la survivance des obligations des licenciés suite à l

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la survivance des obligations des licenciés suite à l
LA SURVIVANCE DES OBLIGATIONS DES LICENCIÉS SUITE À L'EXPIRATION
OU L'INVALIDATION D'UN BREVET ET LA DIVULGATION DES SECRETS DE
COMMERCE
François Painchaud et Nadia Perri**
LEGER ROBIC RICHARD, S.E.N.C.R.L.
AVOCATS, AGENTS DE BREVETS ET DE MARQUES DE COMMERCE
1.
2.
3.
4.
5.
1.
Introduction
Les obligations des licenciés suite à la divulgation d’un secret de commerce, à
l’expiration ou l’invalidation d’un brevet
2.1.
Canada
2.1.1 Brevets
2.1.1.1
Common Law
2.1.1.2
Droit civil
2.1.2 Secrets de commerce
2.2
États-Unis
2.2.1 Brevets
2.2.2 Secrets de commerce
Brevets et secrets de commerce
Conseils pratiques
Conclusion
Introduction
Depuis les dernières années, il y a eu un accroissement important dans le nombre de
personnes qui ont senti le besoin d’innover afin, d’une part, de conquérir une partie
du marché et, d’autre part, d’obtenir un avantage concurrentiel.
Généralement, le besoin d’inventer chez ces créateurs est accompagné par le besoin
de protéger la position dont ils bénéficient grâce à leurs innovations. À cet égard, les
créateurs adopteront vraisemblablement diverses mesures prévues dans les lois
© CIPS, 2007.
* François Painchaud est avocat et associé de LEGER ROBIC RICHARD, S.E.N.C.R.L., un cabinet
multidisciplinaire d'avocats, d'agents de brevets et d'agents de marques de commerce; Nadia Perri est
avocate au même cabinet.
2
relatives à la propriété intellectuelle, tel que le dépôt d’une demande de brevet, aux
termes de la Loi sur les brevets1, afin d’empêcher l’usage illégal de leurs innovations.
Une fois que les inventeurs auront franchi cette étape avec succès, l’objectif de ces
derniers sera dorénavant de trouver des moyens pour faire fructifier leur nouvel avoir.
En fait, les créateurs pourront décider, dépendamment de la situation dans laquelle
ils se trouvent, soit d'exploiter leur invention, soit de trouver une tierce partie pour
l’exploiter.
Dans ce dernier cas, les créateurs interviendront généralement à des conventions de
licences avec la tierce partie par lesquelles les créateurs autorisent celle-ci à utiliser
leur invention à l'intérieur d’un territoire donné, pour une période spécifiée, en
contrepartie d’une rémunération appelée « redevance » ou « royauté ».
Dans un monde idéal, ces conventions de licences seront complètes et couvriront
toutes les situations imaginables. L’expérience nous enseigne par contre que ceci
est rarement le cas. En effet, dans la grande majorité des cas, les conventions de
licences sont muettes sur les obligations des licenciés suite à l’expiration ou
l’invalidation d’un brevet ou à la divulgation d’un secret de commerce.
En l’absence de dispositions contractuelles ou législatives stipulant les obligations
des parties à la convention de licence dans de tels cas, il faut se tourner vers la
jurisprudence.
Dans le présent article, nous allons discuter des principes qui se dégagent des cours
canadiennes et américaines relatifs aux obligations des licenciés suite à l’annulation
du brevet sous licence ou la divulgation d’un secret de commerce.
Plus
spécifiquement, nous allons tenter de répondre à la question suivante: les licenciés
ont-ils l’obligation de verser des redevances aux concédants de licence une fois le
brevet annulé ou le secret de commerce divulgué? Nous allons également vous offrir
quelques conseils sur les dispositions qui devraient être incluses dans toute
convention de licence à la lumière desdits principes.
2.
Les obligations des licenciés suite à la divulgation d’un secret de
commerce, à l’expiration ou l’invalidation d’un brevet
2.1.
Canada
Le droit canadien est assez développé en ce qui a trait aux obligations d’un licencié
suite à l’expiration ou l’invalidation d’un brevet. En effet, plusieurs décisions rendues
par des tribunaux canadiens en traitent.
1 Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, c. P-4.
3
Or, il ressort de ces décisions un principe selon lequel un concédant de licence a
droit au paiement des redevances après l’expiration ou l’invalidation du brevet
licencié dans la mesure où la convention de licence ne prévoit pas le contraire. En
fait, c’est ainsi puisque les tribunaux canadiens sont d’opinion que les obligations
d’un licencié sont indépendantes de la validité ou de la durée de la protection du
brevet licencié. Il importe de mentionner que ce principe s’applique autant au
Québec que dans les autres provinces canadiennes régies par la common law2.
Nous allons voir, ci-après, que la situation à l'égard des conventions de licence
concernant les secrets de commerce n'est pas aussi claire que celle relative aux
brevets.
2.1.1
2.1.1.1
Brevets
Common Law
Le principe ci-haut mentionné est très bien illustré dans la cause Coyle c. Sproule3.
Les faits donnant naissance à l'action opposant le demandeur Coyle et le défendeur
Sproule se résumer ainsi: ces derniers sont intervenus à une convention de licence
en février 1938.
En vertu de la convention de licence, Sproule a acquis le droit d'utiliser le brevet
appartenant à Coyle afin de fabriquer des cartons d'œufs et de les vendre à travers le
Canada. En contrepartie de la licence, Sproule s'est engagé à verser des
redevances à Coyle.
Sproule a respecté ses engagements contractuels vis-à-vis Coyle et, jusqu'en
décembre 1938, a versé à ce dernier les redevances stipulées dans la convention de
licence. Le 27 juillet 1939, soit plus de six mois après que Sproule ait cessé de payer
des redevances à Coyle, celui-ci a envoyé une lettre à Sproule dans laquelle il
mentionnait que Sproule se prévalait de son droit de mettre fin à la convention vu le
défaut de Sproule d'honorer ses obligations.
Coyle a, par la suite, intenté une action contre Sproule en recouvrement de
redevances.
2 Voir Deering Milliken Research Corp. c. Louiseville Spinners Ltd., (1971), 4 C.P.R. (2d) 18
(C.S.Qué.) où la Cour supérieure du Québec a décidé que Louiseville Spinners Ltd. devait continuer à
payer des redevances à Deering Milliken Research malgré l'invalidité du brevet puisque l'obligation de
verser des royautés est indépendante de la validité du brevet sous licence. Le jugement de la Cour
supérieure du Québec a été confirmé par la Cour d'appel dans Louiseville Spinners Ltd. c. Deering
Milliken Research Corp., (1972), 7 C.P.R. (2d) 18 (C.A.Qué.).
3 Coyle c. Sproule (1942), 2 C.P.R. 125 (H.C. d’Ont.).
4
Au procès, Sproule a avancé l'argument selon lequel aucune somme ne pouvait lui
être réclamée puisque le brevet sous licence était invalide.
Toutefois, la Cour n'a pas partagé l'opinion de Sproule. En effet, la Cour a conclu
que Sproule avait l'obligation de verser des redevances à Coyle tant et aussi
longtemps qu'il fabriquerait et vendrait des cartons d'œufs à l'aide du brevet
appartenant à Coyle.
En rendant sa décision, la Cour a réitéré le principe établi dans la cause Duryea c.
Kaufman4 où, selon le juge Riddell, l'obligation d'un licencié à verser des redevances
à son concédant de licence ne dépend aucunement de la validité du brevet sous
licence si le licencié s'engage contractuellement à les verser.
Le juge Riddell a d'ailleurs conclu que cette règle ne s'appliquait pas dans les cas où
la convention de licence contenait une garantie implicite ou explicite quant à la
validité du brevet ou que le licencié démontrait que le concédant de licence avait
adopté un comportement frauduleux. Étant donné qu'aucune de ces exceptions n'a
été soulevée par Sproule, la Cour a condamné ce dernier à verser à Coyle la somme
des redevances qui lui était due.
