil pour le plein emploi, FUTURES et le district scolaire du Missouri. Les services du WEN Le WEN propose un programme de cinq semaines à toutes ses participantes. Ce programme débute par une semaine de tests et d’orientation, suivie par trois semaines de cours de préparation à l’emploi et une semaine de recherche d’emploi intensive. Les cours de préparation à l’emploi mettent l’accent sur des capacités générales telles que la confiance en soi, l’amour propre, l’aspect physique, la gestion du budget, la définition des objectifs, la prise de décision et la résolution des conflits. Ils donnent également aux femmes des connaissances plus spécifiques au monde du travail, telles que la façon d’identifier les centre d’intérêt et les qualifications que l’on peut vendre sur le marché du travail, d’écrire un curriculum vitæ, de remplir une demande d’emploi, les techniques d’entretien d’embauche et les méthodes de recherche. Le WEN essaie également de lever les obstacles susceptibles d’empêcher les femmes de suivre les cours ou d’aller aux entretiens d’embauche, par exemple les problèmes de garde d’enfants, de transport et de tenue vestimentaire. Qui plus est, en coopération avec le district scolaire de Kansas City, ce réseau permet aux participantes de préparer le GED. Le WEN suit pendant deux ans toutes les participantes qui ont obtenu leur diplôme pour évaluer leurs progrès. Il propose également des services supplémentaires de conseil, d’aide d’urgence et un réseau d’entraide (le WEN Sisterhood) aux diplômées qui sont considérées comme particulièrement à risque. Ces services constituent la composante « aide élargie » du programme WEN. Activités de collaboration Les membres du personnel du WEN qui s’occupent de l’accueil travaillent au sein d’une équipe coordonnée et, comme l’a indiqué l’un de nos interlocuteurs, « évoluent librement les uns avec les autres ». Ils ont également des contacts avec d’autres professionnels, y compris des travailleurs sociaux participant au programme FUTURES, le personnel du district scolaire et celui du Conseil pour le plein emploi à l’occasion des réunions régulières consacrées à la planification et des réunions de comités. En outre, ils connaissent bien les autres services que les participants pourraient souhaiter utiliser et, selon un autre interlocuteur, ils sont généralement « bien informés ». A un niveau plus stratégique, les membres du conseil d’administration du WEN siègent également au conseil de nombreux autres programmes tels que l’initiative « Communautés du XXIe siècle », LINC, FUTURES, « Fondation des femmes » (The Women’s Foundation), Boys’ and Girls’ Clubs, Empowerment Zones et First Steps. En outre, il a conclu des accords avec le Conseil pour le plein emploi, le district scolaire du Missouri et le ministère de la Sécurité de l’emploi. Les contacts du WEN avec les employeurs locaux sont assez solides. L’un de nos interlocuteurs nous a même affirmé que le réseau « avait d’excellentes relations de travail avec les milieux d’affaires ». Les personnes chargées des ressources humaines dans les entreprises locales rendent visite au WEN pour réaliser des entretiens fictifs qui font partie intégrante de la formation, et contactent fréquemment le WEN lorsqu’elles ont des postes à pourvoir. Notre interlocuteur a souligné que « les employeurs aiment bien travailler avec le WEN parce qu’ils savent que les femmes sont bien préparées et qu’ils peuvent contacter le personnel de WEN en cas de problème ». 239 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE Évaluation du programme Nombre des subventions demandées par le WEN imposent une évaluation. En 1991, le WEN a commencé une évaluation sur trois ans de son projet pilote d’« aide élargie ». Le rapport d’évaluation pour l’exercice budgétaire II (1992-1993) était encourageant. Les notes moyennes des participantes pour l’autosuffisance économique, qui tiennent compte de l’éducation et de l’emploi ainsi que de l’accès aux ressources élémentaires telles que le logement, le transport et la garde des enfants, ont augmenté de 49 pour cent dans les trois mois qui ont suivi les cours de préparation à l’emploi, et de 112 pour cent après six mois. L’évaluation a également fait état d’améliorations au niveau de l’autonomie professionnelle, qui mesure le niveau de familiarisation avec les compétences liées à l’emploi et la confiance en soi dans la réalisation des tâches. Si, au début du programme, on a relevé des notes moyennes comprises entre 5.98 et 7.73, après les cours, la moyenne a atteint entre 8.21 et 9.56. Les efforts pour suivre les diplômées du WEN sur deux ans ont également été relativement fructueux : 72 pour cent des diplômées d’un groupe retournent au moins un questionnaire trimestriel sur l’autosuffisance économique. Certaines participantes ont envoyé des courriers indiquant comment le WEN peut réellement aider certaines femmes (mais pas toutes) à résoudre leurs problèmes. Voici quelques commentaires typiques : « Je perçois à l’heure actuelle une allocation pour personnes sans ressources, mais cela ne va pas durer. Je remercie Dieu qu’il existe des femmes comme vous et d’autres, qui vont vers ceux qui sont dans le besoin. J’y arriverai. Je le peux ». « Je me sens très bien depuis le programme WEN, et j’ai un bon travail. Depuis que je suis retournée à l’école, ma vie me plaı̂t. Merci à vous toutes pour m’avoir remise sur les rails ». « Je n’ai pas pu payer mes impôts l’année dernière, et maintenant, je dois payer ceux de cette année. Que faut-il que je fasse ? »(Women’s Employment Network, 1993, p. 12). La non-réponse aux questionnaires de la part de certaines diplômées est imputable au niveau élevé de mobilité, d’un certain embarras en cas d’échec et d’une tendance de la part des femmes à considérer que le WEN fait « partie du système » et qu’on doit donc s’en méfier. Le cas de Cynthia (pseudonyme) : Un visage a été donné au succès du WEN lors d’un entretien avec une diplômée appelée Cynthia. Si elle est sans aucun doute une « star », à de nombreux égards, elle représente la participante moyenne. En 1991, elle était mère de deux enfants et vivait de l’aide sociale. Elle ne pouvait pas postuler pour un emploi car elle ne savait pas comment faire garder ses enfants. Elle a entendu parler du programme FUTURES par des amis et s’y est inscrite. Grâce à ce programme, elle a reçu de l’aide pour la garde de ses enfants et les transports. Elle a ensuite été orientée vers les formations proposées par le WEN, qu’elle a entreprises. Plus tard, elle a fréquenté l’établissement d’enseignement post-secondaire de Penn Valley (Penn Valley Community College) pour suivre des cours de microinformatique. Elle est aujourd’hui opératrice de saisie chez FUTURES. Elle a une meilleure estime d’elle-même et pense qu’elle « est en train de réussir ». A l’avenir, elle espère créer une petite entreprise d’informatique. Elle pense beaucoup de bien de la contribution du WEN à sa réussite : « ils ne vous laissent jamais perdre votre objectif de vue », « les portes sont toujours ouvertes », « une fois que vous êtes diplômée, c’est pour la vie ». Elle continue de prendre une part active au WEN et fait souvent office de porte-parole pour