La lecture de l`image
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La lecture de l`image
IUFM DE BOURGOGNE Professeur certifié Développer l’esprit critique de l’élève grâce à la lecture de l’image VADROT, Delphine Documentation Année 2003 Directrice de mémoire Gaillard, Claude-France n° de dossier : 02STA03416 Je tiens à remercier tous ceux qui m’ont encouragée durant la rédaction de ce mémoire et plus particulièrement Claude-France Gaillard, ma directrice de mémoire, pour son soutien permanent ainsi que Christine Sobota, ma conseillère pédagogique, pour ces idées lumineuses. J’adresse également tous mes remerciements à Karine Mailfert qui n’a pas hésité à tenter cette expérience avec moi, ainsi qu’à toute l’équipe éducative du collège Louis Pasteur pour son dynamisme. Sommaire Introduction 3 1. L’éducation à l’image et aux médias 4 1.1 Une civilisation de l’image 4 1.1.1 L’image 1.1.2 Les fonctions de l’image 1.2 Enseigner autrement 1.2.1 La pédagogie de l’image 1.2.2 Des actions diverses 1.3 Le professeur-documentaliste dans ce contexte 1.3.1 Le C.D.I. : ressources en images et médias 1.3.2 Une mission : éveiller l’esprit critique des élèves 1.3.3 Un travail de concertation avec le professeur de lettres 4 5 5 5 6 7 7 8 9 2. L’image publicitaire comme support 11 2.1 Des outils pour la lecture de l’image 11 2.1.1 Définir le support de travail avec les élèves 2.1.2 Appréhender la dimension esthétique 2.1.3 Comprendre le langage argumentatif adapté 2.2 Prendre conscience de la fonction dénoté / connoté 2.2.1 Des codes universels à découvrir 2.2.2 Mesurer l’interprétation personnelle 2.3 Une appropriation de la méthode par l’élève 2.3.1 Analyser une image 2.3.2 Réaliser une publicité 11 14 17 18 18 20 22 22 23 3. Eveiller l’esprit critique des élèves 24 3.1 Une mise en question enrichissante 24 3.1.1 Ouvrir les yeux pour ouvrir l’esprit 3.1.2 Les limites de cette mise en question 24 25 3.2 Expression et confrontation des idées 3.2.1 Une possibilité de privilégier l’oral 3.2.2 Améliorer la maîtrise des langages 3.3 Un travail pour développer l’autonomie des élèves 3.3.1 Pouvoir réinvestir selon le contexte 3.3.2 Un plus pour la recherche documentaire 26 26 27 28 28 29 Conclusion 31 Bibliographie 32 Annexes 33 2 Introduction La lecture de l’image s’inscrit dans les programmes officiels de la maternelle au lycée. Les textes soulignent la nécessité de cet apprentissage et témoignent de la volonté d’apporter aux élèves une éducation au discernement et au jugement, notamment par l’exercice de l’esprit critique et une pratique plus approfondie de l’argumentation. C’est en relisant ces textes et en réfléchissant au rôle que peut jouer le documentaliste dans cette éducation à l’image que j’ai décidé de mettre en place un projet sur ce thème au collège Louis Pasteur de Montbard. Le but de ce projet n’était pas uniquement d’apporter aux élèves une méthodologie de la lecture de l’image mais également d’évaluer comment cette activité pouvait développer leur esprit critique. Lorsque j’ai consulté les programmes, j’ai pu mesurer l’importance de la place accordée à la fois à l’image et à l’éveil de l’esprit critique. Comme ces points doivent être abordés dans l’enseignement du français, j’ai décidé de présenter mon projet aux collègues de cette discipline. Madame Mailfert a tout de suite accepté de participer à cette expérience et m’a proposé de travailler avec une de ses classes de quatrième. Le choix de mon support de travail s’est fait assez rapidement. En m’entretenant avec les professeurs de la classe et notamment avec leur professeur de français, j’ai pu me faire une idée des élèves et de leurs attentes. En outre, pour répondre aux objectifs des programmes officiels, il m’a semblé que la publicité pouvait être un support intéressant et qui susciterait peut-être un intérêt particulier chez les élèves. La séquence que j’ai élaborée avait pour objectif d’apporter aux élèves des connaissances pouvant leur permettre de mieux lire les images et particulièrement les images publicitaires, afin qu’ils stimulent leur esprit critique. C’est en leur apprenant à repérer les moyens utilisés par les personnes qui fabriquent les publicités, que je souhaitais les amener à regarder les images avec plus de discernement et de lucidité. Ce travail devait permettre de conduire les élèves à un comportement plus citoyen, grâce à leur capacité à mieux comprendre les messages véhiculés par les images. L’objet de ma première partie sera de montrer quelle place à pris l’image dans notre société tout comme dans les programmes scolaires, ainsi que celle du documentaliste dans un tel contexte. Ensuite je présenterai les démarches que j’ai entreprises avec les élèves ainsi que l’analyse de celles-ci. Enfin, ma troisième partie sera consacrée à tenter d’expliquer ce que les séances auxquelles ont participés les élèves, ont pu leur apporter, notamment au niveau de leurs capacités à adopter un jugement critique. 3 1. L’éducation à l’image et aux médias 1.1 Une civilisation de l'image 1.1.1 L’image L’image fait bel et bien partie de notre quotidien et cela ne date pas d’hier. Elle a toujours été présente dans notre société puisque de nombreuses périodes de l’histoire, en sont les témoins : de l’ornementation des grottes de l’époque préhistorique aux bandes dessinées en passant par les fresques de Pompeï. Aujourd’hui, notre regard est quotidiennement stimulé par les images du fait en particulier qu’elles existent sous plusieurs formes. La photographie, les livres documentaires, les dessins de presse et les panneaux publicitaires en sont quelques exemples et nous pouvons les trouver sur des supports différents et dans une multitude d’endroits allant des abris bus à la télévision en passant par nos portefeuilles. Il faut néanmoins préciser que cette profusion d’images n’a pas toujours existé ; en raison d’une part de sa diffusion parfois limitée voire même interdite pendant quelques périodes de l’histoire et d’autre part en raison de moyens d’édition et de diffusion qui n’existaient pas ou peu et qui se sont développés grâce à l’apparition de nouvelles techniques adaptées et performantes. En outre, l’image n’a pas toujours fait l’unanimité car dès l’Antiquité, Platon caractérisait l’image de façon négative dans le sens où, pour lui, elle n’était qu’une illusion. De son point de vue, Aristote pense que l’image est un outil sérieux voire même éducatif et pédagogique. C’est pour lui un moyen de connaissance, de savoir et donc un outil enrichissant. Quoi qu’il en soit, les images ne se regardent pas de la même façon selon notre âge, notre sexe ou la civilisation à laquelle nous appartenons. Le sens que nous donnons à une image est par déduction personnalisé et lié à notre éducation et notre expérience. L’image est cependant reconnue comme étant un moyen de communication. C’est la sémiotique, science qui étudie les systèmes de communication qui nous aide à mieux comprendre certains principes. Charles Senders Peirce, a joué un rôle important dans ce domaine, notamment en mettant en relation l’indice, le symbole et l’icône. L’indice représente une partie d’un objet ou l’objet lui-même, le symbole n’a quant à lui aucun rapport avec cet objet mais se déchiffre avec un code, enfin l’icône ressemble à l’objet par analogie. Ainsi on peut illustrer cette théorie en prenant l’exemple suivant : un morceau du saint suaire du Christ serait l’indice, un tableau représentant le Christ serait l’icône, enfin une croix en serait le symbole. L’image n’est pas simplement symbolique, iconique ou un indice, elle tend à prendre en compte ces trois éléments. Cela confirme bien que les images peuvent être interprétées de manières différentes selon l’histoire, la culture et l’expérience d’une personne. Sachant cela, il me semble important de faire 4 comprendre aux élèves que les images n’ont pas seulement et simplement une fonction esthétique. C’est en partie en exerçant leur esprit critique qu’ils tendront à décoder les images. 1.1.2 Les fonctions de l’image Ces images, tellement présentes dans nos vies n’ont bien évidemment pas toutes les mêmes fonctions. Une photographie de reportage n’a pas la même fonction qu’un tableau de maître. Néanmoins, on peut remarquer quelques similarités. Tout d’abord l’image se veut narrative, car quel que soit son propos, elle raconte plus ou moins une histoire. Partant de ce fait, nous pouvons remarquer que les images se veulent aussi informatives et documentaires. Si les images existent, elles ne sont pas là uniquement pour le plaisir des yeux du public, ce qui introduit sa fonction esthétique. Toute représentation est porteuse d’un sens, d’un message et apporte donc au spectateur des éléments d’information. Nous pouvons ajouter que divers moyens permettent aux images de faire passer les messages, en particulier l’usage de symboles. Enfin, la fonction argumentative est la dernière que je citerai car bien que d’autres types d’images aient un but argumentatif, il me semble que l’un des plus représentatif est celui de l’image publicitaire. En tant qu’outil de communication, l’image est donc une forme de langage. Et bien que baignés dans cette civilisation de l’image depuis notre plus tendre enfance, nous ne sommes souvent pas en mesure de le comprendre. C’est une des raisons qui m’ont amenée à travailler sur ce sujet. Comme évoqué précédemment, l’image a aujourd’hui des significations diverses et se présente sur différents supports. Les élèves en font quant à eux une sorte de « boulimie » dans bien des domaines : télévision, magazines et dans le domaine scolaire, ils sont tentés d’en user plus que de raison dans toutes sortes de travaux. Très souvent les élèves associent le terme « exposé » - confondu avec panneaux d’exposition - à « illustrations ». Dès la sixième le professeur-documentaliste doit essayer d’apporter une méthodologie de travail dans le domaine de la restitution des informations. Dans ce même objectif, initier l’élève à la lecture d’image peut lui permettre de mieux sélectionner ses illustrations. 1.2 Enseigner autrement 1.2.1 La pédagogie de l’image Si l’image a toujours fait partie de notre civilisation, l’éducation à l’image n’a pas toujours quant à elle fait partie des programmes scolaires. Alors quelles sont les raisons qui ont poussé les autorités ministérielles à instaurer ce nouvel enseignement ? 5 Il semble que trois raisons soient à l’origine de cette volonté d’éducation à l’image et aux médias. La première trouve sa source dans une mode culturelle qui prônait l’enseignement des réalisations audiovisuelles (cinéma et télévision). La seconde, d’ordre moral, se soucie de la défense et de la protection de l’enfance. Enfin, la nécessité d’enseigner le langage de l’image est exposée. A la mise en place de ce projet éducatif, c’est le pôle culturel qui l’emporte. L’enseignement du cinéma et du langage cinématographique est recommandé dans les lycées dès les années 1950. En outre la création de plusieurs organismes, tel l’Office régional des oeuvres laïques pour l’éducation par l’image et par le son, viendront soutenir les différentes initiatives qui seront prises dans ce domaine1. Aujourd’hui, on attache plus d’importance au côté défense et protection de l’enfance, et c’est dans cette optique que travaille le CLEMI, Centre de liaison de l’enseignement et des moyens d’information. Chaque année cet organisme organise la semaine de la Presse dans l’Ecole. Cette action a pour but de mieux faire connaître la presse aux élèves d’une part, mais aussi de les sensibiliser aux dérives possibles de l’information et à l’importance de l’image dans les médias d’autre part. Personnellement, l’expérience que j’ai souhaitée mener avec les élèves, avait pour but de leur faire découvrir la lecture de l’image sous un aspect particulier qui leur permettrait de se questionner face aux images et d’avoir un regard critique sur ces images. Cela rejoint un peu l’idée de protection de l’enfance, dans le sens où les enfants ont plutôt tendance à « consommer » les images sans bien souvent en comprendre leurs messages. Ceci va de pair avec le fait que pour comprendre les images, on doit en connaître le langage, ce qui rejoint le dernier point de l’origine de l’éducation à l’image dans les établissements scolaires. Aujourd’hui, la pédagogie de l’image est inscrite dans les programmes officiels dès la sixième et se pratique déjà sous des formes différentes dès la maternelle. Or, l’éducation à l’image est encore peu pratiquée dans les enseignements au collège, mais a tendance tout de même à se développer grâce en partie aux manuels scolaires qui proposent de plus en plus d’activités sur le sujet. La pédagogie de l’image permet l’apparition de nouveaux supports de travail ainsi qu’une nouvelle manière d’enseigner. La diversité des supports et des images donne aussi la possibilité de pratiquer l’éducation à l’image de manières très différentes selon les matières et selon les personnalités des professeurs et des élèves. Ainsi on pourra étudier des images fixes ou animées, des planches de bandes dessinées ou le journal télévisé. 