Le principe énoncé dans la cause Duryea et appliqué par le juge Hogg, dans l’affaire
Coyle, a été confirmé par la Cour suprême du Canada en 1943, dans l'arrêt
Trubenizing Process Corp. c. John Forsyth Ltd.5
En effet, dans cet arrêt, il a été question, pour la Cour suprême, de déterminer si
Trubenizing Process Corp. avait le droit de réclamer des redevances de sa licenciée
John Forsyth Ltd. L'action de Trubenizing était basée sur une convention de licence
intervenue le 28 mai 1935 entre son précesseur en titre Canadian Celanese Ltd. et
Forsyth.
Ainsi, aux termes de ladite convention de licence, Forsyth s'est vue accorder par
Celanese le droit exclusif d'utiliser des améliorations reliées à deux brevets
canadiens respectivement intitulés « Production de tissus de renforcement » et
« Tissu en feuille ». En considération de la licence, Forsyth s’est obligée à verser
une redevance minimale équivalente à la somme de trois cent dollars (300,00 $) à
Celanese. Forsyth s’est également engagée à payer, sur une base mensuelle, les
redevances suivantes à Trubenizing :
a)
For shirts manufactured by the licensee with stiffened attached or
"matched" collars and/or containing cellulose acetate or other
derivate of cellulose a royalty of twenty five cents ($0.25) per dozen
for each dozen shirts so manufactured by the licensee.
4 (1910), 21 O.L.R. 161 (H.C.J. d’Ont.)
5 Trubenizing Process Corp.c. John Forsyth Ltd, [1943] R.C.S. 422.
5
b)
A royalty of fifty cents ($0.50) per dozen for each dozen shirts
manufactured by the licensee with stiffened attached bosoms with or
without attached of "matched" collars or attached cuffs, made with or
containing cellulose acetate or other derivative of cellulose.6
À la suite de poursuites menées par une tierce partie, à savoir B.V.D. Co. Ltd., un
des deux brevets appartenant à Trubenizing a été déclaré invalide7.
Il importe de mentionner que Forsyth n'a jamais arrêté de payer des redevances
minimales à Trubenizing malgré le fait que la Cour de l'Échiquier avait déclaré que
les brevets appartenant à celle-ci étaient invalides. En effet, Forsyth a continué à
verser des redevances minimales à Trubenizing jusqu'en juillet 1937, soit plus d'un
an après que le brevet sous licence ait été déclaré invalide par la Cour de l'Échiquier.
À la suite du défaut de Forsyth d'honorer ses engagements contractuels, Trubenizing
a intenté une action contre celle-ci devant la Cour suprême de l'Ontario.
Au procès, Trubenizing demandait que Forsyth soit condamné à respecter la
Convention de Licence et, plus particulièrement, à acquitter la somme de neuf mille
neuf cent dollars (9 900,00 $) à titre de redevances. Forsyth a, pour sa part, plaidait
que Trubenizing n'avait pas le droit de réclamer des redevances étant donné
l'invalidité du brevet licencié.
D'opinion qu'aucune somme n'était due à Trubenizing à titre de redevances, la Cour
de l'Ontario a rejeté l'action de celle-ci. De plus, la Cour a conclu que Forsyth ne
pouvait être tenue de payer une redevance proportionnelle à l'égard du brevet
existant en l'absence de disposition prévoyant le paiement d'une redevance
particulière pour chacun des brevets licenciés.
En fait, la Cour de l’Ontario a conclu ainsi, puisqu’elle était d’opinion que le droit
consenti en faveur de Forsyth, relatif à l’utilisation par cette dernière des deux
brevets appartenant à Trubenizing, était indivisible et ne pouvait, par conséquent,
être réparti.
Cette décision a été portée devant la Cour d'appel de l'Ontario laquelle a confirmé la
décision de la Cour de l'Ontario. La Cour d'appel a décidé ainsi puisqu'elle partageait
l'opinion de la Cour de l'Ontario à l'effet que les redevances minimales payables par
Forsyth ne pouvaient être fractionnées entre les deux brevets licenciés.
Mécontente des jugements rendus par les instances inférieures, Trubenizing a
interjeté appel de ceux-ci devant la Cour suprême du Canada.
6 Ibid.
7 Voir à cet effet : B.V.D. Co. c. Canadian Celanese, [1936] R.C.É. 139.
6
La Cour suprême n’a pas partagé l’opinion des instances inférieures et a déterminé
que :
The payment of royalty is not, by the agreement conditioned upon the
validity of either of the patents in issue, nor it will noted (…) is the
payment of royalty conditioned upon manufacture under the license
(…). It is, as the learned judge observes, conditioned upon
manufacture of certain precisely defined objects - - defined according
to their physical characteristics.
So long as the respondent
manufactured those objects and so long as the agreement was
subsisting, the payment of royalties was an independent covenant,
unconnected with the validity of the patent covered by the license.8
En résumé, la Cour suprême a décidé que la disposition en vertu de laquelle Forsyth
s’est engagée à verser des redevances minimales à Trubenizing était un
engagement indépendant qui trouvait application malgré l’invalidité des brevets
licenciés. La Cour suprême a d'ailleurs conclu que Forsyth était tenue de payer des
redevances minimales à Trubenizing même si elle ne fabriquait aucun produit pour
lequel un brevet a été émis. La Cour Suprême a décidé ainsi puisqu'elle était
d'opinion que l’obligation de Forsyth à verser des redevances minimales à
Trubenizing n’était pas conditionnelle à l’exercice, par Forsyth, des droits consentis
en sa faveur par Trubenizing, aux termes de la convention de licence.
En rendant sa décision, la Cour suprême s’est basée, entre autres, sur le fait que
malgré l’invalidité des brevets, Forsyth a, d’une part, continué de réaliser des produits
à l’aide de la technologie licenciée et, d’autre part, ne s’est jamais prévalue du droit
prévu au paragraphe 14 de la convention de licence. En vertu de ce paragraphe,
Trubenizing avait le droit de mettre fin à la convention de licence suite à la réception,
par Forsyth, d’un avis stipulant que cette dernière voulait être dispensée de son
obligation à verser des redevances à Trubenizing.
En effet, la Cour suprême a été d’opinion que Forsyth, en choisissant de continuer à
fabriquer des produits à l’aide de ladite technologie, n'avait pas le droit de renier
uniquement les dispositions contenues dans la convention de licence qui concernait
le paiement des redevances.
Étant donné les principes se dégageant des décisions ci-haut mentionnées, la
conclusion de la Cour suprême relative à l’obligation de Forsyth à payer des
redevances à Trubenizing, malgré l’invalidité des brevets licenciés, aurait été, quant
à nous, la même si Forsyth, dès l’invalidation desdits brevets, aurait arrêté, d’une
part, de fabriquer des produits et, d’autre part, de payer des redevances à
Trubenizing.
8 Ibid.
7
Quelques années après que la Cour suprême ait rendu son jugement dans l'arrêt
Trubenizing, lequel concernait le paiement des redevances suite à l'invalidation des
brevets sous licence, la Cour du banc de la reine de la Saskatchewan a dû se
prononcer sur la légalité d'une stipulation concernant le versement des redevances
après l'expiration d'un brevet sous licence. En effet, dans l'affaire Culzean Inventions
Ltd. c. Midwestern Broom Co.9 il était question, pour la Cour de la Saskatchewan, de
décider si une disposition, à l’effet que le licencié soit tenu de verser des redevances
au concédant de licence jusqu’à la terminaison de la convention, était valide et
exécutoire vu l’expiration du brevet licencié. La disposition en question est ci-après
reproduite :
3. The licensee shall pay to the licenser for each licensed broom
made or sold by the licensee during the term of this agreement a
royalty equal to the greater of :
a) 50 cents ($0.50), or
b) 10 per cent (10 %) of the licensee’s selling price of the licensed
broom provided that for the purposes of this agreement any licensed
broom given away free of charge by the licensee shall be deemed to
have been sold at the licensee's usual selling price and the licensee
shall pay the same royalty to the licensor as if it had been sold.10
[Les italiques sont nôtres.]