ce réseau. Le bureau pour l’emploi de St Charles (St Louis) Contexte 240 Le bureau pour l’emploi de St Charles est situé dans l’un des quinze districts sociaux qui reçoivent un financement du ministère du Travail au titre de la Loi sur le partenariat pour la formation professionnelle. Cette loi, votée en 1982, a pour but de « mettre en place des programmes visant à préparer les jeunes et les adultes sans qualification à l’entrée dans le monde du travail et à proposer des formations professionnelles aux individus économiquement défavorisés et à ceux qui se heurtent à des obstacles majeurs à l’emploi et qui ont particulièrement besoin de ces formations pour obtenir un emploi productif » (Missouri Division of Job Development and Training, 1994, p. 1). L’utilisation de ce finance- Partie I : ÉTATS-UNIS ment est très fortement influencée par le plan du Gouverneur du Missouri pour les services particuliers et la coordination, qui fixe entre autres comme objectif « d’assurer la coordination des activités du Missouri dans le domaine de l’emploi et de la formation au moyen de partenariats entre le secteur public et le secteur privé afin de parvenir à une fourniture des services efficace et rentable ». Au niveau de l’État du Missouri, le Gouverneur a nommé un Conseil pour la formation et l’emploi pour le Missouri (Missouri Training and Employment Council – MTEC) qui est chargé de formuler des recommandations sur les moyens d’améliorer le système de création d’emplois et de formation. Ce conseil est composé de représentants des milieux d’affaires du Missouri, des entreprises, des syndicats, du monde de l’éducation, de l’État du Missouri et des autorités locales, ainsi que de la société civile. Le gouverneur a confié à la Division pour la création d’emplois et la formation la responsabilité d’administrer les fonds versés au titre de la JTPA, et cette division a également pour mission d’évaluer les programmes de formation professionnelle. Au niveau local, chacun des 15 districts sociaux mentionnés ci-dessus nomme un conseil des entreprises privées (Private Industry Council – PIC) chargé d’identifier les besoins de formation et de concevoir des programmes pour y répondre. Ces conseils sélectionnent l’organisme qui gérera les services sur leur territoire. Dans le cas qui nous occupe, il s’agit du bureau de l’emploi de St Charles, pour la zone 14 (Service Delivery Area 14). La mission déclarée de ce bureau est « d’instaurer des partenariats entre les milieux d’affaires, les entreprises et les organismes publics, qui amélioreront notre capacité de fourniture de services à nos groupes cible » (Private Industry Council, 1992, p. 3). Cette mission est facilitée par la présence dans les locaux de personnels travaillant dans le cadre de la Loi JTPA et de représentants de la division des services familiaux, du programme FUTURES, de la division pour la sécurité de l’emploi, de la formation élémentaire pour les adultes et de l’établissement d’enseignement post-secondaire communautaire de St Charles. Il fonctionne donc comme un « guichet unique » par lequel les résidents peuvent accéder aux services de plusieurs organismes coordonnés en une seule visite. Il importe de noter que le directeur du bureau pour l’emploi a organisé la création du centre multiservices avant l’arrivée des fonds fédéraux, et, comme nous l’a expliqué l’un de nos interlocuteurs, « il a pris un risque et s’est fait des ennemis ». Ce même interlocuteur a ajouté que le directeur « a décidé d’agir et de faire ensuite le point sur les conséquences ». Cela signifie qu’il a dû aller à l’encontre des services pour l’emploi du Missouri. Input Le bureau pour l’emploi de St Charles reçoit une subvention au titre de la JTPA d’un montant de 3.2 millions de dollars, auxquels s’ajoutent des fonds du programme FUTURES. Le personnel travaillant dans le cadre de la Loi JTPA reçoit, en même temps que celui de la division pour la sécurité de l’emploi et du programme STAFF, une formation à l’Institut de formation du Missouri. Le bureau pour l’emploi propose également des cours dispensés localement, et a par le passé recouru à un consultant pour aider les organismes locaux à coordonner leurs services. Activités coordonnées Le bureau pour l’emploi de St Charles participe à un très grand nombre d’activités en collaboration, dont nous évoquons trois exemples plus en détail ci-dessous. La coopération avec la division pour la sécurité de l’emploi a abouti à sa représentation au sein du Conseil des entreprises privées et à l’affectation de membres du personnel aux programmes du bureau pour l’emploi de St Charles. Plus précisément, un membre du personnel participe avec le bureau pour l’emploi de St Charles aux réunions visant à coordonner une réaction aux licenciements massifs dans les entreprises locales, et un autre travaille dans les locaux du bureau pour l’emploi pour assurer un service de placement spécial. Une relation analogue avec la division des services familiaux a abouti à l’implantation au sein du bureau pour l’emploi d’un travailleur spécialisé dans le soutien au revenu et d’un gestionnaire de cas dans le cadre du programme FUTURES. Ces travailleurs coordonnent leurs 241 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE activités avec les programmes JTPA par des réunions régulières afin d’apporter des services holistiques aux clients à besoins multiples. Le bureau pour l’emploi collabore également avec de nombreuses entreprises locales qui fournissent des stages subventionnés dans le cadre des programmes de formation en entreprise du bureau. La coopération au quotidien avec les organismes situés dans les locaux du bureau pour l’emploi est très importante. La gestion des cas par les programmes FUTURES et JTPA est coordonnée (même si ce n’est pas dans le cadre d’un accord formel) de façon à ce que les deux parties s’accordent sur celle qui prend la direction dans l’aide apportée à un client et sur la manière dont l’autre peut le soutenir de manière appropriée et non redondante. JTPA oriente également les clients vers FUTURES pour certains services – garde des enfants et transport – lorsqu’elle ne peut pas les fournir elle-même, et FUTURES utilise JTPA de la même manière. Ces organismes acceptent bon nombre des formulaires d’évaluation des autres organismes et sont en train d’élaborer un document d’admission commun. Tous les organismes situés dans le bureau, y compris JTPA et FUTURES, se partagent les ressources administratives et les informations. Ils ont engagé des pourparlers avec la division pour la sécurité de l’emploi et le ministère des Services sociaux sur l’utilisation conjointe et le partage d’un système informatique. La coopération entre les divers organismes ne va pas sans poser certains problèmes. La différence de sources de financement, de hiérarchies administratives, de formulaires d’inscription et d’emplois du temps rend la tâche plus difficile. Cependant, dans certains cas, le personnel a mis au point des stratégies pour y remédier. Par exemple, certains copient les informations sur un participant d’un formulaire à l’autre pour éviter de poser deux fois la même question. Résultats Le bureau pour l’emploi suit les participants, contrôle