1.2.2 Des actions diverses S'il est recommandé de travailler avec les élèves sur l’éducation à l’image et aux médias, il faut reconnaître que pour une partie du corps enseignant cette mission 1 La Borderie René. Education à l’image et aux médias. Paris : Nathan, 1999. 6 n’est pas toujours évidente à remplir. Même s’il existe des stages permettant de donner des pistes de travail et de réfléchir sur la nécessité d’éduquer les enfants à l’image et aux médias, il reste encore parfois des réticences pour mener ce genre d’activité. Il faut préciser également que la pédagogie de l’image n’apparaît pas dans la formation initiale des enseignants. Chacun y va de sa propre intuition et de son expérience pour construire des séquences de travail avec les élèves. Cependant les professeurs ont à leur disposition des outils qui sont adaptés à leurs enseignements. Le CLEMI est un organisme qui offre chaque année, la possibilité de valoriser la presse sous toutes ses formes. Il propose un cahier pédagogique dans lequel sont décrites des séquences adaptées à tous les niveaux de classes. Pendant la semaine de la Presse, les établissements qui le souhaitent, s’inscrivent pour participer à l’opération et reçoivent gratuitement durant le mois de mars, les périodiques dont ils ont fait la demande. Ils ont ainsi à leur disposition des supports diversifiés grâce auxquels ils peuvent sensibiliser leurs élèves aux médias. Cette action permet de « participer à une séquence d’éducation civique et de chercher à former des citoyens lucides, curieux, actifs et responsables »2. En outre, cette année la semaine de la Presse dans l’Ecole change d’intitulé et devient la semaine de la Presse et des Médias dans l’Ecole. Comme l’année passée, le thème qu’il est proposé de traiter est l’image d’information. Ceci est encore une bonne opportunité pour amener les enseignants à initier les élèves à la lecture d’image. Un autre dispositif favorise également l’éducation à l’image : collège au cinéma. Cette action que les Ministères de l’Education Nationale et de la Culture ont développée avec le Centre National de la Cinématographie, vise à mieux faire connaître les productions cinématographiques dans les collèges. Cette opération propose aux collégiens de visionner trois films dans l’année, à raison d’un par trimestre, et de construire des travaux pédagogiques avec leurs professeurs. Ces activités ont pour but de leur donner une certaine culture cinématographique. Elles permettent d’aborder l’image filmée en s’attachant aux différents cadrages, aux symboliques qui sont utilisées et bien évidemment au sens des réalisations. Ceci est donc un autre moyen qui offre la possibilité de s’investir dans une éducation à l’image, avec cette fois un support d’un genre différent de celui des médias de l’information. 1.3 Le professeur-documentaliste dans ce contexte 1.3.1 Le C.D.I. : ressource en images et médias Les établissements scolaires et plus particulièrement les Centres d’Information et de Documentation qu’ils possèdent sont des sources importantes en matière 2 Cahier pédagogique de la semaine de la Presse. CLEMI, 2003. 7 d’images et de médias. C’est dans cette partie de l’établissement, de plus en plus identifiée comme son cœur, que sont majoritairement regroupés mais avant tout analysés, les documents écrits et iconographiques, pour ne citer que ces supports d’information. Dans le C.D.I., l’image occupe une place qui n’est pas négligeable. On la trouve dans la presse, dans les documentaires et depuis quelques années maintenant, sous forme numérique (cédéroms, internet). Elle est aussi très utilisée dans les travaux d’élèves. Pour ceux-ci, l’image est souvent garante d’un bon travail. Cependant ils ne savent pas toujours l’utiliser à bon escient, c’est une des raisons pour lesquelles un travail sur ce support d’information peut être intéressant. Les élèves qui fréquentent le C.D.I. viennent généralement pour deux raisons. Ils peuvent venir dans un premier temps pour des besoins relatifs à leurs études, dans le but de compléter leurs savoirs ou pour répondre à la demande d’un enseignant. Dans le cadre de cette démarche la consultation des documents est plus ou moins guidée. Dans un second temps ils viennent pour le plaisir, et cette démarche libre amène souvent les élèves à la consultation d’ouvrages très divers et de supports variés. Si les informations en rayons sont normalement contrôlées par le documentaliste, celles que l’élève peut trouver sur internet ne le sont pas forcément. Ce contrôle n’étant pas non plus un gage d’explication. Il n’est donc pas rare de répondre aux demandes d’élèves concernant le choix d’un document ou d’une illustration pour la réalisation d’un dossier. Cela dénote bien un manque d’esprit critique par rapport aux informations qu’ils ont en leur possession mais aussi par rapport à leur propre travail. Cela m’amène donc à penser que sans une sensibilisation, voire un apprentissage du traitement des informations, notamment de la lecture de l’image et des médias, très peu d’élèves sont à même d’effectuer un tri raisonné des informations qui leurs sont proposées et de les comprendre. Le C.D.I. source de supports iconographiques, pourrait devenir un lieu privilégié pour une sensibilisation à la lecture d’image, tout autant qu’une salle de classe. Dans un tel contexte, le documentaliste pourra être considéré comme une personne ressource dans le domaine de l’éducation à l’image et aux médias. Les séances d’initiation à l’analyse d’image que j’ai entreprises avec madame Mailfert, professeur de lettres, ont pour but notamment de permettre aux élèves de mieux appréhender et de mieux comprendre les images mais aussi d’éveiller l’esprit critique des élèves à travers l’étude de publicités. 1.3.2 Une mission : éveiller l’esprit critique des élèves. L’éducation à l’image et aux médias est une tâche éducative dans laquelle tous les personnels d’éducation devraient s’investir. Il existe néanmoins des disciplines dont les programmes sont plus ou moins axés sur cette éducation à l’image. Ainsi, si on regarde de plus près les objectifs des programmes, on s’aperçoit que la plupart des disciplines sont concernées, et plus particulièrement le français, l’histoire 8 géographie et les arts plastiques. Le documentaliste n’a quant à lui aucun programme officiel qui lui recommande de traiter l’éducation à l’image et aux médias. Il existe néanmoins des référentiels et une circulaire de mission3 qui indique que le documentaliste a pour objectif d’amener l’élève à développer son esprit critique. En outre, le lieu de travail du documentaliste regorge d’images qu’il me semble bon d’exploiter. C’est donc en partie dans le but de répondre à une volonté de susciter l’esprit critique des élèves, que j’ai souhaité monter un projet qui aurait l’image comme support. Je reparlerai plus en détail des instructions officielles en français qui m’ont amenée à réaliser un travail avec une collègue de lettres et une de ses classes de quatrième. En développant cette capacité de l’élève on va pouvoir l’amener à une démarche de questionnement sur son travail et également sur ce qui l’entoure au quotidien. Nous ne devons pas perdre de vue que même si ce travail est réalisé dans le contexte scolaire, l’élève pourra réinvestir ce qu’il a appris pour des besoins scolaires mais aussi pour mieux appréhender le monde qui l’entoure. On rejoint ici l’éducation à la citoyenneté. En tant que professionnel de la documentation et de l’information, le professeur-documentaliste doit agir en pédagogue pour faire en sorte de conduire l’élève à une utilisation intelligente des documents et des informations qu’il a à sa disposition. C’est de façon ponctuelle à travers des activités, et quotidiennement dans l’aide individuelle que le documentaliste accompagne l’élève dans son apprentissage du traitement de l’information. Cet apprentissage est long et passe par plusieurs étapes, de la recherche des documents à la restitution de l’information. A chacune de ces étapes l’élève à besoin de savoirs et de savoir-faire. Avoir un esprit critique c’est-à-dire pouvoir prendre du recul sur ce que l’on a à faire et sur ce que l’on fait, permet de travailler plus efficacement. Toutefois les élèves n’ont pas tous cette faculté, ce qui les conduit souvent d’une part à une mauvaise sélection des documents, menant d’autre part à une mauvaise sélection de l’information. Je pense que le documentaliste a ici un rôle important à jouer, c’est pourquoi j’ai souhaité mener une action qui me permettrait d’évaluer les répercussions d’un travail basé sur l’analyse de l’image sur un éventuel éveil de l’esprit critique des élèves. En outre, ce travail est aussi un moyen d’amener les élèves à adopter un comportement citoyen, et l’éducation à la citoyenneté doit faire partie des notions que chaque enseignant se doit d’apporter à ses élèves. Certes, ce type d’exercice n’a rien de comparable avec ce qui est réalisé en éducation civique, mais je pense qu’il peut susciter chez les élèves une curiosité qui les amènera à mieux appréhender certaines situations. 1.3.3 Un travail de concertation avec le professeur de Lettres Dans le cadre de ce projet, je souhaitais travailler en collaboration avec un professeur dans le but d’une part de partager l’expérience que je menais avec un 3 Ministère de l’Education nationale. Circulaire n°86-123 du 13 mars 1986. Bulletin officiel du ministère de l’Education nationale, 27 mars 1986, n°12. 9 collègue et construire une activité en co-animation et d’autre part pour montrer aux élèves la relation qu’il existe entre le documentaliste et les enseignants. Ayant décidé de monter une séquence sur la lecture de l’image, le contenu des programmes et accompagnements de programmes me permettaient de travailler avec les enseignants de presque toutes les disciplines. L’analyse de l’image est aujourd’hui de plus en plus exploitée en français et donne la possibilité d’étudier différentes parties de l’image en laissant le libre choix du support. Dans les programmes du cycle central, celui des classes de quatrième suggère d’approfondir l’étude de supports iconographiques dans le but d’introduire la notion d’argumentation. Il recommande également d’appréhender les questions de point de vue et d’implications4. De ce fait, introduire l’image dans le cours de français, c’est l’opportunité de mettre en oeuvre des dispositifs visant à présenter l’image comme un message que l’on se doit de décoder. C’est en lisant ces objectifs que j’ai pensé que l’image publicitaire représentait un support relativement approprié pour aborder ce type d’enseignement. Si nous sommes tous conscients que nous travaillons entre autres choses dans le but d’éduquer les élèves et que nous devons tous travailler ensemble pour cela, il faut tout de même reconnaître que nous sommes des êtres humains qui fonctionnent avec des affinités. J’ai donc commencé par proposer mon projet aux collègues de français ayant des classes de quatrième avec lesquels je partageais mon expérience de documentaliste-stagiaire et qui me faisaient eux aussi partager la leur. Lorsque j’ai présenté mes idées à madame Mailfert, elle s’est de suite montrée très enthousiaste et nous avons immédiatement commencé à parler des activités qu’il serait envisageable de mettre en place avec ses élèves de 4e E. Nous avons donc convenu de nous rencontrer la semaine suivante pour définir quels seraient les différents points que nous traiterions avec les élèves. Le choix de travailler sur l’image publicitaire lui a semblé être une façon plutôt originale d’aborder cette partie du programme. D’une part le support permet effectivement d’analyser autant le contenu iconographique que la relation texte / image. D’autre part, j’ai déjà évoqué le fait que les adolescents « consomment » beaucoup d’images et que les images publicitaires en représentent une grande partie ; c’est pourquoi il me paraît intéressant de leur faire analyser des supports avec lesquels ils sont familiarisés. Néanmoins, « familiarisés » ne signifie pas toujours « connaisseurs avertis », c’est en cela que cette expérience peut être un facteur supplémentaire pour éveiller leur esprit critique. 