Coordonner les services pour les enfants et jeunes

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Coordonner les services pour les enfants et jeunes
Cet ouvrage retrace dans le détail l'évolution de ce processus dans sept
pays de l'OCDE : Allemagne, Australie, Canada, États-Unis, Finlande,
Pays-Bas et Portugal. Il étudie la transformation des systèmes dans
l'optique des décideurs, des gestionnaires, des praticiens et des usagers.
Il rend compte du cadre dans lequel s'inscrit cette évolution, met en
lumière les mesures prises pour la favoriser et examine les réformes
proprement dites ainsi que leurs conséquences. Se plaçant dans une
large perspective, cet ouvrage couvre la période préscolaire, la scolarité
et le passage à la vie active.
(96 98 01 2 P) FF 280
ISBN 92-64-26038-2
9:HSTCQE=W[UX]W:
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OCDE
C'est plus qu'un simple replâtrage des systèmes de prestation de
services prévus par la loi. Les services actuels ne correspondent pas aux
besoins. Notre vision de la famille et de ses besoins change, ainsi que
l'équilibre entre les aspects préventifs et curatifs, et la façon dont les
professionnels travaillent ensemble.
OCDE
Entre 15 et 30 pour cent des enfants et des adolescents risquent
d'échouer à l'école où les problèmes d'acquisition des connaissances et
de comportement touchent des enfants de plus en plus jeunes. De
nombreux pays, aux contextes politiques et culturels très différents,
répondent à ces défis en renforçant la coordination des services
éducatifs, sanitaires et sociaux, processus souvent amplifié par une
participation plus large, qui s'étend aux entreprises et aux personnes
âgées.
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE Une perspective mondiale
CENTRE POUR LA RECHERCHE ET L’ INNOVATION DANS L’ENSEIGNEMENT
Coordonner
les services
pour
les enfants
et jeunes
à risque Une perspective mondiale
CENTRE POUR LA RECHERCHE ET L’INNOVATION DANS L’ENSEIGNEMENT
Coordonner les services
pour les enfants et jeunes
à risque
Une perspective mondiale
ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUES
ORGANISATION DE COOPÉRATION
ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUES
En vertu de l’article 1er de la Convention signée le 14 décembre 1960, à Paris, et entrée en vigueur le
30 septembre 1961, l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) a pour objectif de
promouvoir des politiques visant :
– à réaliser la plus forte expansion de l’économie et de l’emploi et une progression du niveau de vie dans les
pays Membres, tout en maintenant la stabilité financière, et à contribuer ainsi au développement de
l’économie mondiale ;
– à contribuer à une saine expansion économique dans les pays Membres, ainsi que les pays non membres,
en voie de développement économique ;
– à contribuer à l’expansion du commerce mondial sur une base multilatérale et non discriminatoire
conformément aux obligations internationales.
Les pays Membres originaires de l’OCDE sont : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Canada, le
Danemark, l’Espagne, les États-Unis, la France, la Grèce, l’Irlande, l’Islande, l’Italie, le Luxembourg, la
Norvège, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni, la Suède, la Suisse et la Turquie. Les pays suivants sont
ultérieurement devenus Membres par adhésion aux dates indiquées ci-après : le Japon (28 avril 1964), la Finlande
(28 janvier 1969), l’Australie (7 juin 1971), la Nouvelle-Zélande (29 mai 1973), le Mexique (18 mai 1994), la
République tchèque (21 décembre 1995), la Hongrie (7 mai 1996), la Pologne (22 novembre 1996) et la Corée
(12 décembre 1996). La Commission des Communautés européennes participe aux travaux de l’OCDE (article 13
de la Convention de l’OCDE).
Le Centre pour la Recherche et l’Innovation dans l’Enseignement a été créé par le Conseil de l’Organisation
de Coopération et de Développement Économiques en juin 1968 et tous les pays Membres de l’OCDE
y participent.
Les principaux objectifs du Centre sont les suivants :
– de poursuivre les travaux de recherche et d’analyse sur les innovations et les indicateurs clés afin de
mieux appréhender les problèmes d’enseignement et d’apprentissage existants ou qui se font jour, ainsi
que leurs liens avec les autres domaines d’action ;
– d’explorer des stratégies d’enseignement et d’apprentissage cohérentes et prometteuses qui tiennent
compte de l’évolution du contexte économique, social et culturel aux niveaux national et international ; et
– de faciliter la coopération pratique entre les pays Membres et, si nécessaire avec les pays non membres,
afin qu’ils recherchent des solutions à des problèmes éducatifs communs et échangent leurs points de vue
sur ces problèmes.
Le Centre exerce son activité au sein de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques
conformément aux décisions du Conseil de l’Organisation, sous l’autorité du Secrétaire général et le contrôle
direct d’un Comité directeur composé d’experts nationaux dans le domaine de compétence du Centre, chaque
pays participant étant représenté par un expert.
Also available in English under the title:
CO-ORDINATING SERVICES FOR CHILDREN AND YOUTH AT RISK
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 OCDE 1998
Les permissions de reproduction partielle à usage non commercial ou destinée à une formation doivent être adressées au
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Tél. (33-1) 44 07 47 70, Fax (33-1) 46 34 67 19, pour tous les pays à l’exception des États-Unis. Aux États-Unis,
l’autorisation doit être obtenue du Copyright Clearance Center, Service Client, (508)750-8400, 222 Rosewood Drive,
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ou de traduction totale ou partielle de cette publication doit être adressée aux Éditions de l’OCDE, 2, rue André-Pascal,
75775 Paris Cedex 16, France.
AVANT-PROPOS
Les études dont il est fait état dans cet ouvrage développent un thème défini dans des travaux
antérieurs décrits dans Les enfants à risque (OCDE, 1995), qui présentaient l’intégration des services
comme un moyen d’apporter aux enfants qui risquent d’échouer à l’école ou dans leur passage à la vie
active, ainsi qu’à leur famille, une aide globale et plus efficace, de nature préventive et adaptée aux
besoins.
Ce rapport complète celui paru sous le titre Des services efficaces pour les enfants et familles à risque (OCDE,
1996) ; il indique d’une manière détaillée comment les pays ont mis en place des systèmes de services
coordonnés qui ont prouvé leur efficacité en répondant aux besoins des usagers. En général, la
stratégie de coordination ne se limite pas aux services publics, mais englobe les interventions d’entreprises, d’associations caritatives et celles d’autres secteurs de la collectivité.
On rend compte de la complexité de tels systèmes en étudiant leur fonctionnement à quatre
niveaux : le niveau des décisions, qui a trait à la législation et aux politiques gouvernementales ; le
niveau des stratégies, qui renvoie à la façon dont les hauts responsables interprètent ces politiques,
compte tenu des grands axes définis pour la gestion de ces systèmes ; le niveau opérationnel, qui
concerne la façon dont sont gérées les prestations de services sur le terrain ; enfin, le niveau de terrain,
qui décrit le fonctionnement des services pour les professionnels et les clients.
Recoupant ces quatre niveaux, des éléments d’information sont présentés selon le modèle CIFE
de Stufflebeam (Stufflebeam, 1988). Ce modèle met l’accent sur la nécessité d’étudier le contexte
qui détermine le besoin de changement, l’input qui aide à introduire le changement, le fonctionnement,
c’est-à-dire le processus de changement lui-même, et enfin les effets ou les résultats du changement.
Le présent ouvrage comprend une introduction aux questions liées à la coordination des services
qui s’inspire des études internationales commandées par le CERI à des experts originaires des pays
participants. Viennent ensuite des études de cas détaillées, fondées sur les recherches effectuées en
Allemagne, en Australie (Nouvelle-Galles du Sud, Australie-Méridionale et Victoria), au Canada
(Alberta, Nouveau-Brunswick, Ontario et Saskatchewan), aux États-Unis (Californie, Missouri et ville de
New York), en Finlande, aux Pays-Bas et au Portugal.
Les travaux se sont déroulés entre 1993 et 1995 et n’auraient pas été possibles sans le concours
généreux des pays concernés, en particulier, les dons du ministère de l’Éducation, du ministère de la
Santé et des Services sociaux, et de la Fondation Charles Stewart Mott des États-Unis, et les dons du
SVO des Pays-Bas.
Cet ouvrage est publié sous la responsabilité du Secrétaire général de l’OCDE.
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TABLE DES MATIÈRES
Remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Introduction et panorama de la littérature existante . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Partie I
ÉTUDES DE CAS MENÉES PAR LE SECRÉTARIAT DE L’OCDE
1.
Allemagne : Les piliers des services sociaux du géant économique de l’Europe . . . . . . . . . .
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Développement économique et dépenses du secteur public . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Évolution démographique de l’Allemagne réunifiée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Les principaux groupes « à risque » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
L’action sociale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Enseignement obligatoire et enseignement professionnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Enseignement et formation professionnels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Origine et évolution de l’intérêt pour les services intégrés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Niveaux de mandat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Sites de recherche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Intégration des services pour les enfants d’âge préscolaire à Brême . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Intégration des services pour les enfants d’âge scolaire à Leipzig . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Les services intégrés et le défi du chômage des jeunes à Duisbourg . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Conclusion générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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2.
Australie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Victoria : Cohésion et conflit dans les efforts fédéraux, locaux et des états visant l’intégration
des services . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Recherche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Principaux groupes « à risque » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Contexte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Tour d’horizon des principaux programmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Réunions avec des hauts responsables de l’éducation de l’État, Melbourne . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Le Bendigo Senior Secondary College . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Le projet STAR (Students at Risk) dans les doyennés (deaneries) de Melbourne . . . . . . . . . . . . . . .
Collingwood College . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Kensington Community High School (KCHS) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Les centres d’information et d’orientation pour les jeunes (YAC) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
L’armée du Salut : le réseau Crossroads de soutien et d’aide au logement . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Australie-Méridionale : Un pionnier dans la mise en place de structures efficaces
pour l’intégration des services . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92
Programmes du Department of Employment, Education, Training and Youth Affairs . . . . . . . . . . . . 92
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COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
L’Australie-Méridionale et sa population . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Système éducatif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Autres programmes d’aide à la poursuite de la scolarité mis en place par les écoles . . . . . . . . . .
Initiatives prises par les autorités d’Australie-Méridionale pour favoriser l’intégration
des services . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
La procédure d’orientation inter-organismes (système IRP) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Autres relations avec le secteur de la santé mentale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Les aborigènes et insulaires du détroit de Torrès . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Intégration des services dans une petite communauté de la côte occidentale
de l’Australie-Méridionale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Résumé et conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Nouvelle-Galles du Sud : Intégrer les services pour traiter un large éventail de problèmes,
depuis la mauvaise conduite jusqu’à la violence criminelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Situation générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Politiques et structures éducatives fédérales et de l’État . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Intégration des services à Sydney . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Intégration des services à Newcastle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.
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Canada . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135
Saskatchewan : Conjuguer les efforts pour intégrer les services du sommet vers la base
et de la base vers le sommet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 136
Situation générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Démographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Groupes « à risque » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Politiques sociale, de santé et d’éducation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Plan d’action en faveur des enfants du Saskatchewan : un cadre d’intégration des services . .
Programme « Travailler ensemble pour faire tomber les obstacles à l’apprentissage : intégrer
les services qui travaillent en liaison avec l’école pour les enfants et adolescents à risque » .
Les visites de sites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Alberta : Changement radical en faveur de l’intégration des services . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161
Situation générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Principaux groupes « à risque » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Organisation des services et financement au niveau provincial . . . . . . . . . .
Origine et réalisation de l’intégration des services . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Initiatives locales dans le cadre du programme « Coordination des services
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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à l’enfance »
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Ontario : L’intégration des services dans la province la plus riche du Canada . . . . . . . . . . . . . . . 181
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Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Situation générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Input . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Quelles sont les causes de la difficulté d’intégration des services dans l’Ontario ? . . . . . . . . . . . .
Situation actuelle de l’intégration des services dans l’Ontario . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Waterloo County Education-Work Connection Demonstration Project . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Projet « Partir du bon pied pour un avenir meilleur », Sudbury . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Projet d’intégration des services à l’enfance dans le nord de l’Ontario, Cochrane/Timiskaming . . .
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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TABLE DES MATIÈRES
Nouveau-Brunswick : Travailler mieux grâce à l’intégration des services . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Visite de site : Woodstock . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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196
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États-Unis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 219
Missouri : L’intégration des services par le biais d’un partenariat entre le secteur public
et le secteur privé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Initiatives de l’État du Missouri . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Initiatives municipales : Kansas City . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Initiatives municipales : St Louis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Intégration des services pour les enfants d’âge préscolaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Intégration des services pour les enfants d’âge scolaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Intégration des services pour l’insertion des jeunes dans le monde du travail . . . . . . . . . . . . . . . .
Intégration des services pour les familles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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New York City : Coordination des services dans une métropole multi-ethnique . . . . . . . . . . . . . .
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Sites visités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Écoles communautaires IS 218 et PS 5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
The Door . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Projet Highroad – IS 183 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
L’école Decatur-Clearpool et le camp Clearpool . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
L’initiative des écoles Beacon de la ville de New York . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Californie : Terre d’abondance de l’Amérique, la Californie s’achemine vers l’intégration . . . . .
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Principales caractéristiques de l’État de Californie et de sa population . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Initiatives (stratégiques) de l’État pour relier les services aux écoles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Initiatives (stratégiques) de l’État pour mettre en place un financement flexible et des équipes
au niveau des comtés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Création de capacités au niveau de l’État (stratégique) en vue de réformer le système . . . . . . . .
Mesures de l’État (stratégiques) pour aborder les problèmes de confidentialité . . . . . . . . . . . . . .
Résumé et discussion des initiatives au niveau de l’État (stratégiques) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Niveau (opérationnel) du comté de San Diego . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Résumé et conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Finlande : Une méthode d’intégration des services reposant sur la mise en place
d’un filet de sécurité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 307
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Le contexte socio-économique en Finlande . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
L’administration finlandaise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Les enfants et jeunes « à risque » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Les services sanitaires et sociaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
L’éducation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Les raisons du soutien apporté par le gouvernement au concept d’intégration des services . . . . .
Les mesures visant à faciliter l’intégration des services . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
L’évaluation du principe de « responsabilité de proximité » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Les études de cas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
A Helsinki : les services intégrés destinés à la petite enfance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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7
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
Jyväskylä : les services intégrés destinés aux enfants d’âge scolaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 320
Hämeenlinna : l’aide à l’insertion professionnelle des jeunes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 327
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 336
6.
Portugal : L’intégration des services dans le cadre des changements socio-économiques . . 341
Situation générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Études de cas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Services destinés aux enfants d’âge préscolaire . . . . . . . . . . .
Services destinés aux enfants d’âge scolaire . . . . . . . . . . . . .
Services destinés aux jeunes en transition vers la vie active
Conclusion générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Partie II
ÉTUDES DE CAS MENÉES PAR LA FINLANDE ET LES PAYS-BAS
7.
Finlande : Expériences d’intégration des services éducatifs, sanitaires et sociaux . . . . . . . . 375
L’intégration des services sanitaires et sociaux à Helsinki . . . . . . . . . . . . .
L’antenne sanitaire et sociale de Latokartano . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Zone et population couvertes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Services disponibles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Le projet d’intégration des services . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Les objectifs de l’intégration des services . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Contributions à la réalisation du projet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Évaluation de la nécessité et des avantages de l’intégration . . . . . . . . . . . .
Bénéfices escomptés de l’intégration des services . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Problèmes liés à l’intégration des services et critères décisifs pour sa mise
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Les enfants à risque à Korso : un projet de développement appliqué à l’aide sociale
à l’enfance et à la pédopsychiatrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Cadre général du projet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Objectifs du projet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Méthodes permettant d’atteindre les objectifs du projet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Maı̂tres d’œuvre du projet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Fonctionnement du projet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Évaluation du projet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Un exemple de cas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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399
Le décloisonnement professionnel .
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
La situation en Finlande . . . . . . . . .
Des solutions encourageantes . . . . .
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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en œuvre
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Pays-Bas : A la recherche de la rentabilité, de l’efficience et de l’efficacité . . . . . . . . . . . . . 417
Préface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Étude de cas sur la période préscolaire : Emmen .
Étude de cas en milieu scolaire : Rotterdam . . . . .
Conclusion et discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Annexe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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REMERCIEMENTS
Le travail décrit dans cet ouvrage a été réalisé grâce au concours d’un très grand nombre d’experts
et d’institutions.
Les experts suivants, Mme Josette Combes de l’ACEPP (Association Collectifs Enfants, Parents,
Professionnels), Paris, France ; Mme Jennifer Evans de l’Institute of Education, Université de Londres,
Royaume-Uni ; Professeur Mary Lewis de l’Université de Houston, Texas, États-Unis ; Mme Lucienne
Roussel, Inspecteur général du ministère de l’Éducation nationale, Paris, France ; et Professeur Richard Volpe de l’Université de Toronto, Canada, ont participé à la conception et à l’exécution du
travail avec grand enthousiasme et grand engagement.
Les institutions suivantes ont apporté leur soutien lors de la réalisation des études de cas.
ALLEMAGNE
Deutsches Jugendinstitut (DJI).
Brême : Senator für Gesundheit, Jugend und Soziales ; Stadtteilkonferenz, Huchting ; Stadtteilfarm
Huchting ; Kindertagesheim (KTH) Dietrich Bonhoeffer ; Kindertagesheim (KTH) Höpost ; Mütterzentrum ; Haus der Familie.
Duisbourg : Industrie-und Handelskammer Duisburg ; Dezernat für Schule und Jugend der Stadt
Duisburg ; Jugendamt Duisburg ; Arbeitsamt Duisburg ; Stadtrat ; Regionale Arbeitsstelle für Ausländerfragen (RAA) Duisburg ; auerbetriebliche Berufsbildungseinrichtung ; Bertolt Brecht Berufsschule.
Leipzig : Sächsisches Staatsministerium für Kultus ; Sächsisches Staatsministerium für Soziales,
Gesundheit und Familie ; Regionale Arbeitsstellen für Ausländerfragen (RAA) ; Dezernat für Schule,
Jugend und Sport der Stadt Leipzig ; Jugendamt Leipzig ; Christlicher Verein junger Männer (CVJM),
Leipzig ; 21. und 51. Mittelschule ; Schülerclub Grunau.
AUSTRALIE
Canberra : The Department of the Prime Minister and Cabinet ; The Department of Employment,
Education, Training and Youth Affairs ; The Department of Human Services and Health ; The Department
of Social Security ; The Attorney General’s Office.
Nouvelle-Galles du Sud. Sydney : Arthur Phillip High School ; Burnside (Uniting Church in Australia) ;
South Sydney Youth Services ; City Central Youth Access Centre ; Inner West Youth Access Centre ;
Cleveland Street High School ; Cranebrook High School ; Jamison High School ; Nepean High School ;
Barnado’s Penrith Centre ; Penrith Police Citizens’ Youth Club ; The Wirraway Community Centre.
Newcastle : Newcastle Youth Access Centre ; Jasper-Gateshead High School ; Lake Macquarie Police
Citizens’ Youth Club ; The Eastlakes Community Network Committee ; Jesmond High School – Hunter
Adolescent Support Unit ; The Annexe – Worimi School.
Australie-Méridionale. Adélaı̈de : The Commonwealth Employment Service ; Department for Education and Children’s Services, Family and Children’s Services, Child and Adolescent Mental Health
Services ; The Beafield Education Centre ; Paralowie R-12 School ; Fremont High School ; Seaton High
School ; Port Adelaide Youth Access Centre ; Salisbury Youth Access Centre ; Possibility 14. Ceduna
Murat Bay District Council ; The Aboriginal Pre-Kindergarten, Murat Bay Children’s Centre ; Crossways
9
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
Lutheran School ; Ceduna Area School ; Spencer Institute of Technology and Further Education ; South
Australia Independent Schools Board Inc., Malvern.
État de Victoria. Melbourne : The Directorate of School Education ; The Catholic Education Office ;
Melbourne Deaneries STAR Project ; Preston Koori Youth Access Centre ; Brunswick Youth Access Centre ; Footscray Youth Access Centre ; Melbourne Youth Access Centre ; Crossroads Housing and Support
Network Collingwood College ; Kensington Community High School. Bendigo : Bendigo Senior Secondary
College.
CANADA
Toronto : The Council of Ministers of Education.
Alberta. Edmonton : The Ministry of Education ; Ministry of Health ; Ministry of Family and Social
Services ; Ministry of Justice ; Commissioner of Services for Children ; Community Services Consultancy Ltd ; Wellington Junior High School ; St. Nicolas Catholic Junior High Programme : Partners for
Youth. Lethbridge : Lethbridge City Council ; Lethbridge Co-ordination of Services for Children Initiative ;
Pre-school Assessment Treatment Centre ; Lethbridge Regional Hospital ; Parents Place ; Family and
Community Development Programme ; School Districts 9 and 51 ; Canada Employment ; Youth
Employment Centre ; Paediatric Neuromuscular Unit ; Programme Outreach. Calgary : The City of Calgary ;
Calgary Board of Education ; Calgary Catholic School Board ; Alcohol and Drug Abuse Commission
(AADAC) ; Calgary Health Services ; Alberta Mental Health ; Alberta Children’s Hospital ; Federation of
Calgary Communities ; Opening Doors Steering Committee ; Adolescent Treatment Centre ; Thornhill
Community services ; McDougall Centre ; Huntington Hills University of Calgary.
Nouveau-Brunswick : Department of Education ; Department of Health and Community Services.
Woodstock : The Office of the Mayor ; School District 12 ; Atlantic Provinces Special Education Authority ;
Family and Community Social Services ; Centennial Elementary School ; Woodstock Junior High School ;
Woodstock High School ; Carelton Victoria Child Development Services Inc. ; The Woodstock Access
Centre ; The Probation service.
Ontario : The Ministry of Education and Training ; Ministry of Health ; Ministry of Community and
Social Services ; Ministry of Inter-Governmental Affairs ; Ontario Association of Children’s Aid Societies.
Timmins : The Office of the Mayor ; Ministry of Education and Training ; Ministry of Health ; Ministry of
Community and Social Services ; Ministry of Northern Development and Mines ; MPP ; The Area InterMinisterial Management Committee ; Laurentian University ; Integrated Services for Northern Children ;
South Cochrane Child and Youth Service (Children’s Mental Health Centre) ; Jeanne Sauve Youth
Services ; Children’s Treatment Centre. Kitchener : The City of Kitchener ; Eastwood Collegiate Institute ;
The Waterloo County Board of Education ; The Mutual Insurance Group ; The Rotary Club ; The Volunteer
Action Centre of Kitchener. Sudbury : The Ministry of Education and Training ; Ministry of Health ;
Ministry of Community and Social Services ; Federal Department of Indian and Northern Affairs ; Better
Beginnings, Better Futures Association.
Saskatchewan : Saskatchewan Education ; Saskatchewan Social Services ; Saskatchewan Health
Services ; The League of Educational Administrators ; Saskatchewan School Trustees Association ;
Saskatchewan Federation of Home-School Associations ; Princess Alexandra Community School ; Princess Alexandra Community Association ; Riversdale Community and School Association ; Riversdale
Business Improvement District ; Saskatoon Police Service ; Planning and Development, Saskatoon ;
Saskatoon Prince Albert Regional Education Services ; Prince Albert Regional Social Services ; Prince
Albert Police Department ; St. Mary’s School ; Prince Albert Regional Health Services ; West Flat Citizens’
Group.
ÉTATS-UNIS
10
Washington : The Department of Education ; The Department of Health and Human Services ; The
Department of Housing and Urban Development ; The White House Domestic Policy Council ; Council of
Chief State School Officers ; National Governors Association ; The Institute of Educational Leadership.
REMERCIEMENTS
Californie. Sacramento : The Department of Social Services ; The Department of Health Services ; The
Department of Education ; California Child Development Programmes Advisory Committee ; California
Assembly Office of Research ; California Legislature Assembly, Committee on Human Services ;
California Research Bureau ; The Foundation Consortium for School Linked Services ; California Legislative Budget Committee. San Diego : The Office of the Superintendent, San Diego City School District ;
Department of Health Services ; Department of Social Services ; Department of Health Services ; The
Private Industry Council ; The Children’s Hospital and Health Centre ; Alexander Hamilton Elementary
School ; Hoover Health and Social Services Centre ; New Beginnings Council ; The Healthy Start Program.
Missouri : Missouri Department of Social Services ; Department of Elementary and Secondary
Education ; Department of Health ; Department of Mental Health ; The Family Investment Trust.
Kansas City : LINC (Local Investment Commission) ; Futures Advisory Committee ; 21st Century
Communities ; Heart of America Family Services United Way ; Women’s Employment Network ; KCMC
Child Development Corporation ; Goppert Child Development Centre ; Southeast High School ; Swope
Parkway Neighbourhood Clinic ; Family Focus Centre ; Partnership for Kids ; Full Employment Council ;
Adult Basic Education ; Employment Security ; Penn Valley College.
St Louis : Grace Hill Neighbourhood Services ; Family Preservation Services ; LINC, Parents as
Teachers (PAT) ; 21st Century communities ; Crisis Nursery ; Penrose Family Support Centre ; St Charles
Employment Training Office ; Caring Communities.
New York : The National Centre for Social Work and Education Collaboration ; The Edwin Gould
Foundation ; The Fund for New York City Public Education ; The Aaron Diamond Foundation ; The Youth
Development Institute ; The Children’s Aid Society ; The Door ; Community School, IS 218/PS5 ; Project
Highroad, IS 183 ; The Clearpool School and Camp Clearpool.
FINLANDE
Hameenlinna : Hämeen lääninhallitus ; Hämeen lääninhallitus kouluosasto ; Hämeen lääninhallitus
sosiaali-ja terveysosasto ; Hämeenlinnan kaupungin erityispalvelut ; A-Klinikka ; Ammatillinen opettajakorkeakoulu (Hämeenlinna) ; Hämeenlinnan kaupungin nuorisotoimisto ; Hämeenlinnan seudun kansanterveystyön kuntayhtymä ; Hämeenlinnan perusturvavirasto ; Vanajan koulukoti ; Harvialan koulukoti ;
Hämeenlinnan perhetukikeskus ; Hämeenlinnan ammattioppilaitos ; Hämeenlinnan poliisilaitos ;
Kiipulasäätiö.
Helsinki : Opetushallitus ; Sosiaali-ja terveysalan tutkimus-ja kehittämiskeskus, STAKES ; Äitiys-ja
lastenneuvola, Myllypuron terveyskeskus ; Oulunkyl än erityisensikoti ; K äpyl än pikkulastenkoti ; Koulupsykologipalvelut (Helsingin kaupunki) ; Kotip alvelu (Helsingin kaupunki) ; Päiväkoti
(Helsingin kaupunki) ; Helsingin yliopistollinen keskussairaala ; Auroran lastensairaala ; Helsingin kaupungin sosiaalivirasto ; Ensikotien liitto.
Jyväskylä : Keski-Suomen lääninhallituksen kouluosasto ; Keski-Suomen lääninhallituksen sosiaalija terveysosasto ; Keski-Suomen perheneuvola ; Mannerheimin Lastensuojeluliiton Keski-Suomen piiri ;
Suomen mustalaislähetys ; Jyväskylän kaupungin hallinto ; Jyväskylän yliopisto ; Nenäinniemen alaasteen koulu ja päiväkoti ; Huhtaharjun koulu ; Huhtasuon sosiaali-ja terveyskeskus ; Hovilan nuorisokoti
ja työpaja.
PAYS-BAS
Zoetermeer : The Ministry of Education, Culture and Science.
Emmen : Bureau of the Drenthe Educational Priority Area ; New Dordrecht preschool playgroup.
Rotterdam : City Fund for Reduction of Educational Disadvantages Rotterdam (FAO) ; Foundation
De Meeuw ; Protestant Educational Services Foundation Rotterdam (DCO) ; De Beukelburg school ;
Foundation for Welfare in Afrikaanderwijk ; Erasmus University.
Rijswijk : Ministry of Health, Welfare and Sports.
11
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
PORTUGAL
Lisbonne : Ministério da Educação ; Ministério do Emprego e da Segurança Social ; Ministério da
Justiça ; Casa Pia de Lisboa ; Colégio Pina Manique ; Colégio de N. St. da Conceição ; Direcção de
Serviços de Saúde Mental ; Instituto de Apoio à Criança ; SOS Criança (linha telefónica) ; Santa Casa de
Misericórdia de Lisboa ; Jardim Zoológico de Lisboa ; Aldeia de Santa Isabel ; Câmara Municipal de
Lisboa ; Junta de Greguesia ; Escola do 1° Ciclo n°5 da Amora – Quinta da Princesa ; CEBI – Centro
Comunitário de Alverca ; Núcleo de Intervenção Comunitária para a Prevenção da Toxicodependência ;
Chapitô ; Centro de Observação e Acção Social ; Centro de Estudos para a Intervenção Social ; Escola
Preparatória de Vila Franca de Xira ; Escola Secundaria de Linda-a-Velha ; Secretariado Eutre Culturas ;
Centro Social do Bairro 6 de Maio.
Porto : Centro Regional de Segurança Social do Norte ; A Casa do Caminho ; Projecto de Luta contra
a Pobreza de Ringe ; Fundação para o Desenvolvimento da Zona Histórica do Porto.
12
INTRODUCTION ET PANORAMA
DE LA LITTÉRATURE EXISTANTE
par
Philippa Hurrell et Peter Evans
Anita, 24 ans, est une jeune mère noire qui élève seule ses trois enfants de
16 mois, 4 et 5 ans. Elle a quitté l’école à l’âge de 15 ans et n’a pas d’emploi.
Son fils de 4 ans, Thomas, a des problèmes d’élocution. Anita a honte de
dépendre de l’aide sociale. Un programme baptisé New Start, mis en place à
Kansas City, lui permet de suivre des cours pour obtenir un diplôme
d’enseignement supérieur par équivalence, pendant que Thomas est accueilli dans
un centre de protection infantile, situé au même endroit. Grâce à New Start, il
bénéficie de soins dentaires et médicaux et reçoit l’aide de spécialistes pour ses
problèmes d’élocution. Toujours grâce à New Start, Anita a espoir dans l’avenir et
commence à reprendre confiance en elle. Thomas est très heureux au sein du
centre de protection infantile. Il aime beaucoup aller au musée, au spectacle et au
zoo, autant de lieux qu’il n’aurait jamais pu connaı̂tre dans d’autres
circonstances.
INTRODUCTION
Les pays de l’OCDE se préoccupent de plus en plus du nombre croissant d’enfants et de familles
qui vivent dans des milieux défavorisés et qui, pour des raisons d’échec scolaire et de chômage, se
trouvent exclus de la société. Ils sont nombreux à avoir de multiples problèmes d’ordre économique,
éducatif, social et sanitaire qui les empêchent de mener une vie privée et professionnelle pleine et
gratifiante.
Nombre de pays de l’OCDE considèrent la fourniture intégrée de services éducatifs, sanitaires et
sociaux comme la solution la plus prometteuse à ce problème. De l’avis général, le rapprochement de
ces services peut permettre des prestations plus efficaces et mieux ciblées, qui plus est à un coût
moindre pour les pouvoirs publics.
Devant le profond intérêt que manifestent les pays Membres à l’égard de l’intégration des services
pour les enfants à risque, le Centre pour la recherche et l’innovation dans l’enseignement (CERI) de
l’OCDE a lancé une étude sur trois ans (de 1993 à 1995), en vue d’explorer les mesures et les pratiques
dans ce domaine. L’intégration des services y a été définie comme « la coordination, la coopération ou
la collaboration des activités de deux services au moins » (OCDE, 1996), et les enfants à risque y sont
décrits en ces termes : « Il s’agit d’enfants qui échouent à l’école, qui ne réussissent pas leur passage à
la vie active et qui, de ce fait, ne sont pas capables de contribuer pleinement à la société active »
(OCDE, 1996). Au total, 14 pays Membres ont participé à cette étude : l’Allemagne, l’Australie, la
Belgique, le Canada, les États-Unis, la Finlande, la France, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal, le RoyaumeUni, la Slovénie, la Suède et la Turquie. Les principaux résultats de ces recherches, et notamment des
extraits d’études de cas émanant de sept pays, sont présentés dans la publication intitulée Des services
efficaces pour les enfants et familles à risque (OCDE, 1996) qui dresse un tableau synthétique de la situation.
13
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
Cependant, le Secrétariat ainsi que les pays de l’OCDE sont convenus que les comptes rendus des
études de cas résumés dans cette publication de premier plan contenaient des détails importants et
utiles et qu’ils méritaient donc d’être publiés. On a également pensé qu’il pouvait exister des avantages non négligeables à ancrer ces études de cas dans d’autres travaux nationaux traitant de ce sujet.
Le présent rapport a donc pour objet de mettre en exergue les principaux thèmes traités dans d’autres
études nationales de référence, de reproduire les études de cas par pays dans leur intégralité et de
permettre des comparaisons utiles entre les résultats de ces recherches nationales et les conclusions
de l’étude internationale menée par l’OCDE.
Sur le plan international, de très nombreux ouvrages traitent des services intégrés. Dans certains
pays, tels que les États-Unis, ces travaux sont très avancés. Dans d’autres, par exemple au Portugal, ils
ne font que commencer. L’étude de l’OCDE comprend un certain nombre de caractéristiques qui la
distinguent d’autres études publiées à travers le monde. En premier lieu, c’est une étude internationale et comparative (les autres projets de recherche couvrant plusieurs pays sont peu nombreux).
Deuxièmement, elle se penche sur l’intégration des services à différents niveaux hiérarchiques (niveaux
stratégique, opérationnel et du terrain), en analysant les changements du cadre juridique, ainsi que le
point de vue des administrateurs, des professionnels et des clients. Troisièmement, elle expose la
fourniture de services pour trois catégories d’enfants – les enfants d’âge préscolaire, les enfants d’âge
scolaire et les jeunes qui passent de l’école à la vie active – ainsi que pour leur famille. Quatrièmement, elle prend en compte plusieurs aspects des services éducatifs, sanitaires et sociaux, et notamment le cadre dans lesquels ils sont fournis, les moyens mis en œuvre, dont les moyens financiers, le
processus de fourniture de ces services et les résultats pour la clientèle. Enfin, elle analyse de
nombreux programmes différents et localisés, ce qui lui permet de décrire le fonctionnement de
réseaux communautaires complexes.
Cette introduction est axée sur la littérature traitant de l’intégration des services en Allemagne, en
Finlande, au Portugal, aux États-Unis, au Canada et en Australie (un panorama de la littérature des
Pays-Bas fait l’objet d’un rapport distinct, proposé par le bureau des publications officielles de ce pays,
dans Geelen et al., 1994). L’analyse s’appuiera sur un récapitulatif des études que des experts, à
l’échelle nationale, ont été chargés de mener sur le sujet. Ensuite, le rapport rappelle les « meilleures
pratiques » dans le domaine des services intégrés en Europe (Allemagne, Finlande, Portugal et
Pays-Bas), aux États-Unis (Missouri, ville de New York et Californie), au Canada (Saskatchewan, Alberta,
Ontario et Nouveau-Brunswick) et en Australie (Victoria, Australie-Méridionale et Nouvelle-Galles du
Sud). Ces études de cas fournissent des analyses et des descriptions riches et détaillées des services
intégrés dans différents lieux, utiles aux administrateurs et aux praticiens qui définissent ou qui
s’attachent à appliquer des dispositifs intégrés.
Le présent rapport entend mettre à disposition le « savoir-faire » international acquis dans le
domaine des services intégrés, afin de décrire différentes approches permettant l’intégration, de
souligner les obstacles aux méthodes de travail coordonnées et de proposer des solutions fondées sur
l’expérience internationale.
BILANS NATIONAUX DES RECHERCHES SUR LES SERVICES INTÉGRÉS
L’OCDE a commandé au total six bilans nationaux de la littérature relative aux services intégrés en
Allemagne, en Finlande, au Portugal, aux États-Unis, au Canada et en Australie. L’objectif était d’identifier les composantes clés des recherches universitaires et des rapports gouvernementaux traitant de
cette question, même si, dans certains pays où elle est abondamment explorée, la tâche s’est révélée
fort complexe. L’analyse des recherches nationales ci-après expose les principales préoccupations et
interrogations de « penseurs » et de décideurs de tout premier plan à l’échelle nationale, en rapport
avec l’intégration des services.
14
Composant une toile de fond pour les études de cas, sur lesquelles la présente publication est
axée, cette synthèse des recherches nationales est nécessairement très brève.
INTRODUCTION ET PANORAMA DE LA LITTÉRATURE EXISTANTE
Allemagne
Selon Haubrich et Zeller (1994), la littérature allemande comporte peu de références à « l’intégration des services » et mentionne plutôt les termes « coopération » et « coordination ». Cependant, ces
termes ont un sens analogue à celui d’intégration, telle que celle-ci est définie par d’autres pays.
Un pan important de la littérature allemande relative aux services intégrés met l’accent sur
l’historique d’une telle approche. Haubrich et Zeller (1994) indiquent que la coordination des services
sociaux est devenue un thème national à la fin des années 60, pendant le mouvement contestataire.
Ceux qui critiquaient l’organisation de ces services sociaux soulignaient la nécessité d’une nouvelle
approche par laquelle, d’une part, les besoins des consommateurs seraient analysés en tenant compte
de leur environnement social et, d’autre part, ces consommateurs pourraient participer au processus de
fourniture des services (Barth, 1993). Pendant les années 70 et 80, des efforts ont été accomplis dans la
réorganisation des bureaux de protection sociale implantés dans les communes pour qu’ils se tournent
davantage vers la population et gagnent en efficacité. Il s’agissait principalement de les encourager à
des actions de proximité et de réduire la fragmentation et la fourniture de services en double (Bronke
et Wenzel, 1980 ; Reichwein et Kirchhoff, 1980 ; Jordan et Sengling, 1992). Pendant les années 70 et 80,
les projets modèles de réorganisation des services sociaux communaux n’ont pas manqué, mais, selon
Olk (1991), ces projets n’ont pas souvent réussi à introduire de véritables changements dans la
fourniture des services.
Ces dernières années, le concept qui prédomine dans les débats politiques et parmi les professionnels sur l’éducation et l’aide sociale est celui du « milieu de vie », ou environnement social, des
individus (Habermas, 1981). Il en résulte un intérêt accru pour l’analyse des problèmes des consommateurs dans le cadre de leur environnement socio-économique et des « aides à la décentralisation et à la
régionalisation » des services sociaux afin qu’ils puissent répondre aux besoins locaux (Haubrich et
Zeller, 1994).
Un certain nombre d’études allemandes mettent l’accent sur les mesures d’encouragement à
l’intégration des services et sur leur impact, tant dans les anciens Länder (l’ancienne République
fédérale d’Allemagne) que les nouveaux Länder (l’ex-République démocratique allemande). Haubrich et
Zeller (1994) indiquent que, depuis 1990 dans les nouveaux Länder et 1991 dans les anciens Länder, la
Loi allemande sur les services aux enfants et aux jeunes encourage la prévention, l’octroi de responsabilités plus grandes aux consommateurs et l’intégration des services. Cependant, Haubrich et Zeller
affirment que le manque de moyens financiers entrave la mise en pratique des recommandations
inscrites dans cette loi. Ils notent que ce texte touche très différemment les anciens et les nouveaux
Länder, en grande partie du fait qu’ils n’ont absolument pas les mêmes traditions dans le domaine de la
protection sociale. Dans les anciens Länder, le principe de subsidiarité (selon lequel le secteur associatif a la priorité sur le secteur public) a débouché sur une fourniture de services sociaux largement
assurée par le secteur privé. En revanche, dans les nouveaux Länder, c’est le secteur public qui
prédomine. De plus, la profession de travailleur social est solidement implantée dans les anciens
Länder, alors qu’elle est quasiment inexistante en tant que telle dans les nouveaux Länder (BackhausMaul et Olk, 1992). Les nouveaux Länder, plus encore que les anciens Länder, doivent donc déployer des
efforts considérables pour mettre en œuvre les changements, dans un environnement de ressources
limitées. Les communautés locales n’assument que les tâches qui relèvent de leur responsabilité et
laissent les actions novatrices à des « projets modèles » financés sur des fonds publics ou privés (Thole,
1993).
Nombre de comptes rendus détaillés sur des programmes intégrés ciblant les enfants d’âge
préscolaire, ceux d’âge scolaire et les jeunes en voie d’insertion professionnelle ont été rédigés par des
auteurs allemands. Selon le principe de l’aide sociale axée sur l’intégration, les services destinés aux
enfants d’âge préscolaire (crèches, jardins d’enfants et crèches collectives) sont censés coopérer les
uns avec les autres (Jordan et Sengling, 1992). Faisant partie du système éducatif, les jardins d’enfants
sont traditionnellement ouverts sur l’école. Cependant, depuis quelques années, ils font des efforts
pour s’intégrer davantage à la communauté. L’accueil des jeunes enfants à risque n’est plus assuré
dans des institutions, mais par la famille, avec l’aide d’un réseau de services locaux. Les activités
15
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
d’orientation et de soutien, traditionnellement assurées de manière indépendante, sont de plus en
plus tournées vers la communauté et vers la coopération avec d’autres organisations. Il existe un certain
nombre de projets pilotes fondés sur la coopération entre les jardins d’enfants ou les structures de
garde et les centres de consultation infantile. Les évaluations de ces projets soulignent la nécessité
de développer le financement, la formation et le suivi et de supprimer les relations hiérarchiques
(Haberkorn et al., 1988).
S’inscrivant dans la nouvelle perspective axée sur le milieu de vie, les services sociaux destinés
aux enfants d’âge scolaire cherchent de plus en plus à coopérer avec les établissements d’enseignement dans lesquels les élèves passent une grande partie de leurs journées. En effet, dans le cadre de
la Loi allemande sur les services aux enfants et aux jeunes et d’autres lois relatives à l’enseignement,
les services à la jeunesse et les établissements scolaires officiels sont tenus de coopérer les uns avec
les autres. De plus, les services à la jeunesse ont la responsabilité de proposer aux établissements
d’enseignement des programmes encourageant la réussite scolaire des élèves défavorisés. Devant la
montée de certains problèmes graves au sein des établissements scolaires, tels que la violence et
l’extrémisme politique, de nombreux enseignants ont accueilli avec enthousiasme le principe selon
lequel l’action sociale en milieu scolaire est l’une des composantes essentielles de la vie à l’école
(Raab, 1994). De grandes différences subsistent néanmoins d’un Land à l’autre concernant le degré
d’intégration, à ce jour, des services à la jeunesse et des établissements scolaires. La coopération est
notamment entravée par les points de vue divergents des enseignants, qui considèrent que leur rôle
est de transmettre le savoir, et des travailleurs sociaux, qui ont pour objectif de répondre à tous les
besoins des enfants (Glanzer, 1993). Même si certains enseignants ne sont pas disposés à ce que les
écoles accueillent des travailleurs sociaux, de nombreux chercheurs estiment que ces derniers sont
investis d’une mission clé : identifier les problèmes individuels et organisationnels et trouver des
solutions adaptées (voir, par exemple, Kunkel, 1990).
Le spectre du chômage encourage la mise en place d’un dispositif d’aide professionnelle pour les
jeunes défavorisés, et notamment des programmes de préparation de carrière et de formation professionnelle (Raab, 1992). La plupart de ces programmes sont financés conjointement par l’Office fédéral
du travail, par des organismes indépendants (privés) qui fournissent des services sociaux et une aide
aux jeunes, et par des associations. Jusqu’à une date récente, la contribution des organismes officiels
était limitée, même si, aux termes de la Loi allemande sur les services aux enfants et aux jeunes, ils
sont désormais tenus de répondre aux besoins des jeunes sans formation et sans emploi (Braun et al.,
1993). L’échec scolaire étant la menace la plus grave pour les enfants défavorisés, de nombreux
programmes de formation professionnelle ont été mis en place en milieu scolaire afin d’y faire obstacle.
Ces programmes ont une valeur socio-pédagogique et nécessitent généralement la collaboration de
plusieurs organismes différents.
Les études de cas allemandes menées par l’OCDE fournissent des informations à jour qui reflètent
le degré de mise en conformité avec la Loi allemande sur les services aux enfants et aux jeunes.
Finlande
Les recherches universitaires ou stratégiques axées sur l’intégration des services sont relativement
peu nombreuses en Finlande. Cependant, un certain nombre d’études traitent de cette question. Elles
sont rassemblées par Syväniemi (1994) qui affirme que l’intérêt national vis-à-vis de l’intégration des
services est beaucoup plus grand que ce qui transparaı̂t dans la littérature.
16
Syväniemi (1994) observe que la plupart des services de garde de jour des enfants d’âge préscolaire sont fournis par les autorités chargées de la protection sociale, même si les autorités responsables
de l’enseignement proposent également ce type de services ainsi qu’une éducation préscolaire pour
les enfants de six ans. D’après Ojala (1989), même si les services liés à la protection sociale et à
l’enseignement ont des priorités différentes (garantir des dispositifs suffisants et adaptés pour les
enfants, d’un côté, veiller à la qualité de l’éducation préscolaire, de l’autre), il est dans l’intérêt des
enfants que la collaboration entre ces services soit développée plus avant. Cette conclusion est reprise
INTRODUCTION ET PANORAMA DE LA LITTÉRATURE EXISTANTE
dans les recherches sur l’éducation préscolaire menées par le ministère finlandais des Affaires sociales
et de la Santé (Aalto, 1991).
D’autres études soulignent l’intérêt d’une collaboration encore plus étendue, en particulier au
niveau des centres de consultation infantile et d’autres organismes d’aide à l’enfance. Les recherches
sur les enfants scolarisés tardivement dans l’enseignement primaire indiquent que la coopération entre
les différents prestataires de services est nécessaire pour empêcher ces retards, même si, dans la
pratique, elle est peu répandue (Linno, 1990a, 1990b). Niemi (1992) souligne le besoin d’une coopération renforcée entre les centres de consultation infantile et les services de protection sociale, tout en
constatant un obstacle de taille : le fait que chacun de ces deux types de structures ignore le rôle que
joue l’autre. Les travaux de Tarpila (1992) insistent également sur la nécessité d’une coopération multiservices (entre les centres de santé mentale, les services de consultation familiale, les services de
garde de jour, les centres de consultation infantile et les établissements scolaires) mais, à l’instar de
Niemi, Tarpila reconnaı̂t qu’il existe certains obstacles. En particulier, il met en exergue les problèmes
qui résultent des différences dans le champ d’analyse et la formation des différents groupes professionnels. Kauppinen et Sarjanoja (1991) soulignent eux aussi la nécessité d’élargir la coopération entre
professionnels, précisant que le fait d’éviter de fournir un service en double constitue un résultat
précieux. De plus, ils recommandent une coopération accrue entre le personnel des services de garde
de jour et les parents afin qu’ils puissent échanger des informations et leurs expériences concernant
l’éducation des enfants.
Selon Syväniemi (1994), les services de protection sociale et de santé destinés aux enfants d’âge
scolaire centrent leurs activités sur le milieu scolaire. Dans sa thèse de doctorat, Jauhiainen (1993)
décrit en détail l’évolution des services intégrés dans les établissements scolaires en Finlande. Il divise
cette évolution en trois périodes historiques. La première période (1866-1920), marquée par des
famines et des épidémies, a vu la naissance d’institutions et de services d’aide avec pour objectif de
créer les conditions physiques et matérielles pour la scolarisation : dortoirs, réfectoires et camps d’été,
notamment. Les premiers soins de santé étaient fournis par les médecins scolaires. Pendant la
deuxième période (la période « d’édification » de 1920 à 1960), la santé scolaire a continué de se
développer ainsi que des services psycho-sociaux, après avoir débuté avec des moyens rudimentaires.
Dans les années 20, la Ligue Mannerheim pour la protection de l’enfance, qui proposait des formations
pour les personnels infirmiers travaillant en milieu scolaire, a joué un rôle important dans le développement des services de santé scolaire. Elle a assuré le développement initial du réseau finnois de
centres de consultation infantile travaillant en étroite coopération avec les établissements scolaires.
Des services d’orientation professionnelle, fondés sur une aide psychologique, ont également connu
une expansion à l’époque et sont devenus obligatoires vers la fin de cette deuxième période. Enfin,
pendant la période « psycho-sociale », les soins de santé scolaire ont continué d’être développés et
sont devenus obligatoires dans les établissements d’enseignement secondaire polyvalent et complémentaire, suite aux réformes dans l’enseignement général et la santé publique. Dans les années 70 et
80, une attention accrue a été portée aux soins de santé mentale et, aujourd’hui, le législateur impose
des examens psychologiques particuliers en milieu scolaire. Les centres de consultation infantile ont
été reconnus par les pouvoirs publics au début des années 70, ce qui a permis leur développement
rapide dans tout le pays. Cependant, ces centres coopèrent de moins en moins avec les établissements
scolaires. En effet, ils sont aujourd’hui davantage tournés vers les familles et le personnel psycho-social
qui travaille dans les établissements scolaires est plus nombreux. Dans les années 90, la loi finlandaise
relative à la protection des enfants a défini le rôle des psychologues et des conseillers d’orientation,
mais n’oblige pas les municipalités à créer ce type de postes.
Jauhiainen parvient à la conclusion que l’école finnoise d’aujourd’hui s’apparente à de nombreux
égards à un « État-providence miniature » qui, outre son rôle éducatif, fonctionne comme un centre de
protection sociale, de soins de santé et d’orientation professionnelle. A ce titre, il a pour vocation de
repérer et de protéger les élèves menacés par l’échec scolaire ou qui risquent d’abandonner l’école.
Les éducateurs spécialisés qui travaillent dans les établissements scolaires contribuent eux aussi à
mener à bien cette mission. Cependant, Jauhiainen se montre très pessimiste quant à l’avenir de
l’action sociale dans les écoles : selon lui, la récession économique est susceptible d’entraı̂ner le
17
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
« démantèlement » du dispositif de protection sociale. Les perspectives seraient particulièrement
sombres en ce qui concerne les soins psycho-sociaux et la prévention.
Alors même que de nombreux chercheurs et praticiens redoutent des coupes dans le budget des
services psycho-sociaux, Terho et Vakkilainen (1993) affirment qu’il faut accorder plus, et non moins,
d’attention aux problèmes mentaux des élèves, particulièrement dans une optique préventive. Ils
considèrent que la coopération entre professionnels de la santé et de la protection sociale, enseignants, parents et enfants est essentielle pour garantir l’efficacité de la fourniture de soins de santé
générale et de santé mentale. La coopération entre les différents professionnels travaillant en milieu
scolaire est également reconnue comme une composante clé d’une éducation à la santé efficace
(Liimatainen-Lamberg, 1993). Néanmoins, se fondant sur une étude des actions de sensibilisation aux
dangers du tabac menées dans le cadre du système éducatif finlandais, Liimatainen-Lamberg conclut
que, sans la participation des parents et de la communauté, la collaboration au niveau de l’école même
est impuissante à modifier le comportement des élèves.
Syväniemi (1994) affirme que l’école est également un lieu essentiel pour proposer des services
aux jeunes en période de transition vers la vie active. Dans une étude portant sur les jeunes « allergiques à l’école » (qui ont abandonné leurs études et se trouvent sans emploi), Takala (1992) parvient à la
conclusion que la prévention dans ce domaine n’est possible que si les établissements scolaires sont
prêts à renverser les obstacles traditionnels et à coopérer avec d’autres services, tels que ceux liés à la
protection sociale, à la santé ou aux loisirs. L’intégration renforcée du milieu scolaire et du monde du
travail est également considérée comme un point important, conclusion dont Valde (1993) se fait l’écho.
Les études de cas finlandaises qui suivent confirment le point de vue de Jauhiainen, selon lequel
les écoles constituent des « États-providence miniatures », et viennent s’ajouter aux ouvrages, plutôt
rares, qui traitent de l’intégration des services.
Portugal
18
D’après Cardoso (1994), il existe peu d’exemples de services intégrés au Portugal, d’où le très petit
nombre de recherches menées dans ce domaine. Cet auteur lie le faible développement de l’intégration des services à la création relativement récente d’un dispositif efficace de sécurité sociale à
l’échelle nationale (fin des années 60) et à la décentralisation administrative et politique (ce qui rend
plus difficile la mise en œuvre de stratégies nationales). Cardoso note toutefois qu’il existe un grand
intérêt de la sphère politique à l’égard de l’intégration des services et que cette question fait l’objet de
nombreuses discussions aux niveaux de responsabilité les plus élevés.
Toujours selon Cardoso, de nombreuses initiatives coordonnées revêtent un caractère expérimental, à l’échelon local, et s’attaquent au problème de la pauvreté. Dans le cadre de ces programmes, les
travailleurs sociaux sont particulièrement prompts à s’enthousiasmer pour les concepts de « partenariat » et de « multi-dimensionnalité » et sont apparus comme des acteurs clés pour les efforts d’intégration. Outre la collaboration interprofessionnelle, une attention accrue est accordée à la participation de
la communauté et du public à la planification et à la prise de décisions stratégiques. La communauté
était auparavant exclue de ces processus. De nombreux programmes expérimentaux bénéficient d’un
financement mixte (privé/public) et plusieurs reçoivent un soutien financier de la part de l’Union
européenne.
Le concept d’intégration des services intéresse de plus en plus les établissements scolaires. Cet
intérêt a été stimulé par de récentes études menées au Portugal, qui démontrent les causes multiples
de l’échec scolaire. Elles indiquent la nécessité d’un renforcement de la coopération entre les services
de soutien scolaire, d’une amélioration des relations entre les établissements scolaires et les familles
ainsi que des liens entre l’école et le monde du travail. Elles soulignent également la nécessité de
répondre à tous les besoins des élèves (et pas seulement sur le plan de l’éducation) et de faire
participer les familles plus pleinement au processus d’enseignement, ainsi qu’aux décisions des prestataires. L’intégration des services serait particulièrement essentielle au moment où les enfants traversent des périodes de transition importantes, telles que la transition de la sphère familiale à l’école et
de l’école au travail.
INTRODUCTION ET PANORAMA DE LA LITTÉRATURE EXISTANTE
Les auteurs portugais qui traitent de l’intégration des services estiment que cette approche offre
plusieurs avantages de premier plan, et notamment l’amélioration des aspects économiques de la
fourniture des services, l’accroissement de l’efficacité, la capacité de changement et d’innovation.
Cependant, ils mettent également l’accent sur d’importants obstacles à cette intégration, au premier
rang desquels sont cités le cloisonnement des services, les différences dans la nature et les responsabilités des professions, « l’absence d’informations ou la distorsion de l’information » et l’inertie
bureaucratique.
Une partie des travaux les plus significatifs portant sur l’intégration des services au Portugal est
due à Gracio (1988). Selon cet auteur, l’un des objectifs premiers de l’intégration des services aux
enfants devrait consister à « proposer un ensemble cohérent d’activités pour résoudre les problèmes
qui se posent, sur le plan de la santé, de l’éducation ou de la sécurité sociale ». Gracio affirme que
l’intégration améliore l’accès aux services tout en permettant, d’une part, « une rationalisation et des
économies et, d’autre part, la justice sociale [via les tentatives] en vue de résoudre les problèmes
graves qui pénalisent les enfants ». Gracio estime que le soutien administratif, technique et financier
est indispensable à la réussite de l’intégration des services et il appuie l’idée d’une approche écologique à sa mise en œuvre. Cette approche préconise la coordination de la fourniture d’un large éventail
de services biomédicaux, d’aide comportementale, éducatifs et sociaux, de façon à répondre à des
besoins de la communauté clairement définis.
L’étude de cas portugaise qui suit reflète nombre des thèmes émergeant dans la littérature
nationale consacrée à l’intégration des services. Elle fournit des éléments supplémentaires permettant
de conclure au manque de stratégies à long terme dans ce domaine et à l’existence d’un nombre limité
de services d’intervention sur le terrain, coordonnés et émanant d’initiatives locales. Dans le même
temps, cette étude de cas constitue un apport à la littérature existante qui, d’une part, explore les
conséquences de l’action publique, notamment de la décentralisation et de la privatisation, sur l’intégration des services et, d’autre part, propose des analyses approfondies d’exemples des meilleures
pratiques cités par les pouvoirs publics.
États-Unis
La littérature américaine consacrée à l’intégration des services est extrêmement abondante et rend
compte d’initiatives nombreuses et variées qui, depuis trente ans, sont lancées dans ce domaine par
les autorités fédérales, au niveau des États et au niveau local. Les documents rédigés par les chercheurs en sciences politiques reposent sur la théorie de l’organisation formelle, tandis que ceux qui
émanent des spécialistes des sciences sociales et des questions administratives sont axés sur l’élaboration et la mise en œuvre de la politique sociale. Cette littérature comprend de nombreux guides
pratiques qui conseillent pas à pas sur la façon de mettre en place des dispositifs de services intégrés.
Lewis (1993) observe que « la terminologie, les concepts et les théories [relevés dans cette
abondante littérature] sont obscurs et imprécis » (p. 2 de l’original). Le terme « intégration des services » est utilisé de nombreuses manières, même si beaucoup d’auteurs citent la définition donnée
par Elliot Richardson, secrétaire d’État à la Santé, à l’Éducation et aux Affaires sociales au début des
années 70 : « L’intégration des services désigne principalement les façons d’organiser la fourniture
locale de services éducatifs, sanitaires et sociaux » (Kusserow, 1991, p. 10). Selon Lewis (1993), d’autres
termes sont également utilisés fréquemment. Il s’agit de ce qu’on appelle « les 3 C » (coopération,
coordination et collaboration). Des auteurs tels que Bruner (1991), Kagan (1991), Melaville et Blank
(1993) et Mulford et Rogers (1982) décrivent et distinguent les différents modes de fourniture des
services que ces termes recouvrent. La littérature traitant des réseaux (voir Alter et Hage, 1993) et de la
gestion par cas entre, elle aussi, en ligne de compte pour définir le concept d’intégration. Les approches fondées sur ce mode de gestion sont préconisées depuis des décennies aux États-Unis et
prennent leur source dans les travaux de Richmond (1901). La théorie et la pratique actuelles dans ce
domaine sont particulièrement bien exposées par Weil et Karls (1985).
L’histoire de l’intégration des services aux États-Unis est l’objet d’une attention soutenue. Pendant
les années 60, de nombreux services intégrés qui se sont développés dans ce pays, notamment les
19
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
centres de proximité, les bureaux de planning familial et les programmes Head Start, étaient fondés sur
la communauté. Un nombre important d’entre eux relevaient d’initiatives locales et une bonne part de
leur financement provenait des autorités fédérales qui, ainsi, avaient tendance à contourner les
agences ministérielles (Resnick et al., 1992). Au cours des années 70, un grand projet d’intégration des
services a été lancé par M. Richardson, secrétaire d’État. Contrairement à la décennie précédente, une
stratégie descendante a alors été adoptée en vue de simplifier et d’intégrer plus de 500 programmes
fédéraux et de réorganiser les divisions et organismes publics au niveau des États. Dans les années 80,
les changements dans la réglementation ont permis de recourir avec plus de souplesse au financement
sectoriel, mais d’importantes coupes budgétaires, sous l’Administration Reagan, ont limité les efforts
d’intégration (US Budget in Brief, 1989). Les gouvernements qui se sont ensuite succédé ont apporté leur
soutien à la décentralisation des services qui ont été confiés aux différents États.
En dressant le bilan des initiatives fédérales axées sur l’intégration des services, l’Inspecteur
général des États-Unis a observé que, si les efforts d’intégration « avaient jusqu’alors contribué à
rendre les services éducatifs, sanitaires et sociaux plus accessibles aux clients et proches de leurs
besoins, en revanche, ils n’avaient guère eu d’impact, en termes institutionnels, sur un dispositif
extrêmement parcellaire » (Kusserow, 1991, pp. i-ii). L’Inspecteur général propose donc que les efforts
d’intégration à venir ciblent des groupes bien définis, dans le cadre de programmes sectoriels. En
revanche, la Cour des comptes des États-Unis (US General Accounting Office, 1992) souligne la nécessité d’élaborer des programmes axés sur les services (ce qui implique le développement des liens
entre consommateurs et services) plutôt que sur les systèmes (ce qui implique la transformation des
systèmes de prestations de services).
Aux États-Unis, nombre de sources autorisées sont pessimistes concernant l’avenir de l’intégration
des services et certaines d’entre elles affirment que les programmes sectoriels qui suscitent un plus
grand intérêt et une plus grande publicité doivent être préférés aux programmes non sectoriels (voir
par exemple Ooms et Owen, 1991). Cependant, le scandale et les inquiétudes que l’incapacité du
dispositif des services éducatifs, sanitaires et sociaux à satisfaire les besoins de la société a suscités
parmi le grand public, conjugués au désaveu des initiatives fédérales visant à mettre en place des
programmes sectoriels nouveaux et circonscrits, ont provoqué un soutien plus affirmé. Selon de nombreux auteurs, le savoir acquis et les technologies nouvelles ainsi que la mutation des valeurs sont en
train de créer un environnement plus propice à l’intégration des services (Kagan, 1991 ; Kahn et
Kamerman, 1992 ; Schorr et al., 1991).
Un élément nouveau distingue les efforts d’intégration des services de ceux accomplis par le
passé : la participation du système éducatif. Des lois récentes, notamment les amendements HawkinsStafford de la Loi sur les établissements d’enseignement élémentaire et secondaire adoptés en 1988,
encouragent la collaboration entre l’école et les organisations communautaires en vue de proposer des
programmes spéciaux ciblant les enfants à risque (Allen-Meares, 1990). De nombreux rapports décrivent les efforts déployés dans divers États pour intégrer les services destinés aux enfants d’âge
préscolaire ou d’âge scolaire (voir, par exemple, Hendrickson, 1993 ; Levy et Shepardson, 1992 ;
Mitchell, 1992 ; State Co-ordinating Council, 1993). De nombreuses initiatives, au niveau des États,
portent sur des services axés sur l’école au motif que ces services sont accessibles à tous les enfants,
mais certains auteurs se demandent s’il faudrait ou non autoriser la prédominance d’une seule entité
(Chaskin et Richman, 1992).
La littérature américaine consacrée à l’intégration des services est probablement la plus avancée
et la plus abondante du monde. Cependant, malgré les bons conseils qu’elle donne, les autorités
fédérales et des États ainsi que le secteur privé ne sont pas encore parvenus à proposer un ensemble
de services étendus et efficaces pour les enfants à risque. Les études de cas américaines qui suivent se
penchent sur des exemples de fourniture de services intégrés, dans une perspective « internationale »
qui consiste à analyser les programmes en se référant à l’expérience d’autres pays.
Canada
20
Au Canada, ce sont principalement les provinces et territoires qui ont la responsabilité des
services d’éducation, de protection sociale et de santé. Dans la quasi-totalité des dix provinces et des
INTRODUCTION ET PANORAMA DE LA LITTÉRATURE EXISTANTE
deux territoires canadiens, les départements ministériels cherchent à promouvoir l’intégration des
services, ce qui se reflète dans une bonne partie des rapports de l’administration publique qui traitent
de ce sujet.
Selon Volpe (1996), une économie nationale fragile, des coupes importantes dans les dépenses
publiques et une augmentation du nombre des enfants et familles en difficulté constituent des facteurs
environnementaux permettant d’appréhender à la fois la nécessité et l’intérêt de promouvoir l’intégration des services.
Les documents rédigés par les pouvoirs publics sur ce sujet montrent que la quasi-totalité des
provinces et territoires du Canada évoluent dans la même direction, à savoir vers une intégration
accrue, et ce, à un rythme très rapide.
Dans l’Alberta, un rapport publié en 1994 a eu une grande influence. Il soulignait la nécessité de
combler les manques au niveau de la fourniture des prestations, de réduire la fragmentation des
services et d’aller au-delà de la coordination pour atteindre l’intégration totale (Commissioner of
Services for Children, 1994a). Il recommandait également que les services intégrés soient gérés par la
communauté, axés sur l’intervention précoce et la prévention et qu’ils tiennent compte de la diversité
des cultures. En réponse, le gouvernement de l’Alberta a publié un Plan d’action provincial qui
proposait des changements, dans le sens préconisé par ce rapport, sur une période de trois ans
(Commissioner of Services for Children, 1994b). A peu près à la même époque, une évaluation provisoire d’une initiative interministérielle, baptisée Coordination des services à l’enfance, a analysé les
résultats des efforts destinés à encourager la coordination des services dans cinq communautés
distinctes (Community Services Consulting Limited, 1994). Il a été conclu que cette coordination était
essentielle pour fournir aux individus une aide accessible et efficace. D’autres documents des pouvoirs
publics, qui traitent de la fourniture des services, notamment des services intégrés, mettent en relief
l’importance des droits des enfants et de leurs parents, y compris le droit d’être entendu et le droit de
décision (voir, par exemple, Premier’s Council in Support of Alberta Families, 1994).
Dans l’Ontario, c’est un rapport publié en 1988 et intitulé « Investir dans l’enfance » (ministère des
Services sociaux et communautaires de l’Ontario, 1988) qui a donné l’impulsion nécessaire à l’intégration des services. Ce document affirmait le besoin d’une collaboration interministérielle dans la fourniture des services aux enfants. Deux ans plus tard, le rapport intitulé « Les enfants d’abord » a présenté
un plan détaillé prévoyant la participation de plusieurs ministères à la fourniture de services intégrés
axés sur l’école (Maloney, 1990). Un autre rapport, « Pour l’amour d’apprendre », a suivi et proposait
que les établissements d’enseignement soient davantage orientés sur la communauté et placés au
cœur de la fourniture des services intégrés (Commission royale sur l’éducation, 1994). La même année,
le rapport intitulé « Nos enfants et nos jeunes d’aujourd’hui : l’Ontario de demain » dressait le bilan des
recherches sur les grandes périodes de transition au cours de la vie et concluait à la nécessité vitale
d’une collaboration interministérielle (Offord, 1994). Le point culminant de ces rapports et recommandations a été atteint avec le Cadre stratégique des services financiers aux termes de la Loi sur les
services à l’enfance et à la famille, qui constitue un plan stratégique destiné à progresser vers l’intégration, la coordination de l’accès aux services, l’amélioration de la planification locale, l’équité dans la
répartition des ressources, la définition de groupes prioritaires et l’amélioration du processus de
compte rendu (ministère des Services sociaux et communautaires de l’Ontario, 1994). Plus récemment
(en 1995), la Commission royale sur l’éducation a appelé à des réformes supplémentaires, notamment à
une participation plus grande des parents et des organismes communautaires à la fourniture des
services et à une intégration plus poussée dans les écoles de l’Ontario.
Dans le Saskatchewan, un rapport gouvernemental, « Les enfants d’abord : une invitation à travailler ensemble » (« Children First : An Invitation to Work Together ») a eu un impact important sur le
développement des services aux enfants (Gouvernement du Saskatchewan, 1993). Ce document trace
les grandes lignes d’un Plan d’action destiné à promouvoir le bien-être des enfants habitant dans le
Saskatchewan. Il recommande de déployer des efforts pour poursuivre l’intégration des services dans
cette province et indique que les services déjà en place sont fragmentés et donc inefficaces. Il propose
que les ministères des Services sociaux, de la Santé, de l’Éducation, de la Formation et de l’Emploi et
de la Justice œuvrent ensemble dans le meilleur intérêt des enfants, en mettant en commun leurs
21
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
ressources, leurs informations, leurs compétences et leur savoir. Ce rapport attache également une
grande importance, d’une part, à la participation du grand public à la planification stratégique et,
d’autre part, aux droits des enfants tels qu’ils sont définis dans la Convention des Nations Unies sur les
droits de l’enfant. Le Plan d’action a fait naı̂tre une initiative, décrite dans le rapport « Travailler
ensemble pour faire tomber les obstacles à l’apprentissage » (« Working Together to Address Barriers to
Learning ») et visant à fournir des services intégrés dans les écoles communautaires (ministère de
l’Éducation, de la Formation et de l’Emploi, 1994). Ce document souligne les divers avantages de
l’approche intégrée et les types de programmes qui pourraient être proposés dans les écoles. Il
présente également des exemples de services qui existent déjà dans le Saskatchewan en relation avec
le milieu scolaire.
Dans le Nouveau-Brunswick, les efforts de coordination des services destinés aux enfants d’âge
préscolaire sont présentés dans un rapport intitulé « Initiatives pour la petite enfance » (ministère des
Services sociaux et communautaires, 1993). Ce rapport décrit un programme, élaboré conjointement par
la Division des services médicaux et de l’hygiène publique et la Division de la famille et des services
sociaux, qui a pour objectif de promouvoir la santé et « la disposition à apprendre » chez les très jeunes
enfants. L’année suivante, un rapport du ministère de l’Éducation consacré aux enfants d’âge scolaire
affirmait qu’il était essentiel que les éducateurs collaborent avec d’autres agences ministérielles et non
ministérielles afin de répondre aux très nombreux besoins des élèves (ministère de l’Éducation, 1994).
Il a annoncé que différents ministères, couvrant l’éducation, la santé, les services communautaires, la
santé mentale, les ressources humaines et la justice, s’étaient entendu pour travailler en collaboration
de façon à élaborer des programmes et des services pour les élèves présentant de graves troubles du
comportement. Cette année-là également, trois rapports émanant du ministère des Services sociaux et
communautaires ont décrit et évalué un programme quinquennal, mis en place conjointement avec le
ministère de l’Éducation, pour fournir de multiples services en milieu scolaire en vue d’aider les élèves
ayant des besoins à divers niveaux : problèmes de langage, d’apprentissage, problèmes psychologiques, sociaux, physiques et sanitaires. Il a été constaté que ce programme (baptisé Services de soutien
à l’éducation) était très efficace pour promouvoir le bien-être des élèves (Dilworth, 1994 ; Dilworth et
Sanford, 1994 ; Lapointe, 1994).
Des rapports analogues, préconisant l’intégration des services ou proposant une stratégie, ont été
publiés par un certain nombre d’autres provinces, notamment la Colombie britannique (Gove, 1995), le
Manitoba (Postl, 1995), l’ı̂le du Prince-Édouard (Youth Services Review Committee, 1993) et le Québec
(Gouvernement du Québec, 1990). Et cette liste n’est en aucun cas exhaustive. Tous ces rapports font
apparaı̂tre des thèmes communs : l’accent y est mis sur les droits des enfants tels qu’ils sont définis
dans la Convention des Nations Unies et sur ceux des peuples autochtones.
Les études de cas canadiennes qui suivent montrent la manière dont les plans stratégiques de
quatre gouvernements provinciaux visant à intégrer les services destinés aux enfants sont mis en
pratique et avec quel taux de réussite.
Australie
Selon Batten (1995), en Australie, l’intégration des services est encouragée par de nombreuses
études mettant en relief les multiples causes. Toxicomanie et alcoolisme, conflits familiaux, éclatement
et rupture des liens familiaux, absence de domicile, grossesse et maternité, problèmes sociaux et
affectifs sont autant d’éléments liés à une scolarisation de courte durée ou à des résultats scolaires
médiocres (South Australia, 1993 ; Holden et Dwyer, 1992 ; Maas et Hartley, 1988 ; Cornwell et al., 1989 ;
Candy et Baker, 1992).
22
Un grand nombre d’études effectuées en Australie se sont penchées sur les actions menées pour
répondre aux besoins des élèves à risque. Ces études indiquent que la majorité des programmes sont
orientés ou axés sur l’école (c’est-à-dire fournis à distance, mais en relation étroite avec l’école). Bien
souvent, l’intégration des services est considérée par les auteurs comme l’une des composantes d’un
vaste ensemble de stratégies qu’il convient de mettre en œuvre. Ainsi, Bradley (1992) répertorie neuf
aspects de la vie scolaire qu’il est nécessaire de gérer pour aider les élèves à rester à l’école : les
INTRODUCTION ET PANORAMA DE LA LITTÉRATURE EXISTANTE
programmes, les processus d’enseignement/d’apprentissage, l’évaluation et les certificats/diplômes, les
relations et l’ambiance, la discipline et les contrôles, l’organisation scolaire, l’environnement et les
ressources, les liens extérieurs et la dotation en personnel. De même, Corbitt (1993) et Holden (1993)
font référence à une palette de caractéristiques qui doivent impérativement être intégrées dans des
programmes pour les personnes sans domicile. Plusieurs de ces programmes, notamment ceux qui
proposent un soutien financier et physique, une aide affective, une assistance aux adultes, des conseils
de santé et d’orientation ou une assistance judiciaire indiquent la nécessité d’une coordination des
services.
Selon deux rapports gouvernementaux, les conseillers d’éducation jouent un rôle clé lorsqu’il s’agit
de répondre aux besoins des élèves sans domicile ou présentant des troubles du comportement
(Burdekin, 1989 ; House of Representatives, 1994). Le Rapport Burdekin recommande d’élargir les
responsabilités des conseillers d’éducation via une formation intensive leur permettant de fournir une
aide sociale (et éducative). Le rapport de la chambre des représentants déplore la diminution du
nombre de conseillers d’éducation et de psychologues en milieu scolaire (due à la réduction du budget
de l’éducation) et recommande qu’il y ait un conseiller d’éducation pour 500 élèves et ce, dans tous les
États australiens.
Dans les établissements d’enseignement secondaire australiens, l’intégration des services est
depuis peu encouragée via le programme ciblant les élèves à risque (Students at Risk : STAR), lancé en
1990. Ce programme a pour objet de repérer les élèves les plus susceptibles d’abandonner l’école et
d’encourager leur participation permanente grâce à un éventail de projets axés ou orientés sur l’école.
Une évaluation nationale de ce programme, réalisée par Coopers et al. (1992) tire la conclusion suivante : « Un trait saillant du programme STAR est que beaucoup a été fait avec très peu. » Cette
évaluation comprend une série d’études de cas qui décrivent les différents programmes locaux mis en
œuvre sur chaque site et les principaux résultats de ces initiatives. La plupart de ces résultats seraient
satisfaisants, même si les éléments d’appréciation sont pour une large part anecdotiques.
Un certain nombre d’autres rapports fournissent des descriptions, des analyses et/ou des évaluations de programmes intégrés destinés aux élèves de l’enseignement secondaire perturbés ou démotivés et aux jeunes sans emploi (Turner, 1988 ; Withers et Batten, 1988 ; Russell, 1994), aux adolescentes
enceintes ou mères (Education Department of South Australia, 1991 ; Milligan et Thomson, 1992), aux
élèves sans domicile (Holden, 1993 ; Coopers et al., 1992) et aux élèves toxicomanes (Kelly, 1987 ;
Garrard et Northfield, 1987).
Les auteurs australiens ont également traité des questions délicates ou non résolues liées à la
mise en œuvre de services coordonnés. Plusieurs se sont demandé s’il fallait ou non que les établissements scolaires élargissent leurs responsabilités au-delà de l’éducation. Une étude menée par Coopers
et al. (1992) a observé que le personnel des écoles considérait les services de logement, les aides
financières, les services sanitaires et d’aide sociale comme essentiels pour que les élèves sans domicile puissent apprendre efficacement. Cependant, d’autres recherches mettent en garde contre les
conséquences, sur le plan juridique et sur celui des ressources, de la participation de l’école dans ce
domaine. La question de la participation des parents aux programmes intégrés a également été
soulevée. Certains auteurs, notamment Laurie et Collings (1993), soulignent que les problèmes de
comportement des élèves peuvent être dus à leurs parents. Ils considèrent que les programmes d’aide
aux parents mis en place dans les écoles constituent un moyen essentiel pour traiter ces problèmes.
D’autres difficultés ont été soulevées concernant les services aux jeunes adultes (Burdekin, 1989). En
effet, le Comité chargé des jeunes (Western Australia Legislative Assembly, 1992) a récemment indiqué
que son domaine d’action se trouvait « dans un état de délabrement avancé en raison du manque de
ressources accordées au niveau des mécanismes d’intervention centraux et de la fragmentation des
structures de coordination locales » (p. 13). Plus fondamental encore, certains auteurs se demandent si
l’intégration des services peut avoir un impact important en l’absence « de bouleversements au niveau
de l’équité sociale et de l’accès aux services » (Abbott-Chapman et Patterson, 1990, p. ix).
Malgré ces inquiétudes, le concept de l’intégration des services bénéficie d’un large soutien en
tant que moyen efficace de traiter les problèmes des enfants à risque en Australie. D’ailleurs,
23
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
Batten (1995) prévoit que l’intégration des services « est susceptible de progresser et de se renforcer
dans les années qui viennent ».
Les études de cas australiennes qui suivent fournissent de nouvelles descriptions, analyses et
évaluations de programmes intégrés. Elles confirment ainsi nombre des résultats présentés dans la
(très abondante) littérature existant dans ce domaine, mais surtout, en considérant l’intégration au
niveau des États et au niveau local et en explorant des programmes destinés à différents groupes d’âge
et groupes à risque, elles offrent une perspective d’une ampleur exceptionnelle.
THÈMES ET ASPECTS INTERNATIONAUX
Il ressort de la littérature internationale que « l’intégration » n’est que l’un des nombreux termes,
aux côtés des concepts de « coopération », « coordination » et « collaboration », qui servent à décrire le
processus consistant à créer un réseau de services qui travaillent ensemble. Dans certains pays, tels
que l’Allemagne, le terme « intégration » est rarement utilisé. Dans d’autres, par exemple aux
États-Unis, il est en revanche d’un usage courant. Cependant, dans tous les pays étudiés, l’intégration
des services (au sens le plus large) est considérée comme offrant d’immenses possibilités en tant
qu’option stratégique. L’intégration est perçue comme un moyen d’améliorer l’efficacité des services
tout en réduisant les coûts pour la société. Autrement dit, on considère qu’elle est rentable. Mais, de
manière apparemment paradoxale, outre qu’elle allège les pressions financières qui pèsent sur le
secteur public, on considère qu’elle a besoin de moyens de financement supplémentaires. Cependant
ce paradoxe ne vaut plus lorsqu’on indique que « les coûts à court terme permettent des gains à long
terme ».
Concernant les enfants d’âge préscolaire, les pouvoirs publics comme les universitaires sont
parvenus à la conclusion qu’il faudrait que les services sociaux et sanitaires, notamment les structures
de garde et les centres de santé mentale, soient organisés en réseaux intégrés et que les services de
garde en journée et les écoles travaillent en étroite collaboration. S’agissant des enfants d’âge scolaire,
les services intégrés axés ou orientés sur l’école sont jugés particulièrement adaptés. Enfin, concernant
les jeunes qui passent de l’école à la vie active, nombre d’auteurs recommandent de resserrer les liens
entre le milieu scolaire et le monde du travail.
La littérature internationale traite de l’intégration des services en même temps que d’autres
questions connexes : décentralisation des prestations, prévention et soins holistiques, participation
des communautés et des clients et approche, axée sur les résultats, de la fourniture des services. Fait
intéressant, les mêmes préoccupations apparaissent dans les différents pays.
Par définition, les pays de l’OCDE sont des économies de marché libérales très attachées à la
rentabilité des dépenses publiques. La priorité donnée à l’exclusion sociale à la fois par l’OCDE et
l’Union européenne montre que les pays Membres sont extrêmement préoccupés par la part croissante
des individus en situation « marginale ». Il n’est donc pas surprenant que l’intégration des services
constitue une stratégie bénéficiant d’un soutien à l’échelle mondiale. De plus, il faut s’attendre à ce
que les pays qui adoptent des mesures d’intégration se heurtent aux mêmes questions et préoccupations, ce qui, dans l’ensemble, est le cas. Il existe par conséquent de grandes possibilités de collaboration et de partage de l’information au niveau international. Les études de cas qui suivent ont pour
objet de faciliter ce processus.
MÉTHODOLOGIE DES RECHERCHES
24
L’un des principaux objectifs des recherches de l’OCDE consistait à rassembler des informations
sur des exemples des meilleures pratiques dans le domaine des services intégrés pour trois catégories : les enfants d’âge préscolaire, les enfants d’âge scolaire et les jeunes passant de l’école à la vie
active. La décision d’étudier ces catégories séparément reposait sur le principe qu’elles nécessitaient
différents ensembles de prestations. En effet, les familles ayant des enfants d’âge préscolaire sont de
grandes consommatrices de soins de santé, les enfants d’âge scolaire sont d’importants utilisateurs de
services d’éducation, tandis que les jeunes qui passent de l’école à la vie active sont davantage
INTRODUCTION ET PANORAMA DE LA LITTÉRATURE EXISTANTE
susceptibles de bénéficier de services de formation professionnelle et d’aide à l’emploi. Pour chacun
de ces groupes d’âge, la nature des « services intégrés » diffère donc de manière significative.
Si le terme « services intégrés » paraı̂t souvent impliquer une collaboration entre les professionnels
qui sont en première ligne, la capacité à travailler ensemble dépend fréquemment d’initiatives visant à
soutenir cette intégration sur le plan administratif et sur celui de la gestion. Pour réaliser les études de
cas, les experts de l’OCDE ont donc interrogé des intervenants aux niveaux stratégique et opérationnel
ainsi que sur le terrain. Ils ont également interrogé les utilisateurs des services, afin de déterminer
dans quelle mesure les services intégrés réussissaient à répondre aux besoins individuels.
En vue de constituer un vaste corpus de données qui nous permettrait d’analyser le mode et les
raisons du succès (ou de l’échec) des services intégrés, nous nous sommes penchés sur quatre
concepts : contexte, input (intrants), fonctionnement et effets. En Amérique du Nord et ailleurs, ces
aspects entrent largement en ligne de compte dans l’analyse des services éducatifs, sanitaires et
sociaux (voir Stufflebeam, 1988 ; Volpe, 1996). Le contexte désigne l’histoire et la toile de fond des
services intégrés et constitue un cadre permettant une mise en situation. Le terme input désigne les
différentes ressources investies dans les services intégrés par les organismes publics et privés. Le
fonctionnement est la manière dont ces services sont planifiés, organisés et fournis par les administrateurs, les gestionnaires et les professionnels. Enfin, on entend par effets les résultats de la fourniture
des services, tels que le niveau de satisfaction des clients et la réussite des programmes de traitement.
Afin de garantir une collecte de données cohérente et systématique au niveau des sites pris en
compte dans les études de cas, les experts ont eu recours à quatre programmes d’entretiens semistructurés. Ces entretiens ont consisté à poser des questions – groupées selon un modèle de type CIFE
(contexte-input-fonctionnement-effets) et adaptées à chacun des quatre groupes étudiés décrits plus
haut (les intervenants aux niveaux stratégique, opérationnel et du terrain, ainsi que les clients, voir
OCDE, 1996). Certaines questions ne concernaient qu’un seul groupe, d’autres étaient en revanche
posées à plus d’un niveau de la hiérarchie des services. Cette manière de procéder a fourni un aperçu
intéressant sur les similitudes et les différences entre les administrateurs, les gestionnaires et les
professionnels.
Sur chaque site pris en compte dans les études de cas, les recherches étaient essentiellement
centrées sur des entretiens individuels où, lorsque cela était justifié, sur des entretiens de groupe. En
outre, les personnes interrogées devaient remplir elles-mêmes un questionnaire comprenant une série
de questions plus générales sur l’intégration des services. Les recherches ont également revêtu
d’autres formes : visites de sites, observation du processus de fourniture des services, discussions
informelles et collecte d’ouvrages ou de documents pertinents en la matière.
Une équipe composée de deux membres du Secrétariat de l’OCDE et de cinq experts de l’OCDE a
mené ces recherches sur une période de trois à cinq jours dans chaque pays. Les études de cas
européennes (Allemagne, Finlande et Portugal), les études de cas américaines et canadiennes
(Missouri, New York, Californie, Saskatchewan, Alberta, Ontario et Nouveau-Brunswick) et les études de
cas australiennes (Victoria, Australie-Méridionale et Nouvelle-Galles du Sud) ont été effectuées respectivement en 1993, 1994 et 1995. Des études de cas supplémentaires ont été achevées par les pouvoirs
publics finlandais en 1995 et par les pouvoirs publics néerlandais en 1996.
Dans la pratique, la collecte des données a été moins systématique que ce qui avait été décidé.
Les visites de sites concernés par les études de cas, organisées par les pays Membres, ont nettement
varié dans leur teneur, ce qui, bien entendu, a influé sur la nature des informations qui ont pu être
recueillies. Les différences au niveau des visites ont reflété la diversité des orientations et des
préoccupations des organisateurs et des professionnels présents sur le terrain ainsi que la diversité
dans la nature des réseaux de services. Avec le recul, ces différences sont jugées précieuses et
intéressantes car elles donnent un bon aperçu des particularités de chaque site. Chaque étude de cas
offre donc un caractère spécifique, même si toutes ont, à la base, les mêmes thèmes de recherche (qui
viennent d’être décrits).
25
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
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30
Partie I
ÉTUDES DE CAS MENÉES PAR LE SECRÉTARIAT
DE L’OCDE
1
ALLEMAGNE
LES PILIERS DES SERVICES SOCIAUX DU GÉANT
ÉCONOMIQUE DE L’EUROPE
par
Karin Haubrich, Hermann Rademacker, Josette Combes, Jennifer Evans, Peter Evans,
Philippa Hurrell, Mary Lewis, Lucienne Roussel et Richard Volpe
DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET DÉPENSES DU SECTEUR PUBLIC
La situation actuelle en Allemagne est caractérisée par la nécessité de faire face à deux défis :
– la réunification du pays ; et
– l’évolution économique mondiale caractérisée par les nouvelles technologies et les nouveaux
modes d’organisation du travail dans les entreprises.
Jusqu’à maintenant, ces deux défis ont engendré à la fois des évolutions positives et des signes
évidents de crise. Parmi les évolutions positives, l’Allemagne peut compter l’établissement des structures fondamentales d’une société démocratique, la modernisation de l’économie, des services publics
et de l’administration, et le début des réparations des graves dégâts écologiques dans les nouveaux
Länder, ainsi que des signes visibles de reprise économique dans les anciens Länder. Parmi les signes
de la crise, le plus criant est le taux de chômage, sans précédent dans l’histoire de l’Allemagne depuis
la fin de la guerre, et plus élevé encore dans les nouveaux Länder que dans les anciens, malgré les
énormes sommes dépensées pour stimuler la croissance économique. Les coupes sévères pratiquées
depuis plusieurs années dans les budgets de l’action sociale menacent la qualité traditionnellement
élevée de cette dernière dans le pays.
La situation actuelle se caractérise également par le resserrement des budgets publics à tous les
niveaux. La situation financière de la quasi-totalité des collectivités – qui, en Allemagne, supportent la
plus grande partie du poids de l’action sociale – limite souvent les tentatives de réponse aux conséquences des changements sociaux. Ces changements influent beaucoup sur la situation des enfants,
des jeunes et de leurs familles. Par exemple, la demande pour les systèmes de garde de jour a
fortement augmenté, et n’émane plus uniquement des familles monoparentales ou à double revenus.
La garde de jour n’est plus en Allemagne un sujet de controverse politique et idéologique (lié au
rôle de la mère dans la famille), comme c’était le cas jusqu’au début des années 80. Actuellement, la
polémique en cours sur la législation – relativement restrictive – sur l’avortement crée une pression
politique supplémentaire en faveur d’une extension des systèmes de garde de jour, notamment pour
les enfants d’âge préscolaire. Or, on observe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande,
conséquence des restrictions budgétaires actuelles. Dans les nouveaux Länder en particulier, l’offre de
places de garde de jour, autrefois très vaste, est désormais inférieure à la demande, pourtant décroissante du fait de la chute du taux de natalité et du niveau extrêmement élevé du chômage des femmes.
Si l’on établit, entre les trois phases de la vie auxquelles nos études de cas se réfèrent, une
hiérarchie en termes de priorités sociopolitiques (mesurées par le nombre de jeunes recevant des
services), la promotion de l’intégration professionnelle des jeunes défavorisés arrive en première
place. Le Programme pour les jeunes défavorisés (Benachteiligtenprogramm) est financé par l’administration fédérale du travail aux termes de la Loi sur la promotion du travail (Arbeitsförderungsgesetz) et mis en
33
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
œuvre par divers organismes chargés de l’emploi des jeunes ainsi que par d’autres organismes publics
et non gouvernementaux. Ce programme a été créé en 1980 pour compléter le système de formation en
alternance. Il apporte des formations de soutien et des services sociaux aux apprentis qui ont des
difficultés à suivre les formations professionnelles, ainsi que des apprentissages supplémentaires,
principalement dans des régions où le nombre de places de formation proposées par le système en
alternance est largement insuffisant. Actuellement, les cas de « pénurie » de places de formation sont
particulièrement fréquents dans les nouveaux Länder. En 1980, ce programme proposait moins de
500 apprentissages ; en septembre 1994, 32 655 jeunes avaient trouvé une place grâce à lui. Le nombre
des jeunes suivant une formation professionnelle classique du système en alternance qui font appel
aux formations complémentaires et aux services du programme est passé de 15 956 en 1987 à 65 371 en
septembre 1994.
ÉVOLUTION DÉMOGRAPHIQUE DE L’ALLEMAGNE RÉUNIFIÉE
34
Depuis sa réunification, en octobre 1990, l’Allemagne est le pays le plus peuplé de l’Union
européenne. Selon l’Annuaire statistique de 1994, en 1992, l’Allemagne comptait 80.1 millions d’habitants,
dont 6.5 millions (8 pour cent) d’étrangers. Les nouveaux Länder (y compris l’ex-Berlin-Est) regroupent
15.7 millions (soit 19.4 pour cent) de la population allemande.
Cette population vit sur une superficie totale proche de 357 000 kilomètres carrés, soit une densité
de 227 habitants au kilomètre carré. Les disparités régionales sont toutefois importantes. Grosso modo,
les zones à faible densité de population sont la partie septentrionale du pays, les régions côtières et
rurales de Basse Saxe, le Mecklembourg-Poméranie et le Brandebourg. Les différences notables entre
les anciens Länder, y compris l’ex-Berlin-Ouest (263 habitants au kilomètre carré) et les nouveaux Länder
(145 habitants au kilomètre carré) sont accrues par les migrations. Même si, depuis la réunification, les
migrations de l’Allemagne occidentale vers l’Allemagne orientale ont augmenté (111 000 cas en 1992),
les migrations de l’est vers l’ouest (199 000) leur demeurent supérieures.
La population étrangère est en grande partie constituée de Turcs (1.9 million, soit 28.6 pour cent
de la population étrangère) et d’immigrants de l’ex-Yougoslavie (1 million, soit 15.7 pour cent). Toutes
les autres nationalités (Italiens, Grecs, Polonais, etc.) représentent chacune moins de 10 pour cent de la
population étrangère. En 1992, les étrangers issus de pays appartenant à l’Union européenne étaient
1.5 million (23.2 pour cent du total).
La pyramide des âges de la population allemande présente les mêmes caractéristiques que celles
des sociétés modernes industrialisées. Les trente dernières années ont été marquées par un déclin du
taux de natalité, qui, depuis une vingtaine d’années, stagne à un niveau bas, entre 800 000 et 1 million
de naissances par an. Ces agrégats nationaux ne reflètent pas la dramatique évolution du taux de
natalité de la partie orientale du pays après la réunification : entre 1988 et 1992, il est tombé de près de
216 000 naissances par an à un peu plus de 88 000. Cette chute s’est accompagnée d’un recul similaire
des mariages (de 137 000 à 48 000 par an).
Les bouleversements dans les nouveaux Länder créés par la réunification se sont accompagnés de
changements sociaux qui touchent les familles. Environ 34 pour cent des foyers allemands sont constitués d’une seule personne et, dans certaines grandes villes comme Munich, cette proportion s’élève à
environ 60 pour cent. Près de la moitié (42 pour cent) des foyers restants, constitués d’au moins deux
personnes, sont sans enfant, et ceux qui ont deux enfants ou plus représentent moins de 20 pour cent
des foyers d’au moins deux personnes. Si l’on tient compte des disparités régionales notables dans la
répartition des foyers et de la taille des familles en Allemagne, cela signifie qu’une part croissante des
enfants n’ont ni frère, ni sœur, ni enfants de leur âge dans leur entourage.
La diminution du nombre de personnes vivant ensemble sous un même toit a entraı̂né une baisse
de la capacité des familles à s’occuper de leurs enfants pendant la journée. Avec la participation accrue
des femmes au marché du travail, cette évolution a pour conséquence une demande croissante
d’infrastructures de garde de jour pour les enfants de tous les groupes d’âge. La proportion des
femmes participant au marché du travail n’a cessé d’augmenter et était de 56.1 pour cent en 1992. Mais
si l’on prend plus précisément le taux de participation des femmes avec enfants, il est encore plus
Partie I : ALLEMAGNE
élevé (57 pour cent). Ceci signifie que 54.8 pour cent des enfants qui grandissent en Allemagne ont une
mère qui travaille.
Ces données concernent la situation réelle, en 1992, de l’Allemagne réunifiée et sont très proches
de celles de l’ancienne République fédérale d’Allemagne. La situation en République démocratique
allemande était complètement différente. Du fait de la pénurie générale de main-d’œuvre et du
concept sociétal du travail et des individus, la proportion de femmes occupant un emploi était presque
aussi élevée que celle des hommes (aux alentours de 90 pour cent). Les services de garde de jour, les
crèches, les écoles maternelles et les centres d’accueil en journée pour les enfants d’âge scolaire
accueillaient les enfants de 0 à 10 ans. Ils offraient des services très complets et ouvraient tôt le matin
pour ne fermer que tard le soir, de sorte que les mères puissent y amener leurs enfants avant de se
rendre à leur travail et venir les récupérer une fois leur journée terminée.
LES PRINCIPAUX GROUPES « A RISQUE »
Le terme « à risque » tel qu’il est employé dans le projet de l’OCDE signifie « élèves qui, issus de
milieux défavorisés, [...] ne parviennent pas à s’intégrer à un modèle normalement admis de responsabilité sociale, notamment en ce qui concerne le travail et la vie de famille » (OCDE, 1995). Les études
allemandes sur l’échec et la réussite en ce qui concerne l’intégration dans la vie active montrent que
les ressources fournies par les familles sont cruciales pour la plupart des jeunes. Des déficiences graves
du point de vue du milieu social entraı̂nent souvent un échec scolaire et, par conséquent, les handicaps sociaux se reproduisent souvent de génération en génération. Pour ceux qui rencontrent de graves
problèmes d’insertion professionnelle, on constate souvent que les écoles ou les services sociaux tels
que les services d’orientation professionnelle n’ont pas su répondre efficacement au besoin d’aide à
l’orientation et à l’insertion, avec les défis qu’elle comporte. Ceci ne signifie pas que les écoles et les
autres services sont inefficaces dans leur aide à l’intégration sociale et professionnelle, mais leur action
ne devient généralement visible que lorsque les jeunes réussissent à améliorer leur niveau d’éducation et de formation professionnelle par rapport à celui de leur famille. La différence importante
semble résider dans la capacité des jeunes et de leurs familles à utiliser les organismes et les services
en fonction de leurs besoins et intérêts particuliers.
Les principaux facteurs d’accroissement du risque d’échec à l’intégration sociale et professionnelle
sont : i) l’échec scolaire – ce qui, en Allemagne, signifie principalement quitter l’école après avoir
terminé l’enseignement obligatoire (neuf ou dix années) sans diplôme et bien souvent en n’ayant
réellement qu’un niveau de quatrième ou cinquième ; ii) un milieu social défavorisé ; et iii) l’appartenance à un groupe ethnique minoritaire. Le risque d’échec pour ceux qui se classent dans une de ces
catégories est fortement accru s’ils souffrent d’un autre handicap tel que celui d’une famille désunie.
L’ACTION SOCIALE
Le système de protection sociale a son origine dans la création d’un régime national d’assurance
sociale à la fin du XIXe siècle (assurance maladie obligatoire : 1883 ; assurance en cas d’accident : 1884 ;
assurance pension : 1889). Depuis, le système de protection sociale a été étendu par l’introduction
d’une assurance chômage qui est finalement devenue une institution publique obligatoire en 1919.
L’un des derniers ajouts au système de protection sociale allemand, particulièrement pertinent
pour l’intégration professionnelle des jeunes, est l’aide financière publique aux étudiants et aux élèves.
Elle a été mise en place par une loi fédérale en 1970 et son but est de créer des chances équitables de
participation au système éducatif.
Mis en place dans le contexte de la grande réforme du système éducatif des années 60 et du
début des années 70, cet instrument, qui bénéficiait alors d’un important soutien politique a, depuis,
vu sa caution politique se réduire. Par conséquent, l’apport, prévu à l’origine, d’une aide indépendante
de la situation financière des parents, n’a jamais vu le jour, pas plus que l’extension de cette aide aux
jeunes dans l’enseignement professionnel relevant du système en alternance (sous la forme, par
exemple, d’une aide financière aux jeunes vivant loin de leur famille). En réalité, seules ont eu lieu
35
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
quelques hausses limitées du plafond de l’aide, des restrictions aux conditions d’accès et une dégradation du type d’aide accordé à ceux qui pouvaient y prétendre (par exemple, le remplacement des
indemnités de subsistance par des prêts).
L’administration des services sociaux en Allemagne est caractérisée par la subdivision en services
d’action sociale, services sanitaires et bureaux d’aide aux jeunes. Après la Seconde Guerre mondiale, la
loi a imposé la création d’un bureau pour la protection sociale et les services aux jeunes, ainsi que d’un
bureau d’aide aux jeunes dans chaque Land. La fonction des bureaux d’aide aux jeunes au niveau du
Land est de coordonner et de promouvoir le travail des bureaux locaux de protection sociale des
jeunes. La mise en œuvre des actions de protection sociale des jeunes imposées par la loi et leur
organisation administrative font partie des tâches du gouvernement local. Cette législation a également
renforcé le principe de subsidiarité et codifié la priorité du secteur bénévole sur le secteur institutionnel public (Jordan et Sengling, 1992, pp. 211 et suivantes).
Conformément au principe de subsidiarité dans le domaine des services sociaux en Allemagne, ce
sont les groupes de petite dimension (familles, parents, voisins) qui doivent être les premiers fournisseurs d’aide et de soins, avant les organismes publics et les organisations gouvernementales (Schäfers,
1981, p. 88 ; Schäfer, 1988, pp. 19 et suivantes). Cela signifie également que les organisations privées
d’action sociale, quelle que soit leur taille, ont priorité sur les services gérés par la collectivité.
A la suite de la réunification de l’Allemagne, le système d’aide sociale de l’ancienne République
fédérale d’Allemagne a été étendu aux nouveaux Länder. La Loi sur les services aux enfants et aux
jeunes (Kinder- und Jugendhilfegesetz, KJHG) y a même été mise en application trois mois plus tôt que dans
les anciens Länder. Or, l’établissement de structures et d’organismes d’aide sociale à l’enfance et à la
jeunesse s’est inscrit dans des contextes caractérisés par des traditions de fourniture radicalement
différentes (Hoffmann, 1981 ; Deutsches Jugendsinstitut, 1990). Dans la République démocratique allemande, l’aide sociale aux jeunes était principalement axée sur les besoins des jeunes « en danger », ce
qui – selon la tradition de la Loi sur l’aide sociale à la jeunesse dans les anciens Länder – est intégré à
l’action sociale pour les jeunes (Jugendfürsorge). L’aide sociale aux jeunes était, contrairement au principe
de subsidiarité de la République fédérale d’Allemagne, presque exclusivement du ressort des autorités publiques. Les efforts étaient centrés sur la partie fixe de l’aide sociale aux jeunes, spécialement
l’accueil des enfants et des jeunes en foyer (Backhaus-Maul et Olk, 1992, p. 94). En outre, du fait de
cette différence d’orientation, l’enseignement professionnel des travailleurs sociaux dans la République démocratique allemande présentait un autre profil. Il ne prévoyait guère de cours spécialisés pour
les éducateurs sociaux dans les universités et une grande partie du travail social était assurée par des
bénévoles (Backhaus-Maul et Olk, 1992, p. 95).
ENSEIGNEMENT OBLIGATOIRE ET ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL
La scolarité obligatoire en Allemagne a été instaurée au tournant du XIXe siècle par la création de
l’école « populaire » (Volksschule) à l’intention des classes inférieures, se démarquant dès l’origine de
l’enseignement secondaire qui menait à l’université. Cette différence transparaı̂t encore actuellement
dans le système scolaire allemand. Il n’y a que pendant la République de Weimar avec l’école primaire
(Grundschule, pour les enfants de 6 à 10 ans) qu’une même école était obligatoire pour tous. Jusque-là, il
existait des écoles privées payantes – et chères – qui préparaient les enfants à l’entrée au lycée
(Gymnasium) et qui, aux termes de la constitution de la République de Weimar, devaient être abolies
(certaines d’entre elles, toutefois, survécurent jusqu’en 1933).
36
La polémique la plus importante et la plus longue de l’histoire de la politique scolaire en
Allemagne a été la question de la fréquentation de l’enseignement secondaire (c’est-à-dire des écoles
qui préparent à l’Abitur, le diplôme permettant d’entrer à l’université). Le fait d’avoir conservé et
intégré le cursus sélectif d’enseignement secondaire appelé Gymnasium dans la structure de l’éducation
publique en Allemagne implique que les élites sociales sont prêtes à fréquenter l’école publique. Elles
n’ont pas besoin de passer par des écoles privées coûteuses pour reproduire et légitimer leur statut
d’élites, comme c’est le cas dans de nombreux autres pays Membres de l’OCDE. Mais ceci implique
également qu’en Allemagne, toute modification du système scolaire visant à l’égalité des chances
Partie I : ALLEMAGNE
interfère avec les intérêts des élites sociales plus fortement que dans d’autres pays. Ceci explique
aussi la sélectivité marquée du système scolaire allemand, qui, pour l’immense majorité des enfants,
décide, lorsqu’ils atteignent dix ans, dans quelle branche d’un système scolaire secondaire différencié
verticalement ils entreront.
Après la chute du régime nazi en 1945, les puissances d’occupation, désireuses de promouvoir le
développement d’une société démocratique en Allemagne, ont soutenu les efforts de réforme qui
visaient à instaurer une plus grande polyvalence dans le système scolaire. Dans la partie occidentale, il
fut décidé de prolonger la durée de l’école primaire par deux années supplémentaires de scolarité
commune à tous les enfants. Ce changement n’a survécu qu’à Berlin (côté occidental). Dans la zone
d’occupation soviétique, un système scolaire intégré fut établi, qui englobait les classes du cours
préparatoire à la quatrième, lesquelles représentaient la totalité de la scolarité générale obligatoire à
l’époque.
Cette différence entre les systèmes scolaires de la République démocratique allemande (RDA) et
de la République fédérale d’Allemagne (RFA), le premier intégré, le second différencié et divisé en
plusieurs branches, a survécu jusqu’à la réunification de l’Allemagne. Le principal changement opéré en
RFA, à la suite des tentatives de réforme des années 60 et du début des années 70, a fait des écoles
polyvalentes de certains Länder une quatrième branche de l’enseignement secondaire, s’ajoutant aux
établissements d’enseignement secondaire général (Hauptschule), d’enseignement secondaire, cycle
court (Realschule) et aux lycées (Gymnasium). En RDA, la structure intégrée des établissements d’enseignement secondaire polytechniques (Polytechnische Oberschulen, POS) fut initialement prolongée de
dix ans et perdura ensuite jusqu’à la réunification. La seule différenciation introduite fut la création
d’établissements d’enseignement spécial (Hilfsschulen), pour environ 5 pour cent des élèves, et d’établissements d’enseignement secondaire étendu (Erweiterte Oberschulen, EOS), incluant les classes de
première et de terminale. Quinze pour cent des élèves qui obtenaient les diplômes nécessaires pour
entrer à l’université avaient fréquenté les établissements d’enseignement secondaire étendu.
Après la réunification, le système scolaire différencié fut étendu aux nouveaux Länder, avec certaines modifications en ce qui concerne la relation entre le cursus secondaire général et le secondaire,
cycle court. Les taux de fréquentation des différents types d’enseignement secondaire passèrent
presque instantanément aux niveaux atteints dans les anciens Länder après près de 40 ans d’évolution.
Ainsi, près d’un tiers des enfants fréquentent le lycée, un tiers le cycle court d’enseignement secondaire et le tiers restant l’enseignement secondaire général. Ces chiffres varient selon la région. Dans les
grandes villes, la proportion des élèves fréquentant le lycée (Gymnasium) s’élève souvent à 50 pour cent
tandis que la part des élèves dans les écoles d’enseignement secondaire général est souvent inférieure
à 20 pour cent. Mais cette fréquentation accrue de l’enseignement secondaire ne reflète pas les
aspirations scolaires des parents. Comme le montrent les sondages effectués tous les deux ans, seuls
10 pour cent des parents souhaitent que leurs enfants aillent dans l’enseignement secondaire général,
alors que 50 pour cent préféreraient le lycée.
ENSEIGNEMENT ET FORMATION PROFESSIONNELS
Le système de formation en alternance à l’école et en entreprise constitue la structure fondamentale de l’enseignement et de la formation professionnels en Allemagne. Ses éléments fondamentaux
– stages pratiques en entreprise et enseignement complémentaire à l’école – avaient été également
maintenus en RDA. Les grandes différences étaient que les entreprises n’étaient pas privées et que les
écoles – du fait de leurs relations étroites avec les entreprises – pas complètement publiques. Les
différences qui résultent des disparités entre les niveaux économiques des deux parties de
l’Allemagne sont plus pertinentes pour l’évolution du système depuis la réunification. La RDA souffrait
notamment de l’obsolescence de ses secteurs de la production et des services. Ces différences se
reflétaient dans la nature des qualifications obtenues et ont rendu nécessaire la modernisation de
l’enseignement et de la formation professionnels.
Avec le déclin dramatique de l’économie des nouveaux Länder, beaucoup de sites de formation ont
fermé. La reconstruction de l’économie n’a jusqu’à maintenant créé ni le nombre d’emplois nécessaire
37
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
ni un nombre approprié de places d’apprentissage dans les entreprises. Étant donné qu’en Allemagne,
particulièrement en Allemagne orientale, l’enseignement et la formation professionnels sont considérés
comme une responsabilité de la collectivité, beaucoup de places d’apprentissage sont finalement
créées en dehors des entreprises, grâce aux deniers publics.
ORIGINE ET ÉVOLUTION DE L’INTÉRÊT POUR LES SERVICES INTÉGRÉS
Le débat sur l’intégration des services sociaux a commencé à la fin des années 60, à la suite d’une
période de remise en place des structures et des organismes d’aide sociale créés par la République de
Weimar. Ce sont les années 70, dans le contexte d’un débat sur la réorganisation des services sociaux
communautaires, qui ont connu des discussions intenses sur ce sujet.
D’importantes nouvelles orientations ont vu le jour avec le mouvement contestataire et estudiantin de la fin des années 60. Les sciences sociales ont fait pression en faveur d’un changement de cap et,
peu à peu, les pratiques du travail social ont évolué. Les besoins des clients ont commencé à être
analysés dans un contexte social. Pour l’essentiel, le travail social, pensait-on, ne devait pas se borner à
aider les individus, mais aussi contribuer au développement de la société. Au cours de cette période,
les actions réformatrices visaient à encourager la participation des clients et à réduire la hiérarchie
(Barth, 1993, p. 115). Cette évolution dans la philosophie du travail social a eu un effet sur les théories
et les méthodes de l’action sociale ainsi que sur les structures des organismes et des institutions.
La prospérité économique et la tolérance politique vis-à-vis des réformes sociales au cours des
années 70 ont facilité la promotion de projets modèles. Beaucoup de municipalités ont alors engagé
des initiatives pour réorganiser leurs services sociaux. Dans l’histoire du travail social en Allemagne, ces
initiatives peuvent être considérées comme des efforts essentiels pour l’intégration des services
sociaux.
Depuis les années 80, les approches de l’intégration des services se concentrent sur des programmes spécifiques. La réunification et la Loi sur les services aux enfants et aux jeunes (KJHG) ont
donné de nouvelles impulsions.
NIVEAUX DE MANDAT
La structure générale de la Loi sur l’aide sociale aux jeunes du Reich (Reichsjugendwohlfahrtsgesetz,
RJWG, votée en 1922) revue et complétée en 1961 par la Loi sur l’aide sociale à la jeunesse
(Jugendwohlfahrtsgesetz, JWG) a constitué le fondement des services du travail social pour les jeunes et
l’aide aux jeunes jusqu’en 1990, année où a été promulguée la nouvelle Loi sur les services aux enfants
et aux jeunes (KJHG) (Kreft, 1993, p. 323).
Les débats dans les milieux politiques et professionnels, ainsi que des rapports officiels sur les
jeunes (présentés devant le Parlement allemand par le gouvernement fédéral au cours de chaque
session parlementaire) ont contribué au développement des services aux jeunes (Der Bundesminister,
1990). La fin des années 80 a vu des discussions intenses à propos de la législation sur l’aide aux
jeunes, qui se sont conclues par l’adoption de la Loi sur les services aux enfants et aux jeunes. Cette
nouvelle loi, entrée en vigueur le 3 octobre 1990 dans les nouveaux Länder et le 1er janvier 1991 dans les
anciens Länder, reflète l’évolution récente des idées sur les services aux jeunes et donne une nouvelle
importance à la coopération et à l’intégration des services.
La KJHG comprend plusieurs sections en faveur de l’intégration des services.
38
La section 4 astreint les organismes de service public à coopérer avec les organismes indépendants qui proposent des services aux jeunes. Dans les cas où un soutien scolaire doit être apporté sur
une période prolongée, les organismes d’aide sociale aux jeunes sont tenus d’élaborer un plan de
soutien. Pour empêcher que les problèmes ne soient considérés de façon partiale et pour imaginer les
programmes les plus aptes à résoudre ces problèmes, ce plan doit être mis au point par des représentants de tous les organismes associés à la fourniture des services ou susceptibles de l’être (section 36.2,
KJHG). Si nécessaire, des professionnels issus des différentes disciplines du travail social et de l’aide
Partie I : ALLEMAGNE
sociale doivent collaborer pour trouver la meilleure solution et la forme la plus adéquate de soutien ou
de thérapie (section 72.1, KJHG).
La section 78 astreint les organismes de services aux jeunes à créer des groupes de travail avec les
organismes indépendants. Ces groupes de travail doivent viser à harmoniser les mesures et les
programmes des entités qu’ils représentent, pour les rendre complémentaires les uns des autres. Pour
favoriser la coopération entre les organismes publics et les organismes indépendants, les seconds
doivent s’intégrer au processus de planification de l’aide sociale aux jeunes dont sont chargés les
premiers (section 80.3, KJHG). Pour répondre aux exigences de synergie entre les services aux jeunes, il
est demandé aux organismes d’aide sociale concernés de coopérer avec d’autres établissements tels
que les écoles, les organismes de formation et le secteur de la santé publique (section 81, KJHG). Cet
engagement n’a pas d’équivalent de l’autre côté. Seules les récentes modifications de la législation des
établissements scolaires appellent à un engagement analogue.