Voici les faits qui ont donné lieu à l'action opposant Culzean Inventions Ltd. et
Midwestern Broom Co. Le 23 mai 1967, Curl-Master Manufacturing Company Limited
a consenti une licence non exclusive en faveur de Midwestern quant à l’utilisation,
par cette dernière, de son brevet canadien afin de fabriquer des balais de bordage.
Cette Convention de licence créait entre Curl-Master et Midwestern une relation
licencié/concédant de licence, basée sur le respect mutuel des dispositions de ladite
convention.
Tout a toutefois changé le 25 mars 1975, date à laquelle le brevet licencié par CurlMaster en faveur de Midwestern, a expiré. En fait, c’est à cette date que Midwestern
a cessé de payer des redevances à Curl-Master pour l’utilisation des brevets
licenciés.
Curl-Master a, de ce fait, intenté une action contre Midwestern en vertu de laquelle
elle demandait à la Cour de condamner Midwestern à respecter ses engagements
contractuels vis-à-vis elle et, plus particulièrement, de continuer à payer des
redevances à celle-ci jusqu’à la date d’expiration de la convention de licence, à
savoir le 31 mars 1980.
9 Culzean Inventions Ltd. c. Midwestern Broom Company Ltd. et al. (1984), 82 C.P.R. (2d) 175
(C.B.R. de Saskatchewan).
10 Ibid.
8
Devant la Cour, Midwestern a affirmé que Curl-Master n’était pas en droit de
réclamer des redevances de sa part étant donné l’expiration du brevet licencié. En
effet, Midwestern avait développé une argumentation basée sur le principe voulant
que tout monopole bénéficiant d'une autorisation législative devait cesser de produire
des effets après un certain temps. Ainsi, Midwestern a plaidé que le monopole
conféré par un brevet, à titre d'exemple, devait être éliminé à partir du moment où le
brevet du breveté était arrivé à expiration.
Midwestern a d'ailleurs affirmé que toute tentative de la part de Curl-Master de faire
respecter la convention de licence n’était rien de plus qu’une tentative voulant faire
respecter une convention allant à l'encontre de la loi et au principe de libre
commerce.
En réponse aux arguments avancés par Midwestern, Curl-Master a plaidé que la
disposition contenue dans la Convention de Licence, à l’effet que Midwestern
accepte de verser des redevances à Curl-Master jusqu’au 31 mars 1980, soit cinq
ans après l’expiration du brevet licencié, était indépendante de la durée de validité du
brevet licencié. Curl-Master a d’ailleurs affirmé que le fait que Midwestern soit liée
par la disposition relative aux redevances, après l’expiration du brevet, ne changeait
point le caractère légal de la disposition vu cette indépendance.
Après avoir analysé les arguments avancés par Midwestern et Curl-Master, la Cour a
déterminé que la disposition contenue dans la convention de licence prévoyant le
paiement des redevances après l’expiration du brevet, ne constituait pas une
extension du monopole accordé à Curl-Master et par conséquent, n’allait pas à
l’encontre des principes du libre commerce.
D’ailleurs, le juge Grotsky de la Cour du Banc de la reine a déclaré que l’obligation de
Midwestern, relative au paiement des redevances, résultait de la convention de
licence et non pas du brevet et pouvait, de ce fait, s’étendre au delà du
25 mars 1975, soit la date à laquelle le brevet a expiré.
Il importe de mentionner que la Cour de la Saskatchewan s'est basée sur les
principes se dégageant des décisions rendues par des tribunaux québécois ainsi que
celles provenant des tribunaux de common law afin d'exprimer sa décision.
2.1.1.2
Droit civil
Tel que nous l’avons mentionné plus haut, le principe voulant qu’un licencié soit
obligé de continuer à verser des redevances au concédant de licence, malgré
l’invalidité ou l’expiration du brevet licencié, est applicable au Québec. Ce principe
s’applique dans le cas où la convention intervenue entre le licencié et le concédant
de licence ne contient aucune disposition réglant le sort des redevances une fois que
le brevet sous licence expire ou devient invalide.
9
Contrairement aux cours de common law, nous avons pu observer la présence d'une
tendance parmi les cours québécoises qui semblent se concentrer sur le libellé des
dispositions contenues dans les différentes conventions de licences, d’une part, et se
préoccuper du respect de ces dernières, d’autre part. Cette tendance peut sans
doute être expliquée par le fait que toute convention est assujettie aux règles
relatives aux contrats généraux contenues dans le Code civil du Québec11.
Les règles se rapportant à l’interprétation des contrats exigent que les tribunaux
québécois, en analysant une convention donnée, analysent chacune des dispositions
contenues dans celle-ci afin de se prononcer sur l’intention des parties. Pour ce
faire, les tribunaux doivent interpréter chacune des dispositions en tenant compte des
autres et donner à ces dernières le sens qui résulte de l’ensemble de la convention.
Autrement dit, les tribunaux doivent tenter de déterminer les attentes de chacune des
parties contractantes au moment où elles sont intervenues à la convention.
La Cour supérieure du Québec, dans la cause Pigeon Hole Parking (Eastern
Canada) Inc. c. Automatic Parking Inc.12 a été appelée à analyser les termes prévus
dans une convention intervenue entre Pigeon Hole Parking (Eastern Canada) Inc. et
Automatic Parking Inc. La Cour devait procéder à une telle analyse du fait qu’il était
nécessaire de déterminer si Automatic pouvait être tenue de verser des redevances
à Pigeon une fois que la technologie sous licence soit entrée dans le domaine public.
Après avoir examiné les principes existants dans les provinces régies par la common
law, la Cour supérieure s'est tournée vers ladite convention afin de commenter les
dispositions qui y étaient stipulées.
Nous résumons comme suit les éléments essentiels du litige impliquant Pigeon et
Automatic : Pigeon et Automatic sont intervenues, le 20 avril 1955, à une convention
en vertu de laquelle Pigeon a accordé à Automatic le droit d’utiliser son invention
brevetée afin de construire un système d’ascenseur conçu pour des garages de
stationnement. Selon les termes de la convention, Pigeon autorisait Automatic à
construire un tel système dans un garage de stationnement qui se trouvait dans la
ville de Montréal et à l’utiliser, de façon exclusive, pour un terme de vingt (20) ans.
Automatic devait, en contrepartie, verser une redevance mensuelle à Pigeon
équivalente à deux dollars (2$) par place de stationnement.
Des redevances ont été versées par Automatic jusqu’en septembre 1969. Le
13 mars 1970, Pigeon a intenté une poursuite contre Automatic en vertu de laquelle
Pigeon demandait à la Cour d’émettre une injonction permanente interdisant à
Automatic d’utiliser le système d’ascenseur. Il importe de mentionner que la
convention contenait une disposition à l’effet que Automatic devait cesser toute
11 Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64. Voir à cet effet les articles 1377 et suivants.
12 Pigeon Hole Parking (Eastern Canada) Inc. c. Automatic Parking Inc. (1971) 6 C.P.R. (2d) 71
(C.S.Qué.)
10
utilisation dudit système advenant son défaut de verser les redevances stipulées
dans la convention et ce, jusqu’au paiement complet du montant dû à Pigeon aux
termes de la licence.
En défense, Automatic a demandé à la Cour supérieure d’invalider la convention
étant donné, entre autres, le fait que l’invention brevetée soit tombée dans le
domaine public.
La Cour n’a pas donné suite aux arguments avancés par Automatic puisqu’elle était
d’opinion que les licenciés sont tenus de verser des redevances aux concédants de
licence jusqu’à la fin du terme prévu dans les conventions liant ces derniers. Ainsi,
en se basant sur les principes établis par les tribunaux de common law, la Cour
supérieure a affirmé que cette obligation subsiste même si les inventions brevetées
tombent dans le domaine public ou deviennent non existantes, pour une raison ou
une autre, suite à l’exécution des conventions de licences.