4 Ministère de l’Education nationale, de la recherche et de la technologie. Programmes du cycle central 5e et 4e. Paris : CNDP, 1997. 10 2. L’image publicitaire comme support 2.1 Des outils pour la lecture d’image 2.1.1 Définir le support de travail avec les élèves A la rentrée des vacances de Noël, j’ai rencontré une dernière fois madame Mailfert afin de régler les derniers détails, notamment du rôle et des interventions de chacune durant les séances et nous avons décidé de nous retrouver avec sa classe de 4e E les mardis après-midi de 16 heures à 17 heures. Le premier rendez-vous avec la classe fut pris pour la semaine suivante, mardi 14 janvier. C’est également ce jour que le ramassage scolaire n’a pas pu avoir lieu en raison d’un fort verglas sur les routes. Si madame Mailfert et moi étions bien au rendez-vous ce n’était pas le cas de nos élèves puisque seulement deux élèves avaient pu se déplacer jusqu’au collège. Nous attendions cette première séance avec impatience, pensant qu’elle puisse répondre à certaines de nos interrogations : comment les élèves allaient-ils m’accueillir ? De quelles façons allaient-ils aborder le sujet ? Ces questions parmi d’autres resteraient en suspend jusqu’à la semaine suivante. Notre première rencontre s’est donc déroulée le 21 janvier dans le cadre du C.D.I.. Cette classe de quatrième, du fait que le collège est un établissement classé en Z.E.P (Zone d’Education Prioritaire), a un petit effectif comparé à d’autres établissements. Les 19 élèves que j’ai devant moi ont, d’après les indications que j’ai pu avoir, un niveau scolaire assez moyen et une attitude parfois désinvolte face aux travaux qui leur sont proposés. Il me fallait donc adopter une attitude dynamique dans la présentation des séances et leur proposer des activités susceptibles de capter au maximum leur attention. Cette réflexion est d’autant plus valable que le moment de la journée où nous nous rencontrons est juste après la récréation et juste avant la sortie des classes. Lors de l’accueil des élèves au C.D.I., j’ai tout d’abord commencé par me présenter. Bien que madame Mailfert ait annoncé aux élèves qu’ils allaient travailler avec moi pendant plusieurs séances, le nom «Vadrot » ne leur disait pour la plupart pas grand-chose. Une fois les présentations terminées, nous avons pu nous mettre sérieusement au travail. Dans un premier temps, j’ai présenté le sujet des séances pendant lesquelles nous allions travailler ensemble ainsi que les objectifs de celles-ci. Une activité qui consiste à essayer de décoder et comprendre les images leur a fait remarquer que ce genre d’exercice n’était pas propre uniquement aux arts plastiques. L’interrogation qu’ils ont manifestée a déjà laissé présager d’un certain intérêt à ce que j’étais en train de leur dire. Cet intérêt s’est ensuite concrétisé lorsque j’ai expliqué que le support sur lequel nous allions travailler serait l’image publicitaire. Les quelques éléments 11 d’information que j’avais sur la classe m’avaient poussée à choisir un support dynamique avec lequel ils seraient déjà familiarisés, en l’occurrence l’image de publicité. Il est possible que si j’avais utilisé un support plus « classique » tel que la peinture, les élèves n’auraient peut-être pas été aussi enthousiastes. Les adolescents passent de plus en plus de temps devant leur poste de télévision et sont inévitablement spectateurs de quantités de spots publicitaires, c’est ainsi qu’ils pensent bien souvent être de fins connaisseurs en matière de publicité. Inversement, ils ont souvent peu l’occasion d’aller dans les musées, faute d’accès ou de volonté familiale ou personnelle, et se sentent étrangers à ce type de culture, n’y trouvent aucun intérêt. Aborder la lecture de l’image grâce à un support qu’ils pensent maîtriser, est un moyen de les faire réagir d’avantage, de les surprendre afin de retenir leur attention et de marquer leurs esprits. Avant d’entrer dans le vif du sujet, nous avons pensé qu’il serait intéressant de redéfinir le terme « publicité » dans le but de partir tous sur les mêmes bases. Plutôt que de se contenter de donner une définition aux élèves, nous avons préféré que ce soit eux qui arrivent à en confectionner une. Cet exercice leur permettant de s’impliquer dès le départ dans le travail que nous entreprenions et ainsi de mieux comprendre. Pour réaliser cet exercice, j’ai souhaité que les élèves travaillent par groupes de quatre ou cinq élèves et que pendant une petite dizaine de minutes ils essaient de trouver cinq mots qui pour eux, définissent au mieux le mot « publicité ». Tous les élèves se sont mis à l’ouvrage avec un élan remarquable et ont commencé à faire des propositions au sein de leur groupe. Pendant ce temps de réflexion, madame Mailfert et moi-même passions auprès des groupes afin de s’assurer que les élèves avaient bien compris et respectaient la consigne de départ. Tous semblaient avoir compris et nous avons pu sans délai supplémentaire passer à la présentation de chaque groupe. Dans le but de garder le rythme de la séance soutenu et dynamique, j’ai proposé tour à tour à un élève de chaque groupe d’aller inscrire au tableau les cinq mots qu’ils avaient décidé de conserver. Dans un premier temps quelques groupes avaient noté tous les termes qui leurs venaient à l’esprit (un remueméninges adapté à la situation), puis avaient fait une sélection. Tous les termes retenus par les différents groupes furent écrits au tableau. Comme cela pouvait se prévoir, certains mots avaient été choisis par plusieurs groupes, nous avons donc indiqué en face de chacun de ces mots combien de fois il apparaissait sur les listes dans le but de leur accorder une certaine importance . Les attentes que nous avions des élèves étaient satisfaites. Nous leur avons ensuite demandé de choisir à nouveau cinq termes parmi ceux notés au tableau en tenant compte bien évidemment de la pondération associée à certains. L’essentiel d’une possible définition de la publicité se dessinait au tableau : produit, vendre, informer, slogan et image. Il ne restait plus qu’à mettre tout cela en forme pour produire une réelle définition. 9 Définition proposée par les élèves : Informer le client pour lui vendre un produit en utilisant un slogan et une image. 12 9 Définition proposée par le dictionnaire : Activité qui consiste à faire connaître un produit, une entreprise, etc., afin d’inciter les consommateurs à acheter ce produit, à utiliser les services de cette entreprise, etc. Ensemble des moyens employés à cet effet.5 Cet enchaînement de petits exercices a permis à la classe de s’impliquer réellement dans la présentation et l’introduction de notre sujet de travail. Grâce à cette activité ils ont révélé quels étaient les buts de la publicité ainsi que quelquesuns de ses moyens pour les atteindre. Ils ont en plus réalisé que les idées et la définition qu’ils ont développées étaient très proches de la réalité. Ce sentiment de réussite permet à tous de se sentir en confiance avec le nouveau type de travail qu’ils vont aborder. Pendant le dernier quart d’heure, nous demandons aux élèves d’aller regarder l’image publicitaire6 qui s’affiche à l’écran de chaque ordinateur du C.D.I. et de retenir deux éléments qui composent l’image. Le changement de support permet de redynamiser une dernière fois la séance à quelques minutes de la sonnerie de la fin de journée. Après cinq minutes d’observation les élèves regagnent leur place et nous les interrogeons sur ce qu’ils ont repéré. 9 Voici quelques mots qu’ils ont énoncés : eau, voiture, vacances, enfant, famille, logo, marque, conseils. Je conclus l’heure en leur expliquant que les éléments qu’ils ont retenus dans l’image publicitaire qu’ils viennent de regarder ont tous un rôle à jouer. Ce sont ces éléments que nous tenterons de mettre en évidence la semaine suivante et auxquels nous essaierons de donner un sens durant les prochaines séances. Malgré tout, cette dernière partie de l’heure n’a peut-être pas été utilisée efficacement car les élèves n’ont pas bien compris comment je souhaitais exploiter les éléments qu’ils m’ont fournis en dernier lieu. Les consignes avaient pourtant été comprises mais il apparaît préférable de réutiliser immédiatement ce sur quoi on vient de travailler. L’activité devient ainsi pleinement concrète aux yeux des élèves, alors que la façon dont je l’ai utilisée n’a pas pris le sens que je souhaitais lui donner. De mon côté je souhaitais simplement effectuer une transition avec l’heure suivante afin qu’ils sachent sur quoi ils devraient travailler prochainement. Finalement, cette séance que nous redoutions tout de même un peu à cause d’une part, de l’énergie parfois débordante des élèves en présence de situations nouvelles, et d’autre part, de l’accueil qu’ils allaient faire à ce nouvel enseignement, s’est plutôt bien déroulée. madame Mailfert trouve le projet intéressant et constate que les élèves manifestent une motivation dont ils ne font pas toujours preuve. Nous envisageons alors de poursuivre les prochaines séances selon la même philosophie : action et dynamisme. 