Bien que l’intégration des services soit un concept encouragé par la Loi sur les services aux enfants
et aux jeunes, elle ne constitue pas, d’une manière générale, une obligation légale. D’abord, la plupart
des sections qui évoquent l’intégration des services incluent des expressions du type « pourraient »,
voire « devraient », et peuvent donc être interprétées par chaque organisme d’aide sociale à la jeunesse selon ses propres idées. Ensuite, ces dispositions s’adressent aux seuls organismes publics, les
organismes indépendants n’ayant aucune obligation à œuvrer pour l’intégration des services.
SITES DE RECHERCHE
Brême : Brême (Bremen en allemand) est une ville libre hanséatique depuis 1656. Située au fond
de l’estuaire de la Weser, elle forme avec Bremerhaven, port de la mer du Nord, à une cinquantaine de
kilomètres en aval, le plus petit Land de l’Allemagne occidentale. La population de ce Land est de
680 000 habitants (522 000 habitants pour Brême et 132 000 habitants pour Bremerhaven). Brême est
depuis longtemps une ville républicaine et laı̈que. Au temps de la Ligue hanséatique, elle était
gouvernée par un conseil de citoyens marchands. Ses habitants ont donc une forte tradition d’autonomie et d’identification à la cité, et sont fiers de leur ville. Brême a été touchée par la récession plus tard
que la plupart des autres régions allemandes, mais plus durement. En 1994, la cité affichait le taux de
chômage le plus élevé parmi les anciens Länder. La principale raison de ce déclin des emplois est la
crise structurelle qui a frappé les industries les plus anciennes telles que la construction navale, les
aciéries, l’agro-alimentaire, le tabac et la production de matériel de radio et de télévision.
Leipzig : Leipzig se trouve dans le Land de Saxe-Anhalt et compte 500 000 habitants, dont
170 000 jeunes et enfants. La Saxe regroupe une centaine d’organismes à but non lucratif consacrés aux
jeunes, dont un grand nombre d’organisations purement locales. A Leipzig même, on dénombre
150 associations indépendantes travaillant dans le domaine des services sociaux. Confrontée à une
très grave crise économique, Leipzig a pour préoccupations majeures de rétablir des activités commerciales et industrielles viables, de créer des emplois, d’améliorer la situation du logement et de
développer les possibilités pour les jeunes de 10 à 18 ans.
Duisbourg : La ville de Duisbourg (Duisburg en allemand) est située dans le Land de Rhénanie du
Nord-Westphalie. Ce Land compte pour 25 pour cent du produit intérieur brut de l’Allemagne occidentale et 30 pour cent de ses exportations. Cette puissance industrielle est due à 150 ans d’exploitation
de la région riche en charbon qui borde la Ruhr, à la croissance de l’industrie allemande de l’acier et à
l’évolution concomitante des industries de transformation et du commerce. Duisbourg est parmi les
plus grands ports fluviaux du monde. Son importance actuelle trouve son origine à la fin du XIXe siècle,
époque où la ville est devenue l’un des principaux centres des industries du fer, de l’acier et du
charbon en Europe. Au XXe siècle, la demande d’acier et de charbon a connu une chute brutale qui a
entraı̂né un accroissement continu du taux de chômage dans toute la région. Duisbourg est aujourd’hui
entrée dans un processus de restructuration qui consiste à abandonner progressivement les industries
lourdes pour développer le secteur des services.
39
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
INTÉGRATION DES SERVICES POUR LES ENFANTS D’ÂGE PRÉSCOLAIRE A BRÊME
Institutions et partenaires clés
Les services d’aide sociale et les services à la jeunesse de Brême sont organisés différemment de
ceux des autres régions d’Allemagne. Dans les autres régions, les services d’aide sociale et les services
à la jeunesse relèvent de bureaux distincts, en raison d’une législation qui recommande qu’ils soient
fournis séparément. Ce type d’organisation a été critiqué dans les années 70, entre autres par les
universitaires. Brême a donc cherché à modifier son organisation des services dans le sens recommandé par les études. En 1974, le département des Affaires sociales de Brême a financé une étude
d’évaluation sur la structure et le travail des services sociaux de la ville. Les résultats de cette enquête
ont démontré la nécessité d’une amélioration. En 1982, un projet pilote financé à hauteur de
650 000 DM par le ministère de la Jeunesse, de la Famille et de la Santé a été lancé dans le secteur sud.
Il apparaissait nécessaire d’établir un système d’organisation qui prenne en charge toute la
population, que ses individus aient ou non des problèmes particuliers. Il s’agit là d’une approche
« d’intégration » ou « d’inclusion », qui tend à servir la communauté dans son ensemble et non à
marginaliser ou à isoler certains groupes perçus comme « problématiques ». L’orientation vers le
citoyen en tant que client et destinataire de services constitue une exigence centrale.
Deux principes sont au centre de la réorganisation des services sociaux de Brême (Dolls et
Hammetter, 1987, 1988). Le premier principe est « l’orientation par groupes cibles », qui implique un
« concept d’action » (Handlungskonzept) intégrateur visant différentes catégories de population. En
d’autres termes, les besoins des clients doivent être diagnostiqués dans le contexte de l’étape de la
vie à laquelle ils se trouvent, et l’aide doit être « holistique » (ganzheitlich). Cette nouvelle approche
consiste à utiliser des compétences professionnelles dans le travail avec les différentes catégories de
population et à tenter d’éviter les lacunes dans la couverture de la population.
Le second principe central est l’orientation par quartiers ou par régions, qui passe par un diagnostic des besoins dans le contexte local. Ceci signifie de plus que les organismes de services sociaux
implantés au niveau régional doivent travailler ensemble pour réintégrer les clients dans les structures
et le milieu régionaux (Dolls et Hammetter, 1988). Il s’agit là d’une tentative de création d’une
communauté.
Ces deux principes déterminent la nouvelle organisation des services sociaux à Brême et illustrent
les deux dimensions de leur « organisation matricielle » novatrice.
La structure organisationnelle qui répond à l’objectif de l’orientation par groupes cibles est la
division des quatre départements régionaux des services sociaux en services sociaux de quartier
(Bezirkssozialdienste) s’adressant à quatre groupes : les enfants et leur famille, les jeunes et leurs familles,
les adultes sans enfants mineurs et les personnes âgées. Pour chaque groupe, il existe un service social
de quartier responsable de toutes les actions définies par la loi. Il existe en outre des service sociaux
de quartier spécialisés qui se concentrent sur des problèmes spéciaux indépendants des facteurs
démographiques, et qui requièrent des connaissances professionnelles spécifiques (aide socioéconomique, aide sociale aux jeunes, tutelle de l’autorité locale, conseil pour l’éducation des enfants,
aux jeunes et aux familles, et soins socio-psychiatriques).
Le second objectif est reflété par la division régionale des services sociaux. Le bureau pour la
santé, les jeunes et l’aide sociale de Brême possède quatre départements régionaux pour les quatre
secteurs de la ville – sud, est, nord et centre-ouest. Chaque secteur compte entre 100 000 et
150 000 habitants. Chacun d’eux est divisé en districts de 20 000 à 40 000 personnes. Excepté dans le
cas de la tutelle de l’autorité locale, tous les services sociaux de quartier sont divisés en plusieurs
petits groupes de personnes responsables chacun d’un district. Chaque district est à son tour divisé en
quartiers de 5 000 à 10 000 habitants.
40
Le bureau central des services sociaux gère les finances et contrôle et supervise le travail des
organismes à caractère bénévole. Les bureaux au niveau de chaque secteur fournissent les services et
sont chargés de veiller à leur qualité.
Partie I : ALLEMAGNE
La réorganisation des services sociaux par secteur et district est illustrée par le district de
Huchting. Ce district, qui a fait l’objet de visites sur le terrain, fait partie du secteur sud de Brême. C’est
un des endroits les plus défavorisés de l’agglomération, situation qui résulte de la politique d’aménagement et de construction mise en œuvre dans les années 60. Actuellement, 25 pour cent des familles y
reçoivent l’aide sociale.
Plusieurs comités distincts y coordonnent les différents organismes et établissements locaux. Il y a
par exemple un comité de secteur auquel participent tous les directeurs de services sociaux de
quartier et le directeur du bureau central du secteur. Au niveau du district, il existe un comité qui
regroupe des éducateurs sociaux (du bureau d’aide sociale), responsables pour le district, et un expert
de chaque organisme d’aide sociale du district (c’est-à-dire des écoles maternelles, des établissements
et maisons de jeunes, des terrains de jeu, de la Ferme de la ville, du conseil local, du centre social, des
services psychologiques scolaires, des organismes à but non lucratif et des services de santé).
L’une des fonctions centrales du comité de district consiste à rassembler tous les prestataires de
services sociaux et de créer un forum pour la discussion et la coopération. Ce type de coordination
permet d’identifier les besoins de la population d’Huchting et d’améliorer le cadre de vie. Bien que ce
comité n’ait qu’un rôle consultatif auprès du conseil et du ministère de l’État, il est devenu très
influent. Il crée également des liens entre la communauté et la hiérarchie, en rapportant à l’administration les questions nouvelles qui se posent aux organismes concernés.
En outre, un coordinateur a été nommé pour effectuer la liaison entre les niveaux d’administration
local et central. Le rôle de ce coordinateur est axé sur le soutien à la coopération ainsi que sur la
création et le développement de réseaux. Il assiste aux séances publiques du conseil local et de ses
sous-commissions, en particulier celle des affaires sociales. Ceci permet un contact entre le conseil
local et le reste du personnel, des élus locaux et des professionnels qui travaillent à Huchting. Le
coordinateur doit agir comme un agent social. Il doit avoir une vue d’ensemble de tout le district et des
problèmes propres aux quartiers. L’approche holistique de la planification des services constitue une
méthode de travail novatrice.
Cette structure organisationnelle, qui crée des liens entre l’administration de la ville de Brême et
les activités locales, encourage aussi les pratiques coopératives entre les organismes locaux d’action
sociale. Au cours de la mission à Huchting, certains organismes locaux ont effectivement été visités et
d’autres ont été présentés lors d’une réunion au Centre des services sociaux de Huchting. Les partenaires clés du réseau des services sociaux de Huchting sont décrits dans la section suivante.
Le Centre des mères de Huchting (Mütterzentrum Huchting)
Le Centre des mères est destiné à des femmes et géré par des femmes. C’est un projet d’autoassistance lancé en 1987 par un groupe de femmes avec l’aide de travailleurs sociaux et le soutien du
ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Affaires sociales. Les groupes cibles sont les femmes et
leurs familles, quels que soient leur âge, leur nationalité ou leur confession. Le secteur de Huchting
compte une forte proportion de femmes ayant un faible niveau d’instruction et qui sont au chômage ou
n’ont jamais travaillé. Ces femmes se retrouvent confinées chez elles, et sont souvent déprimées du fait
de leur isolement et de conditions de vie difficiles. La philosophie sous-tendant le projet est que le
bien-être des mères a un effet positif sur celui des enfants. Pour aider les mères à surmonter les
problèmes engendrés par toutes sortes de stress, notamment affectif, ainsi que par l’isolement domestique, le Centre des mères leur offre diverses possibilités de rencontrer d’autres femmes et leurs
enfants. Il les aide également à trouver une formation ou une possibilité d’emploi. Pour échapper à leur
anxiété, les mères peuvent venir au centre quand elles le veulent et s’inscrire à n’importe quelle
activité. Un autre objectif important est de les encourager à partager leurs connaissances et leurs
expériences. Toutefois, l’accent étant mis sur les activités bénévoles, les spécialistes n’ont qu’un rôle
consultatif. Tous les services du centre (activités à l’heure du petit déjeuner, du déjeuner ou après
l’école) sont fournis par les mères elles-mêmes. Elles reçoivent une rémunération minime versée par le
fonds de soutien à l’aide sociale. Étant donné que le travail des femmes est rarement assorti d’une
41
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
contrepartie financière dans la société, le Centre des mères essaie de rémunérer tous les travaux et
activités que ses membres effectuent.
Le Centre des mères coopère avec toutes les associations du Centre des services sociaux de
Huchting. Ces dernières prêtent leurs locaux pour les activités des mères et le personnel du Centre des
mères a des contacts avec les conseillers professionnels pour se faire aider dans son travail. Diverses
activités ont également lieu en collaboration étroite avec d’autres établissements. Des consultations de
santé sont proposées aux mères de nourrissons, un pédiatre du centre de consultation infantile vient
s’entretenir avec les mères. En outre, un spécialiste des enfants handicapés conseille le personnel sur
la façon d’améliorer l’autonomie fonctionnelle des enfants, et informe les parents.
Département régional des services sociaux – Sud : Service social pour les enfants et leurs familles
(Amt für Soziale Dienste – Süd : Sozialdienst Kinder und deren Familien)
Le Service social pour les enfants et leurs familles est l’un des services sociaux de quartier de
l’organisation matricielle décrite ci-dessus. Bien que le bureau principal de ces services ne soit pas
situé à Huchting, il occupe un petit bureau dans le centre de l’agglomération, qu’il utilise deux jours par
semaine. Les groupes ciblés sont les familles avec enfants de moins de 12 ans, les familles monoparentales, les familles reconstituées, les familles étrangères et celles qui vivent de l’aide sociale. Le service
apporte des conseils et des aides spéciales aux enfants et à leurs familles lorsque cela est nécessaire.
Une approche spécifique est utilisée pour apporter une aide professionnelle aux familles en crise. Un
professionnel qualifié assiste les familles chez elles sur la base d’un temps partiel et s’occupe des
problèmes scolaires, de la gestion ménagère, du budget du foyer, etc. Cette personne agit comme un
substitut des parents et essaie de soutenir et de stabiliser la structure familiale. Dans cette approche,
l’accent est mis sur le conseil et le développement des capacités des familles à faire face à leurs
problèmes au quotidien. Un autre type d’assistance est apportée aux familles dont l’un des parents est
absent pour raison de maladie, de dépendance aux drogues ou à l’alcool, ou d’incarcération. Dans ce
cas, une aide ménagère qualifiée se rend au domicile de la famille et se substitue au parent concerné.
Ces deux types d’intervention sont considérés comme préventifs et servent à éviter de placer les
enfants sous protection ou dans une famille d’accueil.
Le Service social pour les enfants et leurs familles coopère avec toutes les organisations et
associations travaillant sur les mêmes groupes cibles. Par exemple, il coopère avec le personnel des
écoles et des structures préscolaires pour analyser les problèmes, ainsi qu’avec les autres organismes
de soutien aux familles.
Maison de la famille (Haus der Familie)
42
La Maison de la famille fait partie du département des Services sociaux. Son personnel se
compose de dix personnes (trois travailleurs sociaux et sept éducateurs intervenant en sessions). Leur
travail est axé sur l’enseignement. Ils organisent des projets, tels que des activités de week-end, et des
séminaires pédagogiques, et offrent des possibilités de formation continue. Ils ont une approche
classique d’auto-assistance et s’efforcent de susciter des initiatives. Les groupes cibles sont les parents
avec enfants vivant dans les quartiers défavorisés, les enfants d’âge préscolaire ou scolaire ayant des
difficultés de socialisation, les enfants étrangers, les jeunes filles et les femmes, les parents isolés et
les femmes vivant dans des conditions sociales et financières difficiles. Ils proposent 20 activités
collectives pour des groupes d’un nombre défini de personnes et n’ont qu’environ 120 clients au total.
Ils essaient de coopérer avec d’autres associations lorsqu’ils voient poindre des problèmes et lorsqu’ils
souhaitent mettre en place de nouvelles activités. L’objectif principal est d’aider les individus à
améliorer eux-mêmes leur situation en réglant les problèmes de l’isolement, en développant des
qualités de communication et en explorant des stratégies de formation et d’emploi tout en étant
capables de faire face à leurs responsabilités familiales. Pour eux, le mot clé est l’autonomie, c’est-àdire l’autonomie des enfants et des adultes favorisant l’instauration de relations familiales fortes.
Les principaux partenaires de la Maison de la famille sont le bureau central et les écoles maternelles desservant un ensemble de logements construits pour les familles immigrées venues de
Partie I : ALLEMAGNE
l’ex-Union soviétique. La Maison de la famille affecte pendant dix heures par semaine un coordinateur
pour participer au comité de Huchting. Par ailleurs, il est prévu que 10 000 DM par an soient débloqués
pendant trois ans pour les travaux coopératifs menés par tous les services d’aide à l’enfance de
Huchting.
Consultation infantile
Cinq professionnels, des psychologues, des thérapeutes familiaux et des thérapeutes du comportement effectuent un suivi médico-pédagogique des enfants dans les secteurs sud de Brême. Les
groupes ciblés sont les familles, les parents, les jeunes et les enfants qui présentent des difficultés
scolaires, des problèmes dus à des conflits ou des troubles du comportement. Le suivi peut durer de
quelques mois à plusieurs années. De plus, ces professionnels aident les enfants grâce à des cours de
rattrapage ou à des méthodes thérapeutiques. Ce service est confidentiel, gratuit, et les familles le
consultent volontairement. Il effectue une action préventive et travaille aussi auprès des familles ayant
des problèmes graves. Ayant adopté une approche holistique, ces psychologues coopèrent avec les
travailleurs sociaux, les professeurs et les médecins. La coopération avec les écoles et les médecins
semble particulièrement satisfaisante.
Services sanitaires aux enfants et aux jeunes
Ces services sont organisés en 13 équipes de district qui comprennent un pédiatre, un infirmier et
un médecin. Les équipes ont une « approche démographique » et travaillent avec la totalité de la
population de moins de 18 ans dans des secteurs définis. Dans le cas présent, il s’agit du secteur de
Huchting et d’un autre secteur du Sud de Brême. Cette approche holistique a été mise en place en
1981. Ces équipes travaillent en étroite collaboration avec les services sociaux, qui constituent une
importante source d’informations. Elles participent également au comité de Huchting et ont de bonnes
relations avec les autres services. Dans le cadre de la médecine préventive, elles se rendent également
dans les écoles, les jardins d’enfants et les maternelles, et rencontrent les parents. Elles sont aussi
engagées dans la coopération au travers de réunions d’étude de cas, et rencontrent régulièrement le
personnel du suivi médico-pédagogique des enfants.
La Ferme de la ville
La Ferme de la ville, initiative lancée par un enseignant d’une école locale, est une organisation
bénévole. Plus de 100 enfants s’occupent de la ferme, où ils peuvent venir quand ils le veulent. Le but
de cette organisation est de donner aux enfants un espace qui leur permette de bâtir des structures
sociales et de prendre des responsabilités. La ferme leur donne un sentiment d’importance.
Accueil en journée (préscolaire et scolaire)
La municipalité, ainsi que les églises et d’autres organismes bénévoles, gèrent des structures de
garde d’enfants. Il existe aussi des structures issues d’initiatives d’auto-assistance créées par les
parents. La ville dans son ensemble compte 71 centres pour les enfants de 3 à 12 ans (mais surtout
pour les 3 à 6 ans) gérés par la communauté de Brême. Par ailleurs, le secteur sud compte 16 structures
de garde communales qui accueillent 1 990 enfants. Huchting étant une zone défavorisée, les structures
de garde de jour visitées par les experts de l’OCDE sont confrontées à un niveau élevé d’aliénation
sociale. De nombreuses familles y vivent de l’aide sociale et, dans beaucoup de cas, les deux parents
sont au chômage.
Centre de garde Dietrich Bonhoefer pour les enfants d’âge préscolaire et scolaire : Ce centre de garde est
rattaché à l’Église protestante. Il a ouvert en 1970, avec quatre groupes, et utilisait aussi un appartement pour garder en journée des enfants scolarisés. En 1980, les responsables se sont lancés dans la
garde conjointe des enfants handicapés et non handicapés. Lorsque cette « première génération
d’éducation intégrée » a atteint l’âge scolaire, le centre et les parents ont réussi à développer une
extension du projet au sein de l’école. Huchting a ainsi été le premier quartier de Brême à posséder
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COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
une école primaire ordinaire accueillant dans une même structure des élèves normaux et des enfants
souffrant de handicaps mentaux ou physiques graves. Plus d’une centaine d’enfants fréquentent
aujourd’hui ce centre.
Centre de garde Kindergarten Höhpost : La moitié des parents qui font appel à ce centre reçoivent des
allocations au titre de l’aide sociale. Le personnel s’occupe de deux groupes : les enfants d’âge
préscolaire et les enfants d’âge scolaire. Son approche consiste à mettre l’accent sur l’enseignement
des valeurs sociales et à enrichir les activités ludiques. Les enfants bénéficient également de soins
d’orthophonie, et le personnel est formé pour apporter au travail avec les enfants un complément en
thérapie psychomotrice et sensorielle. On espère ainsi améliorer les compétences du personnel dans
sa façon de structurer les activités destinées aux enfants. Ce centre pratique aussi une approche visant
à intégrer les enfants défavorisés.
La coopération entre ce centre et les autres établissements est importante. Ainsi, du personnel de
consultation infantile vient parfois travailler à la maternelle pour éviter la stigmatisation de certains
enfants. Le centre de garde coopère avec le bureau des services sociaux, par exemple pour déterminer
si une aide familiale est nécessaire. De plus, une relation étroite a été tissée avec la Maison de la
famille, le pédiatre et l’école. La coopération avec l’école présente deux grands volets : d’une part des
réunions d’étude de cas d’enfants à problèmes ; d’autre part des efforts pour influencer ce qui se passe
au sein de l’école.
Soutien politique et financement
Maintenir à Brême un réseau étendu de fourniture de services sociaux nécessite un important
soutien financier. Les budgets publics étant plutôt serrés, l’Allemagne occidentale est de plus en plus
réticente à financer un tel niveau de fourniture et a demandé à la ville de Brême d’abaisser ses
exigences.
Le financement des organismes à Huchting est assuré par diverses sources. Par exemple, le Centre
des mères reçoit une aide financière issue du budget de l’aide sociale, des fonds de loterie et d’un
fonds de financement des projets d’auto-assistance. Pour les groupes d’enfants d’âge scolaire ou
préscolaire, ce centre reçoit de l’argent du bureau des services sociaux. Le département des Affaires
sociales et de la Jeunesse du « Sénat » apporte aussi une contribution financière aux projets. Un
professionnel spécialisé dans la petite enfance est payé par le ministère, qui finance également le
matériel, les fournitures et la nourriture. Le département des Affaires familiales apporte un soutien
financier et moral. Il a par exemple ouvert l’accès à des fonds qui n’auraient pas été disponibles sans
lui. Le budget de la Maison de la famille provient de la municipalité. Il s’agit d’un service gratuit qui ne
perçoit donc aucune forme de paiement. Le centre de garde Dietrich-Bonhoefer est financé et géré par
l’église locale, qui est aussi l’employeur du personnel. Le centre de garde Kindergarten Höhpost est
financé par l’État.
Un type de financement complètement différent a été apporté à la Ferme de la ville, créée en
1991. Cette ferme a été construite en trois jours grâce à un programme de télévision intitulé « Maintenant ou jamais », qui a pour objectif de réaliser des projets spécifiques dans des délais très courts, en
trouvant des parrains et des mécènes de toutes sortes, qui donnent de l’argent ou exécutent le travail.
Les autorités locales ont fourni le terrain. Le bâtiment principal et d’autres constructions ont été
financés par le Fonds social européen. Le projet est désormais géré par un programme local et les frais
d’exploitation sont partagés par les départements de l’Éducation et des Services sociaux, qui, toutefois,
sont eux-mêmes dépendants de parrainages et de donations.
Facteurs favorisant et facteurs inhibant la collaboration
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La réorganisation de la structure des services sociaux de Brême trouve son origine dans le contexte
des mouvements de réforme des années 70 en Allemagne. On ne peut dire précisément si la dynamique de changement venait de la base (la communauté) ou du sommet (le gouvernement). Ces réformes
ont été engagées à un niveau stratégique mais d’importants encouragements leur ont été fournis par
Partie I : ALLEMAGNE
les professionnels. Un grand nombre d’idées sont notamment venues de ceux qui travaillent directement sur le terrain. Les responsables au niveau politique ont décidé d’adopter ces idées et de lancer
des projets pilotes.
Un des facteurs positifs est la chaı̂ne de communication très courte entre les niveaux stratégique et
politique. De même, les liens sont très satisfaisants entre les travailleurs sur le terrain et les responsables des opérations. L’avantage à long terme de ce système est que le personnel acquiert une
certaine expérience de travail dans un cadre nouveau de coopération et de coordination.
Au niveau local, la coopération a reçu, en 1991, un formidable coup de pouce de la part d’un atelier
de travail intitulé « Être enfant à Huchting » (Kind-Sein in Huchting). Cet atelier a été ouvert à l’initiative
de professionnels (notamment de directeurs d’établissements préscolaires) qui voulaient montrer ce
dont ils étaient capables. Son objectif était d’analyser les problèmes des enfants de Huchting à partir
de toutes les données disponibles sur les enfants et les familles. L’analyse a mis en lumière les lacunes
qui existaient dans la fourniture des services. La moitié des besoins étaient liés à des problèmes
nécessitant une approche coordonnée. Un comité de planification a été créé pour examiner tous les
aspects de la fourniture de services aux enfants de Huchting. Ce comité surveille régulièrement qui fait
quoi, quelles demandes sont satisfaites et s’il demeure des lacunes dans la fourniture des services. Les
partenaires de ce comité sont des directeurs de jardins d’enfants et de services de pédiatrie, de
centres de consultation infantile, d’aide sociale et de psychologie scolaire. Ils se rencontrent régulièrement mais leur participation étant bénévole, la continuité du système risque d’être menacée.
L’un des problèmes fondamentaux à régler est celui de la concurrence négative qui s’exerce entre
des organismes proposant des services analogues. Comme le montre l’exemple des centres de garde,
réussir à ne plus envisager les choses en termes de concurrence constitue une étape importante vers la
coopération. Les études ont montré que la force et le poids de ces organismes viennent du fait que les
partenaires ne peuvent être divisés du point de vue du travail. Ils partagent les mêmes connaissances
et les mêmes informations. Le comité de planification pour les projets des enfants de Huchting peut
aussi contribuer à éviter des situations de compétition entre différentes initiatives car ses membres ont
une vue d’ensemble des diverses activités.
La coopération bénéficie d’un facteur positif : la cohabitation des services dans un même
complexe social, le Centre des services sociaux. Cette cohabitation semble produire de bonnes relations personnelles entre les professionnels.
Toutefois, il y a aussi des obstacles à la coopération. Certains problèmes se manifestent dans la
coopération entre les écoles et les centres de garde, qui ont des attentes différentes les uns vis-à-vis
des autres. Ainsi, les écoles attendent de l’aide pour les problèmes scolaires des enfants, tandis que
les centres de garde se concentrent sur le développement des aptitudes sociales en tant que condition
préalable à la résolution des problèmes scolaires. Or, ceci requiert des enseignants un rôle différent.
Des professions différentes, aux domaines de travail distincts, doivent trouver les moyens d’accepter le
travail des autres et de se compléter entre elles.
Dans l’ensemble, la tolérance et les relations personnelles avec les collègues favorisent beaucoup
la collaboration. Mais celle-ci est entravée par les procédures administratives, la rigidité et le manque
de bonne volonté de personnes qui voient dans le projet une perte de temps et une source de stress.
Résultats
Le réseau de services de Huchting s’est développé grâce à l’équipe de coopération. Les professionnels ont des contacts personnels avec leurs confrères d’autres établissements et les écarts entre
les services se comblent peu à peu. Cependant, plus de temps et d’engagement sont nécessaires de la
part des différents partenaires. Il semble que cela vaille d’autant plus la peine que chaque établissement peut profiter des expériences des autres pour résoudre ses propres problèmes, et que le groupe
est assez puissant.
Le personnel et les membres de la Maison de la famille considèrent leur travail comme plus
intéressant et plus agréable car susceptible d’être de meilleure qualité. Aucune action nouvelle ne
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COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
peut être planifiée ou réalisée en dehors d’une collaboration avec un ou plusieurs autres services. Les
nouvelles actions peuvent être envisagées comme des projets plutôt que comme des réponses ponctuelles à des problèmes. En termes de bénéfice personnel, le contact avec d’autres professions rend le
travail courant plus intéressant et élargit le champ des connaissances et des pratiques professionnelles. En outre, il permet d’éliminer une partie du stress lié à la responsabilité envers les franges les
plus pauvres de la société.
Il y a bien sûr aussi des avantages pour les clients, les lacunes dans le réseau des services sociaux
s’étant réduites et les principes de la division en secteurs et groupes cibles ayant amélioré l’accès aux
services sociaux.
Les principaux bénéfices pour les femmes qui fréquentent le Centre des mères semblent être
l’encouragement, le contact, l’égalité entre les membres, la diversité des formations et des travaux et la
collaboration avec des professionnels, cette dernière contribuant à étendre leurs connaissances et à
améliorer leur estime d’elles-mêmes. Toutefois, les mères du centre déclarent elles-mêmes avoir
besoin de conseils professionnels mais se heurtent à la résistance de travailleurs sociaux qui ne croient
pas en ce type d’activités. La seule activité qui semble obtenir une véritable reconnaissance est celle
de la garde d’enfants. Une autre restriction importante tient à la pression que les hommes imposent à
leurs épouses ou compagnes. Les hommes semblent craindre l’émancipation des femmes et certains
leur interdisent de fréquenter le centre. Il semble qu’il y ait aussi besoin d’améliorer les liens avec les
formations traditionnelles et l’accès aux possibilités d’emploi à l’extérieur.
Discussion
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La réorganisation des services sociaux à Brême a généré de nombreuses expériences positives.
L’orientation par groupes cibles évite que certains groupes d’âge soient exclus des services sociaux. En
outre, les pédagogues sociaux développent des compétences plus professionnelles dans leur domaine
d’activité et les besoins des groupes cibles deviennent plus repérables. Enfin, dernier point mais non
des moindres, l’organisation en fonction de ce principe facilite la coopération. Dans l’ensemble, la
réorganisation des services sociaux à Brême a permis de créer un réseau vaste et complexe de services
intégrés.
Comme nous l’avons vu plus haut, les avantages à long terme de ce système sont que les
partenaires engagés dans les projets gagnent une certaine expérience à œuvrer dans le cadre de
nouvelles formes de coopération et de collaboration. Malheureusement, dans beaucoup de projets
novateurs en faveur de l’intégration des services, le financement s’interrompt au moment où des liens
et des structures de coopération satisfaisants commencent à se former. Le financement à court terme
pose donc un réel problème.
Au niveau régional, le comité de Huchting a été un élément clé de la réalisation d’une approche
intégrée. Il se perçoit lui-même comme un groupe de pression puissant attaché à améliorer la fourniture des services dans le quartier conformément aux principes des groupes cibles et de la sectorisation. Au niveau des organes de décision, l’accent est aussi mis sur l’efficacité à résoudre les problèmes.
Au niveau local, le travail social coopératif est perçu comme un moteur du développement du personnel, et comme un moyen d’améliorer la fourniture des services. Beaucoup pensent que l’efficacité du
comité est accrue par le coordinateur. Celui-ci maintient ouverts les canaux de communication entre les
services locaux et entre ces derniers et le niveau de décision.
Au niveau stratégique, il semble être plus difficile de faire en sorte que les ministères coopèrent. Il
existe néanmoins des réseaux informels entre les départements car le besoin de développer des liens
pour travailler plus efficacement est effectivement reconnu.
La concurrence entre services analogues semble poser problème. La communication et la discussion peuvent toutefois atténuer son effet néfaste sur la coopération, même si, avec les menaces de
réduction des budgets, le risque de concurrence augmente encore. Il y aura toujours plusieurs organismes qui offriront des programmes semblables ou différents aux mêmes groupes cibles. Par exemple,
il y a des similitudes entre les actions de la Maison de la famille et du Centre des mères en termes
de groupes cibles et d’objectifs, mais il y a également d’importantes différences. Aucun des deux
Partie I : ALLEMAGNE
organismes ne saurait couvrir complètement les divers besoins et la myriade de problèmes rencontrés
dans la communauté. Maintenir les structures coopératives et les liens satisfaisants qui existent entre
les différents services semble être une condition fondamentale d’une bonne fourniture de services aux
clients.
A l’heure actuelle, une discussion est en cours sur le partage des responsabilités. Certains se
demandent si la responsabilité de la gestion des budgets doit être transférée du niveau gouvernemental au niveau des secteurs. Cependant, s’ils avaient davantage de responsabilités, les quartiers
devraient faire de difficiles choix de priorités. Dans un contexte de réduction des budgets municipaux,
c’est une position problématique. Il y a néanmoins de bonnes raisons de transférer au niveau local le
contrôle du financement.
INTÉGRATION DES SERVICES POUR LES ENFANTS D’ÂGE SCOLAIRE A LEIPZIG
Contexte
En Allemagne orientale, les enfants, les jeunes et les familles sont confrontés à de nombreuses
incertitudes du fait des changements rapides survenus dans leur société depuis les bouleversements
de 1989 et la réunification de l’Allemagne en octobre 1990. La législation des anciens Länder est
appliquée dans les nouveaux, et des institutions démocratiques ont dû être créées. Au sein des
familles comme dans les relations entre les individus et les institutions, de grands changements sont
en cours. Les problèmes qui en découlent sont encore accrus par les difficultés économiques.
L’objectif principal de la visite à Leipzig portait donc sur les efforts à consentir pour forger des
liens entre les services aux enfants, aux jeunes et aux familles, nouveaux ou en pleine transformation
du fait de l’effondrement de la RDA. Depuis, en effet, une évolution radicale se produit. La communauté est passée d’un État autoritaire et paternaliste qui ne laissait aucune place au bénévolat à un
système démocratique de gestion locale et d’administration des affaires publiques qui promeut et met
en valeur le rôle des associations bénévoles dans le cadre du principe de subsidiarité.
Les services aux enfants d’âge scolaire étant l’objectif central de la visite à Leipzig, il convient de
mentionner que la Saxe vient d’adopter un système scolaire très sélectif semblable à celui de la
Bavière. Les enseignants ne sont plus responsables de la garde des enfants après l’école. Le temps
réservé aux loisirs et les programmes de garderie pour les enfants d’âge scolaire et les jeunes sont
insuffisants. Le chômage et les problèmes de logement menacent la vie de famille tandis que la
délinquance et la violence parmi les jeunes augmentent et que la xénophobie se développe.
Les paragraphes ci-dessous présentent une brève description des partenaires engagés et des
établissements visités à Leipzig ainsi que de la nature des soutiens politiques à la collaboration. Le
processus de fourniture de services, les facteurs encourageant ou inhibant la collaboration, ainsi que
les résultats pour les clients sont ensuite évoqués.
Institutions et partenaires clés
A Leipzig, l’étude de cas s’est centrée sur les activités de la branche locale du Centre régional pour
l’aide aux enfants et aux jeunes étrangers (Regionale Arbeitsstellen zur Förderung ausländischer Kinder und
Jugendlicher, RAA), organisme bénévole national. Cet organisme combine un service de soutien scolaire
pour les enfants et les jeunes étrangers, un centre communautaire d’aide pédagogique et un organisme
de terrain. Il a été fondé en 1980 par une initiative de la Fondation Freudenberg pour les grandes villes
de la Ruhr frappées par l’effondrement de l’industrie minière et de l’acier.
Ce centre compte aujourd’hui des antennes régionales dans 18 villes de la partie occidentale et
dans onze villes de la partie orientale de l’Allemagne. Il vient en aide aux enfants et aux jeunes
étrangers, tente de combattre la discrimination, de développer ou de créer un travail communautaire
avec les jeunes marginalisés et ceux qui manifestent des comportements hostiles aux étrangers. L’un
de ses objectifs est de faire régresser la violence à l’encontre des étrangers et des immigrés. Un autre
est de travailler avec les jeunes Allemands qui ne supportent pas les étrangers ou se marginalisent de
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COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
la société. Le bureau du RAA à Leipzig a ouvert ses portes en janvier 1993. Au départ, il devait opérer
conjointement avec le département de l’Éducation de la ville. Depuis, il a acquis plus d’autonomie.
Leipzig compte environ 15 000 étrangers dont 200 enfants qui fréquentent principalement six
écoles. Les étrangers représentent donc 3 pour cent de la population. C’est peu par rapport aux 8 pour
cent des anciens Länder, et très peu comparé aux 10 pour cent ou plus de certaines villes de ces mêmes
Länder. Cependant, Leipzig affiche le plus haut pourcentage d’étrangers de l’Allemagne orientale. La
plupart d’entre eux sont des Européens de l’Est ; il n’y a pas de Turcs. La majeure partie des étrangers
de Leipzig n’ont jamais été des travailleurs immigrés (les Gastarbeiter de l’Allemagne occidentale) mais
sont venus soit pour étudier à l’université de la ville soit pour des raisons personnelles. Les réfugiés
recherchant l’asile politique, contraints de vivre dans des hôtels ou des camps mal équipés avant
d’obtenir l’asile politique ou de se voir refuser leur demande, sont peu nombreux. Toutefois, il y a une
contradiction entre le faible taux d’étrangers en Allemagne orientale et le niveau d’hostilité qui leur est
manifesté, qui est plus élevé que dans la partie occidentale de l’Allemagne.
Les jeunes étrangers et leurs familles sont vulnérables et menacés à beaucoup d’égards, et l’action
de nombreux organismes est nécessaire pour les protéger de l’exclusion sociale. Cependant, pour
pouvoir leur apporter une aide efficace, il convient de coordonner différents services. C’est l’objectif du
RAA de promouvoir la coopération entre les organismes et d’abaisser les barrières qui les séparent.
Le RAA coopère avec le gouvernement local de différentes manières, par exemple dans un projet
appelé « Écoles sans violence », mis en œuvre dans les établissements secondaires de premier cycle
dans la partie orientale de la ville. La municipalité travaille avec le RAA pour résoudre les problèmes
des immigrants et combattre la discrimination et la violence. Une autre initiative menée par le bureau
scolaire s’intitule « Les écoles s’ouvriront aux associations bénévoles pour leur permettre de venir en
aide aux élèves ». Le bureau d’aide au jeunes et le bureau de la culture ont travaillé ensemble à la
mise au point de cette initiative. Le RAA joue aussi un rôle important dans le processus de rapprochement des écoles et des associations bénévoles. Il existe également un accord permanent de collaboration entre le bureau pour les étrangers et le RAA. Si un problème concernant un étranger scolarisé
survient, ce bureau demande conseil au RAA et aux responsables de l’école pour tenter de le résoudre.
Le personnel du RAA à Leipzig est assez réduit : trois personnes seulement gèrent toutes ses
activités. Cette situation est due au rôle même du RAA, qui est censé agir comme une sorte de
catalyseur. Ces trois personnes s’efforcent d’encourager d’autres organismes à développer des activités, de motiver les autres, de suggérer des idées, de fournir des informations et de pousser les
membres des organismes et des associations à créer eux-mêmes les soutiens nécessaires.
Soutien politique et financement
Les ressources financières provenant de tous les niveaux de gouvernement peuvent alimenter les
services sociaux novateurs de Leipzig.
La planification préalable augmentant considérablement les chances d’obtenir un financement de
l’État, Leipzig a élaboré un plan global, couvrant tous les domaines de l’action, de la planification et de
l’évaluation pour la jeunesse, que la Loi sur les services aux enfants et aux jeunes exige mais que
toutes les villes et communautés n’ont pas encore constitué. Il subsiste toutefois des obstacles liés aux
procédures d’obtention d’un financement de l’État ou du Land. C’est pourquoi une amélioration de la
planification, de la budgétisation, de l’organisation et de la coordination à tous les niveaux est recommandée. Un autre problème tient à ce que le financement du Land est distribué par deux ministères,
celui des Affaires sociales et celui de l’Éducation, dont les règlements en ce qui concerne les subventions aux villes diffèrent.
Après la réunification, une importante contribution est venue d’un programme du ministère du
Travail octroyant des aides financières à l’emploi de personnel et à l’achat de matériel. Malheureusement, ce programme a pris fin en 1993.
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Bien que l’on pensât qu’il serait difficile de trouver des financements pour traiter tous les problèmes des jeunes, le Conseil municipal a fourni une importante enveloppe financière. Le financement
Partie I : ALLEMAGNE
de la municipalité a augmenté ces dernières années. Il se montait à 2.9 millions DM en 1992, à
3.1 millions en 1993 et à 4.7 millions en 1994. Le département de la Jeunesse, de l’École et de
l’Éducation a reçu 80 millions DM (sur 330 millions) pour la reconstruction de bâtiments et l’achat de
matériel et d’équipements.
Le financement du RAA provient de la municipalité, de la Fondation Freudenberg, de la Conférence fédérale des ministères de la Culture et de l’Éducation et du ministère de l’Éducation de la Saxe.
Pratiques intégrées
La démarche adoptée par le RAA pour tenter d’innover comprend plusieurs étapes. Sa méthode
de travail consiste d’abord à établir le contact avec les autorités en charge des écoles, de comprendre
les problèmes des élèves et d’identifier les écoles qui accueillent des étrangers et celles qui connaissent une violence et un absentéisme importants. Il sélectionne ensuite quelques établissements pour
développer avec eux des relations de travail. Des pourparlers sont ouverts pour convaincre les enseignants des aspects positifs de leur engagement dans une collaboration. Des incitations, un soutien et
des garanties doivent être fournis pour que les employés acceptent les risques qu’entraı̂ne le développement de relations « horizontales ». La fonction de l’organisme innovateur est de définir et de développer des bases et des concepts communs pour une collaboration entre les différentes professions et
les différents organismes, et de les renforcer par une formation en service. L’organisme innovateur
fournit conseils et soutien pour la coopération et la coordination, et prend des initiatives nouvelles.
Le travail d’équipe avec les écoles peut être prévu sur une base à court terme ou à long terme.
Dans ce dernier cas, le RAA cherche d’autres partenaires à Leipzig, tels que des associations bénévoles, susceptibles de développer des activités pour occuper les temps de loisir. Elles imagineront par
exemple des activités pour de petits groupes de garçons de 8 à 10 ans qui ont tendance à faire l’école
buissonnière et à considérer les enseignants comme des ennemis. Elles aideront les enfants à créer
leurs propres programmes d’activités en utilisant les locaux ou le matériel de l’école. Autre exemple, un
projet théâtral est monté pour créer un contact avec les filles de l’école. L’objectif est d’entraı̂ner les
jeunes à s’investir dans une activité qui occupe leur temps libre à proximité de l’école, qui fasse
évoluer leur attitude et finalement les incite à s’intéresser de nouveau à la vie scolaire.
Dans certains cas, la coopération se fait à l’initiative des écoles. Certaines écoles ont demandé des
ateliers axés sur les étrangers, d’autres ont souhaité une formation sur les moyens de traiter les conflits
et d’autres encore ont cherché à se faire aider pour remédier aux conditions difficiles dans lesquelles
elles travaillent. A la suite de la réunification de l’Allemagne et des changements apportés dans le
système scolaire, de nombreux problèmes liés à la création des nouveaux types d’écoles ont surgi.
Dans certains cas, des projets de rénovation imaginés par les élèves eux-mêmes ont été appuyés par le
RAA.
Le RAA utilise aussi l’approche en réseau pour atteindre des objectifs relatifs aux étrangers ou aux
jeunes Allemands. Son but est de développer un réseau organisationnel, comprenant des représentants d’organismes publics et d’organismes bénévoles qui déploient des programmes dans les mêmes
quartiers, de façon à coordonner leurs activités. Un réseau de ce type existe déjà par exemple à
Grunau, quartier résidentiel de la périphérie de Leipzig dépourvu de toute infrastructure sociale, de
commerces et d’espaces verts. Outre sa vocation de rassembler toutes les ressources et d’encourager la
coopération sur des projets concrets et le partage d’expériences, ce réseau a aussi pour but de mettre
au point des méthodes de travail avec les jeunes susceptibles d’enrayer la prolifération des bandes
xénophobes.
Le RAA coopère aussi avec des organismes comme la Young Men’s Christian Association (YMCA).
Pour pouvoir organiser des activités culturelles ou artistiques dans la ville, sa branche locale collabore
également avec la bibliothèque municipale. Cette branche organise aussi des rencontres avec des
écrivains et parraine chaque année un festival et le salon littéraire d’automne.
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COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
Facteurs favorisant et facteurs inhibant la collaboration
La mise en place de la législation et des règlements administratifs et politiques des anciens Länder
dans les nouveaux Länder a posé de nombreux problèmes pour l’établissement de nouvelles structures
politiques économiques et sociales. Parallèlement, toutefois, ce processus de transformation a été
l’occasion de créer de véritables partenariats, les autorités étant moins rigides car tout était nouveau.
On a ainsi constaté la réussite d’une coopération efficace entre divers départements du gouvernement
local.
Le processus de création de nouvelles structures d’action sociale en cette période de bouleversements sociaux s’est heurté à un obstacle sérieux : les décisions devaient être prises très rapidement. Le
travail devait être fait alors même que les équipes étaient en train de se former. De plus, il était très
difficile d’obtenir que les individus s’expriment sur leurs problèmes car, du temps de la RDA, ils
avaient l’habitude d’accepter les décisions sans demander d’explication. Il est donc prévu que les
activités soient organisées par le personnel des services sociaux, mais une bureaucratie pénalisante est
déjà en train de se développer.
Autre facteur de ralentissement issu du processus de réunification, le problème du règlement des
droits de propriété. En effet, les terres et les immeubles confisqués par le régime de la RDA sont
susceptibles d’être réclamés par leurs anciens propriétaires et, tant que le droit de propriété n’est pas
confirmé, ils ne peuvent être utilisés. Par ailleurs, les incertitudes concernant les prévisions et la
budgétisation sont plus fortes que d’habitude. Par exemple, la chute rapide du taux de natalité affecte
la planification des programmes préscolaires et scolaires.
Outre les problèmes généraux entraı̂nés par la réunification, d’autres facteurs entravent la coopération entre les écoles et les services sociaux. Alors que les enseignants des écoles sont bien placés pour
aider les enfants, il y a traditionnellement peu de liens entre les écoles et les services sociaux dans la
partie occidentale de l’Allemagne. Pire encore, l’incompréhension entre les enseignants et le personnel
des services sociaux, voire la concurrence entre ces deux groupes, entravent la coopération. Dans les
nouveaux Länder, la distance entre les écoles et les associations bénévoles est aussi un facteur dont il
faut tenir compte. Enfin, le poids des « traditions » héritées de l’ex-RDA n’est pas non plus négligeable.
En RDA, les écoles se chargeaient d’organiser tout le programme d’activités des jeunes durant la
journée. Or, la mainmise qu’elles détenaient ainsi sur le corps et l’esprit des enfants, ainsi que les
pressions exercées sur les familles qui refusaient de laisser leurs enfants entrer aux « Jeunes pionniers »
et aux « Jeunesses allemandes libres » étaient fréquemment critiquées. Il est donc d’autant plus difficile
de trouver de nouvelles façons d’associer les jeunes à des activités de loisir constructives donnant libre
choix aux enfants comme aux parents.
En RDA, il n’existait pas véritablement de professionnels de l’action sociale. Les personnes qui
effectuent le travail social aujourd’hui n’ont donc pas le même type de « bagage » professionnel que
leurs homologues des anciens Länder.
Pour le travail du RAA sur les services intégrés aux enfants d’âge scolaire, il s’est avéré particulièrement positif que le directeur de l’école adhère totalement à l’idée de coopérer et que cette coopération soit fondée sur un choix volontaire.
Le principe de subsidiarité a permis d’accroı̂tre le pouvoir d’innovation des associations bénévoles. Le développement, l’organisation et la création de réseaux au niveau communautaire contribuent aux activités d’intégration des services.
Discussion
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Le processus de transformation dans les nouveaux Länder a élevé d’importants obstacles au
développement d’un réseau de services d’aide aux jeunes par des procédés démocratiques. A Leipzig,
les acteurs au niveau local font preuve de compétence et de créativité dans le traitement des problèmes de la cité. Travailler dans un cadre nouveau transposé des anciens Länder leur fournit une
orientation mais dresse également des obstacles. Toutefois, des ressources financières peuvent être
employées pour stimuler des innovations conformes à la tradition démocratique occidentale. Il y aurait
Partie I : ALLEMAGNE
aussi des avantages à tirer du partage d’expérience entre les projets non seulement entre anciens et
nouveaux Länder mais aussi avec d’autres pays.
LES SERVICES INTÉGRÉS ET LE DÉFI DU CHÔMAGE DES JEUNES A DUISBOURG
Contexte
La visite à Duisbourg avait pour principaux objectifs la transition de l’école au travail et une
initiative réussie d’adaptation du système d’apprentissage allemand aux exigences socio-économiques
actuelles par l’intermédiaire de l’intégration accrue des services.
Du fait de la diversification de l’économie et de l’innovation dans le secteur des affaires et de
l’industrie à Duisbourg, il s’est avéré nécessaire de former les jeunes et de reformer la main-d’œuvre
plus ancienne. Cet impératif a posé d’énormes défis aux services de l’enseignement professionnel et
de l’emploi. Dans l’ensemble, toutefois, Duisbourg a remarquablement bien réussi à combattre le
chômage des jeunes et à recycler les jeunes, y compris ceux « à haut risque », grâce à divers programmes de formation. L’intégration des services sociaux, sanitaires et éducatifs qui aident les jeunes
dans leur transition de l’école à la vie active a considérablement favorisé ce processus.
Institutions et partenaires clés
Au début des années 80, alors que le chômage des jeunes augmentait et que le fossé entre l’offre
et la demande de places d’apprentissage se creusait, Duisbourg a redoublé d’efforts pour combattre le
chômage des jeunes et fournir un vaste éventail de formations professionnelles. Ce fossé est principalement dû aux effets combinés de l’évolution démographique et de la récession économique. La baisse
de la demande d’acier et de charbon a aggravé les problèmes naissants. L’emploi des jeunes est donc
devenu la priorité et le conseil municipal a institué une commission pour l’emploi des jeunes pour
traiter de cette question. Comme cette commission ne pouvait s’occuper seule de ce problème, un
Groupe d’aide professionnelle aux jeunes a été établi pour la seconder. Ce groupe s’est adjoint des
représentants des Églises catholique et protestante, de l’association d’aide sociale aux travailleurs, des
syndicats, du bureau de placement et des chambres de commerce. Un comité de coordination a été
créé pour regrouper les efforts et conseiller la commission municipale pour l’emploi des jeunes.
La lutte contre le chômage des jeunes et la contribution à leur insertion professionnelle passent
par une coopération accrue entre les établissements et les organismes associés au processus. Le
fonctionnement de la coopération et de l’intégration à Duisbourg a pu être étudié grâce à la visite de
quelques établissements centraux. En raison de leurs responsabilités respectives – et bien codifiées –
dans les domaines des services sociaux et de la formation et de l’orientation professionnelles, le
bureau d’aide aux jeunes et le bureau de placement sont des partenaires clés dans le réseau existant à
l’échelle de la ville. Le RAA, c’est-à-dire la branche du ministère de l’Éducation qui assure l’interface
entre les services sociaux et éducatifs, constitue un autre organisme contribuant à l’intégration des
services. Deux exemples importants de structures d’enseignement professionnel pour les jeunes, le
Centre de formation professionnelle (Kupferhütte des Verein für Jugendberufshilfe) et l’école professionnelle
Bertolt Brecht, ont été visités.
Bureau d’aide aux jeunes, département de l’Éducation : Le bureau d’aide aux jeunes a un statut spécial au
sein de l’administration municipale. Il travaille en étroite collaboration avec les hommes politiques, les
administrateurs de la municipalité et les groupes privés. Ce statut lui vient, en partie, du fait qu’il forme
une unité administrative ayant des représentations au niveau politique et au niveau privé. Aux termes
de la Loi sur les services aux enfants et aux jeunes, il est l’organisme communautaire qui chapeaute
tous les services aux jeunes. Il est chargé de s’occuper des enfants à risque, de la protection des
enfants, des enfants présentant des besoins particuliers, des enfants maltraités, des problèmes de
drogue chez les jeunes et du passage de l’école au monde du travail, le tout en finançant et en
coordonnant les services locaux. Le bureau d’aide aux jeunes planifie ses activités et communique
régulièrement ses initiatives aux autres participants de l’action pour les jeunes. Tous les employés
municipaux concernés, tels que les enseignants et les conseillers, peuvent être associés à ses
51
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
initiatives. Le bureau d’aide aux jeunes a pour principal partenaire le bureau de placement. Une
interaction intensive est nécessaire pour interpréter le mandat législatif associé aux programmes pour
les jeunes. Pour déterminer quelles écoles requièrent une attention et une aide particulières pour leurs
jeunes à risque, le bureau d’aide aux jeunes travaille avec le RAA. Étant donné que l’évolution du
secteur primaire affecte les programmes de formation, le bureau d’aide aux jeunes recherche aussi la
coopération des entreprises.
Bureau de placement : Le bureau de placement est une agence du ministère fédéral du Travail et des
Affaires sociales. Il est l’une des 184 branches de l’Agence fédérale de l’emploi chargée par la Loi sur la
promotion du travail de mettre en œuvre la politique sociale et économique fédérale. Son objectif
explicite actuel est « d’atteindre et de maintenir un niveau d’emploi élevé, d’améliorer constamment la
structure de l’emploi et de promouvoir de cette façon la croissance économique ». L’Agence fédérale de
l’emploi est chargée de l’orientation professionnelle, de la recherche d’emplois, de la formation
professionnelle, de la création et du maintien des emplois, des indemnités de chômage et d’invalidité,
des allocations familiales, des allocations aux handicapés et de la réalisation d’études sur l’emploi et le
marché du travail. Le bureau de placement collabore étroitement avec tous les autres organismes
concernés selon des accords et des conventions formels ou informels. Bien que des projets communs
soient entrepris, la majorité des opérations et des mesures adoptées par le bureau de placement le
sont en toute indépendance. Le bureau de placement coopère avec le bureau d’aide aux jeunes, tous
deux étant intimement dépendants l’un de l’autre, surtout parce que les problèmes éducatifs et les
problèmes sociaux sont étroitement liés. Une intense coopération existe entre ce bureau et les
associations bénévoles qui aident les jeunes dans leur transition entre l’école et la vie active. Le
bureau de placement contribue à coordonner les programmes et, lorsqu’il le faut, tente d’assurer la
cohérence des prestations.
Centre régional pour l’aide aux enfants et aux jeunes étrangers (RAA) : Les premiers RAA ont été créés en
1980 dans cinq villes de Rhénanie du Nord-Westphalie, dont Duisbourg. Depuis 1987, ils sont devenus
des structures formelles. A l’heure actuelle, la Rhénanie du Nord-Westphalie compte 16 RAA. Comme
nous l’avons indiqué plus haut, l’objectif des RAA est de réduire l’hostilité entre les groupes de
population et de fournir aux jeunes des services spécifiques, tant à l’intérieur de l’école qu’à l’extérieur.
Bien que le RAA de Duisbourg ait été créé pour répondre aux besoins des étudiants étrangers, il a si
bien su relier les services entre eux, établir des liens de communication et résoudre les problèmes
communautaires qu’il est devenu l’une des ressource principales pour traiter le problème du chômage
des jeunes. Le RAA forme une passerelle entre les services éducatifs et sociaux en s’intéressant
particulièrement à la planification intégrée et en employant de nombreux éducateurs sociaux. Il utilise
une approche du développement communautaire pour traiter les problèmes sociaux et réduire les
fossés entre la maison, l’école, et les organismes d’aide et de placement. Aux jeunes en transition entre
l’école et la vie professionnelle, le RAA apporte des services de conseil préventif et curatif, agit
lorsqu’il perçoit que des élèves sont sur le point d’abandonner l’école et s’assure qu’après avoir quitté
l’école, les jeunes continuent à bénéficier des services dont ils ont besoin. Le RAA rencontre régulièrement les autres parties concernées à la fois par la planification des services et la gestion des cas. Une
coopération s’articule également autour de l’utilisation et de la mise à jour d’une base de données
locale, de groupes de travail spécialisés et de problèmes spécifiques. La relation avec le Service
d’orientation professionnelle est particulièrement coopérative. Du fait de sa coopération avec ce
service et avec le ministère du Travail, le RAA emploie des enseignants et des éducateurs sociaux, mais
des problèmes surgissent parfois lorsque ces personnes travaillent dans les mêmes écoles et que leurs
fonctions se recoupent.
52
École professionnelle Bertolt Brecht : Cet établissement dispense un enseignement professionnel à
temps partiel aux élèves qui sont en apprentissage dans des entreprises. L’aspect novateur de l’école
professionnelle Bertolt Brecht est le Kollegschule, un programme spécial préparant les élèves pour le
certificat d’entrée dans l’enseignement supérieur. Cet établissement dispense un enseignement professionnel à temps partiel ainsi qu’à temps plein, pour les élèves qui n’ont pu obtenir de place en
apprentissage. Les élèves peuvent donc y étudier en vue des examens de l’enseignement général.
Cette école intègre donc les enseignements général et professionnel. L’école Bertolt Brecht compte
Partie I : ALLEMAGNE
65 salariés et 1 700 élèves. Les cours portent sur les techniques d’ingénierie, les télécommunications,
l’informatique, les techniques de l’information et la mécanique automobile. Les principaux partenaires
de l’école sont les chambres de commerce, les entreprises, les universités, le Comité d’aide aux jeunes
et le Comité pour l’emploi des jeunes.
Centre de formation professionnelle (Kupferhütte des Vereins für Jugendberufshilfe) : Ce centre de formation a
été créé en 1980. Il dispense un enseignement professionnel menant au même diplôme que celui qui
est délivré à la fin d’un apprentissage conforme aux règles de la chambre de commerce. Il fournit des
places de formation et donne une chance supplémentaire aux élèves ayant des besoins spécifiques et
des problèmes personnels ou sociaux, qui forment un de ses groupes cibles. Ce centre accueille des
élèves de 17 à 25 ans, issus de l’enseignement secondaire du premier cycle ou d’écoles spéciales. Au
cours de leur formation professionnelle, ils effectuent une rotation entre le centre de formation, l’école
professionnelle et leur poste en entreprise. Le centre propose aussi des cours d’aptitude à la vie
sociale qui ne sont fournis ni par les écoles professionnelles ni par les écoles secondaires. Le président
du centre et plusieurs autres membres du conseil de l’établissement siègent aussi au conseil municipal. Par ailleurs, le directeur du département de l’Éducation de la municipalité et plusieurs membres
du Comité pour l’emploi des jeunes siègent au conseil d’établissement du centre. Le centre coopère
avec les écoles professionnelles relevant du système en alternance, qui apportent la formation théorique, avec des entreprises, qui fournissent les stages pratiques, avec d’autres programmes de formation
analogues et avec le bureau de placement.
Soutien politique et financement
Comme nous l’avons indiqué plus haut, le taux de chômage élevé des jeunes et le manque de
places d’apprentissage, résultats de la crise de l’industrie de l’acier et de la restructuration du secteur
économique, ont rendu nécessaire un renforcement et une coordination des activités. Le conseil
municipal de Duisbourg a classé ces problèmes en tête de ses priorités et a formé des comités
communaux pour développer des stratégies coordonnées.
Il est difficile de décrire le financement d’un réseau vaste et complet d’organismes coopérant entre
eux tel que celui de Duisbourg. Son financement provient du secteur public et du secteur privé. Le
bureau de placement finance la majorité des projets de formation des jeunes et veille aussi à ce que
chaque organisme réponde de ses actes. Avec un budget d’environ 5 millions DM, il soutient la
formation professionnelle, des cours d’aptitude à la vie sociale et certains services de traitement
spécialisés. Le bureau d’aide aux jeunes finance différents types de services sociaux, dont ceux des
organismes privés à but non lucratif, tels que la paroisse et certaines autres institutions d’action sociale.
Le RAA est une agence municipale financée par les trois niveaux de gouvernement. Le centre de
formation est financé par le gouvernement central, le gouvernement régional, des fonds municipaux et
des donations privées. Pour l’école professionnelle Bertolt Brecht, la communauté couvre les coûts
d’administration, d’équipement et d’entretien des locaux, et l’État rémunère le personnel enseignant.
Le bureau des statistiques fait aussi partie du réseau de Duisbourg. Ce bureau est une entité
administrative de la municipalité de Duisbourg qui produit un rapport annuel sur la situation des
jeunes en transition entre l’école et la vie active. Son financement est assuré par la municipalité de
Duisbourg.
Pratiques intégrées
Les différents comités communaux décrits ci-dessus ont joué un rôle central dans la création et la
coordination des activités à Duisbourg. Le rapport annuel que produit le bureau des statistiques
constitue une base importante pour l’évaluation des processus dans le système scolaire et sur le
marché du travail. Toutes les parties concernées coopèrent dans le cadre de l’utilisation et de la mise à
jour de cette base de données. Parallèlement à la fonction de coordination des comités communaux et
à plusieurs « tables rondes » consacrées à des problèmes spéciaux (tels que l’intégration des jeunes
femmes et le traitement des jeunes à risque), il existe de nombreuses activités coopératives bilatérales
53
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
ou multilatérales auxquelles participent le gouvernement local, le bureau de placement, les associations bénévoles qui fournissent des services sociaux, les entreprises et les écoles.
Aux termes de son règlement, le bureau d’aide aux jeunes chapeaute tous les services aux jeunes
et coordonne les services locaux. Ainsi, lorsque le Comité d’aide aux jeunes prend des résolutions,
c’est le bureau d’aide aux jeunes qui effectue le travail et les démarches pour trouver des fonds.
Dans le but d’empêcher les jeunes d’abandonner leur scolarité et de les aider à trouver une place
d’apprentissage, le bureau d’aide aux jeunes contacte le RAA pour déterminer quelles sont les écoles
qui nécessitent une attention particulière. Le travail du RAA et du bureau d’aide aux jeunes consiste à
assurer que tous les enfants des écoles secondaires du premier cycle aient un contact avec le département de l’Orientation professionnelle du ministère du Travail. Le RAA reste en contact pendant un an
avec les jeunes qui quittent l’école sans diplôme. Ceux qui ne trouvent pas de travail sont suivis par les
MAGS (bureaux consultatifs du ministère du Travail, de la Santé et des Affaires sociales). Le RAA et les
MAGS travaillent ensemble pour éviter le chevauchement de leurs activités.
Étant donné que le système en alternance n’offre pas suffisamment de places d’apprentissage,
l’offre d’enseignement professionnel doit être élargie et des soutiens spéciaux pour les jeunes défavorisés sont requis. Les élèves à risque ont besoin d’une forme de scolarité qui apporte un plus grand
soutien du point de vue social. Selon le principe de subsidiarité, les groupes privés tels que les
associations d’action sociale et les associations confessionnelles sont soutenus dans leurs démarches
pour aider les jeunes. La coopération est très forte entre ces groupes et le bureau de placement, lequel
aide à coordonner les programmes et essaie de faire en sorte que les cours dispensés soient cohérents.
Pour apporter aux jeunes défavorisés une formation professionnelle du type de celle proposée par
le centre de formation, on recourt aux services d’enseignants spécialisés et d’éducateurs sociaux. En
outre, des services de conseils sont fournis aux enseignants des écoles professionnelles. Les éducateurs sociaux et les enseignants se rencontrent régulièrement. Ils considèrent qu’ils ont par rapport aux
élèves une mission d’action sociale qui ne fait pas partie du rôle classique de l’enseignant. Ils forment
une passerelle entre l’école, le lieu de travail et les familles, car ils connaissent les besoins des élèves
et ont des contacts avec les enseignants et les employeurs.
Les différents aspects de la coopération incluent, entre autres, le développement de nouveaux
plans de formation et la recherche d’emplois pour les jeunes à l’issue de la formation professionnelle.
Ici, la coopération avec les entreprises constitue un facteur important. Le bureau d’aide aux jeunes
travaille donc avec les entreprises et les organismes qui proposent des projets de création de programmes tirant parti de l’évolution du marché. L’école professionnelle Bertolt Brecht et les entreprises
entretiennent également de bons contacts. Si ces dernières souhaitent voir modifier les cours ou en
proposer de nouveaux, l’école étudie leurs propositions ; en retour, l’école encourage les entreprises à
embaucher ses diplômés et à soutenir ses projets de formation.
Facteurs favorisant et facteurs inhibant la collaboration
54
Le niveau atteint dans l’intégration des services est élevé. Ceci est dû au fait que les efforts de
toutes les parties prenantes se sont concentrés sur un but spécifique. Les jeunes sont perçus comme
un espoir pour l’avenir, et la volonté de résoudre le problème du chômage est largement soutenue. Un
autre facteur positif tient à ce que la situation des jeunes arrivant sur le marché du travail était pire à
Duisbourg que dans les autres villes. Duisbourg avait le plus fort pourcentage de jeunes quittant
l’école sans véritable qualification de l’enseignement secondaire du premier cycle. Le taux de chômage
était élevé et les emplois particulièrement rares. De plus, la création d’une base de données régionale
utilisant les statistiques d’établissements et d’organisations œuvrant en coopération a favorisé la
communication entre les acteurs concernés. Bien qu’il ait fallu au départ surmonter un certain scepticisme, ainsi que des différences dans l’interprétation de la situation des jeunes défavorisés, ce
processus a engendré une coopération plutôt satisfaisante.
Mais le succès de projets concrets dépend de facteurs positifs et négatifs spécifiques. Le RAA peut
jouer un rôle clé dans le processus d’intégration des services sociaux dans et hors de l’école, en grande
partie parce qu’il fait appel à des enseignants. Il y a donc une plus grande compréhension entre les
Partie I : ALLEMAGNE
enseignants des écoles car les problèmes et les solutions possibles sont discutés. Le cantonnement
des enseignants dans leur rôle classique et les attitudes compétitives de certains enseignants et
pédagogues sociaux sont évidemment des obstacles à l’intégration. Mais il y a aussi quelques frictions
entre le RAA et le département de l’Orientation professionnelle du bureau de placement du fait que
leurs fonctions se recoupent. Pour éviter les conflits d’intérêts, le RAA emploie des enseignants et des
éducateurs sociaux par le biais de sa coopération avec le département de l’Orientation professionnelle
et le ministère du Travail.
L’intégration des services telle qu’elle a été réalisée par le centre de formation professionnelle est
un autre exemple. Le succès de ce centre repose sur la couverture des besoins individuels des élèves,
et sur l’adéquation aux normes de qualification du marché du travail. Le centre atteint cet objectif en
employant des enseignants aussi bien que des éducateurs sociaux, en donnant aux enseignants une
formation pédagogique axée sur le social, en assurant des rencontres régulières entre ces deux catégories de personnels et en confiant aux éducateurs sociaux la formation professionnelle ordinaire des
élèves. Il fait plus encore. Les enseignants qui veulent travailler au centre sont sélectionnés sur la base
de leur personnalité et de leur capacité à travailler avec les jeunes défavorisés. Le personnel a donc de
bonnes qualifications pour établir des passerelles entre les jeunes et leurs familles, les écoles professionnelles classiques et le monde du travail. De plus, le responsable du centre considère que sa
principale tâche est de créer une ambiance positive à l’école. Il écoute les critiques des jeunes et
communique directement avec eux. Les domaines de formation doivent être adaptés au marché du
travail. Malheureusement, les nouveaux domaines de formation sont tributaires des enveloppes budgétaires et sont le résultat de longues discussions entre les différentes parties prenantes. Les nouveaux
programmes risquent donc d’être mis en œuvre alors qu’ils sont devenus moins nécessaires, et trop
tard pour offrir des possibilités d’emploi.
Résultats
Une étude d’évaluation d’un projet de test sur les pays européens, lancé en 1983 à Oberhausen,
Moers et Duisbourg, et visant à améliorer le passage des jeunes de l’école à la vie active, concluait que
Duisbourg était la ville qui avait le mieux réussi. Il semble que Duisbourg a obtenu de bons résultats
dans cette étude parce que ses problèmes étaient si graves qu’elle a dû développer des solutions
novatrices et mettre de côté les rivalités professionnelles pour travailler comme une communauté
réellement unifiée.
Le rapport différencié sur la situation et les besoins des jeunes de Duisbourg constitue un résultat
important des activités liées à leur insertion professionnelle. La production de ce rapport a non
seulement fait avancer la coopération entre les organismes concernés, mais a également contribué à
déterminer quels groupes de jeunes sont en situation de risque et à imaginer des programmes
adéquats.
Le développement de l’orientation professionnelle par le RAA constitue un autre résultat positif.
Auparavant, il n’y avait de coopération qu’entre les écoles et le Service d’orientation professionnelle.
Les élèves qui abandonnaient leur scolarité avant d’avoir reçu les conseils d’orientation habituels
étaient particulièrement vulnérables. Avant le programme du RAA, ni les écoles ni le Service d’orientation professionnelle n’étaient conscients des besoins de ce groupe. Beaucoup d’enfants quittant l’école
prématurément sont issus de l’immigration. Souvent, les élèves qui abandonnent l’école prématurément, et qui sont les plus susceptibles de se retrouver au chômage, ne supportent plus l’école. Des
projets spéciaux ont donc été mis en œuvre pour tenter de les inciter à y rester. En outre, le RAA essaie
d’identifier les élèves à risque par un système de repérage précoce, leur apporte une assistance sur
une période continue et les aide à trouver un emploi. La baisse du nombre des enfants qui quittent
l’école prématurément témoigne sans conteste de sa réussite. Les projets mis en œuvre depuis
cherchent aussi à dépasser la simple fourniture de services en tentant d’influencer la législation en
faveur des jeunes à risque.
Les jeunes défavorisés qui suivent les formations professionnelles du centre de formation bénéficient aussi d’une attention plus soutenue, d’une ambiance plus conviviale et d’un soutien plus poussé
55
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
que dans les écoles classiques. Ces avantages sont perçus par les élèves comme une ressource
réellement positive. Ce programme contribue donc à créer une structure qui maintient les étudiants sur
la bonne voie.
Toutefois, pour les filles, la seule possibilité de prolonger leur formation semble se trouver en
dehors du système en alternance, par une formation professionnelle à temps plein dans le domaine
des services publics et sanitaires. Néanmoins, il y a toujours des élèves qui quittent l’école sans
diplôme ; il y a donc encore besoin d’étendre les activités.
Dans l’ensemble, la coopération entre tous les partenaires concernés par le chômage des jeunes
se révèle positive. La coopération entre les groupes concernés est à la base de la réussite des
programmes mis en œuvre à Duisbourg. Dans ce contexte, le projet pilote de la Communauté européenne a mis en lumière le rôle important joué par les enseignants et les éducateurs sociaux chargés
de l’orientation dans l’identification des jeunes à risque et l’adoption de mesures visant à les aider. En
outre, les différents projets de Duisbourg sont très différenciés. Ils incluent des programmes de
promotion pour ceux qui sont trop jeunes pour commencer une formation, des services d’orientation
professionnelle, des stages de préparation à la vie sociale et des programmes de formation professionnelle. Les différents besoins des jeunes à risque sont donc couverts.
Toutefois, même si de bons résultats ont été atteints, il ne faut pas oublier qu’il sera de plus en
plus difficile pour les personnes peu qualifiées de trouver un emploi, car l’exigence de qualifications ne
cesse d’augmenter. La municipalité a déjà admis qu’une formation seule ne suffit pas s’il n’y a pas
d’emplois. Si la situation empire, elle proposera des formations de substitution pour occuper les
jeunes. Ceci entraı̂nera la création d’un marché secondaire du travail dont les emplois seront financés
par des fonds publics. Néanmoins, le travail actif et adapté des différents programmes améliore les
chances de réussir pour les jeunes.
CONCLUSION GÉNÉRALE
Les études de cas décrites ici abordent une grande variété d’initiatives et de projets destinés à
lier, coordonner et intégrer les services aux enfants et aux jeunes à risque et à leurs familles. Les
contextes politiques et administratifs dans lesquels s’inscrivent ces études de cas (sur les services
sociaux pour les enfants d’âge préscolaire et leurs familles à Brême, sur les services aux enfants d’âge
scolaire à Leipzig et sur les services aux jeunes en situation de transition entre l’école et la vie active à
Duisbourg) diffèrent de façon notable.
La structure des services sociaux de Brême est le résultat d’un processus politique continu engagé
par l’administration, qui se poursuit avec une participation croissante et souvent controversée de
professionnels venus de la base et d’organismes indépendants de services aux jeunes. Les services aux
enfants d’âge préscolaire et à leurs familles forment l’un des aspects de cette réorganisation générale
des services sociaux.
La situation à Leipzig est complètement différente. Trois ans après le remplacement des structures
politiques et administratives de l’ex-RDA par celles de l’ex-RFA, les responsables se trouvaient
confrontés à une absence totale d’amélioration. Dans ces conditions, le premier défi des services
sociaux était de traiter les difficultés et les insuffisances évidentes engendrées par les importants
changements survenus. Pour les enfants d’âge scolaire, il fallait principalement compenser les situations suivantes :
– la fin du rôle « holistique » des écoles et des enseignants, qui, pour beaucoup, étaient contents
de voir leurs responsabilités allégées ;
– la réduction des capacités de garde de jour, en particulier pour les enfants des écoles primaires ;
56
– la suppression quasi totale des activités périscolaires comme les clubs et groupes d’activités
collectives, qui étaient offertes principalement aux élèves de l’enseignement secondaire par les
Partie I : ALLEMAGNE
établissements eux-mêmes ou par l’organisation socialiste pour les jeunes, les « Jeunesses
allemandes libres ».
Ce n’est pas là une situation idéale pour envisager des concepts « ambitieux » de services intégrés,
mais c’est un appel évident à améliorer la situation des groupes à risque, en essayant d’apporter une
compensation pour ce qui a disparu, en instaurant une coopération, notamment avec les écoles, et en
essayant de lier les activités et les ressources.
La situation à Duisbourg se caractérise par le fait qu’il y est particulièrement difficile pour les
jeunes de trouver leur voie sur le marché du travail, du fait du déclin de la sidérurgie et des mines. En
conséquence, l’enseignement et la formation professionnels se sont vu conférer une priorité politique
très élevée. Comme la promotion des qualifications professionnelles pour les jeunes défavorisés fait
l’objet d’un consensus en Allemagne, le contexte politique général est favorable aux buts poursuivis
par la communauté de Duisbourg. D’un autre côté, le passage de l’école à la vie active est l’un des
domaines les plus complexes de l’action sociale, et l’intégration des services n’y est réalisable que
dans une faible mesure. La coopération, la collaboration et la discussion des problèmes entre les
organismes constituent probablement le maximum qui puisse être atteint dans l’application du concept de services intégrés à ce domaine. Les organismes concernés par cette période de transition sont
les établissements à caractère professionnel (chambres d’artisanat, d’industrie et de commerce),
l’administration du travail, les services aux jeunes et les écoles publiques.
Dans les trois régions, l’intégration des services est liée à deux aspirations partagées par tous :
– plutôt que de revoir et d’adapter la structure législative, développer une organisation des
services sociaux qui réponde aux besoins de la population ;
– plutôt que d’approcher les clients individuellement, prendre en charge l’ensemble de la communauté sans distinction d’âge, de type de problèmes, etc.
Les facteurs qui facilitent ou entravent cette intégration des services varient. Les études de cas ont
montré qu’on pouvait faire les généralisations suivantes :
– Les spécialistes sur le terrain considèrent que les voies de communication les plus courtes
possibles entre les niveaux politique et stratégique, ainsi qu’entre ces derniers et la base, sont
bénéfiques pour les programmes.
– Des groupes de spécialistes de terrain doivent travailler ensemble sur une période prolongée,
avec le soutien du niveau stratégique de planification et de financement, pour créer des
approches intégrées (Brême).
– Lorsqu’une action coordonnée entre plusieurs organismes aux intérêts distincts, voire contradictoires, est nécessaire (par exemple en ce qui concerne le passage de l’école à la vie active), des
groupes ou des comités négociant aux différents niveaux sont indispensables. Ces groupes et
ces comités peuvent réunir la municipalité, les milieux d’affaires, les organismes d’action sociale,
les syndicats, l’administration du travail, les partis politiques et d’autres établissements susceptibles de contribuer à l’amélioration des chances de réussite pour les jeunes (Duisbourg,
Brême).
– Les études qui répertorient les besoins de la communauté en terme de service d’aide sociale et
identifient les ressources disponibles (en décrivant par qui et dans quelle mesure elles sont
utilisées et à qui et dans quelle mesure elles sont efficaces) sont jugées utiles pour engager
l’évolution vers l’intégration (Brême, Duisbourg). Ce type d’étude fournit une bonne base pour
analyser les lacunes dans les prestations de services et la planification future.
– La coordination de l’action par l’intermédiaire d’une grande variété d’organismes différents,
ayant parfois des intérêts divergents, voire contradictoires, nécessite une concentration sur un
objectif clair et spécifique (tel que l’enseignement et la formation professionnels pour tous les
jeunes) ainsi qu’un consensus sur certaines valeurs (telles que le fait de considérer les jeunes
comme espoir de l’avenir).
Les professionnels engagés dans la prestation des services jouent un rôle clé dans l’intégration
des services sur le terrain. Les services sociaux qui visent une bonne intégration des enfants et des
57
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
jeunes à risque dans des institutions « classiques » (jardins d’enfants, écoles, instituts de formation et
d’enseignement professionnels) et l’accroissement de leurs chances de s’intégrer à la société (sur le
plan professionnel, culturel ou politique, par exemple) ont besoin de professionnels (enseignants et
éducateurs sociaux notamment) capables de construire des passerelles entre les différentes structures
(écoles et entreprises par exemple) et les familles des jeunes. Il est également nécessaire d’apporter
une aide pour que s’effectue le mieux possible le passage entre les différentes structures, entre le
jardin d’enfants et l’école ou entre l’établissement de formation professionnelle et l’entreprise, par
exemple, en préparant les jeunes aux exigences de leur situation future et en demandant à des
professionnels qu’ils connaissent déjà (tuteurs de transition) de les accompagner dans leur nouvel
environnement.
D’une manière générale, la coordination et l’intégration des services débouchent sur une coopération plus large et plus intensive entre les professions sociales, éducatives et autres. Mais la coopération
s’apprend. Un élément essentiel de la formation est d’apprendre à comprendre et à respecter les
règles de travail des autres professions, de façon à éviter les malentendus et les conflits de fonctionnement. En Allemagne, la coopération entre les éducateurs sociaux et les enseignants souffre souvent de
la transmission des règles déontologiques d’une profession à l’autre. Un élargissement du profil
professionnel des groupes agissant ensemble paraı̂t nécessaire dans beaucoup de cas où l’objectif est
l’intégration.
Néanmoins, l’amélioration des services aux enfants et aux jeunes à risque est clairement liée à des
circonstances économiques et politiques. Ceci est particulièrement évident dans tout ce qui touche au
passage de l’école à la vie active (Duisbourg), bien que l’étude de cas concernant les enfants d’âge
préscolaire (Brême) mette aussi l’accent sur la situation politique. Les efforts d’intégration et de
coordination des services, s’ils sont efficaces, peuvent conduire à un accroissement de la bureaucratie.
Certains processus générés de façon interne, qui facilitent la coopération sur le terrain et la coordination entre organismes, peuvent aussi engendrer des complexités qui interfèrent avec la communication
(Duisbourg).
58
Partie I : ALLEMAGNE
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COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
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62
2
AUSTRALIE
Dans cette section, les études de cas sont axées sur les services intégrés fournis dans trois États de
l’Australie : Victoria, Australie-Méridionale et Nouvelle-Galles du Sud.
L’une des principales institutions fédérales responsables de la planification des services destinés
aux jeunes défavorisés est le ministère de l’Emploi, de l’Éducation, de la Formation et de la Jeunesse.
Dans le cadre du Programme d’équité nationale pour les écoles (National Equity Programme for
Schools – NEPS) mis en œuvre en 1994, il finance des programmes spéciaux ciblant, d’une part, les
élèves qui ont des problèmes physiques, affectifs ou comportementaux, susceptibles d’abandonner
l’école, issus de milieux socio-économiques défavorisés et non anglophones ou géographiquement
isolés et, d’autre part, les aborigènes et les populations insulaires du détroit de Torres. L’un de ces
programmes est baptisé « Students at Risk » ou STAR. Lancé en 1990, il s’adresse aux élèves susceptibles d’abandonner l’école et traite tout particulièrement de la situation difficile des filles qui ont
généralement plus de mal à trouver une orientation professionnelle. Tous les projets financés dans le
cadre du programme STAR doivent être axés sur l’école, mais la participation d’agences extérieures – et
donc un certain degré de coordination – est encouragée.
Le ministère de l’Emploi, de l’Éducation, de la Formation et de la Jeunesse est également chargé
d’améliorer les opportunités d’emploi des jeunes adultes à risque. Il existe depuis 1985 un réseau
national de centres d’information et d’orientation pour les jeunes (Youth Access Centres – YAC) qui,
rattachés aux Services de l’emploi du Commonwealth, leur permettent d’obtenir des informations et
des conseils sur l’éducation, la formation et l’emploi, l’aide au revenu, la santé, le logement et les
questions juridiques. Les YAC ont également pour vocation de faciliter la coordination entre les
services locaux de la jeunesse. Ils sont notamment chargés de rédiger des dossiers intéressant les
jeunes, de diffuser ces informations via des réseaux d’agence, de repérer les manques et les services
fournis en double, de développer des liens avec d’autres prestataires, d’aider à l’élaboration de
stratégies réunissant plusieurs agences et de participer à la planification coordonnée.
La NEPS, le programme STAR et les YAC constituent l’épine dorsale des efforts locaux d’intégration
des services dans les différents États australiens. Ils sont donc analysés plus en détail dans le cadre
des trois études de cas qui suivent.
63
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
VICTORIA
COHÉSION ET CONFLIT DANS LES EFFORTS FÉDÉRAUX, LOCAUX
ET DES ÉTATS VISANT L’INTÉGRATION DES SERVICES
par
Jennifer Evans et Josette Combes
RECHERCHE
Les sites visités dans l’État de Victoria étaient situés à Melbourne et Bendigo. Il s’agissait de
quatre établissements scolaires secondaires, de quatre centres d’information et d’orientation pour les
jeunes et d’un projet géré par l’Armée du Salut (Crossroads) associant aide au logement, emploi et
formation. Ce rapport est fondé sur les visites de ces sites, les entretiens avec des responsables du
ministère de l’Éducation de l’État de Victoria, des Services de l’Emploi du Commonwealth, des YAC, et
les documents fournis par les autorités fédérales, les autorités de l’État du Victoria et obtenus sur les
sites visités.
PRINCIPAUX GROUPES « A RISQUE »
Pour l’objet de la présente étude, les jeunes « à risque » sont définis comme ceux étant susceptibles d’interrompre leur scolarité et ceux risquant de devenir des chômeurs de longue durée. Il s’agit
donc d’adolescents et de jeunes adultes en fin de scolarité ou ayant quitté l’école depuis peu.
La première section du rapport est consacrée à des projets mis en place dans les établissements
scolaires pour venir en aide à des jeunes dont la scolarité est menacée par divers facteurs tels que
l’absence de domicile fixe, l’instabilité familiale, le manque de ressources ou la toxicomanie. La
deuxième section s’intéresse au fonctionnement des YAC, créés pour répondre aux besoins des jeunes
au moment du passage de l’école à la vie active ou à l’enseignement supérieur/éducation permanente
et gérés par les Services de l’emploi du Commonwealth (CES). La troisième section examine l’action
menée par l’Armée du Salut (organisation non gouvernementale) dans le cadre de son projet
Crossroads.
CONTEXTE
64
L’Australie couvre une superficie totale de 8 millions de kilomètres carrés (l’équivalent de la partie
continentale des États-Unis). Elle compte 17 millions d’habitants, groupés pour l’essentiel dans les
villes du littoral. Quelque 2 pour cent des habitants sont d’origine aborigène et 20 pour cent ne sont
pas nés en Australie. Jusqu’en 1945, les immigrants venaient essentiellement de Grande-Bretagne et
d’Irlande. Après la Seconde guerre mondiale, ils ont été de plus en plus nombreux à venir d’autres pays
d’Europe, et depuis dix ans, une part importante d’entre eux est originaire de la région de l’Asie
pacifique.
L’Australie est gouvernée selon un système fédéral, avec six États et deux Territoires. La capitale
fédérale est Canberra. Chaque État et Territoire possède sa propre administration. L’éducation est
placée sous la responsabilité des États, mais l’élaboration de la politique nationale d’éducation est du
ressort du ministère fédéral de l’Emploi, de l’Éducation, de la Formation et de la Jeunesse (DEETYA).
Partie I : AUSTRALIE
L’économie dépend encore en grande partie de l’agriculture et de l’exploitation minière, mais le
secteur des services – finances, tourisme, administration – est celui qui a connu l’essor le plus
important récemment.
Le pays consacre environ 4.9 pour cent de son PIB à l’éducation. Le financement du système
éducatif (90 pour cent du coût des écoles publiques et 35 pour cent du coût des écoles privées) est
assuré pour l’essentiel par les États et Territoires. Environ 25 pour cent des enfants fréquentent les
écoles privées, qui sont en majorité catholiques.
Si les États et Territoires jouent un rôle majeur dans la gestion des écoles et de l’enseignement
technique non supérieur et de la formation continue (TAFE), ce sont les autorités fédérales, par
l’intermédiaire du DEETYA, qui mettent en place des programmes spéciaux en faveur des aborigènes,
migrants et élèves défavorisés. Le ministère fédéral de l’Éducation est aussi responsable de l’enseignement supérieur, de la recherche, des étudiants étrangers, de l’enseignement aborigène et multiculturel, de l’aide aux établissements scolaires et instituts de formation technique et continue, et de
l’octroi d’aides financières aux élèves, notamment par le biais de deux programmes, ABSTUDY (destinés aux aborigènes de tous âges) et AUSTUDY (aide soumise à conditions de ressources pour les
élèves du secondaire et du post-secondaire âgés de 16 ans et plus).
Les écoles publiques et privées accueillent plus de 3.1 millions d’élèves. Le pays compte environ
10 000 établissements scolaires répartis comme suit : 70 pour cent d’écoles primaires, 16 pour cent
d’écoles secondaires, 8 pour cent d’établissements combinés primaire-secondaire, et 4 pour cent
d’établissements spécialisés. L’école est obligatoire de 6 à 15 ans (16 ans en Tasmanie). La plupart des
enfants suivent à partir de cinq ans une année préparatoire. L’enseignement primaire dure six ou sept
ans, suivis par cinq ou six ans dans le secondaire. Le taux d’encadrement se situe autour de un
enseignant pour 18 élèves dans le primaire et de un pour 12 dans le secondaire.
Les subventions de l’État fédéral se répartissent en quatre catégories :
– les subventions générales périodiques pour frais de fonctionnement ;
– les subventions en capital pour les équipements scolaires ;
– les programmes ciblés en faveur des écoles et élèves aux besoins spéciaux ;
– les subventions pour promouvoir des actions éducatives d’importance nationale.
L’État fédéral gère les politiques et programmes associés à ces différents domaines de financement. Les dépenses totales en faveur de l’enseignement s’élèvent à plus de 13.5 milliards de dollars
par an.
En 1989, les ministères de l’Éducation au niveau fédéral et des États ont signé un document connu
sous le nom de Déclaration de Hobart, s’engageant à collaborer en vue d’améliorer le système éducatif
australien.
TOUR D’HORIZON DES PRINCIPAUX PROGRAMMES
Programme d’équité nationale pour les écoles
Ce programme, entré en vigueur en 1994, regroupe en un cadre unique plusieurs projets autrefois
gérés de façon distincte. Il bénéficie d’un financement total d’environ 280 millions de dollars. Ses
objectifs sont d’offrir à des groupes ciblés – élèves défavorisés à cause de facteurs tels que la pauvreté,
l’origine ethnique (aborigène ou insulaire du détroit de Torrès), l’analphabétisme, les problèmes
familiaux, la violence ou la maltraitance, l’absence de domicile fixe, la toxicomanie ou l’alcoolisme – les
mêmes chances que les autres pour réussir leur scolarité.
Le Programme NEPS est constitué de onze composantes réparties en quatre catégories comme
suit :
• Accès
– Anglais deuxième langue pour les élèves issus de milieux non anglophones.
– Éducation spécialisée pour les enfants ayant des besoins spéciaux.
65
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
• Équité
– Statut particulier pour les établissements situés dans des communautés défavorisées du
point de vue socio-économique.
– Prise en compte de la situation des élèves isolés dans des régions reculées.
• Priorités nationales
– Programme national d’alphabétisation et d’apprentissage.
– Alphabétisation précoce.
– Programme STAR (Students at Risk) pour les élèves susceptibles d’interrompre leur études
secondaires.
– Programme pour les élèves doués afin d’enrichir leur expérience éducative notamment
lorsqu’il s’agit d’élèves handicapés ou socialement défavorisés.
– Soutien aux élèves handicapés pour le passage de l’école à la vie active ou à l’enseignement
supérieur.
• Mesures d’encouragement
– Égalité entre les sexes, programme de bourses pour encourager les filles à étudier les
matières scientifiques en première et en terminale.
– Programme concernant les élèves handicapés : subventions par élève pour permettre aux
écoles de faire face aux frais entraı̂nés par l’accueil d’enfants handicapés.
Le Programme NEPS ne comporte aucun volet concernant spécifiquement les enfants aborigènes
et insulaires du détroit de Torrès, mais ils sont considérés comme le principal groupe visé par la
plupart des programmes évoqués ci-dessus. Il faut en outre signaler l’existence d’un programme
éducatif majeur géré par la Commission pour les aborigènes et insulaires du détroit de Torrès (ATSIC).
Les responsables fédéraux et les autorités des États en charge de l’éducation ont réussi à s’entendre sur les objectifs déclarés, les groupes ciblés, les mécanismes de participation de la population,
l’évaluation et la fourniture de chiffres cohérents sur les résultats des programmes concernant l’équité.
Le Projet STAR, élément du Programme NEPS
Le STAR est un dispositif fédéral introduit en 1990 dans le cadre du Programme de justice sociale
en faveur des jeunes (Youth Social Justice Strategy). En 1995, 7 077 millions de dollars y ont été
consacrés, dont 5 055 millions pour le secteur public et 2 022 millions pour le secteur privé.
Le programme STAR est destiné aux élèves à risque susceptibles d’interrompre leurs études
secondaires et ayant besoin d’une aide pour les mener à terme. Il s’agit d’élèves âgés de 19 ans au plus
sur le point de quitter l’école ou l’ayant quittée depuis peu et dont les résultats scolaires sont affectés
par des facteurs tels que l’éclatement de la cellule familiale, le nomadisme, la violence ou la maltraitance, l’absence de domicile fixe, l’absentéisme et la toxicomanie.
Une attention particulière est portée aux aborigènes, aux insulaires du détroit de Torrès et aux
élèves issus de familles non anglophones ou de milieux socio-économiques défavorisés, aux jeunes
délinquants et aux élèves qui ne souhaitent pas poursuivre d’études supérieures mais qui pourraient
bénéficier des dispositifs de formation continue. Les projets doivent être mis en place par les établissements scolaires, mais la participation d’associations extérieures est encouragée.
Les établissements visités par l’équipe de l’OCDE bénéficiaient de subventions au titre du programme STAR. On trouvera ci-après une évocation de certaines questions soulevées lors de rencontres
préliminaires avec des hauts responsables de l’éducation de l’État, avant les conclusions de ces visites.
RÉUNIONS AVEC DES HAUTS RESPONSABLES DE L’ÉDUCATION DE L’ÉTAT, MELBOURNE
66
Le projet STAR est axé sur un soutien scolaire et social aux élèves susceptibles d’interrompre leurs
études secondaires en raison de circonstances telles que l’absence de domicile fixe ou l’instabilité
familiale. Même si les projets STAR en eux-mêmes sont nouveaux, ils sont emblématiques de l’appro-
Partie I : AUSTRALIE
che adoptée depuis un certain temps et concernent actuellement environ 10 pour cent des établissements secondaires.
Suite à l’échec d’une tentative d’imposer la coopération au niveau local, les pouvoirs publics ont
modifié leur approche et encouragent la coopération en facilitant les actions menées en collaboration
depuis un certain temps pour répondre aux besoins des élèves de façon plus efficace et moins
onéreuse. Les réseaux de communication entre les prestataires locaux sont satisfaisants. Les responsables STAR identifient les dispositifs locaux qui ont prouvé leur efficacité, puis mettent en place des
cadres et protocoles. Cependant, il reste à offrir aux organismes extérieurs la possibilité de travailler en
liaison avec les établissements scolaires. Par exemple, les services de santé souhaiteraient proposer
des programmes d’éducation parentale dans les écoles.
D’après le rapport fourni à l’équipe lors de la réunion, il est important que l’évolution et la
coopération qui se font jour sur le terrain soient prises en compte dans l’élaboration des politiques. La
première initiative a consisté à utiliser au mieux tous les services locaux visant l’enfance à risque en les
invitant à se regrouper autour des établissements scolaires, en d’autres termes, à mettre en place un
« guichet unique », un dispositif centralisateur permettant de régler tous les problèmes en un seul lieu.
Cette initiative a conduit à la création du programme Extra Edge.
Le programme Extra Edge est un projet de coordination des services destinés aux jeunes et
scolaires, avec la participation des services de l’éducation, du bureau de la jeunesse, de l’association
municipale du Victoria, des services sanitaires et sociaux, et d’organisations non gouvernementales
(l’Armée du Salut et des fondations privées notamment). Il nécessite au niveau local la présence d’un
coordinateur (un poste d’enseignant supplémentaire). Les établissements présentant un projet bien
monté ont pu bénéficier d’un poste et d’une subvention sur trois ans. Les postes ont été pourvus par
des procédures de sélection des candidats au niveau local. L’État du Victoria compte actuellement
18 projets, dont deux nouveaux. Ils sont financés par l’État fédéral, l’État du Victoria et divers ministères. En travaillant ensemble, les enseignants, les services sociaux et les services de santé ont
découvert qu’ils avaient des objectifs communs, ce qui a permis de vaincre les résistances à un
rapprochement.
LE BENDIGO SENIOR SECONDARY COLLEGE
Contexte
Située à environ 156 kilomètres au nord de Melbourne, Bendigo est la première ville de la région
et conserve des signes de son ancienne richesse, tirée de l’exploitation de mines d’or. C’est aujourd’hui
une capitale régionale du centre de l’État du Victoria, desservant une population de 85 000 personnes
employées essentiellement dans l’agriculture et les industries manufacturières. Sa population est en
majorité anglo-saxonne, mais elle abrite également une communauté chinoise bien implantée (les
chinois sont arrivés à Bendigo en 1854).
Créé en 1907 parmi les premières écoles secondaires publiques du pays, le Bendigo Senior
Secondary College (BSSC) a été le premier établissement secondaire du deuxième cycle de l’État du
Victoria (1976). Il accueille aujourd’hui plus de 1 500 élèves de première et de terminale (16-18 ans).
Principal établissement de la région, il propose un large éventail de matières pour l’examen de fin
d’études secondaires du Victoria et travaille en liaison avec des instituts de formation technique et
continue dans le cadre d’un dispositif baptisé « Dual Recognition » pour offrir aux élèves davantage
d’options professionnelles. Il propose également des programmes d’apprentissage intensif et des
passerelles avec stages en entreprise.
On trouvera ci-après un condensé du Rapport annuel 1994 du BSSC. La plupart des informations
présentées ici sont extraites de ce rapport et complétées par des précisions et une contribution
fournies par le coordinateur du programme Extra Edge.
Les objectifs de l’établissement sont :
– offrir un environnement éducatif de qualité ;
– promouvoir l’excellence dans tous les aspects du travail des élèves ;
67
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
– dispenser un enseignement de qualité ;
– adopter des pratiques de gestion soutenant le programme scolaire de l’établissement et encourager une prise de décision et une communication efficaces ;
– travailler avec la communauté éducative au sens large et la collectivité locale au sein de
l’établissement.
Input au niveau stratégique
Ressources financières
Après quasiment cinq années de controverse, de débats, d’enquêtes et de rapports successifs, le
ministère de l’Éducation a décidé d’accorder 3 millions de dollars pour l’achèvement du plan directeur
visant à faire de l’établissement un lieu d’apprentissage plus grand et mieux équipé.
Au cours des trois années précédentes, une aide de 8 millions de dollars avait permis des
améliorations remarquables telles que la construction d’un nouveau bâtiment de trois étages pour les
arts, sciences, technologies et l’éducation physique, la rénovation des salles de musique, de théâtre et
d’informatique, l’aménagement paysager des cours de récréation. Les nouvelles subventions serviront
à consolider le BSSC sur un lieu unique, de façon à accueillir davantage d’élèves et à éviter de répartir
les effectifs sur deux sites.
Budget annuel
Le budget annuel de l’établissement est d’environ 6 millions de dollars, coûts de fonctionnement,
masse salariale et amortissement compris. Il est financé selon les procédures en vigueur dans tout
l’État en fonction du coût par élève. La participation des parents s’élève à 122 000 dollars pour un
budget total de 4 800 000 dollars, en baisse d’environ 10 pour cent depuis quatre ans. Le budget total
de l’établissement est légèrement inférieur à 4 000 dollars par élève et le Conseil d’établissement
souhaite améliorer la rentabilité pour assurer à la fois un service de qualité et prévoir l’installation
d’équipements de technologies nouvelles pour répondre aux besoins éducatifs futurs.
Input sur le terrain
Politiques et stratégies
Une attention particulière est portée à la question de l’absentéisme pour améliorer les taux
d’assiduité. De nouvelles mesures introduites en 1994 ont permis de réduire de 66 pour cent les
absences inexpliquées. Les élèves qui n’assistent pas à un cours sont invités à effectuer quatre heures
d’étude obligatoires le dimanche pour rattraper leur retard. Chaque enseignant est responsable d’une
classe en particulier (professeur principal) et doit notamment veiller au bien-être des élèves. Un
coordinateur est chargé de cinq ou six classes de même année. L’équipe chargée de l’encadrement et
de l’action sociale en faveur des élèves est ainsi composée de neuf coordinateurs d’année, de deux
coordinateurs de l’action sociale et de deux conseillers d’orientation. Le tutorat est assuré par les
professeurs principaux et des groupes de travail pour l’examen de fin d’études secondaires, le VCE. Un
coordinateur de l’alphabétisation est chargé d’aider les élèves à risque par des cours particuliers.
68
Un éducateur et un animateur travaillent au Centre de ressources de l’établissement. Deux conseillers psycho-pédagogiques du Centre régional d’aide aux établissements scolaires, qui a pour mission
d’assurer la liaison avec les services fournis, travaillent également au BSSC. Le projet Extra Edge vise à
coordonner les services éducatifs et les autres services en direction de la jeunesse afin de combler les
lacunes et d’éviter le double emploi. Le responsable du projet Extra Edge de l’établissement joue
également un rôle clé dans la mise en œuvre du programme STAR.
Partie I : AUSTRALIE
Fonctionnement au niveau opérationnel et sur le terrain
D’après le principal de l’établissement et président du conseil d’établissement, le BSSC est « une
école pilote de l’avenir ». Le conseil a dû batailler pour obtenir un soutien financier afin d’acquérir les
installations et équipements nécessaires à un environnement éducatif de première qualité.
Avec la mise en œuvre du programme « Écoles du futur » (qui prévoit l’indépendance des établissements en matière de gestion) dans le Victoria, le BSSC a été contraint de se livrer à un examen
approfondi de son organisation. L’objectif était de réduire l’ambiguı̈té et l’incertitude, de déléguer aux
responsables de l’établissement une plus grande responsabilité morale et financière, et d’améliorer la
communication interne et externe en matière d’affectation des ressources, de prise de décision,
d’évaluation et de résultats.
Formation du personnel
Le perfectionnement des personnels est considéré comme déterminant pour un enseignement de
qualité, un travail en collaboration et une indépendance de l’enseignant dans la gestion. La formation
des enseignants se fait par le biais de divers stages, ateliers informatiques, conférences locales et
internationales, d’un système de notification (concernant tous les personnels), d’une budgétisation
globale, une gestion informatisée, et par une stratégie de gestion des ressources humaines et de
sélection du personnel.
Collaboration
Chaque élève appartient à une classe, ces classes étant sous la responsabilité de neuf professeurs
principaux sur qui repose le déclenchement de l’action sociale en faveur des élèves et qui signalent
tout problème au coordinateur de l’action sociale. L’équipe chargée de l’action sociale adopte une
approche globale pour répondre aux besoins des élèves : elle aide les élèves à résoudre les difficultés
liées à leur situation familiale, par exemple l’absence de domicile fixe ou de ressources financières
suite à l’éclatement de la cellule familiale, et dirige les jeunes sans-abri vers un foyer proche (St Lukes).
Ce centre travaille en relation étroite avec l’école et sous son contrôle. Certains jeunes s’y présentent
spontanément, d’autres sont envoyés par l’école. La coordinatrice de l’action sociale dit recevoir
chaque année la visite d’environ 80 élèves ayant un problème quelconque à résoudre.
Le projet Extra Edge concerne les élèves ayant des besoins spéciaux. Le BSSC a mis en place un
système de collecte des données pour identifier les élèves à risque. Le coordinateur du projet est
notamment chargé de :
– définir et répertorier les élèves à risque ;
– identifier les facteurs de risque ;
– définir des priorités et délais d’intervention ;
– élaborer et mettre en œuvre des options et programmes scolaires spécifiques pour les élèves
(passerelles et stages en entreprise) ;
– regrouper et coordonner les ressources et l’action des personnels pour aider les élèves à risque
au sein du BSSC et dans la communauté en général.
Les responsables du BSSC travaillent en liaison avec les établissements secondaires du premier
cycle (de la 5e à la 2e) pour prendre connaissance des dossiers des élèves et repérer les élèves à risque
et facteurs de risque en jeu. Les coordinateurs de niveau, les conseillers d’orientation et le coordinateur de l’action sociale en faveur des élèves organisent dans ces établissements des réunions d’information sur les procédures d’inscription et les matières proposées par le BSSC pour le VCE. Le
personnel des établissements du premier cycle transmet les informations au responsable du projet
Extra Edge. Il émet des recommandations et fournit des informations pour faciliter l’élaboration des
programmes scolaires et le choix des matières pour les futurs élèves. Les renseignements fournis par le
coordinateur de l’action sociale sont également déterminants pour l’identification des élèves à risque.
Les conseillers d’orientation visitent les établissements pour offrir aux élèves conseils et assistance.
69
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
Tout changement dans le plan d’études nécessite l’autorisation des parents/tuteurs, sauf si l’élève est
indépendant.
Les professeurs principaux assurent une action de tutorat auprès des élèves tout au long de
l’année.
Le groupe de travail VCE aide les élèves à acquérir des compétences méthodologiques et à
s’organiser de façon à réussir leur examen de fin d’études, et s’occupe systématiquement des élèves à
risque.
Dans le cadre de sa stratégie d’alphabétisation, le BSSC emploie un coordinateur de l’alphabétisation qui fait la liaison avec les établissements secondaires du premier cycle pour identifier les élèves
ayant besoin d’un soutien scolaire et un programme est mis en œuvre en fonction des besoins de
chacun.
Un poste d’éducateur a été créé pour établir des passerelles entre l’école et la communauté. Ce
rôle n’a apparemment pas été bien défini, et de nombreuses personnes se sont succédé à ce poste.
Celle que nous avons rencontrée lors de notre visite n’avait été nommée que depuis peu. L’éducateur
et l’animateur travaillent à partir du Centre de ressources situé près des bureaux du coordinateur de
l’action sociale et du conseiller d’orientation. Ce centre comporte un coin cafétéria, une salle de
réunion et un guichet d’information. Les responsables envisagent actuellement de regrouper tous les
services en une seule salle.
Participation de l’équipe éducative au sens large et de la communauté en général
– Le principal du BSSC et des collèges situés en aval se réunissent entre eux tous les quinze jours,
et de façon régulière avec le personnel d’encadrement et d’action sociale en faveur des élèves.
– Les parents et élèves assistent à une réunion d’information de deux heures avant l’inscription au
BSSC.
– Une liaison électronique entre les centres de documentation permet l’accès à l’information.
– Les programmes d’études Dual Recognition mettent l’accent sur la formation professionnelle et
permettent aux élèves de passer à la fois le VCE et un certificat de formation technique et
continue en deux ou trois ans.
– Un programme de formation en apprentissage aux métiers de l’accueil a nécessité d’importants
travaux de mise au point avec la Société de formation du Victoria central et le DEETYA. Il
bénéficie de subventions au titre du programme Extra Edge.
– L’établissement entretient des relations étroites avec l’Université de La Trobe située à Bendigo,
où certains élèves préparant le VCE suivent un enseignement intensif et où la majorité des
élèves s’inscrivent après leur VCE.
– Les entreprises locales participent à l’élaboration des programmes d’études et proposent des
visites et des réunions d’information.
– Les parents d’élèves et associations locales apportent une contribution précieuse aux projets de
l’établissement et à des réalisations concrètes.
– Des rencontres sont organisées régulièrement avec les autres partenaires tels que le ministère
des Services sociaux, la CASA, les établissements de soins, les services du planning familial, la
police locale, les organismes de logement et les services psychiatriques.
Plusieurs organismes interviennent pour fournir des services, mais une meilleure coordination
permettrait de rentabiliser au maximum l’utilisation des ressources.
Effets
70
Au cours des dernières années, 98 pour cent des élèves qui s’inscrivaient au BSSC pour passer le
VCE et qui achevaient leur scolarité réussissaient à l’examen. Ces chiffres sont nettement supérieurs à
la moyenne de l’État.
Partie I : AUSTRALIE
Avec l’entrée en vigueur de nouvelles mesures en 1994, le taux d’absentéisme a enregistré un net
recul (moins 66 pour cent).
Une enquête révèle que 97 pour cent des élèves et 97 pour cent des parents sont satisfaits des
services éducatifs dispensés par le BSSC.
Les enseignants estiment que le stress et les soucis liés au travail sont beaucoup plus importants
au BSSC qu’ailleurs (les effectifs ont été réduits de 16 pour cent au cours des deux dernières années
malgré l’accroissement de la charge de travail liée à l’indépendance en matière de gestion).
Les élèves rencontrés ont confirmé que le personnel chargé de l’encadrement et de l’action sociale
les avait aidés à résoudre leurs problèmes dans des moments difficiles. Les parents étaient très
satisfaits de l’attitude positive adoptée par les enseignants et autres personnels vis-à-vis des élèves et
de leur famille et se sont sentis encouragés et non pas dévalorisés comme cela avait été le cas dans
d’autres établissements.
L’indépendance en matière de gestion a modifié de façon substantielle la structure de l’école et
amélioré ses performances économiques. Les parents et élèves sont très satisfaits de la gestion et de la
possibilité qu’ils ont d’y participer effectivement.
La coordination entre les différentes instances engagées travaillant avec l’établissement doit
encore être améliorée pour maximiser leur efficience. Les relations avec les instituts de formation
technique et continue ne sont pas suffisantes pour permettre aux élèves d’obtenir une double reconnaissance des cursus suivis.
LE PROJET STAR (STUDENTS AT RISK) DANS LES DOYENNÉS (DEANERIES) DE MELBOURNE
Contexte
Un doyenné est une circonscription ecclésiastique regroupant dix paroisses. Quatre doyennés sont
concernés par ce projet : celui de la péninsule de Mornington, celui de Dandenong et deux autres
situés dans la banlieue ouest de Melbourne. Celui que nous avons visité est le doyenné de Sunshine,
implanté dans un quartier d’industries manufacturières traditionnelles à l’ouest de Melbourne.
Le revenu moyen y est inférieur à celui du reste de la zone métropolitaine, et le taux de chômage y
est relativement élevé, notamment parmi les jeunes et les groupes non anglophones. Divers groupes
ethniques cohabitent, issus de vagues d’immigration successives d’Europe du sud et de mouvements
migratoires plus récents d’Indochine et d’Afrique. Ces groupes s’installent de préférence dans ce
quartier, sûrs d’y trouver des logements relativement bon marché et des possibilités d’emploi non
qualifié dans les usines proches.
Le doyenné de Sunshine abrite plusieurs établissements secondaires catholiques, des écoles
primaires paroissiales et des services communautaires. Le doyenné a adopté une stratégie consistant à
aider ce groupement d’écoles à recenser et aider les groupes cibles d’élèves, en mettant l’accent sur
les relations entre l’établissement scolaire, la famille, les communautés paroissiales et l’église, les
instances municipales et autres organismes. Cette approche permet de regrouper des ressources plus
importantes que celles dont disposent généralement les établissements pour venir en aide aux enfants
et adolescents à risque.
Dans ce cadre, le projet STAR a permis d’étudier tout un éventail de programmes et de stratégies
en s’inspirant des méthodes adoptées par les écoles pour travailler avec les jeunes à risque. L’intégration des services au niveau de l’établissement scolaire a pour objectif de répondre de manière globale
aux besoins des groupes ciblés. Pour ce faire, le personnel des organismes et services locaux doit
travailler avec les enseignants, les jeunes et leurs parents dans le cadre de l’école. Cette approche met
également l’école au centre de la vie des jeunes.
Input au niveau stratégique
L’Église catholique a affecté un budget de 392 000 dollars au projet STAR. Maria Minto Cahill est
chargée de la coordination, de l’évaluation, du perfectionnement des personnels et de la gestion des
71
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
dispositifs de soutien. Le projet concerne quatre établissements secondaires et huit paroisses du
doyenné.
Une réunion a été organisée en juin 1993 pour clarifier le projet STAR et en définir le cadre
d’application dans le doyenné de Sunshine.
Input sur le terrain
Les établissements secondaires hébergent le coordinateur STAR, lui fournissent le local de travail
nécessaire et encouragent leur personnel à participer à la mise en œuvre du projet. Dans chacun des
établissements, un enseignant joue le rôle de coordinateur de l’action sociale.
Fonctionnement au niveau stratégique et sur le terrain
L’application du projet STAR dans le doyenné de Sunshine a un double objectif : maintenir les
enfants à l’école et réduire le taux d’abandon, et leur permettre de vivre une expérience scolaire
positive allant au-delà des résultats scolaires, c’est-à-dire les aider à retrouver confiance en eux et
espoir.
Pendant une période préalable de six à neuf mois, les responsables ont commencé par tenter de
répondre à des questions telles que :
– Comment changer l’école ? Il est important que le projet STAR ne soit pas une simple action
marginale de remédiation.
– Comment clarifier l’identification des élèves à risque ?
– Comment donner aux jeunes la possibilité de montrer leurs compétences ?
Le travail de réflexion mené en collaboration a permis de :
– comprendre la nécessité de mieux évaluer des besoins et de gérer les dossiers en distinguant
soigneusement les informations confidentielles et celles pouvant être échangées ;
– réaliser que l’école constitue le lieu idéal pour repérer les enfants à risque. En cas d’échec, les
enfants sont souvent « perdus » pour les études scolaires normales et la plupart des tentatives
de remédiation se soldent par des échecs ;
– mettre en évidence que la participation de la communauté est indispensable à la réussite du
projet.
Il faut consacrer du temps à établir des relations de confiance entre les établissements et le
personnel des organismes extérieurs. La culture scolaire (hiérarchie, discipline, programme d’études)
doit être réexaminée pour permettre d’affiner les approches.
L’intégration des services au niveau de l’établissement est une tendance nouvelle et des changements structuraux sont nécessaires pour la mise en œuvre du projet.