les résultats et se fixe des objectifs annuels. Les données quantitatives montrent que plus de 60 pour cent des participants qui achèvent le programme JTPA trouvent un emploi. Dans une perspective qualitative, le personnel a déclaré « ensemble, nous pouvons faire plus qu’en travaillant séparément », « la coopération nous permet d’atteindre davantage de personnes », et « nous pouvons tirer le maximum de nos dollars et de nos ressources parce que l’on peut puiser dans ce que chacun a ». Ces déclarations font apparaı̂tre une synergie importante, ainsi qu’une rentabilité accrue. Le succès rencontré par le bureau pour l’emploi a été consacré par la remise de nombreux prix de la part du gouvernement du Missouri, dont plusieurs récompenses du Gouverneur et une série de récompenses décernées au directeur du bureau. INTÉGRATION DES SERVICES POUR LES FAMILLES Le centre familial de Kansas City Situation générale Le centre familial vise à « rendre les parents plus confiants et plus compétents » en leur offrant une structure où ils puissent se réunir pour des cours d’éducation et du soutien en groupe (Project Early, 1994, p. 1). Ce centre met à leur disposition des salles de classe pour adultes confortables et bien équipées ainsi que des services essentiels tels qu’une aide pour les transports, les encas nourrissants et la garde des enfants. Il se trouve à l’heure actuelle dans une vieille école (même si cette disposition est temporaire) et compte un chef de programme, un directeur de la garde des enfants, un spécialiste des programmes et 22 salariés à temps partiel pour la garde des enfants. 242 Au départ, les cours dispensés par le centre étaient accessibles uniquement aux participants à Project Early (voir plus bas). Cependant, ce centre est aujourd’hui ouvert à toutes les familles du quartier. La majorité de la population locale est constituée d’Hispaniques hispanophones, et nombre d’entre eux sont des immigrants mexicains de fraı̂che date, dont certains sont en situation irrégulière. Le quartier connaı̂t beaucoup des problèmes qui caractérisent habituellement les zones défavorisées à Partie I : ÉTATS-UNIS bas revenus, notamment la toxicomanie, la violence des gangs et un taux élevé de grossesse chez les adolescentes. Le Project Early est un programme offrant une gestion permanente au cas par cas et de l’aide à un groupe ciblé de familles du quartier avec des enfants de 0 à 6 ans. Les chargés de cas du Project Early sont appelés des « gestionnaires des investissements » pour indiquer que le centre investit dans les familles pour promouvoir une scolarité réussie et l’auto-suffisance. Ces chargés de cas apportent un soutien holistique aux familles cibles par des contacts réguliers avec les services compétents des pouvoirs publics et de la communauté. Financement Le financement du Project Early est assuré par la Fondation Kauffman, qui s’est engagée pour cinq ans. Cette fondation finance également la Westside Cabot Clinic, qui collabore avec le Project Early, dans le cadre d’une approche « systématique » de la résolution des problèmes communautaires. Fourniture des services Ce centre fournit des services éducatifs, sociaux et communautaires. Dans le cadre des services éducatifs, il propose des cours sur le développement des enfants et l’éducation en anglais et en espagnol, ainsi que des cours d’anglais pour les étrangers. Parmi les activités sociales, citons les fêtes d’anniversaire, les sorties culturelles et les excursions en famille. Les parents y ont également la possibilité d’apprendre à se connaı̂tre pendant les pauses qui sont aménagées à cet effet pendant les cours, ou, à d’autres moments de la journée, de discuter dans la « cafétéria ». Parmi les activités communautaires, on peut mentionner la collaboration avec les parents et d’autres organismes pour améliorer les aires de parking dans le quartier et les sessions spéciales sur la question des gangs et de la violence qu’ils génèrent. Les enfants, des nouveaux nés aux adolescents, sont gardés pendant que les parents assistent aux cours ou aux sessions de groupe. Il existe cinq salles différentes, ce qui permet de regrouper les enfants suivant leur niveau de développement. Dans la mesure où la garde des enfants est considérée comme une « activité temporaire et ponctuelle », elle n’est pas tenue d’obéir à certaines règles, même si, en réalité, elle s’y conforme ou dépasse la plupart des dispositions obligatoires. Le personnel de garde bilingue parle à chaque enfant dans sa propre langue. Collaboration Les parents participent à la planification des programmes via le comité consultatif des parents, qui se réunit sur une base bimensuelle. Ce groupe apporte un retour d’informations sur des présentations de cours spécifiques et sur les programmes en général. Il définit également les sujets des présentations futures. En fait, 90 pour cent des cours dispensés au centre ont été au départ suggérés par le comité consultatif. Ce groupe prend également part à la planification et la mise en œuvre des activités sociales. Le centre collabore également avec de nombreux autres programmes et organismes au sein de la communauté dans le but d’améliorer les services fournis et de faire la promotion de la visibilité et de la permanence du centre. Le programme PAT aide le centre à identifier les sujets de cours appropriés et met à sa disposition des éducateurs parentaux pour dispenser les cours sur le développement et l’éducation des enfants. Le centre et PAT organisent également conjointement des activités sociales et des excursions. Le Guadelupe Centre, tout proche, partage les cours d’anglais pour étrangers et l’enseignement avec le centre et assure deux cours par semaine. En outre, le personnel du Guadelupe Centre dispense quelques cours d’éducation parentale. Le Mattie Rhodes Counselling and Arts Centre encadre à l’heure actuelle deux de ces groupes, le groupe des jeunes mamans et le groupe des femmes hispaniques, dans les locaux du centre et, par ailleurs, la Westside Cabot Clinic apporte son aide pour les cours sur les soins prénataux et la naissance. 243 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE Si l’objectif officiel du centre est de « tirer parti de ces collaborations pour accroı̂tre et améliorer la coordination des services communautaires aux familles » (Project Early, 1994, p. 3), le chef du programme souligne que cette collaboration est loin d’être facile. En fait, il l’a qualifiée de « semée d’embûches », de « travail très, très difficile » et de « casse-tête ». Pour explication, il fait allusion aux « attitudes frileuses » et à « l’esprit de clocher » : chaque organisme a son propre programme, ses propres sources de financement et sa propre clientèle. Il a également évoqué les rivalités entre organismes, en indiquant que les programmes bénéficiant du financement de la Fondation Kauffman, comme le sien, étaient considérés comme des nouveaux venus très avides de tout rafler. Il s’est même demandé s’il ne valait pas mieux développer les programmes par l’intermédiaire des organismes existants plutôt qu’en en créant de nouveaux. Le Guadelupe Centre en constitue un exemple typique : il considère le centre familial comme un concurrent indésirable