5 6 Dictionnaire Hachette 2003. Musée de la publicité. (page consultée le 07/12/2002). [en ligne]. Adresse URL : http://www.ucad.fr/pub. 13 2.1.2 Appréhender la dimension esthétique Lors de la première séance, un détail d’emploi du temps avait du être réglé. En effet, lorsque j’ai demandé aux élèves de prendre leur cahier de texte pour le mardi suivant, ceux-ci m’ont appris qu’ils ne seraient pas présents de la journée pour cause de visites d’établissements scolaires. Etant donné que notre premier rendez-vous avait été repoussé à cause du verglas, je ne pouvais pas me permettre de décaler encore une fois une séance. Le cas échéant les élèves allaient peut-être oublier ce que nous venions de voir, et ainsi perdre un peu de leur intérêt pour l’activité, et de mon côté j’allais prendre du retard dans la rédaction de mon mémoire. Après une modification à mon emploi du temps, nous avons fait en sorte de pouvoir poursuivre notre travail un autre jour de la semaine, en l’occurrence le lundi suivant de 10 heures à 11 heures. Cette séance devait avoir lieu cette fois-ci dans la salle de classe où ils ont cours habituellement. Les objectifs de la séance étaient que les élèves soient capables dans un premier temps de trouver les différents éléments qui entrent dans la composition de l’image publicitaire et dans un second temps de les identifier sur une image imposée. A l’issue de cette séance les élèves devaient connaître les bases de la lecture de l’image. Ils devaient être en mesure de repérer les composants essentiels à la compréhension de l’image publicitaire. En s’appropriant cette technique de lecture, les élèves seraient sans doute en mesure de la réinvestir pour analyser et comprendre d’autres types d’images. Afin de m’en assurer, j’ai prévu de tester leurs compétences dans ce domaine en les confrontant à un support bien différent, à savoir une représentation biblique. Il ne faut pas perdre de vue que l’objectif du travail que j’ai entrepris avec cette classe, n’est pas essentiellement de leur apprendre à lire les images publicitaires, mais de les sensibiliser à la lecture d’image en général. En donnant les consignes de travail, je me suis rapidement aperçue que les élèves ne faisaient pas la différence entre les termes « forme » et « fond ». Un élève qui, pour s’assurer qu’il avait bien compris, a proposé un élément de réponse qui tenait plus du sens de l’image que de sa composition. Constatant cette erreur, j’ai expliqué les deux notions et me suis assurée que la classe avait bien saisi la différence et en conséquence ce que nous attendions d’eux. Une fois les explications terminées et comprises, les élèves se sont mis à observer les images publicitaires découpées dans des magazines qu’ils avaient pour mission d’apporter. L’ambiance de la classe était plus animée que la fois précédente et quelques élèves semblaient encore une fois s’attacher plus au contenu et à la signification de l’image qu’à sa composition. Néanmoins, nous étions convaincues que ces réactions ne correspondaient pas à une mauvaise compréhension des consignes, mais à un laisser aller dans leur comportement. Le moment était devenu nécessaire de recadrer la classe afin que les débordements cessent rapidement. Suite à cela, la classe fit des efforts pour faire le travail demandé, cependant, une certaine agitation persistait. Pour remédier à cela, j’ai proposé assez rapidement d’inscrire leurs observations au tableau. Avec du recul j’aurais dû procéder de la même façon que la semaine passée, à savoir, demander à 14 un élève volontaire de bien vouloir noter les observations de ses camarades. La configuration de la salle de classe et notamment la position du tableau par rapport aux premières tables (extrêmement proches) m’a mise dans une situation inconfortable pour à la fois gérer le tableau et les réponses des élèves. Réponses très souvent pertinentes, mais qui arrivaient de tous les côtés. Nous avons dû à nouveau freiner leurs interventions pour retrouver une ambiance de travail correcte. Une fois le calme revenu, j’ai commencé à inscrire au tableau les éléments que la classe me proposait. 9 Voici quelques-uns uns des mots énoncés par les élèves : slogan, image du produit, couleurs, perspective, adresse internet de la marque, logo, informations sur le produit, arguments pour vendre, petite phrase d’introduction. Suite à cela, j’ai demandé aux élèves d’essayer de classer ces mots en deux catégories. Cet exercice ayant pour but d’identifier ce qui fait plutôt partie du domaine de l’esthétique par rapport au domaine du verbal. Sans difficulté les élèves ont regroupé d’une part l’ensemble des éléments écrits et d’autre part ceux qui n’en faisaient pas partie. Afin que les élèves n’oublient aucun élément dans l’image publicitaire que nous avions choisi de leur faire analyser, nous leur proposons un tableau dans lequel nous avons reformulé les idées qu’ils ont émises et ajouté ce qui avait été omis ou mal exprimé. On retrouve dans la première partie du tableau ce qui est en rapport avec l’esthétique de l’image : le produit, le contexte dans lequel il se trouve : couleurs, luminosité, les lignes et les formes qui composent l’image ainsi que le point de vue de celle-ci. Dans la seconde partie de ce tableau on a regroupé les éléments verbaux qui peuvent composer l’image de publicité : le slogan, l’accroche, un texte informatif et / ou argumentatif, des renseignements sur la marque. Nous avons placé le logo à cheval entre les deux colonnes car bien qu’il soit souvent sous forme de dessin, il peut aussi comporter des signes alphabétiques ou numériques. Comme les élèves avaient un peu de mal à faire la différence entre le slogan et l’accroche nous avons reprécisé ces termes en les illustrant (annexe 2). Les élèves avaient désormais tous une connaissance minimum des éléments de composition d’une image publicitaire. Ils pouvaient commencer à lire ce type d’image grâce à l’identification qu’ils peuvent faire de ses composants. C’est d’ailleurs en pratiquant cette activité de repérage que les élèves peuvent s’approprier cette démarche de lecture. Pour que l’ensemble de la classe puisse travailler sur la même image et ainsi confronter leurs idées, j’ai décidé d’utiliser les nouvelles technologies en expérimentant la projection par vidéo projecteur. Le collège possède ce matériel mais la salle de classe dans laquelle nous étions installés n’étant pas équipée d’ordinateurs, j’ai demandé à ma conseillère pédagogique, Christine Sobota, de me prêter son ordinateur portable. Cette méthode me permettait de conserver intacte l’image sur laquelle je souhaitais faire travailler les élèves. N’ayant jamais effectué de présentation avec ce matériel, il m’a paru nécessaire de le tester pendant l’heure qui précédait le cours et c’est sans aucun problème que l’affichage s’est fait sur l’écran blanc. La première activité terminée, il nous fallait à présent passer à la 15 seconde : l’affichage de la publicité sur le mur de la classe pour en faire la lecture. C’est à ce moment que j’ai dû faire face à quelques petits ennuis techniques sans gravité, mais qui m’ont un peu déstabilisée. Les quelques minutes qu’il nous a fallu pour résoudre cet incident informatique ont été suffisantes à la classe pour se déconcentrer et reprendre les bavardages intempestifs comme au début de la séance. Avant de commencer la lecture de l’image que nous leur proposions, nous avons du calmer les esprits une dernière fois. Gardant à l’esprit l’objectif que nous nous étions fixé, c’est-à-dire faire le cours de manière dynamique, j’ai décidé de demander aux élèves de repérer rapidement les éléments de composition que nous venions de mettre en évidence, puis de proposer à certains d’entre eux d’aller nous les montrer. L’affiche qu’ils ont à analyser est une publicité pour une voiture. Les élèves sont volontaires et nous sentons la motivation et l’intérêt revenir. Tous les éléments sont clairement identifiés et grâce à cet exercice les élèves commencent à se rendre compte de l’enjeu de cette fine analyse. Certains introduisent sans le savoir la fonction « connoté » en nous faisant part de leurs impressions lorsqu’un de leur camarade nous montre les lignes qui structurent l’image. En effet, on peut observer quelques lignes obliques qui convergent au centre de l’image et qui accentuent fortement la perspective. Les élèves concluent rapidement en disant que ces lignes sont utilisées pour renforcer l’idée d’espace dans la voiture, ainsi que la notion de vitesse. La deuxième séance touchait à sa fin et les dernières remarques des élèves m’ont permis de faire la transition avec ce que j’avais prévu de leur présenter la semaine suivante. Si toutefois les objectifs de départ que je m’étais fixés ont été atteints, je ne suis pas satisfaite de cette séance. Cette heure m’a permis de comprendre pourquoi mes collègues m’avaient parlé d’une classe pas toujours volontaire, avec une ambiance de travail parfois pas très agréable. Je pense que dans le cas de cette heure, plusieurs facteurs peuvent expliquer le comportement des élèves. Tout d’abord, le changement d’emploi du temps que nous avons dû effectuer pour nous rencontrer, a certainement joué un rôle, même modeste, bien que l’emploi du temps des élèves n’ait pas été modifié. Ensuite la classe n’a peut-être pas compris immédiatement le but de l’exercice qui consistait à décortiquer l’image pour en trouver les différents composants. La solution aurait peut-être été de les amener à trouver les intérêts de l’activité, afin qu’ils saisissent mieux la démarche de travail. Enfin, il me semble que le facteur qui ait joué le plus grand rôle soit l’environnement. La semaine précédente, je recevais les élèves dans le cadre du C.D.I. ; ils étaient en quelque sorte « mes invités ». Cette semaine les rôles se trouvaient inversés et ce sont les élèves qui m’ont certainement perçue comme « leur invitée ». Il a donc fallu que je m’impose auprès d’eux dans leur salle de cours, ce qui n’a pas été facilité par la configuration exiguë de la pièce. En outre, les petits ennuis techniques auxquels j’ai dû faire face ne m’ont à leur tour pas facilité le travail. Cette situation m’a permis de mieux me rendre compte de l’importance de la gestion de l’espace. L’espace disponible au C.D.I. offre la possibilité d’organiser la classe de façon moins contraignante que dans une salle de cours. La gestion de l’espace devient alors synonyme de la gestion de la classe. Dans le but de confirmer cette hypothèse, madame Mailfert et moi-même avons pris la décision de faire la troisième séance dans le cadre du C.D.I.. 16 2.1.3 Comprendre le langage argumentatif utilisé Comme je l’ai expliqué dans la première partie, l’image a différentes fonctions. Dans le cas de l’image publicitaire, la fonction argumentative est celle qui est majoritairement développée. Il était donc intéressant que les élèves se penchent plus particulièrement sur ce sujet. C’est ce que nous avons essayé de mettre en œuvre. Dès la première séance les élèves ont mis en évidence les buts de la publicité et de l’image publicitaire en composant une définition. Cet exercice leur à déjà permis de montrer que le but de la publicité est de vendre grâce à des arguments. C’était également le moyen de définir avec eux la situation d’énonciation, qui est une des bases de la lecture d’image. La fonction argumentative a été révélée dès le départ par la classe et l’ensemble des éléments utilisés pour l’argumentation seront eux aussi mis en évidence par les élèves au fur et à mesure des séances. Une fois encore, il m’apparaît important de rendre les élèves le plus possible acteurs de leurs apprentissages. Lors de la seconde séance, nous avons abordé la présence de petits textes informatifs dans certaines publicités. La classe a bien compris et bien expliqué le rôle de ceux-ci. Leur professeur de français a pu ouvrir une parenthèse et faire noter aux élèves, quelques éléments clés d’un discours argumentatif. Cela lui a permis d’introduire une nouvelle séquence dans sa progression. Chaque composant de l’image a son propre rôle à jouer dans le discours argumentatif. Grâce aux diverses activités que j’ai proposées aux élèves, ils ont eu l’occasion de faire le lien entre les éléments de composition de l’image publicitaire et la fonction argumentative de cette image. L’heure durant laquelle ils s’en sont rendu le plus compte fut évidemment celle où nous avons abordé la notion de connotation. L’ensemble des choses que les élèves ont ressenti et compris au travers de ces quelques heures de décryptage et de décodage d’image a pu être réinvesti lorsqu’ils ont été amenés à se mettre à leur tour dans la peau du publicitaire. Mettre en application ce que l’on vient d’aborder, ce que l’on vient de comprendre, permet de mieux intégrer toutes les nouvelles notions. C’est en pratiquant que l’on comprend. C’est aussi d’une autre façon que les élèves ont pu faire preuve d’argumentation. En effet, lors de la présentation d’une publicité par un élève, où lors de l’étude commune d’une image, les élèves devaient présenter leur analyse en justifiant leurs réponses. Ils ont également dû développer des arguments afin de convaincre leurs camarades, parfois davantage lorsqu’une contestation avait lieu. Enfin, c’est en créant eux-même une image publicitaire qu’ils ont mis en pratique tout ce qu’ils avaient compris au sujet du langage argumentatif. C’est à la fois par la mise en scène du produit et par les textes qu’ils ont produits que nous avons pu évaluer ce qu’ils avaient réellement retenu des notions que nous souhaitions leur apprendre. Si la fonction principale de l’image publicitaire est d’apporter des arguments pour mettre en valeur et vendre un produit ou un service, le but de mon action était 17 aussi de montrer aux élèves qu’une image raconte une histoire. Mon objectif était également de faire connaître aux élèves tous les moyens qui sont utilisés pour mettre en scène une image, de les amener à lire entre les lignes d’une image. En concluant mes séances par un travail d’analyse sur un support complètement différent, à savoir un tableau de Nicolas Poussin, les élèves ont bien réalisé que si un élément prend un certain sens dans une image publicitaire, ce même élément prendra un autre sens dans une autre situation. Ainsi, dans le cas de l’étude de peinture, la classe a exprimé que le peintre utilise des éléments qui viennent renforcer des idées. 