L`exposé du collège Paul Gauguin
Transcription
L`exposé du collège Paul Gauguin
De l’école du quartier aux tranchées 3ème 1 Collège Paul Gauguin 2013‐2014 A l’occasion du centenaire de la Grande Guerre qui a fait plus de neuf millions de morts, nous avons voulu rendre hommage aux anciens élèves du collège qui sont tombés parmi tant d’autres lors des combats. Au début du XXème siècle, les murs du collège actuel, le collège Paul Gauguin, accueillaient une école élémentaire, l’école du quartier. Qui étaient‐ils ceux dont les trente noms sont gravés sur la plaque commémorative dans la cour de notre établissement? Grâce à notre enquête aux Archives de Paris, nous avons pu retrouver la trace de six d’entre eux : Marcel Ansaldi, Georges‐Alfred Jassaud, Eugène Piot, Fernand Rakover, Raymond Silberstein et André Vincensini. A travers cette recherche historique, nous avons retrouvé leur profession, leur domicile, leurs états militaires et même parfois leurs appréciations scolaires ! En retrouvant tous ces jeunes hommes qui ont perdu la vie à la guerre, nous avons accompli notre devoir de mémoire, pour ne jamais les oublier. Marcel ANSALDI Marcel Ansaldi est né à Paris le 7 janvier 189O. Son père, Michel Ansaldi est douanier, sa mère, Louise Pruzerot ne travaille pas. Il a également un frère, Henri, de neuf ans son aîné. Ils vivent au numéro 3 de la rue de Rochechouart. Le petit Marcel à six ans lorsqu’il entre à l’école de la rue Milton en 1896. Excellent élève, il atteint la « classe supérieure ». Sur le registre de l’école, on peut aussi lire « apprenti graveur ». L’enfant est promis à un bel avenir. Il quitte l’école en 1902 et est recruté en 1910 dans l’armée française. Lorsqu’on le retrouve sur le registre de l’armée, c’est un jeune homme de 20 ans à peine. Il est devenu bijoutier. Son père est mort, en témoigne le « feu Michel » imprimé à l’encre sur le papier jauni. Son niveau d’études s’élève à «3 »soit « sait lire, écrire et compter ». Une vague description physique nous apprend que c’est un jeune homme de 1 mètre 70, le dos droit le visage ovale et les cheveux châtains. Il est incorporé au 39è régiment d’infanterie le 7 octobre 1911 en temps que soldat de 2ème classe, et passe dans l’armée de réserve le 8 novembre 1913. Il obtient un certificat de bonne conduite. Il est rappelé sous les drapeaux par décret présidentiel lors de la mobilisation générale et rejoint le 39ème régiment le 11 août 1914. Il part en campagne contre l’Allemagne le 12 août et meurt le 12 septembre à Thillait, tué par l’ennemi. Il avait 24 ans et aura tenu un mois dans cet enfer. Georges‐Alfred JASSAUD Georges‐Alfred Jassaud est né le 26 septembre 1889 à Paris dans le XVIIIème arrondissement. De ses parents, on ne connaît que les noms : François Louis Alfred Jassaud et Marie‐ Hortense Brouant. N’ayant retrouvé que sa fiche matricule, nous n’avons aucune information sur lui de son entée à l’école à ses 20 ans âge où il est recruté par l’armée. Il est devenu employé de bureau et vit au 4 rue Germain Pilon. C’est un jeune homme châtain, visage ovale, menton rond mesurant 1mètre 61. Son degré d’instruction est codifié n°3 (sait lire, écrire et compter). Il a été lui aussi à l’école de la rue Milton. Il est dispensé de service militaire par la loi car il est le fils unique d’une veuve et est incorporé au 55ème régiment d’infanterie le 14 novembre 1904 comme soldat de 2ème classe. En 1905, il est envoyé dans la disponibilité. Cela signifie qu’en cas de guerre, il ne partira pas immédiatement et ne sera pas mis en première ligne. Il passe dans la réserve de l’armée active le 1er octobre 1907 et son régiment est affecté au fort de Drancy. Le 3 août 1914, il est intégré dans le 26ème régiment. Il participe à la campagne contre l’Allemagne et est grièvement blessé le 8 octobre 1915. On l’ampute de la jambe gauche. Il était alors téléphoniste. Il meurt le 25 octobre de ses blessures à l’ambulance 13 du 12ème secteur (Banbers‐sur‐Canche). Il avait 32 ans. Il reçoit des citations de l’armée « Soldat dévoué, a rendu beaucoup de services » ainsi que la médaille militaire et la croix de guerre avec palme. Eugène PIOT Fils de Louis Célestin Piot et de Marie Duchenne, Eugène Piot naît le 4 août 181 rue de Saintonge dans le 3ème arrondissement à Paris. Il fait ses études à l’école Milton, ses parents habitant au 31 rue Milton, et obtient un bon niveau scolaire. En effet, le directeur de l’école le qualifie comme « un bon élève, intelligent ». Il est placé dans le cours complémentaire classe A. Piot devient