pour le financement de la garde des enfants. Si le chef des programmes estime que la collaboration est très intensive (il déclare consacrer 50 pour cent de son temps au travail avec les autres organismes) et affaiblit l’identité des organismes au point que ces derniers se sentent menacés, il déclare « la collaboration, c’est ce à quoi nous travaillons tous ». Dans ces conditions, il pense que personne ne peut se permettre d’avoir un « ego surdimensionné » et que les « aptitudes à la constitution de réseaux » sont essentielles. Évaluation L’université du Missouri est en train de procéder à des travaux d’évaluation, mais aucune donnée n’est encore disponible. A un niveau anecdotique, certains parents affirment que leurs enfants se sont améliorés. Les parents partagent également plus d’activités avec leurs enfants et interagissent davantage avec les autres familles. Services de quartier de Grace Hill (St Louis) Historique et contexte Grace Hill, qui fait partie du mouvement des Settlement House (mouvement des œuvres sociales), a commencé à fournir des services communautaires au début du siècle. Il revendique une triple mission : « fournir des services directs de manière rentable dans le cadre de la tradition d’entraide du mouvement ‘‘Settlement House’’ par l’intermédiaire des associations de quartier, œuvrer pour le changement au sein de la société pour favoriser le soutien et la compréhension à l’égard des défavorisés et travailler dans les quartiers défavorisés à la formation de communautés fortes, saines et serviables en encourageant le système d’aide mutuelle entre voisins » (Missouri Department of social services, 1994e). Grace Hill est un organisme polyvalent desservant environ 42 000 personnes défavorisées dans onze quartiers de la ville de St Louis et des comtés de St Louis et de St Charles. Trente-cinq pour cent de ces personnes sont classées dans la catégorie des « pauvres » ou des « quasi-pauvres », selon l’indicateur de la pauvreté, et nombre d’entre elles vivent dans des conditions peu sûres, voire dangereuses. Beaucoup des participants au programme sont des parents isolés, des personnes âgées ou dépendant de l’aide sociale qui ont besoin d’une vaste palette de services. 244 Le président de Grace Hill a souligné que l’un des principaux objectifs de son organisme était de « sortir de la fourniture des services » par la promotion de « l’entraide » et de « l’auto-assistance ». Il estime que les personnes qui ont des problèmes sont au départ de « bonnes gens » dont les difficultés sont dues à des facteurs externes, et qu’il s’agit de « traiter » les difficultés, et non les personnes. En outre, il n’a pas une bonne opinion de l’aide délivrée par les professionnels, qui conduit selon lui à la dépendance et qui ne devrait être sollicitée qu’en dernier recours, si tous les autres moyens ont échoué. Son but est de créer un « système » complet de soutien regroupant les réseaux de personnes (« mettre en relation les gens les uns avec les autres »), les services directs (pour apporter une aide là où elle est nécessaire) et un établissement post-secondaire communautaire (pour former les gens à la fourniture des services). Partie I : ÉTATS-UNIS Input La principale source de financement de Grace Hill est United Way. Cependant, cet organisme reçoit également des fonds du gouvernement fédéral, notamment une aide du service fédéral de la santé publique pour la fourniture de services sanitaires. En outre, il dirige plusieurs campagnes et activités de financement, souvent en collaboration avec les participants au programme, pour collecter ses propres fonds. Services Les services fournis par Grace Hill sont divisés en quatre catégories. La première est une association de quartier sur le modèle MORE (Member Organised Resource Exchange – échange de ressources organisé par les membres) dans le cadre de laquelle les membres peuvent échanger des ressources et des capacités pour s’aider mutuellement. Les principales caractéristiques de cette association de quartier comprennent un échange informatisé des services, des services bénévoles, des services d’urgence, d’emploi, de conseil, des programmes pour la jeunesse, des services pour les personnes âgées, les programmes d’amélioration de la qualité de la vie et des services éducatifs. Ces derniers sont délivrés dans l’établissement d’enseignement post-secondaire du quartier, qui propose des formations sur l’éducation et la santé, afin d’être en mesure d’aider les autres membres de la communauté. Les autres services fournis par Grace Hill sont des soins sanitaires (des soins de santé primaires et des soins dentaires), une aide pour les enfants (garde des enfants, prévention des mauvais traitements et conseils sur les relations parents-enfants) et des services de logement (appartements subventionnés et foyers provisoires pour les familles). Activités en collaboration D’une manière générale, Grace Hill n’est pas enclin à coopérer avec les organismes qui ont une approche plus classique de la fourniture des services et qui apportent une aide extérieure, « professionnelle » à des « clients ». Par exemple, un organisme a obtenu une forte subvention pour la prévention de la toxicomanie, qu’il souhaitait utiliser pour fournir des services dans un quartier desservi par Grace Hill. Cependant, dans la mesure où cet organisme insistait pour employer son propre personnel plutôt que des membres de la population locale et qu’il refusait de coopérer avec Grace Hill, ce dernier n’a pas accepté de voir ce concurrent œuvrer sur son terrain. Cependant, Grace Hill est davantage intéressé par les organismes opérant dans le domaine de l’emploi. Par exemple, il dispose de trois centres de gestion des carrières dans lesquels il accepte l’application du programme FUTURES et dans lesquels les services d’inscription sont assurés sur une base régulière par un agent externe. Il travaille également en étroite collaboration avec les entreprises locales qui organisent des entretiens fictifs dans les locaux des centres et appellent Grace Hill lorsqu’elles ont des emplois à pourvoir. Résultats Tous les programmes de Grace Hill répondent à des objectifs spécifiques, sont supervisés par un groupe de contrôle et comprennent une composante d’évaluation. Un rapport d’évaluation de MORE, présenté en 1988, a conclu que les effets du système MORE étaient globalement positifs. Il ressort principalement de ce rapport que les membres ont l’impression de mieux comprendre les besoins des autres et que leur participation aux d’activités d’entraide s’est accrue. Les membres se déclarent plus confiants et mieux à même de résoudre leurs problèmes. Environ un tiers des personnels travaillant dans le cadre des services de quartier étaient auparavant des employés de MORE. En outre, les niveaux de participation des résidents sont stables ou en augmentation. Ces résultats positifs ont été confirmés pendant notre visite sur place, lorsque nos interlocuteurs nous ont indiqué que le programme MORE rendait aux participants leur fierté et leur amour propre, qu’il fonctionnait bien et que le « quartier l’appréciait beaucoup ». Sur le plan négatif, l’évaluation a fait apparaı̂tre que l’échange des services via la