Le groupe de référence STAR
Un groupe de référence STAR a été mis en place avec pour mission d’assurer la gestion et la
coordination permanentes du projet STAR dans le doyenné de Sunshine. Y siègent des représentants
du Bureau de l’enseignement catholique, des directeurs d’écoles, des représentants du Doyenné, des
représentants du personnel des différents établissements et le responsable du projet STAR. Le groupe
se réunit régulièrement pour évaluer le projet et définir l’application de ses grandes lignes.
Objectifs du projet
72
Huit grands objectifs ont été fixés et des initiatives sont en cours ou prévues pour chacun
d’entre eux.
Partie I : AUSTRALIE
Objectif 1 : Favoriser l’acquisition de connaissances générales par des programmes destinés à
améliorer les connaissances linguistiques et mathématiques, les attitudes et autres savoir-faire nécessaires aux élèves pour jouer un rôle efficace en société. Parmi les initiatives, on peut citer :
– Le groupe de jeunes filles vietnamiennes. Avec l’aide d’une assistante sociale vietnamienne, le
groupe a pour objectif de permettre aux jeunes filles de résoudre les conflits familiaux qui se
font jour essentiellement en raison du décalage entre le mode de vie traditionnel des familles et
le degré de liberté considéré comme « normal » par des jeunes filles vivant dans une société
occidentale. De plus, nombre de ces jeunes filles ont été séparées de leur famille dans des
camps pendant un certain temps avant de les retrouver en Australie.
– Gestion du stress et de la colère.
– Mise en place de relations familiales positives.
– Groupes de soutien pour améliorer la confiance en soi et les savoir-faire.
– Programme de découverte en commun : huit enseignants ont été formés pour aider les parents à
acquérir des compétences parentales.
– Programme scolaire en alternance : stages à temps partiel pour les élèves concernés. Un éducateur du quartier de Sunshine a mis en place un projet de scolarisation en alternance sur deux
semaines prévoyant des activités de plein air et des « sports de l’extrême » le jeudi avec un
groupe de 13 élèves. L’objectif était de leur faire prendre conscience qu’ils « peuvent y arriver »
et de les motiver en leur fixant d’autres buts.
– Programme de tutorat : un étudiant du Western Metropolitan College (institut de formation
technique et continue) aide les élèves à acquérir des compétences méthodologiques et savoirfaire pour réussir le VCE.
– Programme de relation avec la communauté : les élèves ont la possibilité d’acquérir une
expérience de travail dans le secteur en faisant des stages dans des écoles primaires, cliniques,
crèches, etc. Nous avons rencontré trois jeunes filles dont l’expérience avait été positive et
gratifiante. L’idéal serait de mettre en place des projets s’intégrant au programme scolaire
normal de façon à ce que les élèves ne soient pas marginalisés et que le travail effectué dans la
communauté soit pris en compte.
– Gestion par cas : lorsqu’un élève est repéré comme étant à risque, le coordinateur du projet
STAR organise une réunion avec les personnes concernées – personnel de l’établissement et
représentants de la communauté – afin de trouver des solutions aux problèmes de l’élève dans
le cadre d’une action partenariale.
Objectif 2 : Mettre au point un éventail de stratégies en service pour assurer le maintien des jeunes
à risque dans la scolarité normale.
L’action dans ce domaine prend essentiellement la forme d’exposés par les professionnels concernés et de réunions des enseignants pour élaborer des stratégies d’application du projet STAR dans le
cadre du fonctionnement normal de l’établissement scolaire permettant d’améliorer la flexibilité et
encourager la coopération en matière d’enseignement. Le personnel non enseignant a été formé et
informé. Les prêtres de la paroisse ont participé à différentes réunions et ateliers pour mettre au point
une « vision commune aux doyennés » et acquérir une meilleure connaissance des objectifs et stratégies du projet STAR. Des réunions de travail et ateliers ont permis aux participants d’échanger informations et points de vue sur les élèves à risque, de rassembler les données nécessaires et de mieux
évaluer les besoins.
Objectif 3 : Renforcer les liens entre l’école et la famille par une plus grande participation des
parents des élèves à risque et un retour d’informations.
L’intervention a été axée sur des programmes dans le cadre de l’école, des procédures d’orientation des élèves vers les services et des visites à la famille en collaboration avec le personnel
d’organismes tels que les éducateurs de jeunes de la ville de Sunshine, le Groupe de soutien aux
Vietnamiens, Laotiens et Cambodgiens et la conseillère familiale de la ville de Sunshine. On considère
73
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
que la qualité des relations entre les parents et l’école a une influence directe sur l’attitude (négative
ou positive) des élèves à l’égard des études scolaires.
Objectif 4 : Élaborer des stratégies de dépistage pour permettre aux conseillers, coordinateurs
d’année et enseignants de mieux repérer les élèves à risque avant qu’ils ne soient exclus des études
scolaires.
Cette approche est indispensable pour un travail de prévention et de gestion des crises en
synergie.
Objectif 5 : Favoriser les innovations dans l’organisation des établissements scolaires.
Il peut s’agir de programmes faisant appel à des compétences variées, des stages dans la communauté, un assouplissement des emplois du temps, des modifications des exigences de travail et
systèmes de notification pour les ajuster aux besoins de chacun. Certains établissements ont adopté,
en matière d’interruption des études et de réinsertion à la vie scolaire, des stratégies plus souples
permettant aux élèves de reprendre des études à temps partiel. Il faut du temps pour convaincre les
enseignants que des changements profonds s’imposent et que tous les élèves sont dignes d’intérêt.
Objectif 6 : Permettre l’acquisition de compétences entrepreneuriales par des activités au sein de
l’établissement scolaire et dans la communauté.
Les actions à ce niveau prennent la forme de stages en entreprise (en centre de soins ou chez un
fleuriste par exemple), d’activités de tutorat auprès des élèves du primaire par des élèves du secondaire, et de participation à des projets de la communauté, comme par exemple la création d’un club de
jardinage au Centre d’activités pour adultes de Sunshine. Les élèves ont ainsi la possibilité de faire
montre de leurs compétences hors du cadre scolaire. La communauté découvre ainsi les jeunes « à
risque » et peut en acquérir une image plus positive. Les établissements scolaires peuvent intégrer ces
activités au programme d’études de façon à assurer « la réussite pour tous ».
Objectif 7 : Mise au point de projets nécessitant une collaboration et une coordination entre
différents organismes.
Outre les activités décrites précédemment et cogérées avec le personnel d’autres organismes,
dans le cadre du programme STAR a été publié un « Annuaire des ressources et contacts destinés aux
jeunes de la région ouest » contenant des informations sur un certain nombre d’organismes locaux et
destiné à faciliter l’accès à l’information et aux services pour les jeunes concernés. Une subvention de
30 000 dollars a été accordée par le ministère de la Justice pour mettre en place diverses activités et un
projet en direction des jeunes au centre commercial de Highpoint. Ce projet s’inscrit dans le cadre d’un
programme de prévention de la délinquance juvénile et part du principe que lorsque les jeunes
peuvent être utiles à leur communauté, ils risquent moins d’avoir maille à partir avec la justice. En
collaboration avec les écoles, il permet à plusieurs organismes d’assurer une prise en charge viable et à
long terme pendant que les jeunes sont accessibles, dans un lieu accueillant et sûr.
Objectif 8 : Documenter, évaluer et diffuser les informations sur les approches fructueuses.
Les rapports et bases de données sont partagés au sein des doyennés et avec les organismes
concernés. Des réunions et séminaires sont organisés sur le thème des élèves à risque. Un fichier
« élèves à risque » destiné aux enseignants et coordinateurs d’année est en cours d’élaboration. Les
responsables jugent indispensable que les adultes en charge des élèves puissent obtenir des informations et recommandations afin d’améliorer leur approche. La publication des résultats est le meilleur
moyen de les motiver et de les encourager à adopter des pratiques positives.
Résultats
74
STAR est un projet financé par l’État fédéral australien. Comme toujours dans les projets faisant
intervenir des instances à différents échelons, des ajustements s’imposent. Les acteurs sur le terrain et
organismes locaux doivent être informés et consultés pour permettre l’adaptation des grandes lignes
du projet aux réalités locales. Il faut du temps avant d’établir des relations et une certaine confiance
entre les partenaires concernés, et avant d’amorcer les changements structuraux nécessaires.
Partie I : AUSTRALIE
D’après les jeunes bénéficiaires du projet que nous avons interrogés, les actions menées ont
permis de susciter des attitudes positives à l’égard de l’école, d’améliorer la confiance en soi et
d’encourager l’épanouissement des élèves concernés. Les jeunes filles ayant assuré des activités de
tutorat auprès d’élèves du primaire ont affirmé qu’elles se sentaient plus sûres d’elles et comprenaient
mieux la signification du processus éducatif dans son ensemble. Les garçons se sentaient plus motivés
de rester à l’école et avaient découvert que les enseignants et les autres personnels étaient plus
attentifs à leurs demandes et réagissaient de façon positive. Ceux d’entre eux ayant effectué un stage
jugeaient que celui-ci leur avait permis de se confronter « au monde réel » et de témoigner de savoirfaire occultés par les exigences des programmes scolaires. Tous estimaient que cela les avait aidés à
comprendre les bénéfices qu’ils pouvaient retirer de la scolarité. L’approche traditionnelle axée sur la
sanction a cédé la place à une attitude plus positive vis-à-vis de la capacité des enfants à faire face à
des tâches difficiles.
Le projet fait l’objet d’une évaluation sérieuse et les données recueillies ont été intégrées à une
évaluation nationale du programme STAR. Le projet fonctionne maintenant avec neuf partenaires :
l’institut de formation technique et continue, l’Université, le YAC de Footscray, le Groupe de soutien
aux jeunes Laotiens et Cambodgiens et le centre commercial de Highpoint entre autres.
La plupart des actions menées pourraient être reproduites et les écoles sont prêtes à travailler à
l’élaboration de programmes scolaires et de formation en service pour promouvoir l’équité et le
soutien pour tous les enfants.
COLLINGWOOD COLLEGE
Contexte
Il s’agit d’un établissement public regroupant des classes primaires (350 élèves) et secondaires
(450 élèves). Les élèves accueillis proviennent essentiellement de familles non anglophones, notamment vietnamiennes, turques, grecques et africaines.
L’établissement a mis en place deux programmes spéciaux d’enseignement de l’anglais deuxième
langue : STEP UP, destiné aux élèves de familles de réfugiés, et LINK, un cours intensif qui concerne les
élèves alphabétisés dans leur langue maternelle. L’école est située près d’un ensemble de logements
sociaux et les élèves proviennent de milieux socio-économiques défavorisés. L’établissement dispense
un enseignement normal et des personnels spécialisés y assurent un soutien dans le domaine de
l’orientation professionnelle, de l’intégration et de l’action sociale en faveur des élèves. Le responsable
du projet Extra Edge assure la coordination entre l’école et les services locaux en direction des élèves,
afin de permettre un soutien plus efficace des élèves à risque.
Input au niveau stratégique et sur le terrain
Le projet Extra Edge est mené en concertation par plusieurs instances : la Direction de l’enseignement scolaire, qui a accordé un poste d’enseignant pour le responsable du projet, le Bureau de la
jeunesse, qui a accordé une subvention de départ de 10 000 dollars, et les Services sanitaires et
sociaux locaux, qui ont accordé 5 000 dollars pour des projets axés sur le logement. Près de 28 organismes privés et publics sont partenaires et représentés au Groupe de référence qui assure la coordination et l’évaluation du projet et se réunit tous les quinze jours.
Fonctionnement sur le terrain
Les instances participantes ont adopté un certain nombre de procédures de renvoi et de travail en
commun entre services. Par exemple, les services du logement, de la santé et de l’action sociale
traitent les dossiers ensemble. L’enseignant chargé du projet a pour mission de collaborer avec tous
les services disponibles au sein de l’établissement scolaire et à l’extérieur pour répondre de façon
cohérente aux besoins des enfants.
75
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
Des tensions se font jour entre les services sociaux et les enseignants sur la question du temps
passé par les élèves à résoudre leurs problèmes de logement, temps qui est pris sur les heures de
cours. Un document a d’ailleurs été rédigé sur le sujet et doit être examiné par les différents personnels concernés, enseignants et autres. Les réductions des subventions, accordées dans le cadre du
projet AUSTUDY pour couvrir les frais de scolarité des élèves et versées directement aux familles
bénéficiaires, sont lourdes de conséquences et pourraient faire échouer les efforts engagés pour venir
en aide aux enfants.
Il est prévu de créer un Centre de services aux jeunes et aux élèves, et la discussion porte
actuellement sur le site d’implantation, dans l’enceinte de l’établissement scolaire ou à l’extérieur. Les
écoles étant en concurrence pour l’accueil des élèves, on note une certaine tension entre des projets,
tels que celui des « Écoles de demain », qui visent l’excellence et des résultats scolaires d’un très bon
niveau, et les programmes du type d’Extra Edge, destinés aux élèves en difficulté. Un des obstacles à
une mise en œuvre de ce programme est la crainte des dirigeants de l’établissement qui s’inquiètent
de ce que l’image de leur école pourrait pâtir de la présence dans le secteur de jeunes qui profiteraient de la politique d’ouverture de l’établissement pour y faire du trafic de stupéfiants.
Parmi les composantes du programme Extra Edge, on peut citer :
– Le Programme d’éducation parentale pour les familles vietnamiennes : le pays compte un certain nombre de
jeunes Vietnamiens à risque et sans-abri et doit faire face à un problème spécifique aux
réfugiés : les familles ont été séparées pendant longtemps, parfois trois ou quatre ans, d’où une
instabilité de la cellule familiale, des difficultés de communication, etc. Pour éviter l’éclatement
des familles, les travailleurs sociaux participant au projet étaient à la recherche d’une approche
innovante de l’éducation parentale, proche de la culture des personnes concernées et ont
finalement décidé d’opter pour l’opéra vietnamien. En collaboration avec les parents, les élèves
et les chefs de la communauté, ils ont écrit et réalisé un opéra sur le thème des relations
parents-enfants, qui a connu un grand succès. Lors de l’élaboration d’un projet de ce type, il est
important de ne pas perdre de vue l’incidence des actions menées par les autres services sur la
vie de la famille (santé, éducation, etc.).
– Le projet de tutorat : ce projet réalisé avec l’aide des élus locaux concerne les élèves ayant
interrompu leur scolarité. L’approche adoptée est celle de l’enseignement par les condisciples,
les jeunes ayant quitté l’école sont invités à suivre une formation pour venir en aide à des
élèves susceptibles d’abandonner l’école, contre une rétribution de 20 dollars par semaine. Le
projet concerne des jeunes de 15 à 19 ans.
– Un projet invitant les écoles à recenser les adolescentes à risque : en collaboration avec un psychologue et à
l’aide d’activités théâtrales, l’éducateur en charge du projet les formera à la résolution des
conflits. Le projet s’adresse à des élèves de 5e et de 4e.
76
– L’école expérimentale The Island : cet établissement accueille les jeunes exclus du système scolaire
classique ou l’ayant rejeté. En service depuis le milieu des années 80, il est le fruit d’une
rencontre entre des ouvriers du bâtiment et un « visionnaire » persuadé qu’il fallait offrir aux
élèves exclus du système scolaire un lieu où ils pourraient découvrir leurs atouts et centres
d’intérêt. Fonctionnant jusqu’en 1991 à temps partiel, l’établissement est désormais ouvert à
temps plein. Il est installé dans un entrepôt (avec toit de tôle et sol en béton), au fond d’une rue
pavée et bénéficie du soutien du Fonds pour les ouvriers du bâtiment au chômage. Y travaillent
un certain nombre d’enseignants (des « intervenants extérieurs ») dont un maçon, un nutritionniste, un menuisier, un informaticien et un ingénieur automobile qui exercent effectivement les
métiers qu’ils enseignent. L’école emploie également à temps partiel un professeur d’éducation
physique, un joaillier, un professeur de musique et un travailleur social, ainsi qu’un coordinateur. Cet établissement accueille des adolescents de 15 à 20 ans issus de la grande banlieue,
pour une durée indéterminée, en moyenne un an. Les effectifs sont de 25 étudiants maximum et
se composent essentiellement de garçons : lors de notre visite, quatre filles seulement y étaient
inscrites. La culture de ce centre est axée sur le lieu de travail, et comble le vide laissé par le
déclin de l’enseignement technique. Les jeunes accueillis ont échoué sur le plan scolaire et
Partie I : AUSTRALIE
manifestent le désir d’apprendre sur le tas. Ils sont ensuite orientés vers un emploi à temps
partiel, à temps plein, ou un apprentissage. D’après les dossiers, un petit nombre d’entre eux
reprend des études et très peu peuvent être considérés comme étant encore à risque. Les
écoles, les condisciples et les familles orientent les élèves vers The Island, une école qui a su
s’intégrer à la vie de la communauté.
Le coordinateur des programmes scolaires et celui en charge de l’action sociale font partie du
groupe de référence, qui est donc également en liaison avec l’école et s’intéresse à l’élaboration du
programme d’études.
Résultats
On dispose de peu d’informations sur les résultats obtenus. Le projet Extra Edge a permis
d’améliorer la collaboration, le travail en commun sur les programmes d’études et a contribué au
succès des initiatives en faveur des jeunes. Le nombre élevé d’organismes partenaires (28) est un bon
indicateur de la participation et de l’intérêt porté à une approche prenant en compte les préoccupations de l’école, ce qui est essentiel si l’on veut éviter de la marginaliser. Le soutien de la communauté
doit également être encouragé.
Des sessions de formation commune sont organisées pour les différents personnels concernés.
Ainsi, les membres du groupe de référence participent à des programmes de perfectionnement dans le
cadre d’Extra Edge.
Nombre des accords conclus n’ont pas encore été formalisés et le partage des données devrait
être plus facile lorsque le Centre de services aux jeunes et aux élèves, qui devrait constituer un guichet
unique pour l’accès à un certain nombre de services coordonnés, commencera à fonctionner.
KENSINGTON COMMUNITY HIGH SCHOOL (KCHS)
Contexte
La KCHS est située dans la partie ouest du grand Melbourne, un secteur relativement densément
peuplé avec trois « grands ensembles » de logements sociaux. Il s’agissait à l’origine d’un quartier
ouvrier de la ville, qui est depuis dix ans en cours d’embourgeoisement.
La KCHS est un établissement secondaire public qui a vu le jour en 1975 à une époque où les
écoles expérimentales étaient à la mode dans l’État du Victoria. Elle accueille principalement les
élèves de la troisième à la terminale, mais peut en accueillir à partir de la 5e.
Elle a été créée pour répondre aux besoins des élèves du secteur de Kensington qui ne poursuivaient pas leurs études au-delà de la scolarité obligatoire. Elle recrutait à l’origine essentiellement au
niveau local, mais a étendu sa sphère d’influence. Entre le début et le milieu des années 80, elle a
connu un essor rapide et accueilli des élèves venant quasiment de l’ensemble de la métropole. Au
début des années 90, la population de l’établissement était principalement constituée d’élèves angloaustraliens dont les familles vivaient depuis deux ou trois générations de l’aide sociale, ainsi que d’un
pourcentage non négligeable d’élèves aborigènes qui ont, par la suite, quitté l’établissement. Les
élèves ne restaient pas longtemps dans l’école et bon nombre d’entre eux avaient d’importants
problèmes psychologiques. Les agressions visant le personnel étaient fréquentes et l’endroit était
devenu invivable pour les filles. De nombreux élèves reprenaient des études après une longue
interruption et actuellement 35 pour cent d’entre eux sont sans domicile fixe ou placés sous la tutelle
de l’État. Le nombre d’élèves issus de familles non anglophones est en augmentation et les familles
monoparentales ou vivant exclusivement de l’aide sociale sont légion.
En 1992, l’école s’est engagée dans un processus d’évaluation volontaire devant durer un an et
destiné à déterminer le projet de l’établissement, les groupes ciblés, les procédures d’admission et les
méthodes d’enseignement.
77
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
Depuis 1984, le personnel s’occupe de la gestion de l’établissement collectivement, et participe
aux tâches administratives tout en assurant un nombre important d’heures de cours. Les intervenants
extérieurs sont encouragés à participer à l’élaboration des programmes scolaires.
La KCHS accueille une centaine d’élèves selon le principe d’égalité des chances et notamment
d’égalité entre les sexes, et souhaite promouvoir le respect entre élèves et enseignants. Dans le cadre
de l’initiative nationale Extra Edge, elle a élaboré un projet baptisé KEEP (Kensington Extra Edge
Programme) visant à coordonner et à regrouper les services pour combler les lacunes et supprimer les
doubles emplois.
La Fondation DOXA pour la jeunesse, financée par des entreprises et donateurs privés, qui
propose également des offres d’emploi pour permettre aux jeunes d’obtenir une formation professionnelle, soutient dans le secteur un projet baptisé ROCKS (Real Opportunities for Careers at Kensington)
visant à offrir de vraies possibilités d’emploi à Kensington. Cette fondation gère également un projet
intitulé « Hollingworth Cadetship » qui concerne l’ensemble de l’État du Victoria, et qui a été lancé en
1992 pour permettre aux élèves ayant obtenu le VCE et admis à l’université mais n’ayant pas les
moyens de payer leurs études, de les mener à bien. Tous les frais sont couverts par le programme :
achat de livres, transport, frais de scolarité, uniforme, cours particuliers et droits de scolarité. Chaque
étudiant se voit attribuer un parrain, qui est une entreprise travaillant dans la spécialité choisie par lui,
et qui lui garantit un travail rétribué à hauteur de 5 000 dollars par an pour toute la durée de ses
études. A la fin de leurs études, tous les étudiants concernés sont embauchés pendant trois ans pour
un travail à temps plein. Actuellement, 80 étudiants bénéficient de ce programme, pour un montant de
350 000 dollars.
Le projet ROCKS s’en inspire mais la population ciblée est un groupe d’élèves plus jeunes en
difficulté scolaire. Son objectif est de fournir à ces élèves à risque les savoir-faire nécessaires pour
passer de l’école à un emploi à temps plein. Il est géré au niveau de l’établissement en coordination
avec le projet KEEP, mais son autonomie est préservée.
Input au plan stratégique
Le budget actuel de l’établissement s’élève à 640 000 dollars, masse salariale comprise. Pour son
projet Extra Edge, l’école bénéficie également d’une subvention de 135 000 dollars sur deux ans. La
Fondation DOXA pour la jeunesse a accepté de financer un projet pilote en accordant 150 000 dollars
sur trois ans, ce qui porte le budget annuel de l’école à 757 000 dollars.
Fonctionnement sur le terrain
Après l’année d’évaluation, il a été décidé de modifier les procédures d’inscription pour accorder
la priorité à l’égalité entre les sexes et examiner les candidatures au cas par cas pour favoriser les
élèves « à risque ». Le programme d’études est axé sur une approche de découverte des savoirs par
l’action, qui permet aux élèves d’acquérir confiance en eux, mais il propose cependant un large éventail
de matières figurant au programme du VCE. Les activités artistiques facultatives – théâtre, danse et
musique – revêtent une grande importance car elles sont considérées comme un bon moyen pour les
élèves de s’exprimer.
Ambiance et philosophie
78
Dans le système éducatif en général, les écoles sont assez strictes pour ce qui concerne les
questions de respect de la discipline ou le port de l’uniforme. Par contraste, la KCHS s’efforce de créer
un environnement qui se rapproche de celui d’un établissement travaillant avec des adultes. Les
élèves sont respectés en tant qu’individus. Par exemple, un enseignant qui a fait une erreur s’en
excusera auprès de l’élève concerné. En cas de manquement au règlement de la part d’un élève, au
lieu d’appliquer des sanctions et d’adopter une attitude répressive, les enseignants préfèrent examiner
les règles et voir si elles sont adaptées, plutôt que de considérer systématiquement les élèves comme
coupables.
Partie I : AUSTRALIE
Les élèves fréquentent l’établissement pour les raisons suivantes :
– ils ont échoué ailleurs et c’est leur dernière chance ;
– ils habitent le quartier ;
– c’est la seule école où ils peuvent se livrer à leur activité favorite (le théâtre par exemple).
On considère que les petites structures sont plus accueillantes pour les élèves. Ils peuvent se faire
plus facilement des amis, ce qui est particulièrement important pour les enfants ayant déménagé
souvent et qui ont perdu leurs contacts sociaux.
La répartition des tâches entre les membres du personnel est souple, ce qui permet d’avoir des
classes à effectifs réduits. Le recrutement du personnel n’est pas imposé à l’école par les services
éducatifs locaux, comme c’est généralement le cas, mais il se fait en fonction de la motivation des
personnes intéressées. Bon nombre de membres du personnel sont engagés dans l’action politique.
Certains ont entrepris une formation en vue de se perfectionner, ce qui a nécessité un examen détaillé
des programmes et de la philosophie de l’établissement. Les responsabilités sont partagées et les
tâches sont assumées collectivement, le travail administratif se faisant après les heures de cours. Le
coordinateur de l’établissement (le directeur) est élu par le personnel pour un mandat de trois ans.
Jusqu’à une époque récente, le directeur changeait tous les ans, et des représentants des deux sexes
se succédaient en alternance à ce poste. Les enseignants travaillent en équipe, se soutiennent mutuellement et tentent d’adopter une approche cohérente des relations avec les élèves. La dotation en
personnel de l’établissement est la même que dans les autres écoles de l’État, mais le fonctionnement
et le partage des tâches administratives permettent de ramener le taux d’encadrement à un pour dix.
Personnel non enseignant
Une infirmière du centre de soins du quartier assure une permanence de quelques heures par
semaine dans l’établissement. Elle travaille directement avec les élèves, leur fournit diverses informations, propose des sessions d’éducation à la santé, etc. Des éducateurs travaillent avec les élèves à
risque. Ce sont aussi eux qui orientent des jeunes en difficulté, notamment ceux qui refusent l’école,
vers l’établissement. Ils proposent également des services différents : ainsi, un groupe de garçons
travaillent avec un éducateur à l’acquisition de compétences sociales. L’éducatrice qui travaille avec les
filles leur propose des ateliers sur l’image du corps, la gestion du stress, l’acquisition de la confiance en
soi, et organise des activités de loisirs : équitation, netball, billard.
Collaboration
Le projet KEEP n’en est qu’à ses débuts, mais le processus de coordination est lancé. Ainsi, la
KCHS et ses partenaires rédigent des demandes conjointes de financement pour des projets interorganismes. L’école peut participer aux réunions de planification des Services sociaux et de santé
locaux ou peut intervenir par des contributions écrites. Les responsables de l’école s’inquiètent des
conséquences que peut avoir, et a souvent, le déménagement des élèves, qui les oblige à quitter
l’école et à perdre un point de repère essentiel dans leur vie. L’école peut demander la tenue d’une
réunion pour examiner un cas précis lorsqu’elle tente d’obtenir pour un élève une aide spécifique de
nature autre que scolaire. L’école s’efforce d’éviter les doubles emplois et de diriger les élèves vers les
services compétents pour des questions de logement par exemple, ou tout autre problème précis.
L’école et les projets qu’elle gère sont ouverts sur la communauté. Ainsi, les parents siègent au
conseil d’établissement et donnent un coup de main pour assurer le fonctionnement au quotidien, le
cas échéant. L’école tente de mettre sur pied un programme d’éducation parentale pour aider les
parents à s’intéresser à la scolarité de leurs enfants. Elle organise une réunion avec les habitants du
quartier au moins une fois par trimestre, et les occasions de rencontre sont fréquentes.
L’école peut obtenir, sur demande, le soutien de divers services d’aide, comme n’importe quel
autre établissement du système éducatif de l’État.
79
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
Elle a également établi des relations informelles avec divers organismes en raison du nombre
d’élèves accueillis dans l’établissement et un réseau informel de travailleurs se met ainsi peu à peu en
place.
Le conseil d’établissement peut accueillir des gens occupant des fonctions très diverses. Par
exemple, rien n’interdit aux employés des services sociaux locaux d’y siéger et, certaines années, ils
ont même été plusieurs à le faire. En contrepartie, le personnel de l’école est également membre du
conseil d’administration de divers organismes locaux et participe également à des manifestations
ponctuelles et à des demandes conjointes de financement.
Bien qu’informel, le réseau semble fonctionner et remplir son rôle en évitant les doubles emplois
et en se mettant au service des plus vulnérables.
Résultats
Nous avons rencontré deux élèves de seconde et de terminale et trois parents. Les élèves
considèrent que le système éducatif est trop traditionnel et restrictif et empêche les jeunes de donner
libre cours à leur créativité. Pour parler de leurs problèmes, les élèves ont besoin qu’on leur témoigne
du respect, et que des enseignants attentifs aient du temps à leur consacrer, dans des lieux accueillants. La solution de leurs problèmes est vitale pour la construction de leur personnalité.
Depuis que l’établissement a modifié sa politique, le taux d’abandons a diminué. La parité entre
les sexes a été atteinte : 50 pour cent des élèves sont des filles, et en cas de recrutement, les
responsables s’efforcent de préserver l’équilibre entre hommes et femmes.
Les parents jugent l’expérience positive et trouvent que les relations avec l’établissement sont
bonnes. L’image de l’école était fort mauvaise avant la restructuration, et les parents hésitaient à y
envoyer leurs enfants. Le bouche à oreille a fonctionné et, au niveau de la communauté, la KCHS est
désormais considérée comme une bonne école.
Pour les cours d’anglais et de mathématiques, les enseignants travaillent toujours avec les mêmes
élèves, comme au primaire, une approche jugée très efficace. Les effectifs réduits permettent une
réelle prise en charge individuelle.
Les enseignants jugent leur travail très exigeant mais également très gratifiant. Alors que le
recrutement était autrefois difficile, les candidats sont aujourd’hui nombreux. A l’heure actuelle, l’école
consacre de nombreuses heures à travailler en concertation avec des organismes extérieurs pour
répondre aux besoins des élèves. Malgré l’absence d’un protocole formel, il existe une réelle coopération entre les divers intervenants sur le terrain, essentiellement par des contacts individuels. Il est
envisagé de formaliser cette collaboration, peut-être en regroupant les différents services dans
l’enceinte de l’école.
Les responsables de l’établissement souhaiteraient que les organismes proposent aux élèves des
services personnalisés et les encouragent à se joindre à l’équipe éducative pour élaborer les projets
des élèves. Il est important, pour ces derniers, de voir que l’on s’intéresse à leurs difficultés d’une
manière globale.
Conclusions
Les préoccupations exprimées aux différents échelons de l’administration du pays ont suscité la
mise en place de projets innovants en faveur des élèves à risque susceptibles d’interrompre leur
scolarité. L’accent est mis sur la prévention et les actions visant à faciliter la réintégration des élèves
après une interruption.
80
Au niveau local (sur le terrain), l’engagement des personnels et leur volonté de travailler en
collaboration étaient particulièrement impressionnants. Les enseignants et les autres intervenants sont
d’accord pour réexaminer le fonctionnement des services et les modifier, le cas échéant, pour répondre
aux besoins des élèves avec une plus grande souplesse. C’est d’ailleurs un des points que les élèves
jugent très importants.
Partie I : AUSTRALIE
Les aspects des projets déterminants pour la collaboration sont :
– une bonne communication entre les intervenants ;
– une formation commune des personnels ;
– la sensibilité aux différences culturelles ;
– la présence d’un coordonnateur ;
– des objectifs clairement définis ;
– une évaluation précise aboutissant à l’adaptation des programmes ;
– un travail centré sur les besoins de l’enfant ;
– la disponibilité de fonds.
LES CENTRES D’INFORMATION ET D’ORIENTATION POUR LES JEUNES (YAC)
Cette partie du rapport est consacrée aux YAC de Melbourne. Nos recherches en Australie ont
surtout concerné les besoins des jeunes susceptibles d’interrompre leur scolarité, ou sur le point
d’entrer dans la vie active ou de poursuivre des études au-delà du secondaire. Nous nous intéresserons ici à ces derniers et au fonctionnement des YAC qui ont été mis en place pour aider les jeunes en
fin d’études secondaires dans le passage à la vie active ou l’enseignement supérieur/la formation
continue et qui dépendent des Services de l’emploi du Commonwealth.
Contexte
Les YAC ont été créés en 1985 en tant que service local d’information, de conseil, d’aide psychopédagogique et d’orientation. Ils constituent pour les jeunes de la communauté où ils sont implantés un
guichet unique permettant de s’informer sur les questions de :
– éducation, formation et emploi ;
– soutien aux revenus ;
– santé ;
– logement ;
– problèmes juridiques.
En 1991, les YAC ont été chargés spécifiquement de faciliter la coordination entre les services
locaux en direction des jeunes, un rôle prévu par un rapport intitulé « Vers une Australie plus juste :
stratégie pour une justice sociale en 1991-92 » (« Towards a Fairer Australia : Social Justice Strategy
1991-92 »). Dans une partie consacrée à l’évaluation du Programme de justice sociale en faveur des
jeunes (lancé en 1989), le rapport se préoccupait de ce que les services en direction de la jeunesse au
niveau local n’étaient intégrés et coordonnés de façon optimale. Ce rôle dévolu aux YAC, qui était non
pas de superviser les prestataires mais de faciliter la coordination, devait être réexaminé en 1992. Le
processus de coordination avait pour objectif spécifique de venir en aide à quatre groupes considérés
comme particulièrement défavorisés et dont les besoins n’étaient pas couverts par le fonctionnement
du système. Il s’agissait :
– des jeunes urbains sans domicile fixe ;
– des jeunes délinquants ;
– des aborigènes et insulaires du détroit de Torrès ;
– des jeunes issus de familles non anglophones.
Les YAC devaient :
– dresser le profil de la jeunesse locale et rassembler des informations sur les jeunes et les
prestataires de services ;
– diffuser et utiliser ces informations ;
– déterminer les lacunes et les doubles emplois ;
81
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
– créer des liens avec les autres organismes travaillant auprès des jeunes ;
– participer à la planification coordonnée des actions ;
– aider à l’élaboration de stratégies communes à différents services, notamment dans le cadre de
projets précis, afin de surmonter ces difficultés.
Des lignes directrices ont été délivrées aux YAC sur la manière de réaliser ces objectifs de
coordination au niveau local et concernant :
– la coordination dans le cadre de la stratégie de justice sociale en faveur des jeunes ;
– les responsabilités de coordination ;
– le rôle de coordination des YAC ;
– le regroupement des services pour faciliter la coordination ;
– la coordination des programmes et services du ministère fédéral de l’Emploi, de l’Éducation, de
la Formation et de la Jeunesse (DEETYA).
En matière de coordination, le DEETYA a pour mission, en concertation avec les organismes
fédéraux et locaux, de :
– recenser les points d’information pour garantir un nombre suffisant de services adéquats au sein
de la communauté ;
– recenser les services disponibles pour faire en sorte que les besoins complexes des jeunes
soient satisfaits ;
– favoriser et/ou appuyer les relations entre les services pour améliorer les résultats auprès des
jeunes ;
– soutenir activement la coopération entre les services pour réduire les lacunes et pour déterminer et examiner collectivement les priorités ;
– encourager les organismes travaillant auprès des jeunes à adopter une vision commune des
problèmes et à élargir leurs connaissances en diffusant des informations appropriées (chiffres,
résultats de la recherche).
Le rôle de cette instance fédérale est donc d’encourager et de superviser les efforts de
coordination.
Au niveau de l’État du Victoria, des commissions de coordination des actions en faveur des jeunes
sont chargées de la coordination et de la planification des actions menées par les organismes fédéraux
et les services de l’État. L’accent est mis sur le rapprochement des programmes et services visant les
jeunes défavorisés et sur l’élaboration de politiques au niveau de l’État. A ces commissions siègent des
représentants des différents échelons de l’administration (fédéral, local et de l’État).
Au niveau local, dans le cadre de leur rôle de coordonnateur, les YAC interviennent à différents
niveaux, et notamment pour :
– dresser le profil de la jeunesse locale et en particulier rassembler des informations sur les
jeunes et les prestataires de services, dont les programmes et services fédéraux ;
– diffuser et utiliser ces informations au sein de réseaux locaux inter-organismes ;
– déterminer les lacunes et les doubles emplois et aider à l’élaboration de stratégies communes
aux différents services concernés pour surmonter ces obstacles ;
– créer des liens avec les autres organismes travaillant auprès des jeunes ;
– participer à la planification coordonnée des actions et, si possible, mettre au point des cadres
d’évaluation des résultats ;
– aider à l’élaboration de stratégies communes à différents services, notamment dans le cadre de
projets ponctuels précis.
82
Cependant, s’ils sont censés favoriser la coopération entres les services, les YAC n’ont pas vraiment à jouer un rôle directeur dans la coordination au niveau local, mais ont plutôt vocation à apporter
un soutien aux initiatives locales en accueillant des réunions, en assurant un secrétariat d’appoint, en
Partie I : AUSTRALIE
diffusant des informations sur les jeunes et sur les services qu’ils proposent et leur mission de
coordonnateur.
Il s’agit donc davantage d’un rôle de conseil et de soutien plutôt que d’un rôle de direction ou de
gestion.
Une évaluation des YAC a été réalisée en 1992, et un rapport sur la question a été publié cette
même année (Waller, 1992). L’auteur faisait état d’une « confusion et d’une incertitude au niveau local
en ce qui concerne le rôle des YAC dans le domaine de la coordination » (p. 13). Cela n’a pas été sans
conséquence pour la réaction des YAC et celle des personnels des services en faveur des jeunes quant
au rôle des YAC et au bien-fondé de leur action. Les principales zones d’incertitude étaient :
– l’étendue des responsabilités des YAC ;
– le rôle des YAC en matière de coordination ;
– l’objet des efforts de coordination.
Plus fondamentalement, la confusion concernait la définition du terme « coordination ». D’après les
services travaillant auprès des jeunes interrogés dans le cadre de l’évaluation, celui-ci recouvre un
certain nombre de processus et d’activités qui sont :
– le partage de l’information ;
– l’identification des lacunes ;
– le travail ponctuel sur des projets communs ;
– l’intégration des services (en un guichet unique) ;
– la pression en faveur du changement.
Cependant, comme il a été dit précédemment, la mission confiée aux YAC par l’État fédéral
recouvre les trois premiers points mais pas les deux derniers. Cette confusion a éveillé la suspicion au
niveau local sur les intentions de l’État lors de la mise en place des YAC. En effet, certains craignaient
que la coordination ne constitue un prétexte pour réduire les subventions.
Malgré cette réaction négative de certains services dans les premiers temps, d’autres organismes
ont estimé que le partage de l’information et les réunions communes étaient très utiles et souhaitaient
aller plus loin en adoptant une planification et des projets communs. Le bien-fondé de la mission des
YAC a donc été confirmé par les réactions au niveau local, et en dépit de difficultés de mise en route,
certains craignant que les YAC tentent de se substituer aux structures locales de coordination déjà en
place.
Ainsi, bien que le besoin de coordination ait été identifié, c’est la délégation de ce rôle à l’échelle
locale à un organisme fédéral qui a posé problème.
Un des aspects de la coordination est la coordination des services rendus aux clients. Elle est
centrée sur la spécificité des individus et vise à garantir que les jeunes les plus vulnérables ne
« passent pas à travers les mailles du filet » et soient orientés comme il convient. Mais ce n’est pas la
vocation des YAC, qui est d’assurer la coordination des structures, par le partage de l’information,
l’identification des lacunes et la réalisation en partenariat de projets ponctuels.
Une évaluation publiée en 1994 révèle un niveau élevé de satisfaction des jeunes vis-à-vis des
services fournis (Budd et Cameron, 1994). La plupart d’entre eux ont reçu une information en matière
d’emploi ou d’entretien d’embauche, ou un soutien financier pour leurs études. Cependant, l’enquête
signalait que la plupart des clients des YAC n’avaient pas une idée précise de leur rôle. En ce qui
concerne la mission générale des YAC de mettre en place un guichet unique répondant aux besoins
multiples des clients, plus de 40 pour cent des jeunes qui s’y sont présentés ont reçu une information
sur les prestations ou allocations versées par l’État, les questions de santé, de logement ou les
problèmes personnels, et plus de 85 pour cent se déclaraient satisfaits des services fournis.
L’évaluation portait également sur les relations avec les établissements scolaires et organismes
travaillant auprès des jeunes. Les écoles semblaient satisfaites des services fournis par les YAC, qui
consistaient essentiellement en des informations sur des questions d’emploi ou d’études. D’après
83
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
l’enquête, les YAC ne ciblaient les élèves susceptibles de quitter l’école avant la seconde que dans
48 pour cent des écoles visitées.
Les services travaillant auprès des jeunes ayant répondu à l’enquête sont les suivants : foyers,
centres d’accueil, services du logement des jeunes, services d’action sociale, organismes publics de
l’État/fédéraux, services locaux, centres d’information juridique, services de l’emploi, services de santé,
services d’assistance psychopédagogique, centres de désintoxication, dispensateurs de formation et un
certain nombre d’instances variées, principalement des associations à caractère éducatif ou dépendant
de l’église.
Ces instances ont eu moins de contacts avec les YAC que les établissements scolaires. Au total,
64 pour cent avaient été en relation avec un YAC au cours des six derniers mois. Sur les 36 pour cent
restants, 40 pour cent déclaraient ne pas avoir été contactés et 35 pour cent estimaient ne pas en savoir
assez sur les YAC pour juger si le contact serait utile.
Sur la question du processus de coordination, les services ayant eu des contacts avec les YAC
jugeaient que l’approche la plus efficace était la participation à des réunions inter-services, et la moins
efficace la planification commune et la promotion de la politique de l’État fédéral en direction des
jeunes. Au plan national, 57 pour cent des organisations travaillant auprès des jeunes étaient satisfaites
ou très satisfaites des activités de coordination des YAC.
Le rapport concluait que « les activités de coordination étaient considérées par les écoles et
organismes travaillant auprès des jeunes comme le principal domaine à améliorer » (p. 52).
La section qui suit est la synthèse d’entretiens avec des responsables et intervenants sur le terrain
des Services de l’emploi du Commonwealth et des YAC et des réponses à des questionnaires sur les
résultats obtenus fournies par les responsables de YAC.
Avant d’évoquer l’action des quatre YAC visités, nous présentons un compte-rendu d’une réunion
préliminaire tenue avec des hauts responsables, au cours de laquelle ont été abordés les aspects
essentiels de la coordination des services.
Réunion avec des hauts responsables des Services de l’emploi et des YAC
Lors de l’entretien, les points suivants ont été évoqués :
– Il y a un problème d’articulation des responsabilités entre les trois échelons de l’administration
(local, État, fédéral). Les YAC ont pour mission de lier éducation et formation à l’emploi, mais le
ministère de l’Emploi, de l’Éducation, de la Formation et de la Jeunesse (DEETYA), sous la
tutelle de qui sont placés les Services de l’emploi (CES) et les YAC, dépend des autorités
fédérales alors que la politique de l’enseignement est du ressort des États. Ainsi, la politique de
l’emploi et le rôle des YAC dans le passage de l’école à la vie active sont définis au niveau
fédéral, alors que la politique de l’éducation et les affaires scolaires dépendent des États, ce qui
rend difficile toute action commune. « Les trois échelons font la même chose en même temps,
mais ils ne communiquent pas entre eux. » Favoriser le passage à la vie active ne peut se faire
qu’au niveau local, car c’est une action qui est subordonnée à la connaissance du marché du
travail local et des besoins en formation de la population locale, etc. Il est donc malaisé de
définir une approche coordonnée.
– Au niveau (stratégique) des hauts responsables, le directeur des Services de l’emploi du
Commonwealth gère les services liés à l’emploi. Les YAC ne constituent qu’une petite partie de
son travail. Les responsables des YAC sont généralement des fonctionnaires de rang inférieur
(comme le prouve leur jeune âge – ils paraissent tous se situer autour de la trentaine). Il semble
donc que le travail concernant le passage de l’école à la vie active ne soit pas considéré comme
important ou prioritaire.
84
– Les YAC s’orientent vers une gestion par cas, plutôt que de toucher un large public. En d’autres
termes, ils concentrent leurs efforts sur un nombre réduit de jeunes, chômeurs de longue durée
ou susceptibles de le devenir.
Partie I : AUSTRALIE
– Certains personnels des YAC résistent à ce changement d’approche et considèrent comme utile
le travail qu’ils accomplissaient auprès d’un grand nombre de jeunes et en relation avec des
écoles et d’autres organismes. On leur demande maintenant de suivre étroitement l’évolution
d’un petit nombre de jeunes à problèmes.
– Le travail de gestion par cas est également proposé à des organismes locaux, de sorte que les
YAC vont se trouver en concurrence avec des prestataires privés. Les autorités s’efforcent de
réduire leurs coûts, et si les YAC perdent du terrain au profit de ces services privés, leurs
effectifs seront réduits.
– Le changement d’orientation des YAC est intervenu après la publication d’un rapport très
critique sur le DEETYA et les services qu’il fournit. Ce rapport concluait que le ministère se fixait
un champ d’action beaucoup trop large et que les ambitions de son personnel étaient trop
grandes, et recommandait de recentrer les objectifs.
– A mesure que le volume de services généraux proposés aux jeunes se contracte, il en ira de
même pour les activités de coordination associées et l’accent sera mis sur les jeunes risquant le
plus d’être exclus définitivement du monde du travail.
– L’administration actuelle de l’État a réduit des fonds disponibles pour l’éducation et les services
sociaux et le budget de nombreux projets en faveur des jeunes à risque a été laminé, ce qui
rend la coordination encore plus difficile.
– La prestation des services est davantage intégrée au niveau du terrain.
Visites des YAC
Nous avons visité quatre YAC à Melbourne : Footscray, Brunswick, Preston Koori et Melbourne
(centre ville).
Ces quatre YAC sont implantés dans des zones relativement déshéritées du point de vue socioéconomique, abritant un pourcentage élevé de familles non anglophones, une population mouvante
d’immigrants, dont un nombre important ont des revenus inférieurs à la moyenne. Ces quartiers bâtis
sur les industries traditionnelles en déclin connaissent un taux de chômage supérieur à la moyenne et
bon nombre de jeunes quittent l’école avant l’âge de 17 ans.
Le YAC de Preston Koori dessert une population de jeunes aborigènes et est géré par des femmes
aborigènes, plus âgées que le personnel des autres YAC visités.
Le YAC de Melbourne (centre ville) est situé près de la gare et partage ses locaux avec le Service
de santé des jeunes et le Centre d’information de la jeunesse. Ce regroupement des services permet
de proposer des services intégrés à une population très nécessiteuse et offre au personnel d’autres
organismes désireux d’étendre leurs services la possibilité de venir travailler avec les jeunes qui
constituent la clientèle du Centre. Lors de notre visite s’y trouvaient des employés du ministère de la
Sécurité sociale, du Centre pour la santé des adolescents et du Service juridique de Melbourne nord.
Ces quatre YAC travaillent auprès de jeunes présentant des problèmes divers : absence de
domicile fixe, santé, santé mentale, relations familiales. Cette situation nécessite de travailler en
relation avec d’autres organismes et la concertation s’effectue dans le cadre de réseaux inter-services
plutôt que par une approche intégrée (sauf dans le YAC du centre ville de Melbourne décrit ci-dessus).
Fonctionnement
Le rôle dévolu aux YAC par les autorités en 1991 est de faciliter la coordination au niveau local des
services en direction des jeunes. Dans ce cadre, les YAC ont pour mission de :
– élaborer des plans d’action en faveur des jeunes ;
– déterminer les lacunes ;
– établir des liens avec les autres prestataires de services ;
– aider à l’élaboration de stratégies inter-services, et notamment de projets communs, pour
résoudre les problèmes.
85
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
Leur vocation n’est pas de susciter une réforme sociale (réforme systémique), mais d’appliquer la
politique sociale définie selon une approche descendante. Les liens sont souvent distendus entre les
autorités centrales chargées d’élaborer les politiques et les organismes locaux. Par exemple, dans le
cadre d’une initiative commune du ministère de la Sécurité sociale (DSS) et du DEETYA, des fonds du
programme d’emploi et de formation (Jobs, Employment, Training – JET) ont été accordés à des actions
de « conciliation familiale », un domaine qui n’est pas considéré comme une priorité par le personnel
des YAC. De même, le personnel des YAC a souvent mal ressenti la nouvelle définition de ses activités
et l’adoption de la gestion par cas, et au niveau local, l’évaluation des YAC n’a pas été bien acceptée.
Les acteurs locaux estiment qu’il y a un manque de coordination des efforts de planification aux
niveaux de la stratégie et de l’élaboration des politiques et que les relations sur le terrain et au niveau
opérationnel sont meilleures. Il y a également des difficultés de relations et de coordination entre
l’État et les autorités fédérales au niveau stratégique, et notamment des problèmes de double emploi.
Les autorités ne financent pas des structures mais des programmes. Dans les quartiers nord-ouest de
Melbourne, un programme de coordination des services en direction de la jeunesse avait été mis en
place mais il a été abandonné. L’évolution de la politique et son orientation vers une gestion par cas
« dans les bureaux » risque d’interférer avec la mission de coordination confiée aux YAC à l’origine. « La
coordination n’est plus une priorité. Actuellement, la préoccupation principale est la gestion par cas.
L’accent est désormais mis uniquement sur les résultats. »
Cependant, les YAC que nous avons visités ne s’orientent que très lentement vers une gestion par
cas et continuent à participer à des activités de travail en réseau telles que la participation à des
réunions communes avec les divers organismes locaux concernés, et utilisent leurs réseaux pour
résoudre les multiples problèmes auxquels sont confrontés les jeunes ciblés. Ainsi, ils participent à des
projets pour venir en aide à des jeunes sans-abri en collaboration avec des organismes publics et des
associations pour leur fournir conseils et aide matérielle.
La mission du YAC du Preston Koori diffère un peu de celle des autres en ce sens qu’il dessert une
population de jeunes aborigènes et est fortement enraciné dans la communauté aborigène locale. Il est
co-financé par trois services du DEETYA. Son personnel s’efforce d’atteindre le plus grand nombre
possible de jeunes et concentre ses efforts sur un travail d’action sociale et d’assistance psychopédagogique, plutôt que de mettre l’accent sur la recherche d’emplois pour les jeunes. Cependant, le Centre
travaille en collaboration avec des établissements scolaires et oriente les jeunes aborigènes vers
d’autres services, comme par exemple un programme LEAP (travail lié à l’environnement) ayant un pôle
d’intérêt aborigène. Les jeunes sont également encouragés à profiter de bourses comme celles offertes
par le programme ABSTUDY, qui leur permet de poursuivre leurs études. Le personnel du centre
travaille dans la communauté aborigène et s’emploie énergiquement à encourager les jeunes à intégrer
l’enseignement supérieur, en organisant par exemple des visites à l’Université.
Plus que les autres centres, le YAC de Preston Koori s’efforce de proposer un cadre informel et
accueillant. Les deux personnes qui y travaillent sont aborigènes, ainsi que l’employé détaché des
Services de l’emploi du Commonwealth dont le bureau est situé dans le centre.
Comme nous l’avons mentionné précédemment, le YAC de Melbourne (centre ville) est le seul des
quatre à partager ses locaux avec d’autres services. Il a été créé en 1990 par le bureau central du
DEETYA à Canberra à titre expérimental pour évaluer les conséquences d’un regroupement de services. Le financement de départ a été assuré par Canberra, le YAC devant axer ses efforts sur les jeunes
sans-abri. Les locaux abritent également un Centre d’information de la jeunesse et des Services
sanitaires et sociaux locaux, ce qui permet aux jeunes d’avoir accès à divers services en un seul et
même lieu.
86
Le groupe ciblé est celui des jeunes de 15 à 20 ans sans-abri ou en situation de précarité, l’objectif
à long terme étant leur insertion dans la vie professionnelle. La plupart des jeunes accueillis ne se
rendent pas compte qu’ils ont affaire à trois organismes différents, ceux-ci s’efforcent en effet de
préserver un système ouvert. Les jeunes concernés peuvent être classés en deux catégories : ceux qui
sont à la rue depuis longtemps et ceux en situation d’urgence.
Partie I : AUSTRALIE
Les jeunes à la rue depuis longtemps sont âgés de 12 à 21 ans. Ils ont été placés, ont fait de la
prison, ont quitté l’école de bonne heure et sont peu alphabétisés. Ils dépendent de l’aide sociale et
sont quotidiennement confrontés à des problèmes de violence, de drogue et d’alcool. Ils ont tendance
à se regrouper en bandes.
Ceux qui sont en situation d’urgence sont susceptibles d’entrer en contact par téléphone, ou
d’avoir été orientés vers le centre par leur école ou un ami. En général, ils viennent juste de quitter le
domicile familial et ne connaissent pas les services sociaux. Ils sont souvent encore à l’école. L’objectif
est de leur trouver un logement à long terme, une aide financière, et d’éviter qu’ils s’installent dans
cette situation.
Le personnel du centre provient des trois services et est constitué d’assistants sociaux, de médecins, d’infirmiers, de psychologues, de fonctionnaires du DEETYA et de la sécurité sociale.
Le YAC compte un directeur et trois employés à temps plein. Il s’agit d’employés expérimentés
des Services de l’emploi du Commonwealth. Le YAC avait besoin de personnel qualifié et est entré en
conflit avec l’administration qui envoyait des spécialistes mais qui étaient incapables de s’adapter à
cette nouvelle façon de travailler.
Les Services de santé des jeunes assurent des permanences et emploient un personnel à temps
partiel. Un coordinateur y travaille, ainsi que deux infirmiers. Les médecins viennent tenir des permanences. Le service compte également un psychiatre et un infirmier psychiatrique.
Le Centre d’information de la jeunesse fonctionne avec un coordonnateur et deux éducateurs à
temps plein.
En plus d’assurer un suivi individuel des jeunes, ils travaillent également en collaboration avec les
écoles et des groupes de jeunes.
Le directeur du YAC estimait que pour mettre en place un tel système, il est indispensable que les
responsables de chacun des services concernés sachent à quoi ils s’engagent. Pour ce projet, les trois
organismes partenaires ont mis en place des protocoles communs. L’avantage pour les jeunes est qu’ils
ont accès à un large éventail de services rapidement et efficacement. Mais pour les employés et les
cadres, la situation est plus compliquée et il a fallu élaborer de nouvelles méthodes de travail en
commun. Il existe un accord informel pour le partage des ressources (télécopieur, photocopieuse, etc.).
La configuration du projet ne pose pas de problèmes structurels, mais il y a parfois des heurts entre les
personnes. De plus, l’absence de structure est problématique et il y a parfois des problèmes de
respect de la confidentialité (notamment pour le personnel des services de santé).
Il n’a pas été défini de grandes lignes permettant de confronter les résultats obtenus à un modèle
théorique. Actuellement, les trois échelons de l’administration s’entendent de façon informelle, mais il
est nécessaire d’établir un protocole d’accord. En effet, en l’absence de celui-ci, il est difficile de
mettre en place un modèle et d’évaluer les atouts et faiblesses d’un tel système.
Conclusion
Le rôle des YAC dans la coordination des services en direction des jeunes
Dans l’ensemble, l’impression est que le rôle des YAC est d’abord de mettre en place des réseaux
pour faciliter l’accès des jeunes à un large éventail de services. Il n’y a pas d’intégration des services et,
sauf au YAC de Melbourne centre, pas de regroupement dans des locaux communs. Nous n’avons pas
pu discuter avec les employés des autres organismes de leurs relations avec les YAC et notre analyse
s’appuie essentiellement sur les déclarations des directeurs des YAC. On pourrait penser qu’étant
donné la complexité de l’organisation des services, et la répartition des responsabilités entre les trois
échelons de l’administration, le rôle centralisateur et coordonnateur confié aux YAC constitue la meilleure approche, celle qui permet d’apporter un soutien global aux jeunes chômeurs. Cependant, il n’a
pas été possible de vérifier le bien-fondé du statut de « personne à risque » accordé aux jeunes
accueillis dans les YAC. Celui-ci est considéré uniquement du point de vue du chômage. Les autres
problèmes, tels que l’absence de domicile fixe ou la toxicomanie, ne sont considérés que comme des
aspects de la question devant être réglés pour permettre au jeune de trouver et de conserver un
87
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
emploi. Les autres organismes pourraient estimer qu’il n’est pas toujours approprié de mettre l’accent
sur la capacité à trouver un emploi, mais nous n’avons pas pu confirmer ou infirmer une telle
hypothèse.
De plus, les changements intervenus récemment dans le mode de prestation des services ont été
ressentis par les cadres et le personnel comme susceptibles de limiter l’importance du travail en
réseau et de l’extension des services, le personnel concentrant ses efforts sur la gestion par cas des
jeunes jugés comme étant les plus à risque. Mais il se pourrait justement que ces jeunes soient ceux
ayant le plus besoin d’une approche intégrée de leur problèmes.
L’ARMÉE DU SALUT : LE RÉSEAU CROSSROADS DE SOUTIEN ET D’AIDE AU LOGEMENT
Introduction
Le réseau Crossroads est constitué d’un certain nombre de projets visant les personnes sans-abri.
L’objectif est de leur trouver un logement mais aussi de régler les différents problèmes auxquels ces
personnes sont généralement confrontées.
Les informations ci-après sont tirées d’un rapport sur le projet Crossroads et de discussions avec
les responsables du projet (McDonald, 1993).
Les services proposés incluent :
• Services d’urgence :
– l’aiguillage pour l’obtention d’informations ;
– l’échange de seringues ;
– l’aide matérielle ;
– le logement d’urgence.
• Hébergement :
– programme de meublés ;
– logements familiaux ;
– logements pour jeunes adultes ;
– soutien juridique aux jeunes ;
– hébergement spécialisé pour les jeunes ;
– foyers pour les jeunes.
• Emploi :
– trois programmes concernant le marché du travail.
• Formation :
– trois programmes de formation Skillshare ;
– service de placement.
Input
L’Armée du Salut se définit comme « une organisation non gouvernementale pluridisciplinaire
travaillant à moyenne et grande échelle ». Son budget annuel est de 5.8 millions de dollars. Bien qu’ils
travaillent avec un certain nombre d’autres services, dont la sécurité sociale et des services de conseil
juridique, la plupart des employés sont salariés de l’Armée du Salut.
Fonctionnement
88
Le fonctionnement de l’organisation est décrit dans une brochure intitulée « Sans-abri – une
approche intégrée » (« Homelessness – An Integrated Response »). Elle gère un Centre d’urgence dans
le quartier de St Kilda, un quartier déshérité de Melbourne, où les sans-abri peuvent obtenir une aide
socio-psychologique en cas de crise, un soutien d’urgence et une assistance financière. L’Armée du
Partie I : AUSTRALIE
Salut dirige également le plus grand centre d’échange de seringues de l’État du Victoria. Le centre est
ouvert sept jours sur sept.
Le centre d’hébergement d’urgence de St Kilda propose un hébergement d’urgence, des conseils
juridiques et une aide aux jeunes de 15 à 30 ans et aux familles sans-abri. Le centre les aide également
à obtenir un logement sûr, stable à long terme en les intégrant à ses programmes de logement à plus
long terme, qui visent différents groupes : les familles, les célibataires, les jeunes et les sans-abri de
longue date. Il met également à disposition un foyer pour les jeunes de 16 à 20 ans afin de les aider à
vivre de façon indépendante, et propose un service d’aide aux jeunes de 13 à 16 ans sous le coup
d’une décision de justice, pour leur permettre de se réconcilier avec leur famille ou les placer dans un
environnement favorable.
Dans le cadre de ce travail auprès des sans-abri ou des personnes menacées de le devenir, la
priorité est accordée à l’obtention d’un logement sûr à long terme.
Un autre volet du projet Crossroads est de faciliter l’accès à la formation et à l’emploi. L’Armée du
Salut gère ainsi trois sociétés permettant d’offrir des emplois aux personnes en difficulté : une fabrique
de meubles baptisée « This Way Up », une entreprise de nettoyage et un magasin de détail. Chaque
semaine, ces trois structures accueillent 65 jeunes à risque ou sans-abri pour un emploi ou une
formation. Ces programmes bénéficient d’une aide financière du DEETYA.
Est également proposé un programme de formation Skillshare destiné aux chômeurs de longue
durée dans les domaines suivants : menuiserie, restauration de meubles, travail de bureau, informatique, restauration et métiers de l’accueil. Les installations de ce programme sont financées par le
DEETYA.
Le réseau Crossroads permet également à des jeunes ayant abandonné leurs études de poursuivre
leur formation.
Un projet de placement permet aux jeunes d’acquérir une expérience de travail et accorde un
soutien à ceux qui ont trouvé un emploi et à leurs employeurs. Un club d’entraide pour chômeurs
propose un stage intensif de trois semaines pour les personnes à la recherche d’un emploi.
Les aumôniers de l’Armée du Salut proposent également une aide et des conseils aux personnes
en difficulté dans le cadre du réseau Crossroads.
L’Armée du Salut est membre d’un certains nombre d’organisations locales telles que : le Groupe
de protection de l’enfance de la région ouest, les Services psychiatriques pour adolescents de la région
ouest, le Conseil en faveur des sans-abri, les Services régionaux aux handicapés, le Forum des familles
sans-abri de l’État du Victoria et le Groupe des personnes doublement handicapées du Victoria.
Un certain nombre d’intervenants dans le projet Crossroads ont été détachés par d’autres organismes. Ainsi, le Royal Children’s Hospital fournit un psychologue et l’institut de formation technique et
continue de Broadmeadows, un enseignant.
Crossroads considère de son devoir de proposer un soutien et une formation aux autres organismes travaillant dans le même domaine. Il organise des stages de formation pour les professionnels
d’autres services et propose également des places en formation pour les clients d’autres organismes et
un accès préférentiel aux clients d’autres services travaillant en direction des sans-abri.
Ainsi, dans leur action auprès des personnes sans-abri et en situation de crise, les personnels de
Crossroads sont amenés à travailler avec divers organismes. Il est clair qu’ils rendent des services
inestimables aux personnes en grande difficulté. Cependant, leur conception de l’intégration des
services est essentiellement axée sur le réseau intégré d’aide du projet Crossroads qui leur permet de
résoudre les multiples problèmes auxquels sont confrontés leurs clients. Malheureusement, une telle
coordination des services est beaucoup plus difficile à mettre en place lorsque l’on a affaire à des
organismes distincts.
89
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
CONCLUSION
Les autorités fédérales et l’État du Victoria soutiennent activement les projets coordonnés d’intervention auprès de l’enfance à risque. Cependant, s’ils sont responsables du financement, les décisions
sur les services à fournir sont souvent prises au niveau local. Cette approche s’inscrit dans la politique
d’éducation de l’État, qui vise à accorder de plus grandes responsabilités aux établissements scolaires
en matière de gestion. Les projets permettant une réelle souplesse au niveau local, comme le projet
STAR, sont bien accueillis et répondent efficacement aux besoins des enfants défavorisés.
Les écoles du Victoria mettent l’accent sur les résultats scolaires mais sont également très actives
en ce qui concerne le bien-être des élèves (qui est un déterminant de la réussite scolaire). Des
travailleurs sociaux travaillent souvent dans les établissements scolaires et les enseignants jouent
également un rôle actif dans ce domaine. D’ailleurs, nombre d’entre eux ont été formés sur le sujet. Ils
sont souvent désireux de travailler directement avec les enfants à risque, mais aussi avec d’autres
professionnels spécialistes en la matière.
Les YAC du Victoria jouent un rôle important en aidant les jeunes défavorisés à la recherche d’un
emploi. Ils sont également chargés d’encourager les réseaux existants de services coordonnés ou d’en
créer, le cas échéant. Cependant, ils sont parfois perçus comme des concurrents par d’autres organismes. Si leur succès est mitigé, il semble cependant qu’une plus grande coopération entre les
autorités fédérales, celles de l’État et les autorités locales responsables des YAC permettrait d’en faire
un instrument efficace au service des jeunes chômeurs.
90
Partie I : AUSTRALIE
RÉFÉRENCES
BUDD, N. et CAMERON, M. (1994), National Survey of Client Satisfaction with Youth Access Centres (YACs), December 1993 – March 1994, ministère de l’Emploi, de l’Éducation et de la Formation, Canberra.
McDONALD, P. (1993), Confronting the Chaos. A Report of the SANS Project, Armée du Salut, Melbourne.
WALLER, V. (1992), Review of the Interim Co-ordination Role of Youth Access Centres (YACs), ministère de l’Emploi, de
l’Éducation et de la Formation, Canberra.
91
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
AUSTRALIE-MÉRIDIONALE
UN PIONNIER DANS LA MISE EN PLACE DE STRUCTURES EFFICACES
POUR L’INTÉGRATION DES SERVICES
par
Mary Lewis et Lucienne Roussel
INTRODUCTION
Le voyage d’étude dans l’État d’Australie-Méridionale a permis d’aborder cinq aspects essentiels
de l’intégration des services : 1) les programmes spécifiques visant les jeunes défavorisés mis en
œuvre conjointement par les autorités fédérales et celles de l’État ; 2) les centres d’information et
d’orientation pour les jeunes ; 3) le système d’orientation inter-organismes mis au point en AustralieMéridionale pour coordonner les services en direction des 5 pour cent de jeunes nécessitant une
approche pluridisciplinaire ; 4) les stratégies élaborées par des établissements scolaires pour lutter
contre les inégalités et prévoyant une intégration des services, et 5) les mesures prises par le Conseil
de district de Murat Bay pour coordonner le travail avec la communauté aborigène.
Nous avons été accueillies par le ministère fédéral de l’Emploi, de l’Éducation, de la Formation et
de la Jeunesse, et le ministère de l’État d’Australie-Méridionale chargé de l’Éducation et des Services à
l’enfance (DECS). Le partenariat entre ces deux instances constitue un excellent exemple de coordination et d’intégration des services en faveur des jeunes défavorisés susceptibles d’abandonner prématurément l’école sans qualifications professionnelles et de se trouver confrontés à un chômage de
longue durée et à la pauvreté. En application de politiques explicites en faveur de la jeunesse
élaborées dans une perspective de justice sociale, divers organismes sont amenés à collaborer pour
apporter des solutions globales au problème des inégalités scolaires.
PROGRAMMES DU DEPARTMENT OF EMPLOYMENT, EDUCATION, TRAINING
AND YOUTH AFFAIRS
92
Depuis 1987, le DEETYA coordonne dans ces différents domaines les politiques visant à restructurer et à rationaliser les programmes nationaux en faveur de la main-d’œuvre pour répondre à l’évolution des besoins des entreprises, aider les groupes défavorisés à trouver un emploi et améliorer
l’efficacité du marché du travail. Le Programme de justice sociale en faveur des jeunes propose
diverses approches pour compenser les inégalités scolaires. L’une d’elles est la Stratégie nationale
pour l’équité à l’école (National Strategy for Equity in Schooling), élaborée pour faciliter la scolarisation
des élèves issus de six groupes dont la participation et les résultats scolaires sont nettement inférieurs
à ceux de la population dans son ensemble. Il s’agit :
– des élèves handicapés ou présentant des difficultés cognitives et/ou des troubles affectifs et
comportementaux ;
– des élèves susceptibles d’abandonner les études ;
– des élèves de milieux socio-économiques défavorisés ou vivant dans la pauvreté ;
– des élèves aborigènes et insulaires du détroit de Torrès ;
– des élèves de familles non anglophones nécessitant une aide pour l’apprentissage de l’anglais ;
– des élèves isolés du point de vue géographique (Ministerial Council on Education, Employment,
Training and Youth Affairs, 1994).
Partie I : AUSTRALIE
Le projet STAR (Students at Risk), lancé en 1990, est un autre exemple d’initiative fédérale. Son
objectif est d’élaborer, dans des écoles publiques, des programmes spécifiques pour encourager
certaines catégories d’élèves susceptibles de « décrocher » à poursuivre et achever leurs études secondaires. Les filles sont plus particulièrement visées, car elles sont les plus nombreuses à quitter l’école
sans perspective d’emploi. Dans le cadre du projet STAR, 13 établissements ou groupements d’établissements secondaires d’Australie-Méridionale ont bénéficié de subventions. D’après les recherches, les
élèves bénéficiaires des programmes STAR avaient vécu une ou plusieurs des situations suivantes, ce
qui avait influé sur leur scolarité : pauvreté, maltraitance, absence de domicile fixe/de vie familiale,
instabilité familiale, harcèlement sexuel, racisme, grossesse ou responsabilités parentales, perte d’un
être proche, responsabilités familiales et interruptions prolongées de la scolarisation (Paterson, 1993).
Le DEETYA gère également sur tout le territoire un réseau d’environ 128 YAC proposant aux jeunes
de 15 à 20 ans ou plus âgés, des services spécialisés : orientation vers différents services, information
sur les prestations sociales et aides disponibles en matière d’emploi, d’éducation et de formation. Les
YAC ont fait l’objet de nombreuses évaluations qui ont, dans l’ensemble, été positives. Les aspects
susceptibles d’être améliorés ont été répertoriés et des modifications sont en cours (Budd et Cameron,
1994). De nombreux YAC sont situés dans les locaux des Services de l’emploi du Commonwealth, mais
certains ont été implantés de façon à attirer les jeunes les plus défavorisés et exclus. Grâce à des
services de gestion au cas par cas, les jeunes ayant quitté l’école sans qualification, se trouvant au
chômage ou étant confrontés à diverses difficultés, reçoivent une aide personnalisée leur permettant
de s’orienter dans le labyrinthe de l’administration et de percevoir des prestations. N’importe quel
jeune inscrit depuis trois mois auprès des Services de l’emploi peut bénéficier de ces services. Ce
délai a été instauré car de nombreux jeunes sont susceptibles de le mettre à profit pour trouver un
emploi ou de résoudre leurs problèmes. Cependant, les groupes à risque répertoriés, tels que les
aborigènes, les sans-abri, les personnes handicapées, les minorités non anglophones, les élèves non
assidus à l’école et ceux ayant terminé leur études avant la seconde, peuvent obtenir une aide
immédiate. Outre l’aide à l’emploi ou à la formation, les YAC fournissent également une aide concrète
dans des domaines tels que le logement, la santé et l’obtention de prestations sociales, telles que
l’aide financière. AUSTUDY, prestation soumise à conditions de ressources, est accordée aux élèves
pauvres âgés de 16 ans ou plus et aux jeunes sans-abri entreprenant des études secondaires ou
supérieures à temps plein dans certaines filières. Il existe un programme analogue, baptisé ABSTUDY,
en faveur des aborigènes et insulaires du détroit de Torrès. Les YAC ont été conçus comme des lieux
d’accueil autant que comme des centres de référence technique. Au niveau local, les YAC sont chargés
de coordonner les services en direction des jeunes, « encourager plutôt que diriger le processus de
coordination entre les instances gouvernementales et les organismes locaux, en acceptant le rôle
légitime que les collectivités locales et la communauté peuvent jouer » (Waller, 1992, p. 5). Cependant,
ce rôle de coordonnateur joué par les YAC varie considérablement d’une localité à une autre.
Nous avons visité deux YAC en Australie-Méridionale. L’un, situé dans un centre commercial
moderne et intégré aux Services de l’emploi (CES), dessert les communes de Salisbury et Woodville,
qui abritent d’importantes communautés non anglophones. Sur ce site, une division des CES (baptisée
Employment Assistance Australia) propose des services individualisés aux jeunes de 18 ans et plus. Le
YAC centre son action sur les jeunes de moins de 18 ans remplissant les conditions requises pour les
stages « Initiative de formation des jeunes » (Youth Training Initiative – YTI) – initiative qui permet
d’avoir accès à des services individualisés plus rapidement qu’auparavant – et pour l’Allocation formation des jeunes (Youth Training Allowance – YTA), modulée selon trois tarifs en fonction des conditions
de vie des bénéficiaires. La directrice des Services de l’emploi du Commonwealth a souligné la
nécessité d’une aide en faveur de la jeunesse, rendue urgente par la grave crise qui affecte le pays
depuis 1991 et a rappelé que dans l’État d’Australie-Méridionale, 30 pour cent environ des jeunes
étaient au chômage depuis plus de deux ans.
En compagnie du responsable des dossiers du YAC, elle a évoqué leurs efforts pour créer des liens
avec les entreprises et les autres organismes prestataires de services du secteur. Ils sont en relation
avec sept établissements secondaires et une école expérimentale, et leur proposent des cassettes
vidéo sur différentes possibilités d’emploi, informent le personnel de ces établissements des
93
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
programmes qu’ils mettent en place et travaillent à l’extension de leurs services pour faire connaı̂tre les
possibilités de formation ouvertes par la récente YTI. Les liens avec l’institut de formation technique et
continue (TAFE) sont essentiels pour la mise au point de programmes de formation adaptés aux
conditions locales. Un psychologue du travail propose divers services tels que des tests pour des
emplois sur des chaı̂nes de montage. Les tests peuvent être réalisés à l’intention des entreprises qui
en font la demande. L’une des stratégies adoptées est de proposer aux entreprises un service de
recrutement gratuit si elles acceptent d’embaucher un certain nombre de jeunes défavorisés.
L’affichage des offres d’emploi sur des panneaux mis à la disposition de tous est un service proposé
gratuitement aux entreprises dans tout le pays. Celles-ci peuvent également s’informer sur les programmes de subventions et de formation. Par exemple, dans le cadre de certains programmes de
gestion du marché du travail, sont proposées des consultations avec un psychologue clinicien ou un
spécialiste du suicide dans les secteurs confrontés à des taux élevés de suicide parmi les jeunes. Le
DEETYA dispose d’un programme d’intervention spécial (Special Intervention Programme – SIP) doté
d’un budget souple permettant de financer des projets individuels ou locaux sur mesure. Ainsi, dans le
cadre de ce programme, un jeune a pu bénéficier d’une aide financière pour réparer sa voiture, qui lui
était indispensable pour continuer à travailler. Des fonds ont également été utilisés pour adapter des
locaux et faciliter l’emploi de jeunes handicapés. L’Annexe des jeunes de Salisbury, un projet éducatif
particulier décrit ci-après a, lui aussi, bénéficié d’une aide du SIP.
La directrice des Services de l’emploi souligne la position stratégique des Services de l’emploi et
des YAC dans les négociations entre les instances fédérales, des États, locales et les entreprises de la
région. Elle travaille en collaboration étroite avec le département fédéral du Logement et du Développement régional, les entreprises, les syndicats, les collectivités locales et les organismes à caractère
éducatif pour promouvoir le développement industriel et commercial et mettre en place une Commission régionale de l’éducation, de la formation et de l’emploi pour le secteur nord d’Adélaı̈de (NAREET).
D’autres actions sont également menées en coopération au niveau régional pour trouver des solutions
spécifiques aux problèmes des jeunes chômeurs : 1) le premier programme scolaire pour la création
d’entreprise par les jeunes, dans le cadre duquel de jeunes chômeurs défavorisés acquièrent les
compétences nécessaires à la création d’une petite entreprise et reçoivent une aide pour concrétiser
leurs projets et créer de vrais emplois (par exemple, stands de vente de sandwiches sur les terrains de
base-ball) ; 2) des programmes de formation en mécanique automobile et en informatique pour les
jeunes qui passent parfois jusqu’à trois ans dans des centres de détention ; et 3) un Service de
réinsertion des délinquants permettant à des délinquants de tous âges d’élaborer des plans de
carrière à court terme.
Le responsable des dossiers du YAC dirige une équipe de trois conseillers et a récemment été élu
président d’un réseau informel de travail en direction des jeunes auquel siègent des personnels de
divers organismes et dont l’objectif est de fournir à ceux travaillant auprès des jeunes une formation et
des informations sur les ressources disponibles. Les membres du réseau se réunissent tous les trois
mois. Un comité exécutif se réunit une fois par mois pour gérer les fonds versés par le programme de
lutte contre la délinquance de l’État. La directrice des Services de l’emploi insiste sur le fait qu’il est
indispensable de travailler en réseau pour se tenir au courant des changements dans les services
disponibles et pour trouver les solutions les mieux adaptées en matière d’organisation afin de s’adapter à la décentralisation en cours et aux réductions budgétaires dans plusieurs grands organismes
fédéraux.
L’autre YAC visité est situé à Port Adélaı̈de, une partie de l’agglomération qui détient le pourcentage le plus élevé de population vivant exclusivement de l’aide sociale. Port Adélaı̈de est dotée d’un
Conseil local et fonctionne davantage comme une commune rurale. Le YAC n’est pas situé dans les
locaux des Services de l’emploi, et dessert une population multi-culturelle et aborigène en coopération
avec les établissements scolaires et instituts d’éducation technique et continue du district.
L’AUSTRALIE-MÉRIDIONALE ET SA POPULATION
94
L’Australie-Méridionale est l’un des six États et deux Territoires qui constituent l’État fédéral
australien. Située au centre sud du pays, elle a la réputation d’être « l’État le plus dur et le plus sec du
Partie I : AUSTRALIE
plus aride des continents peuplés de la terre » (Fodor’s, 1995, p. 353). Le pays et chacun des États sont
dotés d’un régime parlementaire. Près de 99 pour cent de la population d’Australie-Méridionale est
concentrée sur une région fertile autour d’Adélaı̈de, la capitale de l’État. La moitié nord de l’État n’a
pratiquement pas changé depuis l’arrivée des premiers colons en Australie. Les documents qui nous
ont été remis font état d’une population d’environ 1.5 million d’habitants, dont 29 pour cent sont âgés
de moins de 29 ans. Cependant, l’Australie-Méridionale connaı̂t à la fois la croissance démographique
la plus rapide et le pourcentage de personnes âgées le plus important de tous les États australiens.
Dix pour cent des habitants sont nés à l’étranger et environ 15 pour cent ont une langue maternelle
autre que l’anglais. Les aborigènes et insulaires du détroit de Torrès constituent environ 1 pour cent de
la population totale de l’État, 1.5 pour cent dans la partie nord, et 0.6 pour cent dans la partie sud, une
proportion plus élevée que dans les autres États. En mars 1995, le taux de chômage était de 10.3 pour
cent dans l’État, contre 8.7 pour cent pour l’ensemble de l’Australie. Chez les familles monoparentales
d’Australie-Méridionale, le taux de chômage est d’environ 18 pour cent. D’après les statistiques,
21.1 pour cent des demandeurs d’emploi de la partie nord et 14.4 pour cent de ceux de la partie sud
sont des parents isolés avec des enfants à charge. Le chômage touche davantage les personnes
d’origine étrangère et les aborigènes connaissent, quant à eux, des taux de chômage trois fois plus
élevés que la moyenne. Les enfants à risque du point de vue éducatif sont bien souvent issus de ces
familles.
L’agriculture est la principale activité de l’Australie-Méridionale, qui compte 18 600 entreprises
agricoles, mais 25 pour cent d’entre elles emploient moins de cinq personnes. La plupart des emplois
se trouvent dans les services communautaires (20.9 pour cent), le commerce de gros et de détail
(18 pour cent), l’industrie manufacturière (12.4 pour cent) et la finance, l’immobilier et les services aux
entreprises (10.9 pour cent). La répartition entre les différentes catégories socioprofessionnelles varie
entre les deux régions. Ainsi, au sud, où se trouvent la plupart des grandes villes, les pourcentages de
cadres supérieurs (12.8 pour cent), de professions libérales (14 pour cent), d’employés de bureau
(14 pour cent) et de vendeurs (14.5 pour cent) sont à peu près équivalents. En revanche, dans le nord,
on trouve peu d’emplois de direction et de gestion (10.8 pour cent) et d’avantage d’ouvriers non
qualifiés (14.5 pour cent, contre 11.7 pour cent dans le sud). De même, le pourcentage de professions
libérales est plus faible (9 pour cent au lieu de 14 pour cent).
SYSTÈME ÉDUCATIF
En Australie, ce sont les États qui sont chargés de l’administration et du financement du système
éducatif et celui-ci varie d’un État à l’autre. Cependant, en 1989, le ministère fédéral de l’Éducation et
les responsables des systèmes éducatifs des États et des Territoires ont signé la convention de Hobart
définissant dix objectifs nationaux pour les établissements scolaires australiens, instituant ainsi un
effort de collaboration national. Depuis, un cadre national a été mis en place pour les programmes
scolaires pour huit grands thèmes d’étude. Outre les écoles publiques, l’État compte également deux
organisations d’écoles indépendantes, l’association catholique et une association de toutes les autres
écoles indépendantes. Dans l’ensemble du pays, les établissements privés représentent 25 pour
cent des écoles et accueillent 28 pour cent de la population scolaire (DEETYA, 1993). En AustralieMéridionale, environ 10 pour cent des élèves fréquentent des établissements privés. L’État d’AustralieMéridionale assure le financement du système éducatif, écoles privées incluses, à hauteur d’environ
90 pour cent. Les écoles privées doivent respecter les normes définies par l’État et peuvent percevoir
des droits d’inscription.
Dans l’ensemble des États, le système éducatif est divisé en quatre niveaux : préscolaire, primaire,
secondaire et post-secondaire. La scolarité est obligatoire jusqu’à 15 ans, c’est-à-dire après la seconde.
Les élèves qui souhaitent s’orienter vers des études supérieures doivent encore effectuer deux années
supplémentaires. En Australie-Méridionale, le système éducatif comporte une année préparatoire pour
les enfants de 5 ans, le jardin d’enfants, qui n’est pas obligatoire, mais qui est largement fréquenté. Les
associations bénévoles locales jouent un rôle important dans la création et la gestion de ces jardins
d’enfants. Les premiers jardins d’enfants publics ont été implantés dans les quartiers défavorisés, puis
dans les zones à forte population où ils étaient absents ou inadaptés, et enfin dans les zones rurales
95
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
isolées. L’école primaire s’étale sur sept ans et le secondaire sur cinq ans. Les jardins d’enfants, écoles
primaires et secondaires publics sont gratuits pour les citoyens australiens et les résidents permanents,
mais une participation financière peut être demandée pour les manuels scolaires et l’utilisation des
équipements scolaires.
Une caractéristique importante de l’enseignement post-secondaire concernant plus particulièrement les jeunes à risque est l’existence d’instituts de formation technique et continue (TAFE) qui
proposent un large éventail de formations pour les élèves quittant l’école après la seconde, notamment
des formations professionnelles ou paraprofessionnelles, à temps plein ou à temps partiel, sanctionnées par des brevets ou certificats. Les cours théoriques peuvent être complétés par une expérience
pratique, dans le cadre d’un apprentissage par exemple. Ces instituts sont financés par l’État (85 pour
cent) et les autorités fédérales (15 pour cent). Bien que ces établissements soient gérés au niveau des
États, les certificats sont définis dans le cadre d’une nomenclature nationale instituée en 1989.
Le ministère de l’Éducation et des Services à l’Enfance (DECS) d’Australie-Méridionale a fixé des
objectifs de résultats dans le cadre de son programme triennal de justice sociale lancé en 1992, qui
spécifiait qu’en plus des catégories d’élèves à risque définies par les autorités fédérales, les groupes
suivants devaient être ciblés : enfants maltraités, adolescentes enceintes ou mères, élèves de familles
nomades. Un des objectifs était d’augmenter de 15 pour cent l’assiduité des aborigènes et des élèves
détenteurs d’une carte scolaire (enfants issus de familles à faibles revenus recevant une petite aide
financière pour leur scolarité) : dans certains établissements, notamment dans les zones urbaines, cette
dernière catégorie représente jusqu’à 66 pour cent des élèves. D’après les statistiques, en août 1991,
seules trois écoles dans tout l’État ne comptaient aucun détenteur de carte. Ceux-ci sont environ
67 500. Un autre objectif était une progression de 20 pour cent du nombre de ces élèves poursuivant
leur scolarité jusqu’à la terminale. D’après les documents qui nous ont été remis, le taux de participation jusqu’à la terminale est en progression régulière dans l’État d’Australie-Méridionale et était de
86.3 pour cent en 1993 : 89.7 pour cent pour les filles et de 83.0 pour cent pour les garçons. Le
pourcentage le plus élevé jamais enregistré a été de 92.7 pour cent en 1992.
96
Le langage et les actions du DECS en faveur des enfants et jeunes en difficultés sont imprégnés
des notions de justice sociale. Ainsi, le terme officiel « d’encadrement des comportements » remplace
les « mesures disciplinaires » utilisées dans de nombreux endroits. Ce terme implique qu’il y a des
raisons à une mauvaise conduite, et que l’élève et l’enseignant ont tous deux besoin d’une aide pour
comprendre et traiter les difficultés sous-jacentes. Le DECS propose aux personnels des établissements scolaires un programme d’aide à l’encadrement des comportements pour faire face aux élèves
difficiles dans les contextes les plus défavorisés. Dans le cadre de ce programme, 80 conseillers
fournissent une aide socio-psychologique avant que l’enfant ne soit signalé à des services extérieurs à
l’école. Fueloep (1995) note qu’actuellement, l’attention se porte sur un groupe réduit d’élèves au
comportement violent et imprévisible, qui ne sont pas psychotiques mais très perturbés et pour
lesquels les structures et les compétences professionnelles existantes ne sont pas adaptées. Les
conseillers tentent de les répertorier et de leur venir en aide plus précocement, car ils sont susceptibles de présenter rapidement des troubles du comportement, même si jusqu’à présent il n’a pas été
nécessaire de les exclure définitivement de l’école, et s’ils gardent le contact avec l’institution. Sweetman (1995) les décrit comme des absentéistes passifs ou actifs, des jeunes confrontés à de grandes
difficultés en dehors de l’école (pauvreté, maltraitance, toxicomanie, délinquance proche du crime,
mères adolescentes ou familles en crise). Près de 50 000 jeunes sont menacés de devenir des sans-abri.
Le programme mis au point par Sweetman permet, lorsqu’ils sont identifiés, le recours à une personne,
généralement un enseignant, qui réagit rapidement et cherche les ressources nécessaires pour maintenir le jeune à l’école et éviter une dégradation de la situation. Généralement, un contrat est élaboré
avec le jeune, qui prévoit l’assiduité aux cours et la réalisation de tâches éducatives conçues spécialement à son intention. Pour garantir le succès d’une telle approche, les directeurs d’établissement et
enseignants reçoivent une formation sur les questions de justice sociale, qui doit leur permettre
d’adopter une attitude positive face à ces élèves. En tant que directrice des programmes scolaires pour
l’équité, Mme Sweetman est chargée de superviser la mise au point de matériel pédagogique reflétant
l’expérience et les centres d’intérêt des élèves les plus défavorisés. Par exemple, certains cours
Partie I : AUSTRALIE
abordent la question de la naissance des inégalités sociales, montrent comment le harcèlement sexuel
et la violence familiale sont liés à la notion de différence entre les sexes. Les fonctionnaires des
Services en faveur de l’équité travaillent également avec la division des programmes scolaires pour
s’assurer que l’ensemble du matériel éducatif prend en compte la spécificité de tous les élèves.
Mme Sweetman est également chargée des projets STAR, du programme pour les régions rurales et des
programmes pour les établissements défavorisés dans l’ensemble de l’État. Les écoles indépendantes
ont la possibilité d’acheter les modules de formation mis au point par le DECS, mais elles l’utilisent
rarement. D’après Sweetman (1995), les écoles catholiques « ont adhéré à la philosophie d’encadrement des comportements du DECS et l’ont adaptée suivant les règles du catholicisme ».
D’après Dillon (1995), en principe, le programme d’encadrement des comportements incarne la
réforme du système éducatif et le droit à la réussite pour tous les élèves. La nouvelle documentation
en cours de rédaction met l’accent sur les programmes scolaires. Une scolarisation à domicile ou dans
un établissement expérimental pourra être proposée aux élèves ne pouvant être accueillis dans les
écoles ordinaires, et les services de divers organismes seront sollicités dans le cadre d’une approche
pluridisciplinaire pour faciliter la réintégration à la vie scolaire normale.
« Possibility 14 » est un exemple de cette scolarisation en alternance. Il s’agit d’un programme d’un
trimestre accueillant sur la base du volontariat neuf élèves de 14 ans perturbant la vie scolaire et celle
de la collectivité en général et qui ont épuisé les possibilités offertes par le DECS, les Services à la
famille et à l’enfance et les dispositifs de la justice en faveur des mineurs. Si le programme scolaire
correspond à celui d’un établissement secondaire précis, les participants ne sont pas en relation avec
les élèves qui le fréquentent. Ils sont choisis par l’intermédiaire de la Procédure d’orientation interorganismes (Interagency Referral Process – IRP) décrite plus loin. Le programme est axé sur l’action et
conçu pour stimuler l’estime de soi et susciter des vocations professionnelles. Par exemple, il y a des
cours d’autodéfense, d’éducation à la santé et d’auto-valorisation, de kayak, de natation/plongée,
d’escalade, d’aide à la prise de décision et à la résolution de problèmes, de secourisme, des cours de
lecture, d’écriture et de mathématiques, d’informatique et de traitement de texte. Des efforts sont faits
pour déterminer les centres d’intérêts des jeunes susceptibles de favoriser le choix d’un métier, et une
journée par semaine est consacrée à une expérience de travail. Cette formation leur permet de prendre
contact avec la vie active, de se préparer à un entretien d’embauche, d’acquérir une expérience et de
reconnaı̂tre et combattre le harcèlement sexuel. Le programme est considéré comme emblématique de
l’intégration des services car il a été créé à la base et financé par diverses instances dont le DECS, les
YAC, les entreprises et l’église. Certains organismes proposent également des modules d’activités ou
de formation. Ainsi, les cours d’éducation à la santé et d’auto-valorisation ont été assurés par les
Services de santé mentale des enfants et adolescents (CAMHS). Les services de police proposent des
activités permettant aux jeunes de considérer la police différemment, de découvrir certains aspects de
son travail, et de participer à des tâches quotidiennes telles que nettoyer les écuries et s’occuper des
chevaux. Les adolescents sont encadrés par trois personnes travaillant en équipe : un enseignant/
directeur, un conseiller et un responsable de l’encadrement des comportements. Des moniteurs
bénévoles avaient été recrutés dans la communauté, mais en raison d’incidents, liés à leur désir de
surprotection des jeunes, il a été décidé de ne plus faire appel à des bénévoles. Les meilleurs d’entre
eux seront engagés, après une formation supplémentaire, et payés 12 dollars de l’heure plus les frais.
D’après les évaluations réalisées, ce projet est un réel succès. Deux participants seulement ont
abandonné et à la fin du projet, 80 pour cent des jeunes ont repris une scolarité normale. Certains
trouvent un emploi ou poursuivent leur formation dans un institut de formation technique et continue
ou dans le cadre d’un travail. Le projet est mixte. Les filles devraient être majoritaires dans la
prochaine promotion et l’équipe sera renforcée par l’arrivée d’un travailleur social. Dans le cadre de ce
projet, les jeunes ont également la possibilité de participer à une randonnée avec l’armée et la police,
ce qui leur permet de découvrir le « jungle », la vie en groupe et le travail d’équipe, et de résoudre des
problèmes dans des conditions extrêmes (franchir une rivière, une passerelle ou une clôture électrique
en transportant du matériel, par exemple). Si l’avenir du financement est incertain, les responsables
sont néanmoins optimistes et envisagent de proposer un programme analogue aux jeunes de 15 ans.
97
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
AUTRES PROGRAMMES D’AIDE A LA POURSUITE DE LA SCOLARITÉ MIS EN PLACE
PAR LES ÉCOLES
L’équipe d’aide aux élèves de la Paralowie R-12 School : une approche préventive
98
La Paralowie School a été classée parmi les écoles défavorisées, ce qui lui permet de bénéficier
d’une subvention annuelle exceptionnelle de 70 000 dollars destinés à renforcer l’équipe éducative ou
à obtenir des ressources supplémentaires. L’établissement accueille 1 100 élèves de 5 à 15 ans et
compte environ 65 enseignants. Les effectifs moyens sont de 27 élèves par classe. De nombreux
enfants sont issus de milieux multiculturels et non anglophones ou présentant d’autres indicateurs de
handicap socio-économique.
D’après le directeur de l’établissement, depuis 20 ans, le système éducatif d’Australie-Méridionale
doit prendre en charge les questions de santé, de santé mentale et d’aide à la famille parce que les
ressources affectées aux autres secteurs sont en baisse. L’accent a été mis sur le regroupement des
services au sein des établissements scolaires, un moyen d’éviter les doubles emplois. L’école devient
ainsi un guichet unique pour les différents services dont le personnel peut également conseiller les
responsables de l’administration de l’école.
Le directeur de l’établissement a mis en place une impressionnante Équipe d’aide aux élèves
pour élaborer un éventail de programmes et d’approches afin d’éviter l’échec scolaire et l’abandon en
cours de scolarité. L’équipe regroupe les personnes suivantes employées par le système éducatif : le
directeur de l’établissement, deux conseillers du secondaire, un conseiller pour le primaire, un enseignant responsable d’un programme baptisé Middle School Enterprise, un coordonnateur de la formation accélérée (éducation spécialisée), un responsable des relations avec la communauté et le directeur de l’Annexe des jeunes de Salisbury, un programme éducatif et de logement pour des jeunes plus
âgés ne pouvant vivre dans leur famille. Un infirmier employé par le Service de santé de l’enfant, de
l’adolescent et de la famille (CAFHS), la coordinatrice du projet STAR et un stagiaire employés par le
DEETYA, basés à l’école, font également partie de l’équipe. Le rôle de ces différents intervenants sera
décrit ultérieurement.
Pour le ministère de l’Éducation et des Services à l’enfance (DECS), le conseiller pour l’école
primaire a pour mission d’axer l’aide psychopédagogique sur des approches préventives et de développement sur le long terme. Cette description du travail de conseiller prend en compte les besoins de
tous les membres de la communauté scolaire en matière de développement de la personnalité,
contrairement au conseil en cas d’urgence qui exclut la plupart des membres de cette communauté
scolaire. L’intervention d’urgence et le travail individualisé ne sont qu’une partie du travail. Le conseiller négocie avec l’ensemble de la communauté scolaire pour obtenir les changements nécessaires,
pour assurer la direction de la politique d’encadrement des comportements et permettre l’accès aux
ressources et aux services à l’ensemble des élèves. De plus, le conseiller doit adapter ses méthodes
pour améliorer les compétences des enseignants en matière d’encadrement des comportements des
élèves. Le conseiller doit avoir une formation d’enseignant et de conseiller psychopédagogique. Il doit
également être capable d’organiser et de diriger des stages de formation sur l’encadrement des
comportements à la fois dans la classe et dans l’ensemble de l’établissement. Le conseiller de la
Paralowie School nous a fourni des exemples de son travail et expliqué l’organisation de sessions avec
des garçons rebelles ou des filles renfermées. Il travaille en équipe avec des enseignants de classes
ordinaires sur la gestion des conflits, la médiation par les condisciples et les attitudes protectrices. Il
travaille avec les parents pour déterminer les services dont ils ont besoin et utilise sa formation
spécialisée auprès des aborigènes et autres minorités.
Il a introduit des procédures de travail originales baptisées « Kid Map » et utilisées par l’Équipe
d’aide aux élèves, qui a identifié environ 14 points jugés importants par les élèves de tous les niveaux :
les problèmes d’assiduité, la maltraitance, le repli sur soi, le manque de confiance en soi, l’absence
d’amis, la violence, le harcèlement, les brutalités, les problèmes affectifs, les troubles des conduites
alimentaires, l’absence de domicile fixe, la sexualité et les relations entre les divers organismes d’aide
sociale. Les élèves confrontés à ces difficultés ont pu être repérés lors d’entretiens avec les enseignants et le personnel. Ce processus a permis de comprendre que les problèmes familiaux étaient à
Partie I : AUSTRALIE
l’origine de nombreux symptômes, et de déterminer les lacunes des services. Ayant déterminé des
groupes d’élèves confrontés aux mêmes problèmes, l’équipe a pu élaborer des programmes collectifs,
plutôt qu’individuels. Cette approche a permis la mise en place de réseaux de soutien entre les élèves
et la naissance d’amitiés. Les procédures Kid Map ont également joué un rôle dans la prise de
décisions concernant d’autres questions scolaires telles que l’élaboration de programmes d’études
pour l’éducation à la santé et le développement personnel, la répartition des moyens d’aide, la
formation et le perfectionnement des enseignants et la définition des stratégies et objectifs d’ensemble pour le projet de l’école. L’équipe travaille dans le respect de la confidentialité des informations,
qui sont mises à jour à mesure que la situation évolue pour les élèves, les familles et les enseignants.
Le dossier Kid Map est donc un document dynamique régulièrement réactualisé et qui permet à
l’équipe d’améliorer le bien-être des élèves et de réduire la fréquence des situations de crise.
Les conseillers pour le secondaire, qui travaillent avec des élèves plus âgés, considèrent que leur
travail consiste pour l’essentiel à apporter une aide individuelle aux élèves lors de situations conflictuelles et d’obtenir les services nécessaires. Ils travaillent également avec de petits groupes d’élèves
souffre-douleur pour les aider à s’en sortir. Ils jouent également le rôle de conseiller d’orientation
(matières à choisir, possibilités de carrières).
Le projet Middle School Enterprise constitue une alternative pour les élèves encore scolarisés
dans le système éducatif classique mais qui en perturbent le fonctionnement. Ils peuvent y apprendre
à réparer ou à remettre en état des vélos, à jouer de la guitare ou à améliorer leurs compétences
langagières et mathématiques grâce à l’informatique. L’accent est mis sur ce que les élèves savent faire
et non sur leurs lacunes. L’objectif est de les maintenir dans le système scolaire et d’éviter leur
exclusion. Le projet a également pour but d’aider les enseignants et de les former à une vision plus
globale des programmes d’études. L’établissement peut se targuer d’avoir ramené son taux d’absentéisme à un niveau encore jamais atteint. Ce projet fait actuellement l’objet de recherches financées
par le Workmen’s Compensation Programme.
D’après l’enseignant spécialisé, le psychologue scolaire estime que 10 pour cent des élèves
accueillis dans l’établissement présentent des difficultés d’ordre cognitif. Nombre d’entre eux sont des
garçons issus de familles pauvres et ayant des problèmes de comportement, ainsi que des difficultés à
écrire et à compter. L’école emploie trois enseignants spécialisés, mais il n’y a pas de classe à part pour
les élèves en difficulté. La priorité va à la formation de l’ensemble du corps enseignant, afin de
développer les compétences nécessaires et de proposer un tutorat et des programmes d’éducation
physique adaptés aux élèves.
Le responsable des relations avec la communauté et l’infirmier travaillent avec les parents dans le
cadre de groupes d’aide aux parents, de programmes axés sur la vie familiale et d’activités scolaires. A
titre d’exemple des actions menées, on peut citer le projet Partners in Education, qui regroupe 9 à
12 parents pendant deux heures par semaine sur une durée de neuf semaines, pour apprendre à lire et
à utiliser la bibliothèque.
La coordinatrice STAR s’occupe essentiellement de filles de la 4e à la terminale, répertoriées
comme étant à risque, et qui auraient sans doute abandonné l’école sans un soutien personnalisé. Le
nombre d’élèves susceptibles d’être aidées dépasse les possibilités du projet STAR et la coordinatrice
doit donc procéder à des entretiens et déterminer des priorités. Elle travaille en individuel ou en
groupe, selon des méthodes axées sur les relations. Elle définit, avec chacune des élèves concernées,
des objectifs individuels en vue du choix d’un futur métier et les oriente vers les services compétents
en cas de besoin. Le travail en groupe est axé sur le développement du soutien des pairs et les
compétences en matière de résolution de problèmes et de mise en confiance. Elle travaille sur des
problèmes concernant l’école dans son ensemble et pour soutenir l’idée que les femmes peuvent avoir
un métier gratifiant. Par exemple, elle organise des conférences faisant intervenir des femmes ayant
réussi leur carrière afin de fournir des modèles aux élèves.
Deux enseignants employés par le DECS travaillent à la mise en place et à la gestion de l’Annexe
des jeunes de Salisbury, un programme d’hébergement original pour les élèves de la Paralowie School
et d’un autre établissement secondaire, menacés d’être exclus ou susceptibles de ne pas poursuivre
99
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
au-delà de la scolarité obligatoire. Une vingtaine de jeunes – dix de chaque établissement – sont
accueillis dans une vaste maison achetée pour les besoins du projet : en effet, le taux de jeunes sansabri est élevé dans la communauté. Les jeunes bénéficient de services éducatifs et d’aide sociale. Le
projet est financé par le DEETYA, le Conseil de district de Salisbury, le Réseau pour la jeunesse de
Salisbury et le Comité « Tous ensemble contre la criminalité » (« Together Against Crime »). Le projet est
placé sous la tutelle de l’Association métropolitaine des jeunes. L’action est au cœur de la philosophie
du projet, qui vise à aider les jeunes à acquérir des compétences pour la création de petites entreprises : vente de meubles d’occasion, remise en état de guitares, restauration, entretien de bicyclettes,
etc. Le projet est en place depuis trois ans. Les responsables prévoient d’acheter du terrain pour
proposer des activités agricoles.
Écoles de Fremont et Elizabeth City : concertation avec les organismes locaux
Les établissements secondaires Fremont High School et Elizabeth City High School ont également
été classés parmi les écoles défavorisées et utilisent fréquemment la Procédure d’orientation interorganismes (IRP) décrite plus loin. Un fait est particulièrement révélateur du handicap socioéconomique des élèves accueillis dans ces établissements : à Fremont, 54 pour cent des élèves
possèdent la carte scolaire (donnant droit à une aide financière pour les familles les plus démunies),
2.7 pour cent sont issus de familles non anglophones et 3.1 pour cent sont aborigènes. Pour l’école
d’Elizabeth City, les chiffres correspondants sont de 66, 13 et 4.2 pour cent respectivement. Ce
pourcentage d’aborigènes est par ailleurs le plus élevé de la région métropolitaine. Une proportion
importante des élèves ont des problèmes de comportement. Le nombre d’exclusions temporaires et
de réunions inter-organismes concernant les élèves est des plus élevés de l’État. Les écoles sont
situées dans une banlieue industrielle aujourd’hui délaissée par les entreprises et confrontée à un
chômage structurel à long terme. Dans certaines familles, on n’a pas travaillé depuis trois générations et
le taux de chômage chez les jeunes de 15 à 18 ans du secteur est de 75 pour cent.
Le coordinateur du projet STAR de cet établissement scolaire a réuni une équipe de représentants
des principaux services du secteur travaillant auprès des jeunes dans les quartiers desservis par les
deux écoles, qui travaillent ensemble et accueillent 1 057 élèves du secondaire. Il a mis l’accent sur le
fait qu’il faut aider les élèves tant qu’ils sont à l’école et qu’il est impossible au seul personnel
enseignant de les aider à obtenir la totalité des services et prestations dont ils ont besoin et auxquels
ils ont droit. Les jeunes de moins de 16 ans sont les moins bien informés sur les services qui leur sont
destinés. C’est pour ces raisons que le coordinateur STAR a décidé de travailler avec des représentants
des services plutôt que de créer un projet STAR au sein de l’établissement. Lors de la visite de l’école,
les représentants d’un large éventail d’organismes privés et publics nous ont expliqué comment ils
travaillaient avec le coordinateur STAR pour faciliter la prestation de services et la résolution des
problèmes dans une approche individualisée. Le Programme STAR permet une grande souplesse dans
les méthodes d’identification des élèves à risque. Dans les deux établissements concernés, le principal
critère est l’absentéisme, et la plupart des élèves concernés par le projet STAR sont des filles. Avant la
mise en place du projet STAR, il n’existait aucune liaison systématique entre l’école et les services
éducatifs, sanitaires et sociaux de la communauté. La création d’une équipe de personnes appartenant
à ces services dans l’enceinte de l’école permet au personnel enseignant de se consacrer à sa mission
éducative. Le coordinateur est également convaincu que les projets spécialement adaptés accentuent
la marginalisation des élèves et s’efforce d’adopter une approche psychosociale pour travailler avec les
familles et les organismes sociaux afin de résoudre les problèmes de fond qui perturbent la scolarité
des élèves. Les élèves, les parents, les personnels des services susceptibles d’être utiles se retrouvent
pour discuter ensemble des solutions possibles.
INITIATIVES PRISES PAR LES AUTORITÉS D’AUSTRALIE-MÉRIDIONALE POUR FAVORISER
L’INTÉGRATION DES SERVICES
100
L’année 1987 a marqué le début d’une campagne en faveur d’une meilleure coordination des
services de santé, d’éducation et d’action sociale pour la population d’âge scolaire présentant un
Partie I : AUSTRALIE
sérieux handicap social et des difficultés de comportement. Une équipe de haut niveau a été créée
conjointement par les ministères de l’Éducation, de la Santé et de l’Action sociale (rebaptisés, depuis,
Services à la famille et à l’enfance – FACS) avec pour mission d’examiner les problèmes posés par ces
enfants, de passer en revue les services existants, d’étudier la possibilité d’une approche pluridisciplinaire par la concertation entre organismes, et de faire des recommandations pour l’action future. Après
une étude approfondie des procédures en vigueur dans les trois secteurs de la santé, de l’éducation et
de l’action sociale, l’équipe a rendu un rapport (Stratmann, 1988) contenant 32 recommandations pour
améliorer la coordination entre les services. Le conseil des ministres de l’État a approuvé ces propositions et demandé leur application dans les trois années à venir, entre 1989 et 1991. Le financement a
été assuré par le budget de l’État pour la justice sociale et un Comité chargé des services éducatifs,
sanitaires et sociaux regroupant les ministres de la Santé, de l’Éducation, de l’Action sociale, du
Logement, des Collectivités territoriales et des Services connexes, a été chargé de veiller à la mise en
œuvre de ces mesures. Environ 50 pour cent des recommandations nécessitaient des actions pouvant
être prises en collaboration par un ou deux organismes, et elles ont été adoptées dans un délai de
12 mois.
Le processus d’étude et les recommandations du rapport Stratmann ont été influencés par la
lecture de travaux sur la coordination des services éducatifs, sanitaires et sociaux. Quelques-uns des
points ayant joué un rôle essentiel sont résumés ci-après.
« (...) Il est antiéconomique de faire intervenir une structure inter-organismes pour une approche
pluridisciplinaire dans des situations où les solutions sont simples ou directes (...). On estime
qu’une approche pluridisciplinaire et inter-organismes s’impose pour environ 5 pour cent de la
population scolaire, 4 pour cent pouvant être aidés dans le cadre de l’établissement scolaire et
1 pour cent dans une autre structure. Dans sa forme la plus simple, la coordination implique de
répondre aux besoins multiples des jeunes en mettant en place des réseaux permettant de
regrouper les services compétents en un tout cohérent caractérisé par une approche commune de
l’élaboration des mesures, de la planification et de la fourniture des services. Les facteurs qui
favorisent et caractérisent la coordination des services sont : l’existence de secteurs communs, le
regroupement d’un certain nombre de services au niveau local, des critères de sélection communs,
un travail collectif en matière de collecte d’informations, d’évaluation, de planification, de gestion
et d’examen des dossiers, une administration décentralisée, la définition d’un rôle fonctionnel
pour un directeur généraliste, le fonctionnement d’une structure de services coordonnés en réseau
et un système informatisé commun pour la gestion et les dossiers.
La coordination des services implique la prise en compte des trois aspects de polyvalence, de
compatibilité et de coopération dans les quatre domaines clés que sont les programmes et
services, les ressources, les clients et les informations. La polyvalence suppose que tous les
services nécessaires aux groupes ciblés existent ou soient demandés, sinon la coordination ne fait
que renforcer le statu quo. La compatibilité exige que tous les services existants entretiennent des
liens adaptés et interviennent dans un ordre correspondant aux priorités des bénéficiaires. La
coopération est la reconnaissance de l’importance accordée à la qualité des relations entre prestataires et entre les prestataires et les bénéficiaires.
Pour un fonctionnement optimal, ces quatre éléments doivent être coordonnés à un niveau
spécifique. Il est préférable que la coordination des ressources se fasse au niveau de l’État ou du
comté, celle des programmes et services relève plutôt de chacune des instances participant à
l’effort de coordination, les bénéficiaires peuvent être confiés à un coordinateur travaillant en
réseau au plan local, et les informations, quant à elles, doivent être coordonnées à tous les
niveaux.
Une structure de prestation de services coordonnée et efficace doit reposer sur un groupement
formel, au niveau de l’État ou du comté, des organismes prestataires de services, qui y seront
représentés par leur responsable des programmes et leur directeur. Définie dans le cadre des
attributions d’un État ou d’un comté spécifiant une prestation de services polyvalente, cette
association des différents organismes permet de maximiser les avantages et de réduire au minimum les coûts relatifs à l’organisation. Les interactions régulières au niveau du comité d’associa-
101
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
tion imposent la circulation de l’information et permettent aux responsables des programmes de
prendre conscience de la nécessité de coordonner certains programmes et services pour répondre
aux besoins multiples des clients des différents services. Une telle association constitue une
tribune et regroupe les compétences pour la définition de la coordination, tandis que les directeurs sont garants de l’engagement et du soutien administratif nécessaires. Ce type d’approche
accroı̂t considérablement la visibilité, et donc la transparence des programmes qui sont alors
soumis à un examen minutieux de la part des professionnels appartenant à d’autres organismes.
A elle seule, une association ne constitue pas une structure permettant une prestation efficace et
intégrée des services. Elle doit être accompagnée d’une unité de travail offrant un point fixe
d’aiguillage et de coordination des dossiers. Enfin, il convient de mettre en place un groupe
régional chargé de superviser les résultats obtenus localement et de veiller au bien-être des
bénéficiaires, de coordonner les services et ressources au niveau local et d’obtenir le soutien des
dirigeants locaux (Stratmann, 1988, pp. 8-10). »
Une attention particulière a été portée à la mise en œuvre des recommandations nécessitant la
participation des trois grands services (éducation, santé, action sociale) pour venir en aide à la minorité
de jeunes pour lesquels une approche coordonnée s’impose. Des procédures de planification et de
développement inter-organismes ont été lancées au plus haut niveau administratif. La gestion des
activités a été confiée à un Comité inter-organismes au niveau de l’État (State Interagency Committee
– SIC), qui regroupe des hauts responsables des ministères de l’Éducation et de la Santé et des
Services à la famille et à l’enfance, sous la présidence d’un représentant du Directeur général de
l’éducation. Ce Comité rend compte des progrès accomplis au Comité des services éducatifs, sanitaires
et sociaux tous les six mois. De même, comme cela avait été demandé, une évaluation a été réalisée
par un chercheur indépendant dans les trois années ayant suivi l’adoption des recommandations. Par le
biais de ses comités à l’échelon de l’État et des régions, le SIC fournit la structure d’ensemble
nécessaire à la coordination entre organismes. Les procédures d’orientation inter-organismes (IRP), en
vigueur dans tout l’État à partir de 1991 constituent le point de contact local pour l’orientation,
l’évaluation, la coordination et l’examen des dossiers. Ces procédures sont utilisées sur une base
volontaire et non pas coercitive.