De plus, la Cour supérieure s’est dite en accord avec l’opinion avancé par l’auteur
Fox dans son ouvrage Canadian Patent Law and Practice selon lequel :
(…) the licensee is obliged to continue payments of royalties as
provided in the agreement, if the license is for a term certain. The
revocation of the patent is an irrelevant circumstance, for it is not an
implied term of a license that the patentee will maintain the patent in
force. There, it may be seen that a licensee may be liable to pay
royalties in respect of his use of a patent when the general public is
able to use its subject – matter freely13.
En d’autres termes, la Cour supérieure a été d’opinion que les droits du licencié et du
concédant de licence, aux termes de la convention de licence intervenue entre ceuxci, sont distincts et séparés des droits accordés par le brevet licencié.
La Cour supérieure a, de ce fait, conclu que Automatic était tenue de respecter les
termes prévus dans la convention intervenue avec Pigeon et ce, jusqu’à l’arrivée du
terme stipulé dans la convention de licence. Par conséquent, la Cour supérieure a
accueilli l’action de Pigeon et a ordonné une injonction permanente empêchant
Automatic d’utiliser le système d’ascenseur jusqu’au paiement complet par Automatic
de la somme due à Pigeon, à titre de redevances.
Le 21 mai 1996, la Cour d’appel du Québec14 a confirmé le principe énoncé dans la
cause Pigeon Hole voulant que les obligations des licenciés, quand au paiement des
royautés, ne dépendent aucunement de la survivance des brevets. Dans cette
cause, il était question de déterminer si l’obligation du licencié de verser des
13 Harold G. Fox, Canadian Patent Law and Practice, 4e éd., (Toronto, Carswell, 1969).
14 Kirchmeier c. P.M. Wright Ltd Wright (1996), J.E. 96-1179 (C.A.Qué).
11
redevances au concédant de licence était échue en raison de l’expiration d’un des
brevets licenciés.
Les faits donnant naissance à cette action peuvent se résumer ainsi : par convention
de licence Johannes Kirchmeier accordait une licence exclusive à P.M. Wright Ltd
Wright pour lui permettre d'utiliser ses brevets canadiens et américains afin de
fabriquer, distribuer, vendre et installer certains équipements relatifs à des systèmes
de chauffage ou d'échange et de recouvrement de chaleur.
En contrepartie de la licence, Wright s’est engagée à verser à Kirchmeier une
redevance minimale annuelle de 30 000$. Selon les termes de la licence, Wright
s’était également engagée à verser une redevance équivalente à sept pour cent
(7 %) de la somme des ventes effectuées par elle-même, au Canada et aux Étatsunis, excédant 430 000$.
Selon la preuve qui a été soumise, les relations d’affaires existantes entre Wright et
Kirchmeier, depuis l’exécution de la convention de licence, étaient plutôt
harmonieuses. Tout s’est soudainement changé en juillet 1987, soit la date à
laquelle Wright a cessé de verser des redevances à Kirchmeier et a signifié son
intention de renégocier les termes de la Convention de Licence.
À la suite de la réception d’une telle notification, Kirchmeier a effectué plusieurs
démarches afin de réclamer les sommes qui lui étaient dues par Wright et de
renégocier les dispositions de la convention de licence. Toutefois, ces démarches se
sont révélées infructueuses. Finalement, en septembre 1989, Kirchmeier a mis
Wright en demeure de payer 72 000$ en redevances impayées depuis 1987.
Kirchemeier a d'ailleurs envoyé un avis à Wright annonçant la terminaison de la
convention de licence suite à son défaut de respecter ses obligations contractuelles
vis-à-vis celle-ci.
Kirchmeier a, par la suite, intenté une action contre Wright, devant la Cour supérieure
du Québec, par laquelle elle demandait à cette Cour, d’une part, de condamner
Wright à payer les redevances dues aux termes de la convention de licence et,
d’autre part, de lui ordonner de cesser toute exploitation des brevets licenciés.
Au procès, Wright a affirmé qu’en vertu de l’article 2.5 de la convention de licence, le
paiement des redevances par celle-ci devait se terminer le 27 mai 1987, soit la date à
laquelle le brevet canadien sous licence a expiré. L’article 2.5 de la convention de
licence se lisait comme suit :
2.5 Where there exist a valid patent to protect the exclusive rights to
produce and sell the patented articles, the agreement shall terminate
upon the final expiration of the term of such patent.
12
If such patent protection subsists in only part of the territory, the
obligation to pay royalties shall apply only to sales the object of which
are delivered to such par of the territory.15
De plus, selon l’article 1.3 de la convention de licence, le territoire incluait le Canada
et les États-Unis.
Pour sa part, Kirchmeier a avancé l'argument selon lequel la convention de licence
s'est terminée le 18 septembre 1989, soit la date à laquelle celle-ci avait envoyé la
mise en demeure à Wright. Pour soutenir son argumentation, Kirchmeier s'est
appuyée sur l'article 2.8 et 10.1 de la convention de licence, lesquels prévoyaient que
chacune de Wright et Kirchmeier pouvaient mettre fin à cette dernière avant l'arrivée
du terme fixé dans celle-ci.
Kirchmeier a de plus affirmé que Wright était responsable du paiement des
redevances minimales jusqu’à cette date.
La Cour supérieure n’a pas partagé les opinions avancées par Kirchmeier et a conclu
que l’article 2.8 et 10.1, relatif à la terminaison de la convention de licence, ne
pouvait s’appliquer étant donné que Wright s’est prévalue de l’article 2.5, relatif à la
terminaison de celle-ci suite à l’expiration des brevets licenciés.
Autrement dit, la Cour supérieure a été d’opinion que la convention de licence ne
pouvait prendre fin le 18 septembre 1989 puisqu’à cette date, elle n’était plus en
vigueur aux termes de l’article 2.5.
Bien que reprise en appel, la Cour supérieure a été d’opinion, en ce qui concerne les
brevets américains, qu’elle ne pouvait rendre exécutoires des droits découlant d’un
brevet enregistré aux États-Unis. Par ailleurs, la Cour a déterminé que la preuve
révélée lors du procès n’avait pas démontré que Wright avait vendu, aux États-Unis,
des produits fabriqués à l’aide des brevets américains, après juin 1987. Par
conséquent, la Cour supérieure a déclaré qu'aucune somme n'était due à Kirchmeier
par Wright à titre de redevance supplémentaire.
En somme, la Cour supérieure, en donnant une interprétation erronée de l'article 2.5
de la convention de licence, a déterminé que celle-ci a cessé de produire des effets
en mai 1987 et que Kirchmeier n’était plus en droit de réclamer des redevances de la
part de Wright depuis cette date. La Cour n'a donc pas tenu compte du fait que les
deux brevets américains sous licence étaient valides. En effet, la Cour supérieure a
rejeté l'action intentée par Kirchmeier puisque, d’une part, le brevet canadien était
expiré et, d’autre part, qu’aucune vente n’avait été effectuée par Wright aux ÉtatsUnis.
15 Ibid.
13
Insatisfaite de la décision, Kirchmeier a interjeté appel de celle-ci devant la Cour
d’appel du Québec.
La Cour d’appel s’est dite en désaccord avec la décision qui a été rendue par la Cour
supérieure puisque selon elle, l’article 2.5 s’appliquait et donc, la convention de
licence aurait dû être résiliée lorsqu’il n’y avait plus de brevet en vigueur dans
l’ensemble du territoire. En d’autres termes, la Cour d’appel a déterminé que la
Convention de Licence ne pouvait prendre fin du seul fait qu’il n’y avait plus de brevet
canadien en vigueur. En effet, la Cour d'appel a déterminé que Wright ne pouvait se
prévaloir de l’article 2.5 de la convention de licence avant que les brevets américains
ne soient déclarés invalides.