2.2 Prendre conscience de la fonction dénoté / connoté 2.2.1 Des codes universels à découvrir La lecture d’une image passe dans un premier temps par l’identification des éléments qui la composent et dans un second temps par la compréhension de ceux-ci. Lors de la deuxième séance les élèves ont appris à connaître et à reconnaître les composants d’une image publicitaire, il fallait à présent qu’ils apprennent à les décoder. Le décodage de signes représentait l’objectif de notre troisième séance. Nous souhaitions qu’à la fin de cette heure, les élèves aient compris les mécanismes d’une image publicitaire, et soient capables d’en faire la lecture et son analyse. Avant de rentrer dans le vif du sujet, j’ai souhaité faire un bilan des deux premières séances avec les élèves. Ce bilan consistait juste à demander aux élèves de dire ce que nous avions fait jusque là, mais j’attendais plus particulièrement une explication de ce sur quoi nous avions travaillé la semaine précédente. Le sentiment d’insatisfaction que j’avais ressenti la semaine passée s’est un peu atténué lorsque j’ai constaté que les élèves avaient apparemment bien compris le travail qui avait été fait. J’ai ensuite repris les remarques qui avaient été faites par certains élèves en fin d’heure (sensation d’espace procurée par les lignes qui convergeaient au centre de l’image) pour faire la transition avec le travail de la journée. J’avais choisi de décomposer l’heure en deux parties, la première consacrée à la mise en évidence et l’explication des mots « dénoté » et « connoté », et la seconde consacrée au réinvestissement de ce nouvel apprentissage. Le plus intéressant à mon sens, était de faire découvrir aux élèves la signification de cette nouvelle notion. Je ne leur ai donc fourni, ni définition, ni explication. J’ai simplement distribué une feuille sur laquelle j’avais noté quelques correspondances entre certains mots et leur sens connoté (annexe 2). Les premiers exemples portaient sur la couleur, composante de l’image que nous avions mise en évidence lors de notre dernière rencontre. Dans ces exemples, j’ai fait correspondre la couleur bleue aux termes fraîcheur et calme, et la couleur rouge aux termes puissance, amour et chaleur. Ces codes de couleurs connus de tous devaient les amener à approcher le sens de la connotation d’un mot. La classe a très bien réagi et a 18 exprimé clairement ce qu’elle avait compris. En accord avec les explications des élèves, je leur demande de trouver quelles connotations peuvent avoir les couleurs blanche et noire. Sans problème, les élèves proposent rapidement plusieurs possibilités de réponses. Le noir est ainsi connoté de mort, froid et solitude et le blanc de pureté, paradis et également de froid. J’ajoute que dans le cadre d’une image publicitaire la couleur noire peut-être associée à une autre connotation, à savoir le luxe. Nous prenons l’exemple d’une publicité présentant un bijou dans un écrin de velours noir. Le sens des couleurs étant abordé en arts plastiques, les élèves n’ont eu aucune difficulté à faire ce premier travail. Nous sommes ensuite passés à la connotation de certains mots et images. Le principe est le même que pour les couleurs, nous demandons déjà dans un premier temps de lire les exemples pour que nous en discutions ensemble, puis dans un second temps de chercher les connotations qui sont associées à deux autres mots. Les deux exemples sont apparemment connus et compris de tous et le petit exercice ne suscite aucun souci. Les élèves associeront l’épargne à l’écureuil et la force et la puissance au lion. En outre, les personnes qui ont souhaité corriger l’exercice, ont illustré leur propos en faisant référence à une célèbre banque ainsi qu’à une célèbre marque de céréales et de barres chocolatées. Cette activité nous a permis de constater que la classe avait bien intégré la notion de connotation que nous avions pour objectif de leur faire découvrir. C’est pourquoi nous leur avons demandé de définir brièvement les deux nouvelles notions. 9 Définitions proposées par les élèves : le sens dénoté représente le sens premier du mot, ce qui est vrai, alors que le sens connoté désigne ce qu’il représente, ce que nous pensons. 9 Définitions que nous leur proposons : le sens dénoté représente ce que nous voyons, les valeurs objectives, alors que le sens connoté désigne le sens que peut prendre un mot ou un énoncé dans un contexte donné, ce sont des valeurs subjectives. (Objectif et subjectif seront également expliqués) Comme nous l’avions prévu, nous avons consacré la seconde partie de l’heure à réinvestir ce qui venait d’être vu. Pour ce faire, nous avons demandé aux élèves de reprendre les publicités qu’ils avaient apportées la fois précédente, d’en sélectionner une, et d’en faire son analyse en vue de la présenter au reste de la classe. Présenter son travail au reste de la classe n’est pas toujours un exercice dont les élèves raffolent, surtout à partir de la classe de quatrième. Cela devrait évoluer grâce aux nouveaux dispositifs tels que les itinéraires de découverte et les travaux personnels encadrés qui nécessitent de la part des élèves une présentation orale du travail qu’ils ont accompli. Dans notre cas, cela ne semblait pas poser de problème, et les élèves se sont vite mis au travail. Le temps que chaque élève trouve une image sur laquelle il souhaitait travailler, madame Mailfert et moi-même sommes passées auprès de chacun d’entre eux pour les aider dans leur choix. Il fallait que l’image soit suffisamment claire et contienne suffisamment de signes à décoder pour que les 19 élèves soient en mesure de répondre à notre demande. Suite à cela les élèves ont souvent commencé par faire un tableau dans lequel ils plaçaient d’un côté les éléments de composition de l’image accompagnée de leur sens dénoté et dans l’autre moitié du tableau ils faisaient correspondre le sens connoté de chacun de ces éléments. Ce travail imposait non seulement aux élèves de connaître et d’identifier les éléments de bases de la lecture de l’image, mais aussi de se questionner face à cette image. C’est en s’interrogeant sur la composition de leur publicité que les élèves comprenaient entre autres les enjeux des couleurs utilisées pour présenter le produit au public. La lecture de l’image développait effectivement l’esprit critique des élèves et stimulait aussi leur esprit citoyen. En circulant parmi les tables, j’étais contente de constater que les élèves semblaient véritablement intéressés par cet exercice tant ils mettaient de cœur à l’ouvrage. En outre, les analyses qu’ils commençaient à esquiver me satisfaisaient pleinement, ainsi que leur professeur de lettres. Nous avons conservé un peu plus de dix minutes à la fin de l’heure pour qu’un des élèves nous fasse part de son travail. C’est sur la base du volontariat que nous avons proposé qu’une personne intervienne. Comme nous l’avions pressenti lors du passage des consignes, plusieurs élèves se sont portés volontaires. Celui qui pris la parole avait sélectionné une publicité vantant les mérites d’un nouveau produit d’une célèbre chaîne de restauration rapide. Le discours de l’élève était structuré : présentation successive du produit, de la marque, de la cible visée par le publicitaire, puis il a identifié tour à tour les composants de l’image en expliquant ce qu’ils apportaient à la publicité. Nous avons senti un regard très critique sur l’image qu’il avait choisi d’analyser car aucun détail n’a été laissé de côté. D’après ce que nous avons pu entendre et constater auprès des élèves, l’objectif de cette séance a visiblement été atteint. Il apparaît que cette séance s’est bien déroulée et que les objectifs que nous visions ont été atteints. L’hypothèse que nous avions émise quant à l’incidence du lieu sur le comportement des élèves était apparemment bien fondée. Le facteur lieu n’est peut-être pas le seul à entrer en jeu, mais je pense qu’il a néanmoins une importance qu’il ne faut pas sous-estimer. J’ai également remarqué que le travail en petits groupes ne suscitait pas de bavardage, contrairement à une configuration de classe normale comme j’ai pu l’observer la semaine précédente. Il ne faut pas non plus perdre de vue que chaque situation est unique et que si nous avons pu observer une modification du comportement de cette classe en fonction du lieu où elle travaille, cette situation n’est sans doute pas vérifiable pour d’autres classes. Il semblerait que ces élèves apprécient particulièrement qu’on leur donne des responsabilités. De cette manière, ils sont de vrais acteurs au sein de la classe que se soit simplement pour une intervention au tableau ou pour faire progresser le cours. Cependant, ces modalités de travail ne s’adaptent sans doute pas à tous les apprentissages. Cela nécessite de bien connaître le fonctionnement de la classe dans le but d’adapter au mieux son enseignement. 20 2.2.2 Mesurer l’interprétation personnelle La lecture d’une image est d’une part soumise à une interprétation que nous pouvons faire grâce à la connaissance de certains codes universels, et d’autre part à une interprétation qui est liée à notre vécu. Cette interprétation personnelle est construite petit à petit et évolue grâce à notre expérience. Elle dépend entre autres de notre âge, de notre sexe et de notre éducation. Une même image sera interprétée de façon différente selon qu’on la présente par exemple à un adolescent ou un à adulte, ou encore à un européen ou à un asiatique. C’est cette dimension que nous voulions amener les élèves à appréhender. Ils ont pu en faire l’expérience lors de deux exercices, celui qui consistait à retrouver quels sens connotés correspondaient aux mots que nous leur proposions, et celui où nous leur demandions de décrypter une publicité et d’en faire la lecture. Dès la première activité, les élèves ont bien décodé le sens des mots que nous leur proposions, puis ils ont commencé à donner des réponses qui dépassaient ce que nous leur demandions. Les termes proposés ne correspondaient plus à des codes universels mais à des interprétations personnelles, notamment des sensations qu’ils associent à certains mots, tout comme on associe un sentiment ou un lieu à une odeur. C’est la couleur blanche qui a suscité les premières interrogations et ouvert le débat sur l’importance que peut prendre la culture d’origine d’une personne dans la lecture d’une image. Si quelques élèves ont bien exprimé que la couleur blanche est symbole de virginité et associée au mariage dans notre pays, d’autres ont pris le relais en expliquant que dans d’autres pays, notamment la Chine, les femmes ne se marient pas en blanc mais en rouge. Cette remarque montre que les élèves commençaient à prendre conscience d’une autre dimension à exploiter dans la lecture d’image. A l’occasion des deux premières séances, nous avions insisté sur le fait que toute publicité s’adresse à un public en particulier, que celui-ci soit restreint ou élargit. Nous avions défini ce public comme la cible du publicitaire. Le travail sur la connotation a fait prendre conscience aux élèves que les moyens utilisés par les publicitaires sont bien étudiés en fonction du public qu’ils souhaitent viser. Je note quelques interventions telles que : on peut utiliser des couleurs vives pour un produit destiné aux enfants, mais pas vraiment pour un produit destiné aux personnes âgées, ou encore, on ne donnera pas les mêmes arguments pour vendre une voiture à un jeune qu’à des parents. L’analyse qu’ils font des images publicitaires montre apparemment qu’ils accordent à présent une valeur aux codes ainsi qu’une valeur à leur culture. Face à l’image, les élèves ont une attitude de questionnement et de réflexion. Cette attitude atteste dans ce cas d’un éveil de leur esprit critique. C’est aussi la preuve qu’ils savent adopter une lecture active des documents que je leur propose. La définition que nous avions élaborée pour expliquer les sens de dénoté et connoté nous avait permis d’introduire les notions d’objectivité et de subjectivité. Les interprétations personnelles des élèves permettaient de mieux illustrer la notion de subjectivité, tout en leur offrant la possibilité de hiérarchiser leurs idées. 