typographe et épouse Mathilde Réveillon. Habitant boulevard de Créteil, il déménage à Saint‐Maur‐des‐Fossés (département de la Seine). Son dossier militaire nous indique que le jeune homme était petit (il mesurait 1m68), qu’il avait un visage allongé, une petite bouche, un menton rond, un nez fort, des sourcils et des cheveux châtains. Après avoir été « ajourné » au conseil de révision car déclaré « non apte » pendant deux années consécutives (en 1902 et en 1903), il est recruté en 1904 dans l’armée active mais dans le service auxiliaire parce qu’il présentait « des faiblesses ». Son niveau d’instruction est évalué : Piot est au niveau3, c'est‐à‐dire qu’il savait lire, écrire et compter. Le 26 novembre 1914, à 33 ans, il est appelé suite au décret d’ordre de Mobilisation Nationale et entre dans la réserve dans le 89ème régiment d’infanterie. Il entre dans le 46ème régiment d’infanterie le 26 mai 1915 puis dans le 153ème le 1er décembre 1915. Eugène Piot est porté disparu le 5 octobre 1915 à Maison‐en ‐Champagne pendant la Campagne de la Marne. Le jugement déclaratif de décès n’est réalisé que le 8 avril 1921, soit 6 ans après, à la mairie de Saint‐Maur‐des‐Fossés : Mort pour la France. Képi militaire de la guerre de 14‐18 Raymond Raphaël SILBERSTEIN Né le 22 novembre 1896 rue Montyon, dans le 9ème arrondissement de Paris, il est le fils d’André Silberstein et de Lucie Metzger. C’est un jeune homme aux cheveux châtain foncé et au visage ovale. Ses yeux sont marrons et il a un nez moyen. Il mesurait 1m65. Silberstein est recruté le 12 avril 1915 à l’âge de 19 ans et devient caporal le 30 avril 1915 puis sergent le 15 août 1915. Il a donc devancé l’appel. Il est incorporé au 59ème bataillon de chasseurs (aviation) le 15 mars 1916. Il est donc passé du simple poilu au corps d’élite de l’armée, l’aviation, en seulement 1 an, ce qui est remarquable pour un jeune homme à peine majeur. Raymond Silberstein est tué au combat de la maisonnette le 14 juillet 1916 âgé de 20 ans. Chasseur de la guerre de 14‐18 André VINCENSINI Fils de Jean Vincensini , employé, et de Catherine Innocenzi, André naît le 14 août 1890. Résident au 44 rue Rodier, il rentre à l’école le 4 octobre 1897, rue Milton sous le numéro de matricule scolaire 2631 comme élève de la 3ème classe d’I (Initiation ?). Il obtient comme observations scolaires : « Bon élève, intelligence moyenne, bonne écriture, très bon en dessin ». Il sort de l’école le 31 juillet 1904 (à 14 ans) pour être envoyé à Colbert (à l’époque 10ème lycée professionnel pour construire des ponts). Il deviendra commis des « Ponts et Chaussées ». C’était un jeune homme d’environ 1m53 avec un visage de forme ovale, des cheveux châtains, des yeux bleus foncés et un haut front moyen. André Vincensini a été incorporé dans l’armée au registre des matricules sous le n° de cote : D4R1‐1596. Il est nommé caporal le 21 septembre 1914 puis sergent, le 23 décembre 1914 par décision de Monsieur l’Intendant. Il déménage au 50 rue de Clignancourt le 19 juillet 1914 puis intègre la 8ème section des commis et ouvriers au service de l’intendance (il ne combattait pas et travaillait au service de l’administration). André Vincensini meurt le 24 octobre 1918 à Florina (Grèce) d’une maladie contractée en service. Il était alors âgé de 28 ans. Croquis de Jean‐Louis Forain, combattant de 14‐18 Fernand RAKOVER Fernand Rakover est né le 14 avril 1888. Il est le fils de Ignatz Rakover et de Rachel Levy, tous deux brocanteurs. Il a d’abord vécu avec ses parents au 4 rue de Bellefond puis seul au 6 rue de Bellefond. Il rentre à l’école à l’âge de 6 ans en 1894 et la quitte à la fin de l’année, le 1er mai 1894. Les appréciations du directeur, « Conduite assez bonne mais n’ayant aucune intelligence. » sont peu élogieuses et pourtant… Il commence son service militaire en 1908, l’année de ses 20 ans. C’est un jeune homme au visage ovale, avec des cheveux châtains, des yeux gris‐ châtain, un front ordinaire, une bouche et un nez moyens. Il mesurait 1m65. Il est affecté au 69ème régiment d’infanterie à Nancy à partir du 1er octobre 1909 (n° D4R1 1498). Il sera promu caporal moins d’un an plus tard, le 25 septembre 1910 et est envoyé en congé le 25 septembre 1911 avec un certificat de bonne conduite. Il est affecté au 5ème régiment d’infanterie coloniale, au 10ème corps d’armée, le 27 janvier 1913. Il est mobilisé le 3 août 1914 et il est déclaré mort par jugement déclaratif de décès le 22 août 1914 à Neufchateau en Belgique. Il a été déclaré « Mort pour la France » et reçoit la