Quant à l’énoncé de la Cour supérieure à l’effet que les tribunaux canadiens ne
peuvent rendre exécutoires les droits découlant d’un brevet étranger, la Cour d’appel
a été d’avis que la poursuite opposant Wright et Kirchmeier ne concernait pas
l’exécution des droits dans les brevets américains, mais le respect de termes
contractuels.
La Cour d’appel a ultimement déterminé que la convention de licence s’est terminée
le 18 septembre 1989, soit la date à laquelle Kirchmeier a envoyé l’avis de
terminaison à Wright aux termes de l'article 10.1 de la Convention de Licence.
En ce qui concerne les redevance minimales impayées par Wright depuis mai 1987,
la Cour d’appel a conclu que celles relatives aux années 1987, 1988 et 1989
devaient être acquittées par celle-ci et ce nonobstant le fait qu’un des brevets sous
licence a été invalidé.
La Cour d’appel s’est prononcée ainsi après avoir interprété la convention de licence.
En fait, elle a été d’opinion qu’il fallait chercher l’intention des parties au moment de
la signature de ladite convention et que, pour ce faire, il était nécessaire d’analyser
les dispositions pertinentes.
Ainsi, en analysant l’article 6.1 de la Convention de Licence, la Cour d’appel a jugé
que Wright devait verser des redevances minimales à Kirchmeier puisque, selon ledit
l’article, celles-ci ne dépendaient aucunement de la vente des produits fabriqués par
Wright à l’aide des brevets licenciés. L’article 6.1 de la Convention de Licence se
lisait comme suit :
« 6.1 In consideration of the grant to it of the Patent and other rights herein set
forth, the licensee agrees to pay to the licensor a license fee of thirty thousand
dollars ($30,000.00) per calendar year, payable quarterly in advance on or
before the 15th day of the following month, at such places and to such
accounts as the licensor may from time to time designate. »16
16 Ibid.
14
La Cour d’appel a, par la suite, analysé l’article relatif au paiement des redevances
supplémentaires. Après avoir procédé ainsi, la Cour d’appel a conclu que l'intention
des parties était que Wright soit obligée de verser des redevances supplémentaires
dans le cas où cette dernière aurait effectué des ventes dans le territoire. Par
conséquent, la Cour a conclu qu'aucune redevance supplémentaire ne pouvait être
réclamée du fait que Wright n'avait effectué aucune vente aux États-Unis durant la
période de réclamation.
Pour toutes les raisons préalablement mentionnées, la Cour d’appel a renversé la
décision de la Cour supérieure et a condamné Wright à payer, à Kirchmeier, le
montant des redevances minimales qui lui étaient dues. La Cour d’appel a d’ailleurs
condamné Wright à cesser toute exploitation des brevets licenciés.
2.1.2 Secrets de commerce
Bien que les secrets de commerce peuvent faire l'objet d'une licence, nous n'avons
pas pu trouver de décision réglant le sort des redevances reliées à ceux-ci une fois
que le public y a accès.
De ce fait, nous nous permettons, en nous basant sur les principes énoncés dans le
présent article, d'établir une hypothèse relative aux obligations des licenciés suite à la
divulgation d'un secret de commerce sous licence.
Pour notre part, les principes se dégageant des cours canadiennes relatives à
l'obligation des licenciés à verser des redevances à leurs concédants de licence,
malgré l'invalidité ou l'expiration des brevets sous licence, devraient s'appliquer aux
conventions de licences touchant des secrets de commerce.
En effet, si les obligations d'un licencié à verser des royautés sont indépendantes de
la validité du brevet licencié, ces dernières devraient également l'être du caractère
secret des secrets de commerce. De plus, si un licencié peut être tenu de payer des
royautés pour l'utilisation d'un brevet auquel le public a accès, il devrait être obligé
d'acquitter ces sommes même si le secret de commerce sous licence a été divulgué
au public.
Tel que nous l'avons mentionné précédemment, les cours canadiennes ne se sont
pas prononcées sur les obligations des licenciés suite à la divulgation des secrets de
commerce. Par conséquent, nous présumons que les principes établis par lesdites
cours à l'égard des brevets s'appliqueront aux secrets de commerce.
2.2
États-Unis
15
Le droit américain est très similaire à celui du Canada dans le sens où il est
extrêmement développé en ce qui concerne l'obligation des licenciés à verser des
royautés suite à l'invalidation ou l'expiration du brevet licencié et la divulgation du
secret de commerce sous licence.
Il ressort des cours américaines un principe selon lequel l'obligation des licenciés,
quant aux versements des redevances en faveur de leurs concédants de licence,
cesse au moment où le brevet sous licence est expiré ou devient invalide.
La situation est quelque peu différente dans les cas où l'objet de la licence est un
secret de commerce. Dans une telle circonstance, l'obligation relative au paiement
des redevances subsiste tant et aussi longtemps que le licencié utilise les secrets de
commerce sous licence.
Par ailleurs, si la convention de licence porte sur des brevets et des secrets de
commerce, l'obligation du licencié à payer des redevances s'éteint dès que les
brevets sous licence sont arrivés à expiration ou deviennent invalides. Ce principe
s'applique si les dispositions prévoyant les obligations pécuniaires du licencié ne font
pas de distinction entre les sommes dues pour l'exploitation desdits brevets et celles
dues pour l'exploitation des secrets de commerce.
Dans les paragraphes qui suivent, nous allons traiter des décisions établissant les
principes ci-haut mentionnés.
2.2.1 Brevets
La jurisprudence américaine est claire et non équivoque quant aux obligations des
licenciés suite à l'expiration ou l'invalidation des brevets sous licence. Tel que nous
l'avons mentionné plus haut, suivant la jurisprudence américaine, l'obligation d'un
licencié à verser des redevances au concédant de licence cesse dès que le brevet
sous licence est déclaré invalide ou est expiré. En fait, les tribunaux américains
s'entendent tous sur le fait que le maintien d'une licence après la durée de la
protection accordée au brevet contreviendrait à l'esprit du droit des brevets qui vise
justement la libre utilisation des informations contenues dans un brevet à son
expiration. De la même façon, les tribunaux sont d'opinion que le maintien d'une
licence, après qu'un brevet soit déclaré invalide, équivaudrait à accorder le contrôle
sur un droit n'ayant jamais dû exister.
En effet, dans la cause Drackett Chemical Co. c. Chamberlain Co.17 la Cour d'appel
des États-Unis pour le sixième circuit a établi le principe voulant qu'une convention
17 Drackett Chemical Co. c. Chamberlain Co., 63 F. 2d 853 (6th Circuit, 1933). Voir à titre d'exemple
Lear c. Adkins, 359 U.S. 653 (1969). Dans cette cause, la Cour suprême a conclu qu'une stipulation
contractuelle prévoyant le paiement des redevances ne peut être maintenu dans les cas où le brevet
16
de licence peut être résiliée par le licencié si le brevet faisant l'objet de la licence est
déclaré invalide par une cour de juridiction compétente subséquemment à la
signature de ladite convention.
Dans cette cause, Chamberlain Co. détenait deux brevets pour la fabrication d'un
solvant pour des tuyaux d'écoulement. En décembre 1922, Chamberlain est
intervenue à une convention de licence avec Drackett Chemical Co. en vertu de
laquelle cette dernière a obtenu le droit exclusif de vendre ledit solvant aux épiceries.
En contrepartie de la licence, Drackett s'est obligée à verser des redevances à
Chamberlain. La convention de licence a été modifiée en août 1924 pour ainsi
permettre à Drackett de vendre le solvant à l'industrie de la quincaillerie et celle des
médicaments.
Le 14 septembre 1928, un des brevets appartenant à Chamberlain a été déclaré
invalide par la Cour des États-Unis pour le district sud de New York dans le cadre
d'une action en contrefaçon opposant Drackett et Chamberlain à la
B.T. Babbett Company.