21 2.3 Une appropriation de la méthode par l’élève 2.3.1 Analyser une image Les objectifs d’une heure de cours peuvent varier. Néanmoins, chaque enseignant anime des séances dans le but d’apporter aux élèves de nouvelles connaissances, des savoirs, mais aussi de leur enseigner des méthodes de travail, des savoir-faire. Afin que les élèves puissent mieux assimiler ce qu’on leur enseigne, il me semble essentiel qu’ils voient de quelles manières ils peuvent réinvestir ce qu’ils ont appris. C’est aussi dans cette même optique qu’il est recommandé de présenter les objectifs d’un cours aux élèves, afin qu’ils en connaissent les aboutissants. Dans le cadre de mon travail sur la lecture de l’image, j’ai utilisé le support à la fois pour amener la classe à découvrir par elle-même de quoi elle est composée, mais je l’ai également utilisée pour qu’ils s’approprient plus concrètement l’analyse qu’ils en avaient faite. Dans un premier temps ils ont expérimenté de façon tout à fait innocente et inconsciente la lecture d’une image. C’est sans avoir aucun indice, mis à part la connaissance de la situation d’énonciation, qu’ils ont procédé au décorticage d’une publicité que je leur avais présentée. Ainsi, ils se sont rendus compte qu’ils étaient capables de mettre en évidence les éléments de lecture d’une image publicitaire. Cet exercice les a de ce fait mis en confiance et en situation de réussite. Le fait d’avoir ensuite mis en pratique la méthode d’analyse qu’ils avaient eux-même justement exprimée, les a confortés dans ce sentiment. A l’issue des premières séances, leur professeur et moi étions satisfaites de constater qu’ils avaient assimilé les bases de la lecture d’image. Cependant nous ne pouvions pas vérifier qu’ils seraient en mesure de réinvestir ces mêmes bases en présence d’un autre type d’image. Dans le but de nous en assurer, j’ai donc proposé à madame Mailfert de conclure notre projet en demandant aux élèves d’analyser Le jugement de Salomon de Nicolas Poussin. Comme nous l’avions imaginé, les élèves ont été un peu surpris par le travail que nous souhaitions qu’ils fassent. Après avoir expliqué de façon plus détaillée ce que nous attendions d’eux, les élèves nous ont présenté une analyse correcte du tableau. Certes, la culture nécessaire à la compréhension de ce tableau leur à parfois fait défaut, mais l’essentiel a été cité. Cette dernière séance a permis à la classe de prendre conscience qu’elle pourrait réinvestir ce qu’elle avait fait et appris durant les six séances où nous avons travaillé ensemble. L’approche de la lecture de l’image que j’ai exploitée avec cette classe a apparemment été concluante vu la réaction plutôt intéressée des élèves. Il me semble qu’avoir demandé aux élèves de mettre en pratique leurs nouveaux savoirs et savoirfaire a favorisé la compréhension et l’intégration des apprentissages. Il arrive que certains élèves disent qu’ils ne savent pas pourquoi ils apprennent telle ou telle chose. Je pense qu’en leur proposant des activités parfois plus concrètes, ce sentiment pourrait éventuellement s’atténuer. D’après les discussions que j’ai pu avoir avec leur professeur de français, cette approche était effectivement bien adaptée à la 22 classe. Néanmoins, elle m’a précisé que ces activités n’auraient peut-être pas eu la même incidence sur son autre classe de quatrième, d’après elle plus « scolaire ». D’autre part, les activités que je proposais aux élèves demandaient une bonne participation orale. Cette classe était véritablement bien disposée à ce genre de travail, ce qui n’est pas le cas de tous les élèves. Encore une fois, il est juste de redire qu’il est indispensable de bien connaître le public auquel on s’adresse. Si je ne m’étais pas informée auprès des enseignants et notamment de leur professeur de français, je n’aurais peut-être pas abordé le thème de la lecture de l’image de cette façon. 2.3.2 Réaliser une affiche publicitaire Lorsque les élèves ont fait la lecture d’images que nous leur avions proposées, ainsi que celles qu’ils avaient personnellement apportées, ils ont mis en pratique la méthode de lecture qu’ils avaient mise en évidence. Cette première activité leur a permis de mieux comprendre mais aussi retenir les différents éléments qui composent une image. Pour compléter ce travail, il m’a semblé intéressant de refaire cette expérience, mais cette fois-ci à l’envers. Ce que je demandais aux élèves consistait en ce qu’ils se mettent dans la peau du parfait publicitaire, et qu’ils composent à leur tour une affiche publicitaire en utilisant tous les éléments de construction dont nous avions parlé. Cette réalisation était également un moyen supplémentaire d’évaluer le travail des élèves. L’exercice que nous leur demandions les invitait à construire leur affiche de A à Z, c’est-à-dire qu’ils avaient pour mission de choisir le type de produit ou service dont ils souhaitaient vanter les mérites, le nom de ce produit ainsi que la marque et son logo, une accroche, un slogan et un petit texte informatif (annexe 3). Ce travail de groupe les a amenés à faire preuve d’imagination mais aussi d’esprit critique. En effet, les idées qui émergeaient au sein des groupes ne faisaient pas toujours l’unanimité. Les discussions à l’intérieur des groupes les aidaient beaucoup pour effectuer des choix ainsi que pour construire leur publicité. Il m’est même arrivé de devoir intervenir après des élèves dont les discussions étaient devenues houleuses parce qu’ils n’arrivaient pas à prendre une décision. Dans l’ensemble, ce qui leur a été le plus difficile à faire, fut de trouver un nom et une marque au produit. Lorsque cette étape était passée, les idées de mise en scène du produit émergeaient assez rapidement. J’avoue même que certains élèves nous ont agréablement surpris par leur production. Nos moyens en temps étaient malheureusement restreints et ne permettaient pas d’accorder trop de temps à ce travail. Malgré ce handicap, les élèves ont tout de même réussi à produire des affiches complètes et plutôt bien construites (annexe 4). 23 3. Eveiller l’esprit critique des élèves 3.1 Une mise en question enrichissante. 3.1.1 Ouvrir les yeux pour ouvrit l’esprit. Un des objectifs du travail que je souhaitais accomplir avec cette classe de quatrième était d’essayer d’amener les élèves à avoir un regard plus critique sur les images dont ils sont abreuvés. L’analyse de l’image est intéressante, mais mon ambition était de dépasser un peu cette analyse et de faire prendre conscience aux élèves que la lecture d’image permet de s’interroger pour mieux comprendre une image et son contexte. Le but était de faire en sorte que par la suite, même sans avoir à analyser au sens propre du terme une image, leur regard change un peu et ne soit plus seulement contemplatif, mais également un peu critique. La lecture de l’image constituait pour moi le support de mon travail. L’apport d’éléments théoriques est indispensable pour permettre aux élèves de construire des savoirs, toutefois j’ai mesuré l’importance de leur donner la possibilité d’être acteurs de ces savoirs. Le fait qu’ils aient eux-même mis en évidence les composants d’une publicité a permis qu’ils aiguisent leur regard dès le départ. Si nous leur avions dit quels étaient ces éléments sans qu’ils aient eu à se pencher sur la question, je pense que l’activité aurait perdu de son intérêt à la fois auprès des élèves mais aussi au niveau pédagogique. Le regard critique dont ils ont fait preuve s’est matérialisé lors de plusieurs travaux, et ce à chacune de nos rencontres. La lecture d’une même image par la classe est enrichissante car chaque élève peut apporter un peu d’eau au moulin et faire émerger des échanges intéressants. Sans en arriver à des débats, c’est un travail d’investissement collectif de la classe. D’autre part, lorsque les élèves ont dû se mettre à la place du publicitaire, ce sont leurs propres idées qu’ils devaient critiquer. Ce type d’exercice leur donnait la possibilité de se remettre en question et de remettre en question les idées de leurs camarades au sein du groupe. Dans ce cas de figure, c’est une opportunité de faire évoluer ses idées et ses opinions, de les renforcer, de les nuancer voire même de constater qu’elles étaient erronées et les abandonner. Développer son esprit critique cela peut-être aussi le moyen de travailler sur ses représentations. J’ai eu l’occasion d’aborder ce sujet avec les élèves lorsque nous avons introduit la notion de connotation. Cette même séance nous avait permis d’ouvrir une parenthèse sur la signification des valeurs objectives et des valeurs subjectives. Ces notions qu’ils connaissaient sans mettre un nom dessus, leur ont apporté de nouvelles pistes à exploiter en matière de questionnement. Est-ce que ce que je suis en train d’exprimer ressort plus de l’objectivité ou de la subjectivité ? Il me semble que se remettre en question n’a rien de néfaste, sauf dans le cas où on le fait de manière systématique et où l’on perd confiance. Je pense que c’est en se 24 posant les bonnes questions que l’on peut s’enrichir et avancer. Dans le cas des activités que les élèves ont faites, ce questionnement les a fait évoluer vers un travail plus riche mais également plus structuré. D’un travail quelque fois superficiel, ils sont passés à des analyses et des réalisations consistantes et approfondies. A travers les activités que nous avons menées ensemble, les élèves ont apparemment saisi qu’il fallait ouvrir grand leurs yeux pour tenter de décoder une image, quelle que soit sa nature : publicité, tableau, photographie de presse. Cette évaluation a pu se faire tout au long de la séquence grâce à la graduation et la diversité des activités que nous leur avons proposées. Adopter un regard critique face à un support iconographique est important, cependant il serait intéressant de voir si les élèves ont la même faculté à critiquer d’autres supports d’informations. Pour cela il faudrait continuer cette expérience en travaillant par exemple sur l’analyse de sites internet. Dans le cadre de la lecture d’image on perçoit plus la critique comme synonyme de meilleure interprétation et compréhension de l’information, alors que dans le cadre d’un travail sur des sites on est plus dans le domaine de la validité de l’information. La bonne utilisation d’un document dépend souvent de ces deux critères. 3.1.2 Les limites de cette mise en question Comme je l’ai déjà introduit précédemment, faire preuve d’esprit critique peut permettre de progresser et d’enrichir ses réflexions. Cependant il faut apprendre à se modérer et à ne pas douter de tout constamment. Dans le cas de notre travail nous avons fait en sorte de ne pas demander aux élèves d’analyser constamment les images par le simple fait de se poser des questions. Nous nous sommes efforcées de les amener progressivement à passer d’une attitude contemplative à une attitude qui tient plus du domaine de la réflexion. C’est grâce à l’expérience que les élèves développeront leur esprit critique, car ce n’est pas quelque chose que l’on apprend, c’est quelque chose que l’on acquiert au fur et à mesure de nos expériences. Odile Chenevez, formatrice Tice et Clémi à l’I.U.F.M. d’Aix-en-Provence, nous fait part de son opinion à ce sujet en écrivant : « … on n’enseigne pas l’esprit critique, il n’existe aucune méthode d’« esprit critique en cinquante leçons », à délivrer selon une posologie savante »7. Quand les élèves ont analysé des images publicitaires et lorsqu’ils ont fait la lecture du tableau de Nicolas Poussin, je n’ai décelé à aucun moment une interprétation farfelue d’un élément. Je n’ai pas senti qu’ils essayaient de décoder tout et n’importe quoi. Une remise en question systématique aboutirait à laisser les élèves penser que l’on peut douter de tout et les amènerait éventuellement à ne plus avoir confiance ni en les personnes qui les entourent, ni en eux. Dans ce cas de figure, l’esprit critique que l’on souhaiterait voir se développer chez ces personnes, se transformerait en 7 Esprit es-tu là ?. Cahiers pédagogiques, septembre 2000, n°386. 