Le modèle utilisé pour la coordination entre les organismes mis en place dans l’ensemble de l’État
est le fruit de discussions avec les personnels placés en contact direct avec les bénéficiaires. Il a
ensuite été approuvé par le SIC, les directeurs généraux des trois secteurs et le Comité des services
éducatifs, sanitaires et sociaux du gouvernement australien. Au SIC siègent actuellement les personnes
suivantes :
– le Directeur des programmes du ministère de l’Éducation et des Services à l’enfance (DECS), qui
en est président ;
– le Directeur général adjoint des Services à la famille et à l’enfance (FACS) ;
– le Directeur des soins de santé primaire, de la Commission pour la santé d’Australie-Méridionale
(SAHC) ;
– le Directeur général du Service de santé mentale des enfants et des adolescents (CAMHS),
région nord ;
– le Directeur du CAMHS région sud ;
– le Responsable des programmes scolaires, des services de santé de l’enfant, de l’adolescent et
de la famille (CAFHS).
Le SIC se réunit tous les trois mois pour examiner les questions concernant la prestation coordonnée de services aux enfants d’âge scolaire défavorisés du point de vue socio-économique et ayant des
problèmes de comportement. Son rôle est de :
– surveiller les progrès des organismes à l’échelon local et de l’État en matière de partage des
responsabilités et d’engagement à collaborer avec les autres services ;
102
– coordonner toutes les initiatives inter-organismes en faveur des enfants d’âge scolaire socialement défavorisés et ayant des problèmes comportementaux ;
Partie I : AUSTRALIE
– favoriser et évaluer la mise en œuvre des recommandations du rapport Stratmann ;
– recommander des modifications des politiques existantes, le cas échéant, et aider à assurer la
cohérence entre les nouvelles mesures dans le cadre de la coordination inter-organismes ;
– étudier des stratégies d’intervention efficaces, synergiques et précoces en faveur de la population ciblée et encourager leur mise en œuvre ;
– rendre compte régulièrement aux directeurs généraux, ministres et comités ministériels
compétents.
Des groupes inter-organismes régionaux qui rassemblent les directeurs régionaux du DECS, du
FACS et du SAHC se réunissent régulièrement pour :
– assurer le suivi des projets inter-organismes en cours en faveur des enfants d’âge scolaire
défavorisés et ayant des problèmes de comportement ;
– élaborer des plans de fourniture coordonnée des services et définir des objectifs communs ;
– étudier et concrétiser des solutions de regroupement et de collaboration ;
– rendre compte au SIC de leurs conclusions et de leurs besoins en matière d’intervention et de
planification.
Dans la mesure où la nature des services fournis est liée aux besoins de la communauté locale et à
divers facteurs locaux, la planification et la prestation sont gérées au niveau local (Fueloep et al., 1995).
LA PROCÉDURE D’ORIENTATION INTER-ORGANISMES (SYSTÈME IRP)
L’effort d’intégration des services entrepris en Australie-Méridionale a eu pour conséquence inattendue et inestimable la mise en place d’une procédure d’orientation inter-organismes, le système IRP,
conçu pour faciliter l’action en faveur des 5 pour cent d’enfants d’âge scolaire défavorisés et ayant de
graves problèmes de comportement nécessitant une approche pluridisciplinaire de la part de plusieurs
organismes. Afin de répertorier ces jeunes, la définition de travail du groupe cible est la suivante : les
enfants et adolescents d’âge scolaire dont les chances de mener à terme leur scolarité et de réussir leur
passage à la vie active et à l’âge adulte sont menacées par un ou plusieurs des facteurs suivants :
– un repli sur soi marqué ou des graves troubles affectifs (dépression, tendances suicidaires,
toxicomanie et alcoolisme chroniques, incidents psychotiques) ;
– des actes perturbateurs, violents ou illégaux ;
– une assiduité insuffisante liée à l’absentéisme, à la mobilité familiale, etc.
La structure et le fonctionnement de l’IRP nécessitent dans chaque secteur géographique un point
de contact permettant à ces élèves en grande difficulté d’accéder à tous les services de santé,
d’éducation et d’aide sociale extérieurs à l’école. La philosophie de l’IRP repose sur les éléments
suivants :
– une approche globale intégrée de l’évaluation, de la gestion et de l’examen des dossiers ;
– des points de contact permettant de doter les secteurs de la santé et de l’action sociale de
meilleurs services éducatifs pour leurs clients ;
– une liaison entre des personnes nommées dans le secteur de la santé et de l’aide sociale pour
faciliter l’accès à leurs services ;
– un certain nombre de procédures différentes afin de pourvoir de façon individualisée aux
besoins de chacun ;
– un contrôle de la qualité pour éviter la répétition et la surproduction de services et un retrait
précoce et inutile des élèves de leur environnement scolaire habituel ;
– une certaine sensibilité à l’origine ethnique de la personne (en particulier pour les aborigènes)
ou à son handicap ;
– un protocole inter-organismes pour l’échange d’informations sur les dossiers.
103
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
La procédure IRP peut être découpée en quatre étapes : 1) orientation ; 2) évaluation ; 3) planification et gestion du dossier ; et 4) examen du dossier. Six principaux points d’orientation sont implantés
dans les six bureaux régionaux du DECS, dont quatre en ville et deux en zone rurale. Les enfants
peuvent être signalés auprès de ces points par divers intervenants, dont les directeurs d’établissement, le personnel d’encadrement intermédiaire des services de santé et d’aide sociale, les associations et les praticiens privés. Chaque bureau est doté d’un responsable de l’orientation interorganismes (IRM), qui traite les demandes et coordonne la participation des organismes dans le cadre
d’un groupe réunissant les responsables sur le terrain des bureaux de la santé, de l’aide sociale et de
l’éducation du secteur, et d’autres types de réseau dans les régions rurales peu peuplées. Les responsables de l’orientation inter-organismes sont payés par le DECS. Ils peuvent adopter des méthodes de
travail différentes en fonction de la situation locale et de leur personnalité. Ils possèdent généralement
une formation dans le domaine pédagogique et de l’aide socio-psychologique. Nous avons eu un
entretien avec Sue Jager et Janine Harvey, deux IRM de la région métropolitaine d’Adélaı̈de. S. Jager est
directeur administratif du Beafield Education Centre, un programme éducatif alternatif qui propose un
large éventail d’activités sur divers sites pour des jeunes présentant de graves problèmes de comportement ne pouvant être scolarisés dans une école traditionnelle. J. Harvey est coordinatrice des
services de soutien scolaire du CAMHS (service de santé mentale). En plus d’un diplôme de conseiller
d’éducation dans le primaire et le secondaire, elles ont suivi trois années de formation en thérapie
familiale. Dans la classification du DECS, elles sont au même niveau que les directeurs-adjoints
d’établissement. Elles ont souligné que le complément de formation qu’elles ont suivi n’a pas eu
d’influence sur leur rémunération. Les autres personnes présentes étaient Gerri Walker, directeur du
Beafield Education Centre, Chris Seeboth, coordinateur des services de soutien scolaire du CAMHS, et
Alana Cox, responsable de l’équipe chargée des problèmes de l’adolescent et de la famille au FACS. La
composition de ce groupe est caractéristique des Groupes de consultation inter-organismes qui regroupent de hauts responsables et rencontrent régulièrement l’IRM pour examiner le suivi des dossiers et
prendre les décisions concernant la gestion, les engagements en matière de ressources, les tendances
des procédures d’orientation et les besoins futurs.
Lorsqu’un organisme estime qu’un élève doit faire l’objet d’une approche coordonnée, l’employé
compétent peut le signaler au responsable de l’orientation inter-organismes (IRM) sans que l’intéressé
ou ses parents soient au courant, avant de faire une demande officielle de prise en charge par les
services inter-organismes. Cette phase préliminaire permet au personnel de déterminer si une collaboration inter-organismes approfondie est nécessaire. Ces consultations avec l’IRM peuvent porter sur :
– l’échange d’informations suffisantes pour identifier l’élève et les raisons de la consultation ;
– la nature de l’intervention de l’organisme (ou des organismes) ;
– la (les) personne(s) actuellement chargée(s) du dossier ;
– les mesures à prendre avec l’élève/la famille ;
– la nécessité d’une collaboration entre organismes, et le cas échéant, le choix d’un interlocuteur
pour dialoguer avec les parents/tuteurs et l’enfant afin de les informer et d’obtenir leur
coopération ;
– toutes les informations indispensables pour assurer la sécurité ou la protection de l’élève ;
– les mesures susceptibles d’être prises à court terme (South Australia DECS, 1992).
Lorsque l’IRM reçoit une demande formelle de prise en charge de la part d’un organisme, il doit
déterminer quels sont les services et les personnels qui ont travaillé sur ce dossier par le passé. Il
réunit pour ce faire les personnes et représentants d’organismes compétents afin d’obtenir le maximum
de précisions sur :
– les évaluations déjà effectuées ;
– l’avis des professionnels ayant travaillé sur le dossier ;
104
– les moyens mis en œuvre avec succès ;
Partie I : AUSTRALIE
– les points nécessitant une évaluation/intervention ;
– les mesures à prendre pour éviter la répétition et des évaluations inutiles (South Australia
DECS, 1992).
Ensemble, ils mettent au point une stratégie d’encadrement et décident qui aura la charge de
contacter l’enfant et sa famille/son tuteur pour obtenir leur coopération. Celle-ci est indispensable pour
que la procédure coordonnée de gestion du dossier par plusieurs organismes puisse être lancée. La
personne désignée doit user de tact et de prudence pour évoquer les préoccupations ayant conduit à
signaler l’enfant. Il peut s’agir de :
– détails précis concernant les besoins et difficultés de l’élève ;
– en cas d’actes de violence et de destruction, l’obligation faite à l’école de veiller à la sécurité de
l’élève et de tous les autres membres de la communauté scolaire ;
– la nécessité d’un soutien approfondi pour l’élève ;
– possibilités autres, si l’élève et/ou ses parents refusent la prise en charge coordonnée du
dossier, à savoir l’exclusion temporaire, les mesures disciplinaires ou toute autre action juridique pouvant être entreprises par une instance compétente.
Les jeunes qui acceptent la procédure d’orientation inter-organismes signent un document confirmant leur accord et participent avec leur famille à des réunions régulières dans le cadre du processus
d’évaluation. L’IRM doit s’assurer que les parents/tuteurs et élèves, si leur âge leur permet, signent un
formulaire par lequel ils confirment leur engagement et acceptent que des informations les concernant
soient communiquées. Ce document permet aux personnes chargées du dossier d’obtenir des informations d’organismes ne dépendant pas du ministère de l’Éducation. La participation active des élèves
est encouragée en fonction de leur âge et de leurs capacités intellectuelles. Les élèves âgés de 13 ans
ou plus doivent être pleinement associés et informés de tous les aspects de la procédure et sont
autorisés à désigner une personne pour les aider lorsqu’ils participent aux réunions.
Le dossier est confié à une personne précise, en général par l’organisme dont les services sont
jugés les plus importants pour l’élève. Si le problème principal semble relever de la santé mentale, les
services du CAMHS assurent la gestion du dossier. S’il s’agit d’une question d’aide sociale ou de
protection de l’enfance, c’est le FACS qui sera désigné. Lorsqu’un organisme a été désigné pour
s’occuper du dossier, un membre de son personnel est chargé d’assurer la prestation des services
auprès du bénéficiaire. Dans certains cas, la décision concernant la gestion du dossier est influencée
par les autorités judiciaires, comme par exemple dans les affaires de maltraitance ou de délinquance
juvénile. Après ces différentes étapes, a lieu une autre réunion regroupant l’IRM, le responsable du
dossier et les autres personnels chargés de la fourniture des services pour élaborer un programme.
C’est au cours de cette réunion que les participants se mettent d’accord sur le rôle et les responsabilités de chacun, notamment du bénéficiaire et du personnel assurant les services.
Afin d’apporter une réponse adaptée aux besoins individuels, la planification et la gestion des
dossiers sont généralement axées autour de quatre stratégies :
– un programme au sein de l’école, sous la surveillance de l’équipe éducative ;
– un programme prévoyant un soutien hors de l’établissement mais faisant intervenir du personnel des services de l’éducation ;
– un programme d’aide assuré par les services de la santé et de l’action sociale ;
– un programme inter-organismes ou la participation de plusieurs services à des actions rendues
nécessaires par la complexité de la situation.
Des réunions d’examen des dossiers sont organisées par le responsable du dossier pour :
– examiner les progrès accomplis par l’élève et résoudre les problèmes ;
– évaluer les besoins actuels de l’élève et élaborer de nouveaux plans d’action ;
– apporter une nouvelle aide, le cas échéant ;
– mettre fin à la participation d’un organisme si elle n’est plus nécessaire ;
105
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
– poursuivre le programme avec l’élève et l’école en adaptant le plan d’action si nécessaire ;
– fixer la date de la prochaine réunion d’étude du dossier ou classer le dossier.
Si le comportement d’un élève se détériore ou s’il reste problématique, la procédure d’orientation
est relancée. En concertation avec la personne qui signale l’élève, l’IRM entreprend une réévaluation
de la situation de l’élève et élabore un nouveau plan qui est ensuite renégocié avec le personnel de
l’école, l’élève et sa famille. Si le comportement de l’enfant ne s’améliore pas, le responsable de
l’orientation inter-organismes pourra proposer différentes solutions, qui seront discutées avec l’école
et la famille. Les possibilités offertes sont les suivantes :
– le placement dans une autre école (ordinaire ou spécialisée) ;
– un programme de transition vers une autre filière ;
– un programme de scolarisation ouverte faisant intervenir un professionnel qui supervise le
travail scolaire, les progrès en matière de comportement, et qui apporte un soutien et une aide
psychopédagogique ;
– une formation professionnelle, théorique ou sur le tas ;
– des activités destinées à susciter un changement de comportement de façon positive, par
exemple, une randonnée dans le désert.
Lorsqu’il n’est pas possible de négocier une de ces possibilités, ou lorsque le comportement de
l’élève continue à poser des problèmes, le responsable de l’orientation inter-organismes lance une
procédure d’examen des solutions possibles, à l’issue de laquelle la solution recommandée par le
responsable est obligatoirement adoptée.
Entre le quatrième trimestre de 1990 et le troisième trimestre de 1991, 1 436 enfants d’âge scolaire
(soit 0.79 pour cent du total) ont fait l’objet d’une procédure d’orientation inter-organismes. D’après
Jager et Harvey (1995), à l’heure actuelle, environ 2 pour cent des élèves des écoles publiques, soit
3 700 élèves, bénéficient de cette procédure.
La réussite des autorités d’Australie-Méridionale dans la mise en place et le soutien de la Procédure d’orientation inter-organismes (IRP) est imputable au dynamisme des personnels d’encadrement
à un niveau supérieur et intermédiaire qui se sont engagés à travailler pour améliorer le système au fur
et à mesure de l’expérience acquise. De même, le travail ayant précédé la rédaction du rapport
Stratmann et l’apport de ressources supplémentaires qui ont permis la mise en œuvre des recommandations contenues dans celui-ci ont créé un climat propice à la coordination dans les trois principaux
organismes de services à l’enfance. L’IRP fonctionne depuis plus de quatre ans et les ministres du
gouvernement nouvellement élu se sont engagés formellement à le préserver. Cependant, les
difficultés économiques actuelles et les contraintes budgétaires pourraient constituer une menace pour
sa pérennité.
106
Les membres de l’IRP rencontrés au Beafield Education Centre ont exprimé leurs inquiétudes
quant à son avenir et confirmé les résultats obtenus. Ils ont évoqué plusieurs aspects de la phase de
démarrage et des trois premières années qui ont été très riches d’enseignements. Outre le SIC (Comité
inter-organismes au niveau de l’État), il existait plusieurs groupes de responsables de haut niveau
chargés de la politique régionale et de la planification. Au cours des trois premiers mois, une vaste
consultation a été organisée pour mettre en lumière les réseaux de coordination informels existants et
répertorier les pratiques les plus efficaces dans le système. De nombreux comités inter-organismes
locaux se sont penchés sur les éventuels obstacles à un bon fonctionnement de l’IRP. Leur contribution
a été prise en compte par les autres comités chargés de la planification globale, de sorte qu’il a été
possible de surmonter les obstacles. Deux chefs de projet ont été désignés, l’un issu des services
d’action sociale, l’autre de l’éducation. Des outils de formation adaptés ont été élaborés pour les
personnels des trois secteurs. Les chefs de projet actuellement en fonction ne sont ni du FACS ni du
CAMHS, mais issus du DECS : l’un est chargé de superviser la politique d’encadrement des comportements, l’autre a pour mission d’établir des liens avec les programmes de lutte contre la délinquance.
Seeboth (1995) est convaincu qu’il serait utile de maintenir en place des chefs de projet du FACS et du
CAMHS. Certains se sont demandé si les relations primordiales existant entre le SIC et les intervenants
Partie I : AUSTRALIE
sur le terrain dans le cadre de l’IRP n’avaient pas été interrompues, même si les responsables
d’organismes de leur région continuent à se rencontrer régulièrement. Certains problèmes n’ont pas
encore été résolus. Par exemple, les secteurs géographiques placés sous la responsabilité des
différents organismes ne se superposent pas toujours exactement. Les organismes participant à l’IRP
relèvent des autorités de l’État et, d’autres, fournissant des services susceptibles d’être utiles, dépendent des autorités locales ou fédérales. L’information sur l’IRP ne parvient pas toujours de façon
systématique aux personnels en contact direct avec les clients et il leur est par conséquent difficile de
se tenir au courant des derniers changements majeurs. En raison des mouvements de personnel, de
nombreux employés n’ont pas reçu de formation concernant l’IRP et aucune formation systématique n’a
été mise en place. Le FACS emploie de nombreux contractuels pour de courtes périodes et la plupart
d’entre eux ignorent tout de l’IRP. Les responsabilités découlant de l’application de l’IRP ne figurent
pas dans les descriptions de fonctions concernées par le système, de sorte que la procédure ne reçoit
pas l’attention et la reconnaissance qu’elle mérite. La planification stratégique en vigueur au cours des
trois premières années aurait encore son utilité. S’il y a unanimité sur le fait que l’IRP a amélioré le
soutien aux jeunes et à leurs familles, et permis la progression des résultats scolaires, certains considèrent qu’il est nécessaire de démontrer plus systématiquement les avantages du système.
Les responsables de programmes du DECS affirment que, grâce à l’IRP, le personnel des ministères, à tous les niveaux, a pu approfondir sa connaissance des clients, des programmes, des services
et du jargon des autres services. Cela a permis d’identifier les doubles emplois, les obstacles à la
coordination et les facteurs entravant la participation des clients, et d’y remédier. D’autres services, tels
que les services de justice pour enfants, envisagent d’appliquer cette procédure dans leur secteur. Ce
modèle offre une grande souplesse, qui est importante, car les structures d’aide des régions rurales ou
isolées sont souvent différentes de celles des zones urbaines. Par exemple, il peut y avoir un responsable de l’orientation inter-organismes sans qu’il y ait une structure spécifique gérée par le DECS. En
zone rurale, les personnes responsables de l’IRP peuvent également constituer l’équipe d’encadrement des comportements (Dillon, 1995). Fueloep (1995) pense que le travail en réseau indispensable à
tous les niveaux pour faire fonctionner l’IRP est plus facile à obtenir dans un État de petite taille.
Cox, responsable d’une équipe de soutien aux adolescents et à leur famille du FACS a évoqué un
dossier traité par l’IRP qui témoigne de la complexité de la collaboration souvent indispensable entre
les divers organismes. La gravité du cas illustre également le fait que les problèmes de nombreux
jeunes signalés à l’IRP ne pourront être résolus tant que des liens ne seront pas établis entre la famille
et l’école. L’élève, âgé de 13 ans, présentait de sérieux problèmes de comportement à l’école. Il était
violent envers les autres élèves et ne pouvait se concentrer plus d’une minute sur une tâche. Pendant
deux ans, l’école a tenté de l’aider avec une équipe d’encadrement des comportements du DECS
chargée de conseiller les enseignants et une personne chargée du soutien scolaire. Les membres des
équipes d’encadrement des comportements ont tous une formation pédagogique et éventuellement
d’autres qualifications, mais les personnes assurant le soutien scolaire ne sont pas des professionnels.
Les mesures prises n’ont pas permis de remédier à son comportement violent ni aux autres problèmes.
Le cas a été signalé à l’IRP. Il a été décidé que le CAMHS assurerait la gestion du dossier et les
interventions en thérapie familiale. Au cours de ce processus, des problèmes de délaissement et de
violence familiale ont été constatés. En raison de son comportement dangereux et inacceptable,
l’adolescent a dû être exclu de l’école pour une durée de quatre à six semaines, avec un programme de
scolarisation en alternance. Il aurait pu être admis dans un centre d’enseignement offrant à la fois une
prise en charge éducative individualisée et des services thérapeutiques, mais faute de place, cela n’a
pas été possible, et il a donc été pris en charge dans le cadre d’une « scolarisation ouverte », ce qui
signifie qu’il restait à domicile, et était en contact téléphonique avec son enseignant. Sa mère était
censée surveiller son travail mais ne pouvait pas faire face. A ce stade, ses parents ont accepté de
signer une demande de placement volontaire par l’intermédiaire du FACS. Ensuite, dans le cadre de
l’IRP, il a été convenu que la gestion du dossier serait confiée au FACS. L’adolescent a été placé en
famille d’accueil, pour une durée prévue de six mois au minimum. Petit à petit, il a commencé à suivre
les cours du centre d’enseignement. De l’avis des personnels du FACS et des services de l’éducation, il
progressait, mais lorsqu’il s’est plaint à son père qu’un éducateur chargé de surveiller l’accueil familial
107
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
avait tenté d’abuser de lui, ses parents sont revenus sur leur demande de placement volontaire et l’ont
repris chez eux. Les responsables du FACS et des services de l’éducation sont persuadés qu’il mentait.
Son comportement a régressé et il a été signalé à plusieurs reprises au FACS qu’il portait des traces de
coups. Il est redevenu violent. Il a de nouveau été signalé à l’IRP. Le FACS et le CAMHS sont à nouveau
intervenus mais les parents ont porté plainte auprès d’un comité d’évaluation de la gestion pluridisciplinaire, financé par les autorités fédérales et dont le rôle est d’évaluer les services fournis aux
personnes handicapées mentales, de convoquer les organismes concernés et de faire des recommandations en vue d’améliorer les services. Ce comité regroupe des psychiatres, des éducateurs, des
psychologues et divers autres professionnels dont les fonctions sont les mêmes que celles des personnels ayant assuré la prestation des services examinés. Ce comité a recommandé un ordre de placement
et de protection. Le FACS a jugé cette décision appropriée mais ne disposait pas de suffisamment de
preuves pour porter l’affaire devant les tribunaux. La dynamique familiale reste problématique tant
qu’elle encourage les jeunes à monter les services les uns contre les autres ou les parents contre les
professionnels. Le jeune en question reste violent et a récemment agressé sa mère ainsi que deux
membres des services éducatifs. Il ne peut suivre les cours que trois jours par semaine et pas plus de
deux heures par jour, avec un soutien permanent. Lorsque les éducateurs tentent de structurer davantage son projet, son comportement se détériore. Il a déjà eu des démêlés avec les services de police et
les tribunaux. Le FACS envisage de faire intervenir les services de préservation de la famille. Ce cas
illustre la nécessité d’une intervention coordonnée de plusieurs organismes, à la fois pour fournir les
services nécessaires et pour des raisons de respect de la loi. Il montre combien il est important de
décider dans le cadre de la coordination entre services de l’organisme et de la personne qui assureront
la gestion du dossier aux différentes phases du travail avec un jeune et sa famille. L’exemple cité est
celui d’un jeune et de sa famille présentant un comportement hostile et destructeur et incapable de
sortir d’un cycle de manipulations ayant échoué. Ces manipulations ont pu être mises en lumière par
l’IRP. Des moyens considérables ont été mis en œuvre, mais les services auraient dû déployer encore
davantage d’énergie s’ils avaient travaillé chacun de leur côté.
AUTRES RELATIONS AVEC LE SECTEUR DE LA SANTÉ MENTALE
Le CAMHS a lancé en 1990 un service de soutien aux écoles en application des recommandations
du rapport Stratmann (1988). Un éventail de services variés sont proposés dans les groupes d’écoles
les plus défavorisées des parties nord et ouest d’Adélaı̈de : programmes de prévention et de promotion de la santé, soutien thérapeutique individuel aux élèves et à leur famille. Ces derniers services
sont limités à quatre groupements d’écoles comprenant 16 écoles primaires et quatre établissements
secondaires. Une évaluation du Service de soutien aux écoles réalisée en 1994 a permis de constater
que 22 programmes de formation et de perfectionnement avaient été proposés aux élèves et personnels des écoles, et avaient concerné 589 personnes. De plus, 229 élèves et 12 enseignants ont participé
à deux programmes collectifs axés sur des questions éducatives et de thérapie (Lock et al., 1995).
LES ABORIGÈNES ET INSULAIRES DU DÉTROIT DE TORRÈS
108
Plusieurs publications fédérales confirment le handicap socio-économique des aborigènes dans
l’ensemble du pays et évoquent les politiques mises en œuvre pour y remédier :
– Revenu : Le revenu moyen des indigènes est inférieur aux deux tiers du revenu moyen australien
(ATSIC, 1994a).
– Éducation : Entre 1985 et 1992, le taux de participation des jeunes aborigènes jusqu’à la terminale
est passé de 14 à 25 pour cent. Pour les autres élèves, le taux est passé de 58 à 78 pour cent
(ATSIC, 1994a).
– Chômage : Entre 1986 et 1991, le taux de chômage total en Australie est passé de 9.2 pour cent à
11.7 pour cent de la population active, mais en 1991 chez les aborigènes, le taux de chômage
était 2.6 fois plus élevé que dans le reste de la population, ce qui dénote un progrès par rapport
à 1986, où il était 3.8 fois plus élevé. Le chômage de longue durée est particulièrement préoccupant chez les aborigènes et concerne entre 60 et 70 pour cent des demandeurs d’emploi
Partie I : AUSTRALIE
indigènes, alors qu’il ne concerne que 46 pour cent du total des chômeurs. Une politique de
développement des emplois aborigènes a été lancée en 1987 avec pour objectif d’améliorer
l’emploi et le revenu des aborigènes pour les amener au même niveau que ceux du reste des
Australiens d’ici à l’an 2000. Cette politique prévoit notamment : 1) une aide à la formation et à la
recherche d’emploi pour faciliter l’accès à l’emploi sur le marché primaire dans les secteurs privé
et public ; 2) une aide à l’emploi dans le cadre de projets d’emploi pour le développement
communautaire (Community Development Employment Projects – CDEP) ; 3) une aide à la
création d’entreprises entièrement gérées et détenues par des aborigènes ; et 4) des mesures
pour améliorer la participation des aborigènes à la gestion des projets, depuis la création
jusqu’à la mise en œuvre (ATSIC, 1994a).
– Santé : A la naissance, l’espérance de vie des aborigènes de sexe masculin est très inférieure à la
moyenne nationale (jusqu’à 18 ans de moins). Pour les femmes, l’écart est de 20 ans. Dans
certaines régions, la mortalité infantile est plus de trois fois supérieure à la moyenne nationale.
En 1990, les autorités fédérales ont décidé de consacrer 232 millions de dollars à la mise en
œuvre d’une politique nationale pour la santé des aborigènes (National Aboriginal Health
Strategy – NAHS), à la condition qu’à partir de 1991-92, les États et Territoires acceptent d’y
consacrer des sommes équivalentes, ce qui a permis une augmentation des dépenses dans les
domaines de la santé, du logement et de l’infrastructure en faveur des indigènes (ATSIC, 1994a).
– Criminalité : Les indigènes sont sur-représentés dans le système pénal. En 1992, ils étaient 26 fois
plus nombreux que les autres groupes ethniques en détention préventive. En 1993, un détenu
sur sept était aborigène. Ils sont 15 fois plus nombreux que les autres dans les prisons australiennes. En 1992, les autorités ont décidé de s’attaquer au problème en lançant deux programmes d’une durée de cinq ans. Le premier visait à réduire les crimes et délits commis par les
aborigènes, et le deuxième était axé sur des mesures ayant pour but d’améliorer les perspectives d’emploi et le statut socio-économique des aborigènes en général. Certains programmes
déjà en place, tels que l’aide judiciaire, l’accès à la propriété foncière et les projets d’emplois
pour le développement communautaire, ont été renforcés. De nouveaux programmes ont été
mis en place, tels que le Programme d’initiatives économiques communautaires. La plupart des
fonds accordés sont versés à l’ATSIC (ATSIC, 1994a).
– La Commission pour les aborigènes et insulaires du détroit de Torrès (Aboriginal and Torres Strait Islander
Commission – ATSIC) : Elle a été créée en mars 1990 pour donner enfin aux indigènes australiens
le droit de prendre les décisions concernant leurs communautés. L’ATSIC a remplacé le ministère des Affaires aborigènes et la Commission du développement aborigène. Sa création a
constitué un changement radical d’orientation et visait à mettre en application le principe
d’autodétermination des peuples indigènes, à garantir une plus grande justice sociale et l’équité
pour tous. C’est une organisation décentralisée avec des composantes de représentation,
d’action législative et d’administration. Elle comprend 35 conseils régionaux élus par les aborigènes et est composée de 17 membres choisis parmi les 35 Présidents de conseil. La tâche
principale des membres de la commission est d’élaborer des politiques nationales en faveur
des indigènes. Le budget 1993-94 s’est élevé à 928.1 millions de dollars, dont 251.9 ont été
consacrés à des projets d’emplois pour le développement communautaire (CDEP). Ces projets
constituent une alternative aux prestations de chômage habituelles. Les bénéficiaires, qui doivent satisfaire à certaines conditions, travaillent deux jours par semaine en échange d’une
rémunération équivalente à leurs allocations de chômage dans les secteurs suivants : rénovation, construction et/ou entretien de bâtiments, mécanique/travail d’atelier, entretien de parcs,
jardinage, groupes d’activités féminines, travail administratif/de bureau, commerce, ostréiculture, élevage d’émeus et de volaille, magasinage, emplois de chauffeurs, de bûcherons, services
de santé, nettoyage, soudage, pêche, puériculture, aide ménagère, services de sécurité, production musicale et d’émissions télévisées. Les autres dépenses se sont réparties comme suit :
199.4 millions de dollars ont été consacrés au logement et à l’infrastructure communautaire,
115.9 millions aux services administratifs, 75.7 millions à la santé, la lutte contre les toxicomanies, les sports et loisirs, 40.4 millions à la formation et à la planification communautaires,
109
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
40 millions à la société de développement commercial des auberges aborigènes, 32.4 millions
aux services juridiques aborigènes, aux questions internationales et droits de l’homme, 29.4 millions aux initiatives économiques communautaires et à l’aide à la création d’entreprise, 28.9 millions à des prêts immobiliers, 22.9 millions à des actions de regroupement familial, aide à
l’enfance, aux jeunes et soutien familial, 22.8 millions à des versements au fonds foncier régional,
à l’acquisition et à l’entretien de terres, 16.8 millions aux collectivités locales, à la préservation
de l’art, de la culture et de la langue aborigènes, 15.3 millions à la protection des titres de
propriété et de l’héritage indigènes, et de l’environnement, 15.1 millions à la branche législative,
11.1 millions au programme de financement des entreprises, 5.1 millions à la sensibilisation de
l’opinion publique et aux questions féminines, et 5 millions à diverses autres actions (ATSIC,
1994a et 1994b).
– Jugement MABO et Loi de 1993 sur les droits de propriété indigènes : Dans la décision rendue le
3 juin 1992, la Cour suprême australienne réfutait le principe de terra nullius selon lequel
l’Australie était une terre vierge à l’arrivée des Britanniques. Au contraire, elle déclarait qu’en
1788, la terre d’Australie appartenait aux peuples indigènes selon leurs propres lois et coutumes
et qu’ils continueraient à en être détenteurs tant qu’ils observeraient leurs lois traditionnelles et
tant que leurs terres n’auraient pas été aliénées par un processus non entaché de nullité par les
autorités. Elle déclarait également que la Loi de 1975 sur la discrimination raciale protégeait les
droits de propriété indigènes contre une extinction sans indemnisation, jetant le doute sur la
validité de certaines concessions accordées depuis 1875. En conséquence, la Loi de 1993 sur les
droits de propriété indigènes a été votée pour : 1) prononcer la validation de concessions
accordées par le passé sur des terres ou masses d’eau et susceptibles d’être invalidées par la
reconnaissance des droits indigènes de propriété ; 2) instituer un Tribunal des droits de propriété indigènes chargé de décider sur quelles terres ces droits s’appliquent encore ; 3) prévoir
les conditions d’indemnisation des indigènes lorsque leurs titres ont été aliénés par un processus valide ; 4) accorder des droits de négociation aux propriétaires indigènes lorsque des
sociétés minières ou autres souhaitent acquérir des terres ; 5) créer un Fonds foncier destiné à
aider les indigènes qui ne sont plus propriétaires (ATSIC, 1994a).
– Réconciliation : La réconciliation, le rapprochement entre les indigènes et non indigènes dans une
Australie unie, est devenue un objectif officiel des autorités, et en 1991, le gouvernement fédéral
a adopté une loi portant sur la création d’un Conseil de la réconciliation auquel siègent douze
aborigènes, deux insulaires du détroit de Torrès et onze australiens non aborigènes. Dans le
cadre de cette initiative ont également été institués une Commission mixte sur les terres
aborigènes et l’exploitation minière qui regroupe les chefs des conseils fonciers aborigènes et
les hauts responsables de grandes sociétés minières, un réseau des Australiens en faveur de la
réconciliation, des cercles d’étude regroupant des personnes qui s’informent sur l’histoire des
indigènes pour œuvrer en faveur de la réconciliation, et une semaine annuelle de prières pour la
réconciliation (ATSIC, 1994a). Nombre des mesures décrites ci-dessus ont pour objectif de
favoriser l’autodétermination pour les indigènes, mais la notion de réconciliation va plus loin en
encourageant une intégration sociale complète.
Les mesures prises par les autorités afin de favoriser la justice sociale et l’équité pour les
indigènes et d’encourager à la réconciliation constituent pour les administrations à tous les échelons et
les institutions privées et publiques une incitation à coordonner les services en direction des
aborigènes.
INTÉGRATION DES SERVICES DANS UNE PETITE COMMUNAUTÉ DE LA CÔTE OCCIDENTALE
DE L’AUSTRALIE-MÉRIDIONALE
Objet de la visite à Ceduna
110
Ceduna a été choisie pour plusieurs raisons. Tout d’abord, le Conseil de district de Murat Bay a été
salué par tous les responsables nationaux pour sa créativité et son travail avec la communauté aborigène. Le plan économique local, élaboré en concertation avec la communauté aborigène, est devenu
Partie I : AUSTRALIE
un projet d’importance nationale et est considéré comme un modèle pour l’ensemble des collectivités
locales. C’est le seul exemple d’un accord entre une collectivité territoriale et la communauté aborigène (Irvine, 1995). L’ATSIC a exprimé en ces termes son point de vue sur cette réussite :
« Des négociations fructueuses ont été entreprises avec le Conseil de district de Murat Bay afin
d’élaborer un plan communautaire intégré de façon à garantir un réseau de prestation de services
efficace et rationnel sur l’ensemble du territoire relevant du conseil.
Le plan communautaire tentera de suivre les recommandations du plan du Conseil régional et de
satisfaire aux besoins de tous les membres de la communauté. Il est souhaité que l’élaboration du
plan communautaire de Ceduna et sa mise en œuvre puissent servir de modèle aux autres
collectivités locales de la région » (ATSIC, 1994a, p. 260).
De plus, l’école luthérienne de Crossways montre comment une école indépendante peut œuvrer
à la réconciliation avec la communauté aborigène. Le Conseil de district de Ceduna est le premier à
avoir mis en place un Réseau jeunesse, dépendant du conseil, et chargé de coordonner le travail de
l’ensemble des organisations travaillant auprès des jeunes dans la communauté. Les conclusions
relatives à chacun des objectifs seront présentées après une description des caractéristiques de la
région.
Contexte social, économique, politique et démographique
Ceduna, une petite ville isolée située sur les rives de Murat Bay, se trouve à 780 km à l’ouest
d’Adélaı̈de et à 480 km de la frontière avec l’Australie occidentale. Au recensement de 1991, la
population desservie par le Conseil de district de Murat Bay s’élevait à 3 654 personnes, dont 551 aborigènes (soit 15 pour cent). Par rapport aux autres régions relevant de conseils de district, et sur la base
des chiffres du recensement de 1986, Murat Bay a une population relativement jeune. Elle se situe
dans le premier quart des districts de l’État en ce qui concerne le pourcentage de jeunes de 10-17 ans
et de jeunes adultes de 18-24 ans, la proportion de chômeurs de 15-19 ans, le nombre de familles
monoparentales et de ménages ayant un revenu inférieur à 9 000 dollars par an. Par contre, elle se situe
dans le deuxième quart de l’ensemble des districts pour ce qui est de la proportion de personnes
ayant un revenu supérieur à 26 000 dollars (Collins et Miller, 1992).
Ceduna est le centre d’attraction et d’affaires de la côte ouest et d’une vaste région consacrée à la
culture céréalière et à l’élevage. Le commerce de gros des céréales, le gypse et le sel constituent les
principales activités portuaires qui sont implantées à Thevenard, à deux kilomètres de la ville. Le
secteur de l’enseignement fournit la majorité des emplois. La région offre un large éventail d’installations sportives et de loisirs permettant de pratiquer la natation, le surf, la voile et la pêche. Ceduna
abrite le siège de l’ATSIC ainsi que le siège régional de plusieurs administrations publiques. La région
ne compte aucune industrie lourde. Irvine (1995) signalait que 80 pour cent des créations de petites
entreprises avaient échoué parce que les intéressés ne disposaient pas des compétences nécessaires.
Le directeur de l’institut local de formation technique et continue décrit Ceduna comme une
communauté rurale marginale et une ville peu prospère. De nombreux agriculteurs ont connu une
période très difficile en raison de la sécheresse et de la crise économique rurale qui les ont contraints à
quitter leurs terres ou forcé à se reconvertir en-dehors du blé et de l’élevage ovin. De nombreux
habitants de Ceduna vivent de l’aide sociale. Les taux de criminalité et de chômage y sont élevés. Une
proportion significative des élèves abandonnent leurs études avant la terminale et n’obtiennent pas les
qualifications qui leur permettraient de trouver un emploi, ce qui compromet leurs perspectives
d’avenir.
La zone couverte par le Conseil de district de Murat Bay compte le pourcentage d’aborigènes le
plus élevé de toutes les collectivités locales dans l’État d’Australie-Méridionale. Les aborigènes et
insulaires du détroit de Torrès représentent plus de 4 pour cent de la région desservie par le Conseil
régional ATSIC de Wangka Wilurrara, qui est élu directement par les indigènes vivant dans cette région
de 355 000 km2, contre 1.2 pour cent pour l’ensemble de l’Australie-Méridionale (ATSIC, 1994a, p. 259).
Irvine, président du Conseil de district de Murat Bay a expliqué que Ceduna avait accueilli de
nombreux aborigènes déplacés avant la réalisation des essais atomiques à Maralinga dans les
111
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
années 50. A l’école publique, 190 (soit 38 pour cent) des 500 enfants accueillis depuis la section
préscolaire jusqu’à la terminale sont des aborigènes. A l’école luthérienne, de la section préparatoire
jusqu’à la cinquième, le chiffre correspondant est de 60 pour cent. Dans les communautés aborigènes,
la notion de famille recouvre un groupe beaucoup plus large que dans la plupart des sociétés européennes. Ainsi, le terme de cousin peut désigner des parents très éloignés. Un enfant qui déménage
en cours d’année pour intégrer une partie de la famille élargie habitant dans une autre ville peut être
confronté à d’importants problèmes d’adaptation à la vie scolaire et sociale. De plus, les aborigènes de
la région ont des modes de vie variés, qui peuvent être traditionnels ou modernes. D’après l’ATSIC
(1994a) :
« De nombreux aborigènes et insulaires du détroit de Torrès se sentent mal à l’aise dans des
villes comme Ceduna et Port Lincoln et choisissent de regagner leur région natale pour échapper
aux problèmes sociaux auxquels ils sont confrontés en ville.
Dans la région, 11 pour cent d’entre eux sont propriétaires de leur logement ou en passe de l’être,
et 50 pour cent vivent dans des logements sociaux.
La fourniture de logements aux communautés/associations et aux personnes nouvellement installées sur leurs terres natales dans l’ensemble de la région de Ceduna reste une des priorités du
Conseil régional » (p. 259).
Coordination entre le Conseil de district de Ceduna et la communauté aborigène
112
C’est le bureau régional de l’ATSIC qui finance les services en faveur des aborigènes de la région
de Ceduna. L’Association pour le progrès en faveur des indigènes de la côte ouest (Far West Aboriginal
Progress Association – FWAPA) est l’instance locale par l’intermédiaire de laquelle l’ATSIC finance les
projets dans la ville de Ceduna. Les autorités fédérales et des États accordent également des aides
pour les projets ou personnes remplissant les conditions requises. Une part importante des recettes du
Conseil de district provient de subventions proportionnelles liées au nombre de personnes résidant
dans la région, aborigènes compris. En effet, en Australie, les aides financières sont réparties selon les
besoins. Sans coordination entre le Conseil de district, les organismes fédéraux et au niveau de l’État,
la FWAPA et les autres associations bénévoles et organisations aborigènes, il existe un risque réel de
répétition des efforts en direction de la communauté aborigène.
Pendant longtemps, de nombreux aborigènes nomades sont passés par Ceduna ou s’y sont arrêtés
quelque temps, et Irvine (1995) considère que leurs besoins n’ont pas été pris en compte. C’est aux
autorités locales qu’il incombe de trouver un logement temporaire aux personnes vivant en campement
ou de passage, et ce point est devenu une priorité du Conseil de district actuel, après une évaluation
réalisée à sa demande par des consultants extérieurs (Nicholas Clark and Associates, 1994). Les
recommandations sur le financement, la conception, la construction et la gestion d’un campement
municipal par le Conseil de district et la communauté aborigène sont actuellement en cours
d’application.
Le Conseil de district de Murat Bay est le seul d’Australie à avoir signé un accord avec la
communauté aborigène pour élaborer un plan commun de développement économique pour la région.
Lors de l’élaboration de programmes visant les mêmes problèmes ou populations, le Conseil de
district et le Conseil régional de l’ATSIC, ou sa filiale locale, la FWAPA, se penchent sur leurs ressources
financières mutuelles et se mettent d’accord sur des plans communs évitant la répétition des efforts et
des dépenses et permettant une gestion commune.
M. Lewis et L. Roussel ont eu la possibilité de rencontrer par deux fois tous les membres du
Conseil de district et le Coordonnateur du programme de prévention de la délinquance. Leur volonté
de réconciliation et de coordination avec la communauté aborigène était évidente. Ils ont discuté
ouvertement des conséquences du racisme dont les aborigènes ont été victimes de la part des
institutions. Ils ont exprimé leur souhait d’instaurer des relations plus ouvertes et plus justes d’un point
de vue social. Ils ont souligné combien l’évolution de la politique sociale envers les Australiens
indigènes décrite ci-dessus avait précipité des changements affectant directement la vie à Ceduna sur
le plan économique, social, éducatif, de la justice, et des services. Cette évolution de la politique
Partie I : AUSTRALIE
sociale ouvre également des perspectives nouvelles d’échanges mutuels et de coopération. Cependant, il est difficile de les concrétiser. Pour lancer le processus, le Conseil de district a pris l’initiative
de s’adresser aux chefs de la communauté aborigène. Malgré des réactions de rejet et de nombreuses
difficultés, ils ont persisté. Lorsqu’il leur a été demandé d’expliquer comment ils sont parvenus à
instaurer une planification commune avec la communauté aborigène, ils ont attribué le succès de leur
démarche à la qualité des relations établies avec les chefs locaux de cette communauté. Ils avaient
également l’impression que la presse locale n’était pas impartiale dans son évocation de certaines
questions liées aux initiatives du Conseil de district et aux aborigènes. Après « avoir été réprimandés »
(Irvine, 1995), les journalistes locaux ont changé de ton. Le Conseil a également suscité l’intérêt et le
soutien de l’ensemble de la communauté de Ceduna en diffusant un spot télévisé et en éditant une
série de cassettes vidéo sur les possibilités offertes par la région de Ceduna dans les domaines
économique et des loisirs dans un rayon de 1 500 km. Au lieu d’acteurs professionnels, ces films
mettaient en scène la population locale dans un tableau évoquant la richesse multiculturelle, les gens
et les ressources de la région. Ces films ont été projetés dans l’ensemble de l’Australie et ont contribué
à créer et conforter une image de soi positive pour cette communauté.
Le programme de prévention de la criminalité et le Réseau jeunesse mis en place par le Conseil
Le Conseil de district a également su tirer parti d’une autre initiative dynamique, le programme de
prévention de la criminalité mis en place par le ministère de la Justice d’Australie-Méridionale. Les
autorités locales ont la possibilité d’obtenir des subventions pour étudier les facteurs sous-jacents à la
criminalité et mettre en œuvre des stratégies pour les combattre. L’accent est mis avant tout sur la
prévention et un large éventail d’actions sont possibles : il peut par exemple s’agir d’initiatives de
développement local concernant l’ensemble de la population et permettant d’améliorer l’image de soi
de la collectivité et de contribuer à son essor économique, à la sécurité et à la justice sociale. Le
maintien de l’ordre par la population, une stratégie axée sur des interventions préventives, est
répandu en Australie-Méridionale. A Ceduna, le programme a démarré en 1990-91 avec la création d’un
Comité directeur sous les auspices du Conseil de district. Des courriers ont été envoyés aux présidents
des associations locales privées et publiques, les invitant à participer à l’élaboration d’une proposition
susceptible d’être subventionnée. Deux chercheurs qualifiés ont été engagés pour effectuer une étude
sur la façon dont le problème de la criminalité était perçu par la population, et dresser des statistiques
officielles sur le sujet. Un total de 296 groupes et individus ont participé au processus d’étude et aux
réunions publiques (Collins et Miller, 1992).
Les personnes interrogées considéraient que la lutte contre la criminalité passait par la prise en
compte de cinq aspects déterminants de la vie locale : les difficultés de la jeunesse, la violence
familiale, l’alcoolisme et la toxicomanie, l’éducation et l’acquisition de compétences pour lutter contre
le chômage, et le développement communautaire. Les statistiques disponibles révélaient que Ceduna
se situait au troisième rang pour la fréquence des mauvais traitements à enfants dans les zones
urbaines pour la division nord du FACS. Les chiffres sur la violence familiale en Australie-Méridionale
n’étaient pas disponibles. Le foyer pour femmes battues le plus proche est situé à 440 km, soit quatre
heures de route, de Ceduna. En 1990-91, le Centre de sobriété a accueilli 591 personnes, mais ne
dispose que de cinq lits, ce qui révèle le besoin urgent d’un centre de désintoxication à Ceduna.
D’après les statistiques officielles des services de police d’Australie-Méridionale pour 1990, Murat Bay
a un taux de délits violents supérieur à la moyenne pour l’ensemble de l’Australie-Méridionale (3 426.3
pour 100 000 habitants contre 1 076.1).
Il en est de même pour les délits concernant les biens (19 043.8 contre 11 035.2). Les mineurs
représentent 20 pour cent des inculpés pour coups et blessures et 47.6 pour cent des auteurs présumés
de délits contre des biens (Collins et Miller, 1992, p. 28).
Le processus de consultation de la population a permis de mettre en lumière les besoins suivants :
1) un lieu d’accueil pour des études surveillées destiné aux jeunes ne pouvant obtenir une aide aux
devoirs à la maison (une tentative avait été faite, mais avait échoué en raison de l’insuffisance des
moyens et de l’absence de motivation des élèves après une journée de classe) ; 2) un programme de
113
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
petit déjeuner à l’école ; 3) un centre d’hébergement/foyer pour les femmes et un service d’intervention
d’urgence pour les cas de violence conjugale et de mauvais traitements à enfant ; 4) un centre de
désintoxication/réinsertion ; 5) des programmes d’alphabétisation pour jeunes et adultes ; 6) un service
de conciliation ; 7) un renforcement des effectifs de police pour favoriser la communication avec
certains groupes ; 8) des services d’aide pour les victimes d’actes criminels ; 9) davantage d’informations inter-culturelles, d’interaction et d’intégration ; 10) une participation accrue des anciens dans des
actions auprès des jeunes pour apaiser leurs craintes mutuelles ; 11) des projets de soutien aux familles
pour l’éducation des enfants ; 12) une meilleure prise en charge des enfants par les parents ; 13) un
accès plus facile aux informations sur les responsabilités et droits parentaux ; 14) des logements pour
les jeunes sans abri ; 15) davantage de possibilités d’emploi pour la population dans son ensemble ;
16) des installations de loisirs pour les jeunes de moins de 18 ans ; 17) des services de transport pour
répondre aux besoins des jeunes ; 18) un meilleur éclairage public et davantage de cabines téléphoniques dans le quartier de logements sociaux (Collins et Miller, 1992).
Le Comité « Tous ensemble contre la criminalité » de Ceduna a été créé en mai 1991. Des comités
ont également été mis en place pour étudier les cinq domaines jugés prioritaires par la population. Ils
ont pour mission de définir des priorités pour le financement, de fournir des recommandations pour la
mise en œuvre de mesures, d’évaluer les résultats et de présenter des rapports d’avancement au
Conseil de district. En octobre 1991, des propositions concernant chacun des cinq domaines mentionnés ont reçu une aide du ministère de la Justice (250 000 dollars sur deux ans). Le Conseil de
district a engagé un responsable de la prévention de la criminalité pour gérer les activités des
programmes. En juin 1992, un responsable de projet aborigène a été recruté afin d’engager un processus de consultation auprès de la population aborigène. La lecture des divers ouvrages publiés dans le
monde entier concernant la prévention de la délinquance a révélé qu’une stratégie de développement
local était indispensable pour réussir dans ce domaine (Collins et Miller, 1992).
Le Conseil de district juge nécessaires une planification et une coordination accrues entre les
différents organismes pour la répartition des fonds accordés par diverses sources. Cela permettrait
d’éviter la répétition des efforts et le gaspillage des ressources, et ainsi de fournir de nouveaux
services. La mise en place du Réseau jeunesse de Ceduna est l’un des grands projets instaurés par le
Conseil de district et le Comité « Tous ensemble contre la criminalité ». L’ensemble des organismes de
la région travaillant auprès des jeunes ont été invités à un atelier sur les organismes et le travail social
en direction des jeunes qui s’est tenu le 2 novembre 1994. Cet atelier a attiré un nombre important
d’intervenants et a révélé leur volonté d’améliorer les services en faveur des jeunes à Ceduna. Suite à
cette rencontre, un Réseau jeunesse de Ceduna a été formé et a tenu sa première réunion le 30 novembre 1994. Il a le statut de Comité consultatif auprès du Conseil de district. Un protocole d’accord signé
entre le Conseil de district et le Comité du Réseau jeunesse énumère les termes de l’accord en vigueur
pour une durée de deux ans expirant au 31 janvier 1997. Le réseau a pour rôle et responsabilité de :
1) mettre en œuvre des projets en faveur des jeunes et rendre compte de l’utilisation des fonds
accordés ; 2) fournir aux particuliers et associations la possibilité d’exprimer leur intérêt et de participer
à l’élaboration et à la mise en œuvre de stratégies et de programmes au plan local ; 3) négocier avec les
organismes des accords de financement avec les bailleurs de fonds ; 4) orienter et soutenir le personnel
employé pour la mise en œuvre des projets retenus ; 5) fusionner les moyens et sources de financement en faveur des jeunes pour l’ensemble du district ; 6) améliorer les ressources et moyens de
communication disponibles pour les jeunes ; 7) servir de véhicule pour la recherche, l’obtention et la
gestion des fonds destinés à la formation des jeunes et à des projets communautaires ; et 8) fournir au
Conseil des rapports semestriels sur le financement et les résultats.
114
Le Conseil de district utilise le Réseau jeunesse comme un forum par l’intermédiaire duquel les
organismes partagent les informations sur les ressources dont ils disposent, leur mission, leurs objectifs, les lacunes, et dans le cadre duquel ils s’engagent à planifier de façon concertée leurs efforts et
leurs ressources, à éviter la répétition et à mettre en place de nouveaux services pour les jeunes. Les
organismes membres du réseau se sont engagés à respecter ce processus. Au départ, les autorités
scolaires de la région de Ceduna hésitaient à participer à une action nécessitant un tel degré d’ouverture et d’échanges, mais sont désormais partie prenante. Les membres du Conseil ont exprimé l’opi-
Partie I : AUSTRALIE
nion que nombre des problèmes de la communauté trouvaient leur origine à l’école de Ceduna et que
les installations scolaires étaient sous-exploitées. Le Réseau a donc décidé de mettre en place dans
l’enceinte de l’école un centre d’information pour les jeunes tenu par des responsables du réseau et
des bénévoles et ouvert entre midi et deux à compter du premier trimestre 1995. La nomination du
chef d’établissement n’est pas du ressort du Conseil de district, qui estime qu’étant donné l’importance de cette position pour la collectivité, les autorités locales devraient avoir leur mot à dire.
Les membres du Conseil de district considèrent que les jeunes n’ont pas suffisamment l’occasion
de définir leurs propres problèmes et les solutions à y apporter. Leur objectif à long terme est de créer
un mini-conseil des jeunes qui aurait un rôle consultatif auprès du Conseil. A l’époque de la visite, une
enquête venait d’être engagée auprès des jeunes de 13 à 19 ans, axée sur un questionnaire et des
entretiens.
Le rôle de la responsable de la prévention de la criminalité est d’assurer la liaison avec les
associations. Elle préside diverses réunions, en rédige le compte-rendu et publie un bulletin d’information. Elle planifie et met en œuvre divers projets et participe activement à ceux dirigés par d’autres.
Un projet particulièrement intéressant a été le premier camp « Surf Culture » de la côte ouest, financé
essentiellement par le Comité « Tous ensemble contre la criminalité ». Des leçons de surf et des
équipements ont été achetés auprès de Surf Culture Australia, un des principaux fournisseurs commerciaux de professeurs, d’entraı̂neurs et d’équipements de surf. Le FACS a fourni la nourriture, le matériel
de camping et quelques moniteurs. Un total de 19 jeunes, dont huit aborigènes au moins, y ont
participé. Suite à ce camp et à un autre organisé trois mois plus tard, trois jeunes aborigènes ont
présenté leur candidature, qui a été retenue, pour être intégrés à l’équipe open masculine de surf
d’Australie-Méridionale qui a concouru contre les équipes des autres États lors d’une compétition
annuelle Koori qui s’est déroulée à Wreck Bay en Nouvelle-Galles du Sud. Certains participants ont
exprimé leur intention de faire des stages de perfectionnement. Cette amélioration des compétences
et de l’intérêt suscité par le surf pourraient faire naı̂tre des vocations et créer des emplois à Murat Bay,
qui dispose de magnifiques plages adaptées à la pratique de ce sport. Les jeunes ont beaucoup appris
sur les questions de sécurité et de santé liées au surf. D’autres camps et compétitions interclubs sont
prévus. D’autres camps ont été organisés pour les enfants et jeunes de 8 à 15 ans, avec pour activités
principales la pêche, le football et la natation. Ils ont connu un certain succès. Un stage de trois jours,
avec hébergement, a également été organisé pour les filles, mettant l’accent sur la conscience de soi,
les relations, la résolution de conflits, la confiance en soi, la toxicomanie, l’alcoolisme, le sida et
diverses questions juridiques. De nombreuses autres activités de loisir ont été organisées, qui pourraient susciter des vocations. Un programme sur la violence familiale et un atelier sur la mise en place
d’un foyer pour femmes battues sont également à l’ordre du jour.
Le secteur éducatif à Ceduna
Le voyage à Ceduna prévoyait la visite du centre d’accueil préscolaire pour les enfants aborigènes
de 3 à 4 ans, géré par la FWAPA, du jardin d’enfants financé par l’État pour les enfants de 4 à 6 ans, de
l’école de Ceduna qui accueille les élèves du jardin d’enfants jusqu’à la terminale, et de l’école
luthérienne de Crossways, qui accueille les élèves depuis la section préparatoire (5 ans) jusqu’à la
cinquième. Le directeur de l’école luthérienne a été un de ceux qui nous ont accueillies. Son établissement est considéré comme un bon exemple de l’action susceptible d’être menée par une école privée
qui prend à cœur la mission d’intégration et de réconciliation avec les aborigènes et qui est devenue
l’un des moteurs de la communauté. Les enfants aborigènes peuvent effectuer leur scolarité primaire
au sein de leur communauté mais doivent venir à Ceduna pour suivre des études secondaires. Les
autorités assurent le transport par bus depuis les communautés avoisinantes. Nous avons également
visité l’Institut Spencer de formation technique et continue de Ceduna.
Centre d’accueil préscolaire aborigène : Nous avons eu un entretien avec la directrice et visité les locaux
en dehors des heures de cours. Le centre a été créé il y a 20 ans par des parents aborigènes sous les
auspices de la FWAPA. Il est financé pour l’essentiel par cette dernière, qui ne rémunère cependant
pas la directrice. Mme Armstrong préférerait un comité de gestion composé de parents en lieu et place
115
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
de l’actuel conseil d’administration. Elle est elle-même aborigène, issue d’une communauté installée
dans une autre région du pays et a une formation d’enseignant du primaire. Elle travaille avec une
assistante. Les livres et le matériel sont fournis par le DEETYA. Le centre accueille des enfants de 3 à
4 ans. Au moment de la visite, 21 étaient inscrits, et une quinzaine venaient une demi-journée, quatre
jours par semaine. L’objectif principal du centre est de socialiser les enfants aborigènes dans un
environnement imprégné de culture et de langue aborigènes et de les préparer à entrer au jardin
d’enfants classique. Un autre objectif est la préservation de la langue aborigène.
Jardin d’enfants : Le centre pour les enfants de Murat Bay est un jardin d’enfants financé par les
autorités et dont la fréquentation est facultative. Nous avons eu un entretien avec les deux codirecteurs, dont l’un est aborigène. Ils nous ont donné l’impression de travailler en harmonie. Le budget du
centre varie en fonction du nombre d’enfants inscrits au cours du trimestre précédent. Les codirecteurs
ont une formation de directeur, et les deux autres employés ont une formation de professionnels de la
petite enfance qui leur permet de travailler auprès d’enfants de 0 à 8 ans. L’établissement est
considéré comme prioritaire par les autorités et bénéficie donc de subventions plus importantes.
Cependant, le comité local de gestion bénévole doit trouver un financement pour le budget de
fonctionnement, qui est en partie assuré par la participation financière des parents. La FWAPA organise
le transport, qui est commun avec celui de son centre d’accueil. Certains enfants venant de l’extérieur
profitent des transports scolaires publics. Le centre abrite également des services de santé pour les
aborigènes et dispense des soins dentaires aux enfants scolarisés. Le nouveau ministère de l’Éducation
et des Services à l’enfance d’Australie-Méridionale étant maintenant responsable des jardins d’enfants,
il faut s’attendre à un partage plus systématique des ressources avec les écoles publiques de la région.
Les codirecteurs ont expliqué que leurs principaux problèmes sont la gestion optimale de la diversité
culturelle et la paperasserie exigée par les organismes publics, pour qui la flexibilité est inconnue.
Ceduna est si éloignée des autres régions habitées d’Australie-Méridionale que le partage des ressources est une absolue nécessité. La formation en service du personnel est considérée comme une
priorité et les employés participent à un groupe de formation en service inter-organismes dans le cadre
d’un partage des ressources. Des intervenants extérieurs sont venus débattre de sujets tels que le
racisme, le développement social, les services éducatifs, sanitaires et sociaux, l’obligation de signaler
les cas de maltraitance, les comportements surprotecteurs et les services de santé.
Les 62 enfants inscrits sont répartis en trois groupes. Le premier vient quatre matinées par
semaine et les deux autres, deux journées complètes. Le fonctionnement est centré sur les enfants,
dont on reconnaı̂t la diversité culturelle, le droit à la différence dans les procédures d’apprentissage et
l’origine socio-économique. Certains sont des enfants d’agriculteurs, qui viennent en car, d’autres sont
issus de la communauté grecque de Ceduna. La moitié environ sont des aborigènes nomades dont les
besoins fondamentaux n’ont pas été satisfaits. Le personnel du centre travaille en coordination avec la
garderie et le centre de jour pour les familles sur les questions d’encadrement des comportements, car
certains enfants fréquentent à la fois le jardin d’enfants et la garderie.
Le taux d’encadrement est de un pour dix. Les familles habitant dans un rayon de 300 km peuvent
utiliser le centre et ses services mobiles, dont une ludothèque. Les services mobiles sont plus
particulièrement destinés aux familles isolées et servent à intervenir précocement auprès d’enfants
handicapés ou ayant des besoins spéciaux. Il y a également une halte-garderie gérée par les parents
pour les enfants de 0 à 6 ans. A l’occasion, le jardin d’enfants peut assurer la prise en charge d’un enfant
en situation d’urgence. La coordination avec le FACS est indispensable dans les cas de négligence ou
de maltraitance.
116
Des programmes de transition ont été élaborés pour les enfants et leurs familles afin de préparer
l’entrée à l’école luthérienne ou à l’école de Ceduna. Ils prévoient des réunions regroupant le personnel du jardin d’enfants, celui de l’école primaire, les parents, une aide pour les inscriptions, le partage
d’informations et l’organisation de visites des écoles pour les enfants. L’école luthérienne emploie un
responsable de la transition qui est chargé de mettre en œuvre une série de mesures et une stratégie
visant à encourager les parents à prendre une part active dans l’entrée de leur enfant à l’école. La
planification de la transition pour un enfant avec des besoins particuliers commence très tôt. Le bon
Partie I : AUSTRALIE
déroulement de cette étape délicate peut nécessiter l’intervention d’une équipe de spécialistes et
d’un conseiller d’orientation.
École luthérienne de Crossways : Le directeur de cet établissement a fait son credo de la réconciliation
avec les aborigènes. Depuis son arrivée, la proportion d’élèves aborigènes dans l’école est passée à
60 pour cent du total. Le programme d’études a été modifié pour prendre en compte la diversité des
procédures d’apprentissage, et met l’accent sur l’expérimentation, l’observation et l’émulation. Le
programme doit être culturellement ouvert et inclut des séances d’étude de l’histoire des aborigènes
pour tous. Le directeur est convaincu que la présence de nombreux élèves aborigènes a suscité un
nouvel élan dans la communauté. Selon la philosophie de l’école, chaque enseignant doit avoir
rencontré la famille de chacun de ses élèves. S’il le souhaite, il peut être accompagné d’un aborigène
lors de ses visites. Les parents aborigènes se rendent maintenant plus fréquemment à l’école que par
le passé, et visitent même les classes. L’établissement de liens étroits avec le service de santé des
aborigènes a abouti à l’élaboration d’un programme permettant à chaque enfant aborigène une visite
médicale réalisée par un médecin aborigène, avec l’autorisation des parents. Cette mesure est considérée comme un pas de plus vers l’intégration sociale. En liaison avec le programme local d’emplois pour
le développement communautaire (CDEP), le directeur a pu recruter six personnes travaillant deux
jours par semaine dans son établissement, ces personnes étant rémunérées par le CDEP, elles ne
coûtent rien à l’école. Ce personnel supplémentaire a su apporter de nouvelles compétences et des
capacités diverses – artistiques par exemple – dans son travail auprès des enfants. Certains se sont
même proposés pour travailler plus de deux jours par semaine.
Le budget annuel de l’école luthérienne de Crossways s’élève à 430 000 dollars. Comme toutes les
écoles privées en Australie, elle reçoit un soutien des autorités fédérales et de l’État. De plus, elle
perçoit des droits d’inscription annuels s’élevant à 400 dollars par enfant, avec un tarif dégressif pour le
deuxième et le troisième enfant. Si un enfant bénéficie de l’aide sociale, l’école obtient une allocation
couvrant une partie des frais et des fournitures scolaires, ce qui ramène la participation des parents à
100 dollars. Plus de 50 pour cent des enfants accueillis à l’école de Crossways sont dans ce cas.
L’association des parents d’élèves et amis de l’école participe également à la collecte de fonds pour
des projets spécifiques. Il existe également un programme de sensibilisation des parents et d’aide aux
élèves aborigènes qui accorde 200 dollars par enfant pour les activités. Ces contributions volontaires ne
sont pas intégrées au budget de l’école, mais elles ont permis l’achat d’ordinateurs et l’organisation
d’excursions pour les enfants.
Les chefs d’établissement de la région ouest se réunissent deux fois par trimestre pour discuter de
leurs programmes, échanger des idées, partager des programmes de formation en service et certains
équipements. De plus, toutes les écoles de la région ont acheté un bus en commun pour les excursions
et classes de découvertes des enfants. Le directeur est également en relation avec le Conseil de
district et le Comité « Tous ensemble contre la criminalité ». Il est arrivé que des enfants d’une dizaine
d’années soient responsables de petits délits et il considère que les actions préventives menées par
ces deux organismes peuvent être utiles à son établissement. Les besoins élémentaires de nombreux
enfants accueillis à l’école de Crossways ne sont pas résolus, ils sont souvent confrontés à des
problèmes familiaux, et le directeur souhaiterait multiplier les actions en coordination avec les organismes et programmes de services éducatifs, sanitaires, sociaux et familiaux.
Ceduna Area School : Cet établissement accueille les élèves depuis le jardin d’enfants jusqu’à la
terminale. Sur les 500 enfants inscrits, 190 (soit 38 pour cent du total) sont aborigènes. L’école a mis en
place une équipe éducative aborigène composée de deux enseignants et de trois éducateurs. Une
sixième personne est chargée des relations avec les familles. Ces personnes jouent le rôle de modèles
pour les enfants aborigènes. Une des missions de l’équipe consiste à garder le contact avec les élèves
qui quittent l’école. L’absentéisme est parfois lié à la culture aborigène : en effet, il arrive que les
familles aborigènes soient nomades ou envoient leurs enfants vivre ailleurs avec un parent en cours
d’année scolaire sans en notifier l’école. En conséquence, dans le cadre de leurs responsabilités, les
écoles doivent mettre tout en œuvre pour les retrouver et faciliter leur adaptation à un nouvel
environnement éducatif. Le directeur adjoint que nous avons interrogé a déclaré que l’établissement
était une des douze écoles australiennes ayant reçu des subventions pour élaborer des projets
117
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
éducatifs pour les jeunes à risque en tenant compte de leurs aspirations. Des efforts sont en cours pour
obtenir une aide financière afin de créer un programme scolaire pour les élèves nomades, qui suivrait
les jeunes aborigènes dans tous leurs déplacements. La plupart des projets éducatifs sont élaborés par
l’institut local de formation technique et continue, car il est clair que les élèves ne pourront pas suivre
une scolarisation normale. Quelques élèves au comportement perturbateur sont également concernés
par ces projets éducatifs. D’autres ont des résultats insuffisants qui ne leur permettraient pas de passer
dans la classe supérieure, et abandonneraient leurs études s’ils n’avaient pas une autre possibilité.
Dans ces cas, le personnel de l’établissement négocie avec les élèves et leur famille pour les convaincre qu’il est préférable pour eux de suivre une formation correspondant à leurs compétences à l’institut
de formation technique et continue. L’élaboration de certains de ces projets éducatifs nécessite un
travail en collaboration avec d’autres organismes ou des entreprises pour un programme de formation
en alternance.
Institut de formation technique et continue (TAFE) : Le Spencer Institute de Ceduna est l’un des 287 instituts de formation technique et continue que compte le pays. Les programmes d’études proposés
concernent les domaines suivants : commerce, enseignement aborigène, services éducatifs, sanitaires
et sociaux, mécanique, alphabétisation des adultes. La mise au point du programme d’éducation
aborigène s’est faite par le biais de consultations avec diverses associations aborigènes et organismes
publics. Les méthodes pédagogiques sont adaptées pour permettre l’élaboration de programmes
d’études correspondant aux intérêts et aptitudes des élèves. L’institut accueille environ 350 étudiants
par an, dont une part importante à temps partiel seulement. Le personnel est composé de six à sept
enseignants à temps plein, mais de nombreux spécialistes viennent y assurer des cours dans des
domaines spécifiques. Le personnel non enseignant est composé d’un conseiller d’orientation, d’un
bibliothécaire à temps partiel, d’un concierge et d’un réceptionniste.
118
En partenariat avec la Ceduna Area School, un programme spécial de formation professionnelle
(Special Initiative Vocational Training Programme – SIVTP) a été mis au point pour les jeunes qui
refusent de poursuivre leurs études dans un établissement scolaire. Il a bénéficié d’aides financières
ou en nature du DEETYA, du Comité local de prévention de la criminalité, de l’Institut de formation
technique et continue, de la Ceduna Area School, du programme d’accès rural, de Kickstart (un
programme de l’État d’Australie-Méridionale destiné aux jeunes chômeurs), et de divers organismes
locaux. Le financement était assuré pour douze mois et de nouvelles aides seront nécessaires pour la
poursuite du programme qui est considéré comme un succès. Le SIVTP est dirigé par un Comité de
gestion de cinq personnes représentant l’institut de formation technique et continue, le programme de
prévention de la criminalité, la Ceduna Area School, les Services à la famille et à l’enfance, le DEETYA
et une enseignante/coordinatrice. Celle-ci est chargée d’encourager les initiatives entre condisciples,
de suivre chaque élève personnellement, de prodiguer à tous encouragements, conseils et aide, ainsi
qu’un soutien scolaire. Depuis la mise en place du programme en mai 1994, 27 jeunes en ont bénéficié.
Six d’entre eux ont obtenu un emploi à temps plein ou partiel. Six ont poursuivi leurs études pour
passer le certificat de fin d’études secondaires d’Australie-Méridionale (South Australia Certificate of
Education – SACE). Douze n’ont pas encore terminé le programme. Pour trois autres, l’avenir est
incertain. La majorité d’entre eux étaient au chômage et avaient interrompu leurs études lorsqu’il leur a
été proposé de suivre le SIVTP. Bien que le programme ait été conçu à la fois pour les aborigènes et les
autres, aucun élève aborigène ne s’est inscrit, d’où une certaine déception des responsables. De
même, en raison des difficultés à faire garder les enfants, peu de filles en ont profité. Au début du
programme, des objectifs à court terme, plutôt qu’à long terme, sont définis avec les élèves en fonction
de leurs aptitudes. Ils sont davantage considérés comme des adultes que comme des adolescents et
l’on attend d’eux qu’ils se prennent en charge et assument leurs responsabilités. Le fait de suivre des
études dans un établissement fréquenté par des adultes, comme c’est le cas de l’institut de formation
technique et continue, semble motivant à certains d’entre eux qui ne se plaisaient pas à la Ceduna
Area School. Le programme d’études comporte un certain nombre d’activités concrètes qui obligent les
élèves à s’intéresser à la vie active, à élaborer des projets précis, à entreprendre des démarches de
recherche d’emploi, à acquérir les compétences nécessaires à un entretien d’embauche et à redécouvrir l’écrit. Le programme comporte également des cours traditionnels, et des épreuves de rédaction et
Partie I : AUSTRALIE
de lecture. Les six premières semaines, le programme était le suivant : informatique, mécanique
automobile légère, communication, éducation au choix, compétences méthodologiques. Les élèves
avaient également la possibilité de passer un brevet de secourisme. Ensuite, ils ont été encouragés à
choisir les matières utiles pour la carrière qu’ils envisageaient. Certains ont sélectionné des modules
du programme d’études commerciales ou de services éducatifs, sanitaires et sociaux. D’autres ont opté
pour l’action sociale, la sécurité et l’hygiène en milieu professionnel, l’esthétique, la couture, la
menuiserie, les mathématiques ou l’horticulture. Les cours d’informatique se sont poursuivis tout au
long de l’année, et étaient essentiellement axés sur l’utilisation de traitements de textes et de tableurs,
et la gestion de base de données. Au cours du dernier trimestre, deux modules étaient proposés. L’un
concernait la restauration, et était assuré par un professionnel dans un bar-restaurant. Le second était
constitué de cours achetés auprès du Conseil de formation du commerce de détail et concernait les
relations avec la clientèle et services aux clients. Le directeur de l’institut a attribué le succès de cette
première année aux efforts déployés par le Comité de direction en matière de gestion, d’engagement
et de résolution de problèmes, et aux qualités personnelles et d’organisation de la coordinatrice. Il
estimait que le principal obstacle à la coordination des efforts en faveur des jeunes à risque est la
politique sociale ou la façon dont elle est administrée. D’après lui, la souplesse est indispensable pour
élaborer des plans d’études pour les jeunes à risque qui ont abandonné leurs études ou sont susceptibles de le faire. Si les autorités souhaitent mettre en place un système sans faille de prestations et de
services pour répondre aux besoins de chacun, dans la réalité, les démarches administratives sont
tellement contraignantes qu’il est très difficile d’adopter une approche globale et de fusionner les
subventions ayant des objectifs similaires. Par exemple, AUSTUDY, un programme fédéral d’aide aux
étudiants, est destiné avant tout aux étudiants à temps plein, ce qui risque de desservir les jeunes à
risque, pour qui un programme d’études à temps partiel ou personnalisé est souvent mieux adapté. Il a
fallu négocier avec acharnement auprès des autorités compétentes pour obtenir la permission d’utiliser
ces fonds pour les programmes d’études individualisés mis en œuvre par l’Institut de formation
technique et continue. Le directeur a indiqué que parfois les autorités locales ont pu obtenir des fonds
pour l’institut quand celui-ci ne pouvait le faire directement. Le rôle de coordination joué par l’actuel
Conseil de district a permis de rapprocher l’institut d’autres organismes travaillant auprès des jeunes.
RÉSUMÉ ET CONCLUSION
Un thème récurrent lors de notre visite en Australie-Méridionale a été l’objectif de justice sociale
en faveur des adolescents qui interrompent leurs études secondaires ou sont susceptibles de le faire.
Les programmes du gouvernement fédéral en matière d’équité, d’aide financière, de logement et
projets ciblés constituent un matelas permettant de répondre aux besoins essentiels des jeunes dont
le handicap est lié à la pauvreté, à la discrimination, à l’absence d’ouverture du système vers les autres
cultures et à divers autres facteurs sur lesquels les jeunes eux-mêmes n’ont aucun pouvoir. Les
autorités fédérales ont été chargées par le peuple australien de coordonner les politiques de l’éducation, de l’emploi et de la formation en rapport avec la gestion du marché du travail. Dans certaines
régions, le taux de chômage des jeunes est très élevé. Le fait que les autorités fédérales élaborent un
si grand nombre de mesures et de programmes destinés spécifiquement aux jeunes en difficulté est
emblématique de l’engagement de la nation tout entière. Les YAC, placés sous la tutelle des Services
de l’emploi du Commonwealth, ont pour mission de coordonner les services en direction des jeunes au
niveau local. Leur succès dépend néanmoins de la coopération entre les autorités locales et de l’État et
les autres organismes privés et publics. Les qualités de leadership et de coordination des responsables des Services de l’emploi du Commonwealth et du personnel des YAC constituent un autre
élément déterminant. Il n’y a pas d’exigences spécifiques concernant les qualifications requises pour la
gestion des dossiers dans les YAC. Les domaines d’intervention des YAC visités présentaient une
grande diversité. Certains mettent l’accent sur la gestion individualisée des dossiers, c’est-à-dire
l’intégration des services au niveau individuel. Le YAC de Salisbury axait ses efforts sur la planification
et la coordination avec les entreprises et les autres organismes éducatifs ou services éducatifs, sanitaires et sociaux pour résoudre les problèmes de fond des jeunes. Un tel objectif nécessite de consacrer
du temps à l’analyse et à la compréhension du marché du travail local, de façon à proposer, sur un
119
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
120
mode systématique, des services et programmes spécifiques aux entreprises et aux écoles afin
d’encourager l’emploi des jeunes.
Les responsables des organismes fédéraux doivent viser les mêmes objectifs pour que les programmes ciblés élaborés par Canberra permettent de lutter contre les inégalités dans le domaine
éducatif. De plus, les autorités des États doivent suppléer aux programmes fédéraux. Le gouvernement
d’Australie-Méridionale au plus haut niveau a proposé ce type d’engagement dans son initiative de
1987 destinée à encourager l’intégration des services pour les jeunes d’âge scolaire ayant de sérieux
problèmes sociaux et de comportement. Le rapport Stratmann (1988) a émis des recommandations en
direction des grands services administratifs chargés des mesures concernant les jeunes. Les autorités
d’Australie-Méridionale ont également fourni les moyens d’appliquer la plupart de ces recommandations dans le cadre de son budget en faveur de la justice sociale.
Des procédures d’orientation inter-organismes (IRP) ont été soigneusement élaborées et mises en
œuvre pour faciliter un travail multidisciplinaire et inter-organismes auprès des jeunes et de leur
famille ayant besoin des services de deux grands organismes publics ou plus. Les entretiens avec des
cadres administratifs moyens et le personnel en contact avec les clients travaillant dans le cadre de
l’IRP témoignent d’une compréhension clinique approfondie des problèmes des bénéficiaires et d’un
respect mutuel pour les compétences professionnelles des autres. Ces personnels ont également
prouvé leur capacité à répartir différemment les responsabilités pour gérer les dossiers des jeunes en
difficulté et de leur famille de façon à améliorer les possibilités d’intervention définies par la loi et
susceptibles d’être facilitées par des relations professionnelles efficaces, tout en respectant les droits
des jeunes et de leurs parents. Ils ont exprimé leur enthousiasme pour le système, mais également leur
volonté de le pérenniser, de l’améliorer et d’étendre son champ d’action.
Une caractéristique notable de l’Australie-Méridionale est que le secteur éducatif a prouvé sa
capacité à organiser et à consacrer des ressources importantes pour soutenir l’intégration des services.
Au sein des établissements, ce sont généralement des personnels enseignants qui assurent l’action
sociale en direction des jeunes, mais l’Australie-Méridionale est un État où le secteur éducatif reconnaı̂t
la nécessité de faire intervenir d’autres organismes et professions pour maintenir certains jeunes dans
le système scolaire. Le ministère de l’Éducation et des Services à l’enfance considère également les
innovations pédagogiques comme indispensables pour en finir avec les attitudes discriminatoires
sexistes et racistes, favoriser la tolérance vis-à-vis des autres cultures et réaliser les objectifs de justice
sociale.
L’intégration des services et la réconciliation avec les Australiens aborigènes ont constitué un autre
thème majeur de l’étude de cas sur l’Australie-Méridionale. Les questions associées à ces deux thèmes
ont été soulevées dans chacun des sites visités, mais c’est surtout à Ceduna, une petite ville isolée de
la côte ouest de l’État, qu’elles constituent une priorité pour les autorités locales. Le Conseil de district
de Murat Bay y a entrepris une intégration des services fondée sur le développement communautaire.
La région placée sous la responsabilité de ce Conseil abrite le pourcentage d’aborigènes le plus élevé
de toutes les collectivités territoriales d’Australie-Méridionale. Le plan économique local élaboré avec
la communauté aborigène est devenu un projet d’importance nationale. Le travail accompli par le
Conseil est étudié lors de conférences réunissant les responsables de collectivités locales et constitue
un modèle qui pourrait être adopté par d’autres villes. La coopération et les efforts d’intégration des
services avec les associations aborigènes étaient manifestes dans plusieurs domaines essentiels au
bien-être de la population locale, c’est-à-dire le logement, la lutte contre l’alcoolisme et la toxicomanie,
l’éducation à tous les niveaux, les loisirs, le maintien de l’ordre et la prévention de la criminalité. Des
efforts de coordination ont été entrepris au niveau de la planification financière pour maximiser les
possibilités d’utilisation des aides versées au Conseil de district, à diverses organisations et aux
associations aborigènes. Il s’agit là de stratégies prometteuses qui sont indispensables pour réaliser
une intégration efficace des services.
La politique australienne en faveur des jeunes a fait son chemin jusqu’à ce coin perdu de la côte
ouest. Ce Conseil de district est le premier à mettre en place un Réseau jeunesse regroupant des
représentants de tous les organismes travaillant auprès des jeunes dans le district, et qui joue le rôle
de consultant officiel auprès du Conseil et qui a été chargé de coordonner les services en direction des
Partie I : AUSTRALIE
jeunes pour une période de deux ans. Une approche efficace du développement communautaire a été
adoptée lors du processus de mise en place du réseau. Tout d’abord, la communauté a été consultée
par une enquête visant à établir la perception des besoins. Le Conseil s’est appuyé sur les résultats
pour mettre en place cinq comités de travail distincts chargés d’élaborer des plans pour répondre aux
besoins identifiés dans les principaux domaines. Le Comité de la jeunesse est devenu le Réseau
jeunesse. Les quatre autres instances sont en cours de développement. La réussite dans les autres
domaines permettra également d’améliorer la vie quotidienne des jeunes. Pendant les entretiens et
visites à Ceduna, la cohésion et la fierté nées de ce projet sont apparues clairement.
121
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
RÉFÉRENCES
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122
Partie I : AUSTRALIE
NOUVELLE-GALLES DU SUD
INTÉGRER LES SERVICES POUR TRAITER UN LARGE ÉVENTAIL
DE PROBLÈMES, DEPUIS LA MAUVAISE CONDUITE
JUSQU’A LA VIOLENCE CRIMINELLE
par
Richard Volpe et Philippa Hurrell
INTRODUCTION
En Australie, la situation économique et politique actuelle impose une réduction et une privatisation des services de l’État. Comme dans d’autres pays Membres de l’OCDE, ce sont les services en
direction de l’enfance et de la jeunesse qui sont les premiers touchés en cas de restrictions budgétaires. Lorsque l’équilibre budgétaire devient une priorité pour les autorités, ce sont la santé, l’éducation et l’action sociale qui sont menacées. L’intégration des services sociaux se généralise dans le
monde entier et constitue pour les décideurs australiens un moyen permettant à la fois d’améliorer les
services et de réaliser des économies. On trouvera ci-après une évaluation descriptive de huit programmes publics de services en direction des jeunes mis en place en Nouvelle-Galles du Sud et ayant
reçu la visite de l’équipe de l’OCDE.
SITUATION GÉNÉRALE
En Australie, les politiques régissant la fourniture de services aux familles et enfants sont du
ressort des six États et deux territoires autonomes qui sont représentés au parlement bicaméral, à
Canberra. Chaque État possède des domaines réservés sur lesquels il exerce sa souveraineté ainsi
qu’une Constitution propre, élit un gouverneur et un parlement et dispose d’un pouvoir exécutif et
judiciaire. La constitution australienne prévoit un système parallèle au niveau fédéral (judiciaire,
législatif, exécutif). Bien que compétent concernant le divorce, le mariage et la sécurité sociale, le
niveau fédéral ne peut voter les lois ayant trait à l’enfance, domaine dans lequel la législation des États
a prééminence sur celle de l’État fédéral. La plupart des mesures relatives à l’enfance (santé, éducation
et action sociale) sont donc élaborées par les États, de sorte qu’il existe de nombreuses différences
dans les pratiques, la réglementation et l’organisation des services d’un État à l’autre. Le lieu de
résidence d’un enfant est important puisque les services sont administrés par des lois, organismes et
programmes relevant des États et qu’il n’existe aucune politique nationale de l’enfance. Cependant,
lorsque des programmes nationaux se révèlent indispensables, les australiens savent tirer parti des
lois fédérales pour proposer un large éventail de services à la jeunesse, ce qui est vrai notamment dans
le domaine de l’emploi des jeunes. Contrairement à de nombreux pays du monde qui offrent aux
jeunes des services traditionnels dans le cadre de programmes distincts de santé, d’éducation et
d’action sociale, l’Australie a adopté une approche globale et relie aux services pour l’emploi les
actions dans les domaines de la santé mentale, la prévention du suicide, l’éducation sexuelle, la lutte
contre la toxicomanie, le rattrapage scolaire et la réinsertion des délinquants.
D’après le dernier recensement officiel, en 1993, l’Australie comptait 17.6 millions d’habitants. La
Nouvelle-Galles du Sud en est l’État le plus riche et le plus peuplé (près de 5 millions d’habitants).
Comme dans le reste du pays, l’essentiel de la population vit le long du littoral. Les exemples donnés
ici concernent Sydney, première ville de l’État, et Newcastle, ville minière (charbon) et port important.
123
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
Ces deux villes sont durement frappées par une récession qui maintient le chômage à des niveaux sans
précédent depuis 1990.
Un rapport sur la répartition de la richesse en Australie rédigé en 1992 par les évêques de l’Église
catholique a attiré l’attention du pays sur les conséquences de la récession et la pauvreté qu’elle
entraı̂nait pour les familles et les enfants. Ce rapport concluait que l’Australie était devenue le moins
égalitaire des pays occidentaux (Australian Catholic Bishops, 1992).
La nature des facteurs de risque touchant les jeunes dans l’ensemble de l’Australie fait l’objet
d’une littérature abondante. La Fondation pour la jeunesse australienne concluait dans son rapport
« Une génération perdue » (« A Lost Generation ») (1994) que plus d’un demi-million de jeunes âgés de
15 à 24 ans vivaient en marge de la société australienne, sans exercer d’emploi ni poursuivre des
études à temps plein. Le taux de suicide des jeunes australiens est le plus élevé du monde : près de
2 000 jeunes se donnent la mort chaque année, et ils sont beaucoup plus nombreux à tenter de le faire.
On dénombre 40 suicides par semaine, soit six par jour, ou un toutes les quatre heures. Le taux de
suicide chez les jeunes de 14 à 19 ans a progressé de 600 pour cent au cours des 25 dernières années,
et le suicide est devenu la première cause de mortalité chez les jeunes, avant les accidents de la route.
La toxicomanie est également un problème grave et la moitié des consommateurs de drogues illicites
ont moins de 20 ans. La jeunesse australienne est décrite comme découragée et profondément
désespérée. Avec ses régions au tissu urbain très dense, la Nouvelle-Galles du Sud est surreprésentée
dans ces chiffres. Les problèmes de santé mentale des jeunes sont également plus marqués au sein de
l’importante population aborigène vivant dans cette région.
Le chômage des jeunes est considéré comme l’un des principaux facteurs de risque : 40 pour cent
des chômeurs sont des jeunes de moins de 25 ans. D’après l’Australian Youth Foundation (1995), le
chômage est le problème numéro un des jeunes : il faudrait aux 15-24 ans en moyenne 20 mois pour
trouver un emploi et lorsqu’ils en trouvent un, il est souvent mal payé, sous-qualifié et précaire. Le
Centre d’études sur le travail de l’Université d’Adélaı̈de prévoit que d’ici l’an 2000, il n’y aura pas
d’emploi à temps plein pour les jeunes de moins de 19 ans.
Bien que la croissance ait connu un léger sursaut au début de l’année 1994 (le chômage est passé
du niveau record de 11.4 à 9.4 pour cent), le pays reste frappé par une grave crise économique et
compte trois millions de demandeurs d’emploi. Le chômage des jeunes se situe autour de 25 pour
cent. Reconnaissant l’ampleur de la crise, les autorités australiennes ont publié un livre blanc sur
l’emploi et la croissance, qui fait date. Ce document, intitulé « Une nation au travail » (« Working
Nation », 1994), propose un plan d’action sur quatre ans, avec un budget de 6.5 milliards de dollars
australiens, afin de ramener le taux de chômage à 5 pour cent d’ici à l’an 2000. Des programmes ont été
mis en place pour résoudre les problèmes du chômage de longue durée et de la formation des jeunes.
Dans le cadre des efforts de formulation et d’application des mesures concernant une stratégie
nationale pour l’équité à l’école (National Strategy for Equity at School) (Ministerial Council of Education, Employment, Training and Youth Affairs, 1994), les autorités ont accordé la priorité à une série
d’objectifs et de mesures qui reflètent l’engagement à long terme de l’Australie à traiter les causes
économiques et sociales de l’échec scolaire. Les programmes issus de cette réflexion et d’autres
initiatives plus récentes sont de nature globale. De plus, ils ont abouti en 1994 à la mise en place par
les autorités d’un Programme de justice sociale en faveur des jeunes (Youth Social Justice Strategy –
YSJS) qui vise plus particulièrement à assurer la coordination entre les projets et services locaux et
fédéraux afin d’améliorer les résultats scolaires des enfants et adolescents à risque. Ce programme
propose un large éventail de services aux jeunes : logement pour les sans-abri, soutien au revenu, aide
à la recherche d’emploi, éducation, santé, information et conseil. Ces mesures ont permis, dans
plusieurs cas, une intégration réussie, fondée sur des réseaux de communication locaux et l’action des
prestataires au niveau local en vue de coordonner les services en direction des jeunes.
POLITIQUES ET STRUCTURES ÉDUCATIVES FÉDÉRALES ET DE L’ÉTAT
124
D’après la constitution, l’éducation et la formation sont du ressort des États et territoires. Cependant, les autorités fédérales, responsables du développement économique du pays, jouent un rôle non
Partie I : AUSTRALIE
négligeable dans ce domaine. L’enseignement est réparti en trois secteurs : les écoles primaires et
secondaires (publiques et privées), la formation professionnelle et l’éducation permanente, dispensées pour l’essentiel dans des instituts de formation technique et continue (TAFE), et les universités.
Nombre des mesures concernant directement l’enfance et la jeunesse sont mises en oeuvre dans
le cadre du système éducatif. Les écoles de la Nouvelle-Galles du Sud accueillent un tiers du total des
effectifs du pays dans le secondaire et le primaire. Le ministère de l’Éducation de la Nouvelle-Galles
du Sud met en oeuvre la plupart des mesures élaborées par les autorités fédérales ou au niveau de
l’État. Les objectifs fixés par l’État pour les écoles publiques et privées témoignent, comme dans de
nombreuses régions du monde, de l’intérêt particulier porté à de nombreux aspects : les résultats, la
responsabilité, l’assurance-qualité, l’équité, la réforme des programmes et l’intégration des élèves
ayant des besoins particuliers (Ministerial Council of Education, Employment, Training and Youth
Affairs, 1993). Les échanges avec la communauté et la participation de celle-ci sont implicitement
considérés comme un moyen d’améliorer l’efficacité de l’école et de faciliter la collaboration entre les
établissements scolaires et les services d’aide à l’enfance. Par hasard, les deux écoles mentionnées ciaprès faisaient l’objet d’un audit d’assurance-qualité lors de la visite de l’équipe de l’OCDE. Il a été
intéressant de constater que l’un des critères d’évaluation était l’efficacité des personnels dans les
actions menées en concertation avec les autres organismes locaux. Cependant, il n’a été fait référence à
aucune disposition locale sur l’intégration des services. De plus, les avantages potentiels de l’intégration des services n’ont pas non plus été évoqués lors des discussions sur les élèves ayant des besoins
spéciaux ou confrontés à des difficultés socio-économiques.
Intégration des services en direction des jeunes
Le ministère fédéral de l’Emploi, de l’Éducation, de la Formation et de la Jeunesse (DEETYA) tente
de fournir des services complets intégrés et coordonnés dans le cadre d’un projet baptisé « réseau
pour la jeunesse » (Youth Network), qui vise à relier les services fournis par trois ministères fédéraux :
le ministère de la Santé, du Logement, des Collectivités locales et des Services communautaires (qui
finance les programmes de lutte contre le sida, la toxicomanie et l’alcoolisme, le logement et le
programme Medicare d’aide médicale gratuite) ; le ministère de la Protection sociale (qui finance les
allocations pour recherche d’emploi, les allocations New Start, les aides aux jeunes sans-abri, les
pensions pour parent isolé, et le programme JET), et le ministère de l’Emploi, de l’Éducation, de la
Formation et de la Jeunesse (qui finance le programme AUSTUDY destiné à aider des jeunes de 16 ans
ou plus remplissant certaines conditions à poursuivre leurs études, et le projet ABSTUDY, un dispositif
analogue destiné aux Aborigènes et aux jeunes insulaires du détroit de Torrès). Ce ministère est
également responsable des centres d’orientation professionnelle, de l’aide à l’enfance isolée et du
programme de contribution à l’enseignement supérieur. Les efforts du DEETYA en faveur des jeunes se
concrétisent par les YAC, qui sont gérés par les Services de l’emploi du Commonwealth et souvent
installés dans les mêmes locaux. Une étude de ces services par Chesterman et Schwager (citée dans
Waller, 1992) ayant permis d’identifier divers problèmes au niveau des efforts de coordination, les YAC
ont été chargés de coordonner les services en direction de la jeunesse. Dans ce contexte, le terme de
coordination implique une planification plus rationnelle des services fournis, un travail en réseau entre
les services et une gestion individualisée des dossiers. L’ambition première de ce projet est de fournir
aux jeunes un soutien financier, des conseils d’orientation professionnelle, une formation, un emploi,
un logement et une aide pour résoudre des problèmes personnels et de santé.
Les centres d’information et d’orientation pour les jeunes
La création des YAC constitue la tentative la plus manifeste d’intégration des services pour la
jeunesse en Australie. Ils ont été mis en place avec pour mission de fournir des informations, des
conseils et d’aiguiller les jeunes vers d’autres services. Ils ont été aménagés de façon à offrir aux jeunes
la possibilité de résoudre l’ensemble de leurs problèmes en un lieu unique dans un environnement
accueillant, convivial et détendu. D’après le résumé de trois enquêtes nationales sur la satisfaction
des usagers, plus de 85 pour cent des jeunes, des organismes pour la jeunesse et établissements
125
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
secondaires les ayant utilisés se déclaraient satisfaits des informations fournies par les YAC
(Department of Employment, Education and Training, 1994). Bien qu’ils aient pour mission spécifique
de coordonner les services en direction des jeunes, ils interviennent essentiellement en assurant le
partage des informations et l’identification des lacunes. Ce rôle a dû évoluer face à la résistance qu’ont
opposée les services pour la jeunesse des États et des collectivités locales à la participation d’organismes fédéraux à l’intégration des programmes et services. En effet, ces services craignaient que les
efforts d’intégration n’aboutissent à la fusion des programmes dans l’objectif de réduire les coûts. En
conséquence, les YAC ont pour seule mission, clairement délimitée, de « favoriser le processus de
coordination entre les organismes de l’État et ceux des collectivités locales (...). Les prestataires
semblent préférer que la coordination des services en faveur des jeunes soit placée sous la responsabilité des autorités locales ou des organisations locales » (Waller, 1992).
Programme pour les élèves à risque (STAR)
Le DEETYA finance un projet baptisé « Programme pour les élèves à risque » (STAR) ayant pour
objectif de repérer les élèves susceptibles d’abandonner l’école en cours de scolarité et de leur fournir
les services adéquats afin d’augmenter leurs chances de terminer leurs études. Ce programme prévoit
notamment un soutien scolaire pour maintenir les élèves à risque dans le système, des efforts particuliers de renforcement des relations et de la communication école-famille, la mise au point de méthodes
plus efficaces de dépistage, l’assouplissement des structures pour faciliter la réinsertion scolaire, et la
recherche de moyens d’améliorer les échanges entre l’école et les entreprises. Le résumé de dix
études de cas commandées par le ministère de l’Éducation permet de dresser un tableau détaillé de
ces efforts (Coopers et Lybrand, 1992). Ce rapport conclut que le programme STAR présente une
caractéristique remarquable : il est parvenu à « faire autant avec si peu (...) pour améliorer la scolarité
des élèves risquant de quitter l’école avant la fin de leur scolarité ». L’étude souligne également
l’importance d’accorder aux établissements scolaires une plus grande autonomie en matière d’action
sociale en faveur des élèves et l’efficacité d’une approche considérant les jeunes comme des individus
à part entière et non des membres d’un groupe particulier.
Trois YAC ont été visités : le YAC City Central de Sydney, celui de Marrickville et celui de
Newcastle. Des projets STAR étaient en cours dans la plupart des écoles et services observés.
INTÉGRATION DES SERVICES A SYDNEY
Services pour la jeunesse de South Sydney
Contexte
South Sydney est un quartier étendu (78 000 habitants) abritant essentiellement une population
ouvrière et la plus importante communauté aborigène urbaine d’Australie, ainsi que divers groupes
d’immigrants. Le quartier est confronté à un certain nombre de problèmes courants dans le centre des
grandes villes tels que la pollution atmosphérique, la surpopulation, l’absence de lieux de détente et
l’insécurité. Le taux de chômage y est trois fois plus élevé que la moyenne nationale. Malgré un nombre
important de familles à faible revenu et de logements sociaux, le mélange des cultures crée un
dynamisme qui, conjugué à la volonté de développement de la communauté, fait de South Sydney un
endroit passionnant où vivre et travailler.
Les services ont été créés par une vingtaine de prestataires pour faire face aux problèmes
complexes auxquels sont confrontés les jeunes, en réponse à une demande de la population qui
souhaitait une collaboration entre les services en direction des jeunes dans ce quartier de la ville et
une approche globale des problèmes.
Input
126
Les services sont fondés sur l’idée de respect de la personne, la reconnaissance des droits, la
justice sociale, l’autodétermination et l’importance de l’autonomie personnelle axée sur l’acquisition
Partie I : AUSTRALIE
des compétences et connaissances nécessaires. Les services fonctionnent en collaboration et selon une
approche globale. Ils interviennent dans les domaines suivants : 1) prévention sur le terrain ; 2) développement communautaire ; 3) aide à la formation et à l’emploi ; 4) accès au soutien du revenu ;
5) programmes éducatifs ; 6) information et services de santé ; 7) protection judiciaire des jeunes
et soutien para-juridique ; 8) conseils ; 9) musique, vidéo, arts communautaires ; 10) sports et
loisirs ; 11) création de petites entreprises ; 12) publication ; 13) travail individualisé et aide sociopsychologique ; 14) alphabétisation ; 15) aide judiciaire.
Le financement est assuré par divers organismes à l’échelon de l’État et au niveau fédéral.
D’importantes subventions exceptionnelles ont été accordées pour des projets particuliers. Le centre
emploie cinq personnes qui travaillent sur le terrain. Des stagiaires et graphistes travaillent dans une
imprimerie opérationnelle depuis peu. L’ensemble du personnel reçoit deux semaines de formation en
service par an. Les personnes assurant l’aide socio-psychologique font l’objet d’une surveillance suivie.
Fonctionnement
L’objectif des services est d’intégrer les jeunes à la vie de la communauté pour leur permettre
d’acquérir confiance en eux et optimisme quant à leurs capacités à résoudre les problèmes de l’adolescence et les obstacles structurels (socio-économiques) auxquels ils sont confrontés, grâce à des projets
constructifs et coopératifs. La plupart (80 pour cent) des quelque 450 jeunes fréquentant le centre
chaque année y viennent de leur propre chef. Les autres sont envoyés par des organismes extérieurs
ou les tribunaux. Contrairement à beaucoup de prestataires spécialisés, les services ont été créés en
1978 conjointement par plusieurs organismes et travaillent en relations étroites avec un certain nombre
de services et de ministères (Santé ; Emploi, Éducation et Formation ; Services de l’emploi ; Protection
sociale ; et Services communautaires). Le centre organise des réunions bimensuelles des services en
faveur des jeunes et son financement est assuré par un grand nombre d’organismes divers.
Effets
Les taux de participation élevés des groupes ciblés (jeunes aborigènes, jeunes non anglophones,
délinquants ; jeunes ayant quitté l’école et jeunes femmes) semblent indiquer que les stratégies
actuelles d’action communautaire et de participation sont efficaces.
Cleveland Street High School
Contexte
Cet établissement secondaire dessert l’un des quartiers les plus défavorisés de Sydney, où la
population est confrontée à un certain nombre de problèmes sociaux interdépendants : pauvreté,
chômage, instabilité familiale, divorce, familles monoparentales, maltraitance des enfants, taux élevé
de délinquance et de violence.
Input
Outre le soutien au financement et à l’aménagement des programmes pour le bon fonctionnement
de l’école et la mise en place des services généralement associés, d’importantes subventions spéciales
ont été accordées pour un programme de réinsertion scolaire visant les jeunes aborigènes, et un centre
d’enseignement de l’anglais. Le programme Back-to-School s’adresse à des jeunes aborigènes de 12 à
15 ans ayant cessé de fréquenter l’école depuis longtemps et livrés à eux-mêmes dans les rues de la
capitale. Les cours intensifs d’initiation à l’anglais dispensés par le centre sont destinés à des jeunes
immigrants non anglophones. Ce programme est proposé sous la forme de sessions de 30 à
50 semaines en dehors de l’établissement.
127
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
Fonctionnement
Bien que l’établissement n’ait aucun protocole officiel de coopération avec les autres services en
direction des jeunes, il travaille en étroite collaboration avec eux sur la base de relations personnelles
de longue date. Il participe aux réunions regroupant les divers organismes compétents qui sont
organisées par les services pour la jeunesse de South Sydney. Il entretient des relations particulièrement fructueuses avec les services de police, les services médicaux, les associations aborigènes, et les
établissements d’enseignement technique. Des organismes extérieurs fournissent souvent des programmes de formation en service pour les enseignants et des programmes spéciaux pour les élèves.
Effets
Le projet a permis à de jeunes aborigènes de poursuivre ou de reprendre leur scolarité. Grâce à un
effort concerté visant à instaurer un respect mutuel et valoriser la culture aborigène, cet établissement
offre un environnement éducatif efficace et motivant.
Arthur Phillip High School
Contexte
Cet établissement d’enseignement général situé dans le quartier d’affaires central de Paramatta a
su mêler avec succès tradition et innovation, comme en témoigne l’utilisation d’un réseau informatique
local parallèlement au maintien en l’État d’une salle de classe de 1875. Au cours de ses 120 années
d’existence, cette école a formé un nombre impressionnant d’artistes, d’acteurs et d’écrivains de renom
international. Elle accueille une population multiculturelle variée non anglophone de 870 élèves
originaires à plus de 90 pour cent de 60 pays différents. La plupart de ces élèves sont issus de familles
qui bénéficient d’une aide sociale ou financière.
Input
Cette école emploie 75 enseignants pour les tâches d’enseignement ordinaire et comporte six
classes adaptées dotées chacune d’un enseignant spécialisé. Elle participe également à des programmes bénéficiant de fonds spéciaux en faveur des élèves défavorisés et à risque. Les enseignants
ont à leur disposition un important matériel informatique et de technologies de l’information. L’établissement a mis en place un certain nombre de dispositifs formels qui permettent et encouragent la
participation de la communauté, des parents et des élèves à l’élaboration de la politique de l’établissement et à la prise de décision.
Une subvention spéciale du ministère fédéral de l’Éducation au titre du programme STAR et une
aide de Burnside, association d’aide à la famille et à l’enfance gérée par l’Église unie d’Australie, ont
permis de mettre en place un centre d’études scolaires. Ce centre fonctionne deux jours par semaine
dans la bibliothèque de l’établissement : une aide aux devoirs y est apportée après les cours aux
élèves signalés par leurs professeurs. Chaque trimestre, une vingtaine d’élèves ont la possibilité d’y
travailler en tutorat, de dialoguer avec leurs professeurs, de faire leurs devoirs et même de prendre
une collation. Les tuteurs sont choisis parmi les élèves de l’établissement. L’objectif du centre est
d’améliorer les résultats scolaires, l’estime de soi des élèves, leur attitude vis-à-vis de l’éducation,
leurs aptitudes sociales, et d’utiliser au mieux les ressources de l’établissement.
Fonctionnement
128
L’essentiel des échanges avec les autres organismes se fait sur un modèle de coopération. Si le
centre fonctionne sur le modèle de l’association Burnside pour les activités postscolaires, il n’est en
rien une extension de cet organisme, mais s’inscrit plutôt dans la mission éducative de l’établissement.
La gestion du centre est assurée par un comité de gestion auquel siègent des représentants de l’école,
de l’association et des autorités locales.
Partie I : AUSTRALIE
Effets
Le taux de poursuite des études au-delà de l’âge de la scolarité obligatoire est exceptionnellement élevé. Le centre fait actuellement l’objet d’une évaluation formelle. D’après les premiers indicateurs examinés, il semble que le centre remplisse de façon efficace les objectifs fixés. Les entrevues
avec les élèves et documents fournis indiquent que ceux-ci sont satisfaits des services reçus et
considèrent le centre comme un moyen de réaliser leurs objectifs en matière d’éducation.
Cranebrook High School et Jamison High School
Contexte
La Cranebrook High School est un établissement secondaire situé dans le nouveau quartier
d’habitation, en expansion, de Sydney ouest. Les familles de ce quartier se situent dans la tranche des
revenus moyens et faibles, et sont confrontées à de sérieux problèmes de chômage, de violence
domestique et de délinquance juvénile. Les principaux problèmes sociaux sont le chômage et l’éclatement de la cellule familiale. Par contraste, la Jamison High School dessert un quartier proche dont les
habitants se situent essentiellement dans les classes moyennes.
Input
Les membres du personnel des deux établissements travaillent en collaboration avec divers
organismes sociaux dans le cadre de projets financés essentiellement par l’État fédéral tels que le
programme STAR.
Centre Barnado de Penrith
Barnado est une association importante qui concentre ses activités sur le soutien caritatif à la
famille et à l’enfance en Nouvelle-Galles du Sud et à Canberra. Elle vient en aide aux familles en
s’efforçant d’éviter toute ingérence et axe aujourd’hui sa stratégie sur des mesures permettant d’éviter
le placement des enfants en famille d’accueil. Le Centre de Penrith est situé en face de la Cranebrook
High School et propose divers programmes d’aide à 1 500 personnes par mois. Dans le cadre de son
projet ADAPT (prévention sur le terrain et services en faveur des jeunes), le centre travaille en
collaboration avec les deux écoles (Cranebrook et Jamison) à un programme d’aide aux adolescents, le
programme pour les adolescents difficiles (Radical Adolescent Programme – RAP), financé dans le cadre
du projet STAR. Il participe également au Project Links, avec le club des jeunes créé par les services de
police de Penrith et le ministère de l’Éducation, les deux principaux partenaires du projet. Ces
dispositifs visent à aider les jeunes à poursuivre leur scolarité malgré des facteurs de risque tels que
l’absence de domicile fixe, les problèmes familiaux et de relations avec les autres élèves.
Club des jeunes des services de police de Penrith
La création du club des jeunes des services de police de Penrith par la police locale s’inscrit dans
un effort entrepris par les services dans l’ensemble de la Nouvelle-Galles du Sud et dans la quasitotalité du pays pour venir en aide aux jeunes de 8 à 21 ans. Cet organisme, qui a vu le jour en 1937, est
une branche autonome des services de police et est reconnu d’utilité publique. Il propose un large
éventail de programmes de prévention de la délinquance dans ses 53 clubs (31 au niveau des comtés
et 22 dans les grandes villes). Chaque club élabore une stratégie en fonction des besoins de la
communauté concernée : création de foyers, activités sportives et de loisir.
Programmes Worklink (liens avec la vie professionnelle) et enseignement professionnel
Ces dispositifs ont été élaborés pour répondre à un besoin d’extension de l’enseignement professionnel. Ils facilitent le passage de l’école à la vie active et les liens entre l’école et la communauté. Ils
sont gérés par un certain nombre d’organismes locaux tels que Wirraway (centre communautaire privé).
129
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
Leur objectif global est d’encourager les élèves à poursuivre leur scolarité et donc à améliorer leurs
chances de s’insérer dans la vie professionnelle.
Fonctionnement
Le programme RAP propose des sessions en groupes (organisées par matière) aux élèves à risque
susceptibles d’abandonner leur scolarité. Les sessions hebdomadaires d’une heure sont axées sur les
compétences de base, l’information, la communication, l’estime de soi, l’aide sociale et un soutien de
suivi. Le programme Project Links, qui fonctionne dans les locaux du club des jeunes des services de
police, vise à faciliter le retour à l’école des élèves après une exclusion, par l’amélioration des
aptitudes scolaires et sociales.
Effets
L’évaluation des programmes est encourageante. L’assiduité et la participation en classe des
élèves bénéficiaires se sont améliorées. Les élèves sont également moins agressifs et ont une attitude
plus positive à l’égard de l’école et de la vie familiale.
Nepean High School
Contexte
Penrith est une ville de banlieue conservatrice, moyennement peuplée et relativement isolée. Une
mesure récente visant à modifier la carte scolaire s’est traduite par un accroissement spectaculaire de
la diversité des élèves fréquentant la Nepean High School. Actuellement, les 900 élèves de cet
établissement secondaire polyvalent sont issus de trois écoles primaires situées à proximité. Bien que
la plupart d’entre eux soient des Anglo-australiens, leur milieu socio-économique et leur niveau
scolaire varient considérablement. L’alcoolisme, la toxicomanie, l’absentéisme et les grossesses précoces sont considérés comme les principaux facteurs de risque dans l’établissement.
Input
L’établissement se définit comme « une communauté scolaire attentive, attachée à la réussite, la
responsabilisation, l’identité et au bien-être de ses élèves ». Il entretien des liens étroits avec la
communauté. Le projet STAR financé par les autorités fédérales fournit un soutien spécial aux jeunes
ayant des problèmes scolaires et de comportement. Il coordonne l’action du Bureau d’orientation
professionnelle, du Centre d’accueil des jeunes de Penrith et de l’Insearch Camp Organisation. Pour en
bénéficier, les élèves doivent être âgés de 14-15 ans, à risque d’une façon ou d’une autre, présenter les
aptitudes scolaires pour obtenir le certificat de fin d’études secondaires et désireux de réussir. Ils
doivent également être soutenus par leurs parents, ceux-ci devant adhérer à la philosophie de l’école
et aux objectifs du projet STAR.
Fonctionnement
Les élèves doivent fixer eux-mêmes leurs objectifs scolaires. Ces derniers font partie intégrante de
la culture et s’expriment par l’adhésion à un code de conduite commun. Le personnel employé pour le
projet STAR assure la diffusion des services et la coordination avec les programmes locaux. Il facilite
également la coordination de l’équipe éducative pour intégrer les services en fonction des besoins des
élèves bénéficiaires.
Effets
130
On note chez les élèves participant au programme STAR « un changement net (et positif) de
comportement ». La consommation de drogue et d’alcool dans l’établissement a diminué, ainsi que
l’absentéisme, et le nombre d’élèves poursuivant leurs études au-delà de la fin de la scolarité obligatoire (15 ans) est en progression.
Partie I : AUSTRALIE
INTÉGRATION DES SERVICES A NEWCASTLE
Jasper-Gateshead High School
Contexte
Newcastle se trouve dans la région de Hunter qui s’étend sur 35 000 km2 en Nouvelle-Galles du
Sud. Outre des activités minières (charbon) et sidérurgiques traditionnelles, la région est caractérisée
par des industries manufacturières, agricoles, viticoles, et de production d’électricité. Newcastle, la ville
la plus peuplée de cette zone, souffre d’un niveau élevé de chômage et de pauvreté. Au total, 37 pour
cent des familles sont monoparentales et 25 pour cent sont considérées comme vivant en dessous du
seuil de pauvreté.