Drackett a alors décidé de cesser de payer des redevances à Chamberlain et a
demandé à cette dernière de lui rembourser la totalité de la somme qu'elle lui a
payée à titre de redevances, jusqu'au 14 septembre 1928, soit la date à laquelle le
brevet a été invalidé.
Chamberlain a, par la suite, intenté une action contre Drackett en recouvrement de
redevances.
La Cour de New York a toutefois rendu une décision contre Drackett et a conclu que
Chamberlain avait le droit de percevoir des royautés jusqu'au 5 décembre 1928, soit
la date à laquelle Drackett a cessé toute utilisation du brevet.
En d'autres termes, la Cour de New York a été d'avis que Drackett devait payer des
royautés à Chamberlain, malgré l'invalidité du brevet, du fait que Drackett avait
continué de se servir de celui-ci. La Cour de New York a de plus déterminé que les
redevances payées par Drackett à Chamberlain ne pouvaient être remboursées, car
Drackett avait quand même bénéficié du brevet.
Drackett a, par la suite, porté cette décision en appel.
sous licence est déclaré invalide. Voir également Brulotte c. Thys Co., 379 U.S. 29 (1964) où la Cour
suprême a décidé que l'obligation de payer des redevances en contrepartie de l'utilisation de deux
brevets devait prendre fin à l'expiration du dernier brevet sous licence. La Cour suprême a décidé
ainsi puisqu'elle était d'opinion qu'il est illégal pour un concédant de licence d'étendre son monopole
sur le brevet sous licence après l'expiration de la période de protection statutaire. Voir aussi Ar-Tik
Systems c. Dairy Queen, 302 F. 2d 496 (3rd Circuit 1962), 677 F. 2d 1237. Dans cette cause, la Cour
d'appel des États-Unis pour le troisième circuit a déterminé que l'obligation de Ar-Tik Systems de
payer des redevances devait cesser au moment où le brevet licencié expirait.
17
Pour sa part, la Cour d'appel s'est dite en désaccord avec la conclusion de la Cour de
New York voulant que Drackett soit obligée de verser des redevances à Chamberlain
après l'invalidation du brevet. La Cour d'appel s'est prononcée ainsi puisqu'elle était
d'avis que la convention de licence devait se terminer en septembre 1928 du fait que
ladite convention n'avait plus d'objet.
En effet, la Cour d'appel a énoncé que tout licencié est en droit de mettre fin à la
convention de licence à laquelle il est intervenu lorsque le monopole conféré par le
concédant de licence en sa faveur a été détruit par un jugement d'invalidité rendu par
une cour de juridiction compétente.
D'ailleurs, la Cour d'appel a décidé ainsi puisqu'elle était d'opinion que les licenciés
ne peuvent être tenus de verser des redevances aux concédants de licence à partir
du moment où le monopole sur la fabrication, l'utilisation et la vente d'un produit
quelconque n'existe plus.
En d'autres termes, la Cour d'appel a été d'avis qu'un licencié peut être contraint à
verser une contrepartie à son concédant de licence en échange de droits exclusifs
qui lui sont consentis par celui-ci aux termes d'une convention de licence dans le cas
où ces droits demeurent exclusifs. Donc, la Cour d'appel a été d'avis que les
licenciés ne peuvent être tenus de verser des redevances aux concédants de licence
à partir du moment où les droits exclusifs consentis par les concédants de licence en
leur faveur deviennent non exclusifs du fait que le public y a accès.
La Cour d'appel a, par conséquent, infirmé la décision de la Cour de New York et a
conclu que Drackett devait acquitter la somme de toutes les redevances qui était
échue au moment où celle-ci a rendu son jugement.
2.2.2 Secrets de commerce
Il ressort, d'une revue de la jurisprudence en la matière, qu'aux États-Unis, un
licencié est tenu de respecter ses obligations contractuelles vis-à-vis son concédant
de licence, malgré le fait que le secret de commerce soit dévoilé au public. Ce
principe s'applique si la convention de licence intervenue entre un licencié et son
concédant de licence porte exclusivement sur un secret de commerce.
La fameuse cause de Warner-Lambert Pharmaceutical Co. c. John J. Reynolds,
Inc.18 illustre le principe voulant qu'une convention peut être rédigée et interprétée
par les cours de sorte qu'elle continue de lier les parties contractantes après que le
secret de commerce sous licence ait été divulgué au public.
18 Warner-Lambert Pharmaceutical Company, Inc. c. John J.Reynolds, Inc. 178 F. Supp. 655
(S.D.N.Y. 1959).
18
Dans cette cause, le tribunal de première instance des États-Unis, pour la juridiction
sud de New York a été saisi d'une action en jugement déclaratoire dans laquelle
Warner-Lambert Pharmaceutical Co. demandait au tribunal d'affirmer qu'elle n'était
pas tenue de verser des redevances à John J. Reynolds, Inc. Par ailleurs, Warner
réclamait le remboursement des paiements effectués en faveur de Reynolds depuis
qu'elle a entamé des procédures judiciaires contre cette dernière.
D'ailleurs, l'action de Warner résultait d'une entente intervenue entre le Dr.
J.J. Lawrence et J.W. Lambert, en 1881, et entre le Dr. Lawrence et Lambert
Pharmacal Company, en 1885, en vertu de laquelle Lawrence avait acquis une
formule pour la fabrication d'un liquide antiseptique connu sous le nom de
« Listerine ».19
Au procès, Warner a souligné l'argument selon lequel la convention avait pris fin suite
à la divulgation de la formule pour du Listerine dans diverses publications médicales.
Selon Warner, la terminaison de la convention le libérait de son obligation à verser
des redevances à Reynolds. Cette dernière a cependant attesté que la divulgation
de ladite formule ne devait avoir aucun effet sur l'obligation de Warner à respecter
ses engagements contractuels.
Le tribunal a ultimement rejeté l'action de Warner, car il était d'avis que cette dernière
devait continuer à verser des redevances à Reynolds tant et aussi longtemps qu'elle
continuerait de fabriquer du Listerine et ce, malgré le fait que la formule reliée à celleci faisait partie du domaine public. Le tribunal en a décidé ainsi puisque la
convention intervenue entre J.W. Lambert et J.J. Lawrence contenait une stipulation
à l'effet que le montant des redevances dû à cette dernière était relié à la quantité de
Listerine vendue par Lambert, ses héritiers, successeurs et ayants droits.
En rendant sa décision, le tribunal a notamment tenu compte du fait que la
convention était muette quant à sa date d'expiration. De plus, le tribunal a jugé qu'il
ne pouvait décharger Warner de ses obligations contractuelles du fait que la formule
acquise était dévoilée au public sans réécrire les termes de la convention.
3.
Brevets et secrets de commerce
Suite à une révision des décisions par lesquelles les tribunaux américains ont dû
commenter des devoirs de licenciés aux termes d'une convention de licence, nous
avons constaté que les principes relatifs auxdits devoirs diffèrent selon le sujet de la
licence.
19 Il est à noter que Warner est le successeur en titre de J.W. Lambert et Lambert Pharmacal
Company et que Reynolds est le successeur en titre du Dr. Lambert.
19
En effet, si la convention de licence intervenue entre un licencié et un concédant de
licence porte exclusivement sur un ou plusieurs brevets, le principe énoncé dans la
cause Drackett y trouve application.
Bref, le principe voulant que tout licencié ait le devoir de payer des royautés à son
concédant de licence, malgré l'invalidité ou l'expiration du ou des brevets sous
licence, s'applique lorsque la convention de licence intervenue entre ceux-ci porte
exclusivement sur un ou des brevets.
Par contre, dans le cas d'une licence hybride dont l'objet est à la fois un secret de
commerce et un brevet, la situation est quelque peu différente. Si les dispositions
contenues dans une convention de licence hybride, relatives au paiement de
redevances, ne font pas de distinction entre les redevances reliées à l'exploitation du
brevet et celles reliées à l'exploitation du secret de commerce, le licencié n'aurait plus
d'obligation par rapport au secret de commerce dès que le brevet serait invalidé.