banque de données informatisée n’avait 245 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE guère progressé. Ce rapport énumère également un certain nombre d’obstacles à la mise en œuvre de MORE dans de bonnes conditions, dont le plus important est la variation des ressources due aux fluctuations des effectifs et des limites des quartiers. L’approche d’entraide mutuelle entre voisins mise en œuvre par Grace Hill fait l’objet d’une littérature abondante et suscite un vif intérêt de la part des autres États et d’autres pays. En réponse à cet intérêt, Grace Hill a récemment créé le Jones International Training Centre, qui a pour vocation de diffuser l’approche adoptée par Grace Hill. En 1993, 26 responsables de communautés, venant de plusieurs États des États-Unis mais aussi d’Allemagne, du Japon, d’Uruguay et de République tchèque, ont visité ce centre. Le Centre Penrose de soutien aux familles Contexte Le Centre Penrose de soutien aux familles a été mis en place après que Scott Best a persuadé les hôpitaux de St Louis d’acquérir et de faire don au ministère des Services sociaux du Missouri d’un vieil hôpital qui serait rénové à l’aide des fonds du Civic Progress. Le ministère voulait créer un « guichet unique » fournissant des services interdépendants. Dans ce but, il a invité différents membres de la communauté, dont un prête catholique, un membre d’une fondation, des hommes d’affaires et des habitants du quartier afin de constituer un comité consultatif qui aurait toute liberté de planifier le développement de ce centre. Le comité a bénéficié du soutien et des encouragements de Scott Best, qui a déclaré « vous devez m’aider dans ma lutte, c’est une bataille ». Dans cet esprit, le comité entendait « casser le moule » pour proposer « quelque chose de très différent » à une communauté qui aspirait au changement. Les membres du comité ont fait preuve d’un engagement remarquable pour accomplir leur tâche, souvent lié au sens de l’obligation morale. La population locale est essentiellement composée de Noirs et de personnes à bas revenus. Ces personnes vivent dans une zone caractérisée par l’absence de services de toute sorte, y compris de commerces. C’est le résultat du déchaı̂nement de la violence dans le quartier, associée à la présence de gangs et à la toxicomanie, et enfin de la pauvreté et du désespoir, qui empêche les entreprises de prospérer en toute sécurité dans cette zone. Input Ce centre est géré par le ministère des Services sociaux, bien que chaque organisme qu’il abrite dispose de ses propres sources de financement. Services et obstacles à la collaboration Le comité consultatif a identifié un certain nombre de services, dont l’emploi, les services communautaires et sanitaires, qu’il souhaiterait voir s’implanter dans le centre. Pour le moment, ce centre a encore les capacités d’accueillir des services, mais, selon l’un de nos interlocuteurs, les candidats sont nombreux. L’un des grands principes du centre consiste à fournir ses services dans un cadre agréable et accueillant. Ses bureaux sont donc confortables et modernes et le personnel à l’accueil est chaleureux. Selon un autre interlocuteur, cela relève d’un effort délibéré visant à éviter que les clients aient l’impression d’être des « parasites », ce qui est souvent le cas dans les services surpeuplés et bureaucratiques du secteur public. 246 Si la directrice du centre s’attache à encourager la collaboration entre les organismes, elle estime que les différences de sources de financement, de règles et d’attitudes en constituent les principaux obstacles. Partie I : ÉTATS-UNIS Évaluation Il est encore trop tôt pour procéder à une véritablement évaluation. A l’heure actuelle, l’objectif premier du centre est de gagner la confiance de la communauté locale pour qu’elle soit disposée à profiter de ses services. Caring Communities Contexte A première vue, le quartier de Walbridge, à St Louis, est un quartier de maisons individuelles d’un aspect agréable dans un cadre arboré. Cependant, si on l’examine de plus près, on voit que les maisons sont très mal entretenues et que les portes et les fenêtres de certaines sont condamnées. En fait, Walbridge est un « champ de bataille » sur lequel deux gangs, les Krips et les Bloods, se livrent une guerre sanglante et sans merci pour gagner des territoires (ou plutôt, des coins de rue), et les revendeurs ont installé des « maisons du crack » dans des logements délabrés. La présence des gangs est révélée par les graffitis représentant des symboles et des signes qu’eux seuls sont capables d’identifier. Les revendeurs se prélassent sans se cacher sur le pas de la porte. Le taux d’homicide y est l’un des plus élevés des États-Unis et apparemment, il n’est pas rare que certains habitants passent des nuits tapis sur le sol ou dans leur baignoire pour éviter les coups de feu. Dans ces conditions, un très grand nombre d’enfants et de familles courent des risques, non seulement d’aliénation sociale, mais aussi de se faire gravement blesser ou tuer. Le programme Caring Communities de Walbidge, basé dans les locaux de l’école primaire de Walbridge à St Louis, a été mis en place en 1989 pour répondre aux besoins cruciaux de cette zone. La Fondation Danforth a joué le rôle de catalyseur pour la création du programme et regroupe divers organismes dont le district des écoles publiques de St Louis et les ministères de la Santé mentale, de l’Enseignement primaire et secondaire, de la Santé et des Services sociaux (qui sont tous membres du Family Investment Trust). Ils ont oeuvré ensemble à l’élaboration d’un programme répondant aux besoins du quartier. A ce moment-là, on considérait que ce projet relevait d’un concept « visionnaire ». L’un de nos interlocuteurs nous a expliqué que « les gens de Jefferson City (capitale du Missouri) ne peuvent pas connaı̂tre les problèmes spécifiques de ce quartier, et encore moins les résoudre ». Il a souligné que d’autres États ne sont pas « aussi audacieux » que le Missouri dans la délégation des responsabilités et des ressources. Dès le départ, le programme Caring Communities a constitué un effort de collaboration visant à intégrer les services délivrés à la maison et à l’école pour répondre efficacement aux besoins des enfants à risque et de leurs familles. Ce programme propose un mélange de prévention locale et de stratégies d’intervention visant à protéger les familles et à donner à la communauté les moyens de l’autosuffisance. Ses principaux objectifs sont de faire en sorte que les enfants continuent d’aller à l’école, qu’ils soient en sécurité à la maison (ce qui évite d’avoir à les placer ailleurs) et qu’ils n’aient pas de problèmes avec les autorités. En outre, il veut restaurer l’espoir et la fierté dans une communauté minée par le désespoir et l’aliénation et qui a fortement l’impression que les pouvoirs publics ne font rien « pour elle ». Pour atteindre ces objectifs, Caring Communities tente de mettre en place un système viable d’aide aux familles et au quartier en prenant l’école pour pivot de son action. Ce programme met en avant une grande variété de stratégies de collaboration. Il s’appuie sur le partage des ressources, du pouvoir et de l’information, l’instauration de relations de coopération avec les organismes et les individus à tous les niveaux, y compris les parents, la fourniture des services lorsque les familles en ont besoin et « sur leur propre terrain » et la constitution d’équipes de professionnels qui communiquent les unes avec les autres. Le directeur affirme que « lorsque les organismes ne sont pas intégrés, les gens ne se parlent pas, et ce sont les familles qui en pâtissent ». Cependant, si la collaboration est considérée comme importante, il souligne que « l’objectif premier n’est pas de collaborer mais d’améliorer les services ». 