Le programme Jasper-Gateshead, qui s’adresse à 15 élèves issus des établissements secondaires
de la région, est situé dans la banlieue de Newcastle, à Windale, où vivent un nombre élevé de familles
monoparentales pauvres. Les jeunes concernés sont, pour l’essentiel, livrés à eux-mêmes dans la rue
après avoir été exclus de façon temporaire ou définitive des écoles du quartier. Ce programme est
placé sous la responsabilité du directeur de la Gateshead High School et fonctionne cinq jours par
semaine avec un enseignant non permanent, pour proposer une solution se substituant à la structure
scolaire normale. Contrairement à l’enseignement par correspondance ou à distance, ce programme,
axé sur la participation volontaire des élèves, propose un niveau élevé de soutien et d’attention
individuelle. Une grande importance est accordée à la conduite et à l’assiduité. L’objectif est d’améliorer les compétences et résultats scolaires, de proposer des modèles de comportement, d’accroı̂tre
l’estime de soi des jeunes et de les aider à surmonter l’aliénation sociale.
Input
Le programme est implanté dans les locaux du club des jeunes de la police de Lake Macquarie.
Des fonctionnaires de police participent aux sorties et servent de modèles. L’entreprise locale de
transports en commun fournit des cartes de transport gratuites aux jeunes inscrits au programme.
Fonctionnement
Outre la participation directe du responsable des relations école-famille chargé de prévenir
l’absentéisme (qui signale les élèves) et d’un fonctionnaire de police, ce programme demande une
coordination formelle et informelle des autres organismes et services compétents. Le personnel du
programme Jasper est membre du Comité de réseau de la communauté d’Eastlakes, comme la plupart
des organismes sociaux locaux.
Effets
Bien que l’assiduité des élèves soit irrégulière, le programme donne satisfaction aux participants, à
leurs familles et aux autres membres de la communauté. Chez la majorité des élèves, l’assiduité,
l’attitude à l’égard de l’école et des objectifs scolaires fixés se sont améliorées, ainsi que l’estime de
soi. En 1994, ce projet a reçu un prix spécial de l’Institut australien de criminologie.
Centre de soutien aux adolescents de Hunter (Hunter Adolescent Support Unit – HASU)
– Jesmond High School
Contexte
Ce service concerne 26 des 36 écoles de la région. Bien que la plupart des élèves concernés soient
issus de milieux socio-économiques défavorisés, ils constituent un échantillon représentatif de la
population. Ils ont tous eu des démêlés avec la justice, ont souvent été exclus de l’école et, dans le
cadre d’une mise en liberté sous caution ou avec mise à l’essai, participent au programme en vue d’une
réinsertion scolaire. Ce programme accueille 24 élèves, dont la plupart ont des problèmes de
comportement.
131
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
Input
Le programme fonctionne avec 5 à 8 enseignants, deux auxiliaires, un psychologue à temps partiel,
un conseiller d’orientation et des employés administratifs. Il est installé dans une aile accueillante et
bien équipée de la Jesmond High School.
Fonctionnement
La gestion par cas se fait chaque mois en association avec l’équipe locale des services sanitaires
chargée des adolescents, en coopération active avec les services concernés par chacun des cas. Des
membres du programme participent également à une nouvelle série de réunions regroupant les
différents organismes travaillant auprès des jeunes.
Effets
Deux évaluations externes du programme révèlent que les actes de violence commis par les
participants sont en diminution. Cette tendance à la baisse semble stable. Un indicateur, la réintégration scolaire, a montré que le taux de réinsertion des élèves ayant participé au projet HASU était de
37 pour cent contre 24 pour cent en moyenne pour les bénéficiaires d’autres programmes mis en
oeuvre dans l’État. Les évaluations ont considéré le programme comme exemplaire et estimé qu’il était
d’un bon rapport coût/résultats et plein de promesses pour l’avenir.
Worimi School (The Annexe)
Contexte
Cette école et son centre de réadaptation ouvert (The Annexe) font partie d’un centre de détention
pour mineurs qui accueille 38 enfants et adolescents de 10 à 20 ans. Les enfants placés dans ce centre
peuvent avoir commis des crimes ou simplement avoir besoin d’être protégés de parents violents. Le
personnel de l’école et celui du centre de détention ont une conception très différente des choses : le
personnel du centre trouve l’école trop complaisante et laxiste sur les questions de sécurité. Le
personnel de l’école s’intéresse davantage aux besoins sociaux et éducatifs des jeunes plutôt qu’aux
raisons qui les ont conduits au centre.
Input
L’école emploie quatre enseignants et un infirmier qui travaillent avec le service social et psychologique du centre.
Fonctionnement
L’école propose un programme varié et souple. Un plan éducatif, dont la mise en oeuvre peut se
poursuivre après le départ du centre, est élaboré pour chacun des élèves. La coordination des services
par le YAC local permet en effet aux élèves de continuer leurs études au centre de soutien des
adolescents de Hunter (HASU), ou dans un institut de formation technique et continue.
Effets
132
Bien que la coordination entre l’école et les organismes extérieurs soit satisfaisante, la coopération
interne entre l’équipe enseignante et les employés du centre de détention pose problème. Ces
derniers considèrent que leur travail est peu valorisé, mal payé, et que leurs perspectives professionnelles sont médiocres. Par contraste, les enseignants souhaiteraient travailler selon un modèle de
gestion par cas et attendent un niveau d’engagement et de compétences plus élevé de la part des
éducateurs du centre. Malgré leurs divergences de vues, la valeur et l’efficacité du travail accompli
auprès des jeunes sont unanimement reconnues par les autres organismes.
Partie I : AUSTRALIE
CONCLUSION
Le Programme de justice sociale en faveur des jeunes évoqué précédemment est un programme
de grande envergure visant l’intégration des services en direction de la jeunesse par la coordination de
la planification et de la fourniture des services à tous les échelons de l’administration. Rares sont les
pays de l’OCDE qui se sont engagés dans un tel effort au plan national pour intégrer leurs services par
l’intermédiaire de centres d’information et d’orientation pour les jeunes (YAC). Ces centres ont pour
mission de rassembler et de fournir des services d’orientation, d’information et de conseil aux jeunes
australiens. Cependant, si en Nouvelle-Galles du Sud, l’intégration des services est restée limitée, c’est
en raison des tentatives de coordination des services menées par les YAC. Au départ, leur rôle se
cantonnait à un travail de partage de l’information et d’identification des lacunes et doubles emplois au
niveau de la fourniture des services.
Il y a eu de la part des services concernés un effort concerté pour empêcher les YAC de prendre le
contrôle du processus d’intégration. Waller (1992) note que « les services en direction de la jeunesse
réagissent négativement à l’idée qu’un organisme fédéral puisse être chargé d’assurer la coordination
entre les services et leur éventuelle intégration, ou d’imposer des changements. En effet, les organismes fédéraux sont souvent perçus comme cachant une volonté de rationalisation qui se traduirait
par une baisse des financements et des effectifs ». En conséquence, Waller (1992) conclut que « la
coordination des services au niveau structurel doit être reconnue comme distincte de la coordination
au niveau de la fourniture des services en faveur des jeunes (...) ; la première facilite la mise en place
d’un réseau cohésif de services alors que l’objectif de la seconde permet de mieux répondre aux
besoins individuels des jeunes grâce à ce réseau de services ». Dans ce cadre précis, l’action de
coordination des YAC est appréciée et bien acceptée par les prestataires de services. En NouvelleGalles du Sud, les YAC ont exprimé leur préoccupation en ce qui concerne l’inadéquation entre leur
rôle limité de coordination et la nécessité de mettre en place des services pour les jeunes à risque.
Dans le meilleur des cas, les services de Nouvelle-Galles du Sud étudiés fonctionnent à un niveau
d’intégration pouvant être décrit comme informel et coopératif, de sorte que la mise en place de
réseaux et la coordination des programmes dépendent de la diplomatie et des compétences relationnelles des responsables actuels. Le caractère fragile et relativement provisoire de ces alliances crée,
notamment lorsque l’efficacité des services fournis s’améliore, un besoin de structuration et de stabilité. Les politiques actuelles conférant aux YAC une mission de coordination des services ont abouti à la
mise en place de communautés sous la forme de relations et de réseaux professionnels. Le besoin de
formaliser de tels arrangements ne doit pas surprendre. Il constitue en fait une étape souhaitable dans
les efforts visant à accroı̂tre l’efficacité des services et devrait être anticipé et encouragé lors de
l’élaboration des prochaines mesures dans ce domaine.
133
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
RÉFÉRENCES
AUSTRALIAN CATHOLIC BISHOPS (1992), Catholic Bishops Report, Sydney, Australie.
AUSTRALIAN YOUTH FOUNDATION (1994), A Lost Generation, Sydney, Australie.
COOPERS et LYBRAND (1992), Students at Risk Programme : Case Studies, DEET, Canberra.
DEPARTMENT OF EMPLOYMENT, EDUCATION AND TRAINING (1994), « National survey of client satisfaction
with Youth Access Centres (YACs) », DEET Evaluation and Monitoring Branch, DEET, Canberra.
DEPARTMENT OF EMPLOYMENT, EDUCATION AND TRAINING (1995), « Briefing package for OECD
Delegates ».
MINISTERIAL COUNCIL OF EDUCATION, EMPLOYMENT, TRAINING AND YOUTH AFFAIRS (1993), National
Report on Schooling in Australia, Curriculum Corporation, Victoria.
MINISTERIAL COUNCIL OF EDUCATION, EMPLOYMENT, TRAINING AND YOUTH AFFAIRS (1994), National
Strategy for Equity in Schooling, Curriculum Corporation, Victoria.
RILEY, M. (1995), « Outlook for jobs begins to dim », The Sydney Herald, Sydney, Australie.
VOLPE, R. (1995), Doing More with More : A Report on Ontario Efforts to Integrate Children’s Services, OCDE, Paris.
WALLER, V. (1992), Review of the Interim Co-ordination Role of the Youth Access Centres (YACs), Evaluation and Monitoring
Branch, Services des publications du gouvernement australien, Canberra, Australie.
Working Nation (1994), Service des publications du gouvernement australien, Canberra, Australie.
134
3
CANADA
Les études de cas qui suivent décrivent des programmes d’intégration des services dans quatre
provinces du Canada : le Saskatchewan, l’Alberta, l’Ontario et le Nouveau-Brunswick.
La plupart des programmes canadiens analysés dans les études de cas sont le fruit d’initiatives
prises au niveau des États. Les initiatives fédérales et locales sont beaucoup plus rares au Canada
qu’aux États-Unis. Le rôle limité des autorités fédérales dans la planification et la fourniture des
services trouve son origine dans le British-North America Act daté de 1867, qui pose les fondements de
la relation entre les autorités nationales et les provinces. Fait intéressant, si les provinces disposent
d’une relative indépendance dans le domaine de l’éducation, de la santé et des services sociaux, cela
n’empêche pas la quasi-totalité d’entre elles de privilégier le concept d’intégration.
Même si les autorités fédérales ne sont guère en mesure d’influer sur la fourniture des services
éducatifs, sanitaires et sociaux au niveau des États, elles ont depuis longtemps reconnu l’importance
de l’intégration. Dès 1970, un rapport national de la Commission chargée des problèmes affectifs et
d’apprentissage des enfants (Commission on Emotional and Learning Disorders in Children) (Toronto),
intitulé « Un million d’enfants » (« One Million Children »), conclut que le manque de coordination des
services constitue « le problème numéro un » de la fourniture d’une aide aux enfants. Aujourd’hui, les
programmes d’action qui sont mis en œuvre dans tout le pays indiquent la poursuite d’un engagement
national au profit d’une fourniture de services efficaces (et intégrés) pour les enfants à risque.
Les études de cas qui suivent reflètent les efforts relativement autonomes déployés par les
autorités provinciales pour réaliser l’intégration des services.
135
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
SASKATCHEWAN
CONJUGUER LES EFFORTS POUR INTÉGRER LES SERVICES DU SOMMET
VERS LA BASE ET DE LA BASE VERS LE SOMMET
par
Josette Combes et Jennifer Evans
SITUATION GÉNÉRALE
Le Saskatchewan est l’une des dix provinces qui forment le Canada. Son nom lui vient du mot
indien Cree kisiskatchewan qui signifie « la rivière qui coule vite ». Il est situé dans la partie centre-ouest
du pays et est réputé pour ses grandes plaines qui produisent la moitié des six grandes cultures
d’exportation du Canada (blé, avoine, orge, seigle, lin et colza canola) et ses élevages de bovins,
d’ovins, de porcins et de volailles. Quelque 60 000 exploitations agricoles d’une taille moyenne de
440 hectares, implantées essentiellement dans la partie sud de la province, occupent environ un tiers
de sa superficie totale, qui est de 651 900 km2. Un autre tiers est consacré à l’exploitation forestière
commerciale et le dernier tiers, dans le nord de la province, est constitué de roches précambriennes.
Les autres sources de revenu sont la potasse (deux tiers des réserves mondiales exploitables), l’uranium (10 pour cent des réserves mondiales exploitables) et le gaz.
DÉMOGRAPHIE
Lors du recensement de 1991, la province comptait 988 930 habitants, dont les deux tiers vivent en
zone urbaine. S’il ne correspond qu’à 3.6 pour cent de la population canadienne, le Saskatchewan
représente 6.5 pour cent de la masse terrestre totale du pays. On y dénombre treize grandes agglomérations, 146 villes et 376 villages. Le taux d’activité y est plus élevé que la moyenne nationale (67.1 pour
cent contre 66.6 pour cent) et le taux de chômage y est de 7.4 pour cent (8.2 pour cent au niveau
national). Comme l’ensemble des Canadiens, les habitants du Saskatchewan ont des ancêtres
aux origines très diverses (Britanniques, Allemands, Ukrainiens, Scandinaves, Français, Indiens,
Néerlandais, Polonais, Métis, Hongrois, Chinois, Russes). La proportion d’enfants et de jeunes y est
plus élevée que dans le reste du pays.
Le Saskatchewan est devenu une province canadienne en 1905. Son assemblée territoriale compte
66 membres et siège à Regina, la capitale provinciale. Le Nouveau Parti Démocrate est arrivé au
pouvoir récemment. D’après ses représentants, les anciens dirigeants avaient gravement amputé les
budgets sociaux et de l’éducation avec des conséquences catastrophiques en termes du nombre de
personnes en difficulté.
A l’instar de la plupart des pays développés, le Saskatchewan est touché par la crise économique
et, comme ailleurs, cela se traduit par une aggravation de la pauvreté dans les couches les plus
défavorisées de la société.
GROUPES « A RISQUE »
136
Au Saskatchewan, on utilise la définition générale des « enfants à risque » (citée dans l’introduction). Une étude très bien documentée du ministère de l’Éducation, de la Formation et de l’Emploi
du Saskatchewan définit la population à haut risque comme étant répartie en « trois grandes
Partie I : CANADA
catégories : les enfants, les jeunes et les familles pauvres, les Indiens et les Métis, les parents seuls et
les parents adolescents » (Gouvernement du Saskatchewan, 1994b). Les paragraphes qui suivent sont
extraits de ce rapport.
Enfants, jeunes et familles pauvres
« D’après les chiffres sur le revenu disponible après impôts, 10.9 pour cent des familles du
Saskatchewan (1991) et 16.1 pour cent des enfants de moins de 16 ans vivent dans la pauvreté(...) »
« En décembre 1993, les services d’aide sociale géraient 38 973 dossiers concernant 78 406 personnes (...). »
« Le taux de chômage a progressé et les allocations versées aux chômeurs ont diminué. De plus,
les autorités fédérales ont délégué aux provinces la responsabilité de s’occuper des Indiens vivant
en dehors des réserves (...). »
« Une étude réalisée dans l’Ontario révèle que les enfants pauvres sont deux fois plus touchés que
les autres par des troubles affectifs et comportementaux, des résultats scolaires médiocres, le
tabagisme chronique et la dégradation des aptitudes sociales » (pp. 2-3 de l’original).
Une fois de plus, c’est surtout l’effet cumulé de ces facteurs qui est significatif, mais ils sont
souvent corrélés.
Indiens et Métis
Le Saskatchewan compte 80 000 Indiens et 40 000 Métis, qui représentent actuellement 12 pour
cent de sa population totale. Cette proportion devrait être portée à 18 pour cent en 2006. Près d’un
tiers des bénéficiaires de l’aide sociale ont des origines métisses ou indiennes (p. 3 de l’original).
Parents seuls et parents adolescents
Les familles monoparentales représentent 12 pour cent des familles du Saskatchewan ; 82 pour
cent d’entre elles sont dirigées par une femme et 56 pour cent dépendent de l’aide sociale à des
degrés divers. La grande majorité d’entre elles (85 pour cent) bénéficient de ce soutien pendant une
période relativement longue : 15 mois en moyenne.
En 1992, sur 14 951 enfants, 34 étaient mis au monde par des adolescentes âgées de 10 à 14 ans, et
1 590 par des adolescentes âgées de 15 à 19 ans. Les enfants ainsi nés sont des enfants à risque : risque
élevé de prématurité, de faible poids à la naissance, de retards de développement et de maltraitance
(p. 4 de l’original).
Le rapport dresse une liste des facteurs de risque (pp. 2-11 de l’original) :
– Logement insuffisant : Cela concerne 13.4 pour cent des familles, avec un taux un peu plus élevé
pour les familles urbaines que les familles rurales. La situation s’est aggravée depuis que les
autorités fédérales ont cessé de financer des logements sociaux (sauf ceux situés dans les
réserves).
– Manque de suivi prénatal : Un faible poids à la naissance augmente les risques de mortalité infantile
et de handicap et il est généralement lié à la pauvreté ainsi qu’à l’alcoolisme et à la toxicomanie
(tabagisme y compris).
– Insuffisance alimentaire : Dix banques alimentaires délivrent des produits gratuitement à Regina et
dans les principales villes de la province. Elles ont réalisé 79 000 distributions à ce jour. Près
d’un million de repas ont été servi à des enfants insuffisamment nourris en 1992-93 par le
Programme de nutrition et de développement des enfants (Child Nutrition and Development
Programme).
– Problèmes de santé : Le lien entre la pauvreté et les problèmes de santé a été clairement établi.
Étant donné le niveau relativement élevé de pauvreté dans le Saskatchewan, la santé de
nombreux enfants est menacée.
137
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
– Maladies sexuellement transmissibles (MST) : En 1992, la tranche d’âge des 15-19 ans était celle pour
laquelle on relevait le nombre le plus élevé de cas de MST.
– Enfants victimes de maltraitance et de négligence : Entre 1987 et 1993, le nombre de cas est passé de
2 600 à plus de 3 476, et 30 décès d’enfants ont été attribués à des actes de maltraitance ou à la
négligence (1989-93).
– Violence familiale : Environ 46 pour cent des femmes du Saskatchewan indiquent avoir été victimes
d’actes de violence de la part d’hommes et 25 pour cent signalent des actes de violence de leur
conjoint. Les femmes ayant subi la violence paternelle sont plus susceptibles de connaı̂tre une
relation conjugale marquée par la violence. Un tiers des enfants vivant dans des foyers violents
sont victimes de maltraitance.
– Violence sexuelle : Dans une étude menée en 1993, 32 pour cent des femmes du Saskatchewan et
37 pour cent des femmes canadiennes signalaient avoir été agressées sexuellement. On estime
qu’une fille sur quatre et un garçon sur dix sont victimes d’agressions sexuelles (depuis des
attouchements jusqu’au viol) avant l’âge adulte.
– Alcoolisme et toxicomanie : Trente-deux services de lutte contre l’alcoolisme et la toxicomanie
ouverts dans les centres de santé du Saskatchewan fournissent une aide dans ces domaines. Les
chiffres révèlent une hausse spectaculaire du nombre de clients âgés de moins de 15 ans
(22 pour cent), mais une diminution du nombre des 15-19 ans concernés. Globalement, 18 pour
cent des jeunes consomment de l’alcool et des drogues.
– Suicide des jeunes : En 1992, le taux de suicide le plus élevé depuis 10 ans a été enregistré pour la
tranche d’âge 15-19 ans (25.1 pour 100 000).
– Délinquance juvénile : En 1992-1993, 4 791 mineurs (77 pour cent de garçons et 23 pour cent de
filles) ont été condamnés, certains pour plusieurs délits. Un total de 86 pour cent des cas étaient
des infractions sans voies de faits. Quelque 291 jeunes étaient en détention ou en liberté
surveillée et 2 350 étaient inscrits à des programmes communautaires.
– Taux d’abandon scolaire : Une étude statistique canadienne de 1991 révèle que 16 pour cent des
élèves du Saskatchewan quittent l’école avant la fin de leurs études secondaires. Le taux
d’abandon scolaire est beaucoup plus élevé parmi les Indiens et les Métis (jusqu’à 90 pour
cent). L’abandon scolaire est fortement corrélé à la dépendance vis-à-vis de l’aide sociale. Au
total, 56 pour cent des bénéficiaires de l’aide sociale ont quitté l’école avant la classe de
seconde et 84 pour cent avant la terminale.
– Comportement à l’école : Les enseignants notent un accroissement du nombre d’incidents violents
(agressions physiques et verbales) en même temps qu’un abaissement de l’âge des jeunes
impliqués.
Pour conclure cette description, il peut être utile de rappeler que les groupes les plus à risque
sont les Indiens et les Métis. Il est facile de déduire de tous ces chiffres que ce sont ces populations
qui sont les plus exposées à des facteurs de risque tels que la faim, le manque de suivi prénatal, les
grossesses d’adolescentes, un faible niveau d’instruction et des démêlés avec la justice.
En se fondant sur ces chiffres, les autorités ont lancé un Plan d’action en faveur des enfants
(Gouvernement du Saskatchewan, 1993), document d’étude destiné à promouvoir « une approche
commune des particuliers, autorités, associations et communautés dans leur action en faveur des
enfants ». Ce plan est considéré comme la pierre de touche des efforts visant à instaurer des modèles
nouveaux de collaboration entre les ministères et les divers organismes compétents. Il sera détaillé ciaprès avant la présentation des visites de sites.
POLITIQUES SOCIALE, DE SANTÉ ET D’ÉDUCATION
Éducation
138
L’éducation est placée sous la responsabilité des provinces : le pays ne dispose pas de structure
fédérale (c’est-à-dire couvrant l’ensemble du Canada). Le ministère de l’Éducation, de la Formation et
Partie I : CANADA
de l’Emploi du Saskatchewan est chargé des programmes éducatifs, du jardin d’enfants à l’enseignement supérieur. Il définit les orientations, politiques et plans généraux, et élabore les programmes
d’études pour les élèves ayant des besoins particuliers. Dans le cadre global de l’enseignement, il
définit des programmes scolaires, des dispositifs de formation en cours d’emploi, facilite l’innovation et
fournit un large éventail de moyens et de personnels de soutien pour répondre aux besoins éducatifs
des enfants et jeunes de la province.
En 1992-93, le budget annuel de l’éducation était de 888.6 millions de dollars, destiné essentiellement aux divisions scolaires de la province, et pour moitié aux écoles primaires et secondaires (du
jardin d’enfants à la terminale). Le système est divisé en sept bureaux régionaux et 114 divisions, à la
tête desquelles se trouve un conseil élu composé de sept personnes. La plupart des divisions
comptent moins de 1 000 élèves (notamment en zone rurale). Environ 50 pour cent accueillent moins
de 100 élèves. Chaque personne élue représente une sous-division. On compte au total 849 écoles
qui reçoivent une aide publique ; elles se répartissent en quatre catégories : publiques, catholiques,
francophones et indépendantes. Parmi elles, 734 sont des écoles publiques accueillant 161 386 élèves,
et 115 des écoles privées accueillant 33 849 élèves. On compte en plus 3 392 élèves dans les écoles
indépendantes (chiffres de 1992-93). Ces chiffres sont extraits du rapport sur les indicateurs de l’enseignement dans le Saskatchewan (Saskatchewan Education Indicators, ministère de l’Éducation, de la
Formation et de l’Emploi, 1994).
Le financement des écoles est assuré à parts égales par la province et les autorités locales via les
recettes fiscales collectées dans chacune des divisions. Ce financement n’est généralement pas assorti
de conditions particulières et il est lié au nombre d’élèves.
Le système compte un certain nombre d’écoles dites communautaires, implantées dans des zones
urbaines depuis 1980. Une subvention leur est accordée en fonction de leurs caractéristiques
(125 000 dollars par établissement). Cette somme est destinée à financer le travail avec la communauté,
des programmes de nutrition et des postes d’aide-enseignants (souvent d’origine métisse ou indienne)
afin d’améliorer le taux d’encadrement et de faire entrer des personnes d’origine autochtone dans le
système éducatif. Un Conseil des écoles communautaires regroupe des représentants des parents
d’élèves et de la communauté. Les écoles implantées dans les réserves relèvent des autorités fédérales mais appliquent le programme des écoles publiques.
Un certain nombre d’associations jouent un rôle influent dans le système éducatif : la SSTA
(Saskatchewan Schools Trustees’ Association), association bénévole qui regroupe tous les membres
élus des divisions scolaires, la SFT (Saskatchewan Teachers’ Federation), association professionnelle et
syndicat de tous les enseignants de la province, et LEADS (League of Educational Administrators,
Directors and Superintendents), qui regroupe les présidents des divisions scolaires.
Le taux d’encadrement dans la province est légèrement supérieur à la moyenne pour le Canada,
soit un membre du personnel (enseignant et administratif) pour 17 élèves, contre un pour 16 pour le
Canada dans son ensemble.
Services sociaux
C’est le service public le plus important, qui emploie plus de 2 000 personnes. Il est chargé des
mesures de soutien au revenu, des services en faveur de la famille et des jeunes (dont l’aide sociale à
l’enfance et les services destinés aux jeunes délinquants) et des dispositifs communautaires ciblant les
personnes handicapées. La protection infantile est gérée au niveau de la province (agréments et
autorisations, soutien, création de nouvelles structures, subventions de démarrage, coûts de fonctionnement et prestations aux familles à faible revenu). En 1992-93, environ 116 centres de protection
infantile et 458 familles accueillaient chaque mois 3 617 enfants en moyenne. Près de 2 700 familles
perçoivent une aide au titre de la protection infantile.
Malgré des efforts récents en vue d’améliorer l’éducation des jeunes enfants à la fois sur le plan
quantitatif (104 places supplémentaires) et qualitatif (introduction d’une subvention à la formation), le
niveau des ressources reste très bas par rapport aux besoins. L’essentiel du budget des services
sociaux, qui était de 424.1 millions de dollars en 1992-93, est consacré à des dispositifs de soutien au
139
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
revenu (62.7 pour cent), à des actions en faveur de la famille et des jeunes (14.10 pour cent) et à la
protection infantile (3.13 pour cent).
Les services ont récemment été réorganisés et divisés en 11 régions administratives qui ne
coı̈ncident pas avec les sept bureaux régionaux de l’éducation. Les programmes sont contrôlés au
niveau central mais les services sont gérés au niveau des régions. Certains programmes n’ont pas
encore été délégués (comme l’aide sociale à l’enfance et l’intégration communautaire, encore gérés au
niveau central en 1994). Contrairement à ce qui se fait dans le système éducatif, les régions ne sont pas
dotées d’une commission chargée de superviser les représentations locales des services sociaux.
Services de santé
Les services de santé traversent actuellement une période de changements. Le Saskatchewan
dispose d’un programme sanitaire accessible à tous. Le concept-clé en est la santé, c’est-à-dire un état
de total bien-être physique, mental et social et non pas seulement l’absence de maladie ou d’infirmité.
Vu sous cet angle, le système canadien présente plusieurs lacunes :
– l’importance accordée aux services assurés a conduit à un système de soins de santé et non à un
système de santé ;
– le client n’est pas au centre du système ;
– une approche plus globale est nécessaire.
Les réformes engagées par le Saskatchewan se sont inscrites dans un mouvement plus global de
redéfinition des objectifs du système de santé, désormais axés sur le bien-être général des individus.
Cette notion a été définie dans la loi canadienne sur la santé. La nécessité de réformer le système
conduit à une restructuration des bureaux de santé en 30 commissions de districts composées de
membres nommés par les habitants. Un total de 52 hôpitaux ont été fermés et remplacés par des
bureaux de santé. La mauvaise gestion des lits d’hôpital avait entraı̂né une distorsion du financement
et de la fourniture des services. Le budget provincial de la santé était de 1.6 milliard de dollars. Le
ministère fédéral a participé à la modification du financement du programme.
Les districts de santé ont reçu 4 millions de dollars pour mettre l’accent sur des actions préventives. De nombreux changements ont dû toutefois être introduits en même temps. Les professionnels
ont dû modifier leur façon de travailler, héritée d’une gestion institutionnelle du système de santé. Ils
ont dû affronter le « choc culturel » qu’a constitué la fermeture d’hôpitaux, par exemple. Plusieurs
notions clés sont utilisées pour décrire les objectifs du système : « système de santé axé sur le client »,
« services intégrés au niveau de la communauté ».
Les districts de santé ont été délimités sur la base des réponses fournies par les communautés,
invitées par le ministère à se constituer en districts. C’est pourquoi ils ne correspondent pas aux
divisions des services sociaux ou éducatifs, ce qui pourrait représenter un obstacle pour l’intégration
des services.
La première étape vers un ajustement structurel a été la création de Commissions sanitaires de
district chargées de l’administration et de la fourniture des services de soins en cas de maladie grave,
de soins à long terme et de soins à domicile et d’urgence. La deuxième étape sera lancée lorsque les
responsables de district seront prêts et impliquera la délégation de services à la communauté (santé
mentale, santé publique et lutte contre les toxicomanies).
PLAN D’ACTION EN FAVEUR DES ENFANTS DU SASKATCHEWAN : UN CADRE D’INTÉGRATION
DES SERVICES
140
En 1992, après un rapport du Protecteur du citoyen sur des décès d’enfants consécutifs à des
sévices ou actes de négligence, les autorités ont décidé de concentrer leurs moyens et ressources sur la
protection infantile. En juin 1993, le ministère de l’Éducation, de la Formation et de l’Emploi du
Saskatchewan a répondu à ce rapport en publiant un document d’orientation intitulé « Les enfants
d’abord : une invitation à travailler ensemble » (« Children First : An Invitation to Work Together »), qui
Partie I : CANADA
proposait une approche commune des problèmes de l’enfance ainsi qu’un ensemble d’objectifs visant
à améliorer le bien-être des enfants dans la province (Gouvernement du Saskatchewan, 1993).
Les objectifs énoncés stipulaient que les enfants doivent être :
– pris en compte (il faut leur accorder la priorité dans l’ordre du jour au niveau de la législation,
des politiques, des programmes et services) ;
– protégés (contre les agressions, traumatismes, mort violente, sévices physiques et sexuels, la
négligence et l’exploitation) ;
– en sécurité (bénéficier d’une alimentation, d’un environnement financier, social, affectif et spirituel adéquat, avoir des loisirs) ;
– en bonne santé (notamment avoir confiance en eux et s’accepter tels qu’ils sont) ;
– ouverts sur le plan culturel (respecter les valeurs culturelles des autres et être respectés) ;
– responsables sur le plan social (avoir la possibilité d’être autonomes et de contribuer utilement
à la vie de la communauté) ;
– en mesure d’acquérir un savoir et un savoir-faire (leur permettant de concrétiser leurs potentialités) (p. 19 de l’original).
Les principes directeurs sont axés sur sept points clés :
– Les actions destinées à améliorer le bien-être des enfants doivent relever de la prévention
primaire, être culturellement appropriées, axées sur le soutien, menées en collaboration et
selon une approche globale, encourager la participation et se dérouler au niveau de la
communauté.
– Pour garantir la réussite du Plan d’action, un suivi doit être assuré à différents échelons.
– Le Conseil de santé au niveau provincial : ce groupe basé dans la communauté fournira les orientations
stratégiques aux autorités pour la politique de santé publique et fera des recommandations sur
les actions à engager.
– Le Conseil de l’enfance : cet organe, créé par le Plan d’action, est un comité élu par la communauté.
Le Conseil de santé au niveau provincial et le Conseil de l’enfance travailleront ensemble sous
la tutelle des ministères définis dans le Plan d’action.
– Le Conseil de l’éducation : il travaillera avec les organismes énumérés ci-dessus pour garantir la
pérennité du processus de changement en cours. Il servira de comité de vigilance au niveau des
autorités elles-mêmes.
– Le Comité de pilotage interministériel : des fonctionnaires de différents ministères y seront nommés et
travailleront avec les différents ministères au niveau de la province et des régions, examineront
les propositions émanant de différentes instances et formuleront des recommandations.
– Les organismes publics participant à la mise en œuvre du Plan d’action devraient être les
suivants : la Commission du Saskatchewan sur l’alcoolisme et la toxicomanie, les services de
l’éducation, de la formation et de l’emploi, les services sociaux, de santé, de la justice, le
Secrétariat aux femmes, le Secrétariat aux affaires indiennes et métisses, et les autorités
municipales.
En plus du réajustement de leurs limites administratives et procédures, le Plan d’action en faveur
des enfants accorde des subventions aux initiatives locales sous réserve qu’elles respectent les objectifs du Plan.
En 1994, les autorités ont publié une liste impressionnante des actions menées localement et au
niveau de la province pour mettre en œuvre les objectifs du Plan d’action et préserver l’élan en faveur
du changement (Gouvernement du Saskatchewan, 1994a).
141
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
PROGRAMME « TRAVAILLER ENSEMBLE POUR FAIRE TOMBER LES OBSTACLES
A L’APPRENTISSAGE : INTÉGRER LES SERVICES QUI TRAVAILLENT EN LIAISON
AVEC L’ÉCOLE POUR LES ENFANTS ET ADOLESCENTS A RISQUE »
« L’objectif est de faire naı̂tre chez les prestataires de services sociaux une nouvelle culture qui soit
caractérisée par la coopération et la collaboration et des configurations nouvelles de fourniture
de services offrant des réponses globales et intégrées aux besoins des enfants et familles du
Saskatchewan » (Gouvernement du Saskatchewan, 1994c).
Tel est le message délivré par les ministères de l’Éducation et des Services sociaux au début du
document d’orientation. Il témoigne de l’engagement des autorités provinciales envers la politique
d’intégration des services.
L’initiative d’intégration des services en liaison avec l’école est l’une des principales mesures
entreprises dans le cadre du Plan d’action en faveur des enfants élaboré par le Saskatchewan, et elle
est considérée comme un premier pas vers la prise en compte des besoins des enfants par un
processus de collaboration fondé sur une approche globale. Au total, 20 projets pilotes ont fait l’objet
d’évaluations et les résultats ont été pris en compte pour l’élaboration de nouvelles recommandations
et définitions.
Le programme prévoit la participation de plusieurs instances publiques dont : le ministère de
l’Éducation, de la Formation et de l’Emploi, les services de santé et les services sociaux, les autorités
municipales, la justice, le Secrétariat aux affaires indiennes et métisses, la Fédération des associations
familiales et scolaires, la Fédération des enseignants, la School Trustees’ Association, la League of
Educational Administrators, Directors and Superintendents et la Métis Nation. Au niveau local, les
projets d’intégration des services se font en collaboration avec les entreprises, les églises, les associations locales, les organismes non gouvernementaux à vocation sociale privés et les organisations
autochtones.
Ce programme souligne l’importance des mesures préventives. Un rapport du Centre de recherche
de la School Trustees’ Association paru après un forum sur l’intégration des services en milieu scolaire
(9-10 novembre 1992) cite une déclaration du Comité américain pour le développement économique
selon laquelle « chaque dollar dépensé dans des programmes d’éducation préscolaire permet d’économiser six dollars en actions d’orthopédagogie, action sociale et lutte contre la délinquance » (Lorraine
Thompson Information Services Limited, 1992).
En se fondant sur l’examen des ouvrages parus sur le sujet, le rapport identifie neuf principes
constituant la clé du succès pour l’intégration des services :
– répondre aux demandes des personnes concernant leurs enfants ;
– se représenter l’enfant dans le contexte familial, et la famille dans le contexte de son réseau
social et communautaire ;
– identifier les atouts des enfants, de la famille et de la communauté et les exploiter ;
– accorder au personnel chargé du programme le temps, la formation et les compétences pour
instaurer des relations durables de confiance avec les enfants, les familles et les communautés ;
– prévoir des actions à la fois de prévention et d’intervention pour les enfants et adolescents en
grand danger ;
– accorder la priorité aux besoins des enfants, et non à des questions institutionnelles ou d’une
autre nature ;
– faire participer tous les acteurs à la prise de décisions ;
– proposer un éventail exhaustif de services ;
142
– disposer d’une grande souplesse dans la planification et la fourniture des services (pp. 9-11).
Partie I : CANADA
Le projet de rapport du ministère de l’Éducation, de la Formation et de l’Emploi (« Travailler
ensemble pour faire tomber les obstacles à l’apprentissage »), publié en 1994 et cité ci-dessus, propose
huit principes et stratégies pour favoriser une culture de la collaboration :
– mettre l’enfant au centre des actions menées ;
– prévenir ;
– coopérer ;
– faire participer ;
– garantir l’équité ;
– adopter des approches holistiques et polyvalentes ;
– favoriser l’ouverture culturelle ;
– se donner les moyens nécessaires (p. 15).
« De plus, le mouvement vers l’intégration des services en liaison avec l’école est une responsabilité partagée entre les autorités provinciales, les écoles et communautés. La participation de la
communauté et le partage des tâches avec les autorités pour lancer, orienter et gérer les différents
aspects du processus de changement sont déterminants pour sa réussite. La province peut avoir
une vision d’ensemble, élaborer les politiques, encourager la coordination et travailler à faire
tomber les obstacles structurels ou d’une autre nature. Les écoles et communautés doivent
prendre la direction des opérations et susciter les processus et relations de collaboration. L’objectif est d’identifier les besoins locaux et les solutions qui permettront de résoudre efficacement les
problèmes spécifiques posés grâce aux ressources disponibles dans la communauté » (p. iv).
Le rapport fournit des exemples de projets de collaboration et dresse les grandes lignes des
contributions, rôles, responsabilités et domaines de compétences possibles des diverses organisations
et individus susceptibles de participer à l’intégration des services.
Les observations qui suivent sont fondées sur des entretiens avec des hauts responsables de
l’éducation, des services sociaux et de la santé, ainsi que sur des discussions avec le Comité de travail
des ministres sur l’intégration des services en liaison avec l’école.
Ressources et formation
Le ministère de l’Éducation, de la Formation et de l’Emploi propose un large éventail de programmes et de services, du jardin d’enfants à la terminale et jusque dans l’enseignement supérieur, au
niveau de la province.
Il assure l’élaboration des programmes scolaires, la formation en cours d’emploi pour les enseignants, accorde des subventions aux conseils scolaires ainsi que des bourses. Les directeurs régionaux
de l’éducation rencontrent les différents acteurs pour mettre en œuvre la nouvelle politique de
collaboration et d’intégration afin de satisfaire les besoins multiples des enfants et familles à risque.
Les directeurs et coordinateurs régionaux de l’éducation spécialisée siègent dans des Comités interorganismes régionaux qui réunissent des représentants des branches régionales de chacun des ministères du Saskatchewan participant à la mise en œuvre du Plan d’action en faveur des enfants.
Le perfectionnement des enseignants est planifié et géré avec les informations fournies par
d’autres organismes. Le ministère de l’Éducation, de la Formation et de l’Emploi rassemble des
données sur les élèves, les écoles et programmes et les publie. Un système de tableau d’affichage
électronique a été mis au point et permet aux divisions scolaires et écoles d’accéder à ces informations
et de communiquer et échanger des informations avec leurs collègues.
Collaboration
Les autorités provinciales et le personnel des organismes au niveau local souhaitent parvenir à la
fusion des diverses sources de financement. Un bon exemple est la nouvelle procédure de financement
instaurée pour approuver les subventions de prévention et de soutien destinées à des projets
143
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
nouveaux en faveur des enfants. Les organisations au niveau de la communauté peuvent déposer leur
demande auprès du Comité d’examen de subventions pour les actions de soutien et de prévention qui
examine ces propositions avec les personnels travaillant au niveau des régions et de la province. Les
échanges de ressources (personnel, équipements et moyens de transport) sont plus susceptibles
d’intervenir au niveau local dans le cadre des projets.
Des espaces de travail sont mis à la disposition des partenaires pour rencontrer les clients dans un
but précis (par exemple, les professionnels de la santé dans les établissements scolaires, les travailleurs sociaux dans les centres de santé, etc.). Des accords de partage des services conclus entre les
divisions scolaires leur permettent de partager les services des psychologues, conseillers d’orientation,
orthophonistes. L’approche de l’intégration des services en milieu scolaire part du principe que l’école
est une institution ouverte à tous et que, par conséquent, les clients (parents ou enfants) peuvent y
être contactés plus facilement. Les établissements scolaires jouent ainsi un rôle central dans la planification et l’organisation des services intégrés.
Obstacles
La masse critique d’individus travaillant en collaboration n’a pas encore été atteinte. Même au sein
des ministères subsiste une fragmentation des structures et des processus. La culture du travail en
collaboration n’a pas encore complètement supplanté l’approche sectorielle. Les principales raisons en
faveur de l’amélioration de la collaboration étaient les suivantes : chevauchement des différents
organismes, utilisation inadéquate des ressources, risques de confusion pour les clients cherchant à
accéder à tel ou tel service. Bien qu’à l’échelon supérieur, les autorités soient réellement en faveur de
la collaboration, la mise en œuvre de l’intégration des services n’est pas homogène au niveau du
terrain. Le soutien du processus de collaboration exige des apports financiers et des structures locales
différentes. La collaboration implique un ajustement des services à tous les niveaux. « Il y a tant de
choses à gérer en même temps. » Les cultures et valeurs professionnelles varient entre les organismes
et les individus. Les protocoles, recommandations et orientations existent, mais il reste du chemin à
parcourir pour définir des valeurs et objectifs communs dans l’optique de la collaboration.
Une intense activité est actuellement déployée, à tous les niveaux de l’administration du Saskatchewan et parmi la population, pour étudier et promouvoir le changement vers l’intégration des
services. Certains exemples de projets de collaboration sont donnés ci-après. Les informations proviennent de visites de sites, d’entretiens avec les acteurs clés des projets (dont les clients), des
réponses à un questionnaire écrit, ainsi que d’extraits de divers documents fournis par les responsables de projet.
LES VISITES DE SITES
144
Elles ont été soigneusement préparées. L’équipe d’experts a été très bien accueillie et la plus
grande attention portée à ses besoins (professionnels ou personnels). Le dévouement à l’égard de
l’équipe de l’OCDE témoigne de la volonté de ceux qui participent à la mise en œuvre du Plan d’action
en faveur des enfants à contribuer à sa réussite. A tous les niveaux, les personnes rencontrées ont
manifesté un engagement et un enthousiasme profonds pour les services centrés sur la communauté et
pour les actions multidisciplinaires. Malgré des difficultés de toutes sortes liées à la complexité des
situations auxquelles elles sont confrontées, les personnes étaient prêtes à répondre à nos questions
avec la plus grande franchise et à évoquer sans détour leur travail et les obstacles qu’elles doivent
surmonter.
Les deux visites de sites ont été organisées suivant un protocole identique : brève rencontre avec
les acteurs décisifs, visite de l’école et du quartier et série d’entretiens avec divers membres de la
communauté locale. Tous les participants étaient représentés : hauts fonctionnaires, intervenants au
niveau du terrain, aides-enseignants, parents et élèves. Des informations et documents tels que des
brochures, des projets, des rapports d’évaluation et des statistiques ont été fournis en abondance. Le
Saskatchewan est particulièrement intéressé par les résultats des recherches de l’OCDE et attend avec
impatience la publication des informations sur les autres pays Membres.
Partie I : CANADA
École communautaire Princess Alexandra, Saskatoon
Situation générale
Saskatoon, fondée en 1883, a acquis le statut de ville en 1906. C’est aujourd’hui la plus grande ville
du Saskatchewan, avec une population de 194 000 habitants. Bâtie sur les rives de la Saskatchewan, elle
a été créée par regroupement de trois villages de pionniers, Saskatoon (rive ouest), Nutana (rive est)
et Riversdale (à l’ouest de la voie ferrée). Son nom, Saskatoon, est dérivé du nom indien Cree
Mis-sask-quah-toomina (qui est un pluriel, le singulier s’obtenant en supprimant le « a » final), donné par
les Indiens à une baie – en abondance dans cette zone.
La ville se classe parmi les dix premières grandes villes du Canada avec un coût de la vie inférieur
de 25 pour cent à la moyenne nationale. La fiscalité (impôts fonciers locaux et régionaux et taxe
professionnelle) y est inférieure de 47 pour cent à la moyenne nationale.
L’université du Saskatchewan reçoit chaque année plus de 46 millions de dollars destinés à la
recherche, ce qui en fait l’une des plus prestigieuses universités d’Amérique du Nord dans ce domaine.
Les principales activités de la région sont l’agriculture, l’exploitation minière, les industries manufacturières, l’agro-alimentaire, le tourisme, les transports, la technologie, le bâtiment et la finance. Connue
comme étant le centre des technologies nouvelles de la province, Saskatoon est spécialisée dans des
domaines tels que la biotechnologie, la micro-électronique, les logiciels, l’aérospatiale, l’agroalimentaire, l’agriculture, l’industrie pharmaceutique et vétérinaire. Saskatoon et la province sont des
leaders mondiaux en radio-télémétrie, communications par satellite, communication numérique, robotique minière, et dans les techniques de construction permettant d’économiser l’énergie. Innovation
Place, pôle de recherche de Saskatoon, est le premier et le plus diversifié des centres de ressources
techniques de l’Ouest canadien.
Saskatoon possède un centre d’affaires relativement réduit entouré de huit grands quartiers. Ceuxci ont de nombreuses caractéristiques en commun sur le plan du logement et de la population, mais
présentent d’importantes différences. La ville a connu une période d’essor dans la construction
d’immeubles suite à l’application d’un programme fédéral d’incitations fiscales visant à réduire la
pénurie de logements locatifs dans l’ensemble du pays, qui a eu pour conséquences certains déséquilibres et des dérives incontrôlables. En 1977, le Conseil municipal a déclaré un « gel sur les constructions d’appartements » de façon à mener à bien une étude approfondie permettant d’orienter les
décisions en termes de densité, d’occupation des sols et d’aménagement ultérieur.
Les chiffres du recensement de 1991 révèlent les grandes tendances démographiques. La principale tranche d’âge est celle des 20-40 ans. Les anglophones représentent 84.2 pour cent de la population. Les langues des autres communautés représentent chacune moins de 3 pour cent de la population. Les effectifs scolaires sont de 22 315 élèves dans les écoles publiques et 13 826 dans les écoles
catholiques (pas de chiffres pour les autres types d’établissements). La ville compte 42 écoles élémentaires, huit établissements d’enseignement secondaire et une université.
En 1991, le revenu moyen des ménages était de 49 032 dollars par an, et la taille moyenne des
foyers était de trois personnes. Les familles monoparentales représentaient 10 pour cent du total.
Il existe d’importants écarts d’un quartier à un autre. Le niveau de revenu des ménages varie,
selon le quartier, du simple au quadruple (24 006 dollars pour le plus bas et 98 479 pour le plus élevé).
La proportion de familles monoparentales peut aller de 27.8 pour cent à moins de 1 pour cent. Ces
chiffres sont d’ailleurs corrélés, ce qui n’est guère surprenant : le niveau de revenu le plus bas est celui
du quartier où les familles monoparentales sont les plus nombreuses et le niveau d’instruction le
plus bas.
L’école Princess Alexandra est située dans le quartier de Riversdale qui présente la plupart des
indicateurs de risque : faible revenu des ménages, proportion élevée de familles monoparentales
(15.3 pour cent), pourcentage élevé de non anglophones (40 pour cent) et faible niveau de réussite
scolaire (66.2 pour cent des élèves quittent l’école en classe de troisième à 13 ans ou sans diplôme). La
majorité des élèves (près de 80 pour cent) sont d’origine autochtone. Les 20 pour cent restants sont
essentiellement des élèves d’origine asiatique ou caucasienne. En début d’année, 66 pour cent des
145
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
élèves sont nouveaux et il se produit un renouvellement de 66 pour cent des effectifs dans le courant
de l’année. L’une des conséquences de ce taux élevé d’élèves de passage est que la majorité des
élèves accumulent un retard de deux à quatre ans par rapport à leurs condisciples des écoles situées
dans les banlieues aisées. En moyenne, environ 80 pour cent des familles sont en contact direct avec
les services sociaux et/ou le système judiciaire, et 60 pour cent vivent exclusivement de l’aide sociale.
Input – niveau stratégique
Le concept d’école communautaire : « L’école communautaire est soucieuse de la participation de tous
les membres de la communauté qu’elle dessert. Elle cherche à améliorer l’environnement dans son
ensemble et la qualité de la vie pour les enfants, les familles, les personnes âgées, de tous ceux qui
vivent dans le quartier. Elle s’efforce de mettre les organismes de santé, d’action sociale, de loisir et
d’éducation à la portée des gens » (Jack Stevens, coordinateur de l’école communautaire de Vancouver,
cité dans le Community Schools Programme, mars 1990).
La notion d’école communautaire a fait son apparition au Canada en 1966 à l’école communautaire
de Flemington Road à North York, Toronto. Les écoles communautaires ont trois grands objectifs :
– proposer un programme scolaire axé sur la communauté ;
– constituer un lieu de vie pour la communauté ;
– fournir des services à la communauté.
Les ambitions du Saskatchewan dans ce domaine sont les suivantes :
– susciter une meilleure participation et compréhension de la communauté dans le domaine des
affaires scolaires ;
– prévoir le développement d’activités qui améliorent l’apprentissage chez les enfants et les
adultes, encouragent la tolérance raciale et culturelle, notamment entre les groupes constituant
la communauté et contribuent à créer un environnement sûr pour le bien-être physique des
enfants ;
– amener les parents et autres habitants du quartier à participer à l’élaboration de la politique de
l’école, de son règlement, de son programme d’études, au financement et à l’entretien des
installations ;
– développer le sens de la communauté dans le quartier de l’école ;
– informer les parents d’élèves et habitants du quartier sur les questions éducatives et événements particuliers de la vie de l’école ;
– encourager les habitants à définir et mettre en place des activités pour les adultes dans
l’établissement et dans la communauté ;
– faire participer les habitants du quartier aux débats sur l’utilisation des ressources de la communauté et des organismes afin de soutenir le programme éducatif et satisfaire les besoins de la
communauté.
Un élément déterminant du modèle de l’école communautaire est la présence, aux côtés du
personnel habituel, d’aides-enseignants, d’un coordinateur d’école communautaire, des personnels
administratifs de soutien et d’un coordinateur de la nutrition chargé de mettre en œuvre le programme
nutritionnel.
En 1990, la Commission de l’éducation de Saskatoon a organisé un symposium afin d’élaborer un
plan pour les écoles élémentaires des quartiers déshérités du centre ville, selon quatre grands axes :
– améliorer les résultats scolaires ;
– encourager un comportement plus positif des élèves ;
– améliorer leur confiance en eux ;
146
– donner un pouvoir de décision aux communautés et parents des quartiers défavorisés du centre
ville.
Partie I : CANADA
Dans ce plan, les élèves à risque sont définis comme « les élèves dont les besoins sociaux,
affectifs, physiques et/ou intellectuels n’ont pas été satisfaits, ce qui entraı̂ne des situations chroniques
ou urgentes dans lesquelles ils sont incapables d’assurer leur réussite sur les plans scolaire, personnel
et social ».
Contexte
Les autorités du Saskatchewan ont défini des critères pour déterminer les écoles susceptibles
d’obtenir le statut d’école communautaire. L’école Princess Alexandra qui a été retenue est située dans
le quartier de Riversdale pour lequel les statistiques concernant les principaux facteurs de risque sont
les suivantes :
– 47 pour cent de la population de plus de 15 ans ne travaillent pas ;
– 22 pour cent des ménages sont des familles monoparentales ;
– 28.3 pour cent des foyers n’ont pas l’anglais comme première langue ;
– 36.6 pour cent des ménages ont un niveau d’instruction inférieur à la classe de troisième ;
– 42.6 pour cent des ménages ont un revenu inférieur à 20 000 dollars par an ;
– 63.6 pour cent des élèves sont d’origine indienne ou métisse ;
– 56 pour cent des ménages vivent dans un logement de type locatif (Saskatoon Board of Education, 5 avril 1994).
L’école Princess Alexandra est l’une des quatre écoles bénéficiant du Plan pour les écoles du
centre ville élaboré par les autorités municipales et mis en œuvre à partir de l’année scolaire 1988-89.
L’école accueille actuellement 150 élèves. Les principaux problèmes sont le nomadisme des élèves,
l’écart culturel entre l’école et le domicile, les retards scolaires, le manque d’estime de soi, le désœuvrement des jeunes, qui errent dans les rues, la prostitution précoce, la délinquance, la proportion
élevée de familles vivant exclusivement de l’aide sociale, et le nombre élevé d’enfants ayant besoin
d’être protégés.
Processus – niveau du terrain
Climat général : Le chef d’établissement et le personnel ont décidé de répondre aux besoins des
élèves en rendant leur école « volontairement accueillante » et en s’efforçant de l’ouvrir à la communauté du quartier par la prise en compte de la culture autochtone de nombreux élèves. Cela s’est fait
au niveau de la décoration de l’école et par la création d’une troupe de danse Hoop. Plus en profondeur,
les besoins éducatifs des élèves d’origine autochtone ont été pris en compte par la mise en place de
classes permettant un regroupement par cycle et par une approche thématique dans l’ensemble de
l’établissement. Le groupement des élèves par cycle est considéré comme plus en harmonie avec la
« philosophie holistique des Américains autochtones ». Il renforce l’estime de soi et l’affiliation culturelle. Un des premiers objectifs identifiés par le personnel de l’école était d’encourager la coopération
entre les élèves. Lorsque les élèves se retrouvent dans des groupes où les âges et compétences sont
différents, il en résulte des interactions plus positives.
Le Plan recommandait notamment d’améliorer l’aspect des établissements et leur confort. Pendant
la visite de l’établissement, le directeur, John Barton, a souligné ce point, qu’il considère comme
déterminant pour la réussite des autres efforts destinés à améliorer les résultats scolaires au sein de
l’établissement. Ainsi, les murs ont été repeints pour accueillir les dessins et peintures des enfants,
renouvelés tout au long de l’année. Cette approche a notamment nécessité des modifications élémentaires, comme l’agencement du bureau du directeur ou l’installation de plantes vertes, de posters avec
des slogans encourageants, des photographies ou des tableaux de membres des « Premières nations »
respectés ou ayant réussi.
L’école propose actuellement huit programmes pour répondre aux besoins de la communauté : un
programme de réinsertion scolaire, des actions d’aide à l’apprentissage de la lecture, des groupements
par cycles pour l’apprentissage, l’adoption de thèmes communs à toute l’école, une éducation
147
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
physique quotidienne de qualité, un accueil préscolaire, un centre de documentation (ouvert de
7 heures à 21 heures) et une journée de scolarisation alternative.
Les autres programmes se font en collaboration avec des organismes locaux : la troupe de danse
Hoop, les bénévoles de l’hôpital St Paul, un partenariat avec le journal Star Phoenix et le Nutana College,
la rédaction de bulletins destinés aux parents sur les progrès des élèves, un programme de liaison avec
la police du centre ville et des dispositifs de liaison entre l’école et les familles.
Pendant les entretiens, nous avons pu interroger certains membres du personnel et des participants aux différents programmes.
Accueil préscolaire : Les quatre écoles communautaires publiques, les associations locales et les
citoyens intéressés ont créé le Comité préscolaire du centre ville qui a une double mission : assurer
l’harmonisation des programmes de préscolarisation mis en œuvre dans les quatre écoles communautaires et coordonner la collecte de fonds pour ces programmes.
L’accueil préscolaire fonctionne dans l’établissement sous la direction d’une personne élue par la
communauté et un conseil d’administration (où siègent le directeur de l’école, des travailleurs sociaux
et des parents). Il est financé à 75 pour cent par les autorités et à 25 pour cent par des actions de
collecte de fonds. Les églises et amicales soutiennent activement ces efforts. Une vingtaine d’enfants
de 3 et 4 ans sont ainsi accueillis trois jours par semaine de 9 heures 30 à 12 heures 30. En plus des
activités préscolaires sont proposées de nombreuses activités en direction de la communauté :
groupes de lecture pour donner aux parents des idées et les encourager à lire des histoires avec leurs
enfants, goûters et « cercles de guérison » (ou groupes de discussion, tradition indienne destinée à
permettre aux personnes de parler de leurs problèmes). Bien que l’accueil préscolaire soit gratuit, il est
cependant difficile de convaincre les autochtones d’y amener leurs enfants et les groupes pour adultes
doivent s’efforcer de convaincre les parents des bienfaits de la préscolarisation.
Programme de réinsertion scolaire : Il est géré par Radius Tutoring, centre communautaire pour l’éducation, l’emploi et la formation. Les élèves y sont envoyés, généralement après avoir quitté l’école, pour y
acquérir une nouvelle façon d’aborder l’école. La stratégie est axée sur les relations personnelles, la
responsabilité individuelle et un processus d’évaluation des aptitudes de chacun. Il ne s’agit pas d’une
école expérimentale mais plutôt d’un programme visant à induire des changements de comportement.
Après leur réinsertion scolaire, les élèves sont suivis par un responsable de liaison. Environ 20 places
sont réservées aux élèves de l’école Princess Alexandra. Un total de 31 élèves ont ainsi été aidés entre
septembre et décembre 1993. Le taux d’encadrement y est d’un adulte pour six à huit élèves. Le
programme est financé par des subventions fédérales annuelles (dans le cadre de l’initiative Stay-inSchool Initiative). Les autres sources de financement proviennent de la Commission de l’éducation de
Saskatoon, qui finance les places, et dans une moindre mesure, des services sociaux de Saskatoon
(10 pour cent), ainsi que des donateurs privés.
Groupements par cycle : L’école compte actuellement six classes ordinaires et des groupements
éducatifs spécialisés. Les deux classes de chacun des groupes appartiennent au même cycle. Ainsi, le
premier groupe est constitué de deux classes de niveau 1 et 2 (jardin d’enfants), le groupe intermédiaire de deux classes de niveau 3, 4, 5, et le groupe supérieur de deux classes de niveau 6, 7 et 8. Les
réunions hebdomadaires de ces groupes mobilisent généralement les deux enseignants, les aidesenseignants, le personnel éducatif spécialisé (notamment l’enseignant chargé du centre de documentation), et le bibliothécaire. Dans chacun des groupes, la différence d’âge peut aller jusqu’à cinq ans
entre les élèves les plus jeunes et les plus âgés. Les enseignants et élèves pensent que cela permet
aux élèves d’oublier les étiquettes associées aux âges et aux niveaux. Ainsi, certains élèves en cours
élémentaire première année ont encore besoin de jouets et d’activités ludiques, ce qui est tout à fait
permis dans le cadre du groupement par cycle.
148
Fonctionnement de l’établissement : L’école est ouverte de 7 heures 30 à 23 heures et sert le petit
déjeuner et le déjeuner. Elle est ouverte après les heures de classe et propose des activités de loisirs :
danse Hoop, art, artisanat et cuisine, cours d’alphabétisation pour les adultes, et permet aux élèves
d’utiliser le centre de documentation pour y faire leurs devoirs tranquillement. Elle a mis en place une
journée scolaire alternative, ce qui permet aux élèves d’être accueillis dans un lieu sûr, et un système
Partie I : CANADA
de correspondance interne pour encourager les activités d’écriture. Les enseignants rédigent à l’attention des familles des bulletins sur les progrès des élèves.
La troupe de danse Hoop : Elle a été créée pour susciter la fierté de la communauté vis-à-vis de sa
culture autochtone. Elle s’est produite dans quatre provinces du pays et a participé à un film publicitaire destiné à la télévision. Ses membres ont fourni des conseils à de nombreux groupes locaux et
provinciaux. La troupe s’est produite dans diverses rencontres nationales et provinciales et a pris en
charge plus de 20 visites de l’école. Elle a accepté de se produire lors de la visite des experts de
l’OCDE et a fait la preuve de son talent. La danse Hoop est un spectacle impressionnant et s’effectue à
l’aide de cerceaux, que les danseurs font tourner autour d’eux en évoluant à vive allure pour représenter des métaphores de la création.
Partenariats de l’école : L’école travaille en partenariat avec le journal Star Phoenix et le Nutana College
pour encourager la création artistique par des échanges entre les deux écoles, qui sont largement
évoqués dans le journal. Dix salariés de l’entreprise travaillent avec des élèves de l’école auprès
desquels ils jouent le rôle de tuteurs et de modèle. Star Phoenix est l’un des grands journaux de
Saskatoon. Un partenariat a également été mis en place pour créer des liens entre le monde du travail
et l’école et a permis l’organisation d’expositions dans lesquelles les travaux des élèves ont été
présentés et ont pu être vendus à leur profit grâce aux entreprises locales.
Programme de liaison avec les services de police du centre ville : Les services de police ont mis en place une
section éducative et ont décidé d’organiser des visites amicales dans les écoles élémentaires afin de
faire disparaı̂tre la méfiance de certains habitants à leur encontre. Lors de ces visites, le fonctionnaire
de police est en uniforme et s’efforce d’entrer en contact avec les élèves.
Un centre d’assistance a été créé dans un bâtiment fourni par le Programme d’amélioration du
commerce (Business Improvement District – BID), qui a également fourni des ordinateurs et du
matériel de bureau. On y dispense des cours d’initiation à l’informatique et c’est également un centre
de prévention de la délinquance où les habitants du voisinage peuvent venir déposer des plaintes. Il
est ouvert de 9 heures à 21 heures. L’association Community Partners y travaille bénévolement. Le
groupe Zero Tolerance est une autre association locale qui travaille avec la communauté pour débarrasser le quartier de la prostitution en prenant des photos des clients des prostituées. Les services de
police financent le salaire des fonctionnaires de police et fournissent le matériel, mais l’essentiel du
financement provient de la communauté. Il s’agit d’un partenariat entre l’école, l’association communautaire et les services de police.
Les étudiants du Programme Human Justice de Regina et de l’Université de Saskatoon y participent. Une étudiante en doctorat termine actuellement une enquête sur ce dispositif.
Programme d’amélioration du commerce de Riversdale (BID) : La Commission du BID regroupe neuf personnes, huit hommes et une femme, et un conseiller municipal nommé par la ville de Saskatoon. Elle
se réunit une fois par mois. Créée en mars 1990, elle s’est fixé pour objectifs de :
– rénover la zone commerciale qui avait souffert de la crise ;
– lutter contre la toute-puissance des grands centres commerciaux ;
– mettre en valeur le caractère multiculturel du quartier.
Le quartier était particulièrement sinistré. Il comptait deux pubs dont la direction laissait à désirer.
Le BID les a fait fermer et rouvrir après un changement de direction, ce qui a permis de stabiliser la
situation. Les prostituées ont également disparu. La Commission du BID se préoccupe de la situation
d’enfants livrés à eux-mêmes dans les rues, qui se regroupent en bandes et commettent des actes de
vandalisme. Elle a lancé des initiatives, notamment un programme de nettoyage des trottoirs et
chaussées, et a commandé des fresques afin d’améliorer l’aspect du quartier. Elle participe au financement de diverses manifestations et à l’entretien du centre de police.
Collaboration – input aux niveaux stratégique, opérationnel et du terrain
Les services de l’éducation de Saskatoon participent à la rémunération de la coordinatrice de
l’école communautaire et des aides-enseignants et au financement d’activités extra-scolaires pour les
149
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
enfants. La coordinatrice de l’école communautaire se définit comme étant chargée d’« organiser des
activités extrascolaires pour les enfants, de tenter d’améliorer la vie des familles et de travailler avec
l’association du quartier pour organiser des événements précis ».
Les aides-enseignants autochtones sont chargés d’aider les enseignants, d’améliorer le fonctionnement quotidien de la classe et de faciliter les groupements par cycle des élèves. « Les aidesenseignants devraient être des autochtones appartenant à la communauté dans laquelle l’école est
implantée. En tant qu’interprète culturel, l’aide-enseignant deviendra l’une des voix de la communauté
dans la classe. Il peut aider les enseignants à prendre conscience des différences culturelles qui créent
une distance entre l’école et la famille. L’aide-enseignant et l’enseignant forment une équipe qui
travaille en collaboration. L’enseignant se charge de la planification des activités, du diagnostic des
problèmes, et l’aide-enseignant lui vient en aide dans ses tâches quotidiennes et lui fait découvrir
l’environnement social des élèves » (Community Schools Programme, mars 1990).
La ville de Saskatoon participe directement à la mise en place de programmes pour ses habitants,
via son bureau des loisirs. Elle soutient 43 associations de quartier, s’assure de la solidité de leur
organisation et de la formation des responsables, leur accorde des subventions et aides pour la
création d’activités. Ce sont les associations qui assurent la gestion des activités. Elles sont regroupées
en six districts sur l’ensemble de la ville. Il existe également des programmes conjoints couvrant
plusieurs districts : ainsi, un programme de vérification du parc de logements par les services de lutte
contre l’incendie de la ville a été mis en place.
Les associations travaillent auprès de la communauté autochtone. Elles souhaitaient, par exemple,
augmenter la fréquentation de la piscine par les enfants autochtones. Après des discussions avec la
communauté, elles se sont aperçues que les enfants n’allaient pas à la piscine car ils ne savaient pas
comment s’y conduire : par exemple, ils ne savaient pas s’ils devaient ou non garder leurs sousvêtements sous leur maillot de bain. L’association du quartier a donc décidé d’engager des maı̂tresnageurs autochtones.
Dans le cadre d’un effort inter-organismes, un centre d’accueil des jeunes (EGADZ) a été créé au
centre ville. Il est fréquenté par une importante proportion de jeunes autochtones. Un certain nombre
d’organismes participent à son fonctionnement et aux divers programmes mis en place : réintégration à
l’école, santé, nutrition. Il s’agit d’une première en matière de travail inter-organismes. Pour siéger au
conseil d’administration, les organismes doivent être parties prenantes du programme.
Collaboration – fonctionnement aux niveaux stratégique et opérationnel
150
La Commission de l’éducation de Saskatoon compte sept membres élus pour une durée de trois
ans. Elle élabore les politiques et les met en œuvre. Les directeurs d’établissement et administrateurs
du bureau central se réunissent deux fois par mois pour examiner les questions administratives, de
planification et de perfectionnement des personnels. Les membres élus de la commission se rendent
dans les écoles par deux pour garder le contact avec les parents et la communauté. Les administrateurs
du bureau central se rendent régulièrement dans les établissements pour rester en communication
avec les personnels, élèves et parents.
Les directeurs régionaux de l’éducation : Ils sont le lien entre les autorités et les acteurs au niveau local et
sont chargés de fixer le budget des établissements et de fournir des conseils pour l’interprétation de la
réglementation adoptée par les autorités. C’est pourquoi ils comptent dans leurs rangs un spécialiste
des programmes scolaires et un expert en éducation spécialisée. Ils sont censés travailler avec leurs
homologues des services sociaux et de santé, et ce, bien que les divisions administratives des trois
services ne coı̈ncident pas.
Le Conseil de l’enfance du Saskatchewan : Cette instance a été créée dans le cadre du Plan d’action en
faveur des enfants. Elle regroupe des personnels qui travaillent aux niveaux stratégique et opérationnel des services éducatifs, sanitaires et sociaux et participent au processus d’intégration des services.
Le directeur de l’école Princess Alexandra en fait partie. Ce conseil est placé sous la responsabilité du
Comité de pilotage inter-organismes, qui rassemble des représentants de chacun des ministères et qui
est chargé de la mise en œuvre du Plan d’action en faveur des enfants.
Partie I : CANADA
Collaboration au niveau du terrain
La planification et la prise de décisions sont effectuées par l’ensemble du personnel et la communauté lors de réunions mensuelles. Les personnels se réunissent chaque semaine en dehors des
heures de classe, et tous les mois pendant les heures de classe pour examiner certaines questions,
organiser et mettre en œuvre des plans de formation. L’association du quartier joue un rôle essentiel.
Le Comité des loisirs autochtones contribue à la mise en œuvre de programmes pour les jeunes
autochtones (danse Hoop, arts et artisanat autochtones). Il travaille avec le Conseil multiculturel pour
répondre aux besoins des autres communautés.
Créé à l’origine par les services des loisirs pour organiser des activités de loisirs, il s’intéresse
depuis peu à des problèmes touchant à la vie du quartier. Un de ses objectifs est de stabiliser la
population en fournissant des logements de meilleure qualité, de faire passer la proportion de propriétaires de 47 à 54 pour cent. Il a mené un programme de contrôle de la qualité des logements en
collaboration avec les services de lutte contre l’incendie, ce qui a eu pour conséquence de limiter les
locations de taudis, et a contraint quelques-uns des propriétaires à renoncer à leurs gains peu
scrupuleux.
Formation : Les enseignants ont peu de possibilités de formation leur permettant de se préparer à
travailler avec des élèves autochtones. L’ITEP (Indian Teacher Education Programme) assure la formation des autochtones avec un programme d’études spécial (deux années à part et deux années de
formation commune). Cependant, la plupart des enseignants indiens choisissent de retourner enseigner dans les réserves et ils font défaut dans les écoles de la ville. Entre 1990 et 1993, un stage annuel
de deux jours a été organisé dans l’objectif de réunir les conseillers municipaux du centre ville, les
enseignants, les auxiliaires, les personnels de soutien et parents afin de repréciser les objectifs du plan
et de trouver de nouvelles idées.
Résultats
Une évaluation de l’application du Plan pour les écoles du centre ville entre 1990 et 1993, réalisée
par un comité ad hoc composé de membres de la Commission de l’éducation de la ville, a été publiée le
5 avril 1994 (Saskatoon Board of Education, 1994). Le rapport final a été rédigé par Don Huim.
Angela Ward, de l’Université du Saskatchewan, a co-signé un rapport sur l’approche de l’apprentissage
par groupes (cluster approach) adoptée par l’école Princess Alexandra. Elle fournit des statistiques sur les
inscriptions et le taux de nomadisme des élèves, et émet un certain nombre de recommandations :
– mettre l’accent sur l’accueil préscolaire. En fait, les quatre écoles communautaires du centre ville
ont mis en place un dispositif de ce type ;
– mettre en place un programme d’intervention étendu pour aider les élèves qui ne savent pas
lire après une année passée au jardin d’enfants ;
– permettre l’accès à l’informatique ;
– travailler en vue d’un taux d’encadrement idéal d’un professeur pour 15 élèves ;
– améliorer le modèle d’apprentissage en coopération pour personnaliser et individualiser
l’enseignement ;
– prévoir des moyens pour la nutrition et l’hygiène ;
– augmenter l’horaire de travail des personnels de soutien aux élèves ;
– encourager les programmes de réinsertion scolaire pour les élèves absentéistes ou nomades ;
– améliorer le contenu des programmes d’étude : langue et civilisation maternelles, aptitudes
langagières, préparation à la vie quotidienne, expérience de travail, tolérance culturelle ;
– mettre au point des tests fondés sur des critères adéquats ;
– améliorer l’aspect et le confort des établissements ;
– prévoir des réunions annuelles d’orientation et des séances de suivi ;
151
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
– poursuivre le programme Education Equity pour donner aux élèves, notamment ceux d’origine
autochtone, des modèles d’enseignants ayant réussi ;
– renforcer les contacts avec les parents, les visites aux familles, l’éducation parentale et l’amélioration des compétences parentales ;
– créer un conseil de planification inter-organismes regroupant toutes les instances compétentes ;
– continuer à soutenir les associations communautaires ;
– poursuivre et améliorer le cofinancement par tous les échelons de l’administration (fédéral,
provincial, local) ;
– étudier la possibilité de création d’un centre communautaire intégré.
Toutes ces recommandations sont actuellement suivies, avec des différences notables entre les
établissements.
Interrogé sur les changements intervenus, le personnel a fait état de progrès dans tous les
domaines, et souligne le bien-fondé des thèmes et activités axés sur la culture autochtone, des
programmes d’amélioration des compétences langagières et des aptitudes sociales, et des possibilités
de pratiques sportives et de loisirs. Cependant, les efforts de modification des programmes scolaires
sont entravés par le manque de ressources financières. Les programmes de formation des enseignants
sont jugés indispensables pour l’adoption de pratiques de collaboration. Le personnel note une
amélioration du comportement des élèves en classe et une fierté plus grande parmi eux. L’atmosphère
générale et l’aspect des écoles se sont améliorés, mais des réparations et rénovations sont encore
nécessaires.
Les entretiens avec un certain nombre de personnes directement concernées par le projet de
l’école Princess Alexandra confirment l’impression générale. L’aptitude des élèves à vivre en société,
leur intérêt pour l’école et leur motivation se sont améliorés. Ils semblent mieux intégrés à leur
communauté. Les relations interculturelles se sont elles aussi améliorées malgré le racisme environnant. La délinquance, l’absentéisme et le nomadisme sont en baisse, même s’ils constituent encore
des problèmes graves. L’intérêt des parents pour l’école s’accroı̂t lentement, mais reste insuffisant. Les
autochtones participent à la vie associative et à la prise de décisions dans le quartier. Les groupements
par cycle, la présence d’enseignants ressources (professeurs consultants) et d’aides-enseignants sont
considérés comme particulièrement utiles. L’impression générale est que le plan a permis d’accomplir
un travail précieux. La collaboration s’est améliorée à tous les niveaux. Désormais, les enseignants
posent leur candidature pour travailler à l’école Princess Alexandra et demandent à y rester. L’école est
en train de devenir un centre de ressources pour la communauté, les familles peuvent y passer
n’importe quand après les heures de classe. De plus, le quartier dans son ensemble s’est considérablement amélioré.
Problèmes et enjeux
152
Le principal problème est la sous-représentation des autochtones à tous les niveaux. Seuls trois
enseignants sont d’origine autochtone, les membres du conseil d’administration de l’association communautaire sont essentiellement des Blancs et seules deux nations sur les douze que compte le
quartier y sont représentées. Les parents d’origine indienne sont peu présents aux réunions car « ils ne
comprennent pas comment cela fonctionne, ils se sentent incapables de changer les choses » (David
Fineday, parent, membre du conseil d’administration de l’association communautaire). L’école Princess
Alexandra a adopté un principe d’éducation et d’harmonie, et a pour vocation de répondre aux besoins
de tous les élèves et de leur famille. C’est pourquoi, par exemple, la troupe de danse Hoop est ouverte
à tous : elle compte des Indiens, des Métis, et plusieurs garçons et filles non autochtones. Les
chanteurs et percussionnistes sont généralement des hommes et garçons d’origine autochtone.
Un autre obstacle est l’absence, dans l’enceinte de l’établissement, d’un espace communautaire
qui pourrait être réservé aux parents.
D’après certaines des personnes interrogées, l’image du quartier reste négative, alors que rien ne
le justifie plus.
Partie I : CANADA
L’appareil judiciaire, qui est considéré comme partial vis-à-vis des autochtones, ne soutient pas
les efforts de rénovation.
Facteurs propices au travail en collaboration
Les facteurs suivants semblent contribuer à améliorer la collaboration :
– un cadre précis, avec un financement adapté, une vision commune et des recommandations
pertinentes ;
– un suivi clair du processus, avec des séances régulières d’évaluation ;
– l’engagement du personnel et la volonté de sortir de la routine et de participer à des activités
après les heures de classe ;
– une bonne gestion par le directeur d’établissement, qui doit être confiant, optimiste, souple et
capable de s’adapter à des situations nouvelles, de déléguer des responsabilités aux personnels
et membres de la communauté, et d’accepter le point de vue des autres ; il est unanimement
reconnu que John Barton, directeur de l’école Princess Alexandra, possède ces qualités ;
– une planification attentive et détaillée des activités ;
– une formation préalable et en cours d’emploi de tout le personnel ;
– la participation des familles et des communautés ;
– l’équité et la communication entre le personnel et les bénévoles.
Obstacles à la collaboration
Les intervenants sur le terrain considèrent que les tâches administratives prennent beaucoup trop
de temps. Il y a conflit entre l’orientation du processus et la difficulté pour certains de déléguer. La
gravité des situations décourage parfois les efforts d’amélioration. Souvent, les clients sont passifs ou
réticents. Malgré les efforts, la communication entre les services n’est pas toujours parfaite, notamment
en raison de la non-concordance des divisions administratives et du manque de temps au niveau
stratégique. Un autre facteur est la fatigue des personnels liée au travail supplémentaire, aux manifestations et activités organisées après les heures de classe (auxquelles s’ajoute le temps consacré à la
collecte de fonds pour pallier l’insuffisance des moyens). Enfin, la formation au travail en collaboration
est insuffisante.
Groupe des citoyens de West Flat, Prince Albert
Situation générale
La ville de Prince Albert est située au nord de Saskatoon, à la frontière des deux grandes zones
géographiques qui constituent le Saskatchewan : au nord se trouvent les forêts et le début du plateau
canadien, et au sud les prairies et plaines. La ville compte 33 000 habitants et ses principales
ressources économiques sont l’agriculture, la sylviculture et, dans une moindre mesure, l’exploitation
minière et le tourisme. Le système pénal fournit un certain nombre d’emplois à Prince Albert qui abrite
deux centres de détention provinciaux et un pénitencier fédéral. Le secteur primaire induit de nombreux services en aval : fabrication de papier, agro-alimentaire et tourisme. La proportion d’autochtones dans la population est de 30-40 pour cent, et devrait passer à 50 pour cent d’ici l’an 2000.
La région de Prince Albert abrite 14 tribus des Premières nations, qui regroupent une population
d’environ 25 000 personnes. Le déclin de leurs sources traditionnelles de revenu se traduit par un
exode important des Indiens qui quittent les réserves.
La région dans son ensemble souffre de la baisse du prix des produits agricoles et des coûts
élevés de production.
153
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
Le quartier de West Flat : Il compte environ 25 pour cent de la population totale de la ville et présente
un nombre élevé d’indicateurs de risque :
– un chômage élevé, et donc des revenus bas ;
– un nombre élevé de logements locatifs et de qualité inférieure aux normes en vigueur ;
– un taux élevé de nomadisme ;
– un nombre important de familles monoparentales et de familles reconstituées ;
– le taux de grossesses adolescentes le plus élevé de la province (17 pour cent des naissances) ;
– une proportion importante d’enfants d’âge scolaire (60 pour cent, contre 30 pour cent pour le
reste de la province).
De nombreux habitants du quartier sont d’origine autochtone et l’anglais n’est pas leur première
langue. La plupart d’entre eux ont été élevés dans des pensionnats (ce qui était très courant il y a
encore une vingtaine d’années) et n’ont pas pu apprendre à exercer leur métier de parent. Ils ne
peuvent souvent pas s’appuyer sur un réseau familial. Nombre de parents ont reçu une éducation très
sommaire et ne considèrent pas l’école comme une priorité pour leurs enfants. Le taux d’illétrisme est
donc très élevé. L’alcoolisme et la délinquance sont très répandus et les personnes âgées ont un fort
sentiment d’insécurité.
Il existe « un degré élevé de frustration et de colère, conjugué à une impuissance et un désespoir
acquis. Ils ne voient pas comment s’en sortir » (Yvonne Gryoerick, membre de la communauté, enquête
sur West Flat).
Le quartier dans son ensemble souffre d’une image négative, d’une perception défavorable et d’un
manque d’information du public, et dans une certaine mesure, d’une médiatisation excessive.
Programmes communautaires de West Flat : En 1991, une poignée de femmes a commencé à se préoccuper de la fréquence des demandes d’intervention de la police dans le quartier. Le sentiment d’insécurité était tel que les personnes âgées n’osaient plus sortir de chez elles. Les principaux problèmes
étaient l’alcoolisme, la violence, la fabrication d’alcool de contrebande, et les cambriolages. Le taux
d’absentéisme et de grossesse chez les adolescentes était également très préoccupant. Pour en finir
avec la passivité de la population et l’inciter à prendre les choses en main, une enquête a été menée.
Un comité de pilotage a été créé pour mener à bien le travail pendant l’été. Il a été aidé par un
membre du Conseil tribal, qui a assuré le traitement et l’analyse des données par informatique. Le
directeur de l’école communautaire St Michael s’est chargé de la rédaction du rapport. En août et en
septembre de l’année suivante, le bâtiment de l’école devait être laissé vacant. La personne chargée
de la banque alimentaire envisageait de s’y installer, ainsi que le club du troisième âge, mais une
partie importante du bâtiment restait inoccupée. L’Association communautaire a donc demandé à s’y
installer. Le directeur régional des services sociaux a obtenu une aide de 9 000 dollars afin de financer
la location du bâtiment pour une durée de six mois.
Le Groupe des citoyens de West Flat (West Flat Citizens’ Group) a été créé pour gérer ce fonds. La
structure de base était une association à but non lucratif dotée d’un conseil d’administration composé
de bénévoles. Le Groupe a alors élaboré une proposition avec l’aide du ministère de l’Éducation, de la
Formation et de l’Emploi, et des Services sociaux et de santé au niveau de la province. Une approche
intégrée et axée sur les besoins de la communauté a été considérée comme la meilleure solution aux
problèmes existants. La ville de Prince Albert a ensuite fait l’acquisition du bâtiment et accepté de le
rénover pour accueillir les différents programmes mis en place suite à l’enquête et aux propositions.
Le projet s’inscrit dans le cadre du Plan d’action en faveur des enfants du Saskatchewan.
Les programmes suivants sont proposés :
154
– Éducation : Accueil préscolaire pour les enfants de 3 et 4 ans, programme EAGLE pour les jeunes
de 15-18 ans incapables de s’adapter au système scolaire, éducation parentale, assurée par un
travailleur social spécialisé dans l’aide aux parents adolescents, éducation à la santé et à la
nutrition, services d’orthophonie, assurés dans le centre par des infirmiers des services de santé.
Partie I : CANADA
– Loisirs : Des activités de loisirs sont proposées régulièrement aux enfants et jeunes (patinage,
natation, cinéma, boums, sorties familiales, soirées gymnastique).
– Logement : La rénovation de l’habitat est assurée pour les personnes âgées et les familles à faible
revenu. La main-d’œuvre est fournie gratuitement par New Careers Corporation. Ce sont les
propriétaires qui achètent les matériaux nécessaires. Les services du logement du Saskatchewan
ont donné leur agrément pour 20 logements situés près du Centre communautaire et destinés à
des personnes âgées et des familles.
– Maintien de l’ordre : Un bureau d’accueil est géré par des bénévoles de West Flat en collaboration
avec la police de Prince Albert. Des patrouilles sont organisées dans le quartier.
– Programme pour les personnes âgées : Il sera élaboré dans le cadre du projet pour le logement.
Accueil préscolaire : Une structure est ouverte depuis le 4 octobre 1993. D’une capacité de 90 places,
elle accueille actuellement 73 enfants deux demi-journées par semaine. Nous avons rendu visite à deux
groupes différents composés d’une quinzaine d’enfants. Le personnel se compose d’un directeur,
d’une conseillère familiale à mi-temps qui gère le programme à l’attention des parents adolescents et
effectue des visites à domicile, et de quatre enseignants (deux pour chaque classe). Cinq parents y
viennent chaque jour à titre bénévole. Le projet est financé par les services sociaux et de santé, d’une
part, et de l’éducation, de la formation et de l’emploi, d’autre part. Les services de santé organisent des
visites médicales. Le travail de santé est réalisé conjointement avec un infirmier des services de santé
publique. Un nutritionniste prépare le petit déjeuner deux fois par semaine. Un assistant dentaire
assure des examens de dépistage. Le comité d’éducation préscolaire est composé de membres des
services sociaux, des présidents du Groupe des citoyens de West Flat, des directeurs et coordinateurs
des deux écoles communautaires du quartier, et de représentants des services de santé (un infirmier,
un nutritionniste, un assistant dentaire, un orthophoniste et une puéricultrice). Il se réunit tous les mois
et participe à des réunions avec un groupe des « Réseaux de soutien familial ».
L’objectif de l’accueil préscolaire est de donner un bon départ aux enfants et de favoriser le
développement de leurs compétences cognitives, physiques, sociales et de communication. La plupart
des enfants sont d’origine indienne ou métisse et l’anglais n’est pas leur première langue. Bien qu’il
soit réservé en priorité aux enfants de West Flat, le centre peut accueillir des enfants d’autres quartiers,
en fonction des places disponibles.
Programme EAGLE (Education, A Good Learning Experience – « L’éducation : une bonne expérience
de l’apprentissage ») : Ce programme est financé par les ministères de l’Éducation, de la Formation et
de l’Emploi, et des Services sociaux. Il a été mis en place pour répondre aux besoins des trop
nombreux élèves qui abandonnaient leur scolarité. Il est constitué de différents volets : enseignement,
préparation à la vie quotidienne et acquisition de compétences professionnelles. Le personnel se
compose d’un enseignant et d’un travailleur social. Quinze élèves peuvent être accueillis à la fois. Lors
de notre visite, ils étaient neuf, dont une adolescente enceinte.
Outre les cours ordinaires, le programme prévoit un service d’orientation, un suivi médical, des
cours de nutrition et des activités de loisirs. Il utilise les équipements de l’établissement d’enseignement secondaire, notamment la salle informatique et la piscine, et le personnel travaille avec les
enseignants de l’école pour faciliter la réintégration des élèves lorsqu’ils se sentent prêts.
Le travailleur social peut aller chercher les élèves chez eux s’ils n’ont pas de moyens de transport.
Les repas sont préparés par les élèves à tour de rôle. Nous avons eu un entretien avec une adolescente
de 16 ans enceinte (elle-même née lorsque sa mère avait 16 ans). Elle nous a confié qu’elle n’aurait
jamais pu faire face à sa situation dans un établissement ordinaire et qu’elle manquait régulièrement
les cours lorsqu’elle était à l’école. Elle estimait avoir besoin d’aide pour sa maternité et jugeait utile
de se retrouver avec d’autres adolescents confrontés à des problèmes similaires et issus du même
milieu.
Maintien de l’ordre : En 1991, après des protestations en masse de la part des personnes âgées vivant
à West Flat, et suite à l’enquête d’évaluation des besoins, les autorités ont estimé qu’une présence
policière accrue était nécessaire dans le secteur. En raison des restrictions budgétaires imposées à la
police de la ville, qui devait en outre faire face à une importante charge de travail, il a été décidé que
155
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
des bénévoles du quartier assureraient une permanence dans un centre d’accueil de la police, dont le
site a été choisi de façon à être « au cœur des choses ». En conséquence, une partie des fauteurs de
troubles ont quitté le quartier. Les bénévoles qui travaillent au centre orientent les plaignants vers le
commissariat de police, participent à la recherche de personnes disparues et interviennent lorsqu’ils
estiment que des actions de maintien de l’ordre s’imposent. Quatre équipes se relaient et il existe
également une unité mobile de crise qui assure des interventions sociales.
Les « Citoyens bénévoles » (Volunteer Citizens) travaillent avec leur propre véhicule. Ils patrouillent par deux et sont en communication radio avec la police. Entre 50 et 60 bénévoles effectuent ainsi
un travail d’ı̂lotage, dont des parents du centre d’accueil préscolaire. Ce travail est supervisé par un
responsable de liaison qui a assuré deux séances d’information sur le statut juridique des bénévoles,
qui ne sont pas « des fonctionnaires auxiliaires autorisés à participer directement à l’arrestation de
malfaiteurs ». Des conseils leur ont été donnés sur les situations qui nécessitent l’intervention de la
police, sur les événements à signaler. L’objectif est de faire reculer la peur, qui est disproportionnée
par rapport au niveau de délinquance, et de susciter une prise de conscience chez les habitants du
quartier. La création du centre et la mise en place des patrouilles ont déjà permis d’apaiser les craintes
des habitants et, à ceux qui y participent, de répondre eux-mêmes à leurs besoins de sécurité.
Input – niveau stratégique
Il ressort des entretiens et réponses aux questionnaires que presque tous les services participent
à la majorité des programmes.
L’accueil préscolaire était une initiative de la population, mais il est devenu l’un des deux projets
pilotes de la Région V du Bureau de l’éducation, de la formation et de l’emploi du Saskatchewan dans
le cadre du plan « Les enfants d’abord ». Il fera l’objet d’une évaluation après trois années de fonctionnement. Selon les résultats obtenus, un débat sera ouvert sur son devenir.
Les services sociaux sont responsables in fine de l’ensemble des services à l’enfance mais concentrent leurs efforts sur l’aide financière et les services de protection infantile. Ils emploient actuellement
8.5 travailleurs sociaux sur le secteur : un chef de projet, trois éducateurs d’enfants d’âge préscolaire,
deux spécialistes de l’aide familiale, un conseiller pour les parents adolescents, un secrétaire et un
spécialiste de l’aide aux parents qui travaille à mi-temps au programme d’accueil préscolaire. Quatre
postes ont été créés. Ces emplois sont financés par les services sociaux. Les sommes nécessaires sont
attribuées au programme d’accueil préscolaire (la majorité provenant du budget de l’éducation) et au
projet EAGLE. Les services de santé délèguent des infirmiers et des spécialistes (orthophoniste,
diététicien, travailleur social spécialisé en psychiatrie). La ville a prêté le bâtiment et délégué un
employé des services d’urbanisme qui travaille aux programmes de rénovation. Des comités interorganismes sont présents dans les deux écoles communautaires du quartier. Trois ministères (Santé ;
Éducation, Formation et Emploi ; Services sociaux) y participent.
Les services de police de la ville paient la location du centre d’accueil et les frais connexes, et
rémunèrent le responsable de liaison, qui ne travaille pas exclusivement sur ce projet.
Le budget consacré à ces programmes, hors masse salariale, est le suivant :
Préscolaire
EAGLE
Coordinateur
Évaluation
98
96
30
20
000
000
000
000
$
$
$
$
Input – niveau du terrain
156
Une part importante du travail est effectuée par des bénévoles. Le centre d’accueil de la police a
été meublé par les habitants et les membres des patrouilles paient eux-mêmes l’essence pour leur
véhicule. Les bénévoles passent également du temps à organiser des collectes de fonds. Les réparations des logements sont effectuées à prix coûtant. L’engagement direct est essentiellement le fait
d’intervenants sur le terrain.
Partie I : CANADA
Fonctionnement – niveaux stratégique et opérationnel
La plupart des personnes ayant répondu au questionnaire de l’OCDE indiquent que les réunions
font partie de leur travail quotidien. La planification et la gestion sont assurées en commun et, en
fonction de leur rôle dans le programme, avec la participation de représentants des services municipaux ou provinciaux. La municipalité est partenaire des actions menées depuis qu’un des membres du
Groupe des citoyens de West Flat, conseillère municipale, est devenu maire de la ville, position qui a
permis d’accélérer la prise de décisions.
Le directeur régional des services sociaux a fourni une liste impressionnante de comités dans
lesquels divers organismes se retrouvent côte à côte.
Parmi eux, on peut citer :
– le programme « Les enfants d’abord », qui réunit des conseils d’établissement des écoles privées et publiques, le personnel des écoles Queen Mary, St Michael et Carleton, et les services
sociaux et de santé mentale ;
– le « Réseau de soutien familial », qui regroupe 32 services, organismes et personnes intéressées
pour le partage d’information et la résolution de problèmes sur une base régulière ;
– des rencontres régulières sont organisées, auxquelles participent collectivement ou à un niveau
plus réduit les services suivants : le « Réseau de soutien familial », 18 associations privées, les
services de santé mentale, les services aux familles catholiques, l’unité mobile de crise et le
Children’s Haven (pour les enfants victimes d’abus sexuels), la police municipale et son unité
mobile de crise (services d’urgence), le comité du maire pour le développement communautaire
(lutte contre la faim, la violence, les gangs, le racisme et les problèmes de logement), le
programme « Les enfants d’abord » de West Flat, les services de santé mentale et les conseils
d’administration des écoles privées et publiques (mise au point d’un programme pour un centre
de thérapie de groupe), et le Groupe de partenariat de Prince Albert contre la violence familiale
(réunissant tous les acteurs de la communauté).
Ce dernier groupe a également mis au point un modèle de gestion par cas. N’importe quel
organisme participant peut demander la tenue d’une réunion, et une conférence de planification
commune sera organisée pour mettre au point un plan collectif et désigner un responsable du dossier.
Formation : Un large éventail de formations ont été proposées aux personnels des différents
organismes pour améliorer les efforts de collaboration. Le personnel du programme d’éducation parentale « Nobody’s perfect » a formé le personnel de divers organismes et services qui a ensuite formé tous
les clients des organismes et services concernés. La Maison de transition du centre communautaire a
informé sur la violence familiale le personnel des services et d’autres organismes. Le service de
protection infantile a formé le personnel de l’unité mobile de crise et le personnel du Conseil tribal.
Une formation à la gestion par cas a été dispensée à certains membres de l’unité mobile de crise et a
été proposée aux membres des différents groupes. Le Conseil contre les sévices aux enfants de Prince
Albert a assuré une formation en la matière à tous les organismes et services de la ville. Ensemble,
l’Association provinciale des familles d’accueil et les services sociaux ont mis au point un programme
de formation et créé des équipes régionales chargées de former les futures familles d’accueil.
Partage des ressources et des informations : La création d’une base de données commune en est encore à
ses débuts. Les associations et programmes peuvent utiliser des moyens publics (photocopieuses,
papier et articles) ou autres équipements professionnels. Les véhicules de l’administration peuvent
être loués au personnel de l’association communautaire ou pour le transport du personnel ou des
enfants.
Les fonctionnaires sont régulièrement sollicités pour aider les associations et particuliers à s’orienter dans le dédale administratif afin d’accélérer le processus de suivi des dossiers.
Il n’existe pas de point d’entrée unique ni de service de tutelle couvrant l’ensemble des programmes. Une des personnes interrogées soulignait que cela était aussi bien et qu’un point d’entrée
unique pouvait entraı̂ner une certaine rigidité. « Quel que soit le service sollicité, il doit être possible
157
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
de fournir facilement au client l’aide dont il a besoin dans une situation particulière, même si cela
nécessite la participation d’autres organismes. »
Fonctionnement – niveau du terrain
Le Groupe des citoyens de West Flat est une association à but non lucratif ouverte à tous (c’est-àdire aux 8 000 à 10 000 habitants du quartier qui seraient intéressés). La poignée de femmes à l’origine
du projet avait organisé un « thé de protestation » pour en finir avec l’attitude revendicative des
habitants et les amener à se prendre en charge pour améliorer la situation. Dès le début, le groupe a
travaillé en collaboration avec les membres du Conseil municipal et les services compétents. L’organisation des programmes a été le fruit d’une vaste consultation de la population et d’un travail de
recherche de la part des particuliers et conseillers de différents services. Le conseil d’administration
des programmes est composé de représentants de la communauté et des services participants. Le
personnel prend part à l’évaluation et à la planification.
Formation : Le personnel du centre d’accueil préscolaire suit une formation en puériculture à
l’Institut des arts, sciences et techniques appliqués du Saskatchewan (SIAST). Il participe également à
des stages de formation organisés par l’association locale d’aide à l’enfance et les œuvres « Saint John
Ambulance ». Le personnel du projet EAGLE suit des cours de perfectionnement avec le personnel de
la division des écoles privées catholiques de Prince Albert. Une formation en cours d’emploi aux
activités de maintien de l’ordre a été dispensée par la police, des avocats et un juge local. Les
membres du conseil d’administration et le personnel ont participé à des réunions et ateliers communs
(par exemple, sur la violence familiale). Les personnes travaillant à l’accueil préscolaire et participant
au projet EAGLE assistent à des réunions d’étude de cas.
Partage des ressources et des informations : L’accueil préscolaire et le projet EAGLE partagent certaines
ressources telles que les équipements ou installations de sport et de loisirs avec les écoles élémentaires et secondaires. Ils profitent également de certains de leurs moyens de transport. Aucun protocole de collaboration n’a encore été défini mais il est envisagé de demander aux élèves du projet
EAGLE de diriger des ateliers d’art pour les élèves du cours élémentaire deuxième année et du cours
moyen première année.
Résultats
Les parents se déclarent satisfaits des programmes et ont noté des progrès chez leurs enfants au
niveau du langage et des aptitudes sociales. Cependant, certains ne voient l’accueil préscolaire que
comme une garderie améliorée. Les professionnels soulignent néanmoins l’importance des programmes de prévention pour amener les parents à prendre conscience de la valeur de leurs enfants.
Les services sociaux ont mis en place un projet d’évaluation et de suivi sur trois ans.
Le taux de participation active au projet EAGLE est de 98 pour cent. Il est encore trop tôt pour
évaluer son succès. La jeune fille enceinte que nous avons interrogée déclarait que le programme lui
avait permis de renouer avec son père, leurs relations s’étant dégradées du fait de sa grossesse. Elle
estimait être prête à reprendre des études afin de mieux gérer son avenir.
La peur de la délinquance a diminué grâce à l’initiative de maintien de l’ordre.
158
La plupart des partenaires considèrent que la plus belle réussite des programmes a été le niveau
élevé de participation de la communauté. Le large éventail de programmes proposés, depuis l’accueil
préscolaire pour les 3 et 4 ans, jusqu’aux actions menées dans les domaines de la santé, des loisirs, de
l’éducation et du logement, reflète l’approche globale adoptée pour l’intégration des services. Les
membres de la communauté avaient le sentiment de « faire ce qu’il faut », après avoir été pendant de
nombreuses années submergés par un sentiment d’impuissance. Le bénévolat donne aux individus le
sentiment d’être utile à quelque chose. Un nombre important d’Indiens et de Métis participent aux
actions menées, bien qu’il soit parfois difficile de les identifier.
Partie I : CANADA
Facteurs propices au travail en collaboration
L’initiative du Groupe des citoyens de West Flat est arrivée au bon moment, c’est-à-dire pratiquement en même temps qu’était lancé le Plan d’action en faveur des enfants. Des fonds ont pu être
consacrés à des projets axés sur les besoins des communautés, ce qui a évité le découragement
consécutif aux retards et reports des prises de décision. Une nouvelle culture du partenariat a émergé,
qui a permis le travail en commun et le partage des ressources, une collaboration activement soutenue
par les autorités provinciales.
La petitesse de la ville, qui permet aux habitants de se connaı̂tre facilement, a certainement
contribué à faciliter la collaboration, de même que la volonté d’une communauté qui avait défini ses
besoins et décidé de se prendre en charge.
Obstacles à la collaboration
Malgré le niveau impressionnant du travail en collaboration à Prince Albert, les personnes interrogées ont cependant jugé qu’il restait des obstacles à surmonter. Parmi eux, on peut citer la nonconcordance des divisions administratives des services sociaux, de l’éducation et de la santé et la
réticence des administrations à se lancer dans des actions communes. De plus, il faudrait consacrer du
temps à la collaboration pendant la journée de travail.
Des obstacles subsistent au niveau de la législation (par exemple, les lois sur la protection des
informations interdisent la communication d’informations entre les services de santé et ceux de
l’éducation).
Au niveau local, certains problèmes empêchent encore les personnes de vivre en harmonie. Une
des craintes exprimées est que les individus ayant une attitude négative prennent le dessus et
réduisent à néant le travail accompli.
CONCLUSION
La notion d’intégration des services a été adoptée aux niveaux stratégique, opérationnel et du
terrain. A Prince Albert, elle a d’ores et déjà fait la preuve de son bien-fondé et de son efficience.
Cependant, c’est un processus long et difficile si l’on accorde pas suffisamment de temps aux personnes concernées pour adopter des pratiques de collaboration. Étant donné le nombre de réunions et
de comités, on se demande comment les personnes trouvent le temps de mener à bien leur travail
quotidien.
La participation et la délégation de responsabilités à la communauté sont indispensables pour
répondre de façon adaptée aux besoins des familles et des enfants.
Il est difficile d’obtenir la participation des autochtones. Les différences culturelles entre eux et les
Blancs n’ont pas encore été surmontées, malgré des réformes structurelles telles que la consultation
systématique du Secrétariat des affaires indiennes et métisses ou du Conseil tribal. Une longue histoire
de ségrégation et d’injustice a laissé des marques douloureuses des deux côtés.
Les actions préventives sont encore trop récentes pour avoir atteint leurs objectifs d’équité, de
confiance en soi, de fierté culturelle et d’équilibre social. Cependant, la province du Saskatchewan est
allée de l’avant et s’est fixé comme priorité d’accorder à tous les enfants le respect de leurs droits
élémentaires, quelle que soit leur origine.
L’approche globale commence à faire son chemin parmi les intervenants sur le terrain, de même
que chez les personnels d’encadrement à un haut niveau.
L’efficacité du programme par rapport à son coût n’a pas encore été évaluée. Cela doit-il pour
autant constituer un obstacle à l’adoption du concept d’intégration des services si les résultats escomptés en termes de bien-être sont obtenus ?
159
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
RÉFÉRENCES
COMMUNITY SCHOOLS PROGRAMME (1990), Document d’orientation, Saskatchewan Education, mars.
GOUVERNEMENT DU SASKATCHEWAN (1993), Children First : An Invitation to Work Together (Les enfants d’abord :
une invitation à travailler ensemble), Gouvernement du Saskatchewan, Regina.
GOUVERNEMENT DU SASKATCHEWAN (1994a) Saskatchewan’s Action Plan for Children, Overview of Provincial and
Local Actions, Gouvernement du Saskatchewan, Regina, avril.
GOUVERNEMENT DU SASKATCHEWAN (1994b), Saskatchewan Children and Families at Risk, Demographic Risk
Factors, Gouvernement du Saskatchewan, Regina, mai.
GOUVERNEMENT DU SASKATCHEWAN (1994c), Working Together to Address Barriers to Learning. A Policy Framework
for Integrated School-linked Services for Children and Youth at Risk (Travailler ensemble pour faire tomber les
obstacles à l’apprentissage : intégrer les services qui travaillent en liaison avec l’école pour les enfants et
adolescents à risque), projet, Gouvernement du Saskatchewan, Regina.
LORAINE THOMPSON INFORMATION SERVICES LIMITED (dir. pub.) (1992), Building a Community for Learning :
Integrated School-based Services, SSTA Research Centre, Rapport 92-16, Saskatchewan School Trustees Association, Regina.
SASKATCHEWAN EDUCATION, TRAINING AND EMPLOYMENT (1994), Saskatchewan Education Indicators Report.
K-12 Schooling : How Well Are We Doing ?, Saskatchewan Education, Training and Employment, Regina.
SASKATOON BOARD OF EDUCATION (1994), Inner-city School Concept Plan Evaluation, Saskatoon Board of Education, Saskatoon.
160
Partie I : CANADA
ALBERTA
CHANGEMENT RADICAL EN FAVEUR DE L’INTÉGRATION DES SERVICES
par
Lucienne Roussel et Mary Lewis
SITUATION GÉNÉRALE
Population
La province de l’Alberta, dans l’ouest du Canada, est une région de plaines et de hautes montagnes (la chaı̂ne des Rocheuses). Elle compte 2 681 300 habitants. Ce chiffre est stable, voire légèrement
en hausse (+34 400 personnes entre 1992 et 1993). La majeure partie de la population est citadine, les
ruraux ne représentant que 20.2 pour cent. Les zones les plus peuplées sont de loin celle d’Edmonton,
capitale politique et administrative de la province (933 911 habitants), et ses environs, et celle de
Calgary (854 934 habitants). Les autochtones, qui comprennent les Indiens (99 650 personnes), les Inuits
(2 825 personnes) et les Métis (56 310 personnes), forment 5.5 pour cent de la population de l’Alberta,
contre 3.6 pour cent dans le reste du pays.
Situation économique
En décembre 1992, le taux de chômage des hommes était estimé à 9.9 pour cent (contre 11.9 pour
cent pour l’ensemble du Canada) et le taux de chômage des femmes à 8.9 pour cent (contre 10.4 pour
cent au niveau national). Le nombre total des sans-emploi est en baisse puisqu’il est passé de
137 733 personnes en 1993 à 132 100 en 1994. Le revenu annuel moyen a légèrement augmenté, de
20 830 dollars canadiens en 1989 à 22 477 dollars canadiens en 1991.
L’Alberta est une province agricole et un important producteur de céréales et de bétail. C’est
toutefois le pétrole qui a donné une forte impulsion à l’économie locale dans les années 50.
Aujourd’hui, l’Alberta contribue pour 80 pour cent à la production nationale de pétrole. Calgary est ainsi
devenue le centre de l’industrie pétrolière en même temps qu’une ville de rang international. En dépit
des problèmes économiques apparus ces dernières années, elle demeure l’une des agglomérations les
plus riches du Canada. Edmonton, siège du gouvernement provincial, est aussi un important centre
d’affaires et d’échanges commerciaux. Bien sûr, ce panorama socio-économique a tendance à masquer
les disparités. Ainsi, Edmonton compte une importante proportion de résidents percevant des aides
financières au titre du programme Supports for Independence. Ils représentent 42 pour cent du total
des personnes recevant ce type d’aide dans la province. A Wetaskiwin, le revenu moyen est inférieur à
la moyenne de la province. Calgary possède également des poches de pauvreté et un certain nombre
de familles qui y vivent connaissent de graves difficultés financières.
Organisation administrative
L’Alberta est devenue une province du Canada en 1905. Le British-North American Act a alors
donné au Parlement canadien le pouvoir de légiférer « en ce qui concerne toutes les affaires ne relevant
pas des compétences conférées exclusivement aux gouvernements des provinces par le présent acte ».
Le gouvernement fédéral détient donc les pouvoirs dans plusieurs domaines, dont ceux de la défense,
de la collecte des taxes et impôts, de la monnaie, des banques et de la lutte contre le chômage. En cas
161
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
de conflit de pouvoirs entre le Parlement et le gouvernement provincial, c’est l’autorité fédérale qui a la
prééminence.
La responsabilité de gérer et de financer certains services comme les routes, les écoles et les
hôpitaux incombe à la province, qui a pouvoir de décision sur les taxes et impôts prélevés directement
au niveau municipal ou provincial et destiné au financement de programmes de la province. L’enseignement ainsi que l’essentiel de la législation sur le travail et du système de sécurité sociale sont
également des domaines dans lesquels le gouvernement provincial détient des pouvoirs pratiquement
exclusifs.
Les administrations municipales des provinces sont généralement responsables des écoles et des
hôpitaux locaux, les premières étant souvent administrées par leur propre conseil de membres élus.
Les ressources proviennent des taxes et impôts locaux et des subventions de la province.
Les services aux autochtones forment un cas à part et diffèrent selon que les bénéficiaires vivent
ou non dans des réserves. Tout ce qui touche à la santé et aux affaires sociales est du ressort
d’institutions directement gérées et financées par le gouvernement fédéral, et non par des services à
l’échelle de la province, ce qui vaut également pour les personnes vivant en dehors des réserves. Les
personnes qui vivent dans des réserves bénéficient d’un statut régi par des traités, qui leur confère
certaines prérogatives telles que des droits de chasse et des exemptions d’impôts, aux termes
d’accords passés entre leurs ancêtres et la Couronne. Ces populations ont leur propre système éducatif, financé par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et satisfaisant aux critères
appliqués dans la province.
PRINCIPAUX GROUPES « A RISQUE »
Environ 40 pour cent des autochtones (42 405 personnes) ont moins de 15 ans. Entre 42 et 47 pour
cent des enfants vus, pour une raison ou une autre, par les services d’aide sociale à l’enfance sont des
autochtones. De son côté, la justice estime que les jeunes autochtones forment 31 pour cent des cas
qu’elle répertorie.
Le taux d’abandon scolaire parmi les jeunes autochtones, qui atteint parfois 30 pour cent,
commence également à inquiéter les autorités. Les difficultés culturelles et linguistiques peuvent
décourager la fréquentation de l’école. Avant 1970, les jeunes autochtones étaient placés dans des
pensionnats, loin de leur famille. Au début des années 70, des écoles ont été créées dans les réserves.
Avant cela, les familles n’étaient guère habituées à discuter des besoins éducatifs de leurs enfants.
Le chômage est particulièrement élevé parmi les autochtones, où il touche près de 20 pour cent
des actifs, soit presque moitié plus que dans les autres groupes de la population. Dans les régions les
plus reculées, cette situation est parfois due aux possibilités d’emploi limitées.
Cependant, si les jeunes autochtones sont un groupe à haut risque, ils ne sont pas les seuls à avoir
des problèmes et ne constituent pas non plus l’unique catégorie « à risque », terme pour lequel il
n’existe pas de définition officielle claire. En outre, en dépit de nombreuses difficultés, les familles
autochtones aisées et en bonne santé sont nombreuses et en augmentation.
Comme dans beaucoup de villes du monde industrialisé, la violence et la délinquance se développent dans la frange la plus jeune de la population. Partout, cette tendance, ainsi que le nombre de
jeunes en difficulté ayant des problèmes de comportement et totalement étrangers à l’éducation
scolaire, suscitent de plus en plus de préoccupations.
162
D’une manière générale, les jeunes de la catégorie « à risque » sont victimes de conditions de
logement inadéquates, de difficultés économiques et de problèmes familiaux parfois graves.
Quinze pour cent des familles d’Edmonton, par exemple, sont des familles monoparentales. La proportion est analogue dans toutes les zones, dans toutes les villes et dans tous les comtés. Un certain
nombre de ces familles vivent en dessous du seuil de pauvreté national, en particulier celles qui sont
dirigées par une femme.
Partie I : CANADA
ORGANISATION DES SERVICES ET FINANCEMENT AU NIVEAU PROVINCIAL
Services sociaux
Les principaux domaines couverts par les services sociaux sont les programmes pour le revenu et
l’emploi, l’aide sociale à l’enfance, la garde des enfants et l’aide aux personnes frappées d’une
incapacité. Certains programmes portent également sur la prévention des problèmes liés à la violence
domestique.
Les soutiens existants visent les personnes sans emploi, peu qualifiées et vivant de l’aide sociale.
Un projet est à l’étude pour aider les personnes à développer leurs méthodes de recherche d’emploi
et leur proposer des formations en rapport avec le travail. Son objectif est d’aider les clients à quitter
leur situation d’assuré social pour celle de travailleur et à devenir financièrement autonomes.
Le gouvernement fédéral est en train de redéfinir l’ensemble de la politique sociale du Canada, et
en particulier le système national de sécurité sociale. Jusqu’ici, le coût des différents programmes était
supporté par la province et par l’administration fédérale. Même si la nature exacte de la réforme n’a
pas encore été présentée en détail, il semble y avoir un consensus sur la nécessité de revoir les
méthodes de financement. Les fonds apportés à l’Alberta par le gouvernement fédéral pour les
programmes sociaux sont en baisse depuis 1992 et de nouvelles coupes budgétaires sont prévues
chaque année jusqu’en 1996.
Services de santé
Les habitants de l’Alberta sont très fiers de leur système de santé. Les statistiques révèlent que
leur espérance de vie moyenne s’est considérablement allongée et qu’elle est aujourd’hui légèrement
supérieure à celle des Canadiens en général. Une amélioration s’est également produite dans le
domaine de la mortalité enfantine, qui est passée de 17.5 pour mille en 1972 à 8.1 pour mille en 1990.