Toutefois, si une telle distinction était établie, le licencié serait alors tenu de respecter
ses obligations pécuniaires relatives au secret de commerce, nonobstant
l'invalidation du brevet. Ce principe a été élaboré dans la cause St. Regis Paper
Company c. Royal Industries.20
Dans cette cause, St. Regis Paper Company s'est vue accordée le droit d'utiliser un
brevet protégeant un ruban en plastique 21 utilisé pour attacher des légumes
ensemble aux termes d'une convention de licence intervenue avec Royal Industries
et Plas-Ties (une filiale de Royal). Ce droit devait s'expirer en même temps que le
brevet. Selon la Convention de Licence, St. Regis a également acquis une licence
sur le savoir-faire relatif à la fabrication dudit ruban.
De plus, selon la convention de licence, St. Regis devait payer à Royal dix pour cent
(10 %) de ses ventes nettes à titre de redevances ainsi que la somme des dépenses
encourue par Royal pour le transfert du savoir-faire à St. Regis.
Quelques années après l'exécution de la Convention de Licence, St. Regis et Royal
se sont retrouvées devant les cours pour une cause non reliée à la licence. En se
20 St. Regis Paper Company c. Royal Industries, 552 F. 2d 309 (9th Circuit, 1977). Voir également
Chromalloy American Corp. c. Fishmann, 221 U.S.P.Q. 311 (9th Circuit, 1983). Dans cette cause, la
Cour d'appel des États-Unis pour le neuvième circuit a refusé de maintenir les obligations de
Chromalloy suite à l'invalidation du brevet sous licence. La Cour a par ailleurs décidé que Fishmann
devait être compensé pour les actifs qu'il a transférés à Chromalloy aux termes de la convention de
licence intervenue entre celles-ci. Voir aussi Span-Deck Inc. c. Fab-con Inc., 215 U.S.P.Q. 835 (8th
Circuit, 1982) où la Cour d'appel des États-Unis pour le huitième circuit a conclu que la convention de
licence intervenue entre Span-Deck et Fab-con ne pouvait être appliquée du fait que le brevet sous
licence avait été jugé invalide.
21 « Plastic tie wrap » en anglais.
20
préparant pour ce procès, St. Regis s'est rendue compte que le brevet appartenant à
Royal n'était peut-être pas valide.
Cette découverte a incité St. Regis à intenter une poursuite contre Royal devant le
tribunal de première instance des États-Unis pour la juridiction centrale de la
Californie afin de mettre fin à la Convention de Licence, déclarer le brevet licencié
invalide et récupérer toutes les sommes payées à Royal à titre de redevances. En
réponse à la poursuite de St. Regis, Royal a déposé une demande reconventionnelle
contre St. Regis dans laquelle elle plaidait que celle-ci avait contrefait son brevet.
La Cour de la Californie a donné suite aux arguments avancés par St. Regis et a
rendu une décision voulant que :
(i) le brevet appartenant à Royal soit déclaré invalide à la lumière de l'art
antérieur;
(ii) St. Regis avait le droit de mettre fin à la convention de licence intervenue
avec Royal et Plas-Ties;
(iii) la demande reconventionnelle de Royal soit rejetée;
(iv) Royal devait être compensée pour le savoir-faire qu'elle a transféré à
St. Regis aux termes de la convention de licence intervenue avec cette
dernière22;
(v) aucune somme ne devait être versée à Royal à titre de compensation
pour le savoir-faire du fait que St. Regis avait déjà versé 174 000$ en
redevances à Royal.
La Cour de la Californie a toutefois refusé d'ordonner à Royal de rembourser toutes
les sommes reçues de St. Regis aux termes de la convention de licence.
Insatisfait du jugement rendu par la Cour de la Californie, St. Regis et Royal se sont
alors pourvues en appel.
En appel, Royal a avancé l'argument selon lequel la Cour de la Californie s'est servie
du mauvais test pour déterminer si son brevet était invalide. De plus, Royal a allégué
que l'invalidation du brevet licencié ne devait avoir aucun impact sur le savoir-faire
relatif audit brevet.
En effet, Royal a été d'avis que la convention de licence devait continuer à
s'appliquer au savoir-faire licencié en faveur de St. Regis. En d'autres termes, Royal
a soutenu que l'obligation de St. Regis à verser des redevances, suite à l'exploitation
du savoir-faire, devait subsister malgré l'invalidité du brevet.
22 La Cour de première instance a déterminé que le savoir-faire valait 53 088,90$.
21
En réponse aux arguments soulevés par Royal, St. Regis a affirmé que le brevet
appartenant à Royal devait être invalidé du fait que Plas-Ties avait fabriqué et vendu
des produits qui se conformaient aux revendications du brevet de Royal avant même
que celle-ci dépose sa demande de brevet.
De plus, St. Regis a plaidé qu'elle était en droit de réclamer le remboursement des
redevances versées à Royal, moins la valeur du savoir-faire, en raison du fait que le
brevet licencié avait été déclaré invalide.
La Cour d'appel des États-Unis pour le neuvième circuit n'a pas donné suite aux
arguments soulevés par Royal et a déclaré qu'elle était entièrement d'accord avec la
conclusion depremière instance quant à l'invalidité du brevet.
De plus, la Cour d'appel a affirmé que la tentative de Royal de séparer le savoir-faire
des droits de brevets et de faire respecter la convention de licence n'était pas
conforme aux stipulations contenues dans cette dernière. En effet, la Cour d'appel a
décidé ainsi puisque les droits relatifs au brevet et ceux à l'égard du savoir-faire
n'étaient pas clairement séparés dans la convention de licence.
Bref, la Cour d'appel a conclu que les règles faisant obstacle à la perception des
redevances pour l'utilisation du brevet s'appliquaient au savoir-faire du fait que les
droits du brevet et le savoir-faire étaient imbriqués.
Bien que la Cour d'appel s'est dite en accord avec l'argument avancé par St. Regis
quant à l'invalidité du brevet appartenant à Royal, elle n'a pu partager l'opinion de
St. Regis quant à l'obligation de Royal à rembourser la somme des redevances
qu'elle a reçue de la part de celle-ci. En effet, la Cour d'appel a conclu que le droit de
St. Regis d'attaquer la validité du brevet sous licence et de mettre fin à la Convention
de Licence n'incluait point le droit d'être remboursée pour toutes les redevances
qu'elle a acquittées pour l'utilisation d'un brevet invalide.
La Cour d'appel a ultimement confirmé le jugement de première instance.
4.
Conseils pratiques
Il ressort, de ce qui précède, que les conventions de licences doivent être rédigées
par une personne qui s'y connaît en matière de « licensing » ainsi que de la
jurisprudence y étant reliée faute de quoi les parties aux conventions pourront se
retrouver dans une situation précaire.
Par ailleurs, il est également nécessaire, pour le futur licencié et le futur concédant
de licence, de régler contractuellement le sort de leurs droits et obligations advenant
la survivance de différents évènements. De plus, les futures parties contractantes
22
doivent s'assurer que chacune des dispositions traitant de ces droits et obligations
sont claires et intelligibles.
Comment, alors, rédiger des conventions de licences à la lumière des principes
canadiens et américains?
Tout d'abord, il est d'une importance capitale de déterminer la loi régissant la
convention de licence ainsi que tous les droits et obligations en découlant.
Tel que nous l'avons vu dans l'exemple du Canada et des États-Unis, des différences
importantes peuvent exister dans la façon dont les tribunaux des différents pays
appliquent et interprètent des conventions. Donc, le choix du droit applicable ou, en
cas de litige, du tribunal compétent, ne peut jamais être fait à la légère.