247 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE La sensibilité culturelle est une autre caractéristique clé de ce programme. Dans la mesure où la population est majoritairement composée d’Afro-américains, ce programme promeut le concept d’afrocentrisme, qui reconnaı̂t les différences de race de manière positive, et qui insiste sur l’identité et la détermination. Il met également l’accent sur sept principes, le « Nguzo Saba », traditionnellement célébrés à l’occasion de la semaine de festivités afro-américaines appelées « Kwanzaa ». Le directeur du programme est lui-même afro-américain et c’est un homme charismatique, très intelligent et très dévoué à la cause de la communauté locale. Il est soutenu dans son travail par un conseil consultatif composé d’habitants du quartier, de parents, de membres du personnel scolaire, de responsables communautaires, religieux et de la société civile et de représentants d’organismes tout aussi attachés à l’élaboration de solutions imaginatives aux problèmes du quartier. Financement et formation Ce sont la Fondation Danforth ainsi que les ministères de la Santé mentale, de l’Enseignement primaire et secondaire, de la Santé et des Services sociaux du Missouri qui ont apporté le financement de départ du programme Caring Communities. Depuis plus récemment, ce programme bénéficie aussi de l’aide du district des écoles publiques de St Louis, du ministère de la Sécurité publique, et des initiatives Drug-free Schools (écoles sans drogue) et Civic Progress. Le district des écoles publiques met gratuitement à sa disposition des équipements scolaires. Il arrive que la rigidité des règles de financement conduise le programme Caring Communities à demander aux ministères du Missouri concernés de « réduire la paperasserie ». En outre, lorsque cela est nécessaire, ce programme trouve des moyens « imaginatifs » (quitte à contourner parfois les règles) de trouver des fonds pour les familles qui en ont besoin. Le personnel a reçu une formation spéciale sur les techniques de travail en collaboration et ce programme s’efforce de recruter des professionnels avec des expériences différentes et qui font preuve d’une aptitude au travail en équipe. Services 248 Les services proposés par Caring Communities ont pour objectif de réduire les problèmes sociaux, éducatifs, psychologiques et sanitaires qui empêchent les enfants de réussir leur scolarité et les familles d’atteindre leurs objectifs. Les services de prévention sont le tutorat après les cours, des présentations culturelles en classe, des loisirs où l’on met l’accent sur la non consommation de drogue, un programme pour les enfants qui entrent à la maison avant leurs parents, des conseils pré-embauche et des services de placement, des cours d’animation pour adolescents, un centre de passage pour adolescents et un programme « une nuit de répit » (grâce auquel les enfants peuvent passer jusqu’à quatre nuits par an à l’école pour que les parents puissent se reposer). Les services de soutien comprennent un groupe d’action anti-gang et anti-drogue, un programme de gestion au cas par cas, un service de traitement de jour et une assistance psychosociale pour les alcooliques et les toxicomanes, le programme Families First (protection des familles) et des journées de sensibilisation aux problèmes de la santé, des programmes d’action communautaire et des dépistages. Les initiatives « antiviolence » comprennent des dispositifs de « protection » des témoins de délits et des services de raccompagnement des enfants après l’école (certains ont en effet été pris dans des échanges de coups de feu). C’est le personnel qui travaille dans les locaux de l’école primaire de Walbridge ou des organismes extérieurs tels que la division des services familiaux ou des tribunaux pour délinquants juvéniles qui orientent les personnes vers les programmes Caring Communities. Les parents y participent d’emblée. Ils sont invités à une conférence pour les parents à l’occasion de laquelle on procède à une évaluation initiale des besoins et où on leur demande s’ils acceptent l’intervention. La famille de l’enfant se voit alors attribuer un ou plusieurs services, en fonction de ses besoins. Les cas sont évoqués lors des réunions de traitement en équipe, auxquelles participent tous les membres du personnel qui prennent part à la fourniture des services, et, plus tard, les enseignants et les parents sont conviés à évaluer l’efficacité du programme. Partie I : ÉTATS-UNIS Si la communauté locale a bien accueilli la plupart des services Caring Communities, ses campagnes de lutte contre la violence et la toxicomanie se sont heurtées à une certaine résistance. Les membres des gangs et les revendeurs ont tenté d’intimider les participants à ces campagnes par des menaces verbales et des jets de bombes incendiaires. Il arrive qu’il faille mettre en œuvre une action communautaire, dirigée par Caring Communities, pour protéger les individus. Le directeur du programme participe activement aux marches de protestation et reste en première ligne de la fourniture des services, bien qu’il soit personnellement en danger. Il est convaincu « qu’on a besoin d’être là pour savoir ce qu’il faut faire ». Les obstacles à la collaboration Si le district scolaire déploie tous les efforts possibles pour permettre à Caring Communities d’utiliser les équipements scolaires, les administrateurs scolaires n’en font pas toujours autant. L’un des directeurs d’établissement, qui ne connaissait pas bien le programme, craignait qu’il interfère avec les cours. Mais ses craintes se sont évanouies une fois que la collaboration a commencé. Les autres obstacles à la collaboration ont été le manque de temps pour organiser des réunions, la différence de jargon et de terminologie entre les diverses professions, des problèmes de personnalité, les lois sur la confidentialité et la crainte des poursuites ainsi que les attitudes négatives envers les autres collaborateurs. Les revendeurs de drogue, les détracteurs de l’afrocentrisme et les enseignants seraient les personnes qui soutiennent le moins ce programme. Selon l’un de nos interlocuteurs, certains professeurs tendent à fonctionner suivant un principe dépassé selon lequel l’école est une « tour d’ivoire » qui ne doit pas s’ouvrir aux autres professions et selon lequel les problèmes sociaux n’entrent guère en ligne de compte pour l’éducation. Le directeur du programme a également fait part de ses inquiétudes concernant le récent déménagement des bureaux de Caring Communities dans les locaux plus éloignés du Centre Penrose de soutien aux familles, qui