Le système de santé connaı̂t actuellement d’importants changements. Dix-sept autorités sanitaires
régionales assument la responsabilité des services médicaux de la province. Le gouvernement fédéral
participe au financement du régime d’assurance santé de l’Alberta, programme complet qui inclut les
honoraires des médecins et les frais d’hospitalisation et qui couvre au moins 95 pour cent de la
population.
Le budget 1994-95 consacrait 3.77 milliards de dollars canadiens aux dépenses de santé et
133 millions aux bâtiments, équipements et services. La fourniture de services spécialisés étant du
ressort des provinces, les services de santé de ces dernières englobent toutes les prestations hospitalières (soins intensifs, hospitalisations de longue durée, santé mentale et santé publique). La santé
publique couvre une variété de secteurs allant des soins à domicile à l’éducation de la population à
l’environnement et à la santé. Pour 1994, un budget de 264.3 millions de dollars canadiens lui a été
accordé. Ces chiffres font de l’Alberta la troisième province canadienne pour les dépenses de santé par
habitant.
Jusqu’en 1993, le ministère de la Santé comprenait neuf divisions chapeautant différents secteurs
dont la santé publique et la santé mentale. Les services de santé sont actuellement restructurés pour
être remplacés par 17 autorités régionales, chacune dotée de son propre conseil d’administration.
Chaque autorité sera responsable de tous les aspects sanitaires dans sa région. Une administration
provinciale a été créée pour faire la liaison avec les autorités locales et préparer un projet d’organisation locale des services de santé mentale.
Services de l’éducation
L’enseignement est exclusivement du ressort de la province. Les écoles situées dans des réserves
reçoivent le financement du gouvernement fédéral si elles satisfont aux critères fixés par la province.
L’Alberta comprend deux ministères de l’Éducation : l’un pour l’enseignement primaire et secondaire, l’autre pour l’enseignement supérieur. Edmonton, Calgary et Lethbridge possèdent d’importantes universités et plusieurs établissements d’enseignement technique et professionnel. La province
163
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
est divisée en 170 arrondissements scolaires et compte 1 500 écoles et 500 000 élèves dans l’enseignement élémentaire. Le nombre moyen d’élèves par arrondissement scolaire est donc assez faible. Si
certains arrondissements scolaires, celui de Calgary par exemple, accueillent 100 000 élèves, d’autres,
en revanche, n’en comptent qu’une centaine.
L’enseignement scolaire comprend 12 niveaux, les six premiers formant l’enseignement primaire et
les six autres l’enseignement secondaire. La scolarité débute à l’âge de cinq ans et demi par une année
d’éducation préscolaire non obligatoire, mais 98 pour cent des enfants sont effectivement préscolarisés
à cet âge.
Le système éducatif est formé d’écoles publiques et d’un réseau d’écoles catholiques, également
financées par l’État. Dans l’Alberta, ce réseau constitue un arrondissement scolaire distinct. Il y a
également un certain nombre d’écoles privées financées à 75 pour cent par la province.
La gestion des écoles est dévolue aux conseils scolaires locaux, dont les membres sont élus ou
nommés. Ces conseils supervisent la construction des bâtiments scolaires, les transports scolaires et le
recrutement du personnel. Leur budget est soumis à l’approbation ministérielle.
Auparavant, 60 pour cent des fonds étaient apportés par la province, le reste provenant de la
fiscalité locale, mais le système est en train d’être modifié. L’objectif est de transférer au niveau local
toutes les décisions concernant le recrutement du personnel et les programmes d’enseignement,
tandis que le financement proviendra entièrement du gouvernement provincial. Ce dernier collectera
tous les impôts et les redistribuera dans l’ensemble de la province, pour garantir des ressources plus
équitables et assurer une plus grande égalité entre tous les résidents, quel que soit leur lieu d’habitation. Cela devrait également permettre aux écoles d’assurer plus de services.
Un autre changement important concerne le mode de financement des écoles. Au lieu de recevoir,
en début d’année scolaire, une enveloppe annuelle fonction du nombre d’inscriptions, elles percevront
leurs fonds en deux versements, l’un en début d’année et l’autre en cours d’année, selon le nombre
d’élèves effectivement inscrits à chaque date. La subvention suivra l’élève s’il change d’école mais
s’arrêtera s’il quitte définitivement le circuit scolaire. Le gouvernement entend ainsi encourager les
établissements à faire leur possible pour empêcher les élèves de changer d’école ou d’abandonner
leur scolarité.
Ministère de la Justice
La législation sur les jeunes délinquants est en cours de révision. Actuellement, la moitié des coûts
est financée par la province et l’autre par le gouvernement fédéral. Les réductions budgétaires prévues
affecteront les programmes destinés aux adultes plutôt que ceux ciblant les jeunes.
De nombreux programmes sont gérés en coopération avec d’autres ministères et sont, par conséquent, financés par au moins deux sources. Par exemple, le ministère de la Santé participe au financement des programmes d’évaluation des jeunes délinquants.
La nécessité de coordonner l’action de plusieurs services est souvent flagrante. C’est le cas, par
exemple, lorsque de jeunes délinquants sont libérés de prison ou mis en liberté surveillée dans la
communauté. Beaucoup de programmes de réinsertion sont gérés par la communauté.
ORIGINE ET RÉALISATION DE L’INTÉGRATION DES SERVICES
Politique gouvernementale
164
Une évolution importante est en cours dans la politique gouvernementale, qui a déjà subi plusieurs grands changements.
Depuis quelques années, le gouvernement fédéral et la province voient leurs déficits budgétaires
se creuser de façon inquiétante. Il est devenu indispensable de revoir la politique appliquée dans
chaque secteur et d’envisager des moyens plus économiques de fournir les services. La sauvegarde de
l’avenir de chaque famille et de l’économie dans son ensemble a entraı̂né des restructurations radicales et l’adoption de nouvelles priorités.
Partie I : CANADA
De plus, différentes études indiquent que, dans certains cas, le public n’a pas suffisamment accès
aux services et que, en dépit du vaste choix de prestataires, le résultat et la qualité ne sont pas
toujours à la hauteur des normes fixées. Un rapport conjoint du ministère de l’Éducation et des services
de Calgary a ainsi montré que beaucoup de services et d’associations s’occupaient des mêmes familles
ou des mêmes enfants et qu’une partie du travail était par conséquent réalisée en double. Par ailleurs,
la prestation des services présentait des déficiences et des lacunes.
La volonté d’améliorer l’efficience et la qualité, née du besoin de gérer un budget réduit de la
façon la plus rationnelle possible, implique de mettre à plat l’ensemble du système et de changer la
philosophie et la culture dominantes de chaque service administratif.
Si cette remise en question est le fruit de la détermination du gouvernement provincial, elle
reflète également les préoccupations et la volonté de la population. Dans de nombreux cas, la communauté elle-même a lancé des initiatives pour améliorer la fourniture des services, en particulier sur le
plan de l’efficience et de l’aide aux enfants et aux familles.
La province a en conséquence élaboré un plan sur trois ans qui, à terme, devrait rendre le système
plus opérationnel et les coûts plus conformes à la réalité économique. Les objectifs de ce plan sont les
suivants :
– éliminer le gaspillage et les redondances ;
– augmenter la productivité ;
– encourager le travail d’équipe et l’innovation ;
– réduire les procédures administratives et supprimer les règlements inutiles ;
– faire passer le gouvernement provincial du statut de prestataire direct de services à celui de
facilitateur pour les organismes ultérieurement chargés de fournir les services ;
– donner au gouvernement provincial la responsabilité de l’ajustement des stratégies, de leur
suivi et de leur financement ;
– fixer des objectifs et définir des étapes ;
– étendre les possibilités de participation du secteur privé ;
– faire participer financièrement les clients aux services qu’ils reçoivent.
Tout cela doit se faire sans augmentation d’impôt. Il ne s’agit pas tant de trouver de nouvelles
ressources que de modifier la façon dont les fonds disponibles sont utilisés.
Tous les ministères ont entrepris de discuter de ces orientations et de revoir leurs objectifs, leurs
structures et leurs méthodes de travail en conséquence.
Le ministère de l’Éducation, par exemple, s’est fixé neuf objectifs. L’un d’eux est d’améliorer la
coordination entre les ministères, les services locaux et les différentes associations qui s’occupent
d’enfants ayant des incapacités ou d’enfants à problèmes. Les trois autres ministères concernés (Santé,
Justice et Services sociaux) ont fait de même et, dans leurs projets, mettent clairement l’accent sur le
besoin de coordination et d’efficience.
Un Commissaire aux services à l’enfance a été nommé en 1993 pour étudier les possibilités de
réformer les services aux familles et aux jeunes fournis par les ministères de la Santé, des Services
sociaux, de l’Éducation et de la Justice. En juin 1994, ce Commissaire a soumis une série de recommandations. La mise en œuvre du nouveau système devrait commencer en juin 1995. Les directives
données au Commissaire précisent que les nouveaux services doivent être réalisables dans les limites
du budget alloué, être rapidement disponibles pour le public et tenir compte des besoins et des
priorités de la communauté. Les services doivent également être gérés et fournis au niveau de la
communauté et former un réseau permettant leur intégration.
Cette nouvelle politique vise donc clairement à une décentralisation de grande ampleur, qui est
perçue comme la solution la plus efficiente dans tous les domaines, puisqu’elle délègue la responsabilité et l’engagement à des personnes privées et à la communauté dans son ensemble.
165
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
« Coordination des services à l’enfance »
Le programme « Coordination des services à l’enfance » a été mis en place dans le but de faire
travailler quatre ministères (Justice, Santé, Éducation et Services sociaux) en partenariat avec les
communautés pour améliorer les services destinés aux enfants. Un des volets du programme consistait
à étudier comment les responsables du gouvernement central pouvaient collaborer avec les communautés pour éliminer les obstacles administratifs et introduire des méthodes fondées sur une approche
multidisciplinaire et intégrée de la fourniture des services.
Au niveau central (sous-ministres adjoints), un comité de travail a été constitué avec deux représentants de chaque ministère. Les membres du comité de travail assurent également la liaison avec
des sites pilotes particuliers, leur fournissent une assistance et cherchent avec eux les moyens de
supprimer les derniers obstacles susceptibles d’entraver les services aux familles. Chaque projet local
est contr ôlé par deux personnes issues de deux minist ères. Ces personnes repr ésentent
officiellement les ministères mais aussi des ressources humaines. L’une doit systématiquement assister
aux réunions sur le site, pendant que l’autre contribue aux activités d’évaluation.
Les deux membres du comité de travail affectés sur un site pilote sont responsables de la
communication et doivent rendre compte à l’échelon central de tout problème éventuel. Il va de soi
que le fait de travailler aussi près de la population leur donne une solide connaissance des questions
et des problèmes locaux, ce qui leur permet de devenir de bons intermédiaires, voire de véritables
avocats pour les projets locaux.
Recherche et évaluation
Un sous-groupe du comité de travail central a élaboré une procédure de contrôle et d’évaluation
pour le programme « Coordination des services à l’enfance ». Un projet d’étude a été monté pour
réaliser une première évaluation. Il s’agit, dans un premier temps, de faire le point sur les méthodes de
travail et les actions qui affectent la planification et la fourniture des services, au niveau de la province
et au niveau local. La deuxième partie de l’évaluation se penchera sur les résultats du point de vue des
enfants et des familles pour savoir quel type de services sont apportés et en quoi la situation actuelle
diffère de la situation antérieure.
Le projet d’évaluation servira à des experts extérieurs à collecter des données de base et préparer
des synthèses des résultats des évaluations locales.
Ce projet servira aussi de base de discussion pour les équipes travaillant sur le terrain, qui seront
libres de l’adapter pour leurs propres besoins. Bien que les communautés soient probablement plus
intéressées par la partie du questionnaire qui les concerne directement, elles ont également reçu
l’autre partie, relative à la province. Elles peuvent ainsi avoir un aperçu des interactions entre les
différents niveaux concernés par le programme. Rien ne les empêche, d’ailleurs, d’ajouter leurs propres
commentaires. Pour réaliser leur évaluation, elles peuvent, si elles le souhaitent, obtenir l’aide de
spécialistes des ministères. Dans tous les cas, les experts doivent être informés de la méthode
d’évaluation finalement sélectionnée.
Le projet d’étude a été préparé en collaboration avec les sous-ministres adjoints, le comité de
travail interministériel et des comités locaux. L’objectif est d’obtenir au moins trente réponses de
chaque communauté, si possible à chacun des niveaux d’autorité.
166
L’évaluation interne est un facteur clé de ce projet. Un consultant a testé le questionnaire sur le
terrain et aidera à analyser les réponses. Le sous-comité d’évaluation s’occupera également d’interpréter les résultats et de rédiger un rapport. Les communautés d’Edmonton et de Calgary ont signé un
contrat avec le même consultant pour faire évaluer leurs propres programmes. Pour l’évaluation finale,
les communautés seront représentées dans le sous-comité. L’évaluation sera probablement l’un des
principaux sujets évoqués lors du Forum d’automne qui rassemblera toutes les communautés associées à ce projet.
Partie I : CANADA
Trois ministères (Santé, Services sociaux et Éducation) financent, à hauteur de 100 000 dollars
canadiens par an, l’évaluation, la consultation, la facilitation et la planification sur les sites. L’utilisation
des fonds est contrôlée par le comité interministériel des sous-ministres adjoints.
INITIATIVES LOCALES DANS LE CADRE DU PROGRAMME « COORDINATION DES SERVICES
A L’ENFANCE »
Cinq sites ont été sélectionnés pour être étudiés dans le cadre du projet « Coordination des
services à l’enfance » : Calgary, Edmonton, Lethbridge, Wabasca-Demarais et Wetaskiwin. Les paragraphes ci-après décrivent la manière dont les responsables locaux se sont personnellement engagés
dans le processus de changement.
A Calgary, le projet Opening Doors concerne surtout la communauté, mais les directeurs et les
professeurs des écoles y sont très étroitement associés, tant au niveau de l’arrondissement scolaire
qu’à celui de leur école. Ce projet vise à créer des mécanismes pour établir des liens entre les
prestataires de services, leurs supérieurs et les administrateurs dans les différents ministères. Il a pour
but de faire tomber les obstacles et de réduire le cloisonnement des services destinés aux familles et
aux enfants. Des représentants des communautés participent également au projet en organisant leurs
propres services. Dans l’une des communautés de la ville, les familles avaient auparavant pour interlocuteurs 82 associations et services différents, tous spécialisés dans le traitement des problèmes
d’ordre familial.
A Edmonton, le projet Partners for Youth est fondé sur une approche multidisciplinaire mais est
particulièrement axé sur les écoles, qui donnent aux familles l’accès à un éventail complet de services.
Le projet de Lethbridge est plus diversifié. L’idée est de faire participer le plus grand nombre
possible de membres de la communauté aux discussions et aux travaux. Ce projet comporte trois
volets. Le premier est une initiative appelée « 5th on 5th », qui concerne un lycée pratiquant des
méthodes nouvelles. Les deux autres sont des regroupements de plusieurs programmes, le premier
associant le Centre de développement familial et communautaire et une structure d’aide appelée
« Parents’ Place », le second englobant le Centre d’évaluation préscolaire et l’Unité de pédiatrie
neuromusculaire.
A Wabasca-Demarais et Wetaskiwin, l’action est axée sur les questions sociales et sanitaires,
envisagées dans une large perspective collective.
Une brève description de chaque site pilote, des institutions concernées et de leur organisation
est donnée ci-après. Chaque projet est ensuite analysé en termes du type de soutien qu’il reçoit dans
son effort pour intégrer les services, des ressources et de la formation dont il dispose, des aspects
positifs et négatifs qu’il peut présenter et des résultats obtenus sur le plan de l’intégration.
Sites pilotes
Avec 727 719 habitants, Calgary est l’une des plus grandes villes du Canada. Devenue un important
centre d’affaires dans les années 50, grâce au développement de l’industrie pétrolière, c’est aujourd’hui
une agglomération prospère dont la majeure partie de la population bénéficie d’un bon niveau de vie
et d’éducation. Le chômage y avoisine 10 pour cent.
Edmonton (627 000 habitants) est la capitale administrative de l’Alberta. C’est aussi un important
centre d’affaires et de commerce. Le taux de chômage y est d’environ 11 pour cent. Le taux d’abandon
de la scolarité est de 8.5 pour cent et le taux de chômage des jeunes particulièrement élevé (de 10 à
20 pour cent). Edmonton est une ville calme et accueillante, même si, depuis quelque temps, elle
connaı̂t, comme beaucoup d’autres villes, une montée de la violence des jeunes.
Lethbridge est une agglomération plus petite, qui compte 63 000 habitants. C’est aussi un important centre d’affaires qui dessert tout le sud de l’Alberta. La ville est au cœur d’une région dont les
principales activités sont l’agriculture et l’élevage. La population de Lethbridge comprend de nombreux groupes ethniques différents. Il y a en particulier deux grandes réserves indiennes à proximité de
167
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
la ville. Les moins de 18 ans forment 28 pour cent de la population. Bien que la région continue à se
développer, le chômage y atteint 12 pour cent.
Wabasca-Demarais fait partie d’une communauté autochtone. C’est la première zone à avoir été
incluse dans le projet « Coordination des services à l’enfance ». Elle couvre une vaste superficie à
385 km au nord-est d’Edmonton. Elle regroupe six réserves et compte quelque 5 000 habitants. Le coût
de la vie y est assez élevé et le revenu moyen par habitant est bas. Les emplois sont rares et les
problèmes sociaux relativement graves. La zone dispose de plusieurs infrastructures locales, dont un
hôpital, des services de santé mentale, des établissements de protection infantile et des programmes
de formation pour adultes. Elle possède également des écoles, chacune avec son propre conseiller,
ainsi qu’un conseiller familial pour les trois écoles de la communauté. Toutefois, un certain nombre
d’habitants de la région vivent de façon très isolée et n’ont aucun accès à ces services.
Wetaskiwin est une petite communauté de 10 700 habitants, principalement agricole, avec quelques petites industries. Une grande partie des habitants travaillent chaque jour à Edmonton. Les
revenus individuels sont assez faibles, et inférieurs à la moyenne de la province (30.9 pour cent des
habitants gagnent moins de 20 000 dollars canadiens par an). Le niveau d’éducation n’est pas non plus
très élevé et les familles monoparentales sont nombreuses (16.5 pour cent). Cette zone est proche
d’une grande réserve indienne. Les services à l’enfance sont nombreux et beaucoup de projets sont
menés conjointement par la communauté et les arrondissements scolaires.
Mise en route des projets
Le projet Opening Doors de Calgary a commencé en 1991. Cette année-là, la Commission scolaire
et le ministère concerné se sont réunis avec tous les services et associations s’occupant de jeunes à
risque et de leurs familles. L’objectif de la consultation était de trouver les moyens de répondre de
façon plus adaptée aux besoins des clients. Un rapport, dit rapport Thomas, avait montré de nombreuses failles dans le système, ainsi que la possibilité d’améliorer la communication entre les prestataires
de services et la population. Il soulignait également l’insatisfaction et le mécontentement de la
population face à des services qu’elle jugeait inadaptés à ses besoins. Parents et élèves regrettaient de
ne pas être suffisamment consultés et déploraient la difficulté d’accès aux services. Ce rapport a servi
de base à des discussions ultérieures et le personnel a été invité à participer. C’est ainsi que le projet
Opening Doors a vu le jour.
Les autorités scolaires ont été les premières concernées par le projet Opening Doors. Calgary est
l’un des plus importants arrondissements scolaires de l’Alberta pour l’enseignement public. Sur
130 000 élèves, 96 000 fréquentent en effet une école publique. Le projet a donc été axé sur la
coordination et le regroupement des services dans les écoles, pour les rendre plus accessibles aux
parents et aux enfants. Un autre résultat attendu de ce projet était l’amélioration des conditions dans
les classes elles-mêmes.
En 1992, la Commission scolaire a reconnu l’importance de la collaboration entre les services et la
nécessité d’un travail commun. Puis, en août 1993, le gouvernement de l’Alberta a lancé des discussions sur la coordination des services (programme « Coordination des services à l’enfance ») et a
demandé à Calgary d’être l’un des cinq sites pilotes à participer à cette initiative commune avec les
quatre ministères.
168
Le projet Partners for Youth a vu le jour à la suite d’un congrès sur la prévention intitulé « Safer
Cities » qui s’est tenu à Montréal en 1989. En 1990, le maire de la ville a mis sur pied un comité de
travail regroupant 15 membres de la population choisis plus pour leur compétence que pour leur
appartenance à une institution ou un organisme particuliers. La police et le ministère de l’Emploi ont
aussi envoyé chacun un représentant. Les discussions étaient axées sur la prévention de la délinquance grâce à l’action sociale.
Entre mai 1991 et mai 1992, plusieurs rapports établis en liaison avec les communautés concernées
ont été publiés. Ils contenaient 149 recommandations insistant sur l’importance d’initiatives sociales
étroitement ciblées et touchant l’ensemble de la communauté, pour développer le sens de la
responsabilité.
Partie I : CANADA
A Edmonton, comme dans d’autres localités de l’Alberta, la fragmentation des services posait un
réel problème. Certains services étaient en effet assurés directement par la province et d’autres par
des associations ou des services locaux. Les services à l’enfance et à la jeunesse d’Edmonton étaient
aussi organisés sur une base très spécialisée, chaque service traitant un seul type de problème. La
coordination des services à l’enfance et à la jeunesse était donc une priorité.
Le programme Partners for Youth est un projet pilote qui vise à regrouper plusieurs services en un
seul lieu pour faciliter l’accès de la population à ces prestations.
En avril 1992, de hauts responsables de chaque service se sont réunis pour affiner encore l’idée du
projet et prendre des dispositions pour la mise en place d’unités multiservices et multidisciplinaires au
niveau des écoles. En septembre 1993, deux sites pilotes ont commencé à fonctionner, l’un à l’école
secondaire de premier cycle de Wellington et l’autre à l’école secondaire catholique de premier cycle
de St Nicholas.
Le projet de Lethbridge a été mis en place dans une communauté qui avait déjà une certaine
habitude de la collaboration entre les services. Des exemples de cette collaboration sont le Centre
d’évaluation et de traitement préscolaires (Preschool Assessment and Treatment Centre – PATC),
l’Unité de pédiatrie neuromusculaire (Paediatric Neuromuscular Unit – PNMU) et le Programme de
développement de la famille et de la communauté (Family and Community Development Programme
– FCDP), qui sont eux-mêmes les fruits d’un effort de coordination lancé en 1978. La PNMU a été créée
suite à une action de coordination entre les parents, l’hôpital régional et l’hôpital pédiatrique de
l’Alberta. Le PATC a été créé par les trois districts de santé en 1982. Enfin, le FCDP est un projet
commun qui réunit les services sociaux de l’Alberta, la ville de Lethbridge et les deux arrondissements
scolaires. En 1987, des discussions étaient également en cours et une initiative de prévention était
lancée en direction des enfants à risque âgés de 5 à 13 ans. C’est dans ce contexte que la communauté
de Lethbridge a été invitée à devenir l’un des cinq sites pilotes.
Dans le cadre du projet de Lethbridge, les ministères de l’Éducation, de la Famille et des Services
sociaux sont chargés d’assurer la liaison avec les sites et de leur apporter le soutien nécessaire. A
Lethbridge, l’important était d’obtenir la participation directe du plus grand nombre de personnes
possible plutôt que de se concentrer sur un projet unique. Trois projets locaux ont donc été
sélectionnés :
– Celui résultant de la fusion du PATC et de la PNMU.
– Celui résultant de la fusion des programmes FCDP et « Parents’ Place ».
– Un programme intitulé Outreach, qui met à la disposition des jeunes de 15 à 24 ans un arsenal
d’aides pour la formation, l’emploi et le développement personnel. Ce programme est mené par
l’arrondissement scolaire, le centre pour l’emploi des jeunes, les services de formation de la
province et le service fédéral de l’emploi.
La communauté de Wabasca-Demarais a été choisie par le comité de travail interministériel parce
qu’elle avait déjà une certaine expérience du travail interdisciplinaire et des services communs. A
Wabasca-Demarais, il est particulièrement important de renforcer les liens entre les différentes institutions et administrations, car un grand nombre d’administrés autochtones font appel aux services
fédéraux et provinciaux. Après un grave incident en 1982, où un adolescent s’était suicidé, la communauté a pris conscience de la nécessité de rassembler les forces disponibles, en premier lieu pour se
pencher sur les problèmes affectifs des jeunes. D’où la création du comité « Let’s Talk » (« Parlons-en »),
service local pour la santé mentale, constitué sous la forme d’une association à but non lucratif. Son
objectif est d’aider les habitants de la communauté à devenir autonomes et à se soutenir les uns les
autres. Un groupe pilote a été créé localement. Il comprend des bénévoles venant de plusieurs
institutions de la communauté et des représentants des quatre ministères, au niveau fédéral et au
niveau provincial. Le comité fonctionne depuis 1993.
Le projet de Wetaskiwin a aussi été choisi en raison de l’expérience du travail interdisciplinaire
que possédait cette communauté. Le principal exemple de cette expérience était le bureau de santé
de Wetoka, créé en 1982, dont le but est d’améliorer et de promouvoir les initiatives sanitaires dans
tous les domaines et pour tous les groupes de population. Chaque année, le projet de Wetaskiwin est
169
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
réexaminé pour vérifier qu’il répond bien aux besoins répertoriés. Le travail est principalement axé sur
la prévention à grande échelle.
L’objectif principal du projet interdisciplinaire actuel, dans le cadre de l’initiative « Coordination
des services à l’enfance », est d’améliorer cette catégorie de prestations et, surtout, de faciliter l’accès à
un système qui s’était révélé bien trop complexe pour être vraiment utile à la population locale. Il a
donc été décidé d’établir une coopération entre les ministères concernés et la communauté, d’optimiser l’utilisation des ressources et de partager les responsabilités du traitement des cas, de définir des
stratégies concertées et d’éliminer les obstacles, les failles et les redondances.
Ressources financières et formation
170
A Calgary, le projet bénéficie du soutien des responsables officiels les plus haut placés, mais ne
reçoit pas de financement spécial. Les fonds sont apportés par les services qui participent au projet,
via les circuits habituels.
L’une des questions à l’ordre du jour est celle de la formation du personnel chargé du passage à
une fourniture globale. Cette formation pourrait se faire sous la forme de discussions communes sur la
façon d’organiser une équipe. Cela permettrait d’obtenir une image claire des attentes individuelles,
d’envisager les différentes méthodes possibles pour la gestion par cas et d’aider à résoudre les conflits.
Au sein d’un même service, les personnes engagées dans ce processus n’ont pas les mêmes problèmes
ni les mêmes modalités de travail que leurs collègues qui ne sont pas associés au projet. Cet élément
doit être pris en compte par leurs supérieurs lorsqu’ils évaluent leur travail.
On a donc mis en place des sessions de formation aux services communs. Par exemple, des
spécialistes de l’hôpital pédiatrique de l’Alberta montrent aux auxiliaires des écoles comment agir avec
les enfants présentant des incapacités. Les services sociaux organisent des stages à l’intention des
services fédéraux des ressources humaines et du Centre de formation et d’évaluation.
Ce travail de formation réciproque est essentiel et constitue un excellent moyen pour bâtir un
esprit d’équipe.
L’initiative a aussi pour vocation de redistribuer les ressources. Ainsi, le service de santé mentale
met trois spécialistes à la disposition des écoles pour fournir une assistance aux professeurs et élèves,
et deux spécialistes à la disposition des services de santé. De même, un infirmier passe deux journées
par semaine dans les écoles. Le travail est désormais axé sur la prévention plutôt que sur la gestion
des crises. Les services sociaux et familiaux ont désigné deux assistants sociaux à l’enfance pour faire
partie de l’équipe interdisciplinaire. Deux membres du personnel de la police de Calgary participent
également au projet.
Pour l’instant, ces services ne sont pas situés au même endroit, mais le regroupement est l’un des
objectifs du projet.
A Edmonton, le projet Partners for Youth bénéficie de l’aval et du soutien des responsables
officiels à tous les niveaux mais il n’a pas encore reçu de financement spécifique. Il reçoit des
ressources au cas par cas, en fonction des besoins et demandes de chaque service.
Les services sociaux, par exemple, ont affecté un membre de leur personnel à temps plein dans
l’école de Wellington, où le nombre d’élèves présentant des problèmes sociaux est particulièrement
élevé. Un travailleur social consacre aussi une demi-journée par semaine à l’école de St Nicholas. Du
fait du nouveau système, il a dû modifier son approche, avec l’autorisation de son ministère, et passer
de la gestion des crises au cas par cas à des méthodes fondées sur la prévention. Le reste de la
semaine, cependant, il poursuit normalement son travail habituel. Sa nouvelle approche a l’entière
caution de ses supérieurs, mais suscite certains problèmes parmi ses collègues.
Les employés des services sociaux de la ville consacrent désormais trois jours par semaine à
chaque site. Enfin, la police passe au minimum une demi-journée par semaine sur le terrain.
L’organisation YMCA participe également au projet en donnant des cours extra-scolaires et des
cours d’alphabétisation. Au niveau local, deux personnes consacrent au moins une demi-journée par
semaine à ces activités.
Partie I : CANADA
Toutes ces ressources proviennent en fait de transferts entre les services. Les partenaires s’engagent sur une base informelle et le secteur privé d’Edmonton joue également un rôle. De toute façon, ce
programme n’est pas une entité financière en soi et ne peut recevoir de fonds directement.
Les trois projets de Lethbridge, c’est-à-dire la fusion des programmes FCDP et « Parents’ Place »,
celle de la PNMU et du PATC, et le programme Outreach, constituent des approches différentes pour
des problèmes et des préoccupations analogues.
Bien que le regroupement des programmes FCDP et « Parents’ Place » soit déjà bien avancé, les
deux programmes ne se déroulent pas sur le même site et chaque cas n’est pas traité par la même
personne. Les transports et les ressources administratives ne sont pas non plus mis en commun de
façon formelle ou systématique. Le FCDP a affecté un cinquième d’un poste de psychologue au
programme « Parents’ Place ». En réalité, la seule ressource supplémentaire qui ait été allouée est celle
du temps que le personnel consacre à planifier la mise en œuvre du projet.
En ce qui concerne le regroupement de la PNMU et du PATC, on peut noter que ces deux
structures sont déjà habituées à travailler sur une base multidisciplinaire. La nouvelle entité rendra
plus facile l’accès de la population à un éventail élargi de services, puisque ces derniers seront
regroupés sur le même site. Ce changement vise à mettre davantage l’accent sur la prévention que sur
le traitement direct. Par exemple, le Service de santé mentale souhaitait faire partie du nouveau centre
pour travailler plus facilement avec d’autres services. L’hôpital régional de Lethbridge voulait que la
PNMU se joigne à la nouvelle organisation pour s’implanter dans la communauté et rapprocher le
prestataire de services de sa clientèle, tout en libérant un espace appréciable dans les locaux de
l’hôpital. Les écoles sont, bien évidemment, les premiers partenaires.
Le nouvel organisme sera financé par un fonds communautaire semblable à celui utilisé pour le
PATC. Quant au matériel hautement spécialisé dont la PNMU est susceptible d’avoir besoin, il continuera probablement à être financé par des contributions sur une base volontaire.
Pour l’instant, le PATC est situé dans les locaux du service d’orthophonie et de l’unité de santé
publique, et le travail se fait sur une base conjointe. Le PATC est également convenu avec la PNMU que
cette dernière assure, contre rémunération, le suivi psychologique des enfants qu’il a à examiner.
Un comité regroupant les services concernés étudie la meilleure façon d’organiser les services et
d’améliorer le processus interdisciplinaire.
Le conseil d’administration de l’hôpital soutient fermement le lancement de ce projet et a en
particulier insisté pour que la PNMU conserve, au sein de la nouvelle structure, l’intégralité de ses
ressources actuelles. Les clients de ces services approuvent aussi le regroupement car ils sont
conscients qu’il faut améliorer le partage des ressources et des compétences du personnel, et savent
que la nouvelle organisation fera gagner du temps aux familles et aux enfants. Les familles sont en fait
les premiers partenaires de la PNMU.
Le projet Outreach, conçu pour répondre aux besoins des jeunes qui, pour diverses raisons, ne
s’intègrent pas dans le système scolaire traditionnel, reçoit le concours du gouvernement fédéral, du
ministère de l’Éducation et des services d’évaluation et de l’emploi. Tous les services, y compris
l’enseignement, seront plus accessibles aux personnes concernées car ils seront regroupés au rez-dechaussée d’un centre d’affaires proche d’une grande galerie marchande et auront des horaires d’ouverture étendus.
Ce projet a reçu un important soutien local, mais ses ressources sont quelque peu limitées. Pour
l’instant, il dispose d’un bâtiment, mais les fonds nécessaires pour adapter les locaux ne sont pas
encore disponibles. D’autres services rejoindront par la suite ceux qui sont déjà inclus dans le programme et apporteront leurs propres ressources. Quoi qu’il en soit, l’incertitude quant au financement
à venir rend difficile toute planification à long terme.
Le projet de Wabasca-Demarais a reçu le soutien officiel des politiques et des administrateurs à
tous les niveaux. Le service « Let’s Talk » a été développé. En 1983, il comptait une sténodactylographe,
un directeur et un conseiller à temps partiel, et servait 75 clients. En 1992, il avait 12 employés et
480 clients, et s’occupait de trois secteurs de services. La plupart de ses ressources lui sont fournies aux
171
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
termes d’un accord entre le Service de santé mentale (un coordinateur, un conseiller et un autre poste
à plein temps) et le service scolaire de la communauté (un directeur de l’enseignement, un secrétaire à
temps partiel et des ressources de fonctionnement). Diverses fondations et initiatives de formation et
d’intégration ont permis de répondre aux besoins d’année en année.
Le projet de Wetaskiwin a été mis sur pied avec le soutien de hauts responsables du gouvernement présents lors des premières réunions de lancement du programme, ainsi que de membres élus
des services locaux. Ces personnes font également partie du groupe pilote créé par la suite.
Aucune ressource supplémentaire n’a été affectée à ce projet.
Collaboration
Lors de l’élaboration des nouveaux projets, les partenaires se sont penchés, entre autres, sur les
différentes solutions apportées à des problèmes analogues dans d’autres régions ou d’autres pays,
telles que le programme New Beginnings de San Diego, en Californie.
Dans l’arrondissement scolaire de Huntington Hills, à Calgary, choisi comme premier site de
démonstration pour le programme Opening Doors, un Groupe de ressources communautaires (Community Resource Group, CGR) a été créé avec des prestataires de services locaux pour superviser la mise
en place du projet. Ses membres viennent de divers services locaux, dont de grands organismes
publics tels que les ministères de l’Éducation, des Services sociaux, de la Santé et de la Justice.
Le CRG compte parmi ses membres le directeur adjoint de l’école, un policier, un professionnel de
la santé mentale, un employé des services à l’enfance, un représentant des services sociaux de
l’Alberta et un parent d’élève. Avec le soutien de leurs supérieurs, les membres du CRG ont défini leur
propre rôle et élaboré des méthodes de travail en équipe. Un des critères de sélection de ces
personnes est qu’elles ont toutes, dans leur emploi précédent, cherché à innover pour répondre de
façon plus appropriée aux besoins répertoriés dans leur communauté. Tout en s’intégrant au projet
commun, le CRG travaille en étroite collaboration avec le groupe de ressources des élèves, présent
dans les écoles pour traiter des problèmes de comportement ou de scolarité des élèves. Ce groupe
comprend des administrateurs, le professeur de l’élève concerné et éventuellement un infirmier ou un
conseiller d’éducation.
Jusqu’à la création du CRG, le groupe de ressources des élèves ne pouvait pas traiter les problèmes qui relevaient de plusieurs services. D’où l’importance du CRG, puisqu’il facilite la liaison entre
les différents services s’occupant d’un même enfant. Cependant, il est rapidement apparu que l’on ne
pouvait créer ce type d’organisme dans chacune des neuf écoles de l’arrondissement scolaire. Après
avoir examiné les études existantes sur ce sujet, le groupe pilote du projet Opening Doors a décidé de
baser le programme non pas dans une école, mais dans la communauté elle-même.
L’accès aux services du CRG a en conséquence été ouvert à toutes les personnes intéressées. Le
groupe se réunit une fois par semaine pendant une demi-journée. Au départ, chaque membre a dû
informer les autres de ses méthodes de travail habituelles, des missions que son employeur lui avait
confiées, etc., dans l’optique de former une vraie équipe et de constituer une base de confiance.
Au début, les membres du groupe ont tous eu quelque difficulté à se détacher de leurs méthodes
habituelles, ce qui n’est guère surprenant étant donné qu’ils venaient de services différents, avec une
culture de travail et une formation distinctes. Au bout de quelque temps, les barrières ont toutefois
commencé à tomber. Il n’était cependant pas question d’ignorer l’apport inestimable et hautement
nécessaire que représentait l’expérience tirée par chacun de son activité principale.
172
Chaque service a dû accepter les aménagements nécessaires et autoriser son personnel à se
montrer plus souple et à faire passer le client ou la communauté avant le service lui-même. Ainsi, dans
certains cas, les infirmiers doivent jouer le rôle d’assistants sociaux pour rassurer les familles qu’ils
rencontrent. Un spécialiste de la santé mentale a dû adopter une nouvelle approche étant donné qu’il
voyait désormais ses patients dans un nouvel environnement. Un responsable des services sociaux a
maintenant une plus grande latitude pour intervenir plus tôt. Désormais, le cas de chaque enfant est
Partie I : CANADA
géré par une seule personne, même s’il est suffisamment complexe pour nécessiter de faire appel à
différents services.
Il a fallu s’employer à rétablir la confiance entre la communauté et les prestataires de services,
quelque peu malmenée par la réduction ou la fermeture de certains services à la suite des coupes
budgétaires effectuées dans plusieurs secteurs.
Le groupe pilote du programme Opening Doors pour l’ensemble de la ville se réunit chaque mois
et traite de problèmes à la fois plus fondamentaux et plus larges, tels que la confidentialité, la
définition de priorités pour chaque service et les relations avec les autres associations. Le CRG et le
groupe pilote se réunissent toutes les six semaines.
Aucun coordinateur n’ayant été nommé, les tâches incombent à chaque membre à tour de rôle,
mais cette organisation fondée sur le bénévolat ne pourra pas durer. De plus, l’importance et le rôle
des professeurs eux-mêmes n’ont pas encore été clairement définis. Le comité de travail devrait inclure
un professeur, sous quel statut que ce soit. En tout état de cause, les syndicats semblent soutenir le
projet.
Dans le projet Partners for Youth d’Edmonton, les partenaires sont les autorités scolaires, les
services à l’enfance, les services de santé mentale, de santé, la justice, la ville d’Edmonton (représentée par différents départements ministériels, dont ceux des parcs et loisirs et de la police), les écoles
publiques et catholiques et la YMCA. L’Association des services aux enfants et aux jeunes et l’Hôpital
Glenrose participent également à ce projet. Dans chaque école est basée une équipe de professionnels des différents services et associations.
Lorsque l’étude a été réalisée, les équipes ne travaillaient ensemble que depuis quatre mois et
devaient encore régler un certain nombre de problèmes, auxquels s’ajoutait, d’une manière générale,
le manque de temps de chacun. La plus grande partie des personnels n’avait encore jamais eu
l’occasion de travailler ensemble et a donc dû commencer par faire connaissance, développer une
nouvelle forme de relations et forger un ensemble de valeurs communes. Parallèlement, chacun devait
continuer à gérer sa charge de travail habituelle, particulièrement lourde à ce moment puisqu’un jeune
avait tenté de se suicider et qu’un parent d’élève s’était effectivement suicidé.
Un point mérite d’être souligné : les relations entre les membres des différents services et le
personnel de la YMCA n’ont posé aucune problème. Ce dernier a en effet un mandat plus large et plus
souple que le personnel des services locaux ou provinciaux et est recruté en partie en fonction de sa
capacité à changer et s’adapter.
Pour ce projet comme pour les autres, les questions de confidentialité ne gênent pas réellement le
travail d’équipe, étant donné que les informations concernant un enfant sont partagées par toutes les
personnes travaillant sur ce cas. Le poids des habitudes semble être plus gênant que les règles
imposées.
Cependant, il n’a pas encore été possible de créer une base de données commune pour tous les
services concernés. De même, il n’y a pas de système commun de recensement des cas. D’une manière
générale, peu de documents ont été rédigés jusqu’ici, ce qui risque de poser des problèmes, en
particulier pour les activités d’évaluation. Par exemple, le ministère de la Justice est autorisé à utiliser
les informations consignées par la police mais pas celles recueillies par les travailleurs sociaux. Localement, l’équipe s’est mise d’accord sur une procédure, qui demande toutefois à être précisée. Cette
situation a montré à quel point les systèmes d’information utilisés par certains services étaient
incompatibles.
Le ministère des Services aux communautés et aux familles publie, en collaboration avec huit
autres partenaires, un rapport annuel, mais celui-ci ne traite pas particulièrement du projet Partners for
Youth.
Le projet dans son ensemble est supervisé par un groupe pilote créé plusieurs mois avant le
lancement du programme. Ce groupe, composé de hauts responsables de ministères et d’associations,
se réunissait initialement chaque semaine. Ces réunions n’ont lieu désormais que tous les quinze jours,
chaque fois sur un site différent.
173
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
Au sein du groupe pilote, une personne est plus spécifiquement responsable de la liaison avec un
site particulier, approche qui reflète celle adoptée par le comité de travail provincial vis-à-vis des
différents sites pilotes. Cette personne rencontre au moins une fois par mois les équipes qui travaillent
sur le terrain. Une réunion hebdomadaire de tous les prestataires de services est également organisée
dans chaque école.
Ici, le processus d’intégration des services dépend largement du soutien du groupe pilote. Un
objectif commun semble réellement exister. Le personnel s’implique réellement et a une bonne
compréhension du rôle et des devoirs de chacun des partenaires. Le fait que l’ensemble du personnel
travaille au même endroit semble également propre à favoriser un changement dans les attitudes et les
pratiques.
A Lethbridge, les deux structures désormais regroupées (« Parents’ Place » et le FCDP) travaillent
ensemble de façon informelle depuis sept ans. Elles sont sur un pied d’égalité et partagent le même
point de vue, à savoir que leurs services doivent privilégier la clientèle. C’est là un point extrêmement
important, plus important encore, à leurs yeux, que n’importe quelle question purement technique. Le
problème central est le changement d’attitude. Il est donc essentiel que les personnes destinées à
travailler ensemble sur la base d’une approche nouvelle puissent organiser des groupes de discussion.
C’est en soupesant les avantages et les inconvénients de chaque organisation qu’elles pourront faire
évoluer les comportements et donner de l’élan à la nouvelle structure.
Le PATC et la PNMU organisent des séances de formation communes à l’intention des différents
professionnels (professeurs, assistants, etc.) appelés à travailler avec les jeunes qui présentent des
incapacités. Pour les besoins de formation, ils regroupent le plus possible leurs ressources avec celles
d’autres institutions. Toutefois, les services ne disposent pas d’une base de données communes sur les
clients qu’ils se « partagent ». Pendant la période de transition en cours, les conseils d’administration
des deux organismes (le PATC et l’hôpital qui régit la PNMU) organisent des réunions communes pour
étudier et tenter de résoudre les problèmes posés par le regroupement.
Le projet Outreach disposera de son propre comité de surveillance qui comprendra des membres
de la communauté, des employeurs et des professionnels, ainsi que des représentants des services et
des pouvoirs publics. Les renseignements de base concernant les clients sont soigneusement consignés, et ce processus continuera après la réforme. Les informations sont toutefois détruites dès que le
client cesse de faire appel au service. Avec l’accord du client, elles peuvent toutefois être partagées
avec d’autres structures.
Le projet Wabasca-Demarais est dirigé par un groupe pilote et par plusieurs commissions temporaires qui s’intéressent à des catégories de problèmes spécifiques. L’inventaire des besoins de la
communauté, qui est actuellement dressé, servira à définir des priorités qui devront être traitées de
façon urgente. Une évaluation sera également réalisée à partir de statistiques et des réponses des
clients à un questionnaire. Un effort particulier sera fait sur la communication, pour que toute la
communauté soit parfaitement au courant des services mis à sa disposition. Enfin, il existe un projet de
mise en réseau et de formation qui sera utilisé par tous les services concernés.
A Wetaskiwin, le groupe pilote a organisé un atelier de discussion pour définir les buts précis du
projet et l’objectif général de l’initiative. Cet atelier a débouché sur un important changement d’orientation, à savoir que, désormais, il ne s’agit plus de s’intéresser aux enfants à risque, mais aux enfants en
général. Des rapports sont régulièrement envoyés à tous les représentants élus, collègues et groupes
de services associés pour qu’ils soient mieux informés. De même, diverses séances d’information ont
été organisées à l’intention des différents groupes de la population, pour obtenir leur collaboration et
leur soutien.
174
Pour le moment, il n’y a pas de point d’accès unique pour tous les services, mais quelques efforts
initiaux ont été déployés pour les regrouper dans un même lieu. Par exemple, tout ce qui a trait à
l’enseignement est situé dans une école, les services juridiques sont groupés au même endroit, etc.
L’initiative « Coordination des services à l’enfance » envisage de concentrer tous les services dans les
écoles locales.
Partie I : CANADA
Tous les services ou organismes se rencontrent périodiquement pour faire le point sur le cas de
chaque enfant.
Les services de justice et de santé jugent essentiel de consulter les autres organismes avant
d’introduire leurs plans de formation. Les infirmiers, par exemple, travaillent avec les familles, mais
aussi avec les écoles et avec le personnel des services sociaux ; les écoles coopèrent avec le bureau de
santé de Wetoka pour mettre au point des programmes à l’intention des enfants ayant des besoins
spécifiques.
Pour l’instant, cependant, il n’y a pas de fichier d’admission unique utilisable par tous les services
concernés.
Les différents services sont représentés dans un organisme spécial et dans l’initiative « Coordination des services à l’enfance ». Des réunions ont régulièrement lieu entre le directeur adjoint des
écoles, le chef des services sociaux et le directeur régional chargé de placer les enfants sous protection.
Des sessions communes de formation aux services sont organisées. Par exemple, le bureau de
santé de Wetoka aide à former des membres du personnel des écoles ou de l’hôpital. Les séances de
formation interne du ministère de la Justice et du Bureau de santé de Wetoka sont ouvertes aux autres
professionnels.
D’une manière générale, les banques de données ne sont pas exploitées sur une base commune,
excepté dans quelques cas particuliers. Quant au matériel, seul le bureau de santé de Wetoka offre des
services de photocopie ou de dactylographie gratuits. Les services scolaires coordonnent le transport,
en particulier pour les enfants présentant des incapacités qui sont accueillis dans des jardins d’enfants.
Wetaskiwin compte beaucoup sur l’initiative « Coordination des services à l’enfance » pour promouvoir la coordination. Pour l’instant, le projet est peu avancé et il y a effectivement matière à améliorer la
coordination. Les écoles et les services sociaux, par exemple, auraient intérêt à mettre certaines de
leurs ressources en commun.
En mai 1994, plusieurs initiatives avaient été établies sur une base commune, dont un comité pour
la mise sous protection des enfants, un service de santé mentale, ainsi que plusieurs comités de liaison
et services sanitaires scolaires. Tous ces services travaillent sur une base interdisciplinaire, en liaison
avec la communauté et les représentants des communautés autochtones.
Facteurs positifs et facteurs négatifs
Dans le cas de l’initiative Opening Doors de Calgary, le manque de temps est particulièrement
déploré. En effet, le travail d’étude, les réunions de coordination, etc., s’ajoutent à la charge de travail
quotidienne.
Les responsables officiels ont également souligné les problèmes que posent les incompatibilités
occasionnelles entre les structures, les politiques et les méthodes de financement des différents
niveaux d’administration (fédéral, provincial et municipal). Il semble que ce soit l’un des obstacles les
plus difficiles à surmonter. Dans de nombreux cas, la rigidité des services résulte des méthodes de
financement et des mandats pour la fourniture des prestations. Bien que les ressources disponibles
soient vastes, elles servent souvent à régler un type particulier de problème plutôt qu’à répondre aux
besoins précis des familles et des enfants. Ces besoins ne peuvent être convenablement satisfaits par
un seul service.
De plus, les différents services répartissent leurs secteurs différemment. En conséquence, leurs
activités se chevauchent parfois. Ces chevauchements posent des problèmes d’organisation lorsque les
services tentent de se coordonner. Les procédures administratives peuvent également entraver les
efforts d’assouplissement des services. Enfin, la confidentialité constitue un problème, mais il s’agit
plus d’un problème de culture professionnelle que d’un obstacle juridique.
La crainte générale, exprimée ou non, est celle de la perte de pouvoir, c’est-à-dire la peur de voir
d’autres personnes « empiéter sur son territoire ». Cela vaut pour chaque niveau de responsabilité et
pour chaque poste.
175
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
Les réussites ne seront pas forcément visibles immédiatement étant donné que l’objectif est une
évolution des systèmes et que la motivation doit être soutenue tout au long du projet. La caution et
l’engagement des hauts responsables sont essentiels pour inciter le personnel à un engagement
durable. Surtout, il convient de rassurer chacun sur le fait que ni son emploi ni son statut ne seront
menacés.
Cependant, quelques signes de réussite sont déjà manifestes. Les familles apprécient de n’avoir
affaire qu’à une personne, en particulier lorsque des questions d’éducation sont en jeu. Le responsable
des services à l’enfance estime également que le travail de prévention actuel apporte une plus grande
satisfaction aux familles et il est apprécié par la communauté. La police se sent déjà plus proche de la
population et a le sentiment que la délinquance recule. La communauté se trouve un peu plus engagée
dans le processus.
Au niveau de la base, le manque de temps et de ressources humaines pose des problèmes
similaires, mais les principales difficultés semblent être celles liées aux relations et à la communication
entre les professionnels, entre les professionnels et la communauté et entre les différents groupes,
comités et commissions mis en place. Par exemple, Huntington Hills (Calgary) publie un périodique
dans le but d’atténuer ce problème. D’autres préoccupations du personnel concernent la stabilité des
emplois et la façon dont les fonctions sont définies par rapport à celles d’autres personnes, spécialistes
et non-spécialistes.
Les mêmes remarques sont formulées pour le projet d’Edmonton, à savoir que l’ensemble des
personnes concernées doit développer une vision commune et, par des formations réciproques ou des
réunions de discussion, acquérir une meilleure compréhension des domaines de chacun et développer
une politique de communication interne et externe.
Le plan d’évaluation en est encore à ses débuts et aucune conclusion ne peut actuellement en être
tirée. Néanmoins, les premières impressions sont positives. Les études réalisées dans les écoles et
auprès des jeunes révèlent une amélioration des résultats scolaires et du comportement des élèves.
Les jeunes semblent se sentir plus en sécurité à la fois dans la communauté et à l’école. L’intensification des efforts de prévention de la violence domestique est également appréciée.
Les professionnels se sont rendu compte que leurs nouvelles méthodes avaient un impact bénéfique sur leur travail externe au projet, à tel point que la ville a reçu de nombreuses demandes de
création de projets similaires. Toutefois, pour que ce système se développe, les procédures administratives devront être allégées. Les hauts responsables devront aussi accepter que leurs subordonnés
innovent et agissent hors de leur mandat habituel, définir de nouvelles méthodes pour évaluer leur
travail et les soutenir si des conflits internes apparaissent.
Le projet de Lethbridge rencontre également des problèmes de communication, dus en partie à
l’absence d’enseignants dans le comité pilote. Les rigidités structurelles, le corporatisme et la crainte
d’une perte de pouvoirs partielle semblent être les premiers obstacles à surmonter. Par exemple, les
prestataires de services doivent être encouragés à ne pas classer les enfants dans des catégories
rigides. Un changement d’attitude majeur, mais difficile, est évidemment nécessaire. On peut se
demander si tous ceux qui sont engagés dans le projet sont réellement poussés par ce désir de
changement ou simplement tentés par les avantages financiers à tirer d’une telle réforme.
176
Au niveau de la base, des changements d’orientation apparaissent déjà dans les méthodes de
fonctionnement et dans les rapports avec la clientèle. Le FCDP consacre désormais 74 pour cent de son
temps à la fourniture de services, contre 65 pour cent initialement prévus. Il passe aussi moins de
temps à assurer les liaisons avec la communauté et la formation interne. Dans les prochaines années,
ses activités de prestataire direct de services vont certainement diminuer au profit d’un développement des actions préventives. Cependant, pour l’instant, le responsable de l’équipe médicale consacre
encore beaucoup, voire trop de temps au traitement des cas. Depuis 1992, les coûts par enfant
augmentent. Ce sont principalement des écoles qui envoient des « clients » au FCDP, mais elles en
envoient de moins en moins car la liste d’attente est trop longue. Néanmoins, le FCDP reçoit aussi des
clients envoyés par d’autres organismes ou institutions. On attend beaucoup d’avantages du regroupement des entités et de l’installation dans de nouveaux locaux. En particulier, le fait de faciliter l’accès
Partie I : CANADA
des services devrait améliorer de façon globale la prestation des services aux familles. En outre, la
nouvelle approche adoptée va permettre aux familles d’avoir davantage voix au chapitre, ce que
beaucoup réclamaient. Ce progrès est particulièrement apprécié des familles qui ont affaire à la PNMU
ou au PATC, car elles sont désormais plus étroitement associées au traitement du cas de leur enfant. Le
rôle joué par les écoles doit encore être précisé. Des parents ont en effet signalé des problèmes de
liaison entre écoles et services, les premières ne semblant pas reconnaı̂tre ni même être conscientes
des compétences que le PATC, entre autres, peut leur apporter.
La différence entre les méthodes de gestion de l’hôpital et des services communautaires pose
également des problèmes. Qui plus est, les projets de regroupement de structures se heurtent à des
difficultés liées au statut du personnel et à la définition de ses missions. Ces obstacles empêchent la
planification à long terme et retardent donc la mise en œuvre du programme, ce qui inquiète les
familles.
Le nouveau centre ne pourra pas fournir à lui seul tous les services souhaités. Il fera donc appel à
des intervenants extérieurs et à d’autres institutions pour les tests psychologiques, l’évaluation et
l’action sociale. Cette fois, c’est le personnel que cette situation inquiète.
Le programme Outreach a été conçu pour tenter de réduire le coût social du chômage des jeunes
et du manque de qualifications. Cependant, des doutes subsistent sur l’avenir de son financement, de
sorte qu’il n’est pas possible d’affirmer qu’il pourra fournir tous les services requis.
A Wabasca-Demarais, la collaboration entre la communauté et les prestataires de services s’améliore. Il subsiste toutefois divers problèmes de coordination dus au fait que beaucoup de services ne
sont pas gérés localement. Le financement pose également problème lorsqu’il faut décider quel
échelon de l’administration devra payer les services nécessaires pour un enfant. Une prise de
conscience de la communauté est, semble-t-il, cruciale pour améliorer la coordination. Moins les
services seront liés à un échelon administratif, plus ils seront efficaces. Toutes les ressources pourraient
être regroupées, mais un problème d’ordre politique se poserait alors, puisque cela impliquerait de
conférer plus de pouvoir à la communauté. D’autre part, la communauté est relativement méfiante visà-vis de la décentralisation, qu’elle considère parfois comme une tactique pour masquer des coupes
budgétaires.
Wetaskiwin doit peut-être s’attendre à des problèmes de rémunération du personnel dans un
avenir proche. Tous les professionnels travaillant ensemble sur les mêmes cas et dans les mêmes
conditions voudront en effet être payés sur la même base. On redoute aussi des changements dans les
relations et l’autorité exercée au niveau central et au niveau local. Le gouvernement provincial acceptera-t-il de céder une part de son pouvoir de contrôle et soutiendra-t-il la gestion publique locale d’un
vaste éventail d’initiatives ?
La participation des employés des ministères est essentielle, mais varie d’un individu à l’autre. Le
problème se complique de la présence d’une vaste communauté autochtone. On attend beaucoup de
l’évaluation en cours, qui devrait contribuer à faire avancer le projet.
CONCLUSION
Dans l’Alberta, tous les types de services sont très fragmentés, mais ils existent et sont très
nombreux. Cette abondance est justement un inconvénient, en particulier pour les plus démunis, qui
ne savent pas toujours vers qui se tourner pour chercher les meilleures solutions à leurs problèmes. Au
niveau local, il ne semble pas y avoir de liste précise de tous les services, organismes et associations
existants ni de leurs activités. Les principaux objectifs de l’initiative « Coordination des services à
l’enfance » sont par conséquent de clarifier et d’ordonner ce tableau, de favoriser l’intégration des
services et de rendre ces services plus accessibles.
Parallèlement, il est apparu que, même lorsque plusieurs institutions sont présentes pour fournir
des services, il n’en demeure pas moins des hiatus dans les prestations. Il fallait donc rationaliser le
réseau et réduire les coûts générés par une mauvaise organisation. Le financement abondant et
généreux des premières années est certainement en partie responsable de cette situation. On
177
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
attendait en effet des services qu’ils répondent aux besoins au moment où ceux-ci se manifestent, sans
évaluation préalable systématique des possibilités de modifier les services existants ou d’en créer de
nouveaux. Cette situation est souvent déplorée à tous les niveaux, et il semble qu’il y ait un consensus
sur la nécessité de rationaliser les choix et les dépenses, étant donné les réductions financières
générales imposées par la plupart des institutions de financement.
L’initiative « Coordination des services à l’enfance » est un projet très cohérent, qui bénéficie d’un
engagement marqué tant au niveau du sommet, la province, qu’au niveau de la base, les communautés.
La façon dont cette initiative est organisée (informer de la base vers le sommet, expliquer, donner
aux personnes l’occasion de s’exprimer, tout en associant les plus hauts niveaux d’autorité) manifeste
un évident désir de coordination et de communication. Cette volonté de permettre à la population de
s’exprimer et de faire connaı̂tre ses points de vue se reflète également dans le mode de coordination
des services locaux, qui passe par la création et la mise en relation de nombreux groupes pilotes,
comités et commissions temporaires.
Une autre forme importante de soutien a été trouvée lors du forum qui s’est tenu à l’automne 1993.
Chaque site pilote pouvait venir y présenter son projet et discuter de ses problèmes avec les autres
communautés partenaires de l’initiative « Coordination des services à l’enfance ». Ils ont également pu
suggérer des solutions possibles à leurs homologues ou aux responsables au niveau du gouvernement
provincial. Certains facteurs tels que le sentiment de ne plus être isolé, la possibilité de partager
problèmes et idées avec d’autres, le sentiment que le gouvernement central s’intéresse aussi réellement aux projets, ont créé un climat de motivation et d’encouragement pour tous les participants.
Dans tous ces projets, les initiatives conçues au niveau provincial coı̈ncident clairement avec des
initiatives locales nouvelles ou anciennes. Les sites ont été bien choisis et se sont montrés réceptifs. Il
se peut que le gouvernement fédéral ou provincial ait ressenti une forte pression de la part de la
communauté pour lancer ces initiatives.
De plus, les initiatives locales ont pu être renforcées et développées parce que le gouvernement
provincial soutenait et encourageait leurs objectifs et l’esprit dans lequel elles avaient été entreprises.
D’une manière générale, la caution et l’engagement des hauts responsables au niveau du gouvernement de la province sont considérés comme essentiels au succès de l’entreprise. Il y avait donc toutes
les chances pour que les changements soient facilités, puisque la direction adoptée par le gouvernement provincial était en phase avec les besoins et les choix au niveau de la base.
« Changer la façon dont nous opérons », en particulier resserrer le réseau des services et empêcher
tout chevauchement de fonctions, pose un double problème de gestion des ressources humaines :
– La redéfinition des positions implique un redéploiement du personnel et des ressources qui
peut, dans certains cas, entraı̂ner des redondances. Pour la période 1994-95, il est prévu de
diminuer le coût du personnel central de 5 pour cent. Les mêmes mesures sont prévues au
niveau local.
– Il faudra revoir les descriptions des emplois, ou bien le personnel devra apprendre à modifier
ses méthodes et ses attitudes de travail. Cela implique un effort planifié de formation continue
du personnel.
Un tel travail nécessite une ouverture de chacun vers les autres, vers leurs méthodes, leur langage
et leur culture professionnelle. Par exemple, chacun doit être clair sur ce qu’il entend par « client »,
certains services donnant au terme une connotation plus étroite que d’autres. Ainsi, pour le ministère
de la Santé, ce terme recouvre l’ensemble de la communauté, tandis que pour les services sociaux, le
groupe ciblé, ou « clientèle », est plus spécifique et plus restreint.
178
Les différents comités semblent avoir déjà surmonté les préjugés et les obstacles, qui se sont
finalement révélés beaucoup moins importants que ce que l’on craignait. Cela a fait naı̂tre ou renforcé
la confiance et le respect mutuels. En particulier, sur le sujet sensible de la confidentialité, le changement d’attitude semble avoir progressé utilement. Il prouve que, sous réserve de prendre certaines
précautions, les possibilités de partage de l’information étaient finalement bien plus nombreuses que
ce que l’on imaginait au départ. Beaucoup de personnes mentionnent la surcharge de travail
Partie I : CANADA
engendrée et l’impact que le nouveau système risque d’avoir sur les emplois, en particulier ceux des
personnels de santé et des services sociaux. Les professeurs semblent moins concernés, bien que les
écoles soient parfois évoquées. Les responsables administratifs et les directeurs d’école semblent être
beaucoup plus engagés que le personnel enseignant, qui ne paraı̂t pas avoir beaucoup participé au
débat général ni avoir remis en question les méthodes d’enseignement requises par le nouveau
système.
La nouvelle manière d’opérer devrait changer de façon substantielle le travail du personnel et,
malgré les efforts de formation et d’information, des inquiétudes persistent ou apparaissent quant au
maintien des emplois et à la reconnaissance des compétences. Il est confirmé que des spécialistes
compétents seront toujours nécessaires, mais le besoin en personnel moins qualifié, ou « nonspécialiste », est souvent évoqué. Les emplois doivent être redéfinis car ils s’ouvrent pour couvrir des
domaines plus vastes, jusqu’à, dans certains cas, donner l’impression d’empiéter sur d’autres
domaines. Le personnel participant aux initiatives se trouve donc dans une situation ambiguë où il a
besoin de la compréhension et du soutien tant de ses supérieurs que de ses collègues.
En tout état de cause, il est d’autant plus essentiel d’obtenir la caution des hommes politiques et
des hauts responsables que la réforme implique des changements de réglementation et d’organisation.
Même si, comme certains le soutiennent, ces changements sont moins cruciaux que l’évolution nécessaire des comportements, ils doivent être traités correctement, sous peine d’aggraver les problèmes
existants ou de servir d’excuse à ceux qui sont hostiles au changement.
Un autre facteur clé de l’initiative est la décentralisation des ressources et de la prise de décisions.
La nécessité de rapprocher les services de la base peut s’expliquer par la volonté d’être plus axé sur le
« client » et par la nécessité de donner plus de poids aux individus et à la communauté dans la
définition de la fourniture des services. C’est un changement assez radical puisqu’il implique le
transfert d’une partie des pouvoirs du niveau fédéral au niveau provincial. Cependant, le transfert de la
province à la communauté risque de soulever deux questions, à savoir : « Y a-t-il quelque motif caché
derrière ce transfert d’autorité ? » et « La communauté obtiendra-t-elle effectivement les pouvoirs et le
financement dont elle a besoin ? ».
L’importance de la communauté est encore renforcée par le fait qu’elle est fréquemment perçue
comme l’échelon idéal pour mettre en place une coordination des services avec un unique point
d’accès. Dans les cas étudiés, les écoles se sont souvent révélées les meilleurs endroits pour installer
des services d’un type nouveau. Parfois, cependant, le bien-fondé de cette évolution a été mis en
doute et on s’est demandé s’il était bon que les écoles soient ainsi ouvertes au grand public. Dans ce
cas, la communauté s’est vu donner la préférence par rapport aux écoles.
D’une manière générale, il n’y a pas de financement particulier pour aider à organiser ces projets
pilotes. Les ressources supplémentaires trouvées pour certains programmes ou institutions proviennent d’une redistribution de ressources entre les différents services, en fonction des positions adoptées par les responsables, après évaluation des besoins et réorganisation de tout ou partie du dispositif local. Tout cela semble être réalisé sur une base entièrement informelle.
Une période de transition est inévitable. La réorganisation et la rationalisation des services
devraient normalement générer des économies sur certains services et ainsi libérer plus de ressources
pour les autres. Pendant ce temps, les responsables des projets devront faire avec les ressources dont
ils disposent ou chercher des soutiens extérieurs. Ainsi, certaines fondations ont réussi à trouver des
fonds sur une base provisoire pour couvrir le coût des nouveaux services pendant la période de
transition.
Le financement n’est donc pas systématiquement (et ne sera jamais) un processus simple, ce qui
pourrait provoquer des malentendus, voire des tensions, susceptibles de porter atteinte à l’image du
projet de développement présenté aux clients.
Le plus important est le passage à une politique fondée sur la prévention, évolution qui aura un
impact sur les choix budgétaires. Là encore, il devrait être possible d’éliminer certains coûts sociaux
majeurs et donc de diminuer d’autant le coût de traitement des crises graves. Il n’est pas possible, bien
sûr, de prévoir combien de temps durera cette phase transitoire.
179
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
Les projets qui constituent la base expérimentale de l’initiative « Coordination des services à
l’enfance » dans l’Alberta sont très récents et, si l’on peut déjà discuter des problèmes rencontrés ou
perçus, il est encore trop tôt pour voir quelles conclusions pourront être tirées des évaluations en
cours. Voici cependant quelques-uns des avantages que la coordination des services peut permettre
d’obtenir :
– une meilleure compréhension entre les différents services concernés et entre les gouvernements provincial et municipal ;
– un moindre cloisonnement des services ;
– la satisfaction des parents et des professionnels ;
– l’amélioration de l’accès aux services ;
– la participation d’un plus grand nombre de personnes à tous les niveaux ;
– une meilleure protection des enfants ;
– une meilleure réponse aux besoins réels des enfants et des familles.
Certaines difficultés persistent toutefois, en particulier :
– des conflits d’autorité entre individus et organismes ;
– des divergences d’approche et de culture entre les ministères ;
– trop de temps et d’énergie consacrés aux réunions nécessaires à chaque niveau pour traiter les
problèmes ;
– des incertitudes sur le financement et donc sur le maintien, voire sur la création, des services
nécessaires au traitement et au suivi de chaque cas ;
– des problèmes de réglementation et d’éthique professionnelle.
Étant donné l’étendue des engagements, il faut espérer que ces problèmes, désormais admis par
tous les niveaux, finiront par trouver des solutions. Les évaluations partielles attendues sur les deux
prochaines années d’expérimentation devraient aider à éviter les pièges et à formuler des recommandations, au moment où l’Alberta dans son ensemble évolue vers des services intégrés et fondés sur la
communauté.
180
Partie I : CANADA
ONTARIO
L’INTÉGRATION DES SERVICES DANS LA PROVINCE
LA PLUS RICHE DU CANADA
par
Richard Volpe, Peter Evans et Philippa Hurrell
INTRODUCTION
Ce rapport constitue une évaluation descriptive des trois principaux exemples de services intégrés
destinés aux enfants vivant dans la province de l’Ontario, au Canada. Ces exemples sont tirés d’un
programme en cours et de deux projets pilotes de fourniture de services aux enfants et aux jeunes,
d’âges divers, ainsi qu’à leurs familles. Ces programmes sont le Waterloo County Education-Work
Connection Demonstration Project, destiné aux jeunes de 12 à 16 ans, le projet « Partir du bon pied
pour un avenir meilleur » (« Better Beginnings, Better Futures ») de Sudbury, qui cible les enfants de 4 à
8 ans, et le programme « Intégration des services à l’enfance dans le nord de l’Ontario » (« Integrated
Services for Northern Children » – ISNC), destiné aux enfants de 0 à 18 ans. Les trois études de cas sont
accompagnées d’une brève analyse du cadre général et de l’historique des efforts visant à la mise en
œuvre de services sociaux, sanitaires et éducatifs intégrés, destinés aux enfants et aux familles à risque
dans l’Ontario. Ces études contiennent des informations provenant de documents relatifs aux programmes concernés, de rapports d’évaluation et d’entretiens avec des décideurs, des responsables de
programmes, des prestataires et des clients.
SITUATION GÉNÉRALE
L’Ontario regroupe un tiers de la population du Canada. Quelque 27 pour cent de la population de
cette province sont âgés de moins de 19 ans (Statistique Canada, 1993). Bien que l’Ontario soit la
principale province canadienne pour les industries de transformation, la croissance des industries
lourdes connaı̂t un recul important depuis dix ans. Les jeunes sont parmi les plus gravement touchés
par la forte récession qui touche cette province depuis la fin des années 80. La conjoncture économique actuelle entraı̂ne une diminution des dépenses publiques et encourage le développement de
services coordonnés, qui permettent de réduire les redondances et sont plus rentables.
Alors que les services disposent de moins de moyens financiers, les besoins des enfants augmentent. Environ 18 pour cent des enfants âgés de 4 à 16 ans présentent des troubles du comportement et
sont menacés d’échec social et scolaire (Offord et Boyle, 1987). Entre 10 et 15 pour cent environ des
enfants d’âge scolaire ont des difficultés d’apprentissage et l’on considère que quelque 23 pour cent
des jeunes âgés de 15 à 24 ans risquent d’abandonner l’école.
Sur le marché du travail, les jeunes représentent le seul groupe qui se heurte à la fois à un déclin
de l’employabilité et à des taux de chômage relativement élevés. En 1993, le taux de chômage des
jeunes dans l’Ontario était de 18.7 pour cent (59 000 personnes). Ce chiffre correspond au double du
taux de chômage national qui est de 9.3 pour cent. Les jeunes, qui forment 16 pour cent de la maind’œuvre de l’Ontario, représentent ainsi 30 pour cent des sans-emploi. Tout en constituant le plus
important apport de main-d’œuvre nouvelle, ils ont également le plus de risques de dépendre de
l’aide sociale.
181
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
INPUT
Depuis la fin des années 70, le gouvernement de l’Ontario tente de réformer les services destinés
aux enfants via l’intégration, la participation des communautés locales dans la planification, la clarification de l’obligation de rendre des comptes et l’utilisation de systèmes d’information complets dans les
activités de planification et d’évaluation. Cette entreprise se caractérise principalement par l’importance accordée aux besoins éducatifs, sanitaires et sociaux plutôt qu’aux services professionnels.
Pour résoudre les nombreux problèmes découlant d’actions de coordination, il faut développer
des protocoles entre les organismes, rassembler en un code cohérent les diverses lois qui concernent
les enfants, et mettre en place un cadre d’intervention et de planification unifié. Certaines stratégies
d’intégration spécifiques comprennent : le recours à des centres de services polyvalents (par exemple,
les écoles communautaires et les commerces multiservices) ; la mise en place de protocoles entre
organismes et de lois générales ; le regroupement de ministères et d’organismes. L’engagement de
l’Ontario pour ces approches est illustré dans cette optique et se retrouve dans le document « Investir
dans l’enfance » (« Investing in Children », ministère des Services sociaux et communautaires de
l’Ontario, 1988), qui a servi de base aux efforts actuels d’intégration des services. Ce rapport ébauchait
un plan global permettant aux secteurs concernés des pouvoirs publics de se concentrer sur le
développement des enfants, sur l’intervention, sur la santé et sur le traitement. Bien que ce document
affirme l’importance de la coopération interministérielle, comme la structure de planification actuelle, il n’a
donné de l’élan qu’à l’intégration intraministérielle.
Deux rapports officiels de première importance ont également contribué à l’intégration des services. En 1990, le rapport du Comité consultatif sur les services à l’enfance, intitulé « Les enfants
d’abord » (« Children First ») a exposé un plan interministériel de fourniture de services intégrés.
Fondée sur le principe développé par Edward Zigler selon lequel l’école doit être l’axe central des
services, cette proposition établissait un projet nouveau pour la fourniture complète de services, ces
derniers étant considérés comme un droit pour la population. Ce document a été étayé en 1994 par le
rapport du Conseil du Premier ministre sur la santé, « Nos enfants et nos jeunes d’aujourd’hui : l’Ontario
de demain » (« Yours, Mine and Ours : Ontario’s Children and Youth »). Passant en revue les conclusions
des recherches et des théories relatives aux grandes transitions qui jalonnent la vie, ce rapport a conclu
que la nature du développement des personnes requiert une coopération interministérielle. Plus
récemment, la Commission royale sur l’éducation (1994) réclamait des réformes fondamentales, notamment une participation plus importante des parents et des organismes communautaires et une plus
grande intégration des services dans les écoles de l’Ontario.
L’Ontario a promulgué une législation qui soutient les efforts d’intégration et qui les complique en
même temps. Le gouvernement de la province a adopté la Loi sur les services à l’enfance et à la famille
en 1984 (Child and Family Services Act – CFSA) dans le but de regrouper un grand nombre de services
destinés à l’enfance dans une même enveloppe budgétaire au fonctionnement souple et dans un
même ensemble de dispositions juridiques. Cette législation a contribué à l’établissement d’un
ensemble commun de principes, de définitions, d’objectifs et de spécifications concernant le financement et l’obligation de rendre des comptes. Bien que la Loi sur l’Éducation (1980) ne fasse pas mention
d’une collaboration entre les établissements scolaires et les services sociaux et de santé, de nombreux
conseils scolaires collaborent avec ces services. Cette loi permet aux conseils scolaires de mettre en
place des structures de garde d’enfants. Elle permet également aux écoles d’employer des enseignants
en finançant leur coût dans le cadre de programmes de services d’aide sociale et de santé. La Loi sur
les jeunes contrevenants (1984) a fait passer de 16 à 18 ans l’âge minimal de comparution devant les
tribunaux pour adultes. Cette loi a créé des difficultés dans la répartition des pouvoirs entre le
ministère des Services sociaux et communautaires et le ministère du Solliciteur général et des services
correctionnels. A présent, ces deux ministères doivent travailler conjointement sur les cas qui impliquent de jeunes délinquants âgés de moins de 18 ans. Ils doivent également coordonner les services
d’action sociale et d’aide économique avec les services d’incarcération et de supervision.
182
En avril 1993, le ministère des Services sociaux et communautaires a annoncé une série de
nouvelles orientations pour les services aux enfants financés dans le cadre de la loi sur les services à
Partie I : CANADA
l’enfant et à la famille. Le nouveau cadre stratégique des services financiers au terme de cette loi
comprend six orientations destinées à modifier ou à développer le système actuel des services
destinés aux enfants et financés par le ministère des Services sociaux et communautaires. Il s’agit des
aspects suivants : intégration, accès coordonné aux prestations, amélioration de la planification locale,
équité dans la répartition des ressources, définition de groupes prioritaires et amélioration du processus consistant à rendre des comptes. Depuis l’annonce de ces mesures, les responsables au sein de ce
ministère, conjointement avec d’autres parties concernées, travaillent à fournir des informations sur les
changements spécifiques que cette évolution nécessitera dans l’organisation et la fourniture des
services destinés aux enfants.
QUELLES SONT LES CAUSES DE LA DIFFICULTÉ D’INTÉGRATION DES SERVICES
DANS L’ONTARIO ?
La structure administrative des services destinés aux enfants dans l’Ontario se compose de ministères distincts, qui fonctionnent sans réellement coopérer entre eux. Bien que plusieurs tentatives
aient été mises en œuvre pour rationaliser le système (par exemple, transférer la responsabilité des
services de santé mentale pour les enfants au ministère des Services sociaux et communautaires), la
répartition traditionnelle des responsabilités entre les ministères subsiste. Le ministère des Services
sociaux et communautaires est chargé de fournir tous les services de protection infantile, la plupart des
services de santé mentale pour les enfants, les services destinés aux personnes handicapées par un
retard de développement et la plupart des services destinés aux jeunes délinquants. Le ministère de
la Santé est chargé de fournir les services de santé en institution pour les enfants (et les adultes), les
services de réadaptation physique fondés sur des structures communautaires et les services de santé
publique. Enfin, le ministère de l’Éducation et de la Formation est responsable de l’enseignement de
base et de la plupart des services d’éducation spécialisée pour les enfants.
Le ministère des Services sociaux et communautaires a créé et financé des services distincts d’aide
aux enfants (par exemple, des sociétés d’aide à l’enfance, des centres de santé mentale pour enfants,
des associations et des programmes pour les personnes handicapées par un retard de développement,
des programmes et des services destinés aux jeunes délinquants). De son côté, le ministère de la
Santé a créé et financé des services distincts assurant des soins de santé en institution ou fondés sur
des structures communautaires. Quant au ministère de l’Éducation et de la Formation, il a financé la
plupart des services d’éducation spécialisée, via des conseils scolaires autonomes. Les services destinés aux enfants et aux jeunes relèvent actuellement de plusieurs ministères, de centaines d’administrations locales et de plus d’un millier d’organismes. Chacune de ces organisations possède son
mandat, sa zone d’action, ses ressources et son processus permettant de rendre des comptes. Il
n’existe aucune politique, à l’échelle du pays ou des provinces, apportant une cohérence à la myriade
des programmes destinés aux enfants et aux familles. Les principaux obstacles à l’intégration des
services sont les différentes sphères de pouvoir, les différents mécanismes de financement et les
structures de gestion des ministères qui font souvent bénéficier les mêmes personnes de leurs
prestations. L’organisation actuelle des services aux enfants, dans sa conception et son mode de
fonctionnement, est très éloignée d’un système cohérent de prestations.
SITUATION ACTUELLE DE L’INTÉGRATION DES SERVICES DANS L’ONTARIO
La situation économique actuelle et la crise budgétaire qu’elle a entraı̂née accentuent considérablement la nécessité de passer de la planification à la mise en place réelle de services coordonnés au
niveau de la province, plus efficaces et moins onéreux. Les mesures actuelles qui ciblent les enfants
reflètent cet état de fait. Le cadre stratégique des services financiers au terme de la loi sur les services
à l’enfance et à la famille, adopté en 1994 par le ministère des Services sociaux et communautaires, est
un projet d’intégration des services. Il résulte de consultations et de recommandations de groupes de
travail, de consommateurs et de communautés. Sa mission première consiste à créer un système de
services, financé sur la base de l’initiative, qui garantit que les enfants et leur famille bénéficient le plus
largement possible des ressources disponibles. Le nouveau cadre reconnaı̂t explicitement que des
183
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
changements seront nécessaires dans de nombreuses structures et dans les procédures actuelles de
fourniture. Il vise à orienter l’utilisation de centaines de millions de dollars de fonds publics sur une
base annuelle.
Les ministères de l’Éducation et de la Santé élaborent également des politiques parallèles pour
l’intégration des services destinés aux enfants et aux familles bien que ces politiques soient moins
explicites. Le rapport de la Commission royale sur l’éducation, « Pour l’amour d’apprendre » (« For the
Love of Learning », 1994), définit clairement des propositions et des stratégies destinées à accorder aux
communautés une plus grande influence dans les établissements scolaires et à en faire l’axe des
services intégrés. On espère, à ce niveau, que les efforts intraministériels fructueux dans le domaine de
l’intégration, conjugués à plusieurs projets pilotes communs, bien conçus et financés, serviront de base
à des changements orientés vers une plus grande intégration des services destinés aux enfants.
Le gouvernement de l’Ontario a montré sa ferme intention d’intégrer les services sur le long terme.
Il semble conscient des manques existants dans l’organisation actuelle des services qui ne permettent
pas de s’occuper de nombreux enfants. En outre, les instances décisionnaires font preuve d’une bonne
connaissance des modèles de développement humain et de croissance. Ces modèles soulignent
l’importance de considérer l’enfant dans sa globalité, mais également l’influence essentielle de l’environnement micro-économique et macro-économique de l’enfant et de sa famille. Les rapports et les
comptes rendus ministériels sur l’intégration concluent à la nécessité de créer « un système de services
complet et plus efficace, fondé sur l’équité, en accord avec les objectifs de développement harmonieux
des enfants, et permettant aux individus de développer leurs propres capacités en leur fournissant les
services nécessaires ».
Dans un effort apparent de « faire plus avec moins », le gouvernement de l’Ontario s’est fixé comme
objectif à long terme d’intégrer les services destinés aux enfants. Cependant, les implications d’un tel
projet, dans une période où les moyens financiers sont limités et incertains, ont suscité une résistance
massive à tout changement. En effet, on soupçonne l’intégration de faire référence en réalité à une
fusion qui ne serait pas destinée à améliorer les services, mais à réaliser des économies en réduisant
les effectifs. C’est pourquoi les syndicats et les associations professionnelles s’opposent vivement à
l’intégration. La conjugaison de ces facteurs empêche la mise en place généralisée de l’intégration des
services. A ce jour, ce que le gouvernement de l’Ontario a réussi le mieux, c’est de démontrer les
bénéfices de l’intégration dans un certain nombre de projets. Ces trois projets sont étudiés dans le
présent document. Ils représentent des initiatives exemplaires dans ce domaine. Chacun d’eux constitue un effort d’aide à la collaboration et à la coordination entre les ministères chargés de l’éducation,
de la santé et de l’action sociale. Ces trois programmes englobent des services destinés aux enfants
d’âge préscolaire, aux enfants d’âge scolaire, aux jeunes en insertion professionnelle et aux familles
d’enfants et de jeunes à risque.
L’intégration figure clairement sur le calendrier d’action du gouvernement de l’Ontario. Les trois
programmes décrits ci-après sont structurés de façon à représenter trois différents niveaux d’intégration
(du plus faible au plus élevé), tels qu’ils sont décrits par Swan et Morgan (1993). Le projet d’Eastwood
présente les caractéristiques d’une coopération efficace entre les organismes communautaires. Le
projet de Sudbury fournit l’exemple d’une communauté qui coordonne ses activités avec les organismes et les services locaux. Enfin, le projet de Cochrane/Timiskaming illustre une forme de collaboration à grande échelle entre organismes.
WATERLOO COUNTY EDUCATION-WORK CONNECTION DEMONSTRATION PROJECT
Contexte
184
Le comté de Waterloo est situé au cœur de la partie sud de l’Ontario. Il comprend les zones
urbaines de Kitchener-Waterloo et Cambridge et les cantons ruraux de Wellesley, Wilmot, North
Dumfries et Elimra. Il compte environ 387 000 habitants. L’économie locale repose sur l’agriculture, le
commerce et l’industrie. Il s’agit d’une région de classes moyennes en termes de revenu et de statut
Partie I : CANADA
socio-économique. Elle comprend deux universités et un collège communautaire*, et deux conseils
scolaires (un pour les élèves des écoles publiques et un autre pour les élèves catholiques).
Le taux d’abandon de la scolarité, qui avoisine 11 pour cent, est un sujet de préoccupation dans
toute la province, ce qui a incité le ministère de l’Éducation à prendre des mesures pour supprimer les
obstacles auxquels se heurtent les établissements scolaires dans leurs efforts destinés à remédier à ce
problème. La lutte contre la violence à l’école a été considérée comme un moyen de maintenir les
élèves à l’école. Par conséquent, de nombreux conseils scolaires ont adopté des mesures de « tolérance zéro vis-à-vis de l’agression ». La mise en œuvre de ces mesures a nécessité de coordonner les
efforts des écoles, de la police et du système de droit pénal, afin de trouver de nouvelles solutions de
placement des élèves.
Selon le ministère de la Formation professionnelle de l’Ontario (1992), en l’an 2000, 63 pour cent
des nouveaux emplois au Canada nécessiteront un niveau d’études supérieures à la terminale. Toutefois, le Conseil économique du Canada (1992) a annoncé que si la tendance à l’abandon de la scolarité
n’est pas inversée en dix ans, les écoles canadiennes enverront sur le marché du travail un million de
jeunes illettrés. Si le problème n’est pas résolu, le taux d’abandon de la scolarité implique une perte
inacceptable en potentiel humain, des coûts sociaux élevés et un grave déficit dans la mise à disposition des compétences nécessaires à l’accroissement de la productivité et des revenus de tous les
Canadiens. L’étude « Leaving School Study » (1992), commandée dans le cadre de l’initiative fédérale
Stay-in-School Initiative, confirme que, « par rapport aux élèves qui terminent leurs études secondaires,
ceux qui abandonnent ces études ont plus de risques de ne pas trouver d’emploi et de disposer de
revenus réduits ». Ce rapport suggère également que l’abandon de la scolarité est lié à la délinquance,
à l’usage de stupéfiants, à la dépendance économique et à une qualité de vie médiocre.
Chaque année, des centaines d’élèves de la communauté de Waterloo quittent le lycée avant la fin
de leurs études secondaires pour rejoindre les millions de jeunes à la recherche d’un emploi, sans
posséder les compétences nécessaires qui leur garantiraient un travail. Certains n’espèrent rien de
l’école car ils ne voient aucun lien entre ce qu’ils y apprennent et leur préparation à l’entrée dans le
monde du travail. D’autres viennent de classes sociales défavorisées et ne reçoivent aucun soutien
moral chez eux.
La communauté est donc confrontée à une catégorie d’élèves qui disposent d’un potentiel énorme
mais dont les besoins ne peuvent pas être satisfaits par le système scolaire actuel. Ces élèves
n’évoluent pas dans un environnement scolaire qui les soutient. Par le passé, les élèves dans cette
situation quittaient l’école et trouvaient un travail. Aujourd’hui, il n’existe aucune possibilité en dehors
de l’école. Un grand nombre de ces élèves ne s’intègre pas au système éducatif actuel, à vocation
générale et à horaires fixes. Ils changent donc souvent d’options, de programmes et même d’école,
mais rarement avec profit car ils restent dans un environnement scolaire étroit. Par conséquent, ils sont
toujours un peu plus en retard par rapport aux autres élèves et leur frustration grandit.
Le programme de l’Eastwood Collegiate Institute, dans le comté de Waterloo, décrit ci-dessous,
offre un bon modèle reproductible, qui intègre les efforts de l’école et de la communauté pour
maintenir les élèves dans le processus d’acquisition de connaissances, de compétences et du comportement nécessaires à la réussite au XXIe siècle.
Input
Dans le comté de Waterloo, on développe actuellement l’approche coordonnée de la fourniture
des services. Les deux conseils scolaires (public et catholique) se rencontrent régulièrement pour
examiner leurs domaines d’intérêt communs et pour partager certains dispositifs et services de transport. Ils développent aussi ensemble des procédures en accord avec les programmes commandés au
niveau de la province, par exemple les initiatives Employment Equity. Le conseil scolaire de l’école
publique de Waterloo coopère également avec divers autres organismes dans la région, dont les
* Il s’agit d’un établissement non universitaire, qui propose des cours post-secondaries pour l’obtention d’un diplôme
universitaire ou non.
185
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
services d’aide à la famille, le bureau de santé régional et la police régionale de Waterloo, pour offrir
aux élèves une continuité dans la fourniture des services. Les administrateurs publics des universités,
des hôpitaux, des municipalités et des conseils scolaires se rencontrent régulièrement pour étudier les
moyens de mettre en commun les ressources.
Le conseil scolaire a travaillé en étroite collaboration avec le Eastwood Collegiate Institute. Celui-ci
est un établissement d’enseignement secondaire polyvalent, qui accueille 1 398 élèves de 13 à 19 ans
(718 garçons et 680 filles). Il y a un professeur pour 15 élèves. Eastwood est l’un des 16 établissements
d’enseignement secondaire de la région de Waterloo. La plupart de ses élèves sont issus de milieux
aisés ou relativement aisés.
Cherchant à réduire le taux d’abandon de la scolarité, le conseil scolaire a reconnu l’importance de
la participation de la communauté et encouragé le recours à des tuteurs dans cet établissement pour
aider les élèves à risque. En outre, une personne chargée de l’attribution des bourses travaille avec le
gouvernement fédéral, des fondations et des entreprises pour obtenir des ressources supplémentaires.
L’initiative Excellence in Education a débouché sur le programme Stay-in-School Initiative, destiné aux
élèves susceptibles de quitter prématurément l’école. Un volet de ce programme, axé sur la lutte
contre l’absentéisme (« Attendance Works »), encourage les employeurs de la région à proposer des
emplois d’été aux élèves assidus. Les parents sont incités à faire la lecture à leurs enfants, et des
systèmes de récompense et de reconnaissance des résultats sont prévus pour les élèves. Une classe
d’enseignement a été créée dans les locaux municipaux de la ville de Kitchener pour permettre aux
élèves à risque de combiner l’acquisition d’un savoir théorique et une expérience de travail dans les
services de la ville.
La Commission scolaire fournit des services sociaux et psychologiques à cet établissement scolaire
et le gouvernement régional met à disposition des services médicaux. Ces deux services, ainsi que le
personnel de l’établissement, travaillent à la mise en place d’un programme contre les troubles de
l’alimentation, aidés par un responsable de la gestion par cas (un conseiller pédagogique) qui suit les
procédures validées et organise le programme.
Les services sociaux et psychologiques sont situés dans un centre d’éducation (Education Center),
alors que les organismes d’aide sociale à l’enfance se trouvent sur un autre site. Des employés de ces
organismes travaillent dans les établissements scolaires avec le personnel du centre d’éducation pour
fournir les services prévus par les programmes. Bien que les services destinés aux élèves soient fondés
sur l’école, les prestataires travaillent souvent sur des sites éloignés les uns des autres.
Le ministère de l’Éducation et de la Formation apporte son soutien à cette approche en coopération. Il est également intéressé par la création de commerces multiservices dans les zones rurales. En
pratique, l’intégration de deux services, par exemple une structure de garde et un jardin d’enfants sur
un même site (dans une école communautaire), n’est pas très difficile, mais l’intégration d’un plus
grand nombre de services est une tâche ardue. La difficulté du regroupement des services tient au fait
que les organismes sont financés par différentes sources.
Fonctionnement
186
Actuellement, l’intégration des services dans le comté de Waterloo est au stade de la coopération.
Comme le montre le personnel à Eastwood, une direction est essentielle pour évoluer à travers le
système (à l’intérieur et à l’extérieur de l’école) et mettre en œuvre les changements. Toute autre forme
de développement, par exemple le regroupement de services, doit être décidée par le gouvernement
de la province. Une intégration plus poussée risque d’accroı̂tre les procédures bureaucratiques. A
Waterloo, on tente d’équilibrer la coordination et l’innovation apportée par les éducateurs travaillant
sur le terrain, ce qui implique des rencontres régulières avec d’autres organismes pour des études de
cas et la planification dans le domaine de l’éducation spécialisée, par exemple.
Bien que les établissements scolaires de Waterloo ne partagent pas leur personnel avec d’autres
organismes et n’emploient pas non plus de personnel conjointement avec ces organismes, il existe des
accords collectifs qui permettent de faire appel à des travailleurs sociaux à la place d’enseignants ou
d’autres catégories de personnel. Ces mesures ont été mises en place avec de très grande précautions,
Partie I : CANADA
via la négociation et la réduction naturelle des effectifs. Elles ont conduit à une plus grande coopération entre les services de la région et au développement du traitement des cas individuels dans les
écoles. Elles ont ainsi facilité le traitement des problèmes des enfants des rues et des élèves qui font
l’école buissonnière, afin d’assurer la liaison avec les tribunaux et de trouver des solutions de remplacement pour les élèves qui ne s’adaptent pas à l’école. Cependant, une fraction plus grande de la
population (notamment les élèves, les parents et les entreprises) doit être incluse dans ces initiatives
intégrées.
Le programme d’enseignement polyvalent alternatif d’Eastwood (Eastwood Comprehensive Alternative Education Programme Model) a démarré en 1990 en tant que projet « Transition vers la vie
active ». Il comprend un programme d’enseignement en coopération, un programme de tutorat et une
procédure d’évaluation des besoins (voir ci-dessous). Il a été développé en association avec la communauté afin de mobiliser tous les services au sein des écoles (c’est-à-dire l’orientation, l’éducation
spécialisée, la bibliothèque, l’enseignement en coopération et l’administration) et trouver des moyens
d’amener les partenaires de la collectivité dans les établissements scolaires, pour aider les élèves dans
l’acquisition de connaissances pendant la période de transition vers la vie active. Son principal objectif
consiste à encourager le changement et améliorer le comportement des élèves, leur compréhension
d’eux-mêmes et du monde qui les entoure. Ces changements rendront la vie des élèves plus satisfaisante et les aideront à aller jusqu’au bout de leur scolarité.
Programme d’enseignement en coopération : Les élèves suivent un enseignement général couplé à un
programme d’enseignement en coopération par niveaux, destiné à les aider à développer les compétences, le comportement et les connaissances nécessaires dans le monde du travail. Ce programme
comporte trois volets. Le premier est un système de tutorat dans le cadre duquel les élèves font office
de tuteurs dans les classes de niveau inférieur. Le deuxième est un système de placement dans un
organisme à but non lucratif ou dans un organisme communautaire. Enfin, le troisième volet est un
système de placement que l’élève peut choisir. Généralement, il opte pour un placement dans le
secteur commercial (par exemple dans un magasin de vente au détail, de réparation de bicyclettes ou
dans une station de radio).
Programme de tutorat : Dans le cadre de ce programme, les élèves sont aidés par des tuteurs, qui sont
soit des personnes d’un certain âge, soit des représentants d’entreprises qui proposent des places
d’apprentissage. Le rôle de ces personnes consiste à conseiller les élèves et à les aider à développer
un sens de la communauté. Il peut s’agir aussi bien d’hommes que de femmes. Ces tuteurs sont
difficiles à trouver, puisque, sur 200 candidats, sept seulement exercent une activité professionnelle.
On trouve également des bénévoles à la retraite qui ont connu une réussite notoire au cours de leur vie
professionnelle. Ce lien entre les générations représente une partie essentielle du programme. En
effet, l’aspect intergénérationnel ajoute une dimension qui permet aux élèves d’être en contact avec
des personnes expérimentées, compréhensives et qui peuvent leur fournir une aide. Ces personnes ne
sont pas des professeurs et pratiquent une forme d’écoute différente. Le volet « entreprise » de ce
programme a été développé en coopération avec Mutual Group, partenaire de l’école. Les tuteurs qui
travaillent en entreprise sont employés dans des sociétés locales. Le profil de vingt à trente élèves et
d’un nombre similaire de tuteurs est établi pour être mis en correspondance. Élèves et tuteurs se
rencontrent pendant six semaines dans l’école. Les tuteurs passent une heure par semaine avec les
élèves considérés à risque. Leur apportant « un soutien, une orientation et une certaine cohérence », ils
représentent une sorte de modèle de copain et d’ami à imiter. Ils montrent leur travail aux élèves qui
participent à certaines activités, dont des loisirs, l’organisation de cours et l’apprentissage de la vie
quotidienne. En outre, le tuteur sert de lien entre le monde de l’entreprise et celui de l’enseignement.
Procédure d’évaluation des besoins : Conformément à une décision de l’Ontario de ne plus regrouper les
élèves par classes de niveau, le programme comprend une autre procédure qui consiste à repérer les
élèves ayant besoin d’un soutien dans une matière spécifique.
Afin de réduire le taux d’abandon de la scolarité, un système d’entraide entre élèves (Buddy
System for Niners) a été mis en place. Il consiste à constituer des équipes d’élèves de troisième qui
sont aidés par des élèves des classes supérieures. C’est le « tutorat inter-âges ». Un programme de
médiation entre condisciples est envisagé. Il compléterait le travail des conseillers qui sont encore
187
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
considérés comme des représentants de l’autorité. Les élèves peuvent consulter, de façon individuelle,
un conseiller d’orientation ou utiliser un système informatique d’orientation.
Eastwood travaille également avec des services communautaires tels que les hôpitaux, la police,
les universités et les services destinés aux enfants et aux familles. Dans l’enceinte de l’établissement
scolaire, diverses activités sont organisées par l’assemblée des élèves afin de créer un sens de la
communauté (par exemple, des journées spéciales : rallyes automobiles, fête du printemps, fête de
l’automne, chorale de Noël et la mise en place d’activités sportives à l’intérieur de l’établissement).
Effets
Eastwood a été décrit par les élèves comme un établissement sûr et confortable. En outre, ceux-ci
ont déclaré qu’ils avaient de bons professeurs qui leur permettaient de faire des choix significatifs. Ils
ont même indiqué qu’ils appréciaient de nombreuses activités comme les clubs, par exemple. Toutefois, le manque d’engagement de ces élèves dans la vie de l’école peut être illustré par leur manque
de connaissance de la structure de direction. Ainsi, un ancien élève expliquait pourquoi il ne participait
pas aux activités de l’école : « Je pense que c’était parce que j’étais timide, le genre de personne qui ne
participe pas à quelque activité que ce soit si on ne vient pas la chercher, qui ne va pas faire d’efforts. »
Cet élève suggère de rendre ces activités plus accessibles à des personnes comme lui. Un élève a
décrit les conseillers pédagogiques de l’école comme des personnes « compréhensives, bienveillantes
et serviables », alors qu’un autre les a considérés comme « formalistes et ayant une attitude
impersonnelle ».
Le programme d’enseignement polyvalent alternatif d’Eastwood est une réussite puisque 90 pour
cent des élèves participants n’arrêtent pas leur scolarité et trouvent du travail. Ce programme tente de
soutenir les élèves à risque dans de nombreux aspects de leur vie, au sein et en dehors de l’école,
notamment en répondant à leurs besoins affectifs et de stabilité.
PROJET « PARTIR DU BON PIED POUR UN AVENIR MEILLEUR », SUDBURY
Contexte
188
Sudbury est une ville moyenne de l’Ontario. Connue comme « la porte du nord », elle lutte depuis
quelques années pour se dégager de sa dépendance envers un secteur minier en déclin. Sa population
est composée d’importantes communautés d’autochtones, de francophones et de néo-Canadiens.
Le projet de Sudbury englobe deux quartiers voisins désignés collectivement par « la zone de
Donovan-Flour Mill ». La population de Flour Mill est en majorité francophone. Elle doit son nom aux
silos à grains qui font sa spécificité. La population de la zone de Donovan est multiculturelle, composée principalement de familles d’Européens anglophones et d’autochtones. Ce projet propose des
programmes en français et en anglais. En 1986, 4 000 enfants vivaient dans ces quartiers de Sudbury
dont le niveau socio-économique est bas dans son ensemble. La même année, on comptait 48 pour
cent d’enfants parlant l’anglais, 38 pour cent le français et 14 pour cent une autre langue. Environ un
enfant sur 10 était issu d’une famille d’autochtones.
Le projet a été lancé en janvier 1991. Il cible les enfants âgés de 4 à 8 ans et leurs familles. Il est
financé par le ministère des Services sociaux et communautaires, des services officiels, des fondations,
le gouvernement fédéral et la communauté. Il s’inscrit dans le cadre d’un projet pilote à grande échelle,
organisé au niveau de la province et intitulé « Partir du bon pied pour un avenir meilleur ».
Le projet « Partir du bon pied pour un avenir meilleur » est une vaste initiative interministérielle
s’étendant sur sept ans et englobant les ministères de la Santé, de l’Éducation et de la Formation, ainsi
que le ministère des Services sociaux et communautaires et le ministère fédéral des Affaires indiennes
et du nord canadien. Il a été introduit en 1990. Les fonds engagés étaient suffisants pour que le projet
dure cinq ans. De récentes répartitions de ressources ont permis d’allonger cette durée. Dans le cadre
d’une évaluation, le ministère des Services sociaux et communautaires apportera des fonds destinés à
suivre les enfants jusque dans leur vingt-cinquième année environ. Douze projets pilotes de prévention primaire dans des zones économiquement défavorisées sont concernés. Chacun de ces projets
Partie I : CANADA
comprend un programme complet, sur vingt ans, d’évaluation du développement comportemental et
affectif des enfants concernés, divisés en deux groupes : ceux âgés de 0 à 4 ans et ceux de 4 à 8 ans.
Pour pouvoir bénéficier d’un financement, les communautés devaient élaborer un plan de développement local et un modèle intégré de planification des services.
Les objectifs du projet sont les suivants :
– la prévention des problèmes sociaux, affectifs, comportementaux, physiques et cognitifs graves
chez les enfants ;
– la promotion des capacités sociales, affectives, comportementales, physiques et cognitives chez
les enfants ;
– l’amélioration de l’aptitude des communautés et des familles défavorisées sur le plan socioéconomique à subvenir aux besoins des enfants.
Le centre d’accueil des autochtones de N’Swakamok parraine le projet de Sudbury au niveau
juridique et administratif. A partir du 1er avril 1995, l’association « Partir du bon pied pour un avenir
meilleur », récemment déclarée officiellement, assumera les responsabilités administratives et juridiques liées au projet. Depuis le début du programme, cette association se charge du développement de
celui-ci. Tout membre de la communauté qui accepte les principes de l’association peut y adhérer. Les
personnes vivant en dehors de la communauté peuvent également être membres associés.
Le projet a été conçu en 1989 par un comité composé de représentants du centre d’accueil des
autochtones, des services de santé mentale pour les enfants, de l’Université laurentienne, de la
Commission scolaire de Sudbury, de la John Howard Society, de SHARE (association de locataires de
logements sociaux), de l’autorité chargée des questions de logement dans le district de Sudbury, du
Département des Affaires sanitaires et sociales et de l’Association multiculturelle d’art populaire. Cette
association fonctionne depuis le début selon le principe de la participation et du consensus. Elle s’est
clairement engagée à permettre à des personnes vivant et travaillant avec les enfants de mettre en
place des processus et des structures sans le contrôle d’experts (Reitsman-Street, 1994). Le projet
cherche à représenter toutes les cultures de la communauté (cultures autochtone, francophone et
anglophone). Les organisations qui fournissent des services de proximité sont représentées dans un
comité consultatif de la communauté. L’engagement de la communauté s’est traduit par une attention
soutenue à l’égard d’une évaluation continue, à vocation descriptive et formatrice.
L’association poursuit un objectif clair : promouvoir un environnement sain via un processus
décisionnel communautaire, qui inscrit les services traditionnels dans des structures d’organisation
équitables et appropriées sur le plan culturel.
Input
Fait significatif, 26 membres associés au projet sur 30 vivent dans la zone de Donovan-Flour Mill.
Ainsi, les fonds alloués au projet restent dans la communauté. Ces travailleurs communautaires et
bénévoles sont au cœur des efforts déployés pour créer un environnement accueillant. Ils mènent des
activités sur divers fronts afin d’accompagner et de développer l’aptitude des habitants à subvenir à
leurs propres besoins. Cette population locale doit gagner sa vie, s’occuper de ses enfants, s’instruire
et tenter d’apprécier la vie et de lui trouver un sens au sein de la communauté. Contrairement à la
plupart des communautés qui disposent de revenus faibles, cette zone cherche à se développer, à
s’organiser et à mettre en place des services contrôlés et exploités par des membres de la communauté. Le projet « Partir du bon pied pour un avenir meilleur » de Sudbury donne l’orientation générale
et collecte des ressources pour que la communauté conserve la responsabilité du programme et,
partant, qu’un sens du travail accompli soit encouragé. La section qui suit décrit les programmes
spéciaux conçus par la communauté pour répondre à ses propres besoins. Chaque jour, environ
150 enfants et leurs parents participent à tel ou tel volet du programme.
189
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
Fonctionnement
Activités de développement communautaire : Un comité consultatif communautaire a été mis sur pied pour
faciliter la communication et les relations de travail entre la population et les professionnels. Ce comité
regroupe le chef de la police, le maire, les directeurs généraux de la Société d’aide aux enfants
(Children’s Aid Society) et du Centre pour les enfants et la famille et du directeur de la santé publique.
Les membres et les partenaires d’organismes participent à la plupart des projets spéciaux, notamment
dans des domaines d’intérêt collectif, tels que la santé, l’éducation, le travail et l’écologie.
Pour que la communauté se développe, il faut qu’elle assure des fonctions d’orientation et de
contrôle. L’animation et la formation constituent des éléments clés du projet. Les visites aux habitants
et le recrutement des membres s’effectuent sur une base permanente. Les non-résidents qui partagent
la vision du projet sont encouragés à y participer. Des formations à l’aide à l’enfance, aux premiers
secours et à d’autres services spécialisés sont également assurées.
Le renouveau de la communauté s’illustre également par la création d’espaces verts. Des jardins
ont été créés, des cours et des parcs nettoyés, et des aménagements paysagers réalisés en vue
d’améliorer la qualité de vie et la sécurité au niveau local. L’aide financière d’une fondation a permis
d’engager un spécialiste pour faciliter la mise en œuvre de ces actions.
Concernant les loisirs et l’acquisition de compétences, il existe plusieurs activités, dont des
ateliers spécialisés, des formations au théâtre, à la prise de parole en public et à la résolution des
conflits. Ces expériences favorisent la cohésion et l’identification au groupe. Des fonds particuliers ont
servi à engager un animateur pour les adolescents, dans le but de développer un centre d’apprentissage et d’obtenir un appui financier stable.
Développement économique communautaire : En 1993, le projet a créé une entité appelée GEODE
(Grassroots Economic Opportunity Development and Evaluation – développement et évaluation des
opportunités économiques au niveau de la base) pour accroı̂tre la viabilité économique locale. Un
programme d’échange de compétences développe la participation de la communauté et permet de
répondre à divers besoins. Ces activités montrent l’utilité de la coopération au niveau microéconomique.
Association Better Beginnings : Avec l’intégration de cette association en avril 1995, le projet progresse
largement vers l’un de ses principaux objectifs : la mise en place d’une organisation communautaire
indépendante. Les membres ont élu un conseil de treize personnes chargées de créer cette nouvelle
organisation.
Développement scolaire : Les membres de la communauté ont clairement manifesté leur intérêt envers
l’école et sa relation avec la communauté. Dans l’objectif d’accroı̂tre la sensibilité culturelle, des
parents autochtones se sont regroupés. Des programmes culturels autochtones, afro-canadiens et
latino-américains ont été mis en place dans quatre écoles (activités manuelles, musique et enseignement des traditions). En outre, dans certaines écoles, un programme intitulé « Playground Peacemakers » (« La paix dans la cour d’école ») a été lancé.
190
Soutien aux parents : L’utilisation gratuite d’un local de la ville de Sudbury permet la réalisation de
programmes multiculturels spécialisés (activités de loisirs). Des ateliers d’art, d’artisanat et de cuisine,
du patinage et divers sports collectifs sont proposés. Des programmes d’aide à l’enfance axés sur la
coopération ont été mis en place dans certaines écoles. Des visites chez les familles résidentes se
déroulent l’après-midi. Elles donnent l’occasion aux parents et aux jeunes enfants de participer à un
éventail d’activités avec d’autres membres de la communauté. Afin d’encourager la participation des
parents, une brochure leur expliquant le projet a été élaborée. Des animateurs socioculturels rendent
visite aux familles et aident les parents à se joindre au projet. En outre, un centre d’aide aux jeunes
mères (Teen Mom’s Drop-in) et un centre de soutien aux parents ont été créés. Enfin, diverses activités
en plein air sont organisées : camping et programmes d’été, avec sorties à la campagne ou à la plage,
sensibilisation à la protection de l’environnement, activités artistiques et sports d’été.
Partie I : CANADA
Effets
Bien que les données longitudinales de la recherche associée au projet « Partir du bon pied pour
un avenir meilleur » soient toujours en cours de planification, des chercheurs sur le terrain ont réuni
avec soin des indications sur l’avancement du projet, le processus d’encouragement à la participation
de la communauté, et un certain nombre de premiers résultats positifs, tels que le développement
d’un sentiment d’appartenance et d’identification à la communauté. De plus, les programmes scolaires
mis en place dans le cadre du projet contribuent à des résultats impressionnants en lecture et en
mathématiques.
PROJET D’INTÉGRATION DES SERVICES A L’ENFANCE DANS LE NORD DE L’ONTARIO,
COCHRANE/TIMISKAMING
Contexte
Le nord de l’Ontario représente 90 pour cent du territoire de cette province, mais regroupe
seulement 10 pour cent de sa population. La fourniture de services professionnels pose des problèmes
considérables. La région souffre donc d’un manque de services destinés aux enfants. Les enfants des
zones rurales ou isolées sont particulièrement touchés par cette situation. Des services considérés
comme courants dans le sud de la région n’existent pas pour de nombreux enfants du nord. La création
du programme « Intégration des services à l’enfance dans le nord de l’Ontario » vise principalement à
s’attaquer aux obstacles d’ordre géographique qui empêchent la fourniture des services d’aide traditionnels à l’enfance. Ainsi, avant que ce programme n’existe, la personne qui habitait dans une zone
rurale ou isolée du nord de l’Ontario devait parcourir des centaines de kilomètres, en voiture ou en
avion, pour faire examiner son enfant par un psychologue ou un orthophoniste.
Les enfants les plus touchés par cette situation sont ceux dont les difficultés sont multiples, et qui
doivent être suivis par plusieurs professionnels qui dépendent d’un service ministériel et d’un autre
organisme, d’où un recoupement des prestations.
Input
Tous ces problèmes étant de plus en plus reconnus dans l’Ontario, le ministère des Services
sociaux et communautaires a été réorganisé en 1978 dans le but de « consolider les services à l’enfance
et d’améliorer la coordination des différents programmes ». Pour résoudre les difficultés inhérentes à la
région du nord, un comité a été mis sur pied (il est composé de hauts responsables ministériels du
nord de l’Ontario) de façon à développer des stratégies de portée étendue. Ce nouveau comité a
nommé un certain nombre d’employés ministériels pour qu’ils participent au Groupe de travail pour
l’évaluation des services dans le nord de l’Ontario. La création de ce groupe de travail se fonde
notamment sur le souhait de maximiser la coordination interministérielle et la coopération entre les
organismes et les professionnels pour le traitement des cas individuels. Initialement, ce groupe de
travail comprenait du personnel des ministères des Services sociaux et communautaires et de l’Éducation. Cependant, la nécessité d’une participation du ministère de la Santé ayant été reconnue, des
membres de son personnel ont rejoint le groupe. Le premier résultat concret obtenu par le Groupe de
travail pour l’évaluation des services dans le nord de l’Ontario a été la création d’un protocole
interministériel, qui définit de façon claire les responsabilités de chaque ministère en ce qui concerne
les services d’évaluation destinés aux enfants, et qui jette les bases pour de nouvelles évolutions.
Le Groupe de travail pour l’évaluation des services dans le nord de l’Ontario a mené sa mission de
1980 à 1987. Parmi ses nombreuses tâches de première importance, on trouve une étude sur les
prestataires de services d’aide aux enfants situés dans la région nord de l’Ontario et un test pilote d’un
programme coordonné d’évaluation dans le district de Timiskaming. Les leçons tirées de cette expérience ont conduit à la création et à l’approbation de la « Politique d’initiatives pour le nord canadien »
en 1988. Le résultat le plus important de cette nouvelle politique a été l’approbation, par le Conseil
des ministres de l’Ontario, d’un fonds annuel pour la mise en place d’un nouveau programme de
services à l’enfance : le programme « Intégration des services à l’enfance dans le nord de l’Ontario ». Ce
191
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
programme constituait une réponse systématique et continue du gouvernement de l’Ontario au besoin
d’intégration des services mis en évidence par le travail du Groupe de travail pour l’évaluation des
services dans le nord de l’Ontario. Les modèles intégrés de gestion et de prestation des services
sélectionnés dans le cadre de ce programme ont été soigneusement choisis par une étude des
meilleures pratiques. Le nouveau budget approuvé pour ce programme a été spécifiquement consacré
à la fourniture de services aux enfants et aux familles vivant dans les régions rurales ou isolées du nord
de l’Ontario. Ces efforts ont conduit à la création d’un système de services intégrés (évaluations,
interventions et consultations relatives à la santé mentale des enfants, à la réadaptation physique et à
l’éducation spécialisée) pour les enfants de ces régions.