À cet égard, chaque convention de licence devrait inclure une disposition semblable
à celle ci-après reproduite :
Les parties conviennent, pour toute réclamation ou poursuite
judiciaire, pour quelque motif que ce soit, relativement à la présente
convention, de choisir le district judiciaire de Montréal, province de
Québec, Canada, comme lieu approprié pour l'audition desdites
réclamations ou poursuites judiciaires à l'exclusion de tout autre
district judiciaire qui peut avoir juridiction sur un tel litige selon les
prescriptions de la loi.
Il importe de spécifier que la question du droit applicable se pose même si les parties
à ladite convention proviennent du même pays. Ceci est le cas si les droits consentis
au licencié, par le concédant de licence, peuvent être exercés dans différents pays
ou à travers le même pays lorsqu'il s'agit d'une fédération.
De plus, à la lumière de la jurisprudence canadienne et américaine ci-haut
mentionnée, les parties à l'éventuelle convention de licence devront s'entendre sur
les différentes circonstances sous lesquelles et la manière dont elles peuvent mettre
fin à leur relation d'affaires.
Ceci est spécialement important pour les futurs licenciés puisqu'ils risquent d'être
obligés vis-à-vis du concédant de licence, en l'absence de disposition prévoyant
expressément la terminaison de la convention de licence, dans le cas où l'objet de la
licence est expiré, déclaré invalide ou divulgué au public.
À cet égard, les futurs licenciés devront insister pour que la convention de licence
contienne des dispositions semblables à celles ci-après reproduites :
Le licencié peut mettre fin à la présente Convention de Licence, avant
l'expiration du terme, sur préavis au concédant de licence, advenant
le cas où le brevet licencié est annulé ou invalidé.
23
Le concédant de licence reconnaît et accepte que l'obligation du
licencié, relative au versement des redevances, cessera au moment
où la convention prendra fin aux termes des présentes.
En incluant de telles dispositions, il n'y aura aucune ambiguïté quant au sort de la
convention de licence et l'obligation du licencié à verser des redevances suite à
l'annulation ou l'invalidation du brevet.
Étant donné l'interprétation des cours américaines à l'égard des conventions de
licences hybrides, quelques conseils s'imposent.
En effet, les licences portant à la fois sur des brevets et de l'information
confidentielle 23 doivent, autant que possible, être prévues dans des conventions
séparées. Si ceci n'est pas possible, celui qui rédige la convention de licence doit
s'assurer, tout d'abord, que les droits des parties contractantes à l'égard des brevets
ou de l'information confidentielle, font l'objet de dispositions distinctes.
De plus, il est impératif que le montant des redevances dû au concédant de licence,
aux termes d'une convention traitant à la fois des brevets et de l'information
confidentielle, soit réparti entre ces derniers.
L'ajout d'une disposition semblable à celles ci-après reproduites est conseillé :
En contrepartie de l'utilisation des brevets appartenant au concédant
de licence, le licencié s'engage à verser à celui-ci une royauté
équivalente à cinq pour cent (5 %) du montant total de toutes les
ventes de produits faites par le licencié.
En contrepartie de l'utilisation des secrets commerciaux appartenant
au concédant de licence, le licencié s'engage à verser à celui-ci une
royauté équivalente à trois pour cent (3 %) du montant total de toutes
les ventes de produits faites par le licencié.
Si ce n'est pas possible d'inclure une telle disposition, il est important pour la
convention de licence de contenir une disposition à l'effet que le licencié ait
l'obligation de verser une contrepartie au concédant de licence pour l'utilisation des
secrets de commerce malgré l'invalidité ou l'invalidation du brevet.
À cet égard, l'ajout d'une disposition semblable à celle ci-après reproduite est
conseillé :
Le licencié reconnaît, accepte et s'engage à verser au concédant de
licence les royautés prévues au présente à l'égard des secrets de
commerce et ce, même si le brevet relatif auxdits secrets est déclaré
invalide ou est annulé suite à l'exécution de la convention.
23 Tel que des secrets de commerce ou du savoir-faire.
24
Par ailleurs, il importe de mentionner qu'il n'est pas obligatoire, pour un licencié, de
verser des redevances au concédant de licence en contrepartie de l'utilisation d'un
secret de commerce. En effet, rien n'empêche les futures parties contractantes de
s'entendre sur le paiement d'une somme forfaitaire.
En fait, en incluant une disposition à cet effet, le concédant de licence n'aura pas à
s'inquiéter du sort des redevances relatif aux secrets de commerce advenant
l'invalidation ou l'expiration du brevet licencié.
À cet égard, l'ajout d'une disposition semblable à celle ci-après reproduite est
recommandé :
La présente licence est concédée en faveur du licencié pour et en
considération d'une redevance forfaitaire de cinq millions six cent
vingt cinq mille dollars (5 625 000,00 $), laquelle doit être acquittée
par le licencié à la date d'exécution de la convention.
5.
Conclusion
À la lecture de ce qui précède, nous sommes maintenant en mesure de répondre à la
question posée en début d'article soit : les licenciés ont-ils l’obligation de verser des
redevances aux concédants de licence une fois le brevet annulé ou le secret de
commerce divulgué?
Les cours canadiennes s'entendent sur le fait que même si le brevet sous licence
devient invalide ou expire, il est de la responsabilité des licenciés de continuer à
verser des redevances aux concédants de licence en l'absence de stipulation
contractuelle prévoyant le contraire. En effet, les cours en arrivent à cette décision
puisqu'elles sont d'avis que l'engagement des licenciés est indépendant de la
convention de licence et que cet engagement doit être respecté jusqu'au terme prévu
dans la convention.
En ce qui concerne les licences portant sur des marques de commerce, nous
présumons, à la lumière de la jurisprudence canadienne, qu'elles suivront le même
sort que celles relatives aux brevets.
Tel que démontré dans le présent article, la jurisprudence américaine diffère quelque
peu de celle provenant du Canada. En fait, aux États-Unis, un licencié continu à
avoir des obligations face au concédant de licence si la licence porte exclusivement
sur un secret de commerce alors que toute obligation de celui-ci s'éteint si un brevet
sous licence expire ou est déclaré invalide, en autant que la licence porte
uniquement sur un brevet. Par ailleurs, dans un cas de licence hybride, les
obligations du licencié, quant au paiement des redevances à l'égard des secrets de
commerce sous licence, sont maintenues jusqu'à ce que le dernier brevet faisant
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l'objet de la licence expire ou soit déclaré invalide. Tel est le cas si la licence
n'établie aucune distinction entre les obligations qui s'appliquent au brevet sous
licence et celles qui s'appliquent au secret de commerce licencié.
Somme toute, nous sommes d'opinion que toute convention de licence devrait inclure
les dispositions que nous avons énumérées dans le présent article afin de contourner
les effets des principes dégagés des cours canadiennes et américaines Après tout,
mieux vaut prévenir que guérir.
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ROBIC, un groupe d'avocats et d'agents de brevets et de marques de
commerce voué depuis 1892 à la protection et à la valorisation de la
propriété intellectuelle dans tous les domaines: brevets, dessins industriels et
modèles utilitaires; marques de commerce, marques de certification et
appellations d'origine; droits d'auteur, propriété littéraire et artistique, droits
voisins et de l'artiste interprète; informatique, logiciels et circuits intégrés;
biotechnologies, pharmaceutiques et obtentions végétales; secrets de
commerce, know-howet concurrence; licences, franchises et transferts de
technologies; commerce électronique, distribution et droit des affaires;
marquage, publicité et étiquetage; poursuite, litige et arbitrage; vérification
diligente et audit. ROBIC, a group of lawyers and of patent and trademark
agents dedicated since 1892 to the protection and the valorization of all
fields of intellectual property: patents, industrial designs and utility patents;
trademarks, certification marks and indications of origin; copyright and
entertainment law, artists and performers, neighbouring rights; computer,
software and integrated circuits; biotechnologies, pharmaceuticals and plant
breeders; trade secrets, know-how, competition and anti-trust; licensing,
franchising and technology transfers; e-commerce, distribution and business
law; marketing, publicity and labelling; prosecution litigation and arbitration;
due diligence.
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