25 quelque chose de très handicapant pour toute sorte d’apprentissage. Il est donc important de ne pas forcer les élèves à trop se poser de questions, mais plutôt de les amener progressivement à adopter un comportement critique raisonné. C’est tout au long de leur scolarité qu’ils pourront acquérir un regard critique sur les choses qui les entourent. D’ailleurs les programmes du cycle central recommandent aux enseignants de faire en sorte d’amener les élèves à le développer. Ce regard critique « …renforce la formation intellectuelle des élèves et concourt à celle de citoyen, en développant leurs aptitudes à chercher, leur capacité à critiquer, justifier ou infirmer une affirmation en les habituant à s’exprimer clairement aussi bien à l’oral qu’à l’écrit. », « L’exercice de l’esprit critique et de la pratique de l’argumentation sont privilégiés dans les démarches pédagogiques. »8 L’un de nos objectifs en tant qu’enseignant est donc d’arriver à faire en sorte que les élèves construisent leur jugement de façon progressive. 3.2 Expression et confrontation des idées 3.2.1 Une possibilité de privilégier l’oral De même que l’apprentissage des savoirs, la prise de la parole a son importance dans toute la scolarité. Cela se manifeste par l’évaluation de plus en plus fréquente de la participation orale des élèves, quelle que soit la matière. Mettre une note d’oral n’est plus réservé qu’aux professeurs de langues et de français. C’est à présent tous les professeurs qui se doivent de valoriser la prise de la parole mais aussi de l’évaluer. Cependant, l’oral n’est pas une compétence que l’on évalue facilement. Dernièrement j’écoutais des enseignants exprimer les difficultés qu’ils rencontrent pour arriver à mettre une note d’oral la plus objective possible. Apparemment, les moyens d’évaluation ne sont pas toujours très adaptés aux situations et les enseignants se sentent un peu démunis pour noter les élèves. Les séances que j’ai animées avec la classe de 4e E étaient principalement basées sur la participation orale. Bien que les élèves éprouvent parfois des difficultés à s’exprimer devant leurs camarades, les élèves de cette classe se sont bien prêtés au jeu et ont réellement manifesté un désir de s’investir à l’oral. Que ce soit pour permettre au cours de progresser en proposant leur contribution à l’apport théorique, ou en présentant leurs travaux au reste de la classe, les élèves ont tous participé à l’échange oral que je souhaitais instaurer. En faisant un rapide bilan avec eux lors de la dernière séance, ils m’ont dit avoir été contents de pouvoir s’exprimer souvent de cette manière, plutôt que d’avoir eu un cours plus théorique. Toutefois, pour que la prise de parole par un élève soit efficace il faut que le reste de la classe la respecte. Dans une situation où plusieurs élèves prennent la parole en même temps, il est 8 Ministère de l’Education nationale, de la recherche et de la technologie. Programmes du cycle central 5e et 4e. Paris : CNDP, 1997. 26 impossible de faire la part des choses et d’évaluer correctement ce qui a été dit. Il faut donc amener les élèves à respecter le temps de parole de chacun mais aussi les amener à être attentifs à ce qui est dit. La participation orale des élèves leur donnait l’opportunité d’exprimer leurs opinions et de pouvoir les partager avec le reste de la classe. C’est ce que nous avons fait lors de la lecture de l’image commune où chacun donnait son avis. La bonne entente dans la classe favorisait également la prise de la parole. Chaque élève pouvait s’exprimer librement sans crainte d’être jugé par ses camarades. Cet exercice demandait de leur part de structurer leur discours et de s’exprimer de la façon la plus claire et intelligible possible. Toujours dans le but de favoriser l’oral, il me semble important de laisser les élèves s’exprimer librement et de les laisser aller jusqu’au bout de leurs pensées. Parfois, si certains élèves n’osent pas prendre la parole en classe, cela peut être à cause de leur timidité et de leur difficulté à s’exprimer devant plusieurs personnes, mais cela peut venir aussi d’un manque de confiance et de la peur de dire quelque chose de faux. Je pense qu’il est bon de rappeler aux élèves que tout le monde peut faire des erreurs et que c’est grâce à celles-ci que l’on peut progresser. D’après mon expérience au sein de cette classe mais aussi celle que j’ai acquise tout au long de mon année de stage, j’ai vu combien l’oral permet de favoriser les échanges et d’enrichir les cours. D’autre part, certaines interventions permettent à la fois aux élèves mais aussi à l’enseignant de rebondir en exprimant une nouvelle idée ou une nouvelle notion. 3.2.2 Améliorer la maîtrise des langages Quand on entend qu’il faut faire en sorte que les élèves arrivent à une meilleure maîtrise des langages, de quels langages parle-t-on exactement ? Il faut dire qu’il en existe un certain nombre, du langage écrit, oral en passant par le langage corporel et comme mon travail l’indique celui des images. L’ancien ministre de l’éducation, Jack Lang, précisait dans son discours du 5 avril 2001 ses exigences relatives à la maîtrise des langages : « Il est essentiel de garantir une cohérence susceptible, notamment, de dégager certaines compétences : aptitude à formuler clairement sa pensée à l’oral comme à l’écrit, imagination créatrice, distance critique, sens de la complexité ». Comme cela le laisse entendre, la maîtrise des langages se présente comme une priorité de l’enseignement. Pour répondre à cette demande, ce sont tous les professeurs et donc toutes les disciplines qui sont concernées. L’apprentissage de la langue et des langages est indispensable à une bonne compréhension. Les séances que j’ai animées constituaient principalement un apport dans le domaine du langage des images. Tout au long de nos rencontres, les élèves ont vraiment considéré les images comme des supports d’informations. Or, pour transmettre une information, il faut utiliser un langage adapté afin que le public que l’on vise soit susceptible de le décoder. C’est bien un des objectifs que je m’étais fixés : dans un premier temps faire prendre conscience aux élèves que l’image est un 27 moyen de véhiculer des messages, et dans un second de découvrir le langage utilisé pour faire passer ces messages. Dans le cadre de mon travail je me suis servie de l’image comme un moyen éventuel d’éveiller l’esprit critique des élèves, et pas seulement comme une simple illustration de mon propos. L’image publicitaire devenait un outil d’analyse qui donnait lieu à des observations et des réflexions. C’est à partir de cela que l’image est à la base de la structuration de la pensée de l’élève, et de sa compréhension. Tous ces facteurs sont à mon sens essentiels pour arriver à une meilleure maîtrise des langages. C’est aussi pourquoi on parle de lecture d’image, la lecture faisant partie des bases à maîtriser pour pouvoir progresser. Si au départ de notre projet nous souhaitions accorder plus d’importance à la rédaction de petits textes tels que des accroches, des slogans et des textes informatifs et argumentatifs, notre emploi du temps ne nous a pas permis de consacrer beaucoup de temps à cela. C’est lors de la réalisation des affiches publicitaires que les élèves ont pu passer un peu de temps à la rédaction de quelques textes. Ce travail leur a demandé en particulier de bien formuler leurs arguments, à la fois écrits et visuels, pour être convaincants auprès du public auquel ils avaient choisi de s’adresser. De même, lorsqu’ils ont dû confectionner la définition de la publicité en utilisant les mots qu’ils avaient choisis pour la représenter, les élèves ont dû structurer et hiérarchiser leur pensée pour nous proposer une définition sensée et articulée de manière logique. Enfin, même si ce langage n’est pas celui que l’on utilise dans les établissements scolaires, les élèves ont abordé d’un peu plus près le langage publicitaire. On a pu parler de la polysémie des mots grâce aux termes, accroche et cible qui n’ont pas la même signification dans un contexte différent. Lors d’un stage sur la maîtrise des langages, nous avons échangé sur le fait que chaque discipline peut donner un sens différent à un même mot, ce qui demande aux élèves de s’adapter à cette situation. Il est donc intéressant de remettre chaque chose à sa place et en l’occurrence chaque mot dans son contexte. Même si on ne s’en rend pas toujours compte, le vocabulaire que l’on emploie en classe doit être adapté à notre public et le cas échéant explicité. 3.3 Un travail pour rendre l’élève plus autonome 3.3.1 Pouvoir réinvestir selon le contexte Un des objectifs que nous avons en tant qu’enseignant, est que l’élève puisse réinvestir ce que nous lui avons appris, ce qu’il a retenu et compris. Quel intérêt y aurait-il à ce qu’un élève ne retienne que pour la durée de quelques semaines ou quelques mois ce qu’il a appris ? Non seulement nous souhaitons qu’il mette à profit ses savoirs dans l’avenir, mais aussi qu’il sache les adapter à la situation devant 28 laquelle il pourra se retrouver. Par réinvestir on peut entendre aussi pratiquer. N’importe quelle personne qui a fait un stage en informatique mais qui n’a pas eu l’occasion de refaire, de réinvestir ce qu’elle avait appris, se trouve souvent dans une situation qui revient au même que si elle n’avait pas suivi cette formation. Cela est bien souvent vérifiable dans le milieu scolaire. Les exercices de mathématiques permettent de vérifier des formules, les expériences pratiquées en chimie donnent la possibilité de vérifier des équations et dans bien d’autres matières on procède de cette façon. Dans le cas de la documentation et il est intéressant, après une initiation au logiciel documentaire BCDI, de faire pratiquer ces nouveaux savoirs et savoirfaire aux élèves à travers une recherche grandeur nature en liaison avec une discipline. Grâce à ces activités, la théorie prend tout son sens et n’a plus seulement une valeur abstraite aux yeux des élèves. Afin d’initier les élèves à la lecture d’image nous avons bien évidemment besoin d’un support. Dans mon cas, j’ai choisi d’utiliser l’image de publicité pour sensibiliser les élèves à cette pratique. Au fur et à mesure des séances, les élèves ont décelé puis compris quels étaient les éléments qui rentraient en compte dans la lecture d’une image. Le fait qu’ils soient déjà familiarisés à ce support a favorisé leur intérêt et la progression des apprentissages. La grande quantité de publicités dont les élèves mais aussi les adultes sont abreuvés ne permet pas d’avoir un regard critique. Nous nous contentons de recevoir l’information, le message que le publicitaire souhaite faire passer. En prenant plus de temps pour les regarder, et dans notre situation pour les analyser, nous avons tous appris beaucoup de choses sur les moyens mis en œuvre par les publicitaires pour nous convaincre. Il reste maintenant à voir si ce nouveau regard que nous portons sur ce type d’image peut être réinvesti dans un autre cadre de travail. C’est dans cet objectif que j’ai voulu évaluer si les élèves étaient capables de construire la même analyse sur un support différent. Pour la lecture du tableau de Nicolas Poussin, les élèves ont su adapter la méthode que nous avions mise en évidence auparavant. Certes, la lecture d’une œuvre telle que Le jugement de Salomon ne fait pas appel à la même forme de critique que nous avions exploitée. Néanmoins, le fait de représenter un personnage habillé avec telles couleurs ou dans telle position peut aussi s’analyser, et les élèves l’ont apparemment ressenti. Ceci traduit quand même que les élèves ont fait preuve d’esprit critique. Désormais il serait intéressant de voir si ce comportement lucide et distant par rapport aux images qui leur sont proposées, peut se vérifier avec un tout autre type de document. Afin de poursuivre ce travail, je vais proposer à madame Mailfert de nous rencontrer à nouveau avec cette classe pendant la semaine de la presse. Les articles de presse, parfois associés à des photographies, représentent également un bon support de travail pour éveiller l’esprit critique des élèves. Il sera intéressant de voir comment ces élèves qui ont déjà été sensibilisés à cet exercice, réagissent en présence d’articles de presse. 