Fonctionnement
Le programme « Intégration des services à l’enfance », qui est déployé dans les zones rurales et
isolées du nord de l’Ontario depuis le début de l’année 1990, est un modèle réussi de collaboration
entre ministères et organismes. Son objectif est d’améliorer l’accès aux services dans les zones isolées
et disposant d’un nombre insuffisant de services. A cette fin, le programme s’appuie sur des personnels
« satellites » basés dans des communautés rurales ou isolées et en relation avec des « groupes ressources » situés dans des zones urbaines et composés de professionnels de différentes disciplines
(psychologie, éducation spécialisée et physiothérapie, par exemple). Les personnels « satellites » sont
des acteurs clés du programme d’intégration des services. Ils servent de points d’accès entre les
familles et les services et assurent la gestion des cas individuels pour tous les enfants et les familles
accueillis dans le cadre de ce programme. Les clients sont les enfants à risque et leurs parents qui
vivent dans des communautés rurales ou isolées du nord de l’Ontario. Comme nous l’avons noté plus
haut, ceux qui vivent dans des zones urbaines n’ont pas accès aux services fournis dans le cadre de ce
programme. De nombreux enfants ont besoin d’une éducation spécialisée, d’une réadaptation physique et de soins de santé mentale. Le programme vise à leur fournir des services entièrement intégrés
et plus efficaces. Ainsi, ces enfants ont les meilleures chances d’atteindre leur potentiel maximal. Le
programme est financé par les ministères des Services sociaux et communautaires, de la Santé, et de
l’Éducation et de la Formation. Les prestataires sont des psychiatres, des psychologues et des psychométriciens (financés par le ministère des Services sociaux et communautaires), des orthophonistes, des
physiothérapeutes et des médecins du travail (financés par le ministère de la Santé), ainsi que des
psychopédagogues (financés par le ministère de l’Éducation et de la Formation). Ces trois ministères
fournissent également du personnel administratif. Conjointement avec des personnels des ministères
du Développement du nord et des mines, de hauts responsables venant de leurs rangs participent
également directement au programme d’intégration des services en tant que membres de comités de
gestion interministériels. Ces comités sont chargés du suivi et de l’évaluation des activités en cours.
Depuis 1990, année de la mise en œuvre de ce programme, plus de 6 000 enfants en ont bénéficié.
De nombreux facteurs ont influé sur cette mise en œuvre, et notamment la création et l’attribution
de certaines responsabilités à de nouvelles structures de gestion interministérielles, la nécessité
d’évaluer de façon formelle la mise en œuvre et le fonctionnement du programme, l’attribution de
nouvelles ressources financières et la décision de financer les six sites de façon égale, malgré les
grandes différences dans les taux de population vivant en zone rurale ou isolée. De plus, il a été
décidé, au début, que tel ou tel groupe ou organisme serait invité à participer au nouveau programme,
mais également que celui-ci concernerait uniquement les zones rurales ou isolées. Tous les efforts
devaient être mis en œuvre pour faire progresser l’intégration et la coordination interministérielle que
la classe politique appelait de ses voeux.
Sur les six sites retenus dans le cadre du programme, c’est celui de Cochrane/Timiskaming qui
obtient les meilleurs résultats selon les critères d’évaluation du projet. Le rapport final sur la mise en
œuvre de ce programme l’a cité comme le meilleur exemple de fonctionnement du programme et a
noté qu’à de nombreux égards, ce site pouvait servir de référence aux autres sites.
192
La zone de Cochrane/Timiskaming est en grande partie rurale, avec une faible densité de population. Quelques villes, de 400 à 7 000 habitants, sont dispersées le long de la voie routière principale.
Partie I : CANADA
Timmins est la plus grande ville. Elle compte 45 000 habitants. Bien que le siège du site Cochrane/
Timiskaming soit situé à Timmins, comme indiqué précédemment, les habitants de cette zone urbaine
n’ont pas droit aux services proposés. La population totale de la zone Cochrane/Timiskaming s’élève à
100 000 habitants. C’est le deuxième groupe de population de zones rurales ou isolées bénéficiant du
programme, avec 20 pour cent de la population du nord de l’Ontario. Une autre caractéristique
importante de cette zone est le nombre relativement élevé de francophones. L’évaluation et la
fourniture des services dans des communautés qui ont accès à peu de prestations doivent satisfaire à
un objectif particulièrement difficile : répondre à des besoins culturels et linguistiques spécifiques.
Ce site fonctionne comme prévu puisque la priorité est clairement accordée aux enfants à problèmes multiples, qui nécessitent la fourniture de services par différents départements ministériels. Le
personnel du projet est parvenu à éviter d’être en concurrence avec les services déjà existants et à ne
pas fournir les mêmes prestations. L’équipe qui travaille sur ce site fait preuve de cohésion et elle est
dirigée de manière appropriée. Le comité de gestion du site peut mener à bien sa mission sans souffrir
d’un trop grand degré d’intervention des organismes et des structures de micro-gestion. Les activités
de planification, d’évaluation, de consultation et d’intervention démontrent leur utilité, telle qu’elle est
évaluée et perçue, pour la communauté.
Effets
Le programme d’intégration des services à l’enfance dans le nord de l’Ontario comprend trois
aspects inédits. Premièrement, il fait appel à des personnels satellites (traitement des cas individuels)
qui mènent des actions de vulgarisation et traitent toutes les demandes de prestations, coordonnent
les services, assurent le suivi, résolvent les problèmes et aident les professionnels. Leur position de
membres de la communauté leur permet de s’inscrire dans des systèmes d’aide « naturels » et professionnels. Deuxièmement, il faut citer l’utilisation efficace d’un système informatique de gestion pour le
suivi des cas et du programme. Ce système forme une toile d’araignée (réseau) électronique qui assure
la cohésion du programme. Troisièmement, l’avantage de disposer d’un plan d’évaluation systématique
et continu intégré au projet apporte une certaine tangibilité à celui-ci, ce qui donne un fondement
solide au développement de sa philosophie et de ses objectifs. Bien que le site de Cochrane/
Timiskaming représente le meilleur exemple de réalisation des objectifs de ce projet, le programme
d’intégration des services prouve, d’une manière générale, la valeur et la capacité d’intégration poussée des services destinés aux enfants.
La mise en œuvre réussie de ce programme novateur sur le site de Cochrane/Timiskaming tient à
de nombreux facteurs, dont une direction locale forte, une équipe dévouée et la possession d’informations utiles recueillies grâce à une évaluation poussée des avancées du programme. Ce processus
permet d’aller plus loin au niveau des localités et de la province, car il contribue à améliorer tout le
système des services destinés aux enfants. Les responsables du ministère des Services sociaux et
communautaires ont intégré les données recueillies grâce à l’évaluation du programme dans le nouveau cadre stratégique des services financiers au terme de la loi sur les services à l’enfance et à la
famille. L’orientation vers l’intégration améliorée des services et vers l’accès coordonné aux prestations
a été fortement influencée par la mise en œuvre fructueuse de ces mesures au sein du programme
d’intégration des services à l’enfance dans le nord de l’Ontario.
CONCLUSION
L’Ontario s’est engagé dans l’exploration des perspectives et des promesses de prévention primaire des problèmes des enfants rencontrés dans les années 80. Les premiers modèles élaborés dans
cette optique étaient inspirés de ceux appliqués dans les domaines de la santé publique et de la
psychiatrie sociale. Ces dernières années, l’accent est davantage mis sur la communauté et le renforcement des capacités. Insister sur l’équité ou reconnaı̂tre l’intérêt de la diversité et le fait que l’existence
d’opportunités ne garantit pas à elle seule des prestations équitables, tous ces aspects gagnent en
importance dans la politique publique de l’Ontario. La prise en compte de ces principes résulte des
conséquences des changements économiques mondiaux, des évolutions démographiques rapides, de
193
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
l’exigence de changement associée aux idées féministes et d’une modification des modèles qui ont
conduit à un regain d’intérêt pour la conceptualisation, indissociable du contexte. Le recadrage de la
politique sociale liée à ces considérations a un effet similaire à celui de l’écologie sur la politique
économique et commerciale.
L’analyse des programmes fait apparaı̂tre plusieurs observations relatives à l’intégration des services. L’intégration des services fonctionne parmi les communautés qui font face à des problèmes du
même ordre que l’intégration peut permettre de mieux résoudre. En outre, le principe d’intégration est
facilité par le partage de valeurs, la compréhension parallèle de questions pratiques et une perception
analogue des priorités parmi les professionnels. Il n’est pas certain que l’intégration des services
permette, à court terme, de réaliser des économies. Il semble plutôt que la probabilité d’intégration
des services augmente avec l’accroissement des apports financiers et de ressources. Bien qu’elles
puissent être nécessaires à l’intégration réussie des services, ces conditions ne suffisent pas à elles
seules ni en elles-mêmes. L’équipe dirigeante représente un aspect clé du succès de l’intégration des
services. Le programme de Cochrane/Timiskaming fournit des exemples d’autorité efficace, fondée sur
une structure hiérarchique traditionnelle. Des relations formelles et très rationalisées sont nouées
entre les organismes travaillant en coopération. Par opposition, l’équipe dirigeante du projet de
Sudbury est charismatique et s’appuie sur la communauté.
Si l’intégration des services doit contribuer à la construction de la société civile et à une plus
grande participation des citoyens, ces deux formes d’autorité doivent être mises en place afin de
permettre la prévision politique et la solidarité sociale. La collaboration des citoyens doit être intégrée
au fonctionnement des structures publiques. Cela n’est possible que si la bonne volonté et la confiance
sont suffisantes pour aider les réseaux de citoyens et de professionnels travaillant en collaboration.
194
Partie I : CANADA
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195
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
NOUVEAU-BRUNSWICK
TRAVAILLER MIEUX GRÂCE A L’INTÉGRATION DES SERVICES
par
Peter Evans
INTRODUCTION
Situation générale
La province canadienne du Nouveau-Brunswick, dont la capitale est Fredericton, est située sur la
côte est. Elle est entourée par la Nouvelle-Écosse, le Québec et l’État américain du Maine. Elle s’étend
sur environ 322 kilomètres du nord au sud et sur 242 kilomètres d’est en ouest. Elle forme un rectangle
de 73 437 kilomètres carrés. Son paysage se compose de montagnes et de plateaux, avec quatre grands
lacs. Les principaux secteurs d’activité sont : le tourisme, l’exploitation forestière, l’extraction minière,
la pêche et l’agriculture. Les principales industries de transformation sont l’agro-alimentaire, le papier,
la métallurgie, les équipements de transport, les produits minéraux non métalliques et les métaux de
première fusion. Le Nouveau-Brunswick est la seule province du Canada officiellement bilingue :
34 pour cent de sa population est francophone. En 1994, la population totale comptait environ
726 800 personnes, dont 138 000 enfants d’âge scolaire. La structure gouvernementale est centralisée et
le système d’imposition local se limite à la collecte des taxes foncières.
Le Nouveau-Brunswick est divisé en huit arrondissements scolaires et sept antennes sanitaires. En
1994-1995, le budget de l’éducation était de 614.1 millions de dollars canadiens. Dans ce secteur, la
province s’est donné pour mission « de faire en sorte que chaque élève acquière les connaissances
nécessaires pour continuer à apprendre tout au long de son existence, réussir sa vie personnelle et
contribuer à une société productive, équitable et démocratique ».
Au Nouveau-Brunswick, le taux d’abandon de la scolarité est le plus bas de tout le Canada.
Cependant, depuis 1985, comme dans le reste du pays, le nombre croissant d’enfants qui vivent dans la
pauvreté et qui ont des problèmes de santé, ainsi que des problèmes d’apprentissage suscitent des
préoccupations. Ces élèves sont menacés d’échec scolaire et risquent de ne pas obtenir les qualifications nécessaires pour réussir leur insertion professionnelle.
196
Plusieurs changements importants sont apparus vers la fin des années 80. Le gouvernement du
Canada et celui de la province du Nouveau-Brunswick ont, d’un commun accord, mis sur pied, entre
1988 et 1991, une « Stratégie jeunesse » (Youth Strategy), reconduite ensuite jusqu’en 1993 (voir
Rankine et Plummer, 1990, pour une évaluation concernant la première période). Une initiative, Stay-inSchool, a été lancée en 1990. La Youth Strategy constitue un cadre pour le développement d’opportunités de formation et d’emploi pour les jeunes entre 15 et 24 ans. L’initiative Stay-in-School s’adresse
aux adolescents de 12 à 18 ans (Plummer, 1992). En 1995, un programme intitulé Youth Services
Partnership (Partenariat pour les services à la jeunesse) est venu se substituer au binôme Youth
Strategy/Stay-in-School Initiative. Nombre d’initiatives se poursuivent dans ce nouveau cadre, plus
directement orienté sur les jeunes les plus à risque en termes d’insertion professionnelle (obtention
d’un emploi régulier) et d’accession à une vie autonome.
Partie I : CANADA
En 1984, le Conseil des ministres du Nouveau-Brunswick a reconnu la nécessité d’une réforme de
la fourniture des services, après qu’un document de travail du Cabinet de la réforme gouvernementale
a souligné que :
« Le système éducatif ne peut pas s’appuyer uniquement sur les enseignants pour apporter aux
élèves le meilleur environnement d’apprentissage possible. Les enseignants, les administrateurs
et les parents doivent avoir accès à toute une gamme de services de soutien professionnel visant à
faciliter aux élèves le processus d’apprentissage et à leur assurer un environnement d’apprentissage de qualité » (voir Nouveau-Brunswick, 1993).
Face à ce constat, à des considérations de rentabilité et d’efficience, et à la nécessité d’éliminer
les redondances étant donné la rareté des ressources, il a été décidé de développer le concept de
services coordonnés de soutien à l’éducation.
A partir de 1986, le ministère de la Santé et des Services communautaires a reçu pour mandat de
rechercher les moyens de mettre en place des services de soutien à l’éducation, ce qui a conduit à
l’adoption de nouvelles dispositions, dans un premier temps sur la période 1988-93, prévoyant la
fourniture d’un éventail limité de services par le ministère de l’Éducation, et d’une panoplie plus large
par le ministère de la Santé et des Services communautaires. Les deux ministères ont développé ces
services à travers un travail de planification commun, en partie afin d’éviter d’éventuels conflits dans la
fourniture des prestations, liés aux principes divergents des professionnels de la santé et de l’éducation, ainsi que la fourniture en double des prestations par deux organismes distincts. En 1994, les
efforts ont été concentrés sur l’obtention de ressources supplémentaires au profit des services travaillant ensemble.
Niveau stratégique
Au niveau stratégique, la section des services aux élèves du ministère de l’Éducation est responsable des élèves en difficulté, ainsi que des programmes destinés à les aider à réussir leur parcours
scolaire. Ces activités englobent des initiatives de maintien en milieu scolaire, des programmes
d’orientation, d’insertion professionnelle, la communication interministérielle, ainsi que d’autres activités relatives à l’aménagement des programmes, au développement des connaissances professionnelles, aux comités d’élèves, aux activités périscolaires et à l’enseignement assisté par ordinateur pour
les élèves ayant des besoins spécifiques. La fourniture de programmes et services nécessite la collaboration et la concertation entre plusieurs ministères du gouvernement de la province, dont les ministères de la Santé et des Services communautaires, du Développement des ressources humaines du
Nouveau-Brunswick, des Sports et Loisirs, de l’Enseignement supérieur et du Travail, du Solliciteur
général, de la Justice, des Biens et Services et des Agences fédérales chargées de la Santé, des Affaires
sociales et des Affaires indiennes.
Bien qu’il n’existe pas, au niveau central, de cohabitation entre les différents personnels ni de
partage des ressources administratives, une étroite collaboration a été mise en place avec les Services
de soutien à l’éducation – gérés par le ministère de la Santé et des Services communautaires – et avec
les établissements d’enseignement supérieur. Des réunions sont organisées régulièrement avec ce
ministère afin, par exemple, d’élaborer des protocoles. Les ministres et les hauts responsables des
différents ministères se rencontrent également régulièrement pour passer en revue les questions liées
à la législation et à la politique publique.
Ces dispositifs, lancés en 1990, partent du principe que « la répartition des ressources et la
fourniture des services aux enfants d’âge scolaire pourraient être optimisées si elles étaient confiées au
ministère chargé de fournir les services sanitaires et sociaux à l’ensemble de la population ». En
particulier (voir Nouveau-Brunswick, 1993), cela permettrait une meilleure coordination des services
sociaux et sanitaires ainsi que des ressources connexes, l’élimination des redondances, le développement d’un certain niveau de services professionnels à l’échelle de la province, une utilisation optimale
du personnel qualifié, le maintien de relations professionnelles avec le réseau des services sanitaires
et communautaires fournissant déjà des prestations aux enfants ou aux familles, la réduction de la
concurrence inutile à laquelle se livrent parfois deux systèmes pour obtenir le partage des ressources
197
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
humaines. Ces services englobent les soins infirmiers, les soins d’ergothérapie, de kinésithérapie, de
psychologie, d’action sociale (voir également le programme pilote STAR décrit plus loin) et d’orthophonie. Leur collaboration avec les écoles a pour objet d’améliorer la capacité des élèves à réussir leur
scolarité au sein du système public. Les accords sont régis par la Loi scolaire de 1990 qui a été
amendée et par la Loi de 1995 sur les services à la famille. Les services englobent l’éducation, la santé
mentale, le soutien au revenu (STAR), l’assistance aux mères adolescentes, aux alcooliques ou aux
toxicomanes, l’aide au logement, les loisirs et la CESPA (Commission de l’enseignement spécial des
provinces de l’Atlantique).
Ces services sont régis par onze principes directeurs. Ils doivent être fondés sur la communauté,
fournis dans le milieu scolaire ou à domicile, accessibles, flexibles et bilingues, permettre de consulter
et de faire participer les parents aux décisions d’admission, aider les élèves à mieux apprendre avec le
moins d’interruptions possibles, réduire la dépendance, promouvoir un mode de vie aussi normal que
possible, éviter l’atomisation des services et les redondances et offrir toute transparence via des
responsabilités et pouvoirs clairement définis.
Un Comité de programmation des opérations au niveau provincial a été créé pour mettre ces
accords en application. Sa mission officielle consiste à « superviser le développement et la mise en
œuvre des services sanitaires et sociaux aux élèves à l’intérieur du système scolaire public ». Il
comprend des membres du ministère de la Santé et des Services communautaires, du ministère de
l’Éducation, de la Commission de la santé mentale, du ministère du Développement des ressources
humaines du Nouveau-Brunswick, et rend compte de ses activités au sous-ministre adjoint aux services
sociaux communautaires et d’aide aux familles, ainsi qu’au Bureau du Solliciteur général. Ce comité a
pour objet d’établir des liens interministériels pour l’organisation et la coordination de la fourniture
des services de soutien à l’éducation, de mettre en place des accords formels entre les deux ministères
pour la fourniture des services, de définir des priorités et des lignes directrices, d’instaurer des
mécanismes de financement à long terme et de résoudre les problèmes au niveau opérationnel à
mesure de leur survenue. En 1995, deux nouveaux ministères – le ministère chargé du Développement
des ressources humaines et le ministère du Nouveau-Brunswick et du Solliciteur général – ont rejoint le
Comité de programmation des opérations au niveau provincial qui, en 1996, a été rebaptisé Comité
omnibus pour l’enfance et la jeunesse.
Un groupe de professionnels a été chargé de fournir ces services. Il comprend des personnels du
programme des services de soutien qui traitent exclusivement les cas envoyés par les établissements
scolaires, des personnels des services sanitaires et sociaux employés par les arrondissements scolaires,
qui sont chargés de la même mission, ainsi que des équipes pluridisciplinaires de la Division « Famille
et services sociaux communautaires » (FSSC), pour les enfants ayant des besoins spécifiques, qui
traitent les cas envoyés par les écoles et par cette Division.
Ce groupe de professionnels est placé sous l’autorité d’un contrôleur FSSC, chargé d’améliorer
l’accès des clients aux services et d’optimiser la répartition des ressources qui sont très limitées. Des
accords ont été élaborés concernant les nouveaux processus permettant aux professionnels de rendre
compte de leurs activités et la mise en place d’une procédure de transfert des ressources financières
des arrondissements scolaires vers le ministère de la Santé et des Services communautaires, afin de
créer des postes supplémentaires exclusivement destinés aux services de soutien. Le Comité de
programmation des opérations au niveau provincial est également chargé de la répartition adéquate
des ressources à travers la province.
La responsabilité de la mise en application détaillée de ces accords est confiée aux Comités de
programmation des opérations au niveau régional, aujourd’hui rebaptisés Comités omnibus régionaux,
qui sont composés de représentants des parties intéressées, mais qui ne comptent aucun représentant
de la clientèle. Leur responsabilité couvre également l’optimisation des ressources régionales afin de
répondre aux besoins des élèves, la définition d’une procédure de soumission, l’identification et la
résolution des problèmes, ainsi que le suivi de la mise en œuvre des services.
198
Les professionnels chargés de ces services doivent concevoir et gérer un programme de mise en
œuvre, couvrant l’identification d’objectifs fonctionnels et mesurables, ainsi qu’une description de la
Partie I : CANADA
méthode d’intervention à mettre en œuvre et un échéancier comportant des dates d’achèvement. Une
procédure de suivi et d’évaluation est également requise, ainsi qu’un processus de compte rendu des
objectifs atteints et des progrès réalisés. En outre, ce programme doit mettre l’accent sur la collaboration avec la famille et/ou l’enfant, l’école et d’autres professionnels concernés, et il doit se concentrer
sur la réussite scolaire de l’enfant. Enfin, il doit être réaliste et tenir compte du niveau des ressources
disponibles. Le modèle d’intervention peut faire appel à la consultation via le suivi des programmes
appliqués par d’autres professionnels, ou fondé sur l’intervention directe.
Le respect de la confidentialité est essentiel. La Loi de 1995 sur les services à la famille permet le
partage des informations avec le personnel scolaire, sans l’accord préalable des parents. Néanmoins,
l’accord des parents est nécessaire pour que ces informations soient partagées entre le personnel
scolaire et les professionnels des services d’aide. Le système informatique de la FSSC conserve un
dossier sur chaque client.
Une récente évaluation du fonctionnement des Services de soutien à l’éducation a révélé qu’ils
servaient des prestations à environ 3 pour cent de la population d’âge scolaire (Dilworth et al., 1994), et
une autre étude a fait la preuve de leur efficacité, à travers l’avis des professionnels concernés et celui
des enseignants, dans un grand nombre de domaines liés à l’école : progrès de la scolarité, comportement et assiduité aux cours (Lapointe, 1994).
Mise en œuvre
Le dispositif, qui est centré sur les pouvoirs publics et n’englobe pas le secteur associatif, a été
mis en place selon une approche descendante qui, avec du recul, aurait pu être mieux adaptée
(Dingwall, 1994). Par exemple, la communication avec les services concernés aurait pu être plus intense
et, durant les deux premières années, des problèmes de compréhension mutuelle se sont manifestés.
Les conseils scolaires craignaient que le ministère de la Santé et des Services communautaires ne
puisse pas fournir les prestations nécessaires, mais la question a été résolue grâce à l’attribution de
ressources supplémentaires destinées à la restructuration dans les limites d’un budget qui, à l’époque,
connaissait encore une évolution ascendante. Mis à part les problèmes évoqués précédemment, aucun
autre obstacle majeur n’a été constaté, au moins au niveau stratégique. Les avantages perçus, parmi
lesquels l’homogénéité de la qualité des services à travers la province, l’introduction d’un contrôle des
professionnels, l’élimination des redondances et la définition claire des responsabilités de chacun
– qui ne représentent qu’un faible surcroı̂t de travail administratif – laissent à penser que la coordination des services devrait permettre de réaliser des économies. Aucun budget de formation supplémentaire n’a été prévu pour aider à la mise en place de ce dispositif.
Les initiatives pour la petite enfance, l’aménagement des programmes et de la pédagogie, le
programme STAR d’insertion professionnelle pour les adolescents, constituent d’autres actions visant à
prévenir ou résoudre les problèmes rencontrés par les élèves et les familles à risque.
Initiatives pour la petite enfance
Les initiatives pour la petite enfance ont été lancées en 1992 pour répondre aux problèmes de
santé infantile évoqués précédemment et pour améliorer l’acquisition de connaissances. Ces initiatives
devaient répondre aux besoins de l’ensemble de la population à risque, qui représente environ
15 pour cent de la population totale (ministère de la Santé et des Services communautaires, 1993).
Elles impliquent un travail de collaboration entre la Division des services médicaux et de la santé
publique et la Division des services communautaires et d’aide aux familles. Sept initiatives ont été
dénombrées. La Division de la santé publique est chargée du suivi et des interventions prénatales et
postnatales renforcées (y compris la nutrition) et des services de santé préscolaire qui ont fait l’objet
d’un reciblage. Ces actions sont liées à quatre initiatives menées par la FSSC : intervention précoce à
domicile, services de garde intégrés, services de prévention sociale et services d’aide économique aux
familles, visant à aider les familles reconnues prioritaires à gérer leurs ressources et à devenir autonomes. Ces services mettent l’accent sur la prévention et l’intervention, de façon à promouvoir la santé
des jeunes enfants et des familles, notamment celles à risque. Une évaluation du niveau de risque est
199
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
menée par un infirmier à l’occasion de visites à domicile, qui peuvent déboucher sur des prestations
complémentaires, réservées à 5 pour cent de la population. L’objectif est que les jeunes enfants
arrivent au jardin d’enfants dans les meilleures conditions de santé possibles, afin qu’ils puissent
développer tout leur potentiel.
Scolarité
L’initiative Stay-in-School cherche à développer des méthodes susceptibles d’améliorer l’environnement affectif des élèves et des enseignants à travers « des stratégies et des structures nouvelles »,
notamment la conception d’une éducation plus individualisée via des programmes de parrainage et de
tutorat, des sessions de rattrapage pendant l’été, des stratégies de coopération et d’autres méthodes
(programmes d’orientation professionnelle et d’enseignement assisté par ordinateur, notamment). De
plus, des actions de développement des compétences des enseignants ont été lancées pour leur
permettre d’apprendre à conseiller les jeunes et, plus généralement, pour les sensibiliser aux problèmes des enfants à risque. Des méthodes de promotion de l’instruction élémentaire, comme la
lecture et l’écriture, ont été encouragées, par le biais du tutorat entre pairs, par exemple (Plummer,
1993). Une caractéristique commune à un grand nombre de ces stratégies novatrices est l’intervention
d’autres prestataires de services et de tuteurs et médiateurs entre les écoles et d’autres institutions.
Transition vers la vie active
Entre 1987 et 1994, l’initiative Stay-in-School proposait des programmes d’insertion professionnelle, principalement à travers deux méthodes efficaces : d’une part, l’enseignement en coopération,
c’est-à-dire un enseignement structuré autour de l’école et du milieu professionnel, et d’autre part, des
ateliers d’orientation professionnelle, grâce auxquels les élèves acquièrent, pendant les mois d’été,
une autonomie fonctionnelle et une expérience professionnelle (Rankine et Plummer, 1990).
Pour améliorer encore l’insertion professionnelle des jeunes, des Access Centres ont également
été mis en place dans trois villes du Nouveau-Brunswick. Ils s’adressent aux jeunes qui risquent de
tomber dans la délinquance ou qui ont déjà eu affaire à la justice, aux adolescents qui sont susceptibles d’abandonner l’école et à ceux qui ont des problèmes familiaux. Les jeunes âgés de 16 à 19 ans
ont été identifiés comme étant les plus à risque (en effet, la législation ne prévoit pas de système de
soutien pour les 16-18 ans), et les ministères de l’Éducation, de la Santé et des Services communautaires, de la Santé mentale, de la Protection sociale, de l’Aide au revenu et de la Justice, entre
autres, se sont associés pour soutenir la création de ces centres. Ces derniers sont conçus comme des
structures de jour pouvant accueillir jusqu’à 200 adolescents pour les aider à retrouver le chemin de
l’école. En 1995, les Access Centres ont interrompu leurs activités et la plupart de leurs programmes ont
été transférés aux ministères du Développement des ressources humaines (du Nouveau-Brunswick).
Services destinés aux adolescents à risque (programme STAR)
200
Le programme pilote STAR (Services destinés aux adolescents à risque) fonctionne sous la houlette du ministère de la Santé et des Services communautaires dans les trois principales zones
urbaines de la province : Fredericton, Moncton et Saint John (ministère de la Santé et des Services
communautaires, 1994). Ce programme a pour vocation de réduire les risques qui menacent directement les 16-19 ans et de les aider à trouver un mode de vie stable afin de pouvoir poursuivre leur
scolarité, retourner à l’école ou encore trouver un emploi. Les travailleurs sociaux qui œuvrent dans le
cadre du programme STAR respectent les droits de la famille et reconnaissent qu’il faut répondre aux
besoins des jeunes en collaboration avec les jeunes eux-mêmes, leur famille, la communauté et les
pouvoirs publics. Ils s’occupent en premier lieu des jeunes en situation de crise, qui ont le plus besoin
d’aide, et ensuite de ceux qui présentent des problèmes multiples à cause desquels, sans l’intervention des travailleurs sociaux, il leur serait impossible de poursuivre leur scolarité ou un programme de
formation, et donc de réussir leur insertion professionnelle.
Partie I : CANADA
Conclusion
Le Nouveau-Brunswick a compris la nécessité pour les jeunes menacés d’échec scolaire de pouvoir
bénéficier d’une structure de services de grande portée, couvrant l’ensemble de cette population,
répondant du mieux possible à ses besoins, tout en éliminant les redondances, les incohérences et les
inefficiences. Dès lors, une large panoplie de réformes a été mise en place, facilitées par la coopération
entre un grand nombre de ministères, et les modifications nécessaires ont été apportées à la
législation.
VISITE DE SITE : WOODSTOCK
Situation générale et principaux dispositifs
Le 12e arrondissement scolaire, celui de Woodstock, a été choisi comme sujet d’étude par le
ministère de l’Éducation. Il couvre 2 438 kilomètres carrés et environ 5 000 enfants scolarisés. L’arrièrepays est une zone rurale, avec quelques secteurs d’activité. La population est composée en majorité de
ménages à revenu faible ou moyen. Les principaux problèmes identifiés sont la pauvreté, le manque
de transports, l’éclatement de la cellule familiale, la violence et le manque d’estime personnelle. Une
étude comparative menée par Dilworth, Sanford et al. (1994) a révélé que, sur les 18 arrondissements
scolaires du Nouveau-Brunswick couvrant des cas bénéficiant des services de soutien à l’éducation, le
12e arrondissement se situait dans la moyenne. Ainsi, à maints égards, Woodstock constitue le reflet
fidèle de la province en général.
Les problèmes des enfants et des jeunes à risque ont été cernés grâce à des études menées par
l’arrondissement scolaire lui-même. Le résultat de ces recherches a montré que les élèves abandonnaient l’école parce qu’ils ne recevaient pas suffisamment de soutien dans le milieu scolaire. La
principale raison donnée était l’attitude de tel ou tel enseignant. Parmi les autres causes fréquentes, on
peut citer le redoublement, l’absentéisme, le manque d’intérêt manifesté par les éducateurs ou les
parents, des difficultés scolaires, ou encore une grossesse. Cependant, il a été démontré que la
présence de la communauté, des parents, de l’école et des enseignants était susceptible d’aider les
élèves à mener une vie normale et de leur éviter de quitter l’école. Une analyse des données relatives
au maintien des effectifs scolaires jusqu’à la classe de terminale a révélé que la situation n’avait cessé
de s’améliorer entre 1986 et 1991 (peut-être grâce au succès des stratégies évoquées dans l’introduction de ce rapport) et qu’elle était bien meilleure que dans le reste du pays (Woodstock, 1991). Des
discussions avec les professionnels des services éducatifs ont permis d’identifier les problèmes liés au
fait d’enseigner à des enfants, notamment la coordination des services et la communication avec les
autres organismes (Woodstock, 1992).
La figure 1 représente l’ensemble des services aux élèves de Woodstock. En 1992-93, ces services
étaient fournis par une équipe de 14 professionnels encadrés par un directeur, soit l’équivalent de
13.5 postes à temps plein, divisés en quatre groupes. L’équipe éducative, comprenant quatre professionnels chargés des services aux écoles, est spécialisée dans les élèves présentant des besoins
spécifiques, l’insertion professionnelle et la psychométrie scolaire. Le groupe CESPA, composé de trois
enseignants itinérants, est chargé des malentendants et des malvoyants. Une équipe de deux personnes, dépendant du programme Stay-in-School, aide les élèves à risque à l’école, dans leur classe et
dans la communauté en général. Tous ces professionnels sont épaulés par une équipe des Services de
soutien à l’éducation composée de deux travailleurs sociaux (dont un à temps partiel), de deux
orthophonistes et d’un ergothérapeute à mi-temps.
Dans la pratique, à Woodstock, il existe une continuité dans les services aux personnes à risque et
à celles qui présentent des incapacités. Les sections qui suivent synthétisent des informations fournies
par les professionnels, notamment, mettant l’accent sur les services aux enfants à risque. En raison de
leur caractère intégré, les services sociaux communautaires et d’aide aux familles seront d’abord
brièvement présentés, puis nous donnerons des informations recueillies auprès des travailleurs
sociaux chargés des services aux élèves, du ministère de la Santé et des Services communautaires de
soutien à l’éducation, ainsi qu’auprès d’une école et d’un parent d’élève. Seront également résumés les
201
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
Figure 1. Carte des services intégrés aux élèves, au niveau de la communauté
H&CS
MHC
PH
CRLB
CEIC
SSE
EHS
ENSEIGNEMENT
A&DC
CIEVA
ÉTUDIANT
DOMICILE
I-TEAM
WACL
CESPA
S-HG
C-VCDS
POLICE
YAC
P
LÉGENDE
SSE ................................................................................................. Services de soutien à l'éducation
CIEVA ................................................ Community Industries Employment Vocational Activities
CRLB ..................................................................................... Community Residential Living Board
CEIC ................................................................................... Centre Emploi et Immigration Canada
YAC ..........................................................Centre d'information et d'orientation pour les jeunes
EHS ...................................................................................................... Extramural Hospital Services
I-Team ............................................................................................................ Équipe pluridisciplinaire
C-VCDS ............................................................. Carelton-Victoria Child Development Services
CESPA .......................... Commission de l'enseignement spécial des provinces de l'Atlantique
WACL .................................................................. Woodstock Association for Community Living
P ............................................................................................................................................... Probation
PH ................................................................................................................................... Santé publique
MHC ............................................................................................................ Centre de santé mentale
S-HG ................................................................................................ Ministère du Solliciteur général
A&DC ...................................................................... Alcohol and Drug Dependency Commission
202
Source : Auteur.
Partie I : CANADA
renseignements obtenus à propos de l’initiative pour la petite enfance, de l’Access Centre et du service
de probation. Enfin, nous tirerons les conclusions de toutes ces informations.
Services aux élèves
Division « Famille et services sociaux communautaires » (FSSC) de Woodstock : niveau opérationnel
Contexte et input
Le Nouveau-Brunswick compte sept antennes sanitaires qui ne se recoupent pas avec les arrondissements scolaires. La 3e antenne couvre Woodstock et une population de 55 000 personnes. Les
principaux problèmes traités sont les abus sexuels et les problèmes de violence familiale, le manque
d’aptitude des parents à éduquer leurs enfants et de faibles aptitudes à la socialisation. La FSSC est
une division du ministère de la Santé et des Services communautaires. Elle offre à la fois des services
prévus par la loi et des services non prévus par la loi et dispose d’un budget annuel de 6 200 000 dollars canadiens. Les services prévus par la loi couvrent la protection des enfants et des adultes ainsi que
la surveillance des enfants placés, généralement dans des foyers d’accueil. Les services non prévus par
la loi englobent l’adoption, les services aux enfants présentant des besoins spécifiques (soins supplétifs ou services de transport, par exemple), les services de soutien à l’éducation (action sociale, aide
psychologique et orthophonie), les services d’intervention précoce (s’apparentant aux services de
soutien à l’éducation mais destinés à la petite enfance), les services de garde pour les enfants de 3 ans
et demi à 5 ans, les services destinés aux jeunes à risque (insertion professionnelle, à l’essai dans trois
districts seulement), l’évaluation de la situation sociale pour déterminer si les jeunes peuvent bénéficier d’une aide au revenu, les services aux personnes âgées, aux adultes handicapés et les services
d’urgence sociale.
Ces services travaillent ensemble en fonction des besoins. Ils ont généralement été lancés sous la
forme de programmes gouvernementaux par différents ministères, puis, au fil des ans, ils ont peu à peu
été centralisés au sein du ministère de la Santé et des Services communautaires et du ministère de
l’Éducation. Des organismes privés se sont également créés pour apporter leur soutien. Les principaux
partenaires dans l’organisation des services intégrés sont la FSSC, le 12e arrondissement scolaire, les
services de santé publique, de santé mentale, d’intervention précoce (organisation privée à but non
lucratif), le ministère de l’Aide au revenu et le ministère fédéral du Développement des ressources
humaines.
Le besoin d’intégration des services est devenu manifeste au milieu des années 80, lorsque les
problèmes familiaux ont commencé à empiéter sur le milieu scolaire et que la nécessité d’une approche holistique a été reconnue. Le concept a bénéficié d’appuis politiques et de la volonté de coopération entre les ministères, et il a reçu les ressources financières et humaines nécessaires. A l’origine,
l’approche intégrée a été planifiée par le ministère de l’Éducation, le ministère de la Santé et des
Services communautaires et les autorités locales chargées de l’éducation. Deux postes de travailleur
social et d’orthophoniste ont été créés, mais il manquait des soins infirmiers.
Fonctionnement
Les décisions et l’organisation incombent généralement au responsable de site FSSC (qui fait
partie du Comité de programmation des opérations au niveau local), aux directeurs des 12e et
13e arrondissements scolaires (sous la houlette du directeur des services aux élèves), à l’infirmier
surveillant et au directeur du centre de santé mentale.
Le personnel des Services de soutien à l’éducation cohabite avec l’équipe de soutien à l’éducation
dans les bureaux du 12e arrondissement scolaire. Il travaille avec les enseignants au sein des écoles,
suivant une approche fondée sur la consultation, pour développer l’aptitude des professeurs principaux à répondre aux besoins des enfants dont ils ont la charge. Les professeurs consultants jouent
également un rôle majeur. Ils sont responsables du soutien à l’éducation pour les élèves défavorisés et
ceux qui ont des besoins spécifiques. Le personnel des Services de soutien à l’éducation, travaillant en
équipe avec les membres du conseil d’établissement, contribue largement au succès du processus.
203
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
C’est pourquoi les postes vacants des Services de soutien à l’éducation sont pourvus en priorité. Le
personnel des Services de soutien à l’éducation a également gagné en crédibilité en assurant la
formation en cours d’emploi des professeurs principaux.
L’insuffisance des ressources disponibles, des connaissances et le manque de compréhension des
autres disciplines par le personnel enseignant constituent les principaux obstacles au développement
harmonieux de la coordination des services. Dans certains cas, cette réaction a conduit à un rejet pur et
simple ou à une extrême réticence vis-à-vis des nouveaux dispositifs officiels.
La direction au quotidien du personnel des Services de soutien à l’éducation est assurée par le
directeur régional des services de santé et des services communautaires, qui travaille en étroite
collaboration avec le directeur des services aux élèves du 12e arrondissement scolaire. Les responsables de la FSSC ont conscience des avantages que présente la collaboration entre ces deux équipes
et celle-ci sera poursuivie tant que ses bénéfices seront visibles. La relation de travail est étroite et
efficace.
Effets
L’intégration des services permet de réduire le temps de réponse, de cibler plus efficacement les
ressources, d’améliorer la planification et l’intervention au cas par cas, ainsi que le soutien aux enseignants et aux parents. En revanche, se pose parfois la question de savoir de qui dépend le personnel des services de soutien à l’éducation.
La base de données gérée par les services communautaires et sanitaires est alimentée régulièrement. Les services sont fournis à l’éducation à travers un accord formel, avec formulaire d’inscription
commun et planification conjointe de la fourniture des services. Il existe, au niveau de l’arrondissement, un comité de gestion chargé des questions relatives aux services aux enfants, et les données sont
partagées « à la demande ». L’accord des parents est sollicité afin d’éviter les problèmes de
confidentialité.
Les ressources (locaux, matériel informatique et fournitures) du personnel de la section FCSS lui
sont fournies par le ministère de l’Éducation, et la FSSC apporte parfois une contribution financière.
Selon le système informatique RPSS (1992-93), les chiffres moyens concernant les dossiers répertoriés mensuellement sur la province sont les suivants (statistiques de la Division « Famille et services
sociaux communautaires », 1992-93) :
– Protection infantile
1 936
– Enfants à statut temporaire
337
– Enfants placés
896
– Enfants présentant des besoins
643
– Soins subventionnés aux enfants
95
– Jeunes contrevenants placés en milieu ouvert
105
Division « Famille et services sociaux communautaires » (FSSC) à Woodstock : niveau du terrain
Comme indiqué précédemment, les écoles reçoivent l’aide d’une équipe de services aux élèves,
composée de 15 personnes. Les consultants des services aux élèves travaillent en dehors des bureaux
du district, pour épauler les enseignants au sein des écoles. Leur travail consiste à gérer et coordonner
l’aide apportée aux élèves par les enseignants (en particulier les professeurs consultants), à élaborer
des programmes d’enseignement individualisés pour certains élèves, à jouer un rôle de tuteur, à
dispenser une formation en cours d’emploi et à assurer le lien avec les autres organismes.
204
Les sections suivantes exposent en détail le point de vue de divers professionnels qui interviennent sur le terrain.
Partie I : CANADA
Professionnels de l’éducation travaillant au sein de l’équipe des services aux élèves
Contexte et input
Le travail avec des services extérieurs a débuté en 1985, suite à la décision d’intégrer tous les
élèves présentant des incapacités au sein du système scolaire traditionnel (Projet 85, loi modifiant la
Loi scolaire*). Les bénéfices des services intégrés mis en place avec ce groupe se sont étendus aux
élèves présentant des besoins particuliers, y compris les élèves à risque. Avant l’intégration des
services, chaque professionnel travaillait individuellement et de façon isolée. Depuis la mise en place
de cette intégration, les prestataires de services se rencontrent régulièrement pour discuter des
problèmes et les résoudre, et les parents et les élèves eux-mêmes sont plus directement concernés.
Les partenaires clés sont les parents, les élèves, le ministère de la Santé et des Services communautaires, les services d’intervention précoce, les associations locales pour l’animation communautaire,
les enseignants, la santé publique, les administrateurs, les délégués à la probation, la santé mentale, la
police, et le comité communautaire de lutte contre le suicide. Le directeur des services aux élèves de
l’arrondissement scolaire a également joué un rôle moteur. Le service chargé de conduire la coordination oriente ses activités en fonction de l’âge des enfants. Pour les enfants d’âge préscolaire, il s’agit
des services d’intervention précoce ; pour les enfants d’âge scolaire, des autorités chargées de l’éducation ; pour les enfants plus âgés, de diverses agences pour l’emploi, comme le CIEVA (Community
Industries Employment Vocational Activities).
Bien que la législation relative à l’intégration des élèves handicapés soit fréquemment citée
comme le point de départ du processus, il semble que la coordination ait été le résultat direct de
l’initiative locale, avec la revendication d’une approche holistique et du partage de l’information, la
volonté de réduire la charge de travail des parents en mettant à leur disposition plusieurs services sur
un même site, d’accroı̂tre l’efficience des services, ainsi que d’initiatives gouvernementales menées
dans d’autres ministères (Services de soutien à l’éducation, par exemple). L’objectif, clairement défini,
était de fournir un service de meilleure qualité aux élèves et à leurs familles.
Les professionnels de l’éducation ont également souligné que les demandes concernant l’approche intégrée émanaient d’un ensemble de personnes partageant le même point de vue. Les parents
soutenaient activement la mise en place de services intégrés et mieux adaptés, notamment pour les
élèves handicapés, et les administrateurs locaux partageaient ces préoccupations. Par ailleurs, les
réductions budgétaires au niveau du gouvernement central plaidaient également en faveur de la
réforme. Malgré ces réductions, les professionnels ont souligné que les financements nécessaires à la
rémunération des professeurs consultants et des professeurs auxiliaires, à la formation en cours
d’emploi et à l’achat des matériels avaient été mis à leur disposition. Il semble qu’aucune contribution
financière n’ait fait défaut.
Fonctionnement
Le processus de collaboration a été décrit comme très étendu et ouvert à toute personne désireuse d’y participer. Néanmoins, la participation des parents et des élèves n’a pas été aussi importante
que certains l’avaient souhaité. Les stratégies utilisées pour développer ce processus incluent le choix
d’un organisme chef de file, la mise en œuvre d’une approche de résolution des problèmes permettant
d’organiser des réunions brèves et efficaces, le développement d’un travail d’équipe et la formation de
partenariats au sein de la communauté, des sources de financement multiples, la formation, le développement du rôle des professeurs consultants et du programme de conseil, des initiatives existantes,
et le suivi permanent du système et du processus. La nature formatrice du processus d’évaluation a été
perçue comme étant à l’origine de l’évolution constante du système et de l’interdépendance accrue
entre les professionnels. Le développement d’une vision commune a également revêtu une grande
importance, ainsi que celui d’un climat favorable à la réussite scolaire. La mise en place des services de
* Le « Projet 85 » figure aujourd’hui dans la Loi de 1973 sur les écoles du Nouveau-Brunswick aux sections 1. 52 et 53. Il a
été intégré en 1987.
205
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
soutien à l’éducation dans les bureaux de l’arrondissement scolaire a également été soulignée comme
une stratégie essentielle.
L’insuffisance du temps à consacrer aux réunions, le manque de retour d’information, la réticence
de certains qui se cramponnent à leur rôle traditionnel et la persistance de stéréotypes, la peur du
changement, l’insuffisance des actions de formation et le manque de perspectives communes ont été
signalés comme les principaux obstacles au changement.
Les professionnels ont indiqué que leur travail d’équipe reposait sur un modèle de résolution des
problèmes nécessitant la mise à jour et le développement constant du processus. L’approche interactive adoptée vis-à-vis des clients est une solution holistique et d’avenir, dans laquelle l’intervention du
client dans les décisions le concernant est un élément crucial. Le soutien de la communauté est
également un facteur de réussite globale.
Effets
Les bénéfices de l’intégration ont été associés à l’adoption d’approches plus créatives, à un
soutien et un esprit d’équipe accrus, se traduisant par un travail plus gratifiant, et permettant de
répondre plus rapidement et de façon plus adaptée aux besoins des clients. Les problèmes de
redondances des prestations et les pertes de temps sont moins fréquents et il est possible d’obtenir
plus de résultats en faisant appel à moins de professionnels de l’éducation. La qualité de vie des
clients s’améliore également. A l’avenir, les réductions budgétaires devraient accroı̂tre la nécessité de
la participation de la communauté. Celle-ci devrait contribuer davantage à la vie de l’école, et les
élèves devraient être amenés à se former en dehors de l’école, ces deux mouvements inverses ayant
pour effet de rapprocher le milieu scolaire du reste de la communauté.
L’intégration a néanmoins été reconnue comme directement à l’origine de certains problèmes,
comme la difficulté d’organiser des réunions en raison du nombre de personnes à contacter. L’organisation des réunions et toutes les activités de ce type donnent beaucoup de travail supplémentaire. La
confidentialité est également une question importante et, même si dans la pratique, le problème ne
semble pas s’être posé de façon aiguë, il semble que certains groupes de professionnels se montrent
plus prudents et attentifs que d’autres. Enfin, il faut un certain état d’esprit pour envisager les
problèmes comme autant de défis à relever pour parvenir à des méthodes de travail plus
« intelligentes ».
Des archives sont généralement conservées par les établissements scolaires concernant les programmes et interventions, les réunions et recommandations relatives aux actions à entreprendre. Il
s’agit de dossiers sur papier ou informatisés. L’information est partagée à la demande.
Pour les clients, les répercussions sont apparemment très importantes. Ils développent un plus
grand respect d’eux-mêmes, poursuivent leur scolarité, et réussissent à s’intégrer à la communauté.
Travailleurs sociaux de l’équipe des services aux élèves
Contexte
206
Les professionnels de l’éducation mentionnés précédemment reçoivent également le soutien
d’une équipe de travailleurs sociaux, qui partagent leurs bureaux au sein de l’arrondissement scolaire,
et dont la mission consiste à apporter leur aide aux élèves à risque, à leurs familles et au personnel
scolaire. Leurs services englobent la préparation des parents à l’éducation des enfants, la gestion des
comportements difficiles, la lutte contre le suicide, la préparation à la gestion des situations conflictuelles, l’information sur les programmes d’étude des autochtones, ainsi que des projets communautaires (comme le tutorat communautaire et l’orientation des familles), la formation et la sensibilisation des enseignants, un rôle d’intermédiaire avec les autres organismes communautaires,
l’organisation des activités scolaires des élèves à risque (à la fois au niveau social et scolaire), et un
service direct d’orientation destiné aux élèves et à leur famille. Ces prestations sont fournies à
domicile, à l’école ou encore dans d’autres structures communautaires.
Partie I : CANADA
L’équipe travaille de cette manière depuis 1988, date de création du premier poste de travailleur
social. Le rôle de ce dernier au sein de l’école a été élargi depuis lors. Une importante réflexion a été
menée quant à l’élaboration d’un nouveau mode de fourniture des services permettant de répondre
directement aux clients, tout en traitant les problèmes plus généraux à l’ambiance scolaire et de
réussite de l’ensemble des élèves. Les travailleurs sociaux scolaires ont été intégrés à l’équipe des
services aux élèves de l’arrondissement scolaire, de façon à ce que leur travail vis-à-vis des élèves ne
reste pas isolé (comme c’était le cas avec l’ancienne méthode de travail). Ce changement a été accepté
et il a permis un meilleur équilibre entre les actions de prévention et d’intervention.
Les trois travailleurs sociaux sont unanimes concernant le rôle clé du partenariat entre les services
de santé et d’éducation, ainsi qu’avec d’autres organismes. Ils ont confirmé que ce sont les services aux
élèves qui dirigent les opérations en veillant au bon fonctionnement du processus de collaboration et
de l’orientation des actions entreprises. Néanmoins, en fonction de l’action envisagée, la direction des
opérations peut être confiée à des personnes différentes. La mise en place de la coopération a été
favorisée par la prise de conscience générale, parmi les membres de l’équipe de services aux élèves,
de l’intérêt que présentait ce type d’approche pour le traitement des problèmes rencontrés par les
élèves. Elle permettait d’apporter une aide globale, des services plus efficaces et d’obtenir un véritable changement du mode de vie des élèves.
Input
Outre une opinion publique locale favorable, le « Projet 85 » a appuyé l’approche intégrée. Les
travailleurs sociaux disposent de la flexibilité nécessaire pour agir de la manière qu’ils considèrent la
plus adaptée aux besoins de leurs clients, qui confirment retirer des bénéfices de cette approche. La
communauté a également réservé un accueil très positif à l’intégration. Cet appui s’est concrétisé aux
niveaux politique et opérationnel, sous la forme d’un soutien moral, d’orientations, d’actions de
formation, de la mise à disposition d’installations, de personnel, et d’actions de sensibilisation du
public.
L’organisation a tout d’abord été le fait des services de santé et d’éducation ainsi que du comité
de programmation au niveau régional. Des réunions d’organisation et des actions de formation ont été
organisées pour mettre en œuvre les nouvelles méthodes de travail. L’arrondissement scolaire local a
fourni les bureaux et les équipements nécessaires, ce qui, au début, a inévitablement entraı̂né une
certaine concurrence entre les différents professionnels.
Fonctionnement
Comme nous l’avons noté plus haut, il est apparu qu’un grand nombre d’organismes participaient à
ce processus. Ils ont mentionné l’efficacité des mesures de soutien du conseil scolaire dans la mise en
œuvre des approches intégrées, la méthode de résolution de problèmes, l’existence d’une vision
commune, l’harmonisation des perspectives des différents professionnels et la capacité des Services
de soutien à l’éducation à travailler en partenariat avec d’autres organismes.
Parmi les obstacles ont été signalés la réticence de certains professionnels à adopter la nouvelle
approche, certains problèmes de communication avec les autres membres de l’équipe, le manque de
soutien apporté au personnel dans la mise en œuvre des nouvelles méthodes de travail, le manque de
responsabilités accordées aux professionnels et d’informations susceptibles de les aider à prendre les
décisions nécessaires. Le manque de temps à consacrer à la réflexion sur les méthodes de travail à
adopter et leur efficacité a également été cité comme un obstacle.
Les relations entre les partenaires ont été décrites comme étant « de qualité ». Il existe une mise
en commun des informations, une base de connaissances commune, n’excluant cependant pas la
spécificité du travail de chacun. Il en résulte une conception de l’aide au client fondée sur la collaboration et un mode de résolution des problèmes ayant recours, autant que nécessaire, à des ressources
externes comme celles présentes au sein de la communauté. Le plan de gestion individualisée tient
compte du point de vue des clients.
207
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
Effets
L’approche en collaboration a permis d’améliorer l’efficacité des services et les relations entre les
professionnels, elle a fait évoluer les systèmes et le mode de vie des clients, permis la création d’un
environnement de travail plus encourageant et la prise de conscience de l’intérêt, pour la qualité et la
diversité des services, de l’utilisation d’un ensemble de stratégies communes. Par ailleurs, à l’avenir,
elle devrait permettre d’optimiser encore l’efficience des services, de réduire les changements de
personnel et le gaspillage. L’objectif n’est pas de travailler plus, mais de travailler mieux.
Les difficultés de communication et de gestion du personnel ont constitué la principale conséquence négative et imprévue de l’approche intégrée. Par exemple, trouver le temps de communiquer
et d’organiser la coopération, avec le travail supplémentaire que cela représente, et faire face à des
situations conflictuelles et des clients difficiles, plutôt que de les éviter, constituaient de nouveaux
défis à relever.
Les informations relatives aux actions décidées en commun, aux études démographiques, à la
gestion individualisée des dossiers et aux réunions concernant chaque cas, ainsi que les rapports
d’avancement des activités, sont conservés dans les fichiers centraux du conseil scolaire et dans les
dossiers informatisés des élèves. Ces données sont transmises à d’autres prestataires, sur autorisation
du client. La confidentialité ne pose pas de problème majeur.
Pour les élèves, l’approche intégrée se traduit par de meilleures connaissances générales, la
capacité de résoudre des situations conflictuelles et de communiquer. On peut également mentionner
une expérience sociale différente, qui se traduit par une meilleure acceptation des élèves en difficulté
par leurs condisciples, un plus faible niveau de marginalisation, d’isolement et d’abandon de la
scolarité.
Rôle des orthophonistes au sein de l’équipe de services aux élèves
Contexte
208
Les orthophonistes rattachés au ministère de la Santé et des Services communautaires font partie
des Services de soutien à l’éducation. Ils ont une mission d’évaluation et d’accueil (consultation et
intervention directe) des élèves ayant des difficultés à communiquer. Ces services sont destinés aux
élèves du primaire. Certains services s’adressent néanmoins aux enfants d’âge préscolaire, d’autres aux
élèves du secondaire. Ils prennent la forme de consultations et d’une planification avec les enseignants
et les parents, d’un travail direct avec les élèves qui ont des problèmes de communication et d’actions
de prévention telles que la formation des enseignants en cours d’emploi et l’éducation des parents. La
plupart de ce travail est réalisé au sein des établissements scolaires, souvent en collaboration avec les
enseignants et les services spécialisés de soutien à l’éducation. Pour les élèves présentant des
handicaps sensoriels, il est fait appel, si nécessaire, à des infirmiers de santé publique, des ergothérapeutes et des kinésithérapeutes. Le travail des orthophonistes est aujourd’hui beaucoup mieux coordonné qu’auparavant. Leurs principaux partenaires au sein des écoles sont les professeurs consultants,
qui abordent les problèmes les plus complexes. L’orthophoniste fait le lien entre les enseignants et la
famille pour les cas moins graves.
En janvier 1997, les orthophonistes ne dépendront plus des services de soutien à l’éducation et
passeront sous la tutelle de régions rattachées au ministère de la Santé et des Services sociaux et
gérées par les centres hospitaliers régionaux. L’objectif à long terme est de mettre en place un
ensemble intégré de ressources communautaires et de services de réadaptation, incluant ergothérapie,
kinésithérapie et orthophonie. La consultation et la collaboration continueront à faire partie de la
gestion interdisciplinaire des services fournis directement aux enfants au sein du système scolaire
public.
Intégrer tous les services nécessaires à l’enfant dans sa vie quotidienne semble essentiel pour
répondre de façon globale à l’ensemble de ses besoins et permet une certaine cohérence entre les
services fournis dans le milieu scolaire et en dehors. L’objectif est de faire en sorte que la thérapie
s’intègre aussi naturellement que possible au quotidien de l’enfant.
Partie I : CANADA
Input
Les demandes de mise en place de partenariats émanent directement du ministère de la Santé et
des Services communautaires ainsi que du conseil scolaire. Un soutien a été apporté au développement de l’aptitude des professionnels au travail d’équipe.
Fonctionnement
Les dossiers sont gérés (en coordination), les objectifs identifiés et les réunions organisées au sein
de l’école. Dans certains établissements scolaires, l’attention portée à la collaboration permet d’accroı̂tre la somme des compétences du personnel. Cependant, le manque de temps à consacrer à la
coordination se révèle un obstacle.
Les méthodes de travail évoluent en fonction des besoins. Les programmes définis avec les
parents, les élèves et les enseignants évoluent et peuvent être de type général ou spécifique à
l’enfant. Le degré de participation de la communauté est faible.
Effets
L’approche intégrée permet surtout de définir des programmes beaucoup plus pragmatiques,
réalistes et fonctionnels, qui peuvent contribuer à généraliser le processus d’acquisition des connaissances. Des données sont rassemblées sur chaque cas, avec une évaluation et des conclusions, sur
papier ou sous la forme d’archives informatiques, réalisées par le bureau de l’arrondissement scolaire
ainsi que par les écoles, afin d’élaborer les programmes individualisés. Une copie du dossier est
fournie aux parents et les informations sont partagées avec d’autres organismes. La confidentialité est
une question importante, même si les informations sont souvent communiquées de façon informelle.
Établissement d’enseignement secondaire de premier cycle de Woodstock : le point de vue
d’une école
Contexte
La zone de couverture de l’école est une région rurale composée de foyers dont le revenu est
relativement faible. L’étude a porté essentiellement sur un élève en particulier. Outre les enseignants,
celui-ci reçoit le soutien d’un professeur consultant, d’un professeur auxiliaire, d’un conseiller, d’un
coordinateur de l’enseignement en coopération, d’un tuteur et d’un inspecteur de site. Le tuteur et
l’inspecteur de site apportent à l’élève une aide et un soutien amical. Si ces acteurs ont chacun un rôle
différent à jouer, en revanche, tous sont favorables au travail d’équipe avec les autres services y
compris le personnel du bureau de l’arrondissement scolaire. Ils ont souligné que les méthodes de
travail sont différentes des dispositifs préalables, qui étaient davantage axés sur des services individualisés. La personnalisation de l’enseignement est aujourd’hui devenue une pratique courante alors
qu’auparavant, tous les élèves suivaient le même programme.
Les personnes interrogées – un inspecteur de site relevant du ministère de la Santé et des
Services communautaires, un tuteur dont l’activité est financée par le programme pour la communauté
indienne, un conseiller d’orientation, un coordinateur de l’enseignement en coopération, un professeur
consultant et un enseignant (tous rémunérés sur le budget de l’éducation) – représentaient un large
éventail de services. Ce groupe de professionnels, ainsi que d’autres acteurs comme les travailleurs
sociaux, travaillent main dans la main, sous la direction de l’établissement scolaire, pour organiser et
fournir le meilleur ensemble possible de services aux élèves, en mettant l’accent sur les progrès
réalisés aux niveaux éducatif, personnel, social, ainsi qu’en termes de motivation et de perspectives
d’emploi.
209
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
Input
Toutes les personnes interrogées ont confirmé avoir bénéficié du soutien d’un grand nombre de
personnes et d’organismes : hommes politiques, administrateurs, professionnels, entreprises, communauté. Des ressources supplémentaires sont venues s’ajouter sous la forme de personnels de soutien,
d’actions de formation en cours d’emploi pour les enseignants, de financement et de systèmes d’information. Les contraintes financières ont néanmoins constitué un problème, suscitant notamment la
crainte que les postes de professeurs consultants soient supprimés. Les services d’aide professionnelle
ont constitué un lien utile entre les entreprises et les établissements scolaires, et ont aidé à résoudre
les problèmes de confusion survenus à l’origine dans le traitement des demandes d’emploi.
Fonctionnement
En termes de fonctionnement, il est clair que les innovations sont mises en place via la négociation
et le large soutien apporté par différents organismes et la communauté. Les principaux obstacles
rencontrés sont le manque de moyens financiers et les réticences au changement de la part de certains
professionnels. Le recours à des professeurs consultants est un succès. La participation des clients et le
traitement au cas par cas constituent un gage de réussite du processus. Le modèle a tout d’abord été
mis en œuvre selon une approche descendante et a évolué pour intégrer un ensemble d’élèves plus
large, à mesure que des fonds, notamment pour la formation en cours d’emploi, ont été débloqués. Les
organismes ont également pris davantage conscience de la situation.
Effets
D’une manière générale, on a considéré que l’intégration offrait les avantages suivants : une
meilleure compréhension des services et de la mission des autres intervenants, un meilleur niveau de
communication, des résultats scolaires plus satisfaisants, un plus grand respect de soi de la part des
clients, une meilleure efficience, autant de bénéfices confirmés par un travail d’évaluation externe
(Lapointe, 1994). De l’avis général, ces avantages devaient être accompagnés d’une amélioration des
perspectives d’avenir des clients. Parmi les personnes interrogées, certaines ont également mentionné
une plus grande satisfaction personnelle. Les professionnels espèrent que l’échange d’information
s’améliorera de façon à réduire le temps qui doit être consacré à la collecte de ces données. Des
informations sur le besoin et le niveau de formalisme ont été rassemblées. Certaines données étaient
personnelles. D’autres, concernant les programmes personnalisés et les progrès des élèves, ont été
conservées sur disquettes informatiques. La plupart de ces informations pouvaient être partagées, sur
autorisation. La confidentialité a été considérée comme un aspect important, sans que cela soit un
obstacle majeur.
En revanche, l’insertion professionnelle a été considérée comme un problème. Les stages professionnels permettent aux employeurs de connaı̂tre les élèves, ce qui est un point positif. Cependant, si
les entreprises ne prolongent pas leur soutien au-delà de l’école, l’expérience professionnelle des
élèves se dévalorise et ces élèves peuvent rencontrer des difficultés pour trouver un emploi. La
communauté a souvent été moins ouverte sur l’extérieur que les établissements scolaires.
Quelques conséquences négatives ont été mentionnées, telles qu’une tension accrue dans les
relations entre les professionnels et une augmentation du temps nécessaire à la préparation des
professionnels à travailler avec des élèves à risque. Néanmoins, d’une façon générale, les résultats ont
été globalement perçus comme positifs.
Point de vue d’un parent d’élève
210
Un point de vue différent a été exprimé par une mère d’élève. Celle-ci a cité les nombreux services
auxquels elle avait fait appel, expliquant que les nouveaux accords avaient permis une meilleure
collaboration et un plus grand partage de l’information. Elle a également souligné qu’elle avait été à
l’origine d’un grand nombre de réunions pluridisciplinaires, admettant néanmoins avoir été consultée
et bien informée quant à l’organisation des services. Elle estime que les professionnels sont efficaces
Partie I : CANADA
et à l’écoute des besoins. Elle a été consultée par l’école mais pas par les services sociaux sur les
décisions concernant son enfant. Cette procédure lui a permis de mieux connaı̂tre les services disponibles et les démarches à entreprendre pour y avoir accès. Il semble pourtant difficile d’entrer en contact
avec les travailleurs sociaux, en raison de leur charge de travail. Par ailleurs, les familles d’accueil
reçoivent une information insuffisante concernant les enfants qu’ils reçoivent. Il semble que des
ressources gouvernementales supplémentaires soient nécessaires pour optimiser le système. Ces
ressources permettraient d’augmenter les effectifs et d’informer plus amplement les enfants placés et
leurs familles d’accueil.
Conclusion
Les différents professionnels qui composent l’équipe des services aux élèves travaillent ensemble
et avec les établissements scolaires pour développer un système d’aide cohérent, intégrant parents et
enfants, qui semble être très efficace. Les résultats sont positifs : réduction du taux d’abandon de la
scolarité, meilleure qualité des services et plus grand respect de soi de la part des clients. La priorité
de cette nouvelle approche est de répondre de façon globale aux problèmes des élèves et de leur
famille, dans un contexte de réussite scolaire. Les problèmes liés à la mise en place d’une nouvelle
méthode de travail ont été globalement surmontés et le problème de la confidentialité, par exemple,
n’est pas perçu comme une entrave au travail de coordination. Bien qu’il soit difficile de réserver du
temps pour organiser des réunions de planification, tous les professionnels s’accordent à affirmer qu’ils
reçoivent le soutien des administrateurs et hommes politiques locaux et nationaux. Par ailleurs, ils
estiment qu’une approche intégrée constitue un modus operandi plus « intelligent » que les méthodes
fragmentaires utilisées précédemment. Il est à noter que ces changements sont apparus dans le
contexte de réformes visant à intégrer les enfants handicapés et les élèves à risque à l’intérieur du
système scolaire traditionnel, en assurant une transition aussi harmonieuse que possible avec leur
milieu familial.
Services à la petite enfance
Initiative pour la petite enfance et santé scolaire
Contexte et input
Les services de santé publique sont organisés sous la forme d’une association chargée de promouvoir la santé et la prévention des maladies. Elle comprend 14 personnes, réparties dans trois bureaux
de santé publique situés à Woodstock, Perth et Plaster Rock. Un large éventail de services est proposé,
visant à protéger la santé publique, mais une attention particulière est accordée à l’initiative pour la
petite enfance, au programme de santé scolaire, aux services de pédiatrie, et au suivi des maladies
contagieuses.
L’initiative pour la petite enfance s’occupe de la santé prénatale, des visites à domicile des mères
et des bébés, et des consultations médicales pour les jeunes enfants de 3 ans et demi. Elle travaille
d’une façon plus organisée que les services qui l’ont précédée. Ses principaux partenaires sont les
personnels infirmiers de santé publique, les nutritionnistes, les services de santé mentale, la Division
FSSC, les services d’intervention précoce, les services de maternité des hôpitaux, les services intégrés
de garde d’enfants, les médecins, les orthophonistes, les services d’aide au revenu et les 12e et
13e arrondissements scolaires. L’initiative pour la petite enfance a été lancée par des gestionnaires, des
infirmiers et des nutritionnistes pour améliorer le niveau de santé des enfants arrivant au jardin
d’enfants, et sa mise en place a reçu le soutien d’un certain nombre de responsables politiques et
d’administrateurs. Ces derniers ont appuyé le développement de ce programme et ont fourni une
formation en cours d’emploi ainsi que certains équipements.
211
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
Fonctionnement
Les principaux acteurs intervenant dans l’organisation et le processus décisionnel sont les gestionnaires, les administrateurs et les professionnels. Même si les clients participent aux décisions concernant le traitement, leur intervention, ainsi que celle des infirmiers, semble insuffisante. La formation, la
mise en place du Comité consultatif régional de l’initiative pour la petite enfance (qui se réunit
régulièrement pour évaluer la progression de la mise en œuvre de l’initiative et pour favoriser la
collaboration entre les organismes), et le développement de mécanismes de suivi plus adaptés, ont
permis aux infirmiers de repérer plus facilement les enfants ayant de graves problèmes de santé et
d’adresser leurs dossiers aux partenaires appropriés. La formation et une meilleure communication ont
été considérées comme des stratégies efficaces dans la mise en œuvre de l’approche intégrée. Les
obstacles cités sont le manque de ressources humaines et de communication. Le partenariat revêt la
forme de rencontres informelles entre deux parties prenantes ou de réunions communes.
Le programme de santé scolaire est conduit par le Comité de santé scolaire du 12e arrondissement
scolaire, qui veille à la santé des élèves au sein des écoles. Il propose des services infirmiers
traditionnels (informations, conseils et consultations) aux élèves et aux enseignants. Les services de
pédiatrie sont responsables des vaccinations, diffusent une information sanitaire, et contrôlent la
croissance et le développement des enfants de 0 à 16 ans. Dans le cadre de la surveillance des
maladies contagieuses, les personnes porteuses d’une maladie sexuellement transmissible ou de toute
autre maladie de ce type sont informées des risques de transmission.
Effets
L’intégration des services permet l’identification précoce des problèmes de santé et l’envoi des
dossiers aux organismes appropriés, une amélioration des services (de nutrition et d’intervention
précoce, par exemple), un partage des informations et une meilleure communication entre les professionnels, et la tenue d’une base de données plus complète. Les progrès sanitaires et sociaux se
traduisent par de meilleures perspectives d’avenir pour les clients, des bases de données sans cesse
améliorées et le partage des connaissances entre les professionnels. Néanmoins, certains problèmes
ont été cités, dont une augmentation de la charge de travail non compensée par un accroissement des
ressources humaines, et qui se reflète par une augmentation de la pression supportée par les
personnels.
Un formulaire d’évaluation est conservé pour chaque enfant. Un questionnaire de santé est rempli
pour chaque enfant âgé de 3 ans et demi. Il est transmis à l’établissement scolaire avant l’entrée de
l’enfant au jardin d’enfants. Les données sont conservées sous la forme d’un dossier papier et d’un
fichier informatique, et ne sont partagées avec d’autres organismes que sur autorisation. La confidentialité est une question importante et l’information ne peut être transmise sans autorisation que dans le
cas où l’on soupçonne qu’un enfant est victime de mauvais traitement ou de négligence.
Les infirmiers de santé publique estiment que l’approche intégrée a pour principal intérêt que les
clients accèdent « aux avantages qu’ils souhaitaient obtenir ».
Programme d’intervention précoce
212
A l’initiative pour la petite enfance est venu s’ajouter le programme d’intervention précoce
Carelton Victoria Child Development Services Incorporated (CVCDSI). Il s’agit d’un service non statutaire, fondé sur la communauté, qui s’intéresse essentiellement au développement de l’enfant du point
de vue familial. Sa mission est essentiellement préventive, mais une aide directe est également
apportée aux familles. Le service fonctionne à travers des visites à domicile, une évaluation des
besoins, et élabore, conjointement avec la famille et d’autres prestataires de services, un programme
individuel d’aide aux familles. Les visites régulières à domicile permettent d’apporter l’aide nécessaire, d’aider au développement de liens familiaux adéquats, à l’acquisition de connaissances du
système judiciaire, à la gestion des suivis, à l’adaptation du programme individuel d’aide aux familles,
à l’établissement de rapports d’avancement et à la transition du milieu familial vers des structures de
Partie I : CANADA
garde ou l’école. A la demande de la famille, des réunions pluridisciplinaires peuvent être organisées,
s’il semble nécessaire d’assurer une coordination entre les services.
Il s’agit d’un service externe du ministère de la Santé et des Services communautaires, financé à
hauteur de 3 000 dollars canadiens par famille. D’autres organismes peuvent participer au processus, si
la famille est d’accord, mais il n’existe pas de programme commun placé sous la responsabilité
conjointe de plusieurs organismes.
Une coopération dans le domaine de la formation est en train d’être mise au point avec d’autres
organismes. Les infirmiers de santé publique gèrent et conservent les dossiers des familles bénéficiant
de services d’intervention précoce. Tous les dossiers empruntent le même chemin, qui passe par une
évaluation des services de santé publique.
Les infirmiers consultent les écoles dont ils s’occupent et organisent des visites, ils participent aux
réunions du personnel de l’école pour expliquer le rôle des services de santé publique. Bien qu’à
Woodstock, les équipes de santé publique, de santé mentale, d’aide au revenu et la Division FSSC
soient logés dans le même immeuble, il n’existe pas de véritable cohabitation entre eux. A ce jour, les
services de santé publique ont rarement contribué au perfectionnement professionnel d’autres organismes dans les écoles, des services de santé mentale, de la Division FSSC et du service d’aide au
revenu.
Il n’existe pas de formulaire d’inscription commun, mais des statistiques sont disponibles concernant le travail de l’initiative pour la petite enfance. Depuis la mise en place de l’initiative, en décembre
1993, des réunions sont régulièrement organisées avec les autres organismes qui adressent des dossiers aux services de santé publique. Il arrive que ceux-ci, à leur tour, adressent des clients à d’autres
organismes. Il existe, par exemple, un groupe consultatif régional de l’initiative pour la petite enfance
qui comprend des représentants des autres organismes travaillant dans ce sens. Les services de santé
publique constituent le point d’accès unique aux services à l’enfance (sauf en cas de mauvais traitement à enfant ou de négligence) et, sous la tutelle de l’initiative pour la petite enfance, sont chargés de
gérer le dossier de chaque enfant et de sa famille. Il existe des procédures d’organisation, de soumission et de retour d’information aux autres organismes. Des réunions de suivi en commun viennent
d’être mises en place. Cependant, il n’existe pas de structure responsable de l’ensemble des services à
l’enfance et il n’existe pas de projets d’intégration plus poussée.
Conclusion
Les services à la petite enfance et les services sanitaires coordonnent leurs activités avec celles
d’autres services tels que l’éducation, afin d’améliorer le processus d’apprentissage. Certaines
difficultés ont du être surmontées, par exemple l’augmentation de la charge de travail, mais la coordination semble être bénéfique aux clients.
Autres services
Insertion professionnelle
Contexte
L’Access Centre de Woodstock, ouvert depuis 1989, est une petite association spécialisée dans les
services d’orientation et d’aide à la recherche d’emploi des jeunes. Il s’agit d’un service d’intervention
visant essentiellement à supprimer les obstacles spécifiques à l’embauche de certains jeunes et liés à
leur niveau d’éducation, de formation ou d’expérience professionnelle. Le centre conseille les jeunes
en matière d’orientation et propose un large éventail de tests spécialisés visant à évaluer le niveau
d’éducation, l’intelligence, la personnalité, le type de profession à envisager. Il s’agit d’un service
bénévole. Les conseillers élaborent un programme individuel pour chaque jeune et orientent les
clients vers un certain nombre de programmes et services fédéraux, provinciaux, ou encore vers des
associations. Les jeunes sont encadrés par un coordinateur et quatre conseillers, l’un des postes étant
financé au niveau fédéral. Les jeunes sont âgés de 15 à 24 ans, ne sont plus scolarisés, occupent un
213
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
214
emploi précaire ou sont au chômage. La plupart n’ont pas terminé le cycle d’enseignement secondaire.
Ces dernières années, la clientèle a évolué. Auparavant, la moyenne d’âge était moins élevée et les
jeunes avaient poursuivi leur scolarité jusqu’à la classe de seconde. Les besoins sont extrêmement variés. Les jeunes à risque reçoivent généralement peu de soutien de la part de leur famille et
ont souvent des antécédents de délinquance, de consommation de drogue ou d’alcool. Le centre
essaie de leur apporter amitié et aide, met l’accent sur les besoins d’éducation et de développement
personnel, et tente de trouver une autre solution à l’école pour les élèves à risque. Les prestations sont
fournies dans le cadre de rendez-vous ou de consultations de jour.
La Youth Strategy, mise en place au niveau provincial et fédéral, a pris fin en 1995. Les employés
des Access Centres ont été transférés dans des organismes fédéraux ou provinciaux du Développement
des ressources humaines. La Youth Strategy a été remplacée par le Youth Services Partnership, afin de
poursuivre les efforts de collaboration visant à faciliter l’insertion professionnelle des jeunes. A travers
la nouvelle initiative pour l’avenir des jeunes (Youth Futures Initiative), financée par la province, les
jeunes de 15 à 24 ans qui se posent des questions concernant leur avenir sont invités à contacter le
bureau local de développement des ressources humaines du Nouveau-Brunswick. Les conseillers qui
travaillent dans ces bureaux aident les jeunes à accéder aux services et programmes fédéraux et
provinciaux qui leur sont destinés. Le financement accordé au niveau fédéral aux programmes fondés
sur l’école, supprimé en 1995, a été relayé par la province qui, à travers l’initiative pour l’avenir des
jeunes, permet aux arrondissements scolaires de garder un certain nombre de leurs initiatives de
maintien des jeunes à l’école.
Depuis 1989, le centre travaille en réseau avec d’autres services, auparavant fournis par des
ministères partenaires mais dont les clients ne faisaient pas un usage satisfaisant. Les partenaires clés
du centre sont la Division Emploi et Immigration Canada (Développement des ressources humaines) et
le ministère de l’Enseignement supérieur et du Travail, ainsi que le ministère de l’Éducation du
Nouveau-Brunswick, celui de l’Aide au revenu (Développement des ressources humaines NouveauBrunswick) et le ministère du Solliciteur général. Dans une moindre mesure, le ministère de la Santé et
des Services communautaires et le ministère des Affaires gouvernementales travaillent également en
collaboration avec ce centre. Le travail de coopération est tiré par la Youth Strategy du NouveauBrunswick et par les besoins accrus en personnel des ministères directeurs. La mission du centre
consiste à fournir des services mieux adaptés aux jeunes sans emploi et ayant quitté l’école. Ultérieurement, l’initiative Stay-in-School est venue s’associer à ce partenariat, afin d’aider les jeunes à obtenir le
niveau d’éducation, de formation et d’expérience professionnelle indispensable pour accéder au
monde du travail.
L’Access Centre est financé conjointement par le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, et son budget a connu dernièrement d’importantes réductions (plus de 50 pour cent pour le
budget consacré aux services et programmes fédéraux et une baisse plus légère pour le budget
consacré aux programmes locaux). En 1994, le budget total était de 740 000 dollars canadiens. Les
ministères partenaires (Éducation, Aide au revenu et Bureau du Solliciteur général) disposent de
budgets séparés.
L’organisme prend souvent lui-même l’initiative de consulter d’autres agences pour des programmes de fourniture de services, aussi bien au niveau de la conception des programmes que de la
gestion individuelle des dossiers, afin d’optimiser les prestations fournies. Des réunions d’évaluation
sont organisées entre tous les organismes. De plus, les conseillers négocient avec les personnels des
autres agences afin d’obtenir des ressources pour la mise en place des programmes individuels, et
mettent également leurs ressources à la disposition des autres organismes. Les Access Centres disposent de places réservées à leurs clients dans les collèges communautaires. Il existe également un
programme d’insertion professionnelle qui propose aux jeunes d’occuper pendant plusieurs semaines
un emploi rémunéré. Dans le cas de jeunes clients de plusieurs organismes, des réunions sont
organisées pour définir la marche à suivre. Les centres proposent des actions de formation à destination d’autres organismes ainsi qu’aux collèges de la région.
L’Access Centre contribue aux archives informatiques de Fredericton des services provinciaux à la
jeunesse. Il existe également une copie papier des formulaires d’inscription, dont les informations sont
Partie I : CANADA
intégrées à la base de données par l’organisme qui reçoit le client. Le formulaire d’inscription est
propre au centre. Les formulaires des autres organismes sont utilisés lorsque le dossier d’un client leur
est adressé.
L’Access Centre fonctionne avec un comité interdépartemental, le Comité local de gestion et de
prestation des services (LDMC), co-présidé par le directeur du centre local pour l’emploi et par le
proviseur du collège communautaire. Les autres membres sont des délégués des ministères partenaires. Il n’y a pas de réunions régulières entre le personnel du centre et les professionnels des autres
organismes. Des rencontres ont lieu de façon ponctuelle, en fonction des besoins.
L’Access Centre a été choisi comme point d’accès unique aux services d’insertion professionnelle
pour les jeunes en difficulté. Cependant, il existe des variations selon les régions, en raison de conflits
de compétences entre les organismes, de différences dans le style de gestion ou d’un manque de
ressources disponibles. Les services sont plus intégrés dans les grands centres que dans les zones
rurales. A Woodstock, le processus de collaboration et de consultation entre les services n’a jamais
atteint le niveau escompté par la Youth Strategy. L’insuffisance des financements et le type de gestion
adopté ont été cités comme les principaux obstacles à la mise en place d’un point d’accès unique à un
ensemble de services pour les jeunes à risque.
Les Access Centres ont été incités à innover, à se montrer flexibles et non bureaucratiques, ce qui
se traduit par une absence de formalisme, notamment dans les accords passés avec d’autres organismes. A Woodstock, les accords existants ont été maintenus de préférence au développement de
nouveaux dispositifs et de nouvelles méthodes d’intervention.
La Youth Strategy et les services de l’Access Centre sont gérés en commun par les ministères
provinciaux et fédéraux. La fourniture des services est généralement financée au niveau fédéral et
gérée au niveau provincial, mais une collaboration plus grande est nécessaire.
Des allocations de transport sont également fournies par différentes sources et ministères et le
budget opérationnel du Centre est alloué conjointement par des sources fédérales et provinciales.
D’autres financements communs sont consacrés au personnel et aux programmes d’aide.
Input
Le Secrétaire fédéral (Formation et jeunesse) et le Premier ministre du Nouveau-Brunswick ont
soutenu l’approche intégrée. D’autres ministères les ont rejoints, avec un financement supplémentaire
provenant de la Youth Strategy. D’autres programmes ont été mis en place, notamment le programme
de prospection des carrières et préparation à l’emploi. Sa mission consiste à fournir une préparation à
la vie quotidienne, une aide à l’orientation professionnelle et à aider les jeunes à progresser dans leur
parcours scolaire via un programme de financement pour la formation provenant de la Youth Strategy. A
Woodstock, le volet scolaire n’est pas financé au niveau fédéral. Le ministère du Solliciteur général a
reçu des fonds destinés aux détenus, et le ministère de l’Éducation un financement pour les travailleurs sociaux au sein des établissements scolaires. Aujourd’hui, participent également au processus le
ministère de la Santé et des Services communautaires, les services de conseil aux indigènes, les
services de consultation destinés aux toxicomanes et aux alcooliques, et les programmes de maintien
des jeunes à l’école.
Fonctionnement
L’organisation est assurée en grande partie par les ministères directeurs ainsi que par les bureaux
centraux et régionaux. Au niveau local, des comités ont pour mission d’évaluer les propositions soumises par des groupes de gestion ou des équipes de professionnels. Les décisions de financement
relèvent de l’organisme qui reçoit le budget.
Une participation plus importante des organisations privées à but non lucratif destinées aux jeunes
et des travailleurs de terrain au processus décisionnel est souhaitable. De l’avis général, la gestion
n’est pas en adéquation avec les besoins des jeunes tels qu’ils sont répertoriés par les professionnels
de terrain.
215
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
Les stratégies de mise en œuvre englobent une large panoplie d’actions, allant de la consultation
publique à l’utilisation des dossiers d’archives. Le service a été réexaminé et réévalué et des modifications ont été suggérées. Elles sont en suspens jusqu’à la restructuration de la Youth Strategy.
Les stratégies les plus efficaces pour le développement de l’approche d’intégration des services
sont les consultations avec les parties intéressées, les demandes de financement autres que la Youth
Strategy pour des services non fournis précédemment, la promotion, au niveau central et régional, de la
Youth Strategy, et le partage de l’expérience au niveau de la gestion locale.
Parmi les obstacles, on peut citer les méthodes de gestion traditionnelles, la crainte de devoir
partager son pouvoir décisionnel et son champ d’action, les différences au niveau des mandats, et les
divergences d’opinion quant à l’importance de l’éducation pour l’emploi des jeunes.
Les conseillers cherchent à ouvrir des horizons aux jeunes et les encouragent. Ils tirent profit du
partage de l’information avec les autres professionnels et du développement de programmes
individuels.
La communauté et le secteur privé sont favorables à l’intégration mais leur soutien financier est
encore très faible. L’aide prend le plus souvent la forme d’une expérience professionnelle proposée
aux jeunes et de programmes de formation directe, pour lesquels les clients reçoivent une compensation financière.
Effets
L’intégration des services permet de mieux connaı̂tre les besoins des jeunes, de rénover les
services, et de mettre en place une aide à l’éducation plus conséquente. D’une manière générale, on
constate une meilleure compréhension des responsabilités et des contributions des différents ministères. Par ailleurs, certaines approches ont pu être testées et sont aujourd’hui appliquées. Les avantages escomptés sont très divers : une efficacité accrue dans la fourniture des services, une continuité
des services aux clients dans leur transition entre l’école et le monde du travail, la valorisation de la
méthode fondée sur les conseils individualisés, un point d’accès unique pour l’ensemble des services.
Il est également souhaité que l’évaluation des besoins conduise à la conception de programmes
individuels, que les informations relatives au marché du travail permettent d’orienter la formation de
façon cohérente, que moins de jeunes passent entre les mailles du filet, que davantage puissent rester
à l’école et que les conseillers d’orientation soient plus nombreux au sein et hors des établissements
scolaires. Peu de conséquences négatives ont été mentionnées.
L’information des clients est très importante. Les renseignements les plus personnels sont gardés
confidentiels et uniquement archivés sur papier, le reste des informations étant archivées sous la forme
de fichiers informatiques dans le système de gestion informatisée auquel ont accès les directeurs
régionaux et les responsables de l’administration centrale. Des statistiques sont communiquées régulièrement au Comité de gestion (LDMC). La confidentialité est une question cruciale pour les services
de conseil. Cependant, le partage de l’information étant l’une des caractéristiques de la Youth Strategy,
le problème ne se pose pas.
Les résultats de cette nouvelle approche au niveau de la clientèle sont très divers. Les cinq
dernières années ont été marquées par une transition d’une situation caractérisée par un haut niveau
de scolarisation et un faible niveau de services voués à la formation et à l’emploi, vers un plus grand
nombre de clients ayant suivi une formation mais nécessitant des services d’aide à l’emploi. Ainsi, il
semble que les jeunes obtiennent le niveau de qualification, de formation professionnelle et les
conseils d’orientation professionnelle nécessaires pour accéder à l’emploi. Néanmoins, les résultats
actuels en terme d’emplois ne sont pas satisfaisants, dans la mesure où les services d’aide de
Woodstock ne sont pas adaptés dans ce domaine. Cependant, les nouveaux clients sont le plus souvent
envoyés par les jeunes eux-mêmes, ce qui constitue sans doute la preuve de la réussite du Centre.
Probation
216
Le programme de probation prend la forme d’une association provinciale statutaire, basée à
Woodstock. Le service de Woodstock représente 6 pour cent des prestations du programme sur
Partie I : CANADA
l’ensemble de la province, avec un budget annuel de 180 000 dollars canadiens. Le bureau de
probation aide la justice en menant des enquêtes, en produisant des rapports écrits et en assurant
l’exécution des décisions judiciaires. Le conseil et la surveillance des clients font également partie des
services offerts et peuvent se faire à domicile.
Le service de probation consulte le ministère de la Santé et des Services communautaires, le
service de santé mentale, les écoles, les foyers d’accueil, ainsi que l’Access Centre, pour faire exécuter
les décisions de justice ou formuler des recommandations pour sanctionner tel ou tel délit. C’est donc
le service de probation qui conduit ces activités. Il existe peu d’interactions avec les autres services en
termes de formation et de partage de l’information. Des réunions sont périodiquement organisées avec
d’autres prestataires comme les Access Centre. Le ministère de la Santé et des Services communautaires participe également au processus. Il met à disposition des foyers d’accueil pour les jeunes
placés en milieu ouvert. Les clients bénéficient des services d’autres organismes, notamment des
services de santé mentale, des écoles, du ministère de la Santé et des Services communautaires et des
Access Centres. Les autres ressources ne sont pas partagées de façon permanente mais peuvent être
utilisées lorsque le besoin s’en fait sentir. Des réunions de suivi sont également organisées de façon
ponctuelle.
Ces réunions et la communication accrue aident à la mise en place des services intégrés. Cependant, la résistance de certains responsables, notamment au niveau du centre de santé mentale, qui ne
souhaitent pas fournir de services aux délinquants, fait naı̂tre l’idée d’une fourniture en double de ces
services. Quoi qu’il en soit, les organismes coopèrent les uns avec les autres, on note une amélioration
de la qualité des services, de la communication et des relations entre les professionnels, ainsi que du
partage des compétences et de l’efficience.
Quelques problèmes de confidentialité existent, mais ils ne sont pas insurmontables. Néanmoins,
certains organismes sont très attachés à leur territoire d’action, ce qui peut parfois générer des conflits.
Les dossiers des clients sont conservés sur papier et comportent les informations relatives à
l’environnement familial, aux antécédents médicaux, à la scolarité, à l’emploi, à la consommation de
drogue, à la situation financière et aux antécédents judiciaires. Ces informations sont partagées selon
les besoins.
Les clients mis à l’épreuve semblent réagir de façon positive, bien qu’il n’existe pas d’informations
statistiques à ce propos. Selon le personnel interrogé, la plupart des jeunes ne récidivent pas.
CONCLUSION
La province canadienne du Nouveau-Brunswick a pris conscience que les autorités chargées de
l’éducation ne pouvaient pas, à elles seules, garantir la réussite scolaire des élèves à risque. Une
approche holistique a donc été mise en œuvre, regroupant un grand nombre d’acteurs, notamment les
services de l’éducation, de la santé, de la protection sociale, de l’aide au revenu et de la recherche
d’emploi, ainsi que des ressources locales et fédérales, dans le cadre d’efforts concertés en faveur des
enfants d’ âge pr éscolaire, des enfants d’ âge scolaire et des jeunes en phase d’insertion
professionnelle.
A Woodstock, du moins, cette évolution permet de faire évoluer les méthodes de travail des
services, en encourageant une plus grande réaction vis-à-vis des besoins des élèves et des familles.
Administrateurs, professionnels, parents et élèves reconnaissent généralement l’efficacité de cette
initiative. Cependant, il est évident qu’il reste beaucoup à faire, en particulier pour faire participer plus
pleinement la communauté, notamment à travers la création d’opportunités d’emplois. Des services
d’aide compétents destinés aux écoles, aux enseignants, aux élèves et aux familles ont fait leur
apparition, via un modèle de résolution des problèmes qui repose sur le partage de l’information et
des compétences, en vue d’atteindre les objectifs définis.
Il est clair que des réformes aussi étendues et efficaces sont le fruit d’un engagement collectif – législateur, décideurs, hommes de terrain, associations – et durable. La réussite de l’intégration
scolaire des élèves présentant des incapacités est directement le résultat de cette approche, qui
pourrait donc servir à lutter plus généralement contre l’exclusion sociale.
217
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
RÉFÉRENCES
DILWORTH, C., SANFORD, S. avec la participation de CHRISTIE, M. et QUIGG, D. (1994), Services de soutien à
l’éducation (SSE), Phase I : projet d’évaluation ; Section II : relevé du nombre de cas, Division de la Planification et
de l’Évaluation, ministère de la Santé et des Services communautaires, Nouveau-Brunswick.
DINGWALL, A. (1994), communication personnelle.
LOI SCOLAIRE DU NOUVEAU-BRUNSWICK (1973), R.S.N.B, Nouveau-Brunswick.
LOI SUR LES SERVICES A LA FAMILLE (1973), élargie en 1995, R.S.N.B, Nouveau-Brunswick.
LAPOINTE, R. (1994), Services de soutien à l’éducation (SSE), Projet d’évaluation, Phase II : perception de l’efficacité,
Division de la planification et de l’évaluation, ministère de la Santé et des Services communautaires, NouveauBrunswick.
MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES COMMUNAUTAIRES (1993), Sommaire des initiatives pour la petite
enfance, travail en collaboration entre la Division des Services médicaux et de l’hygiène publique et la Division de la famille
et des Services sociaux, ministère de la Santé et des Services communautaires, Nouveau-Brunswick.
MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES COMMUNAUTAIRES (1994), « Services destinés aux adolescents à
risque (STAR) », projet de normes, Division famille et services sociaux communautaires (FSSC) du ministère de la
Santé et des Services communautaires, Nouveau-Brunswick, document ronéotypé.
NOUVEAU-BRUNSWICK (1984), « Document de travail sur les services de soutien à l’éducation, Cabinet de la
réforme gouvernementale », Nouveau-Brunswick (cité dans Nouveau-Brunswick, 1993).
NOUVEAU-BRUNSWICK (1993), Support Services to Education – Programme Service Standards, ministère de l’Éducation/
ministère de la Santé et des Services communautaires, Student Services Branch (Division anglophone), NouveauBrunswick, septembre.
PLUMMER, G. (1992), « Stratégie jeunesse/L’école avant tout » (bilan), ministère de l’Éducation (Division anglophone),
Nouveau-Brunswick, document ronéotypé.
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RANKINE, F. et PLUMMER, G. (1990), « Youth strategy activities », ministère de l’Éducation (Division anglophone),
Nouveau-Brunswick, document ronéotypé.
SYSTÈME RPSS (1992/93), Statistiques du programme de la Division famille et services sociaux communautaires.
WOODSTOCK (1991), « Weighing the options : students at-risk and school success, School Districts 28 and
29 dropout research study », Woodstock, Nouveau-Brunswick, document ronéotypé.
WOODSTOCK (1992), « Schooling and at-risk youth : Strategies and actions », Summary report on recommendations
from six seminars on the educational issues related to students at risk, School Districts 28 and 29 Woodstock
N.B. and School Districts 30 and 31 Perth-Andover, N.B, Woodstock, Nouveau-Brunswick, document ronéotypé.
218
4
ÉTATS-UNIS
Les études de cas qui suivent décrivent des exemples des meilleures pratiques dans le domaine
des services intégrés au Missouri, à New York et en Californie. L’accent est mis sur des programmes
locaux ciblant les enfants à risque.
Les États-Unis sont un cas intéressant à analyser car le gouvernement fédéral, les autorités des
États et les organisations communautaires participent tous à l’élaboration de programmes intégrés.
Dans la mesure où les études de cas américaines se penchent sur les services intégrés dans différents
États et différentes municipalités, le gouvernement fédéral, qui chapeaute l’ensemble, n’est pas pris en
compte avec autant d’attention. En effet, son action est analysée à part, dans un autre document
intitulé Des services efficaces pour les enfants et familles à risque (OCDE, 1996). Cependant, afin de placer les
initiatives des autorités des États et locales dans un contexte national plus large, la présente contribution décrira brièvement les mesures fédérales destinées à promouvoir l’intégration des services pour
les enfants à risque.
Depuis plus de 30 ans, le gouvernement fédéral met en œuvre des mesures qui encouragent,
directement ou indirectement, l’intégration des services. Ces dernières années, plusieurs grands programmes ont été introduits en vue de promouvoir l’intégration dans les différents États américains (de
plus en plus autonomes). Ainsi, le Programme Empowerment Zone and Enterprise Community a été
lancé en 1993 dans le but de revitaliser les communautés via la création d’emplois. Pour pouvoir
bénéficier d’un financement dans le cadre de ce programme, les communautés doivent présenter un
plan d’amélioration des conditions socio-économiques locales qui repose sur la participation d’un
vaste ensemble d’organisations et d’individus, et notamment les autorités des États et les autorités
locales, les milieux d’affaires et les établissements financiers, les groupements de proximité et les
résidents. Les fonds (environ un million de dollars au total) versés aux Empowerment Zones et aux
Enterprise Communities retenues peuvent être consacrés à la prévention et au traitement de l’alcoolisme et de la toxicomanie, à la formation et l’emploi des adultes, à des dispositifs encourageant l’accès
à la propriété ou encore à des services extrascolaires fournis par des organisations d’intérêt collectif.
C’est également en 1993 que le gouvernement fédéral a introduit le programme de préservation et
de soutien de la famille (Family Preservation and Family Support) afin d’inciter et de permettre aux
autorités des États de créer, de développer ou de faire fonctionner des services encourageant et aidant
les familles à risque ou en crise à rester ensemble. Une enveloppe budgétaire de 900 millions de
dollars sur cinq ans a été accordée à cet effet. Le ministère de la Santé et des Affaires sociales a
toutefois promis de fournir un financement supplémentaire, dont le montant est laissé à sa discrétion,
aux autorités des États et aux communautés qui intègrent des services d’obstétrique, de consultation
infantile et de santé mentale dans leurs programmes de soutien et de protection des familles, et donc
encouragent l’intégration des services.
En 1994, la Loi Goals 2000 a été adoptée aux États-Unis. Elle définit, pour la première fois, des
normes nationales fondées sur le libre choix concernant le contenu des programmes scolaires et les
résultats dans le domaine éducatif. Goals 2000 encourage l’intégration en indiquant qu’il faut impérativement élaborer des programmes d’amélioration de l’école au niveau des États, en créant un vaste
groupe de travail spécialement à cet effet, constitué du Gouverneur et de l’administrateur général des
établissements d’enseignement au niveau des États, des personnels de l’éducation, à tous les niveaux,
de représentants des parents et des communautés, ainsi que des représentants des autorités des États
et des autorités locales chargées notamment de la santé et des services sociaux. De plus, ces
219
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
programmes d’amélioration doivent décrire des mécanismes permettant de coordonner la réforme
scolaire et les programmes d’ouverture de l’école sur le monde du travail et de formation professionnelle, ainsi que des stratégies destinées à accroı̂tre la participation de la communauté.
Enfin, la Loi École-entreprise, promulguée en 1994 et appliquée conjointement par les ministères
de l’Éducation et du Travail, vise à promouvoir des partenariats entre les établissements d’enseignement, les entreprises et d’autres structures afin de faciliter la transition de l’école à la vie active. Au
niveau des États, le Gouverneur, l’administrateur général des établissements d’enseignement au
niveau des États et les responsables des organismes publics chargés de la formation professionnelle,
de l’emploi, du développement économique, de l’enseignement complémentaire et d’autres domaines
connexes sont tenus de collaborer dans le cadre de la planification et de l’élaboration d’un dispositif
école-entreprise.
Les études de cas qui suivent exposent certains aspects de la législation fédérale (y compris ceux
qui viennent d’être décrits), même si toutes les références seront résolument ancrées dans le contexte
des activités au niveau des États ou des municipalités.
220
Partie I : ÉTATS-UNIS
MISSOURI
L’INTÉGRATION DES SERVICES PAR LE BIAIS D’UN PARTENARIAT
ENTRE LE SECTEUR PUBLIC ET LE SECTEUR PRIVÉ
par
Philippa Hurrell et Richard Volpe
INTRODUCTION
Les États-Unis sont une démocratie libérale avec une idéologie populaire dominée par les notions
d’intervention limitée de l’État, de liberté individuelle et d’autosuffisance. Ce type particulier de
libéralisme marque profondément les institutions américaines et joue un rôle important dans la
définition de la fourniture de services sociaux, sanitaires et éducatifs aux États-Unis. Plus spécifiquement, il aboutit à des services caractérisés par une faible participation de l’État fédéral et des États et
une participation significative des organismes privés. L’individualisme libéral américain a également
créé une société dans laquelle opportunités et « réussite » cohabitent avec aliénation et « échec ». Dans
ces conditions, comme dans le reste du monde, il existe un fossé considérable, qui ne fait que se
creuser, entre les riches et les pauvres. En 1990, plus de 20 pour cent de tous les enfants américains
vivaient dans la pauvreté. Aujourd’hui, un très grand nombre d’enfants continuent de vivre dans des
situations « à risque », menacés par des problèmes qui vont de la sous-alimentation à la violence des
gangs et la toxicomanie.
C’est en s’inscrivant dans un tel contexte que le présent document examinera les initiatives prises
par les autorités locales et de l’État du Missouri pour fournir des services éducatifs, sanitaires et sociaux
« intégrés » aux enfants et aux jeunes à risque ainsi qu’à leurs familles. De nombreux pays de l’OCDE
considèrent l’intégration comme la stratégie la plus efficace pour répondre aux besoins des enfants tout
en réduisant les coûts de la fourniture. Ce rapport aura pour objectif principal d’étudier par des
exemples le fonctionnement des meilleures pratiques dans l’intégration des services, les barrières qui
font obstacle à une coopération efficace et la manière dont se concrétisent les efforts d’intégration. Ce
rapport se concentre sur les initiatives prises par l’État du Missouri et les autorités locales dans
lesquelles la collaboration avec les autres organismes, les entreprises ou la communauté revêt une
importance certaine.
INITIATIVES DE L’ÉTAT DU MISSOURI
Le Family Investment Trust est au premier plan des efforts déployés par le Missouri pour promouvoir l’intégration des services et constitue la principale voie de réforme du système.
Créé en 1993 par décret (executive order) du Gouverneur du Missouri, ce trust est un partenariat
mi-public mi-privé entre des fonctionnaires et des responsables du secteur privé chargés de mettre en
place des systèmes de fourniture de services éducatifs, sanitaires et sociaux au sein de la communauté
et permettant d’obtenir des résultats positifs et mesurables pour les familles et les enfants du Missouri.
Le Gouverneur a choisi de ne pas placer ce Trust sous la tutelle du gouvernement de l’État du Missouri
afin qu’il survive aux changements de majorité politique. Siègent au conseil d’administration du Trust
quatre hauts fonctionnaires de l’État du Missouri : les directeurs des ministères de l’Éducation primaire
et secondaire, de la Santé, de la Santé mentale et des Services sociaux ainsi qu’un groupe de chefs
221
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
d’entreprises et de personnalités de la société civile. En s’ouvrant à des fonctionnaires haut placés, le
Trust espère faciliter la coopération entre les organismes de fourniture des services ainsi que des
stratégies de financement visant à satisfaire aux besoins de la communauté.
Le Trust a pour mission de susciter trois types de changements :
– changer la manière dont les organismes répondent aux besoins des familles par la promotion du
recours aux services préventifs axés sur les familles ;
– changer la manière dont les décisions sont prises par la promotion d’un processus décisionnel
de type participatif au niveau local, avec participation des secteurs public et privé ;
– changer la manière dont l’argent est dépensé par la promotion du recours aux « dollars flexibles »
pour améliorer les revenus des familles et réduire les tracasseries administratives qu’entraı̂ne le
financement par les pouvoirs publics.
Ce Trust élabore à l’heure actuelle une stratégie de fonctionnement à l’échelle de l’État du
Missouri et un plan d’application de la législation fédérale sur la préservation et le soutien de la
famille. Le principal objectif est de mettre en place un cadre visant à améliorer le revenu des familles,
à identifier et promouvoir des stratégies de fonctionnement en collaboration et à développer les
capacités au niveau de la communauté.
Sur deux ans, quatre fondations ont versé au total près de 1 million de dollars pour le lancement
de ce Trust. Bien qu’opérant à l’échelle de l’État du Missouri, ce Trust passe par divers organismes
locaux de planification et de décision.
Le Family Investment Trust est l’un des premiers catalyseurs du changement au niveau de l’État.
Cependant, des actions dynamiques visant à améliorer les services éducatifs, sanitaires et sociaux sont
également engagées au niveau local et au niveau des communes. Kansas City constitue peut-être
l’exemple le plus important pour les activités au niveau des municipalités. Depuis cinq ans, cette ville
déploie en effet tous ses efforts pour parvenir à son objectif déclaré de « réinventer le gouvernement »
par diverses initiatives.
INITIATIVES MUNICIPALES : KANSAS CITY
LINC
A Kansas City, la Commission locale des investissements (Local Investment Commission – LINC)
constitue le principal moteur de la réforme des services éducatifs, sanitaires et sociaux. Il s’agit d’un
groupe de chefs d’entreprise et de personnalités de la société civile, de professionnels des services
sociaux, de participants à ces services et de simples citoyens chargés par le ministère des Services
sociaux du Missouri de superviser la réforme du système de fourniture de services sociaux de la ville.
Désignée en novembre 1992, cette commission (ou son comité de gestion) se compose de 23 profanes
d’horizons très divers. Elle est épaulée dans sa mission par un « cabinet » composé de 15 professionnels lui apportant ses compétences techniques pour tous les aspects du système. Cette commission
s’est dotée de sept groupes de travail chargés de planifier la réforme dans les domaines de l’aide aux
enfants et aux familles, de la santé, de la réforme de la protection sociale, des services para- et
périscolaires, du logement et de la sécurité, des entreprises et du développement économique et des
personnes âgées.
222
LINC a pour ambition de créer une communauté ouvrant aux enfants et aux familles de véritables
possibilités de parvenir à l’autosuffisance, de réaliser leur potentiel et de contribuer au bien-être
collectif. LINC considère qu’elle doit jouer un rôle moteur et inciter la communauté de Kansas City à
créer le « meilleur système » pour venir en aide aux enfants et à leurs familles, « faire en sorte que le
système soit responsable de ses actions » et « changer l’attitude du public vis-à-vis du système »
(Missouri Department of Social Services, 1994a, p. 1). Ses responsables sont persuadés qu’il faut tendre
Partie I : ÉTATS-UNIS
vers un système à la fois intégré et géré à l’échelon local. Le système que LINC envisage pour Kansas
City se caractérise par :
– une large palette de services de prévention, de traitement et de soutien accessibles et fournis
dans le cadre d’une structure administrative avec un système conjoint de gestion des cas et de
sélection des bénéficiaires ;
– des méthodes garantissant que les services adéquats sont dispensés et ajustés à l’évolution des
besoins des familles ;
– une concentration sur la famille dans son ensemble comme participant, ressource et alliée du
système ;
– des efforts pour donner aux familles les moyens de l’autosuffisance dans une atmosphère de
respect mutuel ;
– une insistance sur les besoins des participants, les valeurs de la communauté et l’obtention
d’améliorations mesurables pour les enfants et leur famille ;
– des mécanismes de financement flexibles permettant une utilisation des ressources propre à
satisfaire aux besoins des participants.
Le directeur du ministère des Services sociaux du Missouri, Scott Best (pseudonyme), ayant fait de
la Commission un « agent de l’État », LINC est habilitée à œuvrer à la réalisation de ces objectifs. Pour y
parvenir, LINC recourt essentiellement à une stratégie de collaboration qui regroupe les partenaires au
sein de la communauté pour élaborer des objectifs communs, planifier et mettre en œuvre conjointement les services, évaluer les procédures et services nouveaux, mettre en commun leurs ressources
pour favoriser l’innovation, traiter les problèmes communs et déléguer la responsabilité de chacun
pour les résultats de leurs efforts conjoints.
La Commission a défini des grands principes pour orienter les travaux des groupes de travail. Ces
groupes ont pour mission de développer des recommandations spécifiques pour la réforme de la
fourniture des services. Leurs objectifs sont à l’heure actuelle les suivants :
– Aide aux enfants et aux familles : Développer un système d’aide sociale à l’enfance intégré et fourni
par une équipe dirigeante locale efficiente, résoudre le problème des ressources et mettre en
place une structure de fourniture opérationnelle.
– Santé : Faire le bilan du système actuel de fourniture de soins de santé pour identifier les
populations non desservies et les obstacles à la fourniture des services, et concevoir un système
efficace de fourniture de soins de santé pour les populations pauvres ou menacées par la
pauvreté.
– Réforme de la protection sociale : Développer un modèle d’autosuffisance de nature à être élargi,
œuvrer à la diffusion des réussites avérées des programmes FUTURES et FUTURES CONNECTION et maximiser les opportunités présentées par l’initiative « Communautés du XXIe siècle »
(21st Century Communities) (voir ci-dessous pour une description des programmes FUTURES et
Communautés du XXIe siècle).
– Services sociaux para- et périscolaires : Évaluer les besoins en vue de définir la base de la conception
des services sociaux et médicaux pouvant être fournis aux enfants et à leurs familles de manière
efficiente et accessible via le système scolaire existant.
– Logement et sécurité : Développer des stratégies visant à accroı̂tre l’offre de logements confortables, financièrement abordables et sûrs, améliorer la sécurité dans les quartiers et appuyer le
volet logement de l’initiative « Communautés du XXIe siècle ».
– Entreprises et développement économique : Identifier les entreprises ayant la volonté de créer des
emplois et de développer des opportunités de carrière dans les quartiers relevant de l’initiative
« Communautés du XXIe siècle ».
223
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
– Personnes âgées : Développer un système d’aide aux personnes âgées, et, si nécessaire, de
fourniture de soins de qualité dans des établissements spécialisés. Aider les familles et les
proches à créer un environnement attentif et sûr pour les personnes âgées.
Si la collaboration constitue une caractéristique définitoire de LINC, le charisme de ses responsables a joué un rôle de poids dans sa création et continue de déterminer dans une large mesure son
succès. Scott Best, directeur des Services sociaux, et Harry Hamilton (pseudonyme), homme d’affaires
en vue de Kansas City, sont les deux figures clés du développement de LINC. Harry Hamilton a apporté
le concept LINC et Scott Best l’a officiellement mandaté pour lancer la réforme. Ces deux hommes
œuvrent sans relâche à sa promotion. Ils sont les deux moteurs de LINC sans lesquels Kansas City
n’aurait pas connu de réforme de fond. Ils mettent tous deux à profit leur pouvoir considérable pour
amorcer le changement en vue d’un avenir meilleur.
La rhétorique qui préside au développement de LINC est spectaculaire et enthousiasmante. Les
ouvrages sur LINC mentionnent « une révolution tranquille mais saisissante dans l’administration des
services sociaux », « une reconnaissance inédite du fait que la ville peut détenir elle-même la capacité
de résoudre ses problèmes », et « une nouvelle ère dans laquelle les ressources publiques sont un
catalyseur pour un changement radical, orienté vers l’avenir » (Missouri Department of Social Services,
1994b, p. 1). Cette approche dynamise et motive les responsables administratifs des services sociaux,
les prestataires et la communauté.
« Communautés du XXIe siècle »
L’une des principales attributions de LINC consiste à gérer l’initiative « Communautés du XXIe siècle », à savoir une approche globale, sur dix ans, du développement des communautés urbaines à bas
revenu. Un groupe de planification composé de représentants de trois groupes de travail LINC
(Réforme de la protection sociale, Logement et sécurité, et Entreprises et développement économique) est chargé de l’élaboration du programme.
Kansas City est le premier site pilote pour cette initiative. Elle sera mise en œuvre par des
partenariats avec les pouvoirs publics, le secteur privé et les organismes communautaires opérant au
niveau local. Les programmes qui ont d’ores et déjà des succès à leur actif, comme Head Start,
FUTURES et FUTURES CONNECTION, ainsi que les services responsables de l’application de l’aide à
l’enfance, seront regroupés dans le cadre de nouvelles initiatives dans les domaines de la création
d’emplois, des compléments de salaire, des compétences professionnelles, de la disposition à
l’apprentissage pour les enfants et du soutien aux familles et au quartier.