médaille militaire selon le décret inscrit au Journal Officiel avec la mention suivante. « Brave caporal tombé glorieusement le 1er jour de combat en faisant courageusement son devoir. » Remerciements La classe de 3ème 1 et l’équipe pédagogique tient à remercier les parents et les grands parents qui les ont accompagnés aux Archives de Paris : Mesdames Petronio et Hardin. Un grand merci à l’équipe des archives : Madame Aline Damoiseau et sa collaboratrice qui les ont accueillis avec beaucoup de patience et Monsieur Gérald Monpas qui leur a donné de nombreuses informations. Merci également à l’équipe de direction du collège pour son soutien et ses encouragements. La démarche. Dans un premier temps, nous avons effectué une recherche sur le site internet des Archives de Paris pour retrouver nos conscrits. Le site : http://canadp‐archivsenligne.paris.fr/ Avec le nom, l’année de recrutement (année de naissance + 20 ans), le bureau de recrutement, nous accédons au répertoire des conscrits. Il suffit alors de naviguer dans les pages de répertoire à la recherche du conscrit puis de relever le numéro de matricule. Aux Archives de Paris, nous avons pu consulter deux types de registre. ‐ ‐ Le registre scolaire Le registre des états signalétiques et des services Des éléments authentiques, datés. Autant d’éléments nécessaires à cette recherche historique. Quelques éléments de notre enquête La conscription Loi du 21 mars 1905 : Tous les jeunes âgés de 20 ans doivent être examinés par le conseil de révision (apte, inapte, dispensés ou sursitaires). La durée du service est de deux ans à partir de 21 ans. Loi du 7 août 1913 : Le service militaire actif passe de 2 ans à 3 ans. L’âge d’appel passe de 21 ans à 20 ans. 1914‐1918 : Mobilisation de 12 millions d’hommes d’une nation à dominante paysanne que des sous‐ lieutenants, souvent instituteurs, mènent au feu. Après une période d’instruction plus ou moins longue selon les années, la troupe est envoyée dans la zone de front. L’uniforme Le soldat français entre en guerre avec un uniforme constitué d’un pantalon rouge garance, d’une capote gris bleuté à double rangées de boutons et d’un képi rouge et bleu. Cet uniforme a été peu modifié (Second Empire pour la capote et 1867 pour le pantalon). Il est très visible et ne protège en rien le soldat. Au lendemain de la bataille de la Marne l’Etat‐Major décide à passer au bleu‐horizon pour les pantalons et la capote (« Poiret » avec une seule rangée de boutons). Le képi est remplacé par le casque Adrian. L’équipement Le paquetage du fantassin, le « barda » pesait une trentaine de kilogrammes. Ils l’avaient toujours à dos aussi bien dans leurs déplacements pour aller d’une ligne à une autre, que pour monter à l’assaut. Il contient 10 kg d’équipement : gamelle, brodequins, effets personnels, vivres… Il est équipé d’une gourde d’une contenance d’I litre. L’armement Il est doté du fusil Lebel modèle 1886/93 accompagné de trois cartouchières en cuir et d’une baïonnette (Rosalie). L’équipement s’adapte à la vie dans les tranchées (pinces coupe‐barbelés, périscopes de poche…) et aux nouvelles armes (masques à gaz). L’intendance militaire C’est un service de l’armée de terre entre 1817 et 1983 chargé de l’administration générale, c'est‐à‐ dire l’administration, le ravitaillement, l’habillement… Le système de numérotation des régiments Chaque régiment de l’armée portait un numéro de 1 à 99. La réserve de ce régiment portait ce même numéro dans la deuxième ou troisième centaine. Par exemple, la réserve du 57ème régiment portait le numéro 257. Les communications Les communications pendant la Première Guerre mondiale se faisaient le plus souvent sous forme de courrier, mais aussi de messages télégraphiques et de téléphones de campagne, réservés aux liaisons entre les régiments et leurs postes de commandement. Durant la guerre de 14‐18, les téléphonistes étaient chargés d’assurer les liaisons téléphoniques entre le front et l’arrière‐front. Ils faisaient partie du « génie » corps d’armée assurant la protection et le développement des infrastructures. La mise en place de ces outils n’est pas sans danger. Les téléphonistes et télégraphistes sont fréquemment en première ligne pour réparer les lignes détruites lors des bombardements. Téléphoniste installant une ligne de téléphone de campagne Les pigeons étaient étonnamment efficaces pour transporter des messages mais exigeaient des personnes spécialement formées à leur manipulation et ils pouvaient être désorientés par le bruit et les barrages d’artillerie.