29 3.3.2 Un plus pour la recherche documentaire Il arrive de plus en plus souvent que les enseignants demandent des productions de documents à leurs élèves. Ces productions, souvent appelées à tort exposés, sont fréquemment des petits dossiers présentant leurs sujets de recherche. En tant que documentaliste nous devons aider les élèves à avoir une démarche de recherche adaptée aux situations qu’ils rencontrent ainsi qu’à structurer leur travail. Il m’arrive de constater que certains élèves souhaiteraient présenter uniquement une multitude de photocopies en tout genre ainsi que des impressions de documents sortis tout droit d’une encyclopédie multimédia ou de sites internet. Or le travail qui est demandé aux élèves ne se limite pas à cela, et fort heureusement. Il est parfois difficile de faire admettre aux collégiens que le but de leur recherche ne se limite pas à trouver l’information demandée, mais aussi de la comprendre afin de l’exploiter. Comme je l’ai exposé dans ma première partie, on peut observer que les élèves éprouvent certaines difficultés à trouver la source d’information la plus adaptée à leur recherche. Certains demanderont même à faire une recherche sur internet, simplement pour trouver la date de naissance d’un écrivain comme Victor Hugo, alors qu’il suffit de consulter un dictionnaire des noms propres. A ce problème s’ajoute la sélection de l’information. Cela est en partie causé par le manque d’esprit critique dont ils font preuve. Ils n’ont pas le réflexe de vérifier l’origine des documents et ne définissent pas souvent au préalable des critères de pertinence. Comme je l’ai déjà évoqué, l’esprit critique ne s’apprend pas, il se développe à travers les expériences que nous vivons. Pour parvenir à susciter cet esprit de discernement chez les élèves, ce sont tous les enseignants qui doivent se mobiliser et le documentaliste en fait bien évidemment partie. 30 Conclusion Après ces quelques séances consacrées à la lecture de l’image, le moment est arrivé d’en faire le bilan. Grâce à la diversité des activités que j’ai animées et aux échanges que j’ai pu avoir avec les élèves et leur professeur de français, j’ai le sentiment que les objectifs que je m‘étaient fixés lors de la mise en place de ce projet ont été en grande partie atteints. Désormais en possession de moyens pour mieux comprendre les images et conscients des fonctions et des rôles que celles-ci peuvent avoir, les élèves m’ont fait savoir lors de notre dernière rencontre, qu’ils n’aborderaient plus les images de la même façon, et plus particulièrement les publicités. Il ne faut néanmoins pas oublier que ce projet pédagogique pourrait s’inscrire dans une séquence de plus grande envergure sur l’éveil et le développement de l’esprit critique. La lecture du Jugement de Salomon les a intéressés mais aussi surpris dans le sens où ils n’avaient pas tous réalisé qu’un tableau puisse raconter et avoir une histoire. Bien que modeste, ce travail a peut-être permis à quelques élèves d’avoir une autre vision des arts picturaux. Comme je l’ai évoqué précédemment, je souhaiterais poursuivre cette expérience en utilisant cette fois-ci d’autres supports. La semaine de la presse pourrait être l’occasion de se pencher à nouveau sur le sujet. Cela nous permettrait de voir comment les élèves abordent la presse mais aussi de leur montrer comment on peut l’aborder. Le travail avec une classe sur les thèmes de l’image ou de la presse est parfois négligé par les enseignants. Cela peut s’expliquer par le fait qu’ils ne reçoivent pas ou peu de formations sur ces sujets. Il serait intéressant que le professeur-documentaliste s’investisse dans ces domaines en proposant pourquoi pas de co-animer des séances. Pour autant, il ne s’agit pas de faire le travail du professeur de français ou d’éducation civique. Ce type de partenariat n’implique pas seulement un contenu disciplinaire mais aussi un contenu documentaire. Est-il la peine de rappeler que chaque enseignant doit faire en sorte que l’élève arrive à un jugement raisonné des choses et de l’amener à adopter un comportement citoyen ? Lorsque nous demandons aux élèves de travailler par groupes, nous attendons souvent de cette organisation que la réflexion soit plus riche. C’est aussi à mon sens le cas d’une collaboration professeur de discipline / professeur documentaliste. Les quelques semaines que j’ai partagées avec ces élèves de quatrième ont passé très vite mais j’ai le sentiment d’avoir beaucoup appris en matière de gestion de la classe, du travail en collaboration avec un enseignant, ainsi qu’en lecture d’image. Le fait de demander aux élèves de faire preuve d’esprit critique est bien normal, mais il faut également penser que cette démarche est aussi valable pour nous. Analyser son travail peut paraître fastidieux, mais dans le but de progresser et de se renouveler il est important d’accepter de se remettre en question. 31 Bibliographie - COLZY, Alain, MARCHAL, Raphaël et WATEAU, Fabrice. L’image au collège. Paris : Belin, 2002. - FOZZA, Jean-Claude, GARAT, Anne-Marie, PARFAIT, Françoise. La petite fabrique de l'image. Parcours théorique et thématique : 180 exercices. Paris : Magnard, 1988. - LA BORDERIE, René. Education à l'image et aux médias. Paris : Nathan, 1997. (Repères pédagogiques). - POUPELIN, Michel et MONTHUS, Marie. Guide à l’usage des documentalistes et de leurs partenaires dans l’établissement. Paris : Centre National de Documentation Pédagogique (CNDP) ; Hachette éducation, 1993. - France. Ministère de l’Education nationale. Missions des personnels exerçant dans les centres d’information et de documentation : circulaire n°86-123 du 13 mars 1986. Bulletin officiel du ministère de l’Education nationale, 27 mars 1986, n°12, p. 1147-1149. - France. Ministère de l’Education nationale, de la recherche et de la technologie. Programmes du cycle central 5e et 4e. Paris : Centre National de Documentation Pédagogique (CNDP), 1997. (Collège). - GIRAUDO, Lucien. L'analyse d'image . Nouvelle revue pédagogique, janvier 2001, n° 5, p.11-34. - L’image au collège. Ecole des Lettres collèges, 15 septembre 1998, n° 11, p. 1-197. - Esprit critique es-tu là ?. Cahiers pédagogiques, septembre 2000, n°386. - Musée de la publicité. (page consultée le 07/12/2002). [en ligne]. Adresse URL : http://www.ucad.fr/pub/. - Académie de Reims. (page consultée le 05/01/2003). [en ligne]. Adresse URL : http://www.ac-reims.fr/datice/CDI/Image/imagesom.htm 32 Annexes Annexe 1 : déroulement des séances Annexe 2 : fiche guide Annexe 3 : réaliser une image publicitaire Annexe 4 : productions des élèves Annexe 5 : fiche bilan annotée 33 Annexe 1 Déroulement des séances : Mardi 21 janvier au C.D.I. * Présentation du sujet aux élèves * Définition de la publicité Lundi 27 janvier en salle 109 * Quels sont les composants d’une image publicitaire ? * Travail sur l’esthétisme, le slogan, l’accroche… * Travail en commun sur une publicité Mardi 4 février au C.D.I. * Point sur les 2 semaines précédentes * Introduction de la fonction dénoté / connoté * Présentation d’une publicité par un élève Mardi 11 février au C.D.I. * Présentation des objectifs pour faire une image publicitaire * Choix des éléments pour faire la publicité Mardi 4 mars au C.D.I. * Réalisation des publicités Vendredi 14 mars en salle informatique * Lecture du tableau de Nicolas Poussin * Bilan de la séquence 34 La lecture de l’image L’image publicitaire Annexe 2 Le publicitaire a des buts : • • • faire vendre, attirer l’attention, rester dans les mémoires. Pour cela il utilise différents moyens : • • • la composition de l’image, des références connues ou surprenantes, la connaissance du public visé. Il travaille sur le contenu de l’image : • • • • qualités du produit, embellir le produit, faire rêver, associer le produit à des personnalités. La forme Verbale Un slogan Une accroche Un texte informatif et argumentatif Des renseignements sur la marque Iconographique L’image du produit Les couleurs, la luminosité Des lignes et des formes Un contexte Le point de vue Logo Le fond L’image publicitaire cherche à ___________________ une _____________ par des _________________. Comprendre le sens dénoté et le sens connoté d’une image. : quelques éléments Les couleurs : bleu : fraîcheur, calme rouge : puissance, amour, chaleur Les mots , les images : la balance : la justice _________________________ la colombe : la paix noir : _____________________________ blanc : ____________________________ l’écureuil : le lion : ___________________________ Le sens dénoté représente : _____________________________________________________ ___________________________________________________________________________ Le sens connoté représente : ____________________________________________________ 35 Annexe 3 Lecture de l’image Réaliser une image publicitaire Au cours des séances précédentes nous avons abordé les notions d’esthétique, d’argumentation, de connotation. Aujourd’hui c’est à vous de faire passer un message, de vous mettre dans la peau du parfait publicitaire. Votre travail doit s’appuyer sur les activités que nous avons faites ensemble et comporter les éléments dont nous avons parlé (slogan, accroche, logo…). Vous devez choisir : - le produit : __________________________________________ - la cible : ____________________________________________ - le nom du produit : ____________________________________ - la marque : __________________________________________ Etc… 36 Annexe 4 37 Annexe 4 bis 38 Annexe 5 La lecture de l’image : Bilan 1. Le travail sur la lecture de l’image t’as : beaucoup intéressé(e) intéressé(e) peu intéressé(e) pas intéressé(e) 2. Classe ces activités par ordre de préférence (de 1 à 4) analyser une image aborder le sens connoté d’une image découvrir les éléments de lecture d’une image réaliser une publicité 3. As-tu le sentiment d’avoir appris : beaucoup peu rien suffisamment 4. Pense-tu que ton regard sur les images va (ou a) changé ? beaucoup moyennement peu pas du tout 5. Remarques complémentaires (organisation, apprentissages, intérêts…) _________________________________________________________________ _________________________________________________________________ _________________________________________________________________ _________________________________________________________________ 39 Annexe 5 bis 40 Développer l’esprit critique de l’élève grâce à la lecture de l’image Résumé : L’éducation à l’image a désormais sa place dans les programmes officiels, de la maternelle au lycée. En outre, chaque enseignant doit faire en sorte d’amener les élèves à adopter un jugement raisonné en stimulant leur esprit critique. L’objet de ce mémoire est de savoir quel rôle peut jouer le documentaliste dans un tel contexte et de montrer comment l’image publicitaire peut être un facteur de développement de l’esprit critique. Mots-clés : lecture de l’image / image publicitaire / sens critique / langage Etablissement : Collège Louis Pasteur, Montbard Classe de 4e 41