Dans la perspective de la mise en œuvre de l’initiative « Communautés du XXIe siècle », une
demande spéciale de dérogation fédérale a été déposée auprès du ministère de la Santé et des
Services éducatifs, sanitaires et sociaux. Cette demande de dérogation vise à :
– autoriser l’utilisation des subventions versées au titre de l’aide aux familles avec des enfants à
charge (Aid to Families with Dependent Children – AFDC) à des fins de complément de salaire
pour une durée pouvant aller jusqu’à quatre ans ;
– autoriser les participants bénéficiant de compléments de salaires à accumuler un patrimoine
pouvant s’élever jusqu’à 10 000 dollars pendant ces quatre années, qui seront destinés à des
usages spécifiques, par exemple les études des enfants ou le lancement d’une entreprise ;
– autoriser les participants bénéficiant de compléments de salaire à continuer de percevoir des
avantages non salariaux, par exemple Medicaid, et des prestations pour la garde des enfants,
pendant une durée pouvant aller jusqu’à quatre ans (cette mesure est considérée comme
importante dans le cas des emplois ne fournissant pas de couverture) ;
– autoriser les parents à recevoir des allocations familiales et à obtenir les prestations maximales
lorsqu’ils occupent un emploi ouvrant droit à un complément de salaire.
224
L’octroi par le gouvernement fédéral de cette dérogation est vital pour la réalisation de l’objectif
de redynamisation des communautés économiquement désavantagées. Il importe de noter que cette
Partie I : ÉTATS-UNIS
dérogation a été obtenue par les efforts (nécessairement) résolus de Scott Best, directeur des Services
sociaux.
Les activités proposées dans le cadre de cette initiative relèvent des grands domaines suivants :
– Création d’emplois : Cette initiative vise à créer de nouveaux emplois dans les entreprises qui
recrutent, qui seraient sinon parties s’installer à l’étranger, pour mettre en place des activités
implantées dans la communauté. Un plan de complément de salaire par lequel les employeurs
reçoivent une subvention couvrant la différence entre le salaire qu’ils versent et celui qu’ils
verseraient s’ils étaient installés à l’étranger, permet aux personnes recrutées de percevoir un
salaire acceptable et constitue une incitation à l’embauche. Les salariés y gagnent car ils
continuent de bénéficier des prestations pour la garde des enfants et des prestations de santé
que l’on perd normalement lorsqu’on est embauché. Pour éviter que les employeurs ne fassent
une utilisation abusive de ces salaires subventionnés par l’État, les emplois avec complément
de salaire sont conditionnés par la garantie des emplois non subventionnés qui donnent lieu à
des salaires « normaux ». A cet égard, il convient de souligner que, dans la mesure où les salaires
minimaux sont si faibles aux États-Unis, de nombreuses personnes occupant un emploi à temps
plein vivent dans la pauvreté. Cette initiative a également pour ambition de fournir une formation aux techniques de gestion des entreprises et un parrainage aux personnes qui souhaitent
créer leur propre affaire.
– Formation professionnelle : Cette initiative a pour objectif de fournir des cours théoriques et une
formation professionnelle de préparation à l’emploi. Ces activités seront coordonnées avec les
programmes existants tels que ceux proposés par FUTURES et dans le cadre de la Loi sur le
partenariat pour la formation professionnelle (Job Training Partnership Act).
– Éducation : Cette initiative mettra en place une stratégie globale pour faire en sorte que tous les
enfants soient en état d’apprendre lorsqu’ils entrent à l’école. Elle se concentrera sur les causes
évitables de la diminution des capacités d’apprentissage, par exemple l’insuffisance pondérale
à la naissance, l’exposition prénatale aux stupéfiants ou à l’alcool et la malnutrition, et sur les
dépistages préventifs et les vaccinations. Cette initiative veillera également à mettre en place
une gestion globale des cas afin de fournir une palette de services aux familles ayant des
besoins multiples. En outre, elle fera en sorte que les écoles locales, les programmes Head Start
et l’initiative Parents as Teachers constituent un réseau intégré apportant des services complets
de développement pour les enfants d’âge préscolaire et scolaire.
Le programme « Communautés du XXIe siècle » comprendra un volet d’évaluation important, destiné à déterminer avec certitude l’ampleur de ses effets. Une partie tierce, indépendante, évaluera son
impact sur la population, les entreprises et l’infrastructure communautaire et procédera à une analyse
des coûts par rapport aux avantages du point de vue des participants, des pouvoirs publics et des
contribuables. Cette évaluation sera de type longitudinal.
Comité consultatif FUTURES pour Kansas City
Les efforts déployés pour « réinventer » le gouvernement à Kansas City ont en fait débuté en
juillet 1989, lorsqu’un groupe de citoyens engagés et de représentants d’organismes locaux a élaboré,
sous la houlette de Heart of America United Way, des recommandations pour l’application des dispositions de la réforme de la protection sociale contenues dans la Loi de 1988 sur l’aide aux familles. Deux
années plus tard, en janvier 1991, le ministère des Services sociaux du Missouri a chargé le Comité
consultatif FUTURES pour Kansas City de mettre en œuvre cette réforme. Ce comité a été invité à
concevoir et superviser l’application du programme de formation « Opportunités d’emplois et compétences élémentaires » (« Job Opportunities and Basic Skills » – JOBS), instauré par la loi sur l’aide aux
familles, dans les trois comtés autour de Kansas City. En pratique, FUTURES constitue l’initiative « JOBS
pour le Missouri », avec pour objectif premier d’aider les personnes à parvenir à l’autosuffisance
économique.
Fait significatif, c’est le succès du comité consultatif de FUTURES qui a conduit Scott Best, directeur du ministère des Services sociaux, à croire qu’une organisation plus étendue, consacrée à la
225
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
226
coopération entre le secteur public et le secteur privé, avait toutes les chances de fonctionner. C’est à
partir de cette idée qu’a été créée LINC, qui incarne nombre des principes et méthodes de travail du
comité consultatif. Une fois LINC mise sur pied, le rôle du comité consultatif a été intégré à celui du
Comité de réforme de la protection sociale de LINC (qui travaille également à l’initiative « Communautés du XXIe siècle »). LINC est ainsi devenue le « bébé » qui s’est développé à partir de
« l’embryon » qu’était le comité consultatif FUTURES.
Les clients exclusifs du programme FUTURES sont les membres adultes des familles qui reçoivent
l’aide aux familles avec des enfants à charge (AFDC). Ce programme leur propose des cours et des
formations professionnelles pour les préparer à l’emploi. Il fonctionne grâce à la coordination entre
différents organismes publics opérant au niveau de l’État – dans les domaines de l’action sociale, de
l’éducation primaire et secondaire, des relations entre partenaires sociaux, du développement économique et de la santé mentale – qui gèrent des différents volets du programme. Les cours habituels sont
des cours d’éducation élémentaire pour adultes, des cours d’anglais langue étrangère, des cours
d’éducation post-secondaire, de la formation professionnelle, de la formation de préparation à
l’emploi, de l’aide à la recherche d’emploi, de la formation en entreprise, des expériences de travail
communautaire et des expériences du monde du travail non conventionnel. Afin de lever les obstacles
à l’application des programmes, les participants sont en droit de recevoir une aide de base, concernant
par exemple la garde de leurs enfants, les transports, les frais engagés pour la formation et le
programme Medicaid.
Le programme FUTURES pour Kansas City compte parmi les nombreuses initiatives JOBS qui ont
été mises en œuvre dans tous les États-Unis. Cependant, il présente ses caractéristiques propres et se
décrit lui-même comme « un écart par rapport à la manière dont l’État du Missouri gère les programmes
éducatifs, sanitaires et sociaux mandatés au niveau fédéral ». Ce programme présente les caractéristiques énoncées ci-après.
Participation de la communauté : Contrairement à bon nombre de programmes FUTURES, ce programme est destiné à favoriser la participation de la communauté locale et du secteur privé. Il est
« géré localement » et a été qualifié de « réponse de la base aux pouvoirs publics à la réponse des
pouvoirs publics à la base » (Missouri Department of Social Services, 1994c, p. 1). En d’autres termes, il
représente l’engagement de la communauté aux objectifs fixés par les pouvoirs publics et la volonté
des pouvoirs publics de déléguer certaines de leurs attributions à la communauté. Ce programme a été
élaboré par six sous-comités, présidés par les membres du comité consultatif mais comprenant également des représentants du secteur privé et du secteur public apportant des compétences spéciales.
Approche de la fournitures de services : Ce programme applique des principes spéciaux à la fourniture
des services sociaux. Ces valeurs ont été communiquées au personnel de la division des services
familiaux (ministère des Services sociaux) qui met en œuvre ce programme et qui constitue un
partenaire important au niveau de l’État pour la fourniture des services. Les personnes chargées de la
gestion des cas sont appelées « avocats » et les destinataires des services sont les « participants ». Ces
appellations rendent le jargon de la fourniture de services sociaux moins péjoratif et plus facilement
acceptable, alors qu’à l’échelle nationale, le recours aux services sociaux est mal considéré. Ce programme utilise également un système particulier de gestion des cas, conçu par l’Université du Kansas,
et que l’on appelle « modèle des points forts ». Ce modèle se concentre sur les points forts et les
objectifs des participants dans tous les aspects de leur vie. Les services sont fournis localement, dans
un cadre convivial accessible aux participants, qui n’ont plus besoin de se rendre dans des administrations éloignées de leur domicile (et souvent intimidantes).
Collaboration : Le programme FUTURES de Kansas City insiste sur la collaboration avec les partenaires du secteur public et du secteur privé. Des partenariats spéciaux ont été mis en place avec les
organismes suivants : le Conseil pour le plein emploi, les programmes Adult Basic Education (éducation élémentaire pour les adultes) dans quatre districts, Employment Security (sécurité de l’emploi), le
Centre de bilan professionnel et de planification des carrières (Career Exploration and Assessment
Centre – Penn Valley Community College) et le réseau pour l’emploi des femmes (Women’s
Employment Network). Par leur participation à un sous-comité spécial, ces organismes ont pris part à
l’élaboration initiale du programme et continuent de contribuer à son amélioration. Ce programme
Partie I : ÉTATS-UNIS
essaie de tirer parti de leurs services plutôt que de les dupliquer, et de combler toutes les lacunes
dans leur fourniture. L’augmentation du nombre des cours d’éducation élémentaire pour les adultes,
avec des ateliers sur l’éducation des enfants, l’autonomie dans la vie quotidienne, la planification des
carrières et les conseils de consommation, en constitue un exemple type.
Participation du secteur privé : Le secteur privé est bien représenté au sein du comité consultatif et de
ses sous-comités. La décision de l’Assemblée générale du Missouri de sous-traiter de nouveaux
services plutôt que d’élargir les services existants a encouragé, et même nécessité, la participation du
secteur privé. En conséquence, le comité consultatif a rendu public un « appel à candidatures » et
adjugé des contrats de « direction des programmes FUTURES complets » à cinq organismes privés.
Cette mesure visait à mettre au banc d’essai la « privatisation » d’un programme jusqu’alors géré par
l’État. La rémunération de ces organismes est fonction des résultats, et les performances sont comparées à celles des programmes administrés par l’État du Missouri.
Programme axé sur les résultats et la responsabilité : Outre les mesures des résultats commandées par le
gouvernement fédéral, qui portent sur les taux de participation et les catégories de personnes servies,
Kansas City a défini des mesures supplémentaires réalisées pour son propre compte. Ces mesures
portent sur les résultats scolaires, les pourcentages de formations menées à terme, les taux de salaires
de ceux qui trouvent un emploi et le nombre des personnes qui conservent leur emploi. En 1994, le
gouvernement du Missouri a commandé une analyse statistique des résultats pour les participants de
FUTURES (Missouri Department of Social Services, 1994d). Cette analyse a permis de déterminer que la
participation au programme FUTURES augmentait les chances pour les individus de ne plus avoir
besoin de l’AFDC pendant au moins douze mois. Le comité consultatif a également commandé une
évaluation des procédures afin de définir les moyens d’améliorer le programme.
Le succès, largement reconnu, de l’approche adoptée par Kansas City pour le programme
FUTURES se reflète dans la reproduction de nombre de ses innovations dans tout l’État du Missouri.
Cette attitude témoigne de la volonté du gouvernement de cet État de tirer les enseignements au
niveau local et d’implanter ailleurs les « bonnes idées ».
Le Partenariat pour les enfants
Contrairement à LINC, à l’initiative « Communautés du XXIe siècle » et à FUTURES, qui sont par
essence des initiatives du secteur public avec une forte participation du secteur privé, le Partenariat
pour les enfants (Partnership for Children) est avant tout une initiative du secteur privé. Développé par
Heart of America United Way et la Greater Kansas City Community Foundation, ce programme de dix
ans, mis en place en 1991, vise « à améliorer les conditions de vie des enfants en mobilisant les
personnalités disposant d’un certain pouvoir au sein de la communauté et en leur demandant d’œuvrer
en leur nom » (Partnership for Children, 1993, p. 1). Le comité directeur du Partenariat pour les enfants
est composé de représentants des conseils d’administration des deux organismes qui lui ont donné le
jour, ainsi que des représentants de la communauté.
Chaque année, afin de stimuler l’action communautaire, le Partenariat produit un bulletin annuel
sur la situation des enfants dans l’agglomération de Kansas City. En 1993-94, ce bulletin a attribué la
note D+ à Kansas City (qui correspond à « gravement insuffisant »), soit une stagnation par rapport à
1992. Cependant, il a également fait état d’une forte réaction de la communauté suite au bulletin publié
pour l’année 1992, ce qui a provoqué des améliorations dans certains domaines clés tels que les
vaccinations, la garde des entants et la pauvreté.
L’un des éléments les plus importants de ce bulletin annuel est le tableau récapitulatif des
performances de l’agglomération de Kansas City dans chacun des quatre domaines de référence :
sécurité, santé, éducation et adolescents. Ce tableau indique les notes pour 1992 et 1993-94 dans
chacun de ces domaines et les tendances sur les cinq dernières années, des comparaisons avec la
moyenne nationale et les résultats obtenus par rapport aux objectifs fixés pour l’an 2000 (lorsqu’ils sont
disponibles). Le tableau 1 fournit des informations immédiatement parlantes, et remplit donc bien la
fonction pour laquelle il est conçu : « informer les citoyens sur les besoins des enfants ».
227
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
Tableau 1.
Récapitulatif des performances de l’agglomération de Kansas City pour les enfants à risque
(Partnership for Children, 1993, p. 12)
Tendance
sur cinq ans
Moyenne
nationale
% de réalisation
des objectifs
pour l’an 2000
Sécurité
Délinquance avec violence
Mauvais traitement à enfant et négligence
Aide aux familles avec des enfants à charge
Aggravation
Incomplète
Incomplète
Pire
Pire
ND
ND
ND
ND
Santé
Premiers soins prénataux
Insuffisance pondérale à la naissance
Mortalité infantile
Vaccinations
Programme pour les femmes, les bébés et les enfants
Amélioration
Stabilisation
Amélioration
Incomplète
Incomplète
Mieux
Pire
Mieux
Pire
ND
Dans
Dans
Dans
Dans
ND
Éducation
Disposition à la scolarité
Résultats scolaires
Études secondaires menées à terme
Réussites post-secondaires
Incomplète
Amélioration
Aggravation
Incomplète
ND
Mieux
Mieux
ND
Incomplète
ND
Dans les 11-24 %
ND
Adolescents
Naissances
Alcoolisme et toxicomanie
Homicides
Aggravation
Amélioration
Aggravation
Pire
Pire
ND
Dans les 25-49 %
Plus de 74 %
ND
Catégorie
les
les
les
les
10 %
25-49 %
25-49 %
50-74 %
Note : ND = Données non disponibles pour les États-Unis ou les objectifs pour l’an 2000.
Incomplète = données non disponibles pour l’agglomération.
C’est en collectant ce type de données détaillées sur l’agglomération de Kansas City que le
Partenariat pour les enfants est parvenu à obtenir un soutien significatif de la part de la communauté. Il
importe de souligner que cette tâche a été facilitée par le sens exacerbé de la communauté et de la
responsabilité collective qui prévaut à Kansas City, bien qu’il s’agisse d’un milieu urbain.
INITIATIVES MUNICIPALES : ST LOUIS
Les efforts de la municipalité pour intégrer les services éducatifs, sanitaires et sociaux sont bien
moins développés à St Louis qu’à Kansas City. En réalité, aucun de ces efforts n’a été porté à notre
attention. L’un de nos interlocuteurs a attribué cette absence à la nature plus conservatrice de St Louis
et du moindre intérêt dont témoignent ses milieux d’affaires à l’égard d’une participation aux services
sociaux fournis par le secteur public.
L’administration des services intégrés
Afin d’étudier la nature de la stratégie mise en place dans le Missouri, cette étude de cas s’est
concentrée sur LINC, soit le moteur de l’organisation des services éducatifs, sanitaires et sociaux à
Kansas City. Il s’agit peut-être aussi du meilleur exemple de collaboration entre secteur privé et
secteur public dans le Missouri pour répondre aux besoins des enfants et des familles à risque. Nous
avons évoqué plus haut la structure et les objectifs généraux de LINC, et les paragraphes qui suivent
fournissent davantage de détails, particulièrement en ce qui concerne les procédures qui ont permis le
succès du fonctionnement de LINC.
L’instauration de LINC
228
LINC a été instaurée grâce à la collaboration de deux personnalités importantes au sein de la
communauté : Scott Best, pour le secteur public, et Harry Hamilton, pour les milieux d’affaires. Au cours
Partie I : ÉTATS-UNIS
des phases initiales, ces deux hommes ont œuvré sans relâche à la promotion du concept de LINC et à
l’obtention de la participation du secteur privé.
Scott Best estimait que les services sociaux publics devaient jouer un rôle central dans la coordination des services sociaux privés, mais aussi leur apporter un soutien financier. Il estimait également que
la communauté devait jouer un rôle dans les prises de décisions stratégiques. Dans ses efforts pour
l’instauration de LINC, il a considérablement insisté sur la participation des entreprises, pensant que
s’il parvenait à obtenir que ces dernières consacrent du temps à ce projet et le soutiennent, « l’argent
suivrait ». Pour y parvenir, il a appelé les entreprises à l’improviste et a été accueilli par une volonté
générale de coopérer. Son tour de force a été de convaincre les propriétaires d’une importante
entreprise locale de participer. On considérait que ces deux hommes « avaient le bras long » et
« savaient prendre les choses en mains ». La mise en place de LINC n’a pas été facile. Pour réaliser son
objectif, Scott Best a dû opter pour une démarche très politique, il a « pris des coups » et a dû admettre
les conséquences juridiques des actions en lesquelles il croyait. Il a également encouragé les autres à
partager ses convictions par des descriptions et des discours persuasifs sur ce que LINC devait être.
L’un de nos interlocuteurs nous a par exemple raconté que Scott Best avait l’habitude de déclarer
« notre défi, c’est d’être suffisamment audacieux, notre défi, c’est de prendre des risques ». Mentionnant les qualités de meneur d’hommes de Scott Best, ce même interlocuteur nous a indiqué qu’il
« avait de l’entregent », « savait très bien mettre les choses en perspectives » et « se trouvait au bon
endroit au bon moment ».
Harry Hamilton, septuagénaire, est président de sa propre société. C’est lui qui a imaginé de faire
participer la communauté à l’organisation des services sociaux, et, comme Scott Best, il a joué un rôle
moteur dans le développement de LINC. Pour convaincre les entreprises de participer au projet, il a su
tirer parti de sa position dans la communauté et du respect qu’il inspirait. Il avait aidé plusieurs
personnes à se sortir de situations difficiles, et a donc pu demander « qu’on lui renvoie l’ascenseur ». Il
a contacté les entreprises pour leur présenter le projet LINC. En conséquence, plusieurs personnalités
des milieux d’affaires font aujourd’hui partie du conseil d’administration des organismes concernés et
prennent leur mission très à cœur. Harry Hamilton considère que leur participation relève d’un
altruisme authentique : « Ils ne pensent pas à ce qu’ils peuvent en retirer, mais à ce qu’ils peuvent
apporter à la communauté ». Il interprète également cette participation en termes éthiques : « il faut
être au-dessus de la mêlée » et « faire ce qui est bien moralement ».
L’une des principales préoccupations de Harry Hamilton consistait à instaurer de bonnes relations
avec les autres organismes. Il ne voulait pas que LINC soit considérée comme un nouveau venu
importun. Il a donc également présenté son projet à divers organismes, y compris la puissante United
Way, en insistant sur le fait que LINC souhaitait collaborer avec eux, ne créerait pas de nouvelles
agences et ne devait pas être considérée comme un concurrent. En conséquence, LINC a été acceptée
presque immédiatement, mais, comme Harry Hamilton avait l’habitude de dire, c’était parce qu’il avait
fait « son travail ». Il a également établi des contacts avec des groupes au sein de la communauté pour
les encourager à participer au projet. La communauté hispanique de Kansas City, dans un premier
temps plutôt surprise d’être sollicitée, constitue un exemple type. En effet, l’un de ses membres a
déclaré « après toutes ces années passées sans nous adresser la parole, pourquoi nous parler maintenant ? ». Harry Hamilton a réussi à surmonter ce scepticisme de départ, et la communauté hispanique
est aujourd’hui représentée au sein de la commission.
Ressources
LINC est à la tête d’un budget total de 273 millions de dollars, comprenant à la fois les fonds
fournis par l’État fédéral et ceux alloués par l’État du Missouri. Cet argent provient de nombreuses
sources différentes, posant diverses conditions pour son utilisation. Cependant, LINC s’efforce d’accroı̂tre la flexibilité dans l’affectation des fonds, ce qui devrait se répercuter sur le budget 1995. Les
ressources financières considérables de LINC sont complétées par le travail bénévole que réalisent de
nombreuses personnes appartenant à la communauté au sein de ses groupes de travail.
229
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
Structure et procédures mises en œuvre par LINC
L’organigramme de LINC est habituellement appelé le « mille-pattes ». La commission, qui chapeaute la hiérarchie, est composée de divers représentants de la communauté. Intentionnellement, la
commission ne compte aucune figure politique, pour éviter les perturbations liées aux changements de
majorité politique et les prises de décisions motivées par le clientélisme. Un cabinet de professionnels, qui sont consultés régulièrement, travaille en étroite collaboration avec la commission. Comme
nous l’a dit l’un de nos interlocuteurs, « dans une certaine mesure, les profanes ne comprennent pas
bien comment le système fonctionne », par conséquent, ils ont besoin de l’avis d’un expert pour
orienter leur décision. Cependant, le fait que la commission reste strictement composée de non
professionnels est considéré comme essentiel car il évite les rivalités liées aux intérêts des différentes
disciplines.
Les activités dans les domaines spécifiques sont réparties en sept grands groupes de travail. Dès
le début, ces groupes ont eu toute liberté pour faire « quelque chose de différent », aussi rapidement
qu’ils le souhaitaient. Si ce degré de liberté a nécessité certains « ajustements pénibles des mentalités », certains des groupes de travail ont été rapides comme l’éclair, et d’autres ont fait des avancées
significatives.
Facteurs favorisant la collaboration
La collaboration a été facilitée par le fait que de nombreuses personnes affectées aux services
sociaux de LINC avaient travaillé ensemble pendant 15 ou 20 ans. Si Kansas City est surtout un centre
urbain, la mobilité professionnelle y est relativement faible dans de nombreux secteurs. Par conséquent, les services sociaux y favorisent des relations proches de celles que l’on peut observer dans une
grande famille.
Résultats
Selon Harry Hamilton, LINC a de nombreuses réalisations à son actif : le personnel affecté aux
services sociaux a « déployé ses ailes », « les fers ont sauté » et « il s’est libéré ». Les aspects politiques
de l’organisation des services ont été supprimés, et une « véritable gestion communautaire » s’est
imposée. Les autres États témoignent d’un vif intérêt pour l’approche LINC, qui devrait être bientôt
reprise à Kansas City, cette fois dans le Kansas.
A ce jour, les résultats de LINC n’ont fait l’objet d’aucune évaluation formelle, même si une telle
évaluation s’avère nécessaire. D’après nos contacts informels, il est clair, cependant, que LINC est
parvenue à motiver et insuffler de l’enthousiasme dans la gestion des services sociaux de l’État du
Missouri.
INTÉGRATION DES SERVICES POUR LES ENFANTS D’ÂGE PRÉSCOLAIRE
New Start (Kansas City)
Situation générale
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New Start a été développé par la Child Development Corporation (KCMC) qui est le bénéficiaire
du programme Head Start à Kansas City. A la différence des programmes Head Start qui proposent des
services à la demi-journée, New Start propose des services de garde d’enfants toute la journée et toute
l’année. En partenariat avec d’autres organismes, par exemple FUTURES et le Conseil pour le plein
emploi, il propose également des services éducatifs et d’emploi pour les parents. Ont droit à ce
programme les familles à bas revenu qui travaillent, qui étudient ou qui prennent part à un programme
de formation professionnelle. Il a pour objectif d’aider les familles à parvenir à l’autosuffisance par un
emploi adéquat.
Partie I : ÉTATS-UNIS
Les sources de financement
Les premiers fonds débloqués pour le programme New Start ont été apportés par diverses
sources, fédérales, de l’État du Missouri et privées, y compris le Bureau fédéral des services pour le
développement humain (US Office of Human Development Services), le ministère des Services sociaux
du Missouri, KCMC, la Greater Kansas City Community Foundation et la Hall Family Foundation. Les
fonds privés ont été consacrés à la formation du personnel, au recrutement d’un avocat spécialisé dans
les affaires familiales et à la modernisation du centre d’apprentissage pour les enfants à l’aide d’un
équipement à la pointe de la technique. Actuellement, le financement est assuré par Head Start, le
ministère des Services sociaux et les parents.
Procédure de fourniture des services
Le Goppert Child Development Centre, à Kansas City, est l’un des organismes qui fournissent les
services de New Start. Ce centre propose un service de garde et un service éducatif de grande qualité
pour les enfants entre 6 h 30 et 18 h 00 (avec un maximum de dix heures par jour et par enfant). Le petit
déjeuner, le déjeuner et le goûter sont offerts gratuitement à tous les enfants et un large éventail de
services sanitaires, de soins dentaires et de santé mentale (dépistages, vaccinations et autres soins)
sont également mis à leur disposition. Les parents sont incités à participer autant que possible aux
activités éducatives, qui comprennent également des sorties au musée, au théâtre et au zoo. Ils sont
également invités à apporter leur contribution à la planification des activités pédagogiques lors des
réunions mensuelles des parents. Un avocat spécialisé dans les affaires familiales, qui a également une
connaissance du travail social, est disponible pour aider les familles qui ont des problèmes d’ordre
pratique, et, le cas échéant, les diriger vers les services compétents. Cet avocat peut également puiser
dans un petit budget pour acheter de menus articles susceptibles d’améliorer la situation des familles :
par exemple un réveil pour que les parents puissent arriver à l’heure au travail, ou encore de la lessive
pour permettre à une mère de laver les vêtements que son enfant porte à l’école.
Le centre Goppert peut offrir 100 places du programme New Start aux enfants défavorisés. Les
enfants inscrits doivent respecter un taux d’assiduité d’au moins 85 pour cent. Selon l’un de nos
interlocuteurs, la fréquentation de ce centre est très satisfaisante et ce programme remporte un vif
succès auprès des parents, qui se sentent concernés et apportent souvent une aide bénévole.
FUTURES offre une éducation pour adultes aux parents qui demandent l’AFDC (aide sociale). La
plupart des parents travaillent en autodidactes, guidés par un enseignant pour adultes, pour préparer
leur GED (General Educational Development Certificate, équivalent d’un diplôme de fin d’études
secondaires). Les parents qui étudient plus de 20 heures par semaine ont droit à une prime hebdomadaire de 25 dollars. En moyenne, 15 à 16 adultes suivent ce programme chaque jour, et parmi eux, 9 ou
10 ont des enfants qui participent au programme New Start. Nombreux sont les parents qui apportent
ponctuellement une aide au personnel qui s’occupe de leurs enfants au rez-de-chaussée.
FUTURES collabore également avec le Conseil pour le plein emploi afin de fournir aux parents une
formation professionnelle adéquate et des conseils sur le monde du travail. Chaque adulte est mis en
contact avec un avocat de FUTURES, possédant une expérience du travail social, qui rencontre les
parents toutes les semaines pour discuter des problèmes et donner des conseils. Ils bénéficient
également d’une formation dans le cadre du « modèle des points forts » évoqué plus haut.
Comme le programme New Start, FUTURES remporte un grand succès, et de nombreux parents se
sont inscrits sur les listes d’attente. Grâce à la collaboration entre New Start et FUTURES, les parents
ont le temps d’étudier et d’obtenir leur GED pendant que les enfants sont occupés ailleurs. Les
témoignages de deux participants à FUTURES, reproduits ci-dessous, soulignent les avantages, mais
aussi les inconvénients, de ces programmes.
Anita et Thomas (pseudonymes) : Anita, 24 ans, est une célibataire de race noire mère de trois enfants
âgés de 16 mois, 4 et 5 ans. Thomas, l’enfant qui a quatre ans, suit le programme New Start, l’aı̂né vit
dans un autre district et le plus jeune est gardé par sa grand-mère. Anita n’a pas obtenu son GED. Elle
a quitté l’école à 15 ans, et est au chômage. Avec l’aide de FUTURES, elle essaie d’avoir le GED afin
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COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
d’être mieux qualifiée pour trouver du travail. Le fait de percevoir une allocation chômage la gêne et
elle veut s’en sortir aussi rapidement que possible. Son fils Thomas souffre de troubles de la parole qui
nécessitent un traitement.
Anita suit désormais régulièrement le programme FUTURES. Elle apporte également sa contribution au programme New Start en participant à des réunions de parents et en proposant son aide pour
les sorties éducatives. Grâce à New Start, Thomas est traité par un orthophoniste.
Anita est très satisfaite de cette disposition qui lui permet de s’instruire dans une partie du
bâtiment pendant que son fils est gardé dans une autre partie. Elle trouve ce système très pratique
même si elle estime qu’il pourrait être amélioré par un élargissement des services de garde aux
nourrissons. En effet, pour le moment, elle doit faire garder le sien ailleurs. Son avocat l’a considérablement aidée, notamment pour la planification de son avenir et pour lui permettre de retrouver son
amour-propre. Thomas est également très content de fréquenter le centre.
Carla et Naomi (pseudonymes) : Carla, 25 ans, est aussi une célibataire noire mère de trois enfants âgés
de 2, 3 et 7 ans. La fillette âgée de 3 ans, Naomi, suit le programme New Start. Carla a quitté l’école à
18 ans car elle était enceinte, n’a pas obtenu son GED et est actuellement au chômage. Cependant,
grâce à FUTURES, elle a l’intention d’avoir le GED et de suivre ensuite une formation d’infirmière.
Contrairement à Anita, Carla voit rarement son avocat et reçoit peu de conseils. Cependant, elle
apprécie le service de garde des enfants et estime que sa fille est contente et en profite. Elle est moins
satisfaite des cours de préparation au GED, qu’elle juge trop longs.
Évaluation du programme
Une évaluation des trois premières années du programme New Start, achevée en 1993, démontre
« sans ambiguı̈té l’impact de New Start en tant que prestataire de services de garde d’enfants d’excellente qualité, appropriés au bon développement de l’enfant et conçus pour les préparer à l’école tout
en apportant un considérable soutien aux familles ». Cette évaluation a permis de découvrir que grâce
aux services de garde en journée complète, les parents amélioraient leur productivité, pouvaient
travailler plus longtemps et ramener des revenus plus élevés à la maison.
Parents as Teachers (St Louis)
Situation générale
L’initiative Parents as Teachers (PAT) est un partenariat « maison-école-communauté » conçu pour
apporter aux parents, entre le début de la grossesse et le cinquième anniversaire de l’enfant, des
informations et un soutien afin que ces enfants puissent prendre le meilleur départ possible dans la vie
(Parents as Teachers National Center, 1993a, p. 2). Lancé en 1981 dans le Missouri, ce programme, se
fonde sur l’idée selon laquelle les premières années de la vie sont déterminantes pour la réussite
scolaire, et que les parents, qui sont les premiers enseignants des enfants, jouent un rôle crucial dans
leur développement. Cette initiative s’inscrit souvent dans le cadre des programmes préscolaires plus
larges, tels que Head Start, ou dans un ensemble plus vaste de services d’aide familiale.
Cette initiative s’appuie sur le bénévolat et est accessible aux parents de toutes les catégories
sociales : « les riches et les pauvres », comme l’a indiqué l’un de nos interlocuteurs. Il s’agit notamment
d’éviter le traumatisme que suscitent souvent les services visant des catégories particulières de la
population. Une enquête a récemment démontré que sur tous les participants au programme PAT,
36 pour cent étaient des familles avec des revenus réduits et 14 pour cent des familles de parents
adolescents (Parents as Teachers National Center, 1993b).
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Le principal objectif de ce programme consiste à donner aux parents les moyens d’élever leurs
enfants afin qu’ils aient de bons résultats scolaires, d’améliorer la confiance des parents concernant ce
qu’ils peuvent faire pour leurs enfants et d’améliorer les relations parents-enfants et les relations au
sein de la famille. Ce programme fonctionne dans tout le Missouri, même si son centre national est
situé à St Louis.
Partie I : ÉTATS-UNIS
Financement et formation
L’initiative Parents as Teachers bénéficie de ressources très diverses, émanant de l’État fédéral,
des États, des fondations et des entreprises. Parmi les organismes qui assurent le financement, citons :
– La Fondation Danforth : elle finance les subventions de collaboration « Ready to Learn » pour onze
programmes PAT. Ces fonds sont consacrés à des projets visant une collaboration interdisciplinaire et une programmation efficace.
– La Fondation Nancy Reagan : elle verse une subvention pour la révision, la mise à l’essai in situ et la
distribution d’un guide intitulé « Teen Parent Supplement of the Parents as Teachers Programme
Planning and Implementation Guide ».
– Le ministère de l’Éducation du Missouri : ce ministère distribue des fonds fédéraux pour la prévention
des problèmes liés à la drogue à un programme de formation qui aide les éducateurs parentaux
à comprendre les besoins des familles touchées par l’alcoolisme ou la toxicomanie.
– Le ministère des Services sociaux du Missouri : ce ministère verse une subvention globale pour la
formation en service des prestataires de services de garde d’enfants à Hollister, Missouri, via le
Parents as Teachers National Center.
– Le ministère fédéral de l’Éducation (réseau de diffusion national) : ce ministère débloque des fonds
fédéraux pour le développement d’un système de collecte des données sur la qualité du
programme provenant des « sites PAT ».
– Le gouvernement fédéral : il verse des subventions pour l’aide aux familles dans le cadre de la
législation sur la préservation et le soutien de la famille. Ces subventions sont gérées par les
organismes d’aide sociale à l’enfance, mais permettent au PAT de collaborer à la fourniture des
services d’aide aux familles. Des subventions fédérales sont également versées au titre de la Loi
Goals 2000.
Le Parents as Teachers National Center, à St Louis, Missouri, constitue le principal organisme de
formation, de recherche et d’élaboration des programmes. Entre autres, ce centre est chargé de
l’agrément des éducateurs parentaux, de l’aide technique, des conférences organisées à l’échelle
nationale, de l’élaboration des programme et du matériel didactique ainsi que de l’adaptation aux
autres organes et aux autres États. La formation est dispensée dans les instituts Parents as Teachers
dans tous les États-Unis et à l’étranger et s’appuie sur le Guide de planification et d’application du
programme PAT, de 600 pages. Ce guide donne des informations sur une vaste palette de sujets :
l’organisation des programmes, les programmes de visite à domicile, les programmes de réunion, les
ressources allouées aux éducateurs pour les parents, les propositions de consignation des résultats et
les projets de formulaires d’évaluation ainsi que les documents distribués aux parents. Une formation
spéciale est dispensée aux éducateurs parentaux qui travaillent avec des parents adolescents ou
d’autres catégories présentant des besoins importants.
Fonctionnement du programme
Les quatre composantes du programme Parents as Teachers sont les visites personnelles, les
réunions de groupe, les bilans de développement et un réseau de ressources.
Les éducateurs parentaux, auxquels le programme PAT dispense une formation spéciale sur le
développement des enfants et la pratique des visites à domicile, rencontrent régulièrement l’enfant et
ses parents, normalement au foyer de l’enfant. La fréquence de ces visites (hebdomadaires, bimensuelles ou mensuelles) varie suivant les besoins et les souhaits de la famille. Les éducateurs parentaux
donnent aux parents des informations personnalisées ainsi que des conseils sur le développement de
l’enfant et l’éducation spécifiquement adaptée au stade de développement de l’enfant. On aide les
parents à comprendre ce qu’ils peuvent attendre de leurs enfants aux différents stades de développement, et on leur enseigne les activités pédagogiques parents-enfants appropriées.
Les réunions de groupe se tiennent en dehors des heures de bureau afin que les parents puissent
partager les réussites et les préoccupations communes concernant le développement et le comportement des enfants et qu’ils puissent bénéficier des conseils supplémentaires du personnel du PAT et
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COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
des intervenants extérieurs. Les activités parents-enfants font également partie intégrante de ces
réunions et visent à renforcer la cohésion familiale. Certains lieux de réunion, dont les écoles et les
centres de ressources aux familles, sont en mesure de proposer en plus une composante « impromptue » qui donne aux parents la possibilité d’utiliser les équipements du site et de rencontrer informellement les autres parents et les éducateurs parentaux.
Les bilans de développement sont réalisés chaque année, dès que l’enfant a un an, pour rassurer
les parents sur le bon développement de leur enfant et pour identifier les problèmes éventuels afin
d’agir à temps. Les parents sont également invités à évaluer en permanence le développement de leur
enfant.
Parents as Teachers aide également les parents à accéder à d’autres services dans la communauté.
C’est ce qu’on appelle le « réseau de ressources », qui relie services éducatifs, sanitaires et sociaux.
Activités de collaboration
Le programme PAT collabore avec de nombreux organismes qui souhaitent adopter son approche
de l’aide aux familles. En partenariat avec le centre national pour l’alphabétisation des familles
(National Centre for Family Literacy) et les services destinés aux enfants de 0 à 3 ans prévus dans le
programme d’éducation familiale et infantile du bureau des affaires indiennes, il assure des visites à
domicile. Le programme PAT fonctionne aujourd’hui dans plus de 20 réserves indiennes. Les éducateurs parentaux, qui sont tous des Indiens de souche, sont incités à procéder aux adaptations culturelles nécessaires des programmes et du matériel didactique PAT. PAT fournit également du matériel
didactique et de formation aux centres de garde d’enfants qui souhaitent utiliser le modèle PAT. En
outre, les fonds mis à disposition par la Fondation AT&T permettent à ce programme d’assurer une
assistance technique sur site et des consultations téléphoniques structurées sur les cinq sites de garde
d’enfants. Autre exemple de cette collaboration fructueuse, le partenariat conclu entre PAT et le
ministère de l’Éducation primaire et secondaire du Missouri, qui a abouti à la mise en place de la
composante de PAT destinée aux enfants de trois à cinq ans. Cette initiative correspond à une
demande des parents, qui réclamaient un soutien pour les enfants au-delà de l’âge de trois ans. Le
programme PAT est également intégré avec le programme FUTURES qui accorde des crédits spéciaux
aux parents participant au PAT.
Grâce aux subventions de collaboration « Ready to Learn » versées depuis 1992 par la Fondation
Danforth, PAT espère accroı̂tre le niveau de collaboration avec les autres organismes. Dans ses propositions initiales concernant ces subventions, il était clair que rares étaient les demandeurs qui connaissaient la signification de « collaboration » :
« L’ensemble des propositions initiales a fait apparaı̂tre que de nombreux candidats n’étaient pas
familiarisés avec le concept de ‘‘collaboration’’ tel qu’il est couramment utilisé dans le domaine
des sciences sociales. Nombre des propositions décrivaient les efforts de ‘‘diffusion’’ ou de
‘‘coopération’’ plutôt qu’une véritable collaboration. Il a été défini que l’octroi de subventions à
des projets prometteurs, suivi par la fourniture d’une assistance technique pendant le processus
de développement, qui pouvait prendre des années, constituerait une occasion d’éduquer les
bénéficiaires sur cette question. En conséquence, plusieurs projets ont redoublé d’efforts pour
atteindre l’objectif d’une collaboration plus complète. »
Les demandeurs retenus pour l’octroi de la subvention ont été invités à rédiger des rapports sur
leurs activités de collaboration. Ces rapports apporteront des descriptions détaillées des différents
modèles de collaboration entre les programmes PAT et les organismes communautaires.
Évaluation
234
En 1985, il est ressorti d’une évaluation indépendante d’un programme pilote regroupant
350 familles du Missouri qu’à l’âge de trois ans, les enfants suivant le programme PAT étaient beaucoup
plus avancés sur des aspects tels que le langage, le développement social, la résolution des problèmes
et autres capacités intellectuelles que les enfants qui n’en bénéficiaient pas. Cette évaluation a
Partie I : ÉTATS-UNIS
également fait apparaı̂tre que leurs parents avaient des attitudes plus positives à l’égard du district
scolaire local.
Une étude de suivi du programme pilote, réalisée en 1989, a démontré que les enfants du
programme PAT en cours préparatoire obtenaient des notes nettement meilleures en lecture et en
mathématiques qu’un groupe témoin. Qui plus est, les parents participant au programme PAT étaient
plus nombreux que les autres à avoir pris contact avec les enseignants et à jouer un rôle actif dans
l’éducation de leurs enfants. Une évaluation supplémentaire, effectuée en 1991, a abouti aux mêmes
résultats.
Dans la mesure où la seule dépense importante du programme PAT est engagée pour rémunérer
les éducateurs parentaux, il s’agit d’une initiative qui revient peu cher tout en étant efficace. Par
conséquent, elle reçoit un soutien considérable de la part de l’État fédéral, des États et du secteur
privé, ce qui lui a permis de passer de quatre sites pilotes dans le Missouri à plus de 1 500 programmes
locaux dans 43 États, et Washington DC. Cette approche a également été mise en œuvre jusqu’à
Ste Lucie (Antilles), au Royaume-Uni, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Cependant, même si elle ne
coûte pas cher, l’insuffisance des fonds disponibles face à la demande élevée provoque l’apparition de
listes d’attente dans la plupart des États.
Le foyer d’accueil d’urgence pour enfants de St Louis
Situation générale
Le foyer d’accueil d’urgence pour enfants de St Louis a ouvert ses portes en 1986, avec pour
objectif premier d’éviter que les parents ne se rendent coupables de mauvais traitement et de
négligence vis-à-vis de leurs enfants. Il s’agit d’un service temporaire destiné aux enfants (de 0 à 8 ans)
de familles en situation de crise, par exemple en cas d’hospitalisation d’un des deux parents,
d’absence de logement ou de violence domestique. Ce foyer accueille les enfants à risque pendant
une durée pouvant atteindre trois jours, est ouvert 24 heures sur 24, sept jour sur sept. Il a une capacité
de neuf places. Ce sont le plus souvent les parents isolés et les familles à bas revenus qui demandent
à ce que leurs enfants bénéficient de ce service.
Ce foyer d’accueil pour enfants comble une lacune évidente dans les services infantiles, et
constitue la seule structure dans la région de St Louis à laquelle les parents puissent volontairement
confier leurs enfants. Plus récemment, il a ouvert deux autres structures, également dans la région de
St Louis. Comme la première, ces deux nouvelles structures sont implantées dans des hôpitaux locaux.
Ce foyer d’accueil pour enfants compte actuellement 36 salariés qui ont une expérience du travail
social, du conseil, de l’éducation de la petite enfance et des enfants présentant des besoins particuliers. Il est dirigé par un conseil d’administration regroupant 23 personnes et composé à la fois de
professionnels et de membres de la communauté. Il comprend également un comité consultatif pour
les parents composé de cinq familles qui ont déjà eu recours à ses services.
Financement et formation
Le foyer d’accueil pour enfants tire son financement de sources variées. Outre les subventions
fédérales et l’aide de United Way, il bénéficie également de fonds versés par diverses fondations et
des personnes privées qu’il sollicite dans le cadre de ses activités permanentes de collecte de fonds. Il
demande également aux parents dont les enfants séjournent au foyer de faire un don de 5 dollars par
jour, même si, dans la pratique, les parents se plient rarement à cette demande. Le Deaconess
Hospital apporte un important soutien non financier en mettant gratuitement à disposition des chambres, des services médicaux et des repas. Le foyer d’accueil pour enfants bénéficie également des
services bénévoles d’infirmiers stagiaires qui fréquentent l’école d’infirmiers toute proche.
D’autres organismes assurent la formation du personnel pour les aspects spéciaux tels que les
interventions en cas de crise, les problèmes de logement et de violence domestique. En outre, il arrive
que le foyer conclue des partenariats avec d’autres organismes pour la mise en place de sessions de
formation communes.
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COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
Fourniture des services
Ce foyer pour enfants fournit une large palette de services, dont un service de garde 24 heures sur
24, des examens médicaux, des bilans de développement, des interventions en cas de crise, des
conseils, des orientations vers d’autres services, des programmes d’éducation parentale et du soutien
de suivi.
Ce sont en général d’autres services qui envoient les parents sur le foyer pour enfants. Il est
fréquent que les parents y soient envoyés par le service des urgences de l’hôpital local pour résoudre
un problème pressant de garde d’enfants pour un patient admis. Le foyer pour enfants refuse les
enfants s’il ne dispose pas de la signature des parents acceptant de placer leur enfant. Cette disposition pose parfois des problèmes lorsque l’hôpital souhaite de toute urgence que l’enfant soit confié à
cette structure et se heurte à la rigidité des règles de consultation parentale préalable à l’admission
définies par le foyer. Il arrive que les travailleurs des services sociaux se heurtent au même problème :
lorsqu’ils essaient de joindre le foyer pour placer un enfant, ils apprennent que ce dernier préfère avoir
affaire aux parents. Ces règles sont strictement respectées pour préserver les droits des parents.
Les réunions avec les parents donnent l’occasion d’élaborer un programme d’objectifs familiaux,
de discuter des problèmes et de suggérer des solutions. Les parents sont souvent orientés vers
d’autres organismes qui peuvent leur fournir les services appropriés. A cet égard, l’annuaire des
services de United Way fait véritablement office de bible et regorge d’informations détaillées sur les
services disponibles.
La collaboration avec l’hôpital pour la fourniture des services aux enfants du foyer est de manière
générale satisfaisante. Cependant, certains médecins sont parfois réticents à l’idée de rendre visite au
foyer d’accueil d’urgence pour enfants pour lui apporter leur soutien médical car ils ne sont pas
remboursés. En dehors de l’hôpital, le foyer coopère avec des organismes qui servent déjà des clients
et les organismes qui sont sollicités par les clients. Le personnel rend également visite à d’autres
organismes pour faire connaı̂tre les services du foyer pour enfants. A un niveau plus stratégique, la
promotion de la coordination avec les autres organismes est assurée par la participation à diverses
commissions inter-organismes, y compris la Commission de l’État du Missouri pour l’application de la
Loi sur les services de préservation et de soutien de la famille, le Comité de planification des foyers
d’accueil d’urgence pour enfants de l’État du Missouri et le Comité pour la garde des enfants du Centre
Penrose de soutien aux familles, évoqué plus bas.
Résultats
Environ 75 pour cent des parents qui ont utilisé les services du foyer sont contactés avec succès en
vue de la collecte d’informations concernant le suivi des enfants. Parmi ces parents, environ 60 pour
cent ont été en relation avec d’autres services pour un soutien continu. Même dans ces cas-là, le
personnel du foyer reste bien souvent inquiet sur le sort de l’enfant lorsqu’il rentre chez lui. Environ
40 pour cent des familles qui demandent l’aide du foyer l’ont déjà utilisée. Il existe une règle qui
indique que les parents n’ont pas le droit de recourir aux services du foyer plus d’une fois tous les six
mois, mais on peut y déroger dans des circonstances exceptionnelles. United Way, qui cofinance ce
foyer pour enfants, encourage la direction à réaliser une évaluation détaillée, pour l’instant sans
résultat.
INTÉGRATION DES SERVICES POUR LES ENFANTS D’ÂGE SCOLAIRE
Le Centre médico-social William Herron, établissement d’enseignement secondaire
pour les professions de santé (South-east Health Professions Magnet High School), Kansas City
Contexte
236
L’une des premières initiatives de fourniture des services LINC a été de créer dix centres médicosociaux dans les écoles de la région de Kansas City en vue de traiter le problème du taux élevé de
Partie I : ÉTATS-UNIS
troubles de santé évitables chez les enfants de cette ville. A l’heure actuelle, deux centres fonctionnent, dont l’un est implanté dans la South-east High School.
La South-east High School est une école d’enseignement spécialisé dans les professions de santé
qui se trouve dans un quartier à bas revenus de Kansas City. Beaucoup des élèves qui fréquentent cet
établissement peuvent être qualifiés « d’enfants à risque ». Un certain nombre d’entre eux appartiennent à des minorités ethniques, à des familles à bas revenus ou monoparentales dans lesquelles la
consommation d’alcool ou de drogue est élevée. Beaucoup de ces familles ne sont pas couvertes par
une assurance maladie. Le nombre des grossesses chez les adolescentes et de parents adolescents est
très élevé. A l’époque où nous avons visité cet établissement pour nos recherches, 70 des 550 élèves
de l’école étaient des jeunes mères. Les élèves qui ont des responsabilités parentales abandonnent
souvent leur scolarité. Plus de 90 pour cent des élèves viennent en bus au lycée depuis d’autres
quartiers afin d’atteindre l’objectif d’un ratio de 70 pour cent de Noirs pour 30 pour cent de Blancs. Si
cette mesure atténue les effets de la ségrégation, elle empêche cependant l’établissement de fonctionner comme une « école communautaire ». La plupart des élèves et leurs familles vivent bien trop loin.
Les problèmes sociaux des élèves accroissent les tensions chez les enseignants. L’un de nos
interlocuteurs a laissé entendre que certains professeurs étaient quasiment au bout du rouleau : « ils ne
peuvent plus faire face » et « ne savent plus quoi faire ». L’apparence de l’école, qui ressemble surtout à
une prison, les portails verrouillés, le détecteur de métaux à l’entrée et les patrouilles des services de
sécurité de l’école dans les couloirs, tous ces éléments témoignent de la montée de la violence, tant de
la part des élèves que des gangs de l’extérieur qui essaient de s’y introduire. Dans ces conditions, les
professeurs ont compris que les programmes et le matériel pédagogique de qualité ne suffisaient pas
et qu’il fallait commencer par résoudre les problèmes sanitaires et sociaux bien ancrés pour que les
enfants soient en mesure d’apprendre.
Sources de financement
Les fonds de départ du centre médico-social sont épuisés. LINC a donc mis en place un nouveau
partenariat de financement avec le ministère des Services sociaux du Missouri, le district scolaire de
Kansas City et les Community Funding Partners, qui regroupent plusieurs fondations. Ce partenariat
doit permettre au centre de rester opérationnel et empêcher sa fermeture. Avec ses partenaires, LINC a
créé une commission de transfert du School-based Health Centre Transition Committee chargée de
superviser le fonctionnement du centre médico-social et d’élaborer une solution à long terme aux
problèmes de financement et de gestion. Le centre sanitaire de Swope Parkway gère ce centre comme
une structure « satellite » et négocie avec la commission de transfert pour le remboursement.
Suite à une dérogation du gouvernement fédéral et un récent projet de loi sur la santé de l’État du
Missouri, le district scolaire de Kansas City dans le Missouri dispose aujourd’hui de fonds fédéraux
pour les soins de santé afin de fournir des services sanitaires aux écoles. A cet effet, huit nouveaux
centres médico-sociaux seront créés, qui viendront s’ajouter aux deux qui existent déjà.
Fourniture des services
Le centre médico-social s’appuie sur une équipe pluridisciplinaire composée d’une infirmière,
d’un assistant médical, d’un travailleur social et d’une personne chargée des admissions. Les services
d’un médecin, d’un conseiller sur la toxicomanie et l’alcoolisme, d’un nutritionniste et d’un coordinateur de l’information sanitaire sont également disponibles grâce à la coopération avec le centre
sanitaire de Swope Parkway. Les principaux services fournis par le centre sont des bilans de santé, des
examens en laboratoire, des thérapies et des conseils dans plusieurs domaines dont la nutrition, les
problèmes de relation avec la famille ou les camarades, les problèmes scolaires, la sexualité, la
grossesse et la toxicomanie.
Pour devenir membres du centre médico-social, les parents d’élèves doivent remplir un formulaire
spécial par lequel ils acceptent que leurs enfants reçoivent des soins de santé dans les locaux de
l’école. Ils doivent également verser une cotisation de 5 dollars. Certains parents refusent de signer ce
237
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
formulaire car ils se méfient fortement de toute intervention des pouvoirs publics dont ils estiment
qu’elle empiète sur leurs libertés. D’autres craignent que la fréquentation du centre médico-social
contraigne leurs enfants de manquer certains cours.
Pour traiter les problèmes des enfants, le personnel du centre travaille en équipe : l’infirmière et
le travailleur social sont très souvent en contact entre eux, et avec les enseignants et le personnel du
centre sanitaire de Swope Parkway. La coopération avec ce dernier pose parfois problème en raison du
financement. Plus précisément, le centre sanitaire de Swope Parkway estime qu’il ne devrait pas avoir à
fournir et à financer des services destinés à des enfants qui vivent en dehors du district dont il est
chargé. En effet, de nombreux enfants entrent dans cette catégorie car ils vivent dans d’autres districts
et sont amenés chaque jour en bus à l’école.
Résultats
Environ 70 pour cent des élèves sont devenus membres du centre médico-social. Le directeur de
l’établissement indique que c’est grâce à ce centre que les taux d’absentéisme ont baissé, car les
enfants peuvent se faire traiter à l’intérieur de l’école. Il fait également état d’une baisse des taux de
suicide. Cependant, le nombre des grossesses n’a pas bougé.
INTÉGRATION DES SERVICES POUR L’INSERTION DES JEUNES DANS LE MONDE DU TRAVAIL
Le Réseau pour l’emploi des femmes (Kansas City)
Situation générale
Le Réseau pour l’emploi des femmes (Women’s Employment Network – WEN) a été fondé en 1986
par deux habitantes de Kansas City qui appartenaient à l’élite aisée de la ville, décrites par l’un de nos
interlocuteurs comme « des piliers de la communauté », attachées à l’amélioration des conditions de
vie locales. Il s’agit d’un organisme privé qui a été sélectionné pour gérer un programme FUTURES
« privatisé », parallèlement au programme principal, géré par l’État du Missouri. Le WEN a pour objectif
premier « d’aider les femmes à bas revenus à parvenir à l’autosuffisance, à retrouver leur dignité et leur
indépendance grâce à un emploi assorti d’une rémunération suffisante » (Women’s Employment Network, 1993, p. 1). Chaque année, il sert entre 200 et 250 femmes à risque.
La plupart des femmes qui viennent au WEN ont entre 25 et 35 ans. La majorité d’entre elles
proviennent de milieux défavorisés et beaucoup appartiennent à la deuxième génération de personnes
dépendantes de l’aide sociale. Cependant, environ un quart d’entre elles viennent de familles de la
classe moyenne. Au total, 74 pour cent sont afro-américaines et 70 pour cent sont des mères célibataires avec des enfants à charge. L’un de nos interlocuteurs a souligné que nombre de ces femmes « ont
une vie professionnelle satisfaisante, mais quelque chose qui s’est mal passé par ailleurs », le plus
souvent un divorce.
Sources de financement et activités de formation
238
Le WEN bénéficie d’un financement provenant de sources diverses. Les subventions fédérales et
de l’État du Missouri sont versées par le Conseil pour le plein emploi, le ministère des Services sociaux
du Missouri, le Conseil des entreprises privées de Kansas City, le ministère du Développement
économique du Missouri et le Conseil du Missouri sur le développement économique et la formation
des femmes. La subvention versée par le Conseil pour le plein emploi correspond à de l’argent
débloqué au titre de la Loi fédérale sur le partenariat pour la formation professionnelle. Les fonds
émanant du ministère des Services sociaux du Missouri comprennent une subvention fédérale pour le
programme FUTURES dans le Missouri, mis en œuvre par le WEN. Ces fonds publics sont complétés
par des contributions financières substantielles émanant de 15 fondations privées, dont la Hallmark
Corporate Foundation (les cartes Hallmark). Le WEN bénéficie également d’un soutien non financier du
ministère pour la Sécurité de l’emploi du Missouri, qui a détaché l’un de ses fonctionnaires dans les
bureaux du WEN, et du district scolaire du Missouri, qui « prête » au WEN l’un de ses formateurs pour
Partie I : ÉTATS-UNIS
adultes. Le fonctionnaire du ministère de la Sécurité de l’emploi a un ordinateur relié à la base de
données du ministère recensant les emplois disponibles, que les membres du réseau en quête
d’emploi peuvent consulter.
Un petit groupe de fondations et d’organisme caritatifs financent également un projet spécial mis
en place par le WEN, appelé Extended Support Pilot Project. Ce projet a pour objectif d’élaborer, de
mettre en œuvre et de tester les activités d’évaluation, de suivi et de recherche et de fournir un
soutien à long terme aux diplômées du WEN.
Le personnel est formé dans le cadre d’autres programmes et d’autres organismes, dont le Conseil
pour le plein emploi, FUTURES et le district scolaire du Missouri.
Les services du WEN
Le WEN propose un programme de cinq semaines à toutes ses participantes. Ce programme
débute par une semaine de tests et d’orientation, suivie par trois semaines de cours de préparation à
l’emploi et une semaine de recherche d’emploi intensive. Les cours de préparation à l’emploi mettent
l’accent sur des capacités générales telles que la confiance en soi, l’amour propre, l’aspect physique, la
gestion du budget, la définition des objectifs, la prise de décision et la résolution des conflits. Ils
donnent également aux femmes des connaissances plus spécifiques au monde du travail, telles que la
façon d’identifier les centre d’intérêt et les qualifications que l’on peut vendre sur le marché du travail,
d’écrire un curriculum vitæ, de remplir une demande d’emploi, les techniques d’entretien d’embauche
et les méthodes de recherche. Le WEN essaie également de lever les obstacles susceptibles d’empêcher les femmes de suivre les cours ou d’aller aux entretiens d’embauche, par exemple les problèmes
de garde d’enfants, de transport et de tenue vestimentaire. Qui plus est, en coopération avec le district
scolaire de Kansas City, ce réseau permet aux participantes de préparer le GED.
Le WEN suit pendant deux ans toutes les participantes qui ont obtenu leur diplôme pour évaluer
leurs progrès. Il propose également des services supplémentaires de conseil, d’aide d’urgence et un
réseau d’entraide (le WEN Sisterhood) aux diplômées qui sont considérées comme particulièrement à
risque. Ces services constituent la composante « aide élargie » du programme WEN.
Activités de collaboration
Les membres du personnel du WEN qui s’occupent de l’accueil travaillent au sein d’une équipe
coordonnée et, comme l’a indiqué l’un de nos interlocuteurs, « évoluent librement les uns avec les
autres ». Ils ont également des contacts avec d’autres professionnels, y compris des travailleurs sociaux
participant au programme FUTURES, le personnel du district scolaire et celui du Conseil pour le plein
emploi à l’occasion des réunions régulières consacrées à la planification et des réunions de comités. En
outre, ils connaissent bien les autres services que les participants pourraient souhaiter utiliser et, selon
un autre interlocuteur, ils sont généralement « bien informés ». A un niveau plus stratégique, les
membres du conseil d’administration du WEN siègent également au conseil de nombreux autres
programmes tels que l’initiative « Communautés du XXIe siècle », LINC, FUTURES, « Fondation des
femmes » (The Women’s Foundation), Boys’ and Girls’ Clubs, Empowerment Zones et First Steps. En
outre, il a conclu des accords avec le Conseil pour le plein emploi, le district scolaire du Missouri et le
ministère de la Sécurité de l’emploi.
Les contacts du WEN avec les employeurs locaux sont assez solides. L’un de nos interlocuteurs
nous a même affirmé que le réseau « avait d’excellentes relations de travail avec les milieux d’affaires ».
Les personnes chargées des ressources humaines dans les entreprises locales rendent visite au WEN
pour réaliser des entretiens fictifs qui font partie intégrante de la formation, et contactent fréquemment
le WEN lorsqu’elles ont des postes à pourvoir. Notre interlocuteur a souligné que « les employeurs
aiment bien travailler avec le WEN parce qu’ils savent que les femmes sont bien préparées et qu’ils
peuvent contacter le personnel de WEN en cas de problème ».
239
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
Évaluation du programme
Nombre des subventions demandées par le WEN imposent une évaluation. En 1991, le WEN a
commencé une évaluation sur trois ans de son projet pilote d’« aide élargie ». Le rapport d’évaluation
pour l’exercice budgétaire II (1992-1993) était encourageant. Les notes moyennes des participantes
pour l’autosuffisance économique, qui tiennent compte de l’éducation et de l’emploi ainsi que de
l’accès aux ressources élémentaires telles que le logement, le transport et la garde des enfants, ont
augmenté de 49 pour cent dans les trois mois qui ont suivi les cours de préparation à l’emploi, et de
112 pour cent après six mois. L’évaluation a également fait état d’améliorations au niveau de l’autonomie professionnelle, qui mesure le niveau de familiarisation avec les compétences liées à l’emploi et la
confiance en soi dans la réalisation des tâches. Si, au début du programme, on a relevé des notes
moyennes comprises entre 5.98 et 7.73, après les cours, la moyenne a atteint entre 8.21 et 9.56.
Les efforts pour suivre les diplômées du WEN sur deux ans ont également été relativement
fructueux : 72 pour cent des diplômées d’un groupe retournent au moins un questionnaire trimestriel
sur l’autosuffisance économique. Certaines participantes ont envoyé des courriers indiquant comment
le WEN peut réellement aider certaines femmes (mais pas toutes) à résoudre leurs problèmes. Voici
quelques commentaires typiques :
« Je perçois à l’heure actuelle une allocation pour personnes sans ressources, mais cela ne va pas
durer. Je remercie Dieu qu’il existe des femmes comme vous et d’autres, qui vont vers ceux qui
sont dans le besoin. J’y arriverai. Je le peux ».
« Je me sens très bien depuis le programme WEN, et j’ai un bon travail. Depuis que je suis
retournée à l’école, ma vie me plaı̂t. Merci à vous toutes pour m’avoir remise sur les rails ».
« Je n’ai pas pu payer mes impôts l’année dernière, et maintenant, je dois payer ceux de cette
année. Que faut-il que je fasse ? »(Women’s Employment Network, 1993, p. 12).
La non-réponse aux questionnaires de la part de certaines diplômées est imputable au niveau
élevé de mobilité, d’un certain embarras en cas d’échec et d’une tendance de la part des femmes à
considérer que le WEN fait « partie du système » et qu’on doit donc s’en méfier.
Le cas de Cynthia (pseudonyme) : Un visage a été donné au succès du WEN lors d’un entretien avec une
diplômée appelée Cynthia. Si elle est sans aucun doute une « star », à de nombreux égards, elle
représente la participante moyenne. En 1991, elle était mère de deux enfants et vivait de l’aide sociale.
Elle ne pouvait pas postuler pour un emploi car elle ne savait pas comment faire garder ses enfants.
Elle a entendu parler du programme FUTURES par des amis et s’y est inscrite. Grâce à ce programme,
elle a reçu de l’aide pour la garde de ses enfants et les transports. Elle a ensuite été orientée vers les
formations proposées par le WEN, qu’elle a entreprises. Plus tard, elle a fréquenté l’établissement
d’enseignement post-secondaire de Penn Valley (Penn Valley Community College) pour suivre des
cours de microinformatique. Elle est aujourd’hui opératrice de saisie chez FUTURES. Elle a une
meilleure estime d’elle-même et pense qu’elle « est en train de réussir ». A l’avenir, elle espère créer
une petite entreprise d’informatique. Elle pense beaucoup de bien de la contribution du WEN à sa
réussite : « ils ne vous laissent jamais perdre votre objectif de vue », « les portes sont toujours
ouvertes », « une fois que vous êtes diplômée, c’est pour la vie ». Elle continue de prendre une part
active au WEN et fait souvent office de porte-parole pour ce réseau.
Le bureau pour l’emploi de St Charles (St Louis)
Contexte
240
Le bureau pour l’emploi de St Charles est situé dans l’un des quinze districts sociaux qui reçoivent
un financement du ministère du Travail au titre de la Loi sur le partenariat pour la formation professionnelle. Cette loi, votée en 1982, a pour but de « mettre en place des programmes visant à préparer les
jeunes et les adultes sans qualification à l’entrée dans le monde du travail et à proposer des formations
professionnelles aux individus économiquement défavorisés et à ceux qui se heurtent à des obstacles
majeurs à l’emploi et qui ont particulièrement besoin de ces formations pour obtenir un emploi
productif » (Missouri Division of Job Development and Training, 1994, p. 1). L’utilisation de ce finance-
Partie I : ÉTATS-UNIS
ment est très fortement influencée par le plan du Gouverneur du Missouri pour les services particuliers
et la coordination, qui fixe entre autres comme objectif « d’assurer la coordination des activités du
Missouri dans le domaine de l’emploi et de la formation au moyen de partenariats entre le secteur
public et le secteur privé afin de parvenir à une fourniture des services efficace et rentable ».
Au niveau de l’État du Missouri, le Gouverneur a nommé un Conseil pour la formation et l’emploi
pour le Missouri (Missouri Training and Employment Council – MTEC) qui est chargé de formuler des
recommandations sur les moyens d’améliorer le système de création d’emplois et de formation. Ce
conseil est composé de représentants des milieux d’affaires du Missouri, des entreprises, des syndicats, du monde de l’éducation, de l’État du Missouri et des autorités locales, ainsi que de la société
civile. Le gouverneur a confié à la Division pour la création d’emplois et la formation la responsabilité
d’administrer les fonds versés au titre de la JTPA, et cette division a également pour mission d’évaluer
les programmes de formation professionnelle.
Au niveau local, chacun des 15 districts sociaux mentionnés ci-dessus nomme un conseil des
entreprises privées (Private Industry Council – PIC) chargé d’identifier les besoins de formation et de
concevoir des programmes pour y répondre. Ces conseils sélectionnent l’organisme qui gérera les
services sur leur territoire. Dans le cas qui nous occupe, il s’agit du bureau de l’emploi de St Charles,
pour la zone 14 (Service Delivery Area 14).
La mission déclarée de ce bureau est « d’instaurer des partenariats entre les milieux d’affaires, les
entreprises et les organismes publics, qui amélioreront notre capacité de fourniture de services à nos
groupes cible » (Private Industry Council, 1992, p. 3). Cette mission est facilitée par la présence dans les
locaux de personnels travaillant dans le cadre de la Loi JTPA et de représentants de la division des
services familiaux, du programme FUTURES, de la division pour la sécurité de l’emploi, de la formation
élémentaire pour les adultes et de l’établissement d’enseignement post-secondaire communautaire de
St Charles. Il fonctionne donc comme un « guichet unique » par lequel les résidents peuvent accéder
aux services de plusieurs organismes coordonnés en une seule visite.
Il importe de noter que le directeur du bureau pour l’emploi a organisé la création du centre multiservices avant l’arrivée des fonds fédéraux, et, comme nous l’a expliqué l’un de nos interlocuteurs, « il a
pris un risque et s’est fait des ennemis ». Ce même interlocuteur a ajouté que le directeur « a décidé
d’agir et de faire ensuite le point sur les conséquences ». Cela signifie qu’il a dû aller à l’encontre des
services pour l’emploi du Missouri.
Input
Le bureau pour l’emploi de St Charles reçoit une subvention au titre de la JTPA d’un montant de
3.2 millions de dollars, auxquels s’ajoutent des fonds du programme FUTURES.
Le personnel travaillant dans le cadre de la Loi JTPA reçoit, en même temps que celui de la
division pour la sécurité de l’emploi et du programme STAFF, une formation à l’Institut de formation du
Missouri. Le bureau pour l’emploi propose également des cours dispensés localement, et a par le
passé recouru à un consultant pour aider les organismes locaux à coordonner leurs services.
Activités coordonnées
Le bureau pour l’emploi de St Charles participe à un très grand nombre d’activités en collaboration, dont nous évoquons trois exemples plus en détail ci-dessous.
La coopération avec la division pour la sécurité de l’emploi a abouti à sa représentation au sein du
Conseil des entreprises privées et à l’affectation de membres du personnel aux programmes du bureau
pour l’emploi de St Charles. Plus précisément, un membre du personnel participe avec le bureau pour
l’emploi de St Charles aux réunions visant à coordonner une réaction aux licenciements massifs dans
les entreprises locales, et un autre travaille dans les locaux du bureau pour l’emploi pour assurer un
service de placement spécial. Une relation analogue avec la division des services familiaux a abouti à
l’implantation au sein du bureau pour l’emploi d’un travailleur spécialisé dans le soutien au revenu et
d’un gestionnaire de cas dans le cadre du programme FUTURES. Ces travailleurs coordonnent leurs
241
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
activités avec les programmes JTPA par des réunions régulières afin d’apporter des services holistiques
aux clients à besoins multiples. Le bureau pour l’emploi collabore également avec de nombreuses
entreprises locales qui fournissent des stages subventionnés dans le cadre des programmes de formation en entreprise du bureau.
La coopération au quotidien avec les organismes situés dans les locaux du bureau pour l’emploi
est très importante. La gestion des cas par les programmes FUTURES et JTPA est coordonnée (même si
ce n’est pas dans le cadre d’un accord formel) de façon à ce que les deux parties s’accordent sur celle
qui prend la direction dans l’aide apportée à un client et sur la manière dont l’autre peut le soutenir de
manière appropriée et non redondante. JTPA oriente également les clients vers FUTURES pour certains
services – garde des enfants et transport – lorsqu’elle ne peut pas les fournir elle-même, et FUTURES
utilise JTPA de la même manière. Ces organismes acceptent bon nombre des formulaires d’évaluation
des autres organismes et sont en train d’élaborer un document d’admission commun. Tous les organismes situés dans le bureau, y compris JTPA et FUTURES, se partagent les ressources administratives
et les informations. Ils ont engagé des pourparlers avec la division pour la sécurité de l’emploi et le
ministère des Services sociaux sur l’utilisation conjointe et le partage d’un système informatique.
La coopération entre les divers organismes ne va pas sans poser certains problèmes. La différence
de sources de financement, de hiérarchies administratives, de formulaires d’inscription et d’emplois du
temps rend la tâche plus difficile. Cependant, dans certains cas, le personnel a mis au point des
stratégies pour y remédier. Par exemple, certains copient les informations sur un participant d’un
formulaire à l’autre pour éviter de poser deux fois la même question.
Résultats
Le bureau pour l’emploi suit les participants, contrôle les résultats et se fixe des objectifs annuels.
Les données quantitatives montrent que plus de 60 pour cent des participants qui achèvent le
programme JTPA trouvent un emploi. Dans une perspective qualitative, le personnel a déclaré « ensemble, nous pouvons faire plus qu’en travaillant séparément », « la coopération nous permet d’atteindre
davantage de personnes », et « nous pouvons tirer le maximum de nos dollars et de nos ressources
parce que l’on peut puiser dans ce que chacun a ». Ces déclarations font apparaı̂tre une synergie
importante, ainsi qu’une rentabilité accrue.
Le succès rencontré par le bureau pour l’emploi a été consacré par la remise de nombreux prix de
la part du gouvernement du Missouri, dont plusieurs récompenses du Gouverneur et une série de
récompenses décernées au directeur du bureau.
INTÉGRATION DES SERVICES POUR LES FAMILLES
Le centre familial de Kansas City
Situation générale
Le centre familial vise à « rendre les parents plus confiants et plus compétents » en leur offrant une
structure où ils puissent se réunir pour des cours d’éducation et du soutien en groupe (Project Early,
1994, p. 1). Ce centre met à leur disposition des salles de classe pour adultes confortables et bien
équipées ainsi que des services essentiels tels qu’une aide pour les transports, les encas nourrissants
et la garde des enfants. Il se trouve à l’heure actuelle dans une vieille école (même si cette disposition
est temporaire) et compte un chef de programme, un directeur de la garde des enfants, un spécialiste
des programmes et 22 salariés à temps partiel pour la garde des enfants.
242
Au départ, les cours dispensés par le centre étaient accessibles uniquement aux participants à
Project Early (voir plus bas). Cependant, ce centre est aujourd’hui ouvert à toutes les familles du
quartier. La majorité de la population locale est constituée d’Hispaniques hispanophones, et nombre
d’entre eux sont des immigrants mexicains de fraı̂che date, dont certains sont en situation irrégulière.
Le quartier connaı̂t beaucoup des problèmes qui caractérisent habituellement les zones défavorisées à
Partie I : ÉTATS-UNIS
bas revenus, notamment la toxicomanie, la violence des gangs et un taux élevé de grossesse chez les
adolescentes.
Le Project Early est un programme offrant une gestion permanente au cas par cas et de l’aide à un
groupe ciblé de familles du quartier avec des enfants de 0 à 6 ans. Les chargés de cas du Project Early
sont appelés des « gestionnaires des investissements » pour indiquer que le centre investit dans les
familles pour promouvoir une scolarité réussie et l’auto-suffisance. Ces chargés de cas apportent un
soutien holistique aux familles cibles par des contacts réguliers avec les services compétents des
pouvoirs publics et de la communauté.
Financement
Le financement du Project Early est assuré par la Fondation Kauffman, qui s’est engagée pour
cinq ans. Cette fondation finance également la Westside Cabot Clinic, qui collabore avec le Project
Early, dans le cadre d’une approche « systématique » de la résolution des problèmes communautaires.
Fourniture des services
Ce centre fournit des services éducatifs, sociaux et communautaires. Dans le cadre des services
éducatifs, il propose des cours sur le développement des enfants et l’éducation en anglais et en
espagnol, ainsi que des cours d’anglais pour les étrangers. Parmi les activités sociales, citons les fêtes
d’anniversaire, les sorties culturelles et les excursions en famille. Les parents y ont également la
possibilité d’apprendre à se connaı̂tre pendant les pauses qui sont aménagées à cet effet pendant les
cours, ou, à d’autres moments de la journée, de discuter dans la « cafétéria ». Parmi les activités
communautaires, on peut mentionner la collaboration avec les parents et d’autres organismes pour
améliorer les aires de parking dans le quartier et les sessions spéciales sur la question des gangs et de
la violence qu’ils génèrent.
Les enfants, des nouveaux nés aux adolescents, sont gardés pendant que les parents assistent aux
cours ou aux sessions de groupe. Il existe cinq salles différentes, ce qui permet de regrouper les
enfants suivant leur niveau de développement. Dans la mesure où la garde des enfants est considérée
comme une « activité temporaire et ponctuelle », elle n’est pas tenue d’obéir à certaines règles, même
si, en réalité, elle s’y conforme ou dépasse la plupart des dispositions obligatoires. Le personnel de
garde bilingue parle à chaque enfant dans sa propre langue.
Collaboration
Les parents participent à la planification des programmes via le comité consultatif des parents, qui
se réunit sur une base bimensuelle. Ce groupe apporte un retour d’informations sur des présentations
de cours spécifiques et sur les programmes en général. Il définit également les sujets des présentations futures. En fait, 90 pour cent des cours dispensés au centre ont été au départ suggérés par le
comité consultatif. Ce groupe prend également part à la planification et la mise en œuvre des activités
sociales.
Le centre collabore également avec de nombreux autres programmes et organismes au sein de la
communauté dans le but d’améliorer les services fournis et de faire la promotion de la visibilité et de la
permanence du centre. Le programme PAT aide le centre à identifier les sujets de cours appropriés et
met à sa disposition des éducateurs parentaux pour dispenser les cours sur le développement et
l’éducation des enfants. Le centre et PAT organisent également conjointement des activités sociales et
des excursions. Le Guadelupe Centre, tout proche, partage les cours d’anglais pour étrangers et
l’enseignement avec le centre et assure deux cours par semaine. En outre, le personnel du Guadelupe
Centre dispense quelques cours d’éducation parentale. Le Mattie Rhodes Counselling and Arts Centre
encadre à l’heure actuelle deux de ces groupes, le groupe des jeunes mamans et le groupe des femmes
hispaniques, dans les locaux du centre et, par ailleurs, la Westside Cabot Clinic apporte son aide pour
les cours sur les soins prénataux et la naissance.
243
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
Si l’objectif officiel du centre est de « tirer parti de ces collaborations pour accroı̂tre et améliorer la
coordination des services communautaires aux familles » (Project Early, 1994, p. 3), le chef du programme souligne que cette collaboration est loin d’être facile. En fait, il l’a qualifiée de « semée
d’embûches », de « travail très, très difficile » et de « casse-tête ». Pour explication, il fait allusion aux
« attitudes frileuses » et à « l’esprit de clocher » : chaque organisme a son propre programme, ses
propres sources de financement et sa propre clientèle. Il a également évoqué les rivalités entre
organismes, en indiquant que les programmes bénéficiant du financement de la Fondation Kauffman,
comme le sien, étaient considérés comme des nouveaux venus très avides de tout rafler. Il s’est même
demandé s’il ne valait pas mieux développer les programmes par l’intermédiaire des organismes
existants plutôt qu’en en créant de nouveaux. Le Guadelupe Centre en constitue un exemple typique :
il considère le centre familial comme un concurrent indésirable pour le financement de la garde des
enfants.
Si le chef des programmes estime que la collaboration est très intensive (il déclare consacrer
50 pour cent de son temps au travail avec les autres organismes) et affaiblit l’identité des organismes
au point que ces derniers se sentent menacés, il déclare « la collaboration, c’est ce à quoi nous
travaillons tous ». Dans ces conditions, il pense que personne ne peut se permettre d’avoir un « ego
surdimensionné » et que les « aptitudes à la constitution de réseaux » sont essentielles.
Évaluation
L’université du Missouri est en train de procéder à des travaux d’évaluation, mais aucune donnée
n’est encore disponible. A un niveau anecdotique, certains parents affirment que leurs enfants se sont
améliorés. Les parents partagent également plus d’activités avec leurs enfants et interagissent davantage avec les autres familles.
Services de quartier de Grace Hill (St Louis)
Historique et contexte
Grace Hill, qui fait partie du mouvement des Settlement House (mouvement des œuvres sociales),
a commencé à fournir des services communautaires au début du siècle. Il revendique une triple
mission : « fournir des services directs de manière rentable dans le cadre de la tradition d’entraide du
mouvement ‘‘Settlement House’’ par l’intermédiaire des associations de quartier, œuvrer pour le
changement au sein de la société pour favoriser le soutien et la compréhension à l’égard des défavorisés et travailler dans les quartiers défavorisés à la formation de communautés fortes, saines et serviables en encourageant le système d’aide mutuelle entre voisins » (Missouri Department of social services, 1994e).
Grace Hill est un organisme polyvalent desservant environ 42 000 personnes défavorisées dans
onze quartiers de la ville de St Louis et des comtés de St Louis et de St Charles. Trente-cinq pour cent
de ces personnes sont classées dans la catégorie des « pauvres » ou des « quasi-pauvres », selon
l’indicateur de la pauvreté, et nombre d’entre elles vivent dans des conditions peu sûres, voire
dangereuses. Beaucoup des participants au programme sont des parents isolés, des personnes âgées
ou dépendant de l’aide sociale qui ont besoin d’une vaste palette de services.
244
Le président de Grace Hill a souligné que l’un des principaux objectifs de son organisme était de
« sortir de la fourniture des services » par la promotion de « l’entraide » et de « l’auto-assistance ». Il
estime que les personnes qui ont des problèmes sont au départ de « bonnes gens » dont les difficultés
sont dues à des facteurs externes, et qu’il s’agit de « traiter » les difficultés, et non les personnes. En
outre, il n’a pas une bonne opinion de l’aide délivrée par les professionnels, qui conduit selon lui à la
dépendance et qui ne devrait être sollicitée qu’en dernier recours, si tous les autres moyens ont
échoué. Son but est de créer un « système » complet de soutien regroupant les réseaux de personnes
(« mettre en relation les gens les uns avec les autres »), les services directs (pour apporter une aide là
où elle est nécessaire) et un établissement post-secondaire communautaire (pour former les gens à la
fourniture des services).
Partie I : ÉTATS-UNIS
Input
La principale source de financement de Grace Hill est United Way. Cependant, cet organisme
reçoit également des fonds du gouvernement fédéral, notamment une aide du service fédéral de la
santé publique pour la fourniture de services sanitaires. En outre, il dirige plusieurs campagnes et
activités de financement, souvent en collaboration avec les participants au programme, pour collecter
ses propres fonds.
Services
Les services fournis par Grace Hill sont divisés en quatre catégories. La première est une association de quartier sur le modèle MORE (Member Organised Resource Exchange – échange de ressources
organisé par les membres) dans le cadre de laquelle les membres peuvent échanger des ressources et
des capacités pour s’aider mutuellement. Les principales caractéristiques de cette association de
quartier comprennent un échange informatisé des services, des services bénévoles, des services
d’urgence, d’emploi, de conseil, des programmes pour la jeunesse, des services pour les personnes
âgées, les programmes d’amélioration de la qualité de la vie et des services éducatifs. Ces derniers
sont délivrés dans l’établissement d’enseignement post-secondaire du quartier, qui propose des
formations sur l’éducation et la santé, afin d’être en mesure d’aider les autres membres de la communauté. Les autres services fournis par Grace Hill sont des soins sanitaires (des soins de santé primaires
et des soins dentaires), une aide pour les enfants (garde des enfants, prévention des mauvais traitements et conseils sur les relations parents-enfants) et des services de logement (appartements subventionnés et foyers provisoires pour les familles).
Activités en collaboration
D’une manière générale, Grace Hill n’est pas enclin à coopérer avec les organismes qui ont une
approche plus classique de la fourniture des services et qui apportent une aide extérieure, « professionnelle » à des « clients ». Par exemple, un organisme a obtenu une forte subvention pour la prévention de la toxicomanie, qu’il souhaitait utiliser pour fournir des services dans un quartier desservi par
Grace Hill. Cependant, dans la mesure où cet organisme insistait pour employer son propre personnel
plutôt que des membres de la population locale et qu’il refusait de coopérer avec Grace Hill, ce
dernier n’a pas accepté de voir ce concurrent œuvrer sur son terrain.
Cependant, Grace Hill est davantage intéressé par les organismes opérant dans le domaine de
l’emploi. Par exemple, il dispose de trois centres de gestion des carrières dans lesquels il accepte
l’application du programme FUTURES et dans lesquels les services d’inscription sont assurés sur une
base régulière par un agent externe. Il travaille également en étroite collaboration avec les entreprises
locales qui organisent des entretiens fictifs dans les locaux des centres et appellent Grace Hill
lorsqu’elles ont des emplois à pourvoir.
Résultats
Tous les programmes de Grace Hill répondent à des objectifs spécifiques, sont supervisés par un
groupe de contrôle et comprennent une composante d’évaluation.
Un rapport d’évaluation de MORE, présenté en 1988, a conclu que les effets du système MORE
étaient globalement positifs. Il ressort principalement de ce rapport que les membres ont l’impression
de mieux comprendre les besoins des autres et que leur participation aux d’activités d’entraide s’est
accrue. Les membres se déclarent plus confiants et mieux à même de résoudre leurs problèmes.
Environ un tiers des personnels travaillant dans le cadre des services de quartier étaient auparavant
des employés de MORE. En outre, les niveaux de participation des résidents sont stables ou en
augmentation. Ces résultats positifs ont été confirmés pendant notre visite sur place, lorsque nos
interlocuteurs nous ont indiqué que le programme MORE rendait aux participants leur fierté et leur
amour propre, qu’il fonctionnait bien et que le « quartier l’appréciait beaucoup ». Sur le plan négatif,
l’évaluation a fait apparaı̂tre que l’échange des services via la banque de données informatisée n’avait
245
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
guère progressé. Ce rapport énumère également un certain nombre d’obstacles à la mise en œuvre de
MORE dans de bonnes conditions, dont le plus important est la variation des ressources due aux
fluctuations des effectifs et des limites des quartiers.
L’approche d’entraide mutuelle entre voisins mise en œuvre par Grace Hill fait l’objet d’une
littérature abondante et suscite un vif intérêt de la part des autres États et d’autres pays. En réponse à
cet intérêt, Grace Hill a récemment créé le Jones International Training Centre, qui a pour vocation de
diffuser l’approche adoptée par Grace Hill. En 1993, 26 responsables de communautés, venant de
plusieurs États des États-Unis mais aussi d’Allemagne, du Japon, d’Uruguay et de République tchèque,
ont visité ce centre.
Le Centre Penrose de soutien aux familles
Contexte
Le Centre Penrose de soutien aux familles a été mis en place après que Scott Best a persuadé les
hôpitaux de St Louis d’acquérir et de faire don au ministère des Services sociaux du Missouri d’un vieil
hôpital qui serait rénové à l’aide des fonds du Civic Progress. Le ministère voulait créer un « guichet
unique » fournissant des services interdépendants. Dans ce but, il a invité différents membres de la
communauté, dont un prête catholique, un membre d’une fondation, des hommes d’affaires et des
habitants du quartier afin de constituer un comité consultatif qui aurait toute liberté de planifier le
développement de ce centre. Le comité a bénéficié du soutien et des encouragements de Scott Best,
qui a déclaré « vous devez m’aider dans ma lutte, c’est une bataille ». Dans cet esprit, le comité
entendait « casser le moule » pour proposer « quelque chose de très différent » à une communauté qui
aspirait au changement. Les membres du comité ont fait preuve d’un engagement remarquable pour
accomplir leur tâche, souvent lié au sens de l’obligation morale.
La population locale est essentiellement composée de Noirs et de personnes à bas revenus. Ces
personnes vivent dans une zone caractérisée par l’absence de services de toute sorte, y compris de
commerces. C’est le résultat du déchaı̂nement de la violence dans le quartier, associée à la présence
de gangs et à la toxicomanie, et enfin de la pauvreté et du désespoir, qui empêche les entreprises de
prospérer en toute sécurité dans cette zone.
Input
Ce centre est géré par le ministère des Services sociaux, bien que chaque organisme qu’il abrite
dispose de ses propres sources de financement.
Services et obstacles à la collaboration
Le comité consultatif a identifié un certain nombre de services, dont l’emploi, les services communautaires et sanitaires, qu’il souhaiterait voir s’implanter dans le centre. Pour le moment, ce centre a
encore les capacités d’accueillir des services, mais, selon l’un de nos interlocuteurs, les candidats sont
nombreux. L’un des grands principes du centre consiste à fournir ses services dans un cadre agréable et
accueillant. Ses bureaux sont donc confortables et modernes et le personnel à l’accueil est chaleureux.
Selon un autre interlocuteur, cela relève d’un effort délibéré visant à éviter que les clients aient
l’impression d’être des « parasites », ce qui est souvent le cas dans les services surpeuplés et bureaucratiques du secteur public.
246
Si la directrice du centre s’attache à encourager la collaboration entre les organismes, elle estime
que les différences de sources de financement, de règles et d’attitudes en constituent les principaux
obstacles.
Partie I : ÉTATS-UNIS
Évaluation
Il est encore trop tôt pour procéder à une véritablement évaluation. A l’heure actuelle, l’objectif
premier du centre est de gagner la confiance de la communauté locale pour qu’elle soit disposée à
profiter de ses services.
Caring Communities
Contexte
A première vue, le quartier de Walbridge, à St Louis, est un quartier de maisons individuelles d’un
aspect agréable dans un cadre arboré. Cependant, si on l’examine de plus près, on voit que les
maisons sont très mal entretenues et que les portes et les fenêtres de certaines sont condamnées. En
fait, Walbridge est un « champ de bataille » sur lequel deux gangs, les Krips et les Bloods, se livrent une
guerre sanglante et sans merci pour gagner des territoires (ou plutôt, des coins de rue), et les
revendeurs ont installé des « maisons du crack » dans des logements délabrés. La présence des gangs
est révélée par les graffitis représentant des symboles et des signes qu’eux seuls sont capables
d’identifier. Les revendeurs se prélassent sans se cacher sur le pas de la porte. Le taux d’homicide y
est l’un des plus élevés des États-Unis et apparemment, il n’est pas rare que certains habitants passent
des nuits tapis sur le sol ou dans leur baignoire pour éviter les coups de feu. Dans ces conditions, un
très grand nombre d’enfants et de familles courent des risques, non seulement d’aliénation sociale,
mais aussi de se faire gravement blesser ou tuer. Le programme Caring Communities de Walbidge,
basé dans les locaux de l’école primaire de Walbridge à St Louis, a été mis en place en 1989 pour
répondre aux besoins cruciaux de cette zone.
La Fondation Danforth a joué le rôle de catalyseur pour la création du programme et regroupe
divers organismes dont le district des écoles publiques de St Louis et les ministères de la Santé
mentale, de l’Enseignement primaire et secondaire, de la Santé et des Services sociaux (qui sont tous
membres du Family Investment Trust). Ils ont oeuvré ensemble à l’élaboration d’un programme répondant aux besoins du quartier. A ce moment-là, on considérait que ce projet relevait d’un concept
« visionnaire ». L’un de nos interlocuteurs nous a expliqué que « les gens de Jefferson City (capitale du
Missouri) ne peuvent pas connaı̂tre les problèmes spécifiques de ce quartier, et encore moins les
résoudre ». Il a souligné que d’autres États ne sont pas « aussi audacieux » que le Missouri dans la
délégation des responsabilités et des ressources.
Dès le départ, le programme Caring Communities a constitué un effort de collaboration visant à
intégrer les services délivrés à la maison et à l’école pour répondre efficacement aux besoins des
enfants à risque et de leurs familles. Ce programme propose un mélange de prévention locale et de
stratégies d’intervention visant à protéger les familles et à donner à la communauté les moyens de
l’autosuffisance. Ses principaux objectifs sont de faire en sorte que les enfants continuent d’aller à
l’école, qu’ils soient en sécurité à la maison (ce qui évite d’avoir à les placer ailleurs) et qu’ils n’aient
pas de problèmes avec les autorités. En outre, il veut restaurer l’espoir et la fierté dans une communauté minée par le désespoir et l’aliénation et qui a fortement l’impression que les pouvoirs publics ne
font rien « pour elle ».
Pour atteindre ces objectifs, Caring Communities tente de mettre en place un système viable
d’aide aux familles et au quartier en prenant l’école pour pivot de son action. Ce programme met en
avant une grande variété de stratégies de collaboration. Il s’appuie sur le partage des ressources, du
pouvoir et de l’information, l’instauration de relations de coopération avec les organismes et les
individus à tous les niveaux, y compris les parents, la fourniture des services lorsque les familles en ont
besoin et « sur leur propre terrain » et la constitution d’équipes de professionnels qui communiquent
les unes avec les autres. Le directeur affirme que « lorsque les organismes ne sont pas intégrés, les
gens ne se parlent pas, et ce sont les familles qui en pâtissent ». Cependant, si la collaboration est
considérée comme importante, il souligne que « l’objectif premier n’est pas de collaborer mais d’améliorer les services ».
247
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
La sensibilité culturelle est une autre caractéristique clé de ce programme. Dans la mesure où la
population est majoritairement composée d’Afro-américains, ce programme promeut le concept d’afrocentrisme, qui reconnaı̂t les différences de race de manière positive, et qui insiste sur l’identité et la
détermination. Il met également l’accent sur sept principes, le « Nguzo Saba », traditionnellement
célébrés à l’occasion de la semaine de festivités afro-américaines appelées « Kwanzaa ». Le directeur
du programme est lui-même afro-américain et c’est un homme charismatique, très intelligent et très
dévoué à la cause de la communauté locale. Il est soutenu dans son travail par un conseil consultatif
composé d’habitants du quartier, de parents, de membres du personnel scolaire, de responsables
communautaires, religieux et de la société civile et de représentants d’organismes tout aussi attachés à
l’élaboration de solutions imaginatives aux problèmes du quartier.
Financement et formation
Ce sont la Fondation Danforth ainsi que les ministères de la Santé mentale, de l’Enseignement
primaire et secondaire, de la Santé et des Services sociaux du Missouri qui ont apporté le financement
de départ du programme Caring Communities. Depuis plus récemment, ce programme bénéficie aussi
de l’aide du district des écoles publiques de St Louis, du ministère de la Sécurité publique, et des
initiatives Drug-free Schools (écoles sans drogue) et Civic Progress. Le district des écoles publiques
met gratuitement à sa disposition des équipements scolaires. Il arrive que la rigidité des règles de
financement conduise le programme Caring Communities à demander aux ministères du Missouri
concernés de « réduire la paperasserie ». En outre, lorsque cela est nécessaire, ce programme trouve
des moyens « imaginatifs » (quitte à contourner parfois les règles) de trouver des fonds pour les familles
qui en ont besoin.
Le personnel a reçu une formation spéciale sur les techniques de travail en collaboration et ce
programme s’efforce de recruter des professionnels avec des expériences différentes et qui font preuve
d’une aptitude au travail en équipe.
Services
248
Les services proposés par Caring Communities ont pour objectif de réduire les problèmes sociaux,
éducatifs, psychologiques et sanitaires qui empêchent les enfants de réussir leur scolarité et les
familles d’atteindre leurs objectifs. Les services de prévention sont le tutorat après les cours, des
présentations culturelles en classe, des loisirs où l’on met l’accent sur la non consommation de drogue,
un programme pour les enfants qui entrent à la maison avant leurs parents, des conseils pré-embauche
et des services de placement, des cours d’animation pour adolescents, un centre de passage pour
adolescents et un programme « une nuit de répit » (grâce auquel les enfants peuvent passer jusqu’à
quatre nuits par an à l’école pour que les parents puissent se reposer). Les services de soutien
comprennent un groupe d’action anti-gang et anti-drogue, un programme de gestion au cas par cas, un
service de traitement de jour et une assistance psychosociale pour les alcooliques et les toxicomanes,
le programme Families First (protection des familles) et des journées de sensibilisation aux problèmes
de la santé, des programmes d’action communautaire et des dépistages. Les initiatives « antiviolence » comprennent des dispositifs de « protection » des témoins de délits et des services de
raccompagnement des enfants après l’école (certains ont en effet été pris dans des échanges de coups
de feu).
C’est le personnel qui travaille dans les locaux de l’école primaire de Walbridge ou des organismes
extérieurs tels que la division des services familiaux ou des tribunaux pour délinquants juvéniles qui
orientent les personnes vers les programmes Caring Communities. Les parents y participent d’emblée.
Ils sont invités à une conférence pour les parents à l’occasion de laquelle on procède à une évaluation
initiale des besoins et où on leur demande s’ils acceptent l’intervention. La famille de l’enfant se voit
alors attribuer un ou plusieurs services, en fonction de ses besoins. Les cas sont évoqués lors des
réunions de traitement en équipe, auxquelles participent tous les membres du personnel qui prennent
part à la fourniture des services, et, plus tard, les enseignants et les parents sont conviés à évaluer
l’efficacité du programme.
Partie I : ÉTATS-UNIS
Si la communauté locale a bien accueilli la plupart des services Caring Communities, ses campagnes de lutte contre la violence et la toxicomanie se sont heurtées à une certaine résistance. Les
membres des gangs et les revendeurs ont tenté d’intimider les participants à ces campagnes par des
menaces verbales et des jets de bombes incendiaires. Il arrive qu’il faille mettre en œuvre une action
communautaire, dirigée par Caring Communities, pour protéger les individus. Le directeur du programme participe activement aux marches de protestation et reste en première ligne de la fourniture
des services, bien qu’il soit personnellement en danger. Il est convaincu « qu’on a besoin d’être là pour
savoir ce qu’il faut faire ».
Les obstacles à la collaboration
Si le district scolaire déploie tous les efforts possibles pour permettre à Caring Communities
d’utiliser les équipements scolaires, les administrateurs scolaires n’en font pas toujours autant. L’un
des directeurs d’établissement, qui ne connaissait pas bien le programme, craignait qu’il interfère avec
les cours. Mais ses craintes se sont évanouies une fois que la collaboration a commencé.
Les autres obstacles à la collaboration ont été le manque de temps pour organiser des réunions, la
différence de jargon et de terminologie entre les diverses professions, des problèmes de personnalité,
les lois sur la confidentialité et la crainte des poursuites ainsi que les attitudes négatives envers les
autres collaborateurs. Les revendeurs de drogue, les détracteurs de l’afrocentrisme et les enseignants
seraient les personnes qui soutiennent le moins ce programme. Selon l’un de nos interlocuteurs,
certains professeurs tendent à fonctionner suivant un principe dépassé selon lequel l’école est une
« tour d’ivoire » qui ne doit pas s’ouvrir aux autres professions et selon lequel les problèmes sociaux
n’entrent guère en ligne de compte pour l’éducation.
Le directeur du programme a également fait part de ses inquiétudes concernant le récent déménagement des bureaux de Caring Communities dans les locaux plus éloignés du Centre Penrose de
soutien aux familles, qui risque selon lui de faire obstacle à la collaboration avec la communauté. Il
craint de « perdre de vue ce qui se passe ». Dans la mesure où Caring Communities ne coopère pas
activement avec les autres organismes de ce centre intégré de fourniture de services sociaux, il est
possible qu’il gagne assez peu à ce déménagement.
Résultats
Les résultats des premières évaluations pour Caring Communities font apparaı̂tre des améliorations importantes et substantielles des résultats scolaires des enfants de Walbridge qui ont reçu des
services de Families First ou de gestion au cas par cas. D’autres enfants de Walbridge ont également
fait des progrès généralement plus perceptibles que ceux des enfants fréquentant une école témoin.
Qui plus est, ces progrès sont plus substantiels chez les enfants qui ont bénéficié des services pendant
la durée la plus longue. Sur le plan anecdotique, le directeur pense que ce programme a « changé la
perception des professeurs », qui estiment que les enfants sont davantage prêts à apprendre et que les
parents sont plus disposés à participer. Compte tenu de l’approche novatrice de ce programme, il
indique également que le personnel est plus motivé et plus énergique.
En raison de son succès à Walbrigde, l’initiative Caring Communities a été étendue à une autre
école primaire et à un établissement secondaire du premier cycle dans le même quartier. En outre,
trois autres écoles de St Louis sont en train de planifier leurs propres programmes Caring Communities,
et la possibilité d’un programme à l’échelle de l’État du Missouri est envisagée. Cependant, le ministère des Services sociaux ne sait pas encore comment optimiser cette expansion. Si le directeur de
Caring Communities souhaitait développer ce programme en créant sa propre administration, le ministère craint de donner naissance à une deuxième bureaucratie (et donc à un lieu de pouvoir) qui
s’ajouterait à la sienne. Du point de vue du ministère, la tendance de Caring Communities à rejeter les
services des autres organismes de l’État pose également problème car elle conduit à une redondance
de certains services. On peut supposer que cette tendance tient au fait que Caring Communities
considère que ces organismes appliquent des méthodes trop traditionnelles. Enfin, on peut s’interroger sur la viabilité des programmes Caring Communities, qui ne bénéficieront pas du charisme et de la
249
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
force de conviction du directeur actuel. Ce dernier joue sans aucun doute un rôle crucial dans le succès
du programme initial. Cependant, et c’est prometteur, les nouveaux sites fonctionnent très bien avec
différentes équipes de direction.
CONCLUSION
Le climat dans lequel s’inscrivent ces services
Le Missouri (et les États-Unis dans leur ensemble) constitue un cas à part en ce qui concerne la
nature des problèmes qu’il rencontre et les attitudes de sa population. La grossesse des adolescentes,
la violence des gangs, la toxicomanie et la pauvreté de personnes qui ont pourtant un emploi à temps
plein atteignent à l’heure actuelle des niveaux qui dépassent ceux observés dans nombre de pays de
l’OCDE. Dans le même temps, sa population est très attachée à l’autosuffisance, affiche une attitude
négative vis-à-vis de l’aide sociale et se méfie des interventions de l’État. Dans ces conditions, de
nombreuses familles sont contraintes de dépendre de services publics (et privés) qu’elles acceptent
avec réticence, et même avec honte.
Principales caractéristiques des services éducatifs, sanitaires et sociaux
La fourniture des services éducatifs, sanitaires et sociaux au Missouri présente les grandes caractéristiques suivantes :
– participation très importante du secteur privé, y compris via une multitude d’organismes étendus et très influents, comme United Way ;
– participation importante des entreprises à la planification et la mise en œuvre des services ;
– participation très élevée de la communauté due à l’accent mis sur le niveau local par l’État du
Missouri et les programmes ;
– participation limitée des pouvoirs publics à la fourniture des services sociaux (même s’ils jouent
un rôle stratégique important) ;
– financement mixte des programmes, notamment par diverses subventions de l’État fédéral, de
l’État du Missouri et du secteur privé ;
– équipes dirigeantes dynamiques, audacieuses et portées sur l’innovation, prêtes à contrevenir à
des règles rigides.
La nature de l’intégration
La rhétorique puissante sur l’intégration dans le Missouri est liée à une action considérable au
niveau de l’État et des programmes. Le partenariat entre secteur privé et secteur public joue un rôle
significatif, tout comme la collaboration avec les entreprises locales et la communauté. Dans la mesure
où le Missouri compte un grand nombre d’organismes, qui fonctionnent souvent à petite échelle, la
collaboration est essentielle à la fourniture de services complets. Si la fourniture des services est
souvent d’excellente qualité, sa couverture est souvent limitée. Certains quartiers bénéficient d’une
panoplie impressionnante de services alors que d’autres n’en reçoivent que très peu. Cependant, la
participation de l’État aux services sociaux du secteur privé dans le Missouri contribue à ce que la
population soit desservie de manière plus cohérente.
Les obstacles à l’intégration
250
Les principaux obstacles à la collaboration mentionnés par le personnel des programmes sont les
suivants :
– manque de temps pour organiser des réunions conjointes ;
– attitudes dépassées, particulièrement parmi les enseignants ;
– problèmes de personnalité ;
Partie I : ÉTATS-UNIS
– divergences de terminologie entre les diverses professions ;
– problèmes de confidentialité ;
– divergences des critères d’admission (et d’autres) ;
– inquiétudes quant à la rémunération des services ;
– sources de financement distinctes ;
– craintes d’un affaiblissement de l’identité des organismes ;
– rivalité entre organismes.
Évaluation des programmes
Les bailleurs de fonds privés des programmes éducatifs, sanitaires et sociaux demandent souvent
une évaluation. En conséquence, dans le Missouri, rares sont les programmes qui ne sont pas évalués.
Parmi les programmes que nous avons visités, tous ont fait état de résultats positifs, même s’il est
difficile de déterminer le rôle de la collaboration dans l’obtention de ces résultats. Les programmes
efficaces bénéficient souvent d’une bonne communication externe et disposent parfois de la capacité
de diffuser leurs activités, à la fois sur le plan national et international. La reproduction des programmes qui marchent est monnaie courante.
Les tendances de la fourniture de services
Dans le Missouri, les axes suivants sont actuellement privilégiés :
– prévention ;
– soins centrés sur la famille ;
– privatisation des programmes publics ;
– décentralisation ;
– intégration.
Remarques finales
L’État du Missouri fournit un excellent exemple de la pratique de l’intégration. Le ministère des
Services sociaux ne constitue pas seulement un collaborateur impressionnant et qui réussit, mais aussi
un partisan efficace des méthodes de collaboration, comme en témoigne le niveau élevé de la
coopération entre professionnels et organismes sur le terrain.
251
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
RÉFÉRENCES
MISSOURI DEPARTMENT OF SOCIAL SERVICES (1994a), Local Investment Commission Summary, Jefferson City,
Missouri.
MISSOURI DEPARTMENT OF SOCIAL SERVICES (1994b), Kansas City Social Services Project, Jefferson City, Missouri.
MISSOURI DEPARTMENT OF SOCIAL SERVICES (1994c), Kansas City Futures Advisory and Welfare Reform Committee,
Jefferson City, Missouri.
MISSOURI DEPARTMENT OF SOCIAL SERVICES (1994d), Outcome Measures Report, Jefferson City, Missouri,
octobre.
MISSOURI DEPARTMENT OF SOCIAL SERVICES (1994e), Grace Hill, Jefferson City, Missouri.
MISSOURI DIVISION OF JOB DEVELOPMENT AND TRAINING (1994), A Guide to the Missouri Job Training System,
Jefferson City, Missouri.
PARENTS AS TEACHERS NATIONAL CENTER, INC. (1993a), Parents as Teachers : Investing in Good Beginnings for
Children, St Louis, Missouri.
PARENTS AS TEACHERS NATIONAL CENTER, INC. (1993b), 1993 Annual Report, St Louis, Missouri.
PARTNERSHIP FOR CHILDREN (1993), Report Card and Data Briefing Book : The Status of Children in Metro Kansas City,
1993/94, Kansas City, Missouri.
PRIVATE INDUSTRY COUNCIL (1992), PY 1992 Annual Report to the Governor : Service Delivery Area 14, Private
Industry Council, St Charles County, Missouri.
PROJECT EARLY (1994), Family Focus Center, 1829 Madison, Kansas City, Missouri.
WOMEN’S EMPLOYMENT NETWORK (1993), Extended Support Pilot Project : Annual Progress Report to Community
Funders, Fiscal Year 2, July 1, 1992 to June 30, Kansas City, Missouri.
252
Partie I : ÉTATS-UNIS
NEW YORK CITY
COORDINATION DES SERVICES DANS UNE MÉTROPOLE MULTI-ETHNIQUE
par
Jennifer Evans et Josette Combes
INTRODUCTION
Un septième de la population totale de la ville de New York, soit un million d’enfants, vont à
l’école chaque jour. Parmi eux, quelque 130 000 enfants ont des besoins pédagogiques spéciaux, qui
nécessitent un soutien supplémentaire. Il y a vingt ans, la population enfantine était en recul, et de
nombreux établissements scolaires ont été fermés ou transformés. Cependant, l’augmentation récente
du nombre des enfants s’est traduite par une pénurie d’écoles. De nombreux enfants sont aujourd’hui
envoyés dans des établissements scolaires qui sont loin de chez eux. Cette tendance met un frein aux
récents efforts de construction « d’écoles communautaires » de quartier.
Au cours des trois dernières années, 138 000 nouveaux élèves se sont inscrits dans les écoles de la
ville de New York. La plupart d’entre eux sont des immigrants ou des réfugiés de fraı̂che date. Ce
schéma d’admissions a abouti à l’émergence d’une population scolaire multi-ethnique, parlant en tout
une cinquantaine de langues différentes. Actuellement, le corps enseignant ne reflète pas cette diversité. Cependant, les enseignants sont nombreux à reconnaı̂tre la nécessité de recruter des professeurs
issus des groupes minoritaires.
Plus de la moitié des enfants de la ville de New York vivent dans la pauvreté, et nombre d’entre
eux résident dans des quartiers où les tensions ethniques et les autres problèmes sociaux sont
monnaie courante. En conséquence, les écoles de la ville ne sont pas en mesure de satisfaire correctement aux besoins sociaux de leurs élèves. Seules quelques rares écoles proposent des horaires
prolongés (ouverture tôt le matin et fermeture dans la soirée). La moitié seulement des enfants ayant
droit à une garde préscolaire en bénéficient. Moins d’un tiers des élèves prennent part à des activités
scolaires pendant les mois d’été.
Les raisons de la faillite du système scolaire donnent actuellement lieu à un vaste débat. Le
manque de moyens de financement adéquats est perçu comme un problème majeur. L’éducation est
financée à 48 pour cent par les taxes et impôts locaux, à 45 pour cent par l’État de New York et 7 pour
cent par l’État fédéral. Malheureusement, l’assiette fiscale de la plupart des villes américaines est en
baisse.
La classe moyenne, essentiellement composée de Blancs, déserte en masse l’école publique. Les
établissements publics sont considérés comme destinés « aux enfants des autres », et moins de 25 pour
cent des familles comptent un enfant fréquentant une école publique.
Le système scolaire est régi par trois niveaux d’autorités : l’État, la ville de New York et les districts
scolaires de quartier. Sur le papier, l’accès à l’éducation est démocratique mais, en réalité, on observe
des différences fondées sur la situation socio-économique et la race. On considère que ce sont les
élèves, et non l’école, qui sont responsables des échecs. La relation entre les normes, l’évaluation et
l’enseignement n’est pas claire et on est davantage tenu de rendre des comptes sur la procédure que
sur le résultat.
253
COORDONNER LES SERVICES POUR LES ENFANTS ET JEUNES A RISQUE
Les organismes bénévoles apportent une contribution majeure à l’éducation : ils sont plus
d’un millier à travailler d’une manière ou d’une autre en coopération avec les écoles. Des organismes
bénévoles étaient partie prenante dans tous les sites d’étude que nous avons visités.
SITES VISITÉS
Nous avons visités les sites suivants :
– les écoles communautaires IS 218 et PS 5, Washington Heights ;
– The Door ;
– Projet Highroad, IS 183, Bronx ;
– la Decatur-Clearpool School, Brooklyn ;
– Camp Clearpool, Carmel, New York.
Notre programme de visite ne comportait aucun site de garde préscolaire. PS 5 est une école
primaire (pour les 6 à 10 ans) et IS 218, IS 183 et la Decatur-Clearpool School sont des établissements
secondaires de premier cycle (pour les 11 à 14 ans). PS 5 dispose d’un programme préscolaire Head
Start dans ses locaux, qui n’était pas dans la liste des sites à visiter. Nous n’avons visité aucun lycée et
aucun centre universitaire de premier cycle. Le seul site proposant des programmes de transition vers
le monde du travail est The Door, même si les établissements secondaires de premier cycle offrent à
leurs élèves les plus vieux (13 et 14 ans) une expérience du monde du travail.
Nous n’avons pas beaucoup eu l’occasion d’interroger les gens. Nous avons officiellement interviewé le directeur et le responsable du programme communautaire de l’établissement IS 218 ainsi que
le directeur et le responsable (superintendant) du district scolaire de la Decatur-Clearpool School.
Aucun questionnaire rempli ne nous a été retourné. Ce rapport se fonde essentiellement sur les
documents publiés fournis par les écoles et les organismes bénévoles (y compris les rapports d’évaluation), et sur les notes que nous avons prises pendant nos visites.
ÉCOLES COMMUNAUTAIRES IS 218 ET PS 5
Contexte (niveau stratégique, niveau opérationnel et niveau du terrain)
Caractéristiques des sites étudiés
IS 218 et PS 5 sont situés à Washington Heights, soit une zone extrêmement défavorisée au nord de
Manhattan :
– La population de cette zone affiche le taux de pauvreté le plus élevé de toute la ville. Quelque
40 pour cent des familles y ont des revenus inférieurs à 10 000 dollars par an.
– A Washington Heights-Inwood, le 34e commissariat de police enregistre les niveaux de toxicomanie et de délinquance, homicides compris, les plus élevés de tous les commissariats de la ville.
– La grossesse des adolescen