risque selon lui de faire obstacle à la collaboration avec la communauté. Il craint de « perdre de vue ce qui se passe ». Dans la mesure où Caring Communities ne coopère pas activement avec les autres organismes de ce centre intégré de fourniture de services sociaux, il est possible qu’il gagne assez peu à ce déménagement. Résultats Les résultats des premières évaluations pour Caring Communities font apparaı̂tre des améliorations importantes et substantielles des résultats scolaires des enfants de Walbridge qui ont reçu des services de Families First ou de gestion au cas par cas. D’autres enfants de Walbridge ont également fait des progrès généralement plus perceptibles que ceux des enfants fréquentant une école témoin. Qui plus est, ces progrès sont plus substantiels chez les enfants qui ont bénéficié des services pendant la durée la plus longue. Sur le plan anecdotique, le directeur pense que ce programme a « changé la perception des professeurs », qui estiment que les enfants sont davantage prêts à apprendre et que les parents sont plus disposés à participer. Compte tenu de l’approche novatrice de ce programme, il indique également que le personnel est plus motivé et plus énergique. En raison de son succès à Walbrigde, l’initiative Caring Communities a été étendue à une autre école primaire et à un établissement secondaire du premier cycle dans le même quartier. En outre, trois autres écoles de St Louis sont en train de planifier leurs propres programmes Caring Communities, et la possibilité d’un programme à l’échelle de l’État du Missouri est envisagée. Cependant, le ministère des Services sociaux ne sait pas encore comment optimiser cette expansion. Si le directeur de Caring Communities souhaitait développer ce programme en créant sa propre administration, le ministère craint de donner naissance à une deuxième bureaucratie (et donc à un lieu de pouvoir) qui s’ajouterait à la sienne. Du point de vue du ministère, la tendance de Caring Communities à rejeter les services des autres organismes de l’État pose également problème car elle conduit à une redondance de certains services. On peut supposer que cette tendance tient au fait que Caring Communities considère que ces organismes appliquent des méthodes trop traditionnelles. Enfin, on peut s’interroger sur la viabilité des programmes Caring Communities, qui ne bénéficieront pas du charisme et de la 249 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE force de conviction du directeur actuel. Ce dernier joue sans aucun doute un rôle crucial dans le succès du programme initial. Cependant, et c’est prometteur, les nouveaux sites fonctionnent très bien avec différentes équipes de direction. CONCLUSION Le climat dans lequel s’inscrivent ces services Le Missouri (et les États-Unis dans leur ensemble) constitue un cas à part en ce qui concerne la nature des problèmes qu’il rencontre et les attitudes de sa population. La grossesse des adolescentes, la violence des gangs, la toxicomanie et la pauvreté de personnes qui ont pourtant un emploi à temps plein atteignent à l’heure actuelle des niveaux qui dépassent ceux observés dans nombre de pays de l’OCDE. Dans le même temps, sa population est très attachée à l’autosuffisance, affiche une attitude négative vis-à-vis de l’aide sociale et se méfie des interventions de l’État. Dans ces conditions, de nombreuses familles sont contraintes de dépendre de services publics (et privés) qu’elles acceptent avec réticence, et même avec honte. Principales caractéristiques des services éducatifs, sanitaires et sociaux La fourniture des services éducatifs, sanitaires et sociaux au Missouri présente les grandes caractéristiques suivantes : – participation très importante du secteur privé, y compris via une multitude d’organismes étendus et très influents, comme United Way ; – participation importante des entreprises à la planification et la mise en œuvre des services ; – participation très élevée de la communauté due à l’accent mis sur le niveau local par l’État du Missouri et les programmes ; – participation limitée des pouvoirs publics à la fourniture des services sociaux (même s’ils jouent un rôle stratégique important) ; – financement mixte des programmes, notamment par diverses subventions de l’État fédéral, de l’État du Missouri et du secteur privé ; – équipes dirigeantes dynamiques, audacieuses et portées sur l’innovation, prêtes à contrevenir à des règles rigides. La nature de l’intégration La rhétorique puissante sur l’intégration dans le Missouri est liée à une action considérable au niveau de l’État et des programmes. Le partenariat entre secteur privé et secteur public joue un rôle significatif, tout comme la collaboration avec les entreprises locales et la communauté. Dans la mesure où le Missouri compte un grand nombre d’organismes, qui fonctionnent souvent à petite échelle, la collaboration est essentielle à la fourniture de services complets. Si la fourniture des services est souvent d’excellente qualité, sa couverture est souvent limitée. Certains quartiers bénéficient d’une panoplie impressionnante de services alors que d’autres n’en reçoivent que très peu. Cependant, la participation de l’État aux services sociaux du secteur privé dans le Missouri contribue à ce que la population soit desservie de manière plus cohérente. Les obstacles à l’intégration 250 Les principaux obstacles à la collaboration mentionnés par le personnel des programmes sont les suivants : – manque de temps pour organiser des réunions conjointes ; – attitudes dépassées, particulièrement parmi les enseignants ; – problèmes de personnalité ; Partie I : ÉTATS-UNIS – divergences de terminologie entre les diverses professions ; – problèmes de confidentialité ; – divergences des critères d’admission (et d’autres) ; – inquiétudes quant à la rémunération des services ; – sources de financement distinctes ; – craintes d’un affaiblissement de l’identité des organismes ; – rivalité entre organismes. Évaluation des programmes Les bailleurs de fonds privés des programmes éducatifs, sanitaires et sociaux demandent souvent une évaluation. En conséquence, dans le Missouri, rares sont les programmes qui ne sont pas évalués. Parmi les programmes que nous avons visités, tous ont fait état de résultats positifs, même s’il est difficile de déterminer le rôle de la collaboration dans l’obtention de ces résultats. Les programmes efficaces bénéficient souvent d’une bonne communication externe et disposent parfois de la capacité de diffuser leurs activités, à la fois sur le plan national et international. La reproduction des programmes qui marchent est monnaie courante. Les tendances de la fourniture de services Dans le Missouri, les axes suivants sont actuellement privilégiés : – prévention ; – soins centrés sur la famille ; – privatisation des programmes publics ; – décentralisation ; – intégration. Remarques finales L’État du Missouri fournit un excellent exemple de la pratique de l’intégration. Le ministère des Services sociaux ne constitue pas seulement un collaborateur impressionnant et qui réussit, mais aussi un partisan efficace des méthodes de collaboration, comme en témoigne le niveau élevé de la coopération entre professionnels et organismes sur le terrain. 251 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE RÉFÉRENCES MISSOURI DEPARTMENT OF SOCIAL SERVICES (1994a), Local Investment Commission Summary, Jefferson City, Missouri. MISSOURI DEPARTMENT OF SOCIAL SERVICES (1994b), Kansas City Social Services Project, Jefferson City, Missouri. MISSOURI DEPARTMENT OF SOCIAL SERVICES (1994c), Kansas City Futures Advisory and Welfare Reform Committee, Jefferson City, Missouri. MISSOURI DEPARTMENT OF SOCIAL SERVICES (1994d), Outcome Measures Report, Jefferson City, Missouri, octobre. MISSOURI DEPARTMENT OF SOCIAL SERVICES (1994e), Grace Hill, Jefferson City, Missouri. MISSOURI DIVISION OF JOB DEVELOPMENT AND TRAINING (1994), A Guide to the Missouri Job Training System, Jefferson City, Missouri. PARENTS AS TEACHERS NATIONAL CENTER, INC. (1993a), Parents as Teachers : Investing in Good Beginnings for Children, St Louis, Missouri. PARENTS AS TEACHERS NATIONAL CENTER, INC. (1993b), 1993 Annual Report, St Louis, Missouri. PARTNERSHIP FOR CHILDREN (1993), Report Card and Data Briefing Book : The Status of Children in Metro Kansas City, 1993/94, Kansas City, Missouri. PRIVATE INDUSTRY COUNCIL (1992), PY 1992 Annual Report to the Governor : Service Delivery Area 14, Private Industry Council, St Charles County, Missouri. PROJECT EARLY (1994), Family Focus Center, 1829 Madison, Kansas City, Missouri. WOMEN’S EMPLOYMENT NETWORK (1993), Extended Support Pilot Project : Annual Progress Report to Community Funders, Fiscal Year 2, July 1, 1992 to June 30, Kansas City, Missouri. 252 Partie I : ÉTATS-UNIS NEW YORK CITY COORDINATION DES SERVICES DANS UNE MÉTROPOLE MULTI-ETHNIQUE par Jennifer Evans et Josette Combes INTRODUCTION Un septième de la population totale de la ville de New York, soit un million d’enfants, vont à l’école chaque jour. Parmi eux, quelque 130 000 enfants ont des besoins pédagogiques spéciaux, qui nécessitent un soutien supplémentaire. Il y a vingt ans, la population enfantine était en recul, et de nombreux établissements scolaires ont été fermés ou transformés. Cependant, l’augmentation récente du nombre des enfants s’est traduite par une pénurie d’écoles. De nombreux enfants sont aujourd’hui envoyés dans des établissements scolaires qui sont loin de chez eux. Cette tendance met un frein aux récents efforts de construction « d’écoles communautaires » de quartier. Au cours des trois dernières années, 138 000 nouveaux élèves se sont inscrits dans les écoles de la ville de New York. La plupart d’entre eux sont des immigrants ou des réfugiés de fraı̂che date. Ce schéma d’admissions a abouti à l’émergence d’une population scolaire multi-ethnique, parlant en tout une cinquantaine de langues différentes. Actuellement, le corps enseignant ne reflète pas cette diversité. Cependant, les enseignants sont nombreux à reconnaı̂tre la nécessité de recruter des professeurs issus des groupes minoritaires. Plus de la moitié des enfants de la ville de New York vivent dans la pauvreté, et nombre d’entre eux résident dans des quartiers où les tensions ethniques et les autres problèmes sociaux sont monnaie courante. En conséquence, les écoles de la ville ne sont pas en mesure de satisfaire correctement aux besoins sociaux de leurs élèves. Seules quelques rares écoles proposent des horaires prolongés (ouverture tôt le matin et fermeture dans la soirée). La moitié seulement des enfants ayant droit à une garde préscolaire en bénéficient. Moins d’un tiers des élèves prennent part à des activités scolaires pendant les mois d’été. Les raisons de la faillite du système scolaire donnent actuellement lieu à un vaste débat. Le manque de moyens de financement adéquats est perçu comme un problème majeur. L’éducation est financée à 48 pour cent par les taxes et impôts locaux, à 45 pour cent par l’État de New York et 7 pour cent par l’État fédéral. Malheureusement, l’assiette fiscale de la plupart des villes américaines est en baisse. La classe moyenne, essentiellement composée de Blancs, déserte en masse l’école publique. Les établissements publics sont considérés comme destinés « aux enfants des autres », et moins de 25 pour cent des familles comptent un enfant fréquentant une école publique. Le système scolaire est régi par trois niveaux d’autorités : l’État, la ville de New York et les districts scolaires de quartier. Sur le papier, l’accès à l’éducation est démocratique mais, en réalité, on observe des différences fondées sur la situation socio-économique et la race. On considère que ce sont les élèves, et non l’école, qui sont responsables des échecs. La relation entre les normes, l’évaluation et l’enseignement n’est pas claire et on est davantage tenu de rendre des comptes sur la procédure que sur le résultat. 253 COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE Les organismes bénévoles apportent une contribution majeure à l’éducation : ils sont plus d’un millier à travailler d’une manière ou d’une autre en coopération avec les écoles. Des organismes bénévoles étaient partie prenante dans tous les sites d’étude que nous avons visités. SITES VISITÉS Nous avons visités les sites suivants : – les écoles communautaires IS 218 et PS 5, Washington Heights ; – The Door ; – Projet Highroad, IS 183, Bronx ; – la Decatur-Clearpool School, Brooklyn ; – Camp Clearpool, Carmel, New York. Notre programme de visite ne comportait aucun site de garde préscolaire. PS 5 est une école primaire (pour les 6 à 10 ans) et IS 218, IS 183 et la Decatur-Clearpool School sont des établissements secondaires de premier cycle (pour les 11 à 14 ans). PS 5 dispose d’un programme préscolaire Head Start dans ses locaux, qui n’était pas dans la liste des sites à visiter. Nous n’avons visité aucun lycée et aucun centre universitaire de premier cycle. Le seul site proposant des programmes de transition vers le monde du travail est The Door, même si les établissements secondaires de premier cycle offrent à leurs élèves les plus vieux (13 et 14 ans) une expérience du monde du travail. Nous n’avons pas beaucoup eu l’occasion d’interroger les gens. Nous avons officiellement interviewé le directeur et le responsable du programme communautaire de l’établissement IS 218 ainsi que le directeur et le responsable (superintendant) du district scolaire de la Decatur-Clearpool School. Aucun questionnaire rempli ne nous a été retourné. Ce rapport se fonde essentiellement sur les documents publiés fournis par les écoles et les organismes bénévoles (y compris les rapports d’évaluation), et sur les notes que nous avons prises pendant nos visites. ÉCOLES COMMUNAUTAIRES IS 218 ET PS 5 Contexte (niveau stratégique, niveau opérationnel et niveau du terrain) Caractéristiques des sites étudiés IS 218 et PS 5 sont situés à Washington Heights, soit une zone extrêmement défavorisée au nord de Manhattan : – La population de cette zone affiche le taux de pauvreté le plus élevé de toute la ville. Quelque 40 pour cent des familles y ont des revenus inférieurs à 10 000 dollars par an. – A Washington Heights-Inwood, le 34e commissariat de police enregistre les niveaux de toxicomanie et de délinquance, homicides compris, les plus élevés de tous les commissariats